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Que signifie "exister" ?

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Message par Kercos Lun 7 Oct 2024 - 13:38

denis_h a écrit:
Kercos a écrit:Pour l'agir, il faut des certitudes.

c'est le principe de précaution.

mais il ne s'agit pas de "certitudes" au sens de 2+1=3 ou "j'ai 2 mains",

seulement d'évaluations et d'estimations.

Non. Je parle bien de certitudes. En partant d'un point de vue éthologique, des insectes aux humains, le comportement (donc l'agir pour l'individu) est le seul critère a examiner si l'on cherche l'objectivité. La survie des espèces dicte ces comportement, donc l'agir. Et l'individu ne peut agir sans certitude......qu'elle soit issue du savoir (inné , ou non inné) , ou de la croyance pour notre espece. Pour nous, la croyance est nécessaire depuis que la "raison" a mis en doute nos "savoirs" issus de l'éthologie.....Pas que la raison ait tort ...mais parce que les comportements antérieurs avaient une garantie décennale (en millions d'années) en terme d'efficacité....

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Message par denis_h Lun 7 Oct 2024 - 14:30

pas sûr de bien te comprendre, kercos...

veux tu dire que la certitude est synonyme de la croyance ?
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Message par Kercos Lun 7 Oct 2024 - 15:36

denis_h a écrit:pas sûr de bien te comprendre, kercos...

veux tu dire que la certitude est synonyme de la croyance ?

Je veux dire que pour notre espèce, la croyance remplace le savoir instinctif ou inné des animaux.
L'important c'est le comportement. Seuls ceux qui suivent certains comportements survivent (se reproduisent mieux). Comme nous avons fait émerger la "raison" ...et que celle ci va nous faire douter de certains comportements ( comme n'étant pas rationnels puisqu'ils servent l'intéret du groupe et non l'intéret du raisonneur)...., il faut donc à la "raison" une raison de poursuivre ces comportements non raisonnables.......: d'ou des croyances mystiques ou autres ....ce sont LES COMPORTEMENTS qui importent.

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Message par denis_h Lun 7 Oct 2024 - 18:05

bah moi je veux bien, kercos, mais plus haut tu disais qu'on agit (comportement) que quand on a des certitudes...

peut-être penses-tu que avoir une certitude (ou une croyance) est déjà un comportement ?
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Message par alain Lun 7 Oct 2024 - 21:35

baptiste a écrit:
alain a écrit:
D'ailleurs nous en tirons un lrofond sentiment de culpabilité par rapport aux autres espèces, que nous n' avons pas hésité à asservir.

Et notre folie, c' est également de ne pas respecter la nature qui pourtant est indispensable à notre survie.

Je ne suis pas sûr que le sentiment de culpabilité soit largement partagé. Je crois surtout que nous vivons, selon le credo de Vanleer, qui dit « peut importe le flacon la réalité pourvu qu’on ait l’ivresse ».

Et pour finir, tout au moins en ce qui me concerne, puisque c’était la question originale : « exister » c’est, comme le disait mieux que moi Blaise,  d’abord « bien penser », et pour cela utiliser sa raison en en connaissant ses limites.

« La raison agit avec lenteur et avec tant de vues sur tant de principes, lesquels il faut qu’ils soient toujours présents, qu’à toute heure elle s’assoupit ou s’égare, manque d’avoir tous ses principes présents. Le sentiment n’agit pas ainsi. Il agit en un instant et toujours est prêt à agir ».

en se souvenant que nous ne sommes pas de pur esprits pensant

« Car il ne faut pas se méconnaître, nous sommes automate autant qu’esprit. Et de là vient que l’instrument par lequel la persuasion se fait n’est pas la seule démonstration. Combien y a‑t‑il peu de choses démontrées ! Les preuves ne convainquent que l’esprit. La coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues : elle incline l’automate qui entraîne l’esprit sans qu’il y pense. Qui a démontré qu’il sera demain jour et que nous mourrons, et qu’y a‑t‑il de plus cru ? C’est donc la coutume qui nous en persuade. C’est elle qui fait tant de chrétiens, c’est elle qui fait les Turcs, les païens, les métiers, les soldats, etc. »

enfin en étant aussi conscient  du risque de se soumettre à son imaginaire

« C’est cette partie dominante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours, car elle serait règle infaillible de vérité si elle l’était infaillible du mensonge. Mais étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux. Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages et c’est parmi eux que l’imagination a le grand droit de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses. »


C’était il y a quatre siècle et c'est toujours aussi pertinent.

Le scepticisme bien compris est hiérarchique mais n’est pas  nihiliste c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.

Comme le remarquent Victor et Bergame , le premier des philosophes doutait, mais ce fut rarement le cas de ses successeurs.

« La situation de dépendance de la philosophie par rapport aux sources extrinsèques du savoir est plus accentuée qu’on pourrait le penser, car la science ne s’interdit pas d’étudier le champ des valeurs. Il existe une sociologie, une ethnologie, une histoire, une psychologie, une psychanalyse, et même une biologie et une éthologie des valeurs, des morales et des « impératifs catégoriques ». Certes, la science des valeurs les étudie comme des faits. Elle rabat le devoir-être sur l’être. Mais n’est-ce pas la seule façon d’en dire quelque chose de vrai ? Comment discriminer le vrai du faux si l’on ne vérifie rien ? Quels sont les moyens dont dispose un esprit pur de vérifier la véracité de ce qu’il pense ? Aucun, sinon l’effort qu’il fait, de bonne foi, pour penser droit, pour réfléchir sur des intuitions justes, pour raisonner sans sophisme. Mais comme l’histoire de la philosophie est faite de doctrines contradictoires pourtant défendues pas d’honnêtes penseurs, nous sommes bien obligés de reconnaître l’insuffisance de la pensée pure pour trouver des vérités universelles. »
D' accord.
Bonne " conclusion ".
Oui, le génie de Pascal est toujours,aussi pertinent aujourd' hui !
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Message par ashaku Mer 9 Oct 2024 - 0:12

baptiste a écrit:c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.
Mais du coup, comment définir l'existence pour ce qui n'est pas humain ?

ashaku
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Message par Kercos Mer 9 Oct 2024 - 8:36

ashaku a écrit:
baptiste a écrit:c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.
Mais du coup, comment définir l'existence pour ce qui n'est pas humain ?

Effectivement le titre du fil est complètement HS au regard du contenu ...et réciproquement. Les intervenants confondent exister et etre conscient de son existence ....voire pire : etre conscient de sa conscience serait synonyme d'exister.

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Message par baptiste Mer 9 Oct 2024 - 9:11

ashaku a écrit:
baptiste a écrit:c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.
Mais du coup, comment définir l'existence pour ce qui n'est pas humain ?

Tu veux dire pour la salade en tant que salade? Bien elle existe parce que je la mange, ma table existe parce que je me cogne parfois les pieds, comme d’ailleurs l’humain à la base qui indubitablement existe, mais la salade et la table n’ont aucun questionnement existentiel...Remarque que certains humains n’en ont guère plus. La question de la définition de l’existence ne se pose pas à partir de l’objet salade ou table mais à partir du cerveau qui pense. Si la question de l'existence se posait à partir de l'objet parlerait-on de dieu, de la liberté, de la justice...

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Message par Kercos Mer 9 Oct 2024 - 9:25

Réserver la qualité d'existant à notre espèce ? ...ou à ce que notre espèce autorise ...un peu présomptueux non ?
Du coup j'ai un doute pour la "matière noire"...et les "non humains" de Descola.

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Message par ashaku Mer 9 Oct 2024 - 10:15

baptiste a écrit:Tu veux dire pour la salade en tant que salade? Bien elle existe parce que je la mange, ma table existe parce que je me cogne parfois les pieds, comme d’ailleurs l’humain à la base qui indubitablement existe, mais la salade et la table n’ont aucun questionnement existentiel...Remarque que certains humains n’en ont guère  plus. La question de la définition de l’existence ne se pose pas à partir de l’objet salade ou table mais à partir du cerveau qui pense. Si la question de l'existence se posait à partir de l'objet parlerait-on de dieu, de la liberté, de la justice...
L'existence d'un objet inerte se définirait par l'interaction qu'un objet conscient aurait avec lui, en somme. C'est l'histoire du bruit de l'arbre qui tombe sans aucun témoin. J'ai tendance à penser la même chose avec la phrase "à chaque fois qu'une chose est constatée existante, le point commun à toutes ces expériences est qu'il y a une conscience à l'origine de ce constat".

Mais il y a tout de même des problèmes avec cette vision car des choses existent sans que nous les percevions, comme les infrasons ou les ultrasons, l'infrarouge et l'ultraviolet. Comment expliquer leur existence sans interaction avec une conscience ? De plus, si on résonne à rebours, comment existaient les choses qui ont donné naissance à la conscience ?

Cette définition par le lien avec une conscience me semble plus correspondre au concept de "réalité" que d'existence.

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Message par Vanleers Mer 9 Oct 2024 - 11:14

ashaku a écrit:
baptiste a écrit:c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.
Mais du coup, comment définir l'existence pour ce qui n'est pas humain ?

Je cite à nouveau Wikipédia:

Wikipédia a écrit:Cependant, au sens étymologique, « existence » possède une signification plus précise. Existere (en latin archaïque exsistere, soit ex + sistere), « sortir de », « se manifester, se montrer , interprété par certains philosophes comme « être hors de soi », donc être auprès des choses. En ce dernier sens, « existence » ne pourrait s'appliquer qu'à l'homme proprement dit, et nullement aux simples choses : seul l'homme existe. C'est en ce sens que l'existentialisme et Jean-Paul Sartre usent de ce terme. Il en est de même chez Martin Heidegger dans son livre Être et Temps et chez Emmanuel Levinas. L'existence chez Heidegger ne concerne que l'homme ; les choses et les animaux sont simplement là. Dans l'existence, on trouve l'idée de vie, avec ses fragilités et ses incertitudes, mais aussi celle d'un mouvement, d'un « avoir-à-être » ou d'un « faire-place-à-être » (entendu comme exposition à l'être) qui ne concerne que le Dasein.

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Message par alain Mer 9 Oct 2024 - 12:03

ashaku a écrit:
baptiste a écrit:Tu veux dire pour la salade en tant que salade? Bien elle existe parce que je la mange, ma table existe parce que je me cogne parfois les pieds, comme d’ailleurs l’humain à la base qui indubitablement existe, mais la salade et la table n’ont aucun questionnement existentiel...Remarque que certains humains n’en ont guère  plus. La question de la définition de l’existence ne se pose pas à partir de l’objet salade ou table mais à partir du cerveau qui pense. Si la question de l'existence se posait à partir de l'objet parlerait-on de dieu, de la liberté, de la justice...
L'existence d'un objet inerte se définirait par l'interaction qu'un objet conscient aurait avec lui, en somme. C'est l'histoire du bruit de l'arbre qui tombe sans aucun témoin. J'ai tendance à penser la même chose avec la phrase "à chaque fois qu'une chose est constatée existante, le point commun à toutes ces expériences est qu'il y a une conscience à l'origine de ce constat".

Mais il y a tout de même des problèmes avec cette vision car des choses existent sans que nous les percevions, comme les infrasons ou les ultrasons, l'infrarouge et l'ultraviolet. Comment expliquer leur existence sans interaction avec une conscience ? De plus, si on résonne à rebours, comment existaient les choses qui ont donné naissance à la conscience ?

Cette définition par le lien avec une conscience me semble plus correspondre au concept de "réalité" que d'existence.
Il y aurait peut être deux façons de définir l' existence :
Ce qui existe en soi
Et ce qui existe en relation avec notre conscience.

C' est un peu rapide de conclure que la ou il n' y a pas conscience il ne peut y avoir existence.

Même si pour l' humain,  " exister " , à part entière,  c' est être en relation.
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Message par Kercos Mer 9 Oct 2024 - 14:30

alain a écrit:

Même si pour l' humain,  " exister " , à part entière,  c' est être en relation.

Dans ce sens, à mon avis fautif, ce serait plutôt sortir du déterminisme ou des rails statistiques de comportements déterminés ....
Par exemple faire des contre choix qui permettent d'accéder à des informations non déterminés, et ainsi appréhender un évènement futur avec un peu plus d'objectivité pour faire un choix non déterminé.

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Message par alain Mer 9 Oct 2024 - 19:29

Kercos a écrit:
alain a écrit:

Même si pour l' humain,  " exister " , à part entière,  c' est être en relation.

Dans ce sens, à mon avis fautif, ce serait plutôt sortir du déterminisme ou des rails statistiques de comportements déterminés ....
Par exemple faire des contre choix qui permettent d'accéder à des informations non déterminés, et ainsi appréhender un évènement futur avec un peu plus d'objectivité pour faire un choix non déterminé.
Tu peux m' en dire plus la dessus ?
" Fautif ", cela signifie ?

Cela signifierait que si l' existence est percue comme un ensemble de relations  nous pouvons faire des choix plus objectifs, moins déterminés ?
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Message par Saint-Ex Mer 9 Oct 2024 - 20:37

.

Mon grain de sel, en passant :

De tous les points de vue philosophiques sur l'existence (celui de la métaphysique, de l'existentialisme, de la philosophie analytique, de la phénoménologie) celui que je préfère, c'est celui de Spinoza, chez qui l'existence est liée à l’idée de la substance.

La seule substance qui existe en soi, c'est la Nature. Toutes les autres choses existent en tant qu'expressions ou modifications de cette substance.

Exister, c’est donc participer à cette substance. C’est donc participer à la Nature.

.

_________________
Le matérialisme scientifique est une philosophie.
Le matérialisme scientifique n’est autre que la philosophie logiquement appropriée à l’activité scientifique.
Au nom de l'art, de la science et de la philosophie, ainsi soit-il.
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Message par aliochaverkiev Jeu 10 Oct 2024 - 9:48

Le problème de la philosophie grecque c'est que personne ne sait au juste ce que le locuteur veut signifier quand il emploie des mots tels que substance ou Nature. C'est l'une des raisons pour laquelle de nombreux savants parmi les physiciens annoncent depuis longtemps la mort de la philosophie (grecque). Au moins les scientifiques tentent de définir les mots qu'ils emploient de telle manière que cette définition devienne compréhensible pour l'ensemble des mortels

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Message par aliochaverkiev Jeu 10 Oct 2024 - 9:55

alain a écrit:
ashaku a écrit:
baptiste a écrit:Tu veux dire pour la salade en tant que salade? Bien elle existe parce que je la mange, ma table existe parce que je me cogne parfois les pieds, comme d’ailleurs l’humain à la base qui indubitablement existe, mais la salade et la table n’ont aucun questionnement existentiel...Remarque que certains humains n’en ont guère  plus. La question de la définition de l’existence ne se pose pas à partir de l’objet salade ou table mais à partir du cerveau qui pense. Si la question de l'existence se posait à partir de l'objet parlerait-on de dieu, de la liberté, de la justice...
L'existence d'un objet inerte se définirait par l'interaction qu'un objet conscient aurait avec lui, en somme. C'est l'histoire du bruit de l'arbre qui tombe sans aucun témoin. J'ai tendance à penser la même chose avec la phrase "à chaque fois qu'une chose est constatée existante, le point commun à toutes ces expériences est qu'il y a une conscience à l'origine de ce constat".

Mais il y a tout de même des problèmes avec cette vision car des choses existent sans que nous les percevions, comme les infrasons ou les ultrasons, l'infrarouge et l'ultraviolet. Comment expliquer leur existence sans interaction avec une conscience ? De plus, si on résonne à rebours, comment existaient les choses qui ont donné naissance à la conscience ?

Cette définition par le lien avec une conscience me semble plus correspondre au concept de "réalité" que d'existence.
Il y aurait peut être deux façons de définir l' existence :
Ce qui existe en soi
Et ce qui existe en relation avec notre conscience.

C' est un peu rapide de conclure que la ou il n' y a pas conscience il ne peut y avoir existence.

Même si pour l' humain,  " exister " , à part entière,  c' est être en relation.

Ce qui existe en soi renvoie à la chose en soi, concept abondamment développé qui, par ailleurs, me séduit comme champ de recherche intéressant.
Quant à la formule "ce qui existe en relation avec la conscience" elle n'est pas satisfaisante puisque personne ne sait définir la conscience.

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Message par aliochaverkiev Jeu 10 Oct 2024 - 10:01

Vanleers a écrit:
ashaku a écrit:
baptiste a écrit:c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.
Mais du coup, comment définir l'existence pour ce qui n'est pas humain ?

Je cite à nouveau Wikipédia:

Wikipédia a écrit:Cependant, au sens étymologique, « existence » possède une signification plus précise. Existere (en latin archaïque exsistere, soit ex + sistere), « sortir de », « se manifester, se montrer , interprété par certains philosophes comme « être hors de soi », donc être auprès des choses. En ce dernier sens, « existence » ne pourrait s'appliquer qu'à l'homme proprement dit, et nullement aux simples choses : seul l'homme existe. C'est en ce sens que l'existentialisme et Jean-Paul Sartre usent de ce terme. Il en est de même chez Martin Heidegger dans son livre Être et Temps et chez Emmanuel Levinas. L'existence chez Heidegger ne concerne que l'homme ; les choses et les animaux sont simplement là. Dans l'existence, on trouve l'idée de vie, avec ses fragilités et ses incertitudes, mais aussi celle d'un mouvement, d'un « avoir-à-être » ou d'un « faire-place-à-être » (entendu comme exposition à l'être) qui ne concerne que le Dasein.

La recherche du sens d'un mot dans l'étymologie ou dans les écrits des anciens c'est vouloir figer le sens des mots dans une histoire donnée. Ce ne pas tenir compte de l'évolution du vivant. C'est tenter de minéraliser le vivant à la manière des fondamentalistes religieux qui en reviennent sans cesse aux écrits originels. C'est en quelque sorte nier la culture de l'oral qui fabrique sans cesse du sens, du sens nouveau, culture toujours fluente et en mouvement, telle un fleuve, au profit de la culture de l'écrit, immobilisée telle un glacier.

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Message par aliochaverkiev Jeu 10 Oct 2024 - 10:38

[/quote]

Mais il y a tout de même des problèmes avec cette vision car des choses existent sans que nous les percevions, comme les infrasons ou les ultrasons, l'infrarouge et l'ultraviolet. Comment expliquer leur existence sans interaction avec une conscience ? De plus, si on résonne à rebours, comment existaient les choses qui ont donné naissance à la conscience ?

[/quote]

Intéressante remarque (pour moi, relativement à ma façon de penser). En effet il existe, pour moi, des "choses", des réalités, indépendantes de notre perception. Je ne citerai toutefois pas l'infrarouge ni l'ultraviolet car ce sont encore des perceptions médiatisées par des instruments de mesure.

La perception en outre n'est pas une faculté passive. Percevoir est loin d'être neutre. La perception travaille dans une complexité qui nous échappe encore les réalités qui entrent en contact avec nous par la médiation des sens. Le travail opéré sur un flux de photons lorsque celui ci heurte nos cellules réceptrices est considérable. Ce que nous percevons, in fine, l'image par exemple d'un arbre n'est pas la réalité brute mais le résultat d'un travail de composition entre une réalité brute et notre travail cérébral. Notons de plus que le concept de photon est encore une élaboration cérébrale. Ce qui signifie que la réalité brute, avant qu'elle ne nous "heurte" est impossible à saisir, puisque nous ne pouvons saisir que ce qui nous "heurte" (ce qui entre "en relation"). Et encore, nous ne saisissons même pas ce qui nous heurte, nous saisissons seulement le "heurt" lui-même (la sensation).

Autre chose : il est dit, plus haut, qu'il est impossible de saisir l'existence à partir d'un objet. C'est pourtant ce que fait Sartre dans la Nausée. Son héros, dont je ne me souviens plus du nom, prend conscience de l'existence à partir de la prise de conscience de " l'existence" d'une racine. La racine lentement accède à l'existence ce qui inspire à Sartre du dégout (étonnant). Prendre conscience ici veut dire : saisir un message que je peux communiquer à autrui que cet autrui soit l'autre ou moi même, précision que j'apporte puisque par ailleurs je dis que le mot conscience, tout seul, est plutôt flou quant au sens)

Il est possible de sortir des discours éthérés en pratiquant l'expérience. Restez assis et regardez un arbre devant vous et efforcez vous de prendre conscience de son existence. C'est une expérience saisissante, qui demande du temps, l'oubli de soi et de la patience.

Cette expérience part de l'autre, de l'existence de l'autre, du consentement préalable à l'existence de l'autre, tandis que dans nombre de forum de philosophie nombreux sont ceux qui partent d'eux mêmes, qui ne consentent donc pas à accepter d'abord l'existence de l'autre.

Il y a deux philosophies : celle qui est centrée sur Moi, et celle qui est centrée sur l'Autre. Il y a la philosophie : moi d'abord, et la philosophie : toi d'abord.


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Message par Kercos Jeu 10 Oct 2024 - 11:04

Il semble que le langage soit le premier hologramme que notre espèce ait fabriqué.
Un mot, désignant un objet, ne peut se définir que par d'autre mots ...qui eux mêmes sont définis ..etc....

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Message par Vanleers Jeu 10 Oct 2024 - 11:10

aliochaverkiev a écrit:
Vanleers a écrit:
ashaku a écrit:
baptiste a écrit:c’est pourquoi « exister » pour l’humain indubitablement existant c’est simplement une capacité de penser en doutant.
Mais du coup, comment définir l'existence pour ce qui n'est pas humain ?

Je cite à nouveau Wikipédia:

Wikipédia a écrit:Cependant, au sens étymologique, « existence » possède une signification plus précise. Existere (en latin archaïque exsistere, soit ex + sistere), « sortir de », « se manifester, se montrer , interprété par certains philosophes comme « être hors de soi », donc être auprès des choses. En ce dernier sens, « existence » ne pourrait s'appliquer qu'à l'homme proprement dit, et nullement aux simples choses : seul l'homme existe. C'est en ce sens que l'existentialisme et Jean-Paul Sartre usent de ce terme. Il en est de même chez Martin Heidegger dans son livre Être et Temps et chez Emmanuel Levinas. L'existence chez Heidegger ne concerne que l'homme ; les choses et les animaux sont simplement là. Dans l'existence, on trouve l'idée de vie, avec ses fragilités et ses incertitudes, mais aussi celle d'un mouvement, d'un « avoir-à-être » ou d'un « faire-place-à-être » (entendu comme exposition à l'être) qui ne concerne que le Dasein.

La recherche du sens d'un mot dans l'étymologie ou dans les écrits des anciens c'est vouloir figer le sens des mots dans une histoire donnée. Ce ne pas tenir compte de l'évolution du vivant. C'est tenter de minéraliser le vivant à la manière des fondamentalistes religieux qui en reviennent sans cesse aux écrits originels. C'est en quelque sorte nier la culture de l'oral qui fabrique sans cesse du sens, du sens nouveau, culture toujours fluente et en mouvement, telle un fleuve, au profit de la culture de l'écrit, immobilisée telle un glacier.

Je ne vois pas pourquoi vous poussez des cris d’orfraie alors que je n’ai fait qu’apporter une information que tout le monde peut lire sur internet et en faire l’usage qu’il veut.

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Message par baptiste Jeu 10 Oct 2024 - 14:40

ashaku a écrit:
baptiste a écrit:Tu veux dire pour la salade en tant que salade? Bien elle existe parce que je la mange, ma table existe parce que je me cogne parfois les pieds, comme d’ailleurs l’humain à la base qui indubitablement existe, mais la salade et la table n’ont aucun questionnement existentiel...Remarque que certains humains n’en ont guère  plus. La question de la définition de l’existence ne se pose pas à partir de l’objet salade ou table mais à partir du cerveau qui pense. Si la question de l'existence se posait à partir de l'objet parlerait-on de dieu, de la liberté, de la justice...

L'existence d'un objet inerte se définirait par l'interaction qu'un objet conscient aurait avec lui, en somme. C'est l'histoire du bruit de l'arbre qui tombe sans aucun témoin. J'ai tendance à penser la même chose avec la phrase "à chaque fois qu'une chose est constatée existante, le point commun à toutes ces expériences est qu'il y a une conscience à l'origine de ce constat".

Mais il y a tout de même des problèmes avec cette vision car des choses existent sans que nous les percevions, comme les infrasons ou les ultrasons, l'infrarouge et l'ultraviolet. Comment expliquer leur existence sans interaction avec une conscience ? De plus, si on résonne à rebours, comment existaient les choses qui ont donné naissance à la conscience ?

Cette définition par le lien avec une conscience me semble plus correspondre au concept de "réalité" que d'existence.

Je me suis mal fait comprendre. Lorsque je me cogne à la table je peux confirmer son existence mais la table ne naît pas de cette expérience. Le jour où l’homme aura disparu de la surface de la terre parce que les conditions climatiques seront devenues incompatibles avec la vie humaine, l’homme disparaîtra mais ni la vie, ni la terre, tout du moins à ce moment là. La terre et la vie ont existé longtemps avant que l’homme et sa conscience d’exister apparaisse. L’existence du monde ne dépends pas de l’existence de l’esprit humain pour l’observer.

Nous pouvons parler des ultras sons, infras rouges...même s’ils se sont pas directement perceptibles, parce que nous avons les moyens de les observer par l’artifice d’instruments, comme nous pouvons « observer » des flux neuronaux. Tous existaient longtemps avant que nous soyons conscients de leurs existences. Tout peut exister indépendamment de l’homme qui observe et de la conscience qu’il a ou non des phénomènes.

Seule l’existence humaine au sein de tout ce qui existe pose problème. L’inquiétude à l’origine de la question existentielle procède de l’ignorance et se manifeste clairement dans la réflexivité. Toute considération métaphysique honnête s’avère inquiétante car elle permet de mesurer sa propre insuffisance : « la nature ne m’offre rien qui ne soit matière de doute et d’inquiétude ». Les sciences en répondant à une multitudes de questions en ont posé d’autres encore plus nombreuses.
« L’homme ne sait à quel rang se mettre. Il est visiblement égaré et tombé de son vrai lieu sans le pouvoir retrouver. Il le cherche partout avec inquiétude et sans succès dans des ténèbres impénétrables. »


Les réponses rationnelles, si elles existent, à l’existence du monde matériel, ne sont plus qu’affaire de connaissances scientifiques, toute autre prétendue voie de connaissances n’est qu’affaire de spéculations, de croyances qui consolent ou de purs fantasmes. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres possibles, juste que pour le moment rien n’indique que ces possibles soient autre chose que des possibles. Il est possible que ne signifie pas il y a.

Par contre les questions que pose l’existant sur sa propre existence sont d’un tout autre ordre.

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Message par Saint-Ex Jeu 10 Oct 2024 - 14:58

aliochaverkiev a écrit:Le problème de la philosophie grecque c'est que personne ne sait au juste ce que le locuteur veut signifier quand il emploie des mots tels que substance ou Nature. C'est l'une des raisons pour laquelle de nombreux savants parmi les physiciens annoncent depuis longtemps la mort de la philosophie (grecque). Au moins les scientifiques tentent de définir les mots qu'ils emploient de telle manière que cette définition devienne compréhensible pour l'ensemble des mortels

Les scientifiques français semblent avoir un préjugé favorable envers les définitions du CNRTL :


Entrez une forme

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SUBSTANCE, subst. fém.
I.
A. − PHILOSOPHIE
1. [P. oppos. à accident] Ce qui existe en soi, de manière permanente par opposition à ce qui change. Attribut, mode, qualité d'une substance. Qu'il y ait, par derrière l'indéfinie série des événements, une cause première, une substance éternelle sous des phénomènes passagers, je l'admets (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 35).La substance, c'est-à-dire la réalité « plus réelle » que les formes (Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p. 307).V. accessoire ex. 1, accident1ex. 1 à 5, mode2II E 2 ex. de Senancour et de Jankélévitch.
− En partic.
♦ [Chez Aristote] Ce qui n'est attribut d'aucun sujet, n'est inhérent à aucun sujet. Toute affirmation (...) suppose un absolu, dont l'être soit dit en premier et sans restriction, (...) tout le reste, − quantité, qualité, relation, − est affirmé relativement à cet absolu (...). Seule la substance « est » simplement (J.-M. Le Blond, Log. et méth. chez Aristote, 1939, p. 316).Substance première. Chose individuelle en tant qu'elle ne peut être attribut. V. infra ex. de Hamelin.Substance seconde. Type abstrait donnant une qualification de la substance première comme le genre, la différence, l'espèce. L'être de la métaphysique est une substance première; l'être qu'atteignent les autres sciences en tant qu'elles raisonnent, (...) n'est jamais en somme que quelque substance seconde (Hamelin, Le Syst. d'Aristote, 1920, p. 94).
♦ [Chez Kant] Ce qui persiste au milieu du changement (des phénomènes) et le rend compréhensible. Les rapports de temps des phénomènes, simultanéité ou succession, ne sont déterminables que grâce à l'existence d'un permanent; le changement ne peut être perçu que dans les substances (E. Boutroux, La Philos. de Kant, 1926, p. 124).
2. Ce qui est par soi; être qui possède une existence propre et ne la détient que de soi (le plus souvent identifié à Dieu). Bien que l'homme seul mérite pleinement le nom de substance, c'est à la substantialité de son âme qu'il doit toute sa substantialité (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931, p. 193).La substance sur laquelle argumente Spinoza est Dieu lui-même ou un en soi qui a Dieu pour cause, − un par soi ou un en soi qui a pour cause un par soi (P. Lachiéze-Rey, Les Orig. cartésiennes du Dieu de Spinoza, 1950, p. 83).V. immatérialité ex.
− [Chez Descartes] Substance pensante. Synon. de esprit.V. infra ex. de Cournot.Substance étendue. Synon. de corps, matière.[Descartes] trace avec une inflexible rigueur, inconnue avant lui, la distinction des substances pensante et étendue, spirituelle et corporelle (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 577).
− RELIG. CHRÉT. Ce qui, dans l'Eucharistie, existe en soi et par soi, par opposition aux espèces ou apparences. La doctrine d'après quoi la substance du pain et du vin étant changée en celle du corps et du sang du Christ, il n'en reste que la figure, la forme et le goût (Boegnerds Foi et vie, 1936, p. 123).V. concomitant ex. 2.
B. − P. anal., au sing. [Avec l'art. déf.]
1. Littér. Ce qu'il y a d'essentiel dans un texte ou dans des paroles. Synon. l'essentiel, le fond, le principal.Contenir, renfermer la substance d'un livre; rapporter la substance d'une entrevue, d'une communication; résumer la substance d'une lettre. Marais écrivait chaque fois en le quittant [Boileau], la substance des entretiens qu'il venait d'avoir avec lui (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 9, 1864, p. 5).La note n'a pas encore paru dans le bulletin, mais les journaux en ont donné la substance (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 188).
− Loc. adv. En substance. Pour ce qui concerne l'essentiel, le fond (d'un texte ou de paroles). Synon. en gros, en résumé.Il faut, me disait-il en substance, devenir un joyeux drille et prendre l'existence par le bon bout (Mauriac, Robe prétexte, 1914, p. 105).Recopié pour l'édition de Mont-Cinère dans les Œuvres complètes un assez long fragment de la première version. Il date de 1923. Tout était donné, tout s'y trouvait en substance, ma faim, mes inquiétudes, l'effroi de vivre (Green, Journal, 1954, p. 240).
2. Ce qu'il y a de meilleur, de plus substantiel dans quelque chose.
a) Domaine concr.Les arbres, les plantes attirent la substance de la terre (Ac.).
− En partic. [À propos d'un aliment] Ce qu'il y a de plus succulent; les qualités nutritives. Cette marmite spéciale conserve aux légumes toute leur substance (Davau-Cohen1972).
b) Vieilli. Partie la plus pure d'un corps; p. anal., partie la plus précieuse d'un texte. Synon. essence, quintessence, suc.Penser en lisant un vrai livre, le prendre, le poser sur sa table, s'enivrer de son parfum, en aspirer la substance (Lacord., Éloge fun. Drouot, 1847, p. 40).
II.
A. − Lang. des sc. et lang. cour.
1. Au sing. Ce dont un corps est fait. Synon. matière.[Le soleil] abandonnait de temps à autre (...) des anneaux de sa substance qui (...) formèrent les planètes de son système (A. France, Vie fleur, 1922, p. 496).Prise dans sa totalité, la substance vivante répandue sur la terre dessine, dès les premiers stades de son évolution, les linéaments d'un seul et gigantesque organisme (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 119).
− En partic. Chair, tissus qui forme(nt) un être vivant. Amenuiser, reconstituer sa substance; imprégner la substance d'un fruit. Il vivait sur lui-même, se nourrissait de sa propre substance, pareil à ces bêtes engourdies, tapies dans un trou, pendant l'hiver (Huysmans, À rebours, 1884, p. 99).V. mythique B ex. de Maurois:
1. ... [la reine] en est la mère [de la ruche] et l'unique organe de l'amour. Elle l'a fondée dans l'incertitude et la pauvreté. Sans cesse elle l'a repeuplée de sa substance, et tous ceux qui l'animent, ouvrières, mâles, larves, nymphes, et les jeunes princesses (...) sont sortis de ses flancs. Maeterl., Vie abeilles, 1901, p. 26.
♦ Loc. Vider de sa, de toute substance. En le regardant vivre sous ses yeux le commissaire croyait voir un homme qu'on aurait vidé de toute substance, écorché intérieurement (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 182).
♦ MÉD. Perte de substance. Perte plus ou moins importante de tissus dans une plaie. Cicatrisation d'une perte de substance. L'extirpation d'un morceau de peau met en branle une réaction complexe qui, par des mécanismes convergents, répare la perte de substance (Carrel, L'Homme, 1935, p. 268).
2. Au sing. et au plur. Matière organique ou inorganique, produit chimique caractérisé(e) par sa spécificité, sa nature, son état ou ses propriétés. Un masque de verre (...) qui servait sans doute à préserver le visage de l'archidiacre lorsqu'il élaborait quelque substance redoutable (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 307).Un des principaux rôles du foie est celui d'emmagasiner les substances provenant de la nutrition (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 689).V. gomme-gutte rem. 1 s.v. gomme ex. de Theuriet.
SYNT. a) Rechercher, déceler la présence d'une substance; identifier, reconnaître, découvrir l'existence d'une substance; modifier chimiquement une substance. b) Manipuler, utiliser, préparer une substance; extraire, cristalliser, dissoudre, éliminer une substance; combiner, mêler, séparer des substances. c) Renfermer, produire, fabriquer, sécréter, engendrer, libérer, dégager, développer, véhiculer une substance; donner naissance à une substance. d) Absorber, ingérer une substance; être imprégné d'une substance. e) Composition, dosage, quantité, concentration, pureté d'une substance; rôle, propriétés d'une substance; teneur d'un corps en une substance; classe de substances. f) Une substance agit, attaque, se modifie, se désagrège.
− Rare. Produit médicamenteux dont l'ingestion est suivie rapidement d'effet. Synon. drogue (vieilli), médicament.Ils ont fini par conclure, que sûrement c'étaient les vers qui m'avaient rendu si méchant... On m'a donné une substance... J'ai vu tout jaune et puis marron. Je me suis senti plutôt calmé (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 125).
♦ Loc. adv., vieilli. En substance. Donner un médicament en substance. Le donner dans son état naturel, sans préparation. Médicament contre les vers, qu'on donne soit en infusion, soit en substance (...), soit sous la forme de sirop pour les petits enfans (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 341).
− [Suivi d'un adj. déterminatif ou, plus rarement, d'un compl. prép. de indiquant]
♦ [la spécificité de la substance] Substance animale, végétale; substance physiologique. À partir de ces conceptions atomiques [nées des études de radiochimie et de spectroscopie], furent édifiées des théories sur la liaison chimique qui ont pu être appliquées (...) aux principales classes de substances chimiques, minérales et organiques (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 398).
♦ [la nature, l'état de la substance ou ce qu'elle contient; notamment en sc. phys. et chim., en sc. nat. et, spéc., en biol.] Substance albuminoïde, aminée, cartilagineuse, cérébrale, cornée, hormonale, musculaire, nerveuse, œstrogénique, osseuse; substance colloïdale, granuleuse; substance gazeuse, liquide, solide; substance amylacée, azotée, bitumineuse, iodée, métallique, phosphatée, saline, siliceuse, sulfureuse; substance de déchet. Une substance radioactive, présente en quantité trop faible pour être séparée et pesée, peut néanmoins posséder un rayonnement suffisamment intense pour être mesuré avec précision par une méthode électrométrique (MmeP. Curie, Isotopie, 1924, p. 19).V. amplitude ex. 5, huileux ex. 1, intoxiquer A ex. de J. Rostand.
ANAT. Substance blanche. Partie d'aspect blanchâtre du système nerveux central, correspondant aux voies nerveuses, occupant la périphérie de la moelle et du tronc cérébral, le centre du cervelet et du cerveau et dont la couleur est due à la présence de myéline (d'apr. Man.-Man. Méd. 1977). V. infra ex. de Camefort et Gama.Substance grise. Partie du système nerveux central, correspondant aux centres nerveux, occupant la partie centrale de la moelle et du tronc cérébral, les parties centrale et périphérique de l'encéphale et dont l'aspect grisâtre est dû aux cellules nerveuses qui la constituent (d'apr. Man.-Man. Méd. 1977). La substance blanche est divisée par les sillons médullaires longitudinaux et par les branches de la substance grise en cordons antérieurs latéraux et postérieurs (Camefort, Gama, Sc. nat., 1960, p. 203).P. méton., fam. Cerveau en tant que siège de l'intelligence. Synon. matière grise (v. matière I B 1 a α).Non seulement ce malheureux pays n'avait plus de substance grise, mais la tumeur s'était si parfaitement substituée à l'organe qu'elle avait détruit, que la France ne semblait pas s'apercevoir du changement, et pensait avec son cancer! (Bernanos, Gde peur, 1931, p. 137).
♦ [le caractère, la qualité de la substance; notamment en sc. phys., chim. et sc. nat.] Substance simple, complexe; substance dangereuse, inoffensive, nocive, nuisible; substance compacte, dense, douce, dure, élastique, onctueuse; substance opaque, pâteuse, poreuse, spongieuse, vitreuse, volatile; substance fluorescente, luminescente, phosphorescente; substance combustible, explosive ou pyrotechnique, imputrescible, soluble. [En France] les radioéléments sont soumis à la législation des substances toxiques (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 238).
♦ [le rôle, les propriétés ou les effets de la substance; notamment en biol. et en chim.] Substance absorbante, colorante; substance inhibitrice, stimulante; substance antibactérienne, antibiotique, anticoagulante, antiseptique, cancérigène, médicamenteuse, narcotique, stupéfiante, vénéneuse; substance de réserve. Des éléments cultivés dans un milieu pauvre en jus embryonnaire et ne recevant leurs substances nutritives que du plasma, se multiplient très lentement (J. Verne, Vie cellul., 1937, p. 106).[La vaccination] consiste à y introduire [dans l'organisme] une préparation l'obligeant à élaborer des substances de défense qui le protégeront contre d'éventuelles agressions microbiennes ultérieures (R. Schwartz, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p. 125).
AGRON. Substance de croissance. ,,Produit influant à très faible dose sur les mécanismes physiologiques, appliqué en vue d'agir notamment sur la différenciation et l'élongation cellulaire après pénétration et diffusion à l'intérieur de la plante`` (Agric. 1977). Action des substances de croissance capables d'améliorer l'enracinement des plantes se bouturant mal (Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 77).RADIOL. Substance de contraste*.
B. − P. anal., au sing.
1.
a) Domaine concr.Synon. de matière, réserves (v. réserve), tissu.En vue d'assurer son existence, l'entreprise doit reconstituer sa substance d'une manière continue (Villemer, Organ. industr., 1947, p. 189).En 1950, on estime aux États-Unis la surface inutilisable à 20 millions d'hectares, les espaces dégradés à 60 millions, les terres menacées à 275. La substance de l'agriculture américaine fondait ainsi littéralement (Meynier, Paysages agraires, 1958, p. 45).
b) [À propos d'une pers. et par recoupement de supra II A 1] L'être considéré dans sa densité physique, morale, intellectuelle. Synon. fibre, fond.J'ai tiré de ma propre substance des êtres que je ne trouvais pas ailleurs, et que je portais en moi (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 305).Le Romain, dans ses mœurs, son tempérament, sa religion, toute sa substance morale différait totalement du Grec (Faure, Hist. art, 1909, p. 134).V. atténuer ex. 4.
2.
a) Domaine intellectuel.[P. oppos. à forme] Ce qui constitue le contenu, la matière de quelque chose. Je m'en tiens aux revues générales qui publient éventuellement des articles de science, de politique ou de philosophie, mais dont la substance ordinaire est de nature littéraire (Civilis. écr., 1939, p. 32-3):
2. Logiciens sans métaphysique, légistes, moins le droit et l'histoire, ils [les bourgeois] ne croyaient qu'aux signes, aux formes, aux figures, à la phrase. En toute chose, il leur manquait la substance, la vie et le sentiment de la vie. Michelet, Peuple, 1846, p. 340.
b) P. méton., notamment dans le domaine de la création littér. et artist.Richesse de ce contenu. Synon. consistance, corps, épaisseur, étoffe.Sa peinture [du guide] n'a pas de substance; elle est trop blanche; on y sent une nuance de platitude et de convention (Taine, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 197).Résumez Le Cid, vous en enlevez toute la substance intellectuelle (Barrès, Cahiers, t. 13, 1921, p. 94).V. assonance ex. 2.
− Rare. Substance de qqc.Le beau, fier et discret officier [Vigny] avait repris la révolution poétique où l'avait laissée André Chénier (...) atteignant presque du premier coup, comme Keats, à une poésie intellectuelle par son dessein, sensuelle par la substance de son vers (Thibaudet, Hist. litt. fr., 1936, p. 137).
SYNT. Donner de la substance à qqc.; vider qqc. de sa substance; être chargé, privé, manquer de substance; acquérir, contenir de la substance; (mots, idées) sans substance; pauvre, plein, rempli de substance.
c) LING. (structuralisme)
− [Chez F. de Saussure] Aspect matériel du signe (d'apr. Lang. 1973). La langue est une forme et non une substance (...), toutes nos façons incorrectes de désigner les choses de la langue proviennent de cette supposition involontaire qu'il y aurait une substance dans le phénomène linguistique (Sauss.1916, p. 169).
− [Chez L. Hjelmslev] ,,La « matière » ou le « sens » dans la mesure où ils sont pris en charge par la forme sémiotique en vue de la signification`` (Greimas-Courtés 1979, s.v. substance). Le concept, l'idée définissent la substance du signifié; dans le mot chat l'idée abstraite de « félinité » constitue la substance du signifié alors que sa forme est dans le système conceptuel qui l'oppose à « chatte », « chien », « homme », etc. (Guiraud,La Sémiologie, Paris, P.U.F.,1971,p. 37).
♦ Substance de l'expression. Les sons. V. infra ex. de L. Hjelmslev.Substance du contenu. Les concepts, la pensée. C'est en vertu de la forme du contenu et de la forme de l'expression, et seulement en vertu d'elles, qu'existent la substance du contenu et la substance de l'expression qui apparaissent quand on projette la forme sur le sens (L. Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du lang., trad. par U. Canger, A. Wewer, 1971, p. 75).
3.
a) Nature profonde, fond, fondement de quelque chose. Ce qui forme la substance de qqc.; détruire la substance de qqc. Les garanties de liberté, de sécurité, d'honneur et de vie, qui sont la substance même de l'organisation civilisée (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 326).Le théâtre doit se dépouiller de tout costume réel comme de tout ornement superflu pour recouvrer sa vraie substance dans la vertu dramatique d'un mot ou d'une chose (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 379).
b) Personnalité profonde, irréductible, considérée comme le siège de la force, de la solidité. J'admire les intelligences limpides. Mais qu'est-ce qu'un homme, s'il manque de substance? S'il n'est qu'un regard et non un être? (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 354).V. martyr B ex. de Alain:
3. La contemplation assidue réduisant notre moi à zéro, nous fait croire que nous n'avons plus rien en nous. Mais le conflit avec le prochain nous réintègre dans la possession de nous-mêmes, et nous révèle notre substance et nos forces propres. Amiel, Journal, 1866, p. 356.
III. − Au sing. Synon. de nourriture.
A. −
1. Ce qui est nécessaire à la vie. On la force [la souche de vigne] à chercher en dessous, dans la masse remuée par la charrue défonceuse et plus outre, les couches vierges [du sol] où tout est substance (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 110).
2. En partic., vieilli. [Le plus souvent dans des cont. pol., soc.] Ce qui est nécessaire à la subsistance. Se nourrir, s'engraisser de la substance des citoyens, des misérables, de l'État, de la nation. L'oisif dévorant la substance du travailleur (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 332).Après avoir dilapidé les finances publiques et épuisé en débauches une notable partie de la substance du peuple (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 266).
B. − Au fig., littér. Ce qui nourrit l'esprit ou le sentiment. La joie du riche a pour substance la douleur du pauvre (Bloy, Journal, 1900, p. 383).Mon Dieu, éclaire-moi. Je ne mentirai pas à mon amour. L'amour est la substance de ma vie (Jouve, Paulina, 1925, p. 67).
REM. 1.
Substanter, verbe trans.,vx. Assurer la subsistance de quelqu'un. Différentes personnes en ont été substantées [d'une somme d'argent] (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 85).Quand, avec le temps, on aura réussi à débarrasser le pays de ces révolutionnaires onéreux, et qu'il ne restera plus que des réfugiés chefs substantés autrement que sur le budget officiel (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p. 118).
2.
Substantialisation, subst. fém.,philos. Transformation en substance (supra I A 1). La base de la connaissance du réel est le cadre spatial et la localisation est la seule vraie racine de la substantialisation (Bachelard, L'Exp. de l'espace dans la phys. contemp., 1937, p. 13).
3.
Substantialiser, verbe trans.,philos. Transformer en substance (supra I A 1). Ne point formaliser l'intuition, la substantialiser dans un en-soi immuable, sans couleur et abstrait (J. Vuillemin, Être et trav., 1949, p. 47).Empl. adj. Érigé en substance (supra I A 2). La pensée substantialisée dont il [le panthéisme idéaliste] se contente est pour nous une chose et participe comme telle de l'inintelligibilité de la matière (Hamelin, Élém. princ. représ., 1907, p. 488).
4.
Substantiation, subst. fém.,relig. chrét., rare. Synon. de transsubstantiation.Par la substantiation, Jésus communiant avec ses apôtres, avait son corps dans sa main (Flaub., Bouvard, t. 2 1880, p. 141).
Prononc. et Orth.: [sypstɑ ̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1150 de sa substance « de son être » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 20; au glossaire: « forces, efforts »); b) mil. xiies. « être, existence » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, XXXVIII, 7); c) déb. xiiies.(Sapientia, 292, 9 ds T.-L.: de dous substances crëat Deus l'omme, de corporeil et de spiritüeil); d) 1370 (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 158: substance et nature de l'ame; p. 331: se ilz [les parties de l'âme] different selon substance ou accident); e) 1377 (Id., Yconomique, éd. A. D. Menut, p. 809: Quant il dit [Aristote] est la substance, ce est a dire qu'elle est necessaire a ce que tele chose soit et doit estre exprimee en la diffinition de elle); f) 1670 théol. substance du pain (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, p. 595); 2. a) mil. xiies. sustance « biens, richesses » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel , CXI, 3), forme en usage jusque déb. xviies., v. Hug.; b) ca 1170 « vivres, ce qui permet de subsister » (Guillaume de Saint-Pair, Mont St Michel, éd. P. Redlich, 84); 3. a) ca 1265 « partie essentielle (d'un texte, de paroles) » (Brunet Latin, Trésor, éd. F.-J. Carmody, p. 389); b) 1400 remonstrer en substanche (qqc. à qqn) (Arch. Nord, B 10354, fo29 vo); 4. a) 1547 (J. Martin, Archit. Vitruve, p. 114 vo: Si les vignes ... et autres semences, ne prenaient substance en la vertu des territoires, ... les saveurs de tout seraient en chacune contrée d'une pareille qualité); b) 1563 substance de sel metallique (B. Palissy, Recepte, p. 68); 5. 1767 anat. substance blanche, substance corticale (Levacher de La Feutrie, Dict. de Chir., I, 281, 282 ds Quem. DDL à paraître). Empr. au lat.substantia « être, essence, existence, réalité d'une chose » et tardivement « aliments, nourriture; moyens de subsistance, biens, fortune » (de substare « être dessous, se tenir dessous »). Fréq. abs. littér.: 3 409. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 031, b) 2 992; xxes.: a) 2 721, b) 5 258. Bbg. Eringa (P.). Interlingual equivalence of lexical semantic correlations. Folia ling. 1977, t. 11, no1/2, p. 85. −Quem. DDL t. 8 (s.v. substance grise).




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NATURE, subst. fém.
I. − Ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l'activité et de l'histoire humaines.
A. −
1. Milieu terrestre particulier, défini par le relief, le sol, le climat, l'eau, la végétation. Une nature aride, désertique, désolée, luxuriante, tropicale, sauvage. Le ciel était pur et serein, l'air frais; la nature aussi donnait sa fête. Toute la population de Paris était sur pied (Maine de Biran, Journal, 1814, p.15).À Dettelbach réapparition des vignes. Quatre végétaux marquent la limite de quatre natures et de quatre climats: le bouleau, la vigne, l'olivier et le palmier, toujours en marchant vers le soleil (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.295).C'était la continuation de la solitude avec le commencement de la liberté; un jardin fermé, mais une nature âcre, riche, voluptueuse et odorante; les mêmes songes que dans le couvent, mais de jeunes hommes entrevus; une grille, mais sur la rue (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.83).C'était à la fois Asnières, Saardam et Puteaux, un de ces paysages parisiens des bords de la Seine, tels que les peint Hervier, sales et rayonnants, misérables et gais, populaires et vivants, où la nature passe çà et là, entre la bâtisse, le travail et l'industrie, comme un brin d'herbe entre les doigts d'un homme (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p.12):
1. Je pourrais aller au gré de ma fantaisie, m'arrêter à l'endroit où le soir viendrait me surprendre, avoir des nuits paisibles et connaître des réveils délicieux, en pleine nature, dans la lumière de l'aube. T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p.15.
− [Comme source d'émotions ou de sensations, dans une conception romantique] Déjà les premières ombres de la nuit commençoient à envelopper le bosquet d'orangers, et donnoient à la nature cette teinte de mélancolie qui favorise si bien les méditations religieuses et les tendres rêveries (Cottin, Mathilde, t.1, 1805, p.147).Au travers des murs de charmille on apercevait çà et là, par les trouées du feuillage, une belle lune éclairant un paysage étendu et tranquille. Cette nature ravissante était d'accord avec les nouveaux sentiments qui cherchaient à s'emparer du coeur de Madame de Chasteller (Stendhal, L. Leuwen, t.1, 1836, p.311):
2. Et que sera-ce si ces objets qui se présentent à vos yeux sont ces vallons, ces forêts, ces monts sans nombre, ces glaces infinies, en un mot cette nature tantôt riante, tantôt sublime des grandes Alpes; si à chaque instant un spectacle attachant provoque cette admiration expansive, ce besoin de partager des émotions dont le flot ne peut tenir tout entier dans le coeur, et que leur religieuse pureté affranchit du joug d'une pudique réserve? Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.383.
− [Comme milieu-refuge opposé à la ville ou à tout espace modelé par l'activité humaine, pris pour symboles de la société, de la civilisation] Le retour à la nature. Aussi, son premier soin fut-il de chercher un asile écarté aux environs des eaux. Il sentait instinctivement le besoin de se rapprocher de la nature, des émotions vraies et de cette vie végétative à laquelle nous nous laissons si complaisamment aller au milieu des champs (Balzac, Peau chagr., 1831, p.277).
− Fam. Disparaître, être dans la nature. Disparaître, être dans un lieu inconnu. On m'avait parachuté quelque part dans la nature. Je suis tombé dans le noir, j'avais bien atterri, je n'avais rien de cassé (Triolet, Le Rendez-vous des étrangers, Paris, Laffont, 1973 [1956], p.32).
♦ Se cacher, déserter, s'évader:
3. −Mauron, c'est le pitaine. Il est dans la nature. −Dans la nature? répéta-t-elle. −Il croit que c'est meilleur pour sa santé. Sartre, Mort ds âme, 1949, p.130.
2. Environnement terrestre, en tant qu'il sert de cadre de vie à l'espèce humaine, qu'il lui fournit des ressources. Les objets que la nature ne livre pas tout préparés pour satisfaire nos besoins, peuvent y être rendus propres par notre industrie (Say, Écon. pol., 1832, p.59).[Les hautes cheminées éteintes témoignaient] des combats de l'industrie et de la concurrence, dans ces profondeurs de la terre. Dans cette violente et rapide conquête de la nature par l'homme, on va, on va à l'aveugle: les règlements sont méprisés, les eaux inondent les mines, les champs, la route même s'affaissent (Michelet, Journal, 1839, p.300).Les forces et les processus que l'homme parvient maintenant à maîtriser commencent à égaler en grandeur et en intensité la nature elle-même, et la totalité de notre milieu ambiant est à présent soumise à l'influence humaine (Science, 1957, no125, p.143 ds Moscovici, Essai sur l'hist. hum. de la nature, Paris, Flammarion, 1968, p.7):
4. Or, la nature dans son ensemble, sans doute parce qu'elle a paru inépuisable, n'a pas figuré pendant fort longtemps dans la comptabilité des entreprises ni dans celle des nations d'Europe ou d'Amérique; l'eau, l'air ou les paysages ont été considérés comme des dons gratuits de la nature, dont chacun pouvait disposer à sa guise... P. Aguesse, L'Écol., Paris, Seghers, 1975 [1971], p.180.
B. −
1. Ensemble de l'univers, en tant qu'il est le lieu, la source et le résultat de phénomènes matériels. Les lois* de la nature. La physique, se délivrant peu à peu des explications vagues introduites par Descartes, comme elle s'était débarrassée des absurdités scolastiques, n'est plus que l'art d'interroger la nature par des expériences, pour chercher à en déduire ensuite, par le calcul, des faits plus généraux. La pesanteur de l'air est connue et mesurée; on découvre que la transmission de la lumière n'est pas instantanée, on en détermine la vitesse; on calcule les effets qui doivent en résulter pour la position apparente des corps célestes; le rayon solaire est décomposé en rayons plus simples, différemment réfrangibles et diversement colorés (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p.178).La loi suivant laquelle cette force [dans les atomes] varie en fonction de la distance n'est peut-être pas la loi de Newton, mais c'est une loi analogue; au lieu de l'exposant 2, nous avons probablement un exposant différent, et c'est de ce changement d'exposant que sort toute la diversité des phénomènes physiques, la variété des qualités et des sensations, tout le monde coloré et sonore qui nous entoure, toute la Nature en un mot (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p.191).
− [Comme agent extérieur opposé au vivant] :
5. De même dans l'ordre organique, une fois admis ce pouvoir mystérieux de la vie, aussi petit et aussi élémentaire que possible, il [Lamarck] le supposait se développant lui-même, se composant, se confectionnant peu à peu avec le temps; le besoin sourd, la seule habitude dans les milieux divers faisait naître à la longue les organes, contrairement au pouvoir constant de la nature qui les détruisait: car M.de Lamarck séparait la vie d'avec la nature. La nature, à ses yeux, c'était la pierre et la cendre, le granit de la tombe, la mort! La vie n'y intervenait que comme un accident étrange et singulièrement industrieux, une lutte prolongée, avec plus ou moins de succès et d'équilibre çà et là, mais toujours finalement vaincue; l'immobilité froide était régnante après comme devant. Sainte-Beuve, Volupté, t.1, 1834, p.193.
2. [Très fréq., dans des formulations ayant une origine anthropomorphique ou finaliste] Étudiez-la, suivez-la, cette nature atroce: vous ne la verrez jamais créer que pour détruire, n'arriver à ses fins que par des meurtres, et ne s'engraisser, comme le Minotaure, que du malheur et de la destruction des hommes (Sade, La Nouvelle Justine, 1797ds Desné, Les Matérialistes fr. au 18es., Paris, éd. Buchet-Chastel, 1965, p.164).Au reste, en demeurant toujours dans les bornes que les conditions nécessaires de l'existence prescrivoient, la Nature s'est abandonnée à toute sa fécondité dans ce que ces conditions ne limitoient pas; et sans sortir jamais du petit nombre des combinaisons possibles entre les modifications essentielles des organes importans, elle semble s'être jouée à l'infini dans toutes les parties accessoires (Cuvier, Anat. comp., t.1, 1805, p.58).À l'égard des corps qui jouissent de la vie, la nature a tout fait peu à peu et successivement: il n'est plus possible d'en douter (...). En composant et compliquant de plus en plus l'organisation animale, la nature a créé progressivement les différents organes spéciaux ainsi que les facultés dont les animaux jouissent (Lamarck, Philos. zool., t.1, 1809, p.17):
6. On peut considérer le phénomène de l'explosion stellaire comme une nouvelle astuce de la nature pour avancer encore sur la voie de la complexité. Pour engendrer des noyaux lourds, il a fallu créer des lieux de grande chaleur: les creusets stellaires. H. Reeves, Patience dans l'azur, Paris, éd. du Seuil, 1981, p.88.
♦ Qqn est une force de la nature. V. force I B 3 e.
− [Comme puissance maternelle, comme principe cosmique de fécondité] Ces hauts monts que blanchit un éternel hiver, ce chaos, semblent les débris d'un monde, les Titans... on croit voir là dans ces enfantements monstrueux sans forme, sans ordre, la nature mère travaillée, agitée, déchirée, gémir dans les travaux d'un avortement (Chénier, Amérique, 1794, p.85).Je n'avais pas cette ressource; la nature, ma mère chérie, depuis que j'étais seul, me semblait au contraire plus vaste et plus vide que jamais (Musset, Confess. enf. s., 1836, p.42).
C. −
1. BIOL. Force spécifique au vivant. Synon. force vitale*.On peut donc assurer, avec vraisemblance, que la puberté de la fille naturelle ne se manifestera (au moins dans un climat semblable au nôtre) qu'après que le corps aura presque fini sa croissance, et l'on peut assurer avec certitude que, dans tous les climats, la nature, livrée à elle-même, n'accordera à une fille la faculté de devenir mère qu'après lui avoir donné la force d'en remplir les devoirs (Laclos, Éduc. femmes, 1803, p.437):
7. On peut dire certainement qu'il y a dans les êtres vivants la force vitale qui donne à l'être son évolution, sa forme. Cette forme est indépendante de la matière; c'est le pouvoir législatif qui est au-dessus de la matière et qui la dispose; mais le pouvoir exécutif de cet arrangement est tout à fait matériel et physico-chimique (...). La nature intervient donc avec ses propriétés comme une force exécutive de toute idée. Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.243.
− HIST. DE LA MÉD. Nature curative, médicatrice. ,,Propriétés inhérentes aux tissus et aux humeurs, qui font qu'un organe lésé dans certaines limites revient peu à peu à son état naturel`` (Littré). D'ailleurs, la médecine antique ou d'observation, concluant forcément à l'expectation comme traitement, était passive et se résumait essentiellement dans le pronostic, se bornant à rechercher les bonnes influences, à éviter les mauvaises et à favoriser les bonnes dispositions de la nature curative ou médicatrice (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.10).
− [Dans des expr. de la lang. cour. reflétant les conceptions anciennes de la méd., et notamment de la méd. hippocratique] Laisser faire la nature. Mon remède est de rien faire, de laisser faire dame Nature qui s'en tire seule, à moins de cas aigus. La santé est comme les enfants, on la gâte par trop de soins (E. de Guérin, Lettres, 1839, p.262).
♦ Au fig. Payer son tribut à la nature. Mourir. (Dict. xixeet xxes.).
2. Conditionnements physiologiques de l'individu. Besoins de la nature. −L'amour! −Mais qu'est-ce donc que l'amour? −On l'a poétisé à l'usage des niais. −Un grossier besoin périodique, une loi criarde de la nature, de la nature éternelle qui reproduit et multiplie, un penchant brutal, un charnel croisement de sexe, un spasme! (Borel, Champavert, 1833, p.192).
D. − ARTS PLAST., ESTHÉT.
1.
a) Réalité sensible qui constitue l'objet ou le point de départ de l'oeuvre artistique. Synon. réel, visible.L'imitation de la nature. Il ne faut pas que les objets que l'on peint soient d'une vérité matérielle; il faut que les chairs ne soient pas les chairs de la nature; en un mot, il faut rendre les vérités par des illusions (Chênedollé, Journal, 1807, p.21).Le premier [type de dessin] est négatif, incorrect à force de réalité, naturel, mais saugrenu; le second est un dessin naturaliste, mais idéalisé, dessin d'un génie qui sait choisir, arranger, corriger, deviner, gourmander la nature; enfin le troisième qui est le plus noble et le plus étrange, peut négliger la nature; il en représente une autre, analogue à l'esprit et au tempérament de l'auteur (Baudel., Salon, 1846, p.120).L'artiste, si réaliste soit-il, a planté son chevalet devant le «motif» et ce terme même, dans sa bouche, indique déjà que la Nature ne lui fournit qu'un prétexte et un départ (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.72):
8. J'embrasse d'un regard l'humanité qui a vécu et qui, devant la nature, à toute heure, sous tous les climats, dans toutes les circonstances, s'est senti l'impérieux besoin de créer humainement, de reproduire par les arts les objets et les êtres (...). Chaque grand artiste est venu nous donner une traduction nouvelle et personnelle de la nature. La réalité est ici l'élément fixe, et les divers tempéraments sont les éléments créateurs qui ont donné aux oeuvres des caractères différents. Zola, Les Paysagistesds Mon Salon/Manet, Paris, Garnier-Flammarion, 1970 [1867], p.98.
− Loc. et expr.
♦ D'après nature. À partir du réel, du modèle. Vers la rue du Renard, du côté de ces bons endroits où nous allions dessiner d'après nature (Flaub.,Corresp., 1845, p.41).
♦ Sur (la) nature. À partir du réel, du modèle. Je vois un bel enfant qui n'est pas rose comme le Mars de M. Landi; qui n'est pas étiolé comme l'Adonis de M. Prudhon, dont le ton de couleur rappelle l'Amour du Caravage, et paraît avoir été étudié sur la nature (Jouy,Hermite,t.3, 1813, p.335).Nul abstracteur de quintessence, réfugié dans son atelier, matelassé de mépris pour les apparences, n'a atteint à l'invention plastique de Van Gogh, peignant exclusivement sur nature (Lhote,Peint. d'abord,1942, p.136).
♦ Aussi, moins, plus ... que nature. Aussi, moins, plus... que ne l'est le modèle, le sujet. Ces miroirs qui défigurent à tel point, qu'en s'y regardant on peut se croire ou plus petit ou plus grand que nature (Balzac,Méd. camp.,1833, p.70).
P.iron. [Avec des adj. d'évaluation esthétique impliquant la modification du réel par l'artiste] Plus beau, plus vrai que nature. Mon Dieu! peut-on s'amuser à faire laid... plus laid que nature! (Goncourt,R. Mauperin,1864, p.205).L'égotisme littéraire consiste finalement à jouer le rôle de soi; à se faire un peu plus nature que nature (Valéry,Variété II,1929, p.96).
♦ Vieilli. (Tableau, statue) de demi-nature, de quart de nature, etc. (Tableau, statue) qui représente la réalité réduite à la moitié, au quart, etc. Mille cierges allumés sur le maître autel éclairent deux statues de cette Notre-Dame: l'une de demi-nature (...) l'autre, de dix-huit pouces environ (Dusaulx,Voy. Barège,t.2, 1796, p.43).Vers cent mille francs, le portrait serait un sixième de nature. −Vers deux cent mille francs, un quart de nature (Taine,Notes Paris,1867, p.170).
b) Vieilli. Réalité choisie en vertu de sa valeur significative ou à partir de conventions esthétiques. Synon. modèle, sujet.On craint de dégrader son burin, sa plume ou son pinceau, en descendant à la peinture des scènes populaires; et abusant du principe que les arts ne doivent se proposer que l'imitation d'une nature choisie, on s'expose à retomber dans l'afféterie et dans le maniéré (JouyHermite,t.3, 1813p. 26):
9. Cette pureté de trait que l'on vante tant dans les ouvrages de Raphaël et des Grecs, dépend absolument du beau genre des natures qu'ils choisissaient. Elle eût été impraticable pour eux-mêmes, s'ils n'avaient eu à exprimer que des natures communes. Ainsi, il ne faut pas confondre le trait pur avec le trait exact. Rubens est un très-grand dessinateur; mais la qualité des objets qu'il avait à peindre, leurs formes inégales et raboteuses, leurs gros contours, exigeaient qu'il donnât à son dessin une terminaison plutôt bossante, si je puis ainsi parler, que finie et arrêtée en ligne élégante et précise. Joubert, Pensées, 1824, p.17.
♦ Belle nature. [Idéal valorisant l'art antique élaboré dans la 1remoitié du 17es. par les milieux romains en réaction contre la peinture de l'époque, et devenu un concept-clé de la critique esthétique en France aux 17eet 18esiècles (d'apr. B. Tocanne, L'Idée de nature en France dans la seconde moitié du 17es., Presses univ. de Lille, 1978, II, pp.752-755)] On pourrait comparer les proportions du corps des hommes de différentes nations, avec celles que suivent les dessinateurs, pour représenter la belle nature, en divisant la hauteur du corps en huit parties (Voy. La Pérouse,t.1, 1797, p.166).
♦ Nature morte*.
2. Représentation du réel par les moyens spécifiques de l'art. L'auteur, dans son oeuvre, doit être comme Dieu dans l'univers, présent partout, et visible nulle part. L'art étant une seconde nature, le créateur de cette nature-là doit agir par des procédés analogues. Que l'on sente dans tous les atomes, à tous les aspects, une impassibilité cachée et infinie (Flaub., Corresp., 1852, p.62):
10. En dépit des insolentes théories modernes, défendant, ici le réalisme intégral, là l'abstraction pure (deux visages d'un Janus anti-pictural), l'artiste complet ne poursuit qu'un but: rendre ses symboles plastiques transparents, de façon qu'on perçoive, derrière leurs irisations, −inespérée, et comme silhouettée −la réalité. Cette «nature» transposée, le public ne consent à la reconnaître qu'après un siècle, ou deux. Lhote, Peint. d'abord, 1942, p.7.
3. Vieilli. Caractère de sincérité, de vérité. Sa naïveté [du conteur] pleine de sens, de force, et son ton de nature, supérieur aux règles de l'art, nous charmaient tellement, que nous resserrions notre cercle pour ne rien perdre de ses contes (Dusaulx, Voy. Barège, t.2, 1796, p.183).La littérature du dix-huitième siècle, à part quelques beaux génies qui la dominent, cette littérature, placée entre la littérature classique du dix-septième siècle et la littérature romantique du dix-neuvième, sans manquer de naturel, manque de nature (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.477).
E. −
1. HIST. DE LA PHILOS. Principe (caché, immatériel) de production et de génération. Dans les philosophies du Moyen Âge, comme dans celles de l'Antiquité, un être naturel est une substance active, dont l'essence cause les opérations et les détermine avec nécessité. La nature n'est que l'ensemble des natures; ses attributs restent donc la fécondité et la nécessité (Gilson, Espr. philos. médiév., 1932, p.162).Sans être des choses en soi ou des substances comme les éléments, ces agrégats [d'atomes], ces «formes» douent les corps auxquels elles adhèrent de véritables propriétés spécifiques: Épicure les nomme «natures» (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p.44).
2. Nature des choses. Ordre nécessaire ou gouverné par une finalité. Synon. nécessité, providence.Il est dans la nature des choses que la marche de la Raison soit lentement progressive (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.81).Après cela, je ne puis croire que la nature des choses permette qu'un gouvernement aussi monstrueux subsiste (Staël, Lettres div., 1794, p.613):
11. ... [une] condition servile qui résulte, selon le philosophe [Platon], d'une inégalité qui est dans la nature des choses. A. Bonnard, De l'Iliade au Parthénon, Paris, Union gén. d'éd., 1968 [1954], p.171.
II. − Nature humaine ou absol. nature (p.oppos. à civilisation, culture)
A. −
1. Ensemble des caractères qui définissent l'homme, considérés comme innés, comme indépendants à la fois des déterminations biologiques et des déterminations sociales, historiques, culturelles. Un roi est un homme ayant les facultés et les besoins de la nature humaine: un roi qui se voit ou qui pense à soi ne se voit pas roi mais homme qui cherche à se connaître (Maine de Biran, Journal, 1817, p.75).Le thème de la nature humaine n'avait cessé de susciter l'interrogation, de Socrate à Montaigne et Pascal, mais c'était pour y découvrir l'inconnu, l'incertitude, la contradiction, l'erreur (...). Lorsqu'enfin, avec Jean-Jacques, la nature humaine émergea comme plénitude, vertu, vérité, bonté, ce fut aussitôt pour nous en reconnaître exilés et la déplorer comme un paradis irrémédiablement perdu. Et il fallut peu, par la suite, pour découvrir que ce paradis était aussi imaginaire que l'autre (E. Morin, Le Paradigme perdu: la nature humaine, Paris, éd. du Seuil, 1973, p.20):
12. La civilisation, la vie est une chose apprise et inventée (...). Les hommes après quelques années de paix oublient trop cette vérité; ils arrivent à croire que la culture est chose innée, qu'elle est la même chose que la nature. La sauvagerie est toujours là à deux pas, et, dès qu'on lâche pied, elle recommence. Sainte-Beuve, Cahiers, 1869, p.99.
2. Principe normatif découlant de l'essence humaine. Que toutes ces sectes hypocrites qui s'élèvent au milieu de vous cessent de vouloir étouffer, par leurs croassements impies, la voix sacrée de la Nature et les cris touchans de l'humanité (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.147).Le goût du morbide, l'attirance vers les spectacles et les actes qui heurtent la saine nature (Druon, Gdes fam., t.2, 1948, p.16):
13. [L'époque moderne] fut celle des massacres religieux, des guerres sacrées, de la dépopulation du Nouveau Monde. Elle y vit rétablir l'ancien esclavage, mais plus barbare, plus fécond en crimes contre la Nature... Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p.134.
♦ Contre-nature*; cf. aussi infra IV B.
− Sensibilité morale, attachement fondé sur la parenté. Roger: C'est [à] regret que je vous afflige, mais je te l'ai déjà dit, je ne puis quitter mes camarades... Un serment solemnel m'attache à eux... Clémence: Eh quoi? Tu pourrois être insensible au cri de la nature?... Victor: Ah, Roger! rends-moi mon père, je le sens à mon coeur; il m'est impossible d'étouffer la voix qui me parle pour toi (Guilbert de Pixér., Victor, 1798, iii, 10, p.50).
3. État de nature. État de l'homme antérieur à la constitution de la société. Ainsi il n'y eut rien de parfait en législation que la loi naturelle; en religion que la religion naturelle; en droit que le droit naturel; en société que la société naturelle; et même comme si la famille n'étoit pas une société ou que l'homme pût naître et vivre sans famille, on opposa l'état de pure nature à tout état de société. C'est là la grande erreur de J-J Rousseau, et même de l'Esprit des lois (Bonald,Législ. primit., t.1, 1802, p.172).
P.euphém. et p.plaisant. Être dans l'état de nature. Être nu. (Dict. xixeet xxes.). Synon. in naturalibus.
B. − Dispositions psycho-physiologiques dominantes qui déterminent la personnalité d'un individu. Synon. complexion, naturel, tempérament.Avoir, être d'une nature agressive, aimante, gaie, maladive, morbide, ouverte, passive, passionnée, renfermée, sanguine, sournoise, vicieuse. Il est des défauts de complexion, qui s'opposent au libre développement de l'âme: il est des natures sombres et grossières, où pénètre mal le rayon de Dieu (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.130).Je ne savais pas qu'une nature exagérément primesautière n'excluait en lui ni la sincérité ni la droiture (Billy, Introïbo, 1939, p.97).
♦ Seconde nature. Trait de caractère acquis modifiant la personnalité originelle. La tristesse qui depuis un an est devenue ma seconde nature (Hugo, Lettres fiancée, 1821, p.43).J'y ai été soumis [à l'École des Chartes] à une certaine méthode de travail, à certaine discipline intellectuelle et morale, qui me sont devenues une seconde nature (Martin du G., Souv. autobiogr., 1955, p.li).
− [P.méton.] La personne elle-même. Quelqu'une de ces natures riches et embrasées, telles qu'en produit encore Naples ou la ville aux gondoles (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.464).Sa marche assurée, sa taille souple, ses narines roses et ouvertes, ses grands yeux légèrement cerclés de bleu, dénotaient une de ces natures ardentes qui répandent autour d'elles un parfum de volupté (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p.89).Oh! cette Julia!... Quelle femme! hein?... Quelle nature! (Pailleron, Âge ingrat, 1879, i, 6, p.26):
14. Je lis les conversations de Goethe par Eckermann, et je trouve que l'écrivain allemand divisait l'humanité en deux classes, les poupées jouant un rôle appris, et les natures [it. ds le texte], le petit groupe d'êtres tels que Dieu les a créés. Goncourt, Journal, 1892, p.286.
♦ Petite nature. Personne faible, physiquement ou moralement. Visiblement, elle retrouvait en lui quelque chose de son propre goût du plaisir, mais le tempérament, hélas! est celui de sa mère. «Ta mère! Une si petite nature!» (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p.902).
− De nature, par nature, loc. adv. Synon. par tempérament.Je conteste fort peu: j'aime la liberté par instinct, par nature (Courier, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p.148).Brave autant qu'Achille, la bravoure d'Hector est cependant d'une tout autre qualité. Non bravoure de nature, mais de raison. Courage conquis sur sa propre nature, discipline qu'il s'est imposée (A. Bonnard, De l'Iliade au Parthénon, Paris, Union gén. d'éd., 1968 [1954], p.68).
III. − [La nature d'une chose, d'un être]
A. − Ensemble des qualités, des propriétés qui définissent un être, un phénomène ou une chose concrète, qui lui confèrent son identité. Comment, en effet, connaître les causes qui procurent l'opulence aux nations, quand on n'a pas des idées claires sur la nature des richesses elles-mêmes? (Say, Écon. pol., 1832, p.28).C'est la nature de la femme d'être volontiers regardée, palpée, curieusement observée, c'est-à-dire adorée (Michelet, Journal, 1857, p.336).
− La nature + adj. + compl. en de.La nature divine de Jésus-Christ. Par sa nature spongieuse (...) [la couche d'humus] filtre et retient l'eau des pluies, en ralentit l'évaporation (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.12).
− Par nature, de nature (plus rare), loc. adv. En raison des propriétés de la chose, de l'être dont il est question. Le pouvoir n'étant qu'un homme semblable en tout aux autres hommes, sans aucun privilège, aucune supériorité de nature (Lamennaisds L'Avenir, 1831, p.179).Toute définition est par nature partielle: elle est restrictive (J. Bousquet, Trad. du silence, 1936, p.101).L'unité de mesure de son style [de J. Renard], c'est la phrase. D'une phrase à l'autre il n'y a ni mouvement, ni passage. Il n'y a rien: le vide. Il est voué par nature au discontinu (Sartre, Carnets de la drôle de guerre, nov. 1939-mars 1940, Paris, Gallimard, 1983, p.420).
♦ [Avec art. poss.] Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent (Code civil, 1804, art. 517, p.95).Le pouvoir, étant répressif de sa nature, a besoin d'une grande concentration pour opposer une résistance égale au mouvement populaire (Balzac, Méd. camp., 1833, p.157).
− Être de nature à, loc. verb. Être susceptible d'avoir pour effet de. Cette philosophie pouvait être vraie, mais elle était de nature à faire désirer la mort (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.499).Comprises et appliquées comme elles devaient l'être, ces mesures étaient de nature à arrêter net toute menace d'épidémie (Camus, Peste, 1947, p.1258).
− PHILOS., THÉOL. Essence. L'origine de la pensée a occupé tous les véritables philosophes. Y a-t-il deux natures dans l'homme? S'il n'y en a qu'une, est-ce l'âme ou la matière? (Staël, Allemagne, t.4, 1810, p.15).Le Christ s'avance, sous les traits d'un griffon, dont le corps terrestre et les ailes aériennes rappellent l'union hypostatique des deux natures humaine et divine (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.152).
− GRAMM. La nature des constituants de la phrase est différente de leur fonction (...). Un groupe du nom peut avoir des fonctions différentes; il peut être sujet (mon père) ou objet (sa lecture) dans la phrase: mon père achève sa lecture (J. Dubois, R. Lagane,La Nouv. gramm. du fr.,Paris, Larousse, 1973, p.19).
B. − Synon. de type, sorte.Les modifications que les mêmes natures de terrain ne manquent point de faire subir à l'homme (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t.2, 1808, p.162).Ces trois natures de dépenses formaient un total mensuel de soixante-six francs (Balzac, Cous. Pons, 1847, p.48).Les natures d'activité et les pouvoirs de négociation des entreprises (Perroux, Écon. XXes., 1964, p.400):
15. Il y a donc plusieurs natures d'espérances, plusieurs sortes de charités, diverses essences de foi? Flaub., Tentation, 1849, p.345.
− [Fréq. dans un compl. introd. par de] Des obstacles de toutes natures; un tissu de même nature. On n'a distingué jusqu'à présent dans les organisations politiques, que trois pouvoirs. J'en démêle cinq, de natures diverses, dans une monarchie constitutionnelle (Constant, Princ. pol., 1815, p.19).
Rem. Le sentiment que ces expr. sont grammaticalisées entraîne parfois le sing.: Dans ces expéditions de toute nature, j'étais souvent à l'avant-garde (Latouche, L'Héritier, Lettres amans, 1821, p.30).
C. − En nature, loc. adv.
1. DR. [En parlant d'un bien meuble] Dans sa réalité physique (s'oppose à en valeur, en argent). Ils rendront la valeur estimative de ceux des meubles qu'ils ne pourraient représenter en nature (Code civil, 1804, art. 453, p.84).Mais M. de Capmas étant convenu avec vous que vous auriez deux lits de plume et ceux-ci étant les seuls existants dans notre mobilier, je vous les restituerai en nature ou en argent (Lamart., Corresp., 1831, p.133).Un négociant possède un magasin entier rempli d'indigo qui ne peut servir en nature, ni à nourrir, ni à vêtir, et qui n'en est pas moins une richesse (Say, Écon. pol., 1832, p.257).
♦ Payer en nature. Payer avec des produits ou avec du travail. Scapin battra la caisse devant la porte promettant un spectacle extraordinaire et mirifique aux badauds ébahis avec cette facilité de payer leur place en nature (Gautier, Fracasse, 1863, p.161).P.plaisant. [En parlant d'une femme] Accorder ses faveurs en échange d'un service.
2. [En parlant de plantes, de produits] Vieilli. En l'état, sans transformation. Nous aborderons la droguerie en la révolutionnant, en vendant ses produits concentrés au lieu de les vendre en nature (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.92).La matière glycogène serait-elle portée en nature dans tous les organes, seulement les uns la conserveraient, les autres la changeraient en sucre? (Cl. Bernard, Notes, 1860, p.167).
3. Synon. de en réalité, en vrai (p.oppos. à sous une forme représentée).Au théâtre, tu entends parler du plaisir de bien faire: ici tu vas l'éprouver et le sentir; tu vas trouver en nature la misere, la générosité et la reconnoissance (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p.172):
16. C'est alors que je suis tombé pile sur ce livre (...) et que je l'ai ouvert sur le Martyre de Saint Maurice, qu'on voit ici mieux qu'en nature, ce tableau que j'avais longuement contemplé à l'Escorial. Aragon, Blanche ou l'oubli, Paris, Laffont, 1974 [1967], p.88.
− Synon. de en chair et en os.Comment d'ailleurs ne songerais-je pas à votre jolie mine, puisque je l'ai là, devant moi, clouée sur mon armoire aux pipes! Je voudrais bien la voir en nature (Flaub., Corresp., 1867, p.336).
IV. − En emploi adj.
A. −
1. Qui est conforme à la réalité. Le Christ, mitré, rouge, à barbe fourchue, byzantin par l'immobilité, d'un idéal profond, terrible plus que noble, est pourtant réel, nature, s'il en fut jamais (Michelet, Chemins Europe, 1874, p.261).
♦ En emploi adv. Il paraît que les Martial de La Touche y sont [dans un livre] peints nature (Benoit, Atlant., 1919, p.16).
♦ Grandeur nature. V. grandeur I B 1.
− P.méton. Banal, trivial. Tu ne sens pas que (...) tous ces personnages-là sont légers comme des rhinocéros, qu'ils parlent pour ne rien dire et que c'est trop nature? (Flaub., Corresp., 1858, p.295).Leverdet: Balbine amoureuse de ce gandin, que c'est nature! (Dumas fils, Ami femmes, 1864, v, 3, p.189).
2. [En parlant d'une pers. ou d'un comportement] Spontané. Réjane est admirable par son dramatique, tout simple, tout nature (Goncourt, Journal, 1888, p.866).
3. [En parlant d'aliments] Sans accompagnement, sans préparation particulière. Steak, yaourt nature. Le dîner (...) était composé d'un bouillon épaissi par des îles réunies de semoule, d'un boeuf nature, d'un gigot aux haricots (Huysmans, Oblat, t.1, 1903, p.58).Le mari, grand blessé de guerre, commandait un café nature, sa femme un café rhum (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.41).
B. − Contre nature. Qui n'est pas naturel (dans les diverses accept. normatives de l'adj.). Des amours contre nature. Quand Rome eut des vertus, ce furent des vertus contre nature. Le premier Brutus égorge ses fils, et le second assassine son père (Chateaubr., Génie, t.2, 1803, p.578).Cette interpolation [du Richard III de Shakespeare] est tout à fait de mauvais goût et contre nature (Delécluze, Journal, 1828, p.492).Est-il possible que des hommes se tuent pour une cuisinière! C'est tout à fait contre nature (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.146).V. aussi contre-nature*.
V. − En emploi adv., rare, pop. Synon. de naturellement (v. ce mot).Seulement ça ne me dit pas où qu'turbine mon homme −Nature (F. Carco, Jésus-la-Caille, Paris, Le Livre de poche, 1914, pp.56-57).Alors c'est sur lui que Sulphart passa sa rage: −nature, toi tu t'en fous, bouseux, t'as pas soif. C'est pas dans l'usage de boire quand on est aux champs (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p.233).−Je vous écoute, inspecteur: je vous serais seulement obligé de me dire ce que j'ai à voir dans l'affaire dont vous me parlez... −Oh, nature! Vous ferai pas griller. Simple. Savez-vous que la femme du professeur Beurdeley a été assassinée? (Aragon, Beaux quart., 1936, p.435).
REM.
Naturopathe, subst.,naturopathie, subst. fém.V. -pathe, -pathie.
Prononc. et Orth.: [naty:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1119 «force active qui a établi et maintient l'ordre de l'univers» (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 389); 1580 les lois de nature (Montaigne, Essais, I, 33, éd. P.Villey, I, 218); 1668 payer le tribut à la nature (La Fontaine, Fables, V, XII, Les Médecins, éd. A. Régnier, I, 402); 1673 laisser faire la nature (Molière, Malade Imaginaire, III, 3); 2. 1426 «organisation particulière de chacun des êtres vivants, mouvement qui le porte vers les choses nécessaires à sa conservation» (Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, 16, 22); 3. 1535 contre* nature; 4. 1580 «faculté innée qui rend l'homme capable de discerner le bien et le mal» (Montaigne, op. cit., I, 16, 70); 5. 1584 «ensemble du monde, des êtres et des choses, univers en tant qu'ordonné et régi par les lois» (Jacques de Romien, Palinodies ds Satires françaises du 16es., II, 89); d'où 1690 «opérations, productions de la nature (par opposition à celles de la civilisation)» (Fur.); 1696 «le monde physique» (La Bruyère, Des Jugements, 110, éd. G. Servois, III, 123); 6. 1580 «la nature considérée comme modèle des arts» (B. Palissy, Disc. admirables, p.194 ds IGLF); 1663 d'après nature (Molière, Critique de l'École des Femmes, VI, éd. R. Bray, 2, p.329); 1671 plus grand, plus petit que nature (Pomey); 1763 la nature inanimée (Bachaumont, Mém., t.1, p.104); 7. 1734 en nature «en objets réels, dans un échange» (Dubos, Hist. mon franc., 1, p.108). II. 1. a) 1remoitié du xiies. «ensemble des caractères, des propriétés qui définissent les objets» (Lapidaire de Marbode ds Anglo-Norman Lapidaries, éd. P.Studer et J. Evans, p.48, 496); b) ca 1165 «essences, attributs propres à un être» (Eneas, éd. Salverda de Grave, 436); spéc. xiiies. nature humaine (Isopet de Lyon, 1669 ds T.-L.); 1755 la nature animale (Mirabeau, Ami Hommes, t.1, p.14); 1761 nature végétale (Rousseau, Nouv. Héloïse, t.3, p.229); 2. ca 1170 «disposition, tendance que l'être apporte en naissant» par nature (Chrétien de Troies, Roman de Perceval, éd. Lecoy, 241); d'où a) ca 1480 «complexion, tempérament de chaque individu» (Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 43144); b) 1559 «la personne elle-même» (Amyot, Agésilas, 11 ds Littré); 3. début du xiiies. «constitution du corps humain, principe de vie qui l'anime et le soutient» (Li Epistle S. Bernart a Mont Deu, éd. V. Honemann, p.244); 1690 forcer nature (Fur.); 4. 1607 «affections naturelles de l'homme qui ont pour objet des personnes auxquelles il est uni par les liens du sang» (E. Pasquier, Recherches, V, 3 ds Gdf. Compl.). III. 1560 théol. «état naturel de l'homme (par opposition à la grâce)» (Bible, éd. A. Rebul, p.15 vod'apr. FEW t.7, p.46b); 1690 état de nature «état de l'homme non régénéré par le baptême» (Fur.); 1738 le pur état de nature (Argens, Lettres Juives, t.3, p.149); 1761 l'homme de la nature «homme tel que la nature le fait» (Rousseau, op. cit., t.4, p.144). IV. Emploi adj. 1. 1808, 10 déc. «conforme à la nature» c'est nature (L'Ambigu, t.23, p.473 ds R. Philol. fr. t.20, p.75); 1836 (Stendhal, L. Leuwen, t.2, p.364: ceci est moitié nature, moitié comédie); 2. 1860 «spontané» (Michelet, Journal, p.524: La dernière fut très spontanée, toute naïve et toute nature); 3. 1865 «au naturel» un boeuf-nature (Vallès, Réfract., p.11). V. Emploi adv. 1914 (Carco, loc. cit.). Empr. au lat. natura «le fait de la naissance, état naturel et constitutif des choses, tempérament, caractère, cours des choses». Fréq. abs. littér.: 29921. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)62436, b) 37771; xxes.: a) 29876, b) 35766. Bbg. Ehrard (J.). L'Idée de nature en France dans la première moitié du 18es. Paris, 1963, passim. _ Gohin 1903, p.297, 338. _ Gritti (J.). La Notion de nature chez Bonald... Cah. Lexicol. 1969, no14, pp.26-32. _ Lenoble (R.). Hist. de l'idée de nature. Paris, 1969, pp.217-238. _ Mauzi (R.). L'Idée du bonheur au xviiies. Paris, 1965, pp.559-570. _ Merleau-Ponty (M.). Résumés de cours. Collège de France 1952-1960. Paris, 1968, pp.91-137; 171-180. _ Tocanne (B.). L'Idée de nature en France dans la seconde moitié du xviies. Lille, 1978, 1072 p.(Thèse. Paris IV. 1975. 2 vol.).



Ce «noyage informatique» est une simple tentative d'humour ...

lol!

.

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Message par Bergame Jeu 10 Oct 2024 - 21:49

Ouais, ben manifestement tu ne connais pas l'adage selon lequel les blagues les plus courtes sont les meilleures. Que signifie "exister" ? - Page 8 2101236583

aliochaverkiev a écrit:Le problème de la philosophie grecque c'est que personne ne sait au juste ce que le locuteur veut signifier quand il emploie des mots tels que substance ou Nature. C'est l'une des raisons pour laquelle de nombreux savants parmi les physiciens annoncent depuis longtemps la mort de la philosophie (grecque). Au moins les scientifiques tentent de définir les mots qu'ils emploient de telle manière que cette définition devienne compréhensible pour l'ensemble des mortels.
Oh, je ne sais pas, physis et ousia sont bien définis chez Platon et Aristote (au moins). Avec Spinoza, tu choisis justement le philosophe qui commence par poser que Physis = Ousia, c'est peut-être ce qui te donne cette impression d'ambiguïté ?

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Message par Vanleers Sam 12 Oct 2024 - 10:33

aliochaverkiev a écrit:

La recherche du sens d'un mot dans l'étymologie ou dans les écrits des anciens c'est vouloir figer le sens des mots dans une histoire donnée. Ce ne pas tenir compte de l'évolution du vivant. C'est tenter de minéraliser le vivant à la manière des fondamentalistes religieux qui en reviennent sans cesse aux écrits originels. C'est en quelque sorte nier la culture de l'oral qui fabrique sans cesse du sens, du sens nouveau, culture toujours fluente et en mouvement, telle un fleuve, au profit de la culture de l'écrit, immobilisée telle un glacier.

Exister, au sens du latin archaïque ex + sistere, « sortir de », est à la base de la spiritualité chrétienne qui invite chaque homme, non pas seulement à être comme les animaux, les végétaux ou les minéraux mais à ex-sister, à sortir de soi.
C’est là son essence véritable.
A l’image du Dieu révélé par Jésus-Christ, Dieu intérieur et trinitaire, chaque homme est invité à réaliser son essence, c’est-à-dire « devenir une relation vivante à l’autre et aux autres » (Zundel)

Pour répondre à vos objections ; il s’agit donc, ici, de s’inspirer du sens ancien du mot existere pour forger concrètement un sens nouveau approprié à sa complexion, chacun étant une « relation vivante ... » à sa façon.

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Message par enerlibr Sam 12 Oct 2024 - 11:35

D'où je me tiens, c. à d. de mon étant, au sens de Heidegger et de son Dasein, "jeté là", je constate trivialement que n'existe que ce qui est nommé.
La langue française est déconcertante en ce que souvent il y a confusion entre la statique de l'être et la dynamique de l'étant.
L'anglophone doit certainement souvent être "bluffé" par des termes qui surviennent "out of the blue".
Pourquoi dire "J'ai été à Paris", au sens de et à la place de "je suis allé à Paris" ? Dans ce cas, l'être est mu à son corps défendant (humour).
Y aurait-il du Sartre là-dessous ? Pour lui, l'existence précède l'essence. Il ne dira donc pas : Mon être s'est fixé à Paris et mon étant y a vécu.
Quelle est la probabilité que des écoles sortent des élèves aptes à distinguer toutes ces subtilités ? :

Lorsqu'«aide» et «garde» se rapportent à des personnes, ils deviennent des noms et doivent s'accorder.
On écrira ainsi: des «aides-soignants», des "gardes-malade". À l'inverse, lorsque les verbes désignent des choses, ils redeviennent des verbes.
On notera alors: des «garde-robes». Le taoïsme resurgit, incognito : "Lorsque tu fais, sois faisant" :
L'être est spectateur de sa authentification existentielle.

C'est donc bien le verbe créateur qui, en tant qu'il fait exister, est nommé,  substantifié et vérifie l'étant en affirmant son essence invariable.
Qu'en penserait Sartre ? Contrairement à son magnifique texte sur le «garçon de café», un(e) garde-malade n'est pas en représentation
mais au contraire agit conformément à son essence, forcément première.

On ne voit bien qu'avec le cœur mais s'il fallait choisir entre ces formules de politesses, au français "Cordialement",
je préférerais de loin le "Regards" anglais.
Il y a dans le "cordialement" un "je ne sais quoi" d'une tolérance de bon samaritain non dénué d'une certaine supériorité, si ténue soit-elle.
Au contraire, "Regards" est dans  le dénuement quasiment au sens de Maître Eckhart, c'est se tenir devant l'étant, l'existant,
c'est faire abstraction de tout jugement péremptoire et considérer le potentiel de son être, ce qui n'est autre que le respect,
parce que c'est lui / elle, parce que c'est moi.

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