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Droit au suicide assisté

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Message par baptiste Sam 8 Juin 2024 - 8:27

alain a écrit:

Prenons la thèse de la disparition de toute illusion.
Ca peut conduire au désenchantement du monde ...

Tout devrait être vu " comme  cela est " ? ... ou plutôt, tel que " cela nous apparaît " ?
Mais bon, cette simple question de la représentation  constitue déjà une énième énigme en soi et il n' est même plus réellement intéressant d' en débattre.

Si l' humain abandonne toute illusion, que reste t il de ses inspirations, ses intuitions,  capables de produire les plus grandes œuvres en musique, poésie et les arts en général ?
Mais aussi en sciences, non ?  
Si Einstein - et la plupart des grands scientifiques -  n' était pas porté par l' illusion de comprendre le monde ( que le monde puisse être compréhensible) aurait il découvert ce qu' il a découvert ?
S' il n' avait pas joué de son imagination et de son intuition comment aurait il découvert la relativité ? ( l' imagination est plus importante que le savoir, de son propre aveu ).

Cette illusion, est elle  un plus ou un moins pour l' humanité ?
" Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes mais l' idée qu' ils se font sur les choses ", disait le philosophe.
En effet, mais un monde sans aucun trouble serait véritablement totalement pacifié ?
Le " tout rationnel " - en excluant donc ce qui ne l' est pas -  est ce vraiment la meilleure voie possible pour que l' humanité grandisse et se réalise, quand on constate dans l' histoire que  la rationalité extrême à souvent produit des systèmes abérrants ?

Pour moi, respecter l' humain c' est respecter sa SINGULARITÉ.
Parce que l' humain PENSE - a sa facon et non a la facon d' un autre animal -  il produit aussi un monde " qui est intérieur, " abstrait ", par rapport au monde physique.
A mon sens il faut déjà respecter cet état de fait.
On ne peut avancer avec l' humain , éventuellement vers le meilleur,  qu' à ces conditions, sans tenter de l' amputer en partie de ce qu' il est ...

Il y a une part de l' homme qui est rationnelle et une part qui ne l' est pas.
Pascal avait bien compris cela, je crois.
Et c' est ainsi.

Si les « apparences » peuvent être trompeuses alors que dire des « illusions » ? Les « illusions » ne peuvent être un idéal, « l’erreur » ne peut être un idéal. L'imagination n'est pas une illusion, c'est une faculté créatrice qui peut conduire à l'illusion certes mais pas nécessairement et tu en donnes toi même un exemple.

Je comprends ce que sont les « visions du monde », ce qu’elles sous tendent  le rôle qu’elles jouent et la part d'illusion qu'elles contiennent, je crois aussi que nous ne pouvons pas vivre sans une « vision du monde », personne ne peut passer sa vie à s’interroger à chaque instant sur tout. Mais une « illusion » comme idéal, une erreur comme idéal, non. Si une vision du monde contient sa part d'illusion elle n'est pas qu'une illusion elle est aussi le reflet d'une multitude d'influences bien réelles.

Si l’imagination à un « rôle », puisque c’est toi qui parle d’Einstein, c’est quand justement elle permet de sortir des schémas connus, des  « visions connues ». Mais ces « possibles imaginés » dans le monde empirique sont ensuite soumis à la vérification expérimentale  ou la modélisation mathématique. La théorie de la relativité n’a été acceptée qu’une fois vérifiée expérimentalement en 1919. L’imagination n’est pas à l’origine de la « connaissance », elle est à l’origine de la « question posée à la nature», même si en matière d’innovation la question est première chronologiquement la réponse passe par le savoir, Einstein n’était pas un ignorant, un ignorant quelle que soit son imagination n’aurait pas dépassé le stade de la croyance.

Je suis d’accord, l’erreur des idéologues comme des théologiens c’est d’avoir cru que l’homme existe alors que ce sont les hommes qui existent et respecter la réalité de l'humain lorsque l'on se propose penser sur l'humain est aussi chronologiquement primordial.Ce forum est une illustration parfaite de cette observation.

En démocratie, le domaine politique est le domaine d’un « vivre ensemble » et de la capacité d’agir dans l’espace public,  il n’y a que des discours argumentés entre différentes « visions du monde » pour construire un monde commun. Je suis d’accord respecter la singularité ce n’est pas optionnel en démocratie, c’est une obligation. Mais le risque de voir les singularité ne plus être respectées n’existe pas vraiment dans nos démocraties occidentales, on est d'accord, personne ne propose d'interdire les croyances religieuses ou politiques! Le risque auquel nous assistons vient de ceux qui bénéficiant de la liberté de parole et d’action proposée par nos démocraties, aux nom de leurs croyances religieuses ou politiques ne rêvent que de renverser la gueuse , ou prétendent imposer leur point de vue aux autres en se faisant passer pour des victimes, et ceux là  sont nombreux.

L’actualité regorge de témoignages objectifs depuis l'opposition des catholiques intégristes au mariage pour tous et les multiples attaques anti démocratiques du monde musulman. De manière non anecdotique alors qu'il y a dix ans des curés traditionalistes en soutane étaient descendus dans la rue faire le coup de poing contre la loi sur le mariage pour tous et qu'ils étaient vent debout contre une loi sur  la mort choisie à l'heure du débat parlementaire ils se font plus discrets, serait ce du au fait que l'opinion publique pour une fois n'est pas partagée et montre une certaine volonté collectivement?

La capacité de choisir son attitude par rapport à une question sociétale c'est démocratique, prétendre l'imposer aux autres sur la base de ses "illusions" est-ce démocratique?

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Message par Bergame Sam 8 Juin 2024 - 11:18

Oui mais tu es toujours tellement dans la rhétorique toi-même, baptiste. A te lire, tu es le chantre de la démocratie et de la rationalité contre les passions, mais étrangement, les passions, dans tes exemples, elles sont toujours du même côté. Il s'agit toujours des catholiques, toujours plus ou moins "intégristes" et "curés". Moi, j'étais contre le "mariage pour tous", je l'étais pour des raisons qui n'ont rien à voir avec quelque religion que ce soit -mais par crainte du business de la vie.
Et je pense d'ailleurs que le présent me donne plutôt raison : Depuis qu'elle est autorisée (2021), la PMA a explosé en France. Rappelons d'ailleurs au passage qu'elle est intégralement prise en charge par l'Assurance Maladie, ce qui est une honte. Fort heureusement, la GPA, elle, est (encore) interdite en France.

Mais après le "mariage pour tous" et l'autorisation de la PMA, nous avons eu droit à la "chirurgie de réassignation", les opérations de changement de sexe. Elles aussi intégralement prises en charge par l'Assurance Maladie ! Fort heureusement, après cet emballement "progressiste", il semblerait qu'un début de réflexion ne s'amorce, au moins en ce qui concerne les mineurs.

Sur la fin de vie, personnellement, je n'ai jamais bien compris le débat. Il y a quelque chose qui existe, qui consiste en une décision strictement individuelle, que personne ne peut empêcher, et qui résulte dans l'abrègement de sa propre existence -ça s'appelle le suicide. Ici, nous parlons du fait de demander à la société de, là encore, prendre en charge ce qui est pourtant, et devrait rester, une décision toute personnelle s'il en est une. Les existentialistes, Camus en tête, faisaient du suicide le dernier rempart de la liberté, ce qui appartient à l'individu homme et à lui seul. Bon ben on discute d'en transférer la responsabilité à la collectivité et seuls les catholiques seraient contre ? Allons donc.

"Octroyer un droit, c'est ouvrir un marché" disait Weber. S'il y a de la rationalité dans tout cela, elle est du côté du business, du Pharma Business. Les autres ne sont que des naïfs compassionnels qui tentant de cacher leur émotivité sous le masque du Progressisme.

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Message par Saint-Ex Sam 8 Juin 2024 - 12:19

Bergame a écrit:
Sur la fin de vie, personnellement, je n'ai jamais bien compris le débat. Il y a quelque chose qui existe, qui consiste en une décision strictement individuelle, que personne ne peut empêcher, et qui résulte dans l'abrègement de sa propre existence -ça s'appelle le suicide. Ici, nous parlons du fait de demander à la société de, là encore, prendre en charge ce qui est pourtant, et devrait rester, une décision toute personnelle s'il en est une. Les existentialistes, Camus en tête, faisaient du suicide le dernier rempart de la liberté, ce qui appartient à l'individu homme et à lui seul. Bon ben on discute d'en transférer la responsabilité à la collectivité et seuls les catholiques seraient contre ? Allons donc.

J'ai déjà exposé sur Digression la volonté de la femme de ma vie de se prémunir du droit à mourir dans la dignité existant dans le lieu où je vis et d'où j'écris. Je ne me sens pas l'envie d'en reparler. Je signalerais simplement que le suicide, ou l'euthanasie, ou tous les termes ou expressions qu'on voudra pour parler de la mort volontaire doit obéir à une législation et des règlements des plus sévères.  Des plus sévères.  C'est impératif.

Entre l'interdiction et l'encadrement sévère, y a pas photo, comme on dit.  Il vaut mieux encadrer que de précipiter les gens dans une course où seuls les plus riches peuvent faire ce qu'ils veulent en allant ailleurs.

Cela dit, en France, le droit à mourir dans la dignité est exercé malgré son interdiction. Seuls les plus riches y ont accès. Je vous interdis de me demander comment je le sais !

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Message par baptiste Dim 9 Juin 2024 - 8:50

Bergame a écrit:

Sur la fin de vie, personnellement, je n'ai jamais bien compris le débat. Il y a quelque chose qui existe, qui consiste en une décision strictement individuelle, que personne ne peut empêcher, et qui résulte dans l'abrègement de sa propre existence -ça s'appelle le suicide. Ici, nous parlons du fait de demander à la société de, là encore, prendre en charge ce qui est pourtant, et devrait rester, une décision toute personnelle s'il en est une. Les existentialistes, Camus en tête, faisaient du suicide le dernier rempart de la liberté, ce qui appartient à l'individu homme et à lui seul. Bon ben on discute d'en transférer la responsabilité à la collectivité et seuls les catholiques seraient contre ? Allons donc.

"Octroyer un droit, c'est ouvrir un marché" disait Weber. S'il y a de la rationalité dans tout cela, elle est du côté du business, du Pharma Business. Les autres ne sont que des naïfs compassionnels qui tentant de cacher leur émotivité sous le masque du Progressisme.

Est ce que j’ai parlé de PMA ou GPA ou prise en charge par la sécurité sociale, de qui à raison et de qui à tort ??? Non, j’ai parlé de la forme du débat démocratique et des moyens parfois violents de ceux qui prétendent imposer leur fantasme. Personne ne prétends interdire de croire, sauf les croyants bien entendu, pourtant les croyants ne cessent de se victimiser.

En ce qui concerne le suicide assisté, depuis quand est-il question de demander à la société quoi que ce soit ? La seule demande c’est que justement la société ne s’en mêle plus sauf pour protéger les faibles et les vulnérables. Aujourd’hui assister quelqu’un à se suicider est assimilé à un meurtre et donc condamnable à une peine de prison. Peut-être as-tu eu simplement la chance de n’avoir jamais eu à accompagner un être proche qui te réclame la fin de ses souffrances...Je ne l’ai pas vécu une fois mais deux.

Voyons l’argument de Weber appliqué au cas en discussion. D’abord, s’agit-il d’un droit nouveau ? Non, il y avait le hara-kiri dans la société féodale japonaise, dans la Rome et la Grèce antique le suicide était un idéal de noblesse. Socrate a été condamné à se suicider, il n’ a pas été exécuté. L’interdiction du suicide est un reliquat du temps où le catholicisme régnait en maître absolu sur le monde occidental, l’homme créature de dieu ne pouvait pas rompre de sa propre initiative le lien qui l’unissait à son créateur. En quoi est ce opposable à un non croyant?

Pourquoi m’en prendre plus à notre sainte mère  l’église ? Parce que en France elle est largement majoritaire, parce que dans les discussions qui ont précédé la préparation du projet de loi elle s’est montré la plus militante, la plus farouchement opposée au seul motif de ses croyances sans aucune considération pour ceux qui ne les partagent pas.

Enfin voyons l’argument économique, le marché annuel serait de l’ordre de quelques dizaines de litres d’un sédatif utilisé à dose minimale de quelques ml, les capitalistes ne vont pas se faire exploser le ventre.

J'ai participé ces dernières années à faire évoluer le débat, c'est aussi çà la démocratie, le droit d'avoir des fantasmes et la capacité d'agir dans l'espace public pour que ces fantasmes ne puissent être imposés à ceux qui ne les possèdent pas.

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Message par Kercos Dim 9 Juin 2024 - 11:05

baptiste a écrit:
Pourquoi m’en prendre plus à notre sainte mère  l’église ?  Parce que en France elle est largement majoritaire, parce que dans les discussions qui ont précédé la préparation du projet de loi elle s’est montré la plus militante, la plus farouchement opposée au seul motif de ses croyances sans aucune considération pour ceux qui ne les partagent pas.


L' émission de ce matin "Culture d' Islam" parle du concept de "droit" ...d' un tres bon niveau, elle ne parle pas que du droit en Islam.
On y apprend pas mal de chose, notamment qu'en france, le droit est un domaine indépendant de l'état ...on comprend les polémiques et les luttes de pouvoir.
Pour ma part, je pense que si les religions sont à l'origine du droit, c'est en seconde main. Les religions étant un "squatt" du fait religieux par le civil, le droit n'est jamais religieux.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-d-islam/l-islam-et-l-ordre-du-monde-8068032

"""Pour l’islam, même si l’homme est pécheur, même s’il doit lutter pour son salut éternel, son péché ne saurait altérer en rien l’ordre de la création et, de cette confiance absolue découlent des formes de piété, de mystique, d’art, d’organisation sociale typiques du monde musulman.

Les égarements funestes de l’islamisme radical ne devraient pas, en principe, oblitérer les splendeurs de la civilisation islamique. Les arts, les sciences et le droit sous-tendus par le fait islamique ont dessiné un ordre du monde. Ce sont aussi les caractéristiques de cet ordre du monde qui s’insèrent dans une civilisation humaine planétarisée que l’essayiste Yves Lepesqueur viendra présenter.

Yves Lepesqueur a vécu de nombreuses années dans des pays majoritairement ou partiellement musulmans (Syrie, Liban, Nigeria, Arabie saoudite, Iran, Inde). Excellent arabisant et connaisseur subtil de l’islam, il a publié une étude sur Les Anciennes fêtes de printemps à Homs (Presses de l’Institut français du Proche-Orient, 2e éd. augmentée, 2016) et un essai sur les relations complexes entre le Proche-Orient et son Proche-Occident, Pourquoi les Libanaises sont séduisantes (L’Harmattan, 2022). Il collabore régulièrement à "L’Atelier du roman" et autres revues littéraires. Il lui a fallu près de cinquante années de lectures, de rencontres et de réflexion avant d’oser cet essai sur l’essence et les développements de l’islam. Son dernier ouvrage, L'islam et l'ordre du monde, a paru aux éditions Arcades Ombo.""""""""""

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Message par Bergame Dim 9 Juin 2024 - 12:29

Kercos a écrit:On y apprend pas mal de chose, notamment qu'en france, le droit est un domaine indépendant de l'état ...on comprend les polémiques et les luttes de pouvoir.
Non. C'est une coquille, tu parles de l'Islam, peut-être ? Mais en France, le pouvoir législatif et le pouvoir juridique sont deux piliers de l'Etat régalien.

baptiste a écrit:Voyons l’argument de Weber appliqué au cas en discussion. D’abord, s’agit-il d’un droit nouveau ? Non, il y avait le hara-kiri dans la société féodale japonaise, dans la Rome et la Grèce antique le suicide était un idéal de noblesse.
Bon déjà, tu confonds deux choses. Le suicide n'est pas un droit , ne l'a jamais été, et il n'est pas question qu'il le devienne. Un "droit" désigne une prérogative attribuée juridiquement à une personne, dont elle peut se prévaloir dans ses relations avec Autrui. Il n'y pas de droit au suicide puisque le suicide est une décision et un acte individuels qui n'engagent pas Autrui. Raison pour laquelle, donc, les existentialistes en faisaient le dernier topos de la liberté individuelle.
L'offense à Dieu est encore un autre sujet, à partir du moment où nous vivons dans une République laïque.

Ce dont tu parles, c'est donc de "suicide assisté". Le droit d'aider quelqu'un d'autre à se suicider sans que cela ne soit considéré comme un meurtre. Là, il s'agit bien d'un droit, oui, puisqu'il s'agit d'une décision et d'un acte qui engagent Autrui -et l'engagent même de façon... définitive. Je suis désolé, mais aborder des sujets aussi graves sous l'angle de : "Nous, les Progressistes Humanistes contre les Conservateurs Retardés Catholiques et Intégristes", c'est simplement, à mes yeux, de l'irresponsabilité. Et si je fais le parallèle avec le "mariage pour tous", c'est parce que le débat public s'était quasiment limité, là aussi, à cette rhétorique.
Et c'est cela qu'on prétend nous vendre comme de la Démocratie, en plus !

Deuxième chose, tu es comme beaucoup de gens dans ce pays -les fameux Humanistes-, toute ta réflexion politique et juridique se résume à : "J'ai souffert et je ne veux plus souffrir. Faites des lois pour me garantir que je ne souffrirai plus." Je comprends bien, évidemment, qu'accompagner un proche en fin de vie est une expérience particulièrement difficile, traumatisante. Mais enfin, tout individu rationnel doit être capable de comprendre le problème de l'induction ? Que le passage du cas particulier au cas général ne se fait pas sans risque, sans réflexion, et en prenant en compte les conséquences secondaires non-désirables générées par les effets de composition -on appelle cela les "externalités" en économie ? Est-ce que j'ai vraiment besoin de mentionner les risques -définitifs- auxquels ce genre de "droit" nous expose, socialement ? Il y a combien de gens, à l'instant même, qui rêvent de faire disparaître la belle-mère increvable pour enfin toucher l'héritage ?  

Et puis, ce que ne prennent jamais en compte les Humanistes, convaincus qu'ils sont que leurs Valeurs sont éternelles et que le Progrès est irréversible, c'est que, non, l'histoire n'a pas de fin, que le monde ne cesse de changer, et que les régimes politiques, en particulier, ça va ça vient. Je comprends bien le traumatisme qui est le tien et il est bien normal que tes opinions s'appuient sur tes expériences ; mais introduire dans notre corpus juridique un droit à aider à mourir, c'est créer un précédent bien risqué.
Risque que n'a jamais pris aucune civilisation dans l'histoire et dans le monde, au passage. Mais quelle peut être la valeur d'un tel argument pour un Progressiste, persuadé d'être à l'avant-garde des Intelligents et des Rationnels ?

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Message par Saint-Ex Dim 9 Juin 2024 - 14:50

Bergame a écrit:Bon déjà, tu confonds deux choses. Le suicide n'est pas un droit , ne l'a jamais été, et il n'est pas question qu'il le devienne. Un "droit" désigne une prérogative attribuée juridiquement à une personne, dont elle peut se prévaloir dans ses relations avec Autrui. Il n'y pas de droit au suicide puisque le suicide est une décision et un acte individuels qui n'engagent pas Autrui. Raison pour laquelle, donc, les existentialistes en faisaient le dernier topos de la liberté individuelle.
Le «droit au suicide» n'est pas inscrit sous cette forme dans le pays où je vis et d'où j'écris, le Canada, et où chacun a le droit de demander «à se faire aider à mourir dans la dignité» par le service de santé, mais où chaque demandeur d'une telle chose doit indiquer les raisons qui le poussent à vouloir mourir. (Pour mémoire, ma femme a dû faire état de conditions médicales et administratives nombreuses et très strictes face à de nombreux médecins et psychologues avant de se faire mourir.)

Avant d'exposer ses raisons de vouloir mourir, chacun doit faire la preuve de sa nationalité canadienne, sinon l'aide qu'il sollicite lui est refusée. Ce détail de la loi vise au respect des lois du pays d'où vient ce demandeur et dont il a la nationalité. Un Français (ou un Texan ou un Kazakh) sera toujours tenu de respecter la loi française (ou texane ou kazakhe) en matière de «suicide». (À moins qu'il se soit déjà naturalisé canadien, évidement ..)

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Message par Invité Dim 9 Juin 2024 - 15:32

Bergame a écrit:Bon déjà, tu confonds deux choses. Le suicide n'est pas un droit , ne l'a jamais été, et il n'est pas question qu'il le devienne. Un "droit" désigne une prérogative attribuée juridiquement à une personne, dont elle peut se prévaloir dans ses relations avec Autrui. Il n'y pas de droit au suicide puisque le suicide est une décision et un acte individuels qui n'engagent pas Autrui.
Le suicide implique évidemment autrui. Au minimum, il affecte psychologiquement les proches et il y a toutes les questions liées à l'héritage. De plus, s'il se fait en public (quelqu'un qui se jette sous un train, sur une autoroute), il affecte évidemment autrui (quid s'il y a des enfants témoins ?).

Le droit au suicide assisté se discute dans le cas de malades vivant une souffrance insoutenable, et à leur propre initiative. Si on leur refuse ce droit, alors soit on condamne la personne à subir ses souffrances (au nom de quoi ?), soit on la force à se tuer par ses propres moyens, ce qui est un acte d'une violence extrême. En effet, une personne souffrante souhaite d'abord être libérée de sa souffrance, et non de sa vie : elle ne se résigne à abandonner la vie que par manque d'autre solution. Devoir, en plus, commettre l'acte physique du meurtre de soi-même alors qu'on est déjà victime d'une souffrance, c'est une double souffrance. Sans compter les tentatives qui échouent... Dans tous les cas, rejeter un droit au suicide assisté est un acte de violence que seuls les conservateurs qui acceptent de piétiner la dignité humaine prônent. La violence a toujours été une caractéristique de la droite radicale.

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Message par Saint-Ex Dim 9 Juin 2024 - 16:06

AntiSubjectiviste a écrit:
Le droit au suicide assisté se discute dans le cas de malades vivant une souffrance insoutenable, et à leur propre initiative. Si on leur refuse ce droit, alors soit on condamne la personne à subir ses souffrances (au nom de quoi ?), soit on la force à se tuer par ses propres moyens, ce qui est un acte d'une violence extrême. En effet, une personne souffrante souhaite d'abord être libérée de sa souffrance, et non de sa vie : elle ne se résigne à abandonner la vie que par manque d'autre solution. Devoir, en plus, commettre l'acte physique du meurtre de soi-même alors qu'on est déjà victime d'une souffrance, c'est une double souffrance. Sans compter les tentatives qui échouent... Dans tous les cas, rejeter un droit au suicide assisté est un acte de violence que seuls les conservateurs qui acceptent de piétiner la dignité humaine prônent. La violence a toujours été une caractéristique de la droite radicale.

Lu et approuvé.

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Message par Kercos Dim 9 Juin 2024 - 20:05

AntiSubjectiviste a écrit: Devoir, en plus, commettre l'acte physique du meurtre de soi-même alors qu'on est déjà victime d'une souffrance,

La cessation d'une souffrance est un choix perçu comme nécessaire, pas une double souffrance..plutôt une délivrance.
Les discours de victimisation se multiplient et sont le signe d'une individuation sublimée de l'individu ...occidental.

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Message par Bergame Dim 9 Juin 2024 - 21:56

AntiSubjectiviste a écrit:Le suicide implique évidemment autrui. Au minimum, il affecte psychologiquement les proches et il y a toutes les questions liées à l'héritage. De plus, s'il se fait en public (quelqu'un qui se jette sous un train, sur une autoroute), il affecte évidemment autrui (quid s'il y a des enfants témoins ?).

Le droit au suicide assisté se discute dans le cas de malades vivant une souffrance insoutenable, et à leur propre initiative. Si on leur refuse ce droit, alors soit on condamne la personne à subir ses souffrances (au nom de quoi ?), soit on la force à se tuer par ses propres moyens, ce qui est un acte d'une violence extrême. En effet, une personne souffrante souhaite d'abord être libérée de sa souffrance, et non de sa vie : elle ne se résigne à abandonner la vie que par manque d'autre solution. Devoir, en plus, commettre l'acte physique du meurtre de soi-même alors qu'on est déjà victime d'une souffrance, c'est une double souffrance. Sans compter les tentatives qui échouent... Dans tous les cas, rejeter un droit au suicide assisté est un acte de violence que seuls les conservateurs qui acceptent de piétiner la dignité humaine prônent. La violence a toujours été une caractéristique de la droite radicale.
Ben voyons, et les gauchistes sont toujours prompts à abolir les libertés et à justifier le meurtre ?
Permets-moi de regretter, à nouveau, que tu te complaises dans ce genre de rhétorique, AS.

Le suicide d'un individu affecte ses proches, certes. Comme le décès, d'une manière générale, affecte. Mais il n'empêche que c'est une décision strictement individuelle, qui n'a aucune implication sociale ni juridique (*). Donc non, ce n'est pas un droit. Point.

Le droit au suicide assisté, donc, c'est autre chose. Mais la présente discussion montre suffisamment comment ces sujets ne reposent au fond que sur des manipulations de symbole. Quand je vois des gens somme toute intelligents et cultivés refuser de penser des sujets aussi graves que celui-ci et se limiter à des diatribes éristiques, je me dis que notre pays a vraiment du souci à se faire. On parle quand même de la vie et de la mort. Comment peut-on s'abaisser à en faire un débat droite/gauche ?
Bref.

(*) De quoi tu parles, quand tu évoques l'"héritage" ? Les conditions de transmission du patrimoine ne diffèrent pas selon la cause du décès ?!

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Message par baptiste Dim 9 Juin 2024 - 22:08

Bergame a écrit:
Ce dont tu parles, c'est donc de "suicide assisté". Le droit d'aider quelqu'un d'autre à se suicider sans que cela ne soit considéré comme un meurtre. Là, il s'agit bien d'un droit, oui, puisqu'il s'agit d'une décision et d'un acte qui engagent Autrui -et l'engagent même de façon... définitive. Je suis désolé, mais aborder des sujets aussi graves sous l'angle de : "Nous, les Progressistes Humanistes contre les Conservateurs Retardés Catholiques et Intégristes", c'est simplement, à mes yeux, de l'irresponsabilité.


Deuxième chose, tu es comme beaucoup de gens dans ce pays -les fameux Humanistes-, toute ta réflexion politique et juridique se résume à : "J'ai souffert et je ne veux plus souffrir. Faites des lois pour me garantir que je ne souffrirai plus." Je comprends bien, évidemment, qu'accompagner un proche en fin de vie est une expérience particulièrement difficile, traumatisante. Mais enfin, tout individu rationnel doit être capable de comprendre le problème de l'induction ? Que le passage du cas particulier au cas général ne se fait pas sans risque, sans réflexion, et en prenant en compte les conséquences secondaires non-désirables générées par les effets de composition

Je n’avais pas noté que j’avais écrit en gras « suicide assisté » c’est dingue quand même.

Bon tu avais envie de lancer ton discours habituel contre l’humanisme, tu l’as fait  c’est bien sauf que rien dans ce que j’ai dis depuis plus de 10 ans et ce que je dis ici ne te permet de me classer dans ce que tu dis être la « religion du progrès infini ».

La vision du monde que je défends ici depuis longtemps est parfaitement contingente, ce qui accessoirement n’enlève rien au respect que je porte aux stoïciens. J’ai beaucoup d’estime pour Camus pour de multiples raisons... mais ce que j’apprécie beaucoup et que j’ai cité tant de fois que tu ne peux l’avoir remarqué, c’est cette phrase « Croire en l’homme c’est de la folie, mais désespérer de la lâcheté ».

Quelle tournure d’esprit singulière te permet de voir dans mon discours qui met en avant la contingence dans toutes ses dimensions un adepte de la « religion du progrès infini »,  fallait oser le faire, bravo tu l’as fait!

Le reste, tes fameuses mises en gardes et la suite, alors que tu l’a avoué, tu ignores tout de ce qui a été discuté. Lorsque l'on parle sans savoir on en est réduit à un tartinage d’opinions banales sans rapport au projet de loi, des préjugés sans autres fondements que de te permettre de débitter pour la énième fois le même discours que tu mets à toutes les sauces.

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Message par Bergame Dim 9 Juin 2024 - 22:19

Bon, admettons. Alors explique-moi/nous ce que j'/nous ignorons, stp, histoire d'élever le niveau de cette discussion. Il y a en effet des chances pour que tu connaisses mieux le texte en débat.

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Message par alain Dim 9 Juin 2024 - 23:06

Saint-Ex a écrit:.

À propos du cas particulier de l'«illusion», je me permettrais de signaler que ce genre de perception fait partie du monde vrai de Platon, celui des idées, en opposition au monde sensible du même Platon, celui de la matérialité. Je me permettrai aussi de rapprocher la chose au domaine de réalité de la psychologie d'heisenberg opposé aux domaines de réalité physiques et biologie du même Heisenberg.

Dans le domaine du monde vrai, du monde psychologique, les idées les plus intelligentes comme les plus stupides cohabitent sans problème. l'Illusion est une idée stupide nichée au sein du mnnde vrai, du monde psychologique.

Dans le domaine du monde sensible, du monde physique et biologique, seule existe l'intelligence du monde matérialiste, car toutes les stupidités y sont réfutées, éliminées, l'«illusion» étant éliminée comme les autres.

Cela étant posé, il serait intéressant de se pencher sur les conséquences de toutes les illusions :

L'illusion judéo-chrétienne a provoqué la crasse intellectuelle et physique pendant des siècles.

L'illusion islamique a provoqué des montagnes de cadavres dans sa progression dictatoriale tout azimut.

L'illusion fasciste a provoqué les désastres de la guerre menée contre l'humanité par des dictatures les plus cruelles.

L'illusions nazie a provoqué la guerre la plus cruelle de toutes les guerres contre l'essence de l'humanité.

De son côté, qu'a-t-il provoqué, le monde sensible, le monde des physiques et de la biologie ?

Réponse : il a provoqué l'élimination des illusions les plus mortifères, il a permis de créer la démocratie et l'élimination des dictatures, il a permis à chacun de développer scientifiquement la connaissance bienfaitrice d'un développement cognitif extraordinaire et des palliatifs à la vie malheureuse autant physiques que psychologiques.

Le courage de tuer la mort, c'est aussi le courage de tuer toutes les puérilités, toutes les stupidités, toutes les illusions, toutes les .. tiens, je viens de décider de garder le calme ..
" Tuer la mort "  c' est pas mal comme expression. A mort la mort !
Après, avoir l' illusion de retrouver les siens après la mort, ça fonctionne très bien aussi : on peut également tuer la mort, avec cette illusion en arrière plan.
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Message par alain Dim 9 Juin 2024 - 23:12

« Croire en l’homme c’est de la folie, mais désespérer de la lâcheté ".

👍🏻
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Message par Invité Lun 10 Juin 2024 - 9:21

Bergame a écrit:Ben voyons, et les gauchistes sont toujours prompts à abolir les libertés et à justifier le meurtre ?
Abolir les libertés ? Le droit à (ou au moins, la dépénalisation de) l'euthanasie en cas de malade incurable est pourtant le contraire, à savoir une liberté supplémentaire.

Pour l'héritage, c'est bien sûr lié au décès en général, mais le moment et les conditions du décès peuvent affecter les modalités d'héritage (les testaments, par exemple).

Quant au meurtre : oui, une euthanasie est un acte médical de retrait de la vie. Si l'on est borné et fondamentaliste, on dira que c'est un meurtre et rien d'autre. Si l'on s'ouvre l'esprit, alors on réfléchira à cette question complexe. Tuer un cheval pour abréger ses souffrances n'est pas vu comme un acte criminel, mais un acte de compassion. Pourquoi ne pas partir sur cette base dans le cas d'un être humain en phase terminale d'un cancer, dont la dignité est bafouée par un acharnement palliatif ? Surtout quand c'est le patient lui-même qui le demande, avec lucidité et de façon répétée (la répétition de la demande est généralement un critère pour valider une euthanasie).

Bergame a écrit:Le droit au suicide assisté, donc, c'est autre chose. Mais la présente discussion montre suffisamment comment ces sujets ne reposent au fond que sur des manipulations de symbole. Quand je vois des gens somme toute intelligents et cultivés refuser de penser des sujets aussi graves que celui-ci et se limiter à des diatribes éristiques, je me dis que notre pays a vraiment du souci à se faire. On parle quand même de la vie et de la mort. Comment peut-on s'abaisser à en faire un débat droite/gauche ?
Justement, si tu réfléchis aux valeurs de la droite et de la gauche, tu te rendras compte que le droit à l'euthanasie invoque la valeur de la dignité humaine, une valeur qui tire vers la gauche ("aider à mourir dignement"). Par contre, la droite qui veut confiner la situation d'une personne à sa seule responsabilité (notamment physique : "si tu veux mourir, fais-le tout seul comme un grand") mobilise ici la valeur du mérite (au sens où ceux qui mobilisent autrui pour leur souhait personnel sont vus comme des lâches qui n'osent assumer personnellement leurs choix), qui est une valeur tirant vers la droite.

Toi qui déplores le manque de penser, tu peux te regarder dans le miroir.

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Message par baptiste Lun 10 Juin 2024 - 15:35

Bergame a écrit:Bon, admettons. Alors explique-moi/nous ce que j'/nous ignorons, stp, histoire d'élever le niveau de cette discussion. Il y a en effet des chances pour que tu connaisses mieux le texte en débat.

L'essentiel de la loi est fait de considérations techniques pour éviter les abus potentiels. Le débat d'idées est dans ce qui a précédé.

Je vais te raconter deux anecdotes, il y a quelques années, un homme au tribunal d’Avignon a été condamné à un an de prison avec sursis pour le meurtre, à sa demande, de sa femme invalide et atteinte d’une maladie incurable, qui avait pris la peine de faire part de son souhait à tout son entourage. Il l’avait tué avec son fusil de chasse, c’est terrible, son avocat avait plaidé un geste d’amour.

J’avais un oncle sous anti coagulant qui a fait une mauvaise chute et son cerveau a été envahi de sang tandis que son cœur fonctionnait très bien, il n’avait aucune possibilité de retrouver un jour un état conscient mais pouvait rester dans cet état en service de réanimation pendant des années. Les médecins ont posé à la famille la question : est-ce qu’on débranche l’appareil qui le maintiens en vie ? La famille, qui n’était pas celle de Vincent Lambert,  a accepté mais les médecins qui l’ont fait risquaient une peine de prison. Accessoirement, puisque cela te préoccupe beaucoup, la famille a fait faire une sérieuse économie à l’état. Cela se pratique au quotidien dans les services de réanimation mais aussi d’autres services, j’en ai été témoin, en débordement du cadre juridique actuel.

Le réaliste dit qu’il faut légiférer parce qu’il vaut mieux un encadrement réfléchi et organisé, même si la perfection n’est pas de ce monde, que la clandestinité et les improvisations actuelles.

Cependant être réaliste ne dispense pas de l’interrogation éthique et de répondre à un certain nombre de questions.

J’oublie les religieux, l’argument principal des non religieux (Bellamy prof agrégé de philo) opposés à cette loi c’est de dire que l’on ouvrirait la voie à un monde inhumain. Cela veut dire quoi inhumain ? Nous voila avec un opposant humaniste et un opposant anti-humaniste. Elles ont ceci de fantastiques  les hypostases qu’elles peuvent servir à tout, au fait  les animaux se suicident-ils ?  Droit au suicide assisté 4044154351

En quoi imposer à d’autres lorsqu’on n’est pas concerné une souffrance physique intolérable, simplement parce que l’idée de la mort nous est intolérable, est ce un comportement spécialement  humain ?  En quoi l’incapacité à affronter la réalité de la mort est-elle un acte de courage ? En quoi cette attitude d’indifférence lointaine réclame-t-elle plus de courage que le suicide ou qu’aider au suicide ?

Sur quelle base éthique une même idéologie peut-elle condamner la torture et accepter sans agir de voir quelqu’un se consumer sans espoir  dans des souffrances atroces ?

En quoi le suicide est-il immoral ? Les Japonais, les romains et les grecs anciens ne vantaient-ils pas au contraire la noblesse du suicide ? Le suicide d’Othon fut vanté comme un acte de courage et de désintéressement  complet par Suétone, Tacite et d’autres, et il y a des dizaines d’autres exemples.

Il n'y a rien de plus profondément humain que d'avoir à répondre à ces questions. Le suicide, assisté ou non, n'est pas une obligation c'est un choix philosophique que nous sommes tous potentiellement appelés à affronter un jour.

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Message par Saint-Ex Lun 10 Juin 2024 - 16:56

.
J'ajouterai aux messages d'antisubjectivise et baptiste, avec qui je suis entièrement d'accord, un élément qui est rarement abordé, à savoir le fait de vouloir absolument prolonger la vie d'un humain condamné par sont état «végétal».

Question : Pourquoi vouloir prolonger la vie d'un tel être humain ?

Réponse (hypothétique) : pour profiter des éventuels versements de retraite du «végétal», versements qui se transforment en rente encaissable au moment de sa mort naturelle.

Si cette réponse est hypothétique et que les chances qu'elle se vérifie dans la vie réelle ne sont certainement pas très grandes, elle permet au moins d'avancer une réflexion symétrique au crime qui vient tout de suite à l'esprit de quiconque s'intéresse au «suicide assisté», vocabulaire très pratique pour installer une interdiction très argumentée par la célèbre «moraline» de Nietzsche, qui nous a pondu un excellent «De la mort volontaire» dans son Zarathoustra.

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Message par Bergame Mar 11 Juin 2024 - 17:05

AntiSubjectiviste a écrit:Justement, si tu réfléchis aux valeurs de la droite et de la gauche, tu te rendras compte que le droit à l'euthanasie invoque la valeur de la dignité humaine, une valeur qui tire vers la gauche ("aider à mourir dignement"). Par contre, la droite qui veut confiner la situation d'une personne à sa seule responsabilité (notamment physique : "si tu veux mourir, fais-le tout seul comme un grand") mobilise ici la valeur du mérite (au sens où ceux qui mobilisent autrui pour leur souhait personnel sont vus comme des lâches qui n'osent assumer personnellement leurs choix), qui est une valeur tirant vers la droite.
Je pense que tes stéréotypes font ici obstacle à la bonne compréhension de ce que je dis, AS. Je ne parle pas de "mérite", je parle de "liberté". Je dis que la décision de mettre soi-même fin à sa propre existence est une décision libre, que c'est même l'ultime liberté, celle qui demeure lorsque toutes les autres ont été abolies, qui, à ce titre, n'a pas même besoin d'être garantie juridiquement, et n'est donc pas un "droit".

Maintenant, oppose-moi la possible incapacité physique de se suicider (dans les cas d'invalidité par exemple), le défaut éventuel de courage ou de détermination, le risque de se "manquer" (quoique, pas sûr que ce puisse être un argument, mais enfin), ou toutes autres justifications possibles à une aide au suicide, mais épargne-moi stp tes platitudes idéologiques.

baptiste a écrit:Je vais te raconter deux anecdotes,
Baptiste. Ma femme a dû faire face à ce choix, très récemment, de "débrancher" ou non son père, dans le coma. Ce que je peux dire, c'est que la décision ne lui a vraiment pas été aisée à prendre.
Nous pouvons être d'opinion différente, et sur des sujets aussi cruciaux, il y a de fortes chances pour que différentes personnes soient d'opinion différente, en fonction de leur biographie, de leurs valeurs, de leur vision de l'existence et du monde, etc. Tout ce que je dis est que, a minima, il serait décent de ne pas envisager ces débats sous l'angle idéologique, comme le combat constamment renouvelé du Progrès contre l'Archaïsme, voire de la Gauche contre le Fascisme. A minima. Quoique vous en pensiez, les individus ont le droit d'être d'une opinion différente de la vôtre, surtout sur des sujets tels que celui-ci. Et si, perdus par votre aveuglement idéologique, vous en arriviez à leur dénier ou à leur disputer ce droit, de toutes façons, ils le prendront.

Ceci posé encore une fois, reprenons l'argumentation.

La position que tu défends, comme il apparaît avec évidence dans tes arguments, repose en fait sur la notion de "souffrance". La question que tu poses est en somme : Pourquoi quelqu'un qui est médicalement en fin de vie, souffre, et souhaite en finir avec cette souffrance, ne pourrait-il pas avoir le droit d'abréger son existence ?
Le premier niveau de réponse, pardonne-moi d'y revenir, c'est qu'il n'a pas besoin d'y avoir droit : Celui qui souhaite mourir et est vraiment déterminé à le faire, peut se suicider. Et personne ne peut l'en empêcher.
Le second niveau de réponse prendra en compte, comme dit plus haut, l'incapacité physique, dans certains cas, d'attenter à sa propre vie. Essentiellement, si droit à l'aide au suicide il doit y avoir, il couvrira ces cas spécifiques.

A partir de là, la question qui peut se poser est : Pourquoi le Législateur a-t-il tendance, dans nos sociétés, à énoncer des lois (règles générales) pour résoudre des problèmes qui ne concernent qu'une minorité de cas particuliers ? Et parfois une très faible minorité ?
La réponse me semble claire : Parce que ces cas minoritaires souffrent, et qu'il est aujourd'hui admis que c'est le rôle de l'Etat de protéger les individus des aléas de l'existence, jusqu'à les préserver de la souffrance.
Or, il me semble que ce postulat est éminemment discutable, et qu'il devrait être discuté.

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Message par Invité Mar 11 Juin 2024 - 20:35

Bergame a écrit:Je dis que la décision de mettre soi-même fin à sa propre existence est une décision libre, que c'est même l'ultime liberté, celle qui demeure lorsque toutes les autres ont été abolies, qui, à ce titre, n'a pas même besoin d'être garantie juridiquement, et n'est donc pas un "droit".
Mais la discussion ne porte pas sur un droit au suicide, mais un droit au suicide assisté, ou euthanasie, c'est-à-dire une mort causée par une tierce personne, à la demande d'un patient (typiquement un malade incurable). Sans loi sur le sujet, l'euthanasie serait par défaut un meurtre et le médecin qui cause la mort subirait une peine de prison. Donc, par défaut, le patient n'a pas la liberté de se faire euthanasier. Si l'on dépénalise cet acte, alors le patient gagne cette liberté, en plus de celle de se tuer personnellement. Il y a donc bel et bien un gain de liberté à dépénaliser l'euthanasie.

Ensuite, parlons de cette fameuse "liberté de se suicider", dans le cas d'une personne physiquement capable de se tuer (pas un infirme ou un tétraplégique). Ce n'est pas parce qu'on peut se tuer qu'il est facile de le faire : quand on est malade, ce n'est pas la vie que l'on hait, mais la maladie. Je l'ai déjà dit avant, mais quand un patient songe à mourir, c'est par détresse et désespoir. Il est déjà au bout du rouleau, et la perspective de devoir se tuer physiquement est d'une violence inouïe. Car non, ce n'est pas du tout facile de se tuer proprement. Se pendre, se jeter sous un train, se défenestrer, se saigner dans sa baignoire, se noyer ? Quel spectacle d'horreur, quel traumatisme va-t-il offrir à ses proches bien aimés qui découvriront son corps ? L'empoisonnement ? À moins d'être calé en chimie, il est dur de connaître et de se procurer des poisons mortels rapides et efficaces, et le but n'est certainement pas de s'infliger une longue agonie en plus de sa maladie. Il n'y a rien de plus censé que de souhaiter une mort douce, administrée par un médecin dans une démarche de compréhension et de compassion, entouré de ses proches pour traverser l'ultime épreuve.

Maintenant, à toi de t'exprimer : as-tu une raison pour laquelle tu refuserais à un malade incurable sa demande à être euthanasié ? Que vas-tu lui répondre ?

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Message par Bergame Mar 11 Juin 2024 - 21:41

En tout cas, merci de bien vouloir accepter la discussion.

Voyons tes arguments :
AS a écrit:Mais la discussion ne porte pas sur un droit au suicide, mais un droit au suicide assisté, ou euthanasie,
Là dessus, nous sommes donc d'accord : Un droit au suicide, ça n'a pas de sens. On parle bien d'un droit à l'aide au suicide. On parle bien de quelqu'un qui va prendre la responsabilité de mettre fin à l'existence d'un autre -certes sur sa demande, répétée, etc. Je pense qu'on est aussi d'accord que ce n'est pas une petite responsabilité ? Et qu'à tout le moins, accorder ce droit à, potentiellement, tout un chacun -puisqu'une loi vaut pour tous- se réfléchit et se discute ?

Tu comprends, c'est là le problème essentiel pour moi : Dans cette articulation entre cas particulier et cas général. Le Législateur, encore une fois, part de l'existence de cas particuliers : Des individus qui souhaitent mettre fin à leur existence -pour des raisons qui sont les leurs-, ne peuvent pas ou ne veulent pas le faire eux-mêmes, et demandent à un tiers d'en prendre la responsabilité. Bon, mais ayant pris connaissance de l'existence de ces cas particuliers, le Législateur songe à énoncer une loi, c'est-à-dire une norme qui sera valable pour tous.

Alors j'espère, je sais, bien entendu, que si cette loi voit le jour, nos parlementaires et leurs experts auront envisagé le maximum de cas possibles. Mais par définition, il est impossible d'envisager tous les possibles.
Et ce problème est d'autant plus crucial dans le cas présent. Parce qu'ici, on parle de dommages... définitifs. Tu comprends, si en tant que justiciable, tu t'estimes victime d'un litige, hé bien tu peux mener une action en justice pour obtenir réparation au regard de la législation. Mais dans le cas présent, la réparation...
Oui, il n'est pas outré d'envisager ce texte comme une légalisation -certes, très encadrée, sous maintes conditions- du meurtre. Et du point de vue du droit, AS, ce n'est pas une mince affaire.

Et alors au regard de cela, il y a quand même un point qui m'interpelle, dans ton argumentation :
AS a écrit:Ce n'est pas parce qu'on peut se tuer qu'il est facile de le faire : quand on est malade, ce n'est pas la vie que l'on hait, mais la maladie. Je l'ai déjà dit avant, mais quand un patient songe à mourir, c'est par détresse et désespoir.
C'est pour cela qu'il est intéressant, je crois, d'envisager ce droit au regard de la décision strictement personnelle qu'est le suicide. Parce que cela met bien en lumière ce dont il s'agit : Faciliter le suicide.
Ah c'est certain que tuer, et se tuer, ce n'est pas facile. Mais faut-il vraiment que le Législateur le rende plus simple ? Est-ce même son rôle ?

Finalement, puisque c'est bien là le coeur de ton argumentation -comme celle de baptiste-, tu prétends m'emmener sur le terrain de l'émotion, de la compassion pour l'individu qui souffre. Tu sais, AS, tout le monde a un coeur. Tout le monde est capable de ressentir la souffrance d'autrui -du moins, ne pas en être capable est un symptôme pathologique. Mais il y a ce que moi, je pense et ressens, en tant qu'individu humain, par exemple dans une relation en face-à-face, si j'ose dire, avec un autre être humain -et en particulier, évidemment, quelqu'un que j'aime ; et il y a ce que je pense en tant que citoyen, récipiendaire d'un pouvoir politique -certes limité à mon statut- et qui réfléchit, non plus seulement pour lui-même et ses proches, mais au niveau de l'ensemble de la société. Je crois comprendre que, peut-être, tout le monde n'opère pas ce... dédoublement de la réflexion. Je crois comprendre que, peut-être, un certain nombre de gens ne se vivent que comme des individus au sein d'une masse plus ou moins indifférenciée, et que les notions de "citoyenneté", d'"espace public", de "société", de "nation", de "peuple" n'ont que peu de sens pour eux. Ce n'est simplement pas mon cas. Et surtout, je souhaite, j'espère que ce n'est pas le cas du Législateur, c'est-à-dire en somme nos gouvernants, que nous élisons, et dont j'attends bien entendu que leur réflexion et leur action soient davantage orientées d'après leur responsabilité vis-à-vis du pays, que motivée par la compassion à l'égard de tel ou tel individu.

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Message par Invité Mar 11 Juin 2024 - 22:20

Bergame a écrit:On parle bien d'un droit à l'aide au suicide. On parle bien de quelqu'un qui va prendre la responsabilité de mettre fin à l'existence d'un autre -certes sur sa demande, répétée, etc. Je pense qu'on est aussi d'accord que ce n'est pas une petite responsabilité ? Et qu'à tout le moins, accorder ce droit à, potentiellement, tout un chacun -puisqu'une loi vaut pour tous- se réfléchit et se discute ?
Évidemment que ça se discute, personne n'a dit le contraire. Et dans une discussion, il y a des thèses défendues au moyen d'arguments, exactement ce que je fais ici.

La responsabilité du médecin qui réalise l'euthanasie est énorme. Mais aucun médecin n'est tenu de répondre favorablement à une demande d'euthanasie : il est libre de la refuser. Ce n'est pas parce que l'euthanasie est dépénalisée, que tout patient qui la demande va la recevoir : il se peut qu'aucun médecin ne l'accepte. La dépénalisation est un droit-liberté, et non un droit-créance : une euthanasie cesserait d'être considérée comme un homicide, mais c'est tout : un patient ne peut exiger juridiquement une réponse positive à sa demande.

Bergame a écrit:Ah c'est certain que tuer, et se tuer, ce n'est pas facile. Mais faut-il vraiment que le Législateur le rende plus simple ? Est-ce même son rôle ?
C'est bien sûr le rôle du législateur d'expliciter les actes punissables par la loi de ceux qui ne le sont pas. Sans loi sur l'euthanasie, elle serait un homicide et le médecin serait emprisonné. Or, la réalité est que dans les pays où c'est interdit, des médecins réalisent illégalement des euthanasies (par compassion, ce qui n'est en principe pas un vice) et terminent parfois en prison, et des patients désespérés tentent de se tuer très maladroitement (avec plein d'impacts malheureux sur leur entourage). Une légalisation permettrait d'encadrer et de réguler ces pratiques.

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Message par Bergame Mar 11 Juin 2024 - 22:57

Est-ce que tu te rends compte de la valeur de l'argument ?
- Le droit actuel interdit X
- Mais il se trouve qu'il y a quelques délictueux qui ne respectent pas cette interdiction.
- Alors autorisons-le donc !

Franchement : Quel raisonnement, non ?

Et qui plus est, tu n'es pas là en train de parler de l'interdiction d'un produit stupéfiant, d'un comportement incivil, d'une malversation quelconque... Non, tu parles de l'interdiction du meurtre.

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Message par Invité Mar 11 Juin 2024 - 23:33

Ce n'est pas ça, l'argument. N'abuse pas de la caricature stupide. Voici une meilleure formulation :

1. Fait : La loi actuelle interdit tout retrait volontaire de la vie d'une personne par une autre.

2. Fait : Or, certains retraits de la vie (des euthanasies médicales) sont des actes bienveillants et compassionnels, réalisés à la demande lucide et répétée d'un patient atteint d'une maladie incurable et en situation de grande souffrance.

3. Jugement : De tels actes ne devraient pas être considérés comme des crimes au même titre qu'un assassinat malveillant.

4. Conclusion : Donc créons une exception à la loi en autorisant l'euthanasie.

Le point discutable est le 3. Moi, j'y adhère.


Pour rappel, les exceptions à une loi sont monnaie courante. Tuer un agresseur par légitime défense, par exemple, n'est pas considéré comme un meurtre punissable.

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Message par baptiste Mer 12 Juin 2024 - 0:18

Bergame a écrit:

A partir de là, la question qui peut se poser est : Pourquoi le Législateur a-t-il tendance, dans nos sociétés, à énoncer des lois (règles générales) pour résoudre des problèmes qui ne concernent qu'une minorité de cas particuliers ? Et parfois une très faible minorité ?
La réponse me semble claire : Parce que ces cas minoritaires souffrent, et qu'il est aujourd'hui admis que c'est le rôle de l'Etat de protéger les individus des aléas de l'existence, jusqu'à les préserver de la souffrance.
Or, il me semble que ce postulat est éminemment discutable, et qu'il devrait être discuté.

Est-ce que tu te rends compte de ce que tu écris ? C’est moi qui positionne le débat sur le terrain de l’idéologie ! Nous parlons de « suicide assisté » et entre parenthèse pas d’euthanasie, depuis Moïse et les 10 commandements il est écrit « Tu ne tueras point ». L’état, et puisque tu a cités Weber, est défini par le fait qu’il s’octroie un monopole de la violence considérée comme légitime, seul l’état ayant capacité de décider de ce qui est autorisé ou non en matière de violence rends, sans considération idéologique aucune, l’appel à l’état rigoureusement nécessaire.

Sans avoir lu Weber, le simple bon sens permet de répondre de même. La vie en commun réunit des hommes et non des anges et pour le commun des mortels le souci de l’existence suppose un Etat qui empêche la guerre de tous contre tous et donc seul à même d'accorder dérogation au contrôle de la violence et les conditions de cette dérogation. 



baptiste
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