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Du langage
Bonjour, ce texte est mon premier sur ce forum.
J'espère ne pas m'être trompé de rubrique.
Je m'excuse par avance auprès des vrais philosophes de métier, ma démarche est sincère, un véritable amour de la philosophie, mais je n'ai fait que des études de Lettres classiques et jamais de philosophie pure.
Je reprends ce texte ancien afin de pouvoir conduire mes éventuels lecteurs sur le chemin philosophique que j’ai entrepris. Il a été écrit avant que je ne me plonge dans la lecture de Hegel, qui contredit, du moins en partie, la thèse que je défendais alors, notamment dans les premiers chapitres de sa Phénoménologie de l’Esprit. (Je précise que je ne lis pas couramment Hegel dans le texte, j'y arrive parfois, mais je me suis essentiellement inspiré de cours sur Hegel).
En effet, nous avions souvent critiqué, dans des textes encore antérieurs, l’énoncé théorique par rapport à la praxis, l’une engageant le Monde et l’autre tendant vers la Nature, une lecture heideggerienne. Mais nous voudrions revenir à quelques paroles banales et essayer de les analyser, toujours dans cette même perspective.
Par exemple l’énoncé : « cette table est bleue ». Que se passe-t-il ? Nous attribuons la bleuité à cette table. Ce que cette table est totalement, le déictique « cette » indiquant qu’elle est devant nous, est focalisé sur l’attribut qu’on lui donne de bleu. Mais quel est l’être total de cette table ? Est-ce la somme des attributs qu’on peut lui donner ? Elle semble, cette somme, être infinie, et sans doute qu’elle n’est pas encore connue. En effet, cette table est composée d’atomes, eux-mêmes composés de particules encore plus élémentaires, dont il reste encore beaucoup à découvrir. Pourtant, cette table est bien là, devant nous. Au niveau ontologique, elle est un étant dont on dispose. Mais là encore, la somme de tout ce qu’elle peut être pour nous est infinie. Elle est une table de jeu, une table à manger, une table pour écrire etc. Lorsque nous jouons à un jeu, par exemple, elle est un support qui n’attire pas notre attention, qui reste concentrée sur le jeu. Souvent la table est là pour nous, sans se faire remarquer, modeste support, sur lequel on peut compter. Le langage nous permet de dire à quoi sert la table. Pourtant, dans l’énoncé théorique, cet être de la table, comme objet du monde, a tendance à disparaître, au profit de la nature de la table. La nature de la table est ce qu’elle est en elle-même. Qu’elle serve à jouer aux cartes, par exemple, ce n’est pas sa nature, mais plutôt sa fonction. Comment définir la nature de la table ? C’est à partir de là que l’on peut commencer à essayer de la déterminer. Nous allons essayer de la définir totalement par le langage, comme si en définitive, le langage était capable de recréer intellectuellement la totalité de cette table. Est-ce possible ? Peut-être qu’un jour l’être humain sera capable de comprendre totalement la composition de la table, depuis ses plus petits éléments. Il aura donc une image intellectuelle de cette table parfaitement adéquate à la table réelle. Quelque chose est apparu sous notre plume d’un peu étrange : le terme d’« image intellectuelle ». Quand nous disions « cette table est bleue », nous n’avions pas en vue une « image intellectuelle » de la table mais cette table réelle devant nous. Mais à partir du moment où nous avons voulu déterminer la nature de la table, nous avons rompu le lien avec la table réelle. En effet, ce serait un peu facile, si quelqu'un nous demandait ce qu’est cette table, de répondre en la désignant : « c’est cela ». Seul celui qui est devant la table pourrait comprendre ce que l’on veut dire et notre dire serait un pur montrer. C’était déjà le cas dans l’énoncé « cette table est bleue ». Le sujet, « cette table », avant d’être caractérisé comme bleu, était pris comme totalité posée devant moi. Mais ce simple montrer est insuffisant pour l’énoncé théorique, qui finalement, semble être uniquement du côté de l’attribut : il comprend qu’elle soit bleue, « mais encore ? » demande-t-il. Est-ce que sa couleur permet d’en définir la nature complète ? L’image intellectuelle de la table réelle se forme peut-être ainsi. L’énoncé se coupe de la fonction déictique du langage. Il ne s’agit plus de montrer simplement ce qui est, comme dans le langage ordinaire, mais de voir si d’après le seul énoncé, on arrivera à représenter adéquatement la chose dont on parle. L’énoncé devient vrai, quand la chose pensée est en adéquation avec la chose réelle et faux quand il est inadéquat. Le vrai et le faux naissent à l’intérieur de l’énoncé sur la nature des choses. Il n’existe pas de vraie fonction de la table. À la rigueur on parlera d’impossible : impossible de faire démarrer cette table aujourd’hui ! La catégorie qui n’est pas du tout envisagée, quand on analyse la nature d’une table, est celle du possible. À quoi peut bien servir une table ? Là aussi, comme lorsqu’on éprouve la véritable angoisse de la mort, ce possible est dans nos sociétés relié à la catégorie subjective. Mais qu’est-ce que cela veut dire « subjectif » ? Nous pouvons maintenant tenter une explication : ce qui n’est ni vrai, ni faux, dans un énoncé théorique sur la nature des choses. En réalité, cela risque de faire beaucoup. Par exemple, cette table réelle, qui est devant moi et que je désigne, est de l’ordre du subjectif. Mais nos prouesses énonciatives et ce que j’appelle parfois la métaphysique moderne, ont tellement façonné dans nos imaginaire l’idée d’une réalité objective et vraie, qu’on en oublie le monde, dit « subjectif », et qui est pourtant premier dans l’ordre ontologique.
Nous avons essayé de rendre hommage à ce modeste support de tant de moments heureux de notre vie, qui aura bien mérité son nom de table. Et peut-être avons-nous eu l’audace de renverser la table métaphysique de notre temps, la tabula rasa de Descartes, afin de conférer à cette table bleue toute sa dignité de table. J'ai conservé cette dernière phrase, qui manque totalement de modestie, à cause du jeu de mot que j'apprécie, je vous prie de me pardonner cette petite faiblesse.
Mais nous rencontrons alors le problème suivant : l’énoncé, pour être vrai, doit être adéquat à la chose réelle, l’énoncé théorique n’est donc pas totalement coupé de la chose même. Quelle est la nature de cette adéquation ? La réalité semble n’intervenir dans le processus théorique que pour confirmer ou infirmer l’énoncé. La réalité n’est donc pas première, mais elle est seconde, dans l’ordre ontique. Alors que dans le langage ordinaire, qui montre seulement les choses, la réalité des choses est première, ontologiquement. Certains nous opposeraient peut-être que la réalité n’est pas donnée, une fois pour toute, mais que l’homme construit sa réalité. Sa connaissance théorique lui permet de transformer la réalité, donc l’énoncé théorique ne se contente pas de se référer à une réalité déjà là, mais, au contraire, modifie la réalité. Pour nous, l’énoncé théorique est purement théorique. Son application pratique est d’un autre ordre. On passe de l’ordre ontique à l’ordre ontologique. On ne peut pourtant pas nier que l’ordre ontique de l’énoncé théorique influence l’ordre ontologique, en modifiant le monde et le rapport de l’homme à son monde. C’est indéniable. Pourtant nous maintenons que la vérité ontologique de l’être-au-monde de l’homme est première par rapport aux vérités ontiques secondes de la théorie. Quelle que soit leur influence sur la « réalité » de l’homme et même sur la réduction du monde à du réel.
Qu’est-ce que le réel ? Quand une théorie veut s’assurer de sa propre rectitude elle teste le réel. Nous pourrions tenter une première définition du réel comme ce qui peut être testé. En quoi consiste un test ? Un test consiste à vérifier une hypothèse. Nous ne connaissons pas très bien la logique traditionnelle. Nous allons donc faire simple. Soit, par exemple l’hypothèse suivante : tous les A sont B. Cette induction soulève un problème, déjà repéré par Hume, celui de savoir, dans quelle mesure, nous pouvons affirmer que tous les A sont B, par exemple, que tous les cygnes sont blancs, sans avoir préalablement observé tous les A. Popper répondrait que l’hypothèse est scientifique dans la mesure où elle est falsifiable. Tant qu’on n’a pas trouvé de cygne noir, l’hypothèse « tous les cygnes sont blancs » est non pas vraie (ce qui est impossible à dire) mais corroborée. À partir des inductions, il est possible de faire des déductions, c’est-à-dire, de prédire le réel. Si tous les cygnes sont blancs, j’en déduis que chaque cygne, que je rencontrerai pendant ma balade, sera infailliblement blanc. Le réel est ce qui peut être prédit avec certitude. Nous disons avec certitude afin d’évacuer les prédictions des charlatans. Mais ce qui ne peut pas être prédit avec certitude, la liberté humaine par exemple, est-il donc en dehors du réel ?
Le réel répond donc parallèlement aux prédictions théoriques. La parole qui se contente de montrer ce qui est là, en revanche, n’est pas encore un énoncé théorique. Pourtant, lorsque nous désignons quelque chose, nous disons bien quelque chose, d’après les « connaissances » que nous avons de cette chose.
Ici, nous rencontrons un problème. Nommer quelque chose, est-ce avoir une connaissance ? Est-ce « connaître » quelque chose que d’en parler ? Pour certains cela ne fait aucun doute et voici un exemple qu’ils pourraient prendre : quelqu’un voit un ours blanc dans le zoo de Vincennes et dit « cet ours est blanc ». Il disait cela dans les années trente, mais aujourd’hui avec les progrès de la génétique, nous savons que cet ours blanc, en réalité, n’a pas l’ADN d’un ours blanc, mais qu’il est, par exemple, à moitié grizzli. Nous devons cet exemple à Léna Soler. Donc conclusion, nous nommons l’ours, que nous voyons, en fonction des connaissances de notre temps. Cette démonstration nous semble parfaitement correcte (même si l’exemple est un peu bancal). J’ai lu quelque part que l’art du géomètre était de raisonner juste à partir de figures fausses, parfois, celui du philosophe est aussi celui de raisonner juste à partir d’exemples improbables. Mais le langage, qui se contentait de montrer cette malheureuse moitié d’ours polaire, est devenu, dans nos esprits, un énoncé théorique. Qu’importe que la génétique retrouve de l’ADN de cochon d’Inde dans notre ours blanc, qu’on appelle un chat un chat, ou autrement, peu importe même les mots, les enfants se contentent parfois de montrer du doigt ce qui les émerveille au zoo, l’essentiel c’est que l’ours soit là. Ontologiquement parlant, c’est que l’ours soit là, qui compte. Trop vite nous croyons que le langage recouvre le phénomène qu’il désigne, alors que souvent, il se contente de le montrer. On se demande si les vêtements de mots, dont on a habillé le phénomène, lui conviennent ou s’ils correspondent juste à une mode d’habillage, qui évolue en fonction de la connaissance. On ne se demande même plus si la mode actuelle qui consiste à tout habiller de concept scientifique est vraiment la bonne. Elle semble si indubitable, que dans l’exemple que nous avons pris, la dénomination « ours blanc » n’a pu être faite qu’en fonction des connaissances zoologiques des années trente. Pourtant le mot « ours » ne renvoie pas uniquement à une connaissance, il est aussi un animal symbolique, un personnage de conte, par exemple, et notre imaginaire est peuplé d’ours fantastiques. Ce sont aussi ces ours merveilleux que nous voyons. Alors certes, la connaissance scientifique, que nous avons des choses, influence notre manière de voir le monde. C’est indéniable. Ce n’est pas seulement le réel (la somme des choses prédictibles) qui est agrandi par la connaissance théorique, mais bien notre être-au-monde qui est enrichi par elle. Donc, oui, le monde est encore en attente, il n’a pas été totalement découvert. Quand nous parlions de totalité donnée pour nommer ce qui est là, nous ne voulions pas dire que tout était déjà donné, dans le sens où il n’y aurait plus rien à découvrir. Sans doute que le mot totalité a été mal choisi, nous l’avons employé en référence à Kant et à sa notion d’espace comme totalité donnée. C’était pour faire comprendre que le monde se donne comme totalité pleine et entière. Pour reprendre un exemple de Husserl : si je regarde un arbre je le vois sur l’horizon du monde (le ciel, le jardin par exemple). Sans ce monde sur lequel l’ « objet » que je regarde se détache, je ne verrais pas l’objet. Nous avons ajouté le temps en essayant de suivre la leçon de Heidegger. Je ne suis pas prisonnier du présent et d’un rapport immédiat à l’objet et au monde. Au contraire, je suis toujours tourné vers l’avenir et mon passé me hante. Cependant nous ne voulions pas mettre un terme à cette totalité donnée. Au contraire, c’est une totalité infinie. Ne serait-ce que parce que notre rapport au monde se conjugue au futur, il n’est jamais borné à être ce qu’il est là, immédiatement. Il est tout ce qu’il peut être et dans ce possible s’inscrit aussi les possibles connaissances théoriques à venir. D’ailleurs quand nous montrons, en parlant, nous pouvons très bien dire : « regarde, l’ours va à l’eau. » Nous montrons ainsi quelque chose qui n’est pas là, immédiatement. Pourtant notre dire est bien une manière de montrer que l’ours va se mettre à l’eau.
Pourquoi cette distinction entre parole qui montre et énoncé théorique ? Simplement afin de montrer que les deux sont enracinés dans l’existence humaine et plus précisément dans le là, où se donnent les choses. Ce là n’est pas immédiat, il est ouvert au présent, au futur et au passé. Nous avons tendance à supprimer ce rapport ontologique aux choses et à ne considérer que les énoncés ontiques, dans la mesure où ils sont corroborés par le réel. Nous essayons de montrer notre ouverture au là : notre Da-sein.
Nous disions, au début de notre texte, que la lecture de Hegel nous avait apporté un autre éclairage sur le langage.
Pour Hegel, la vérité est du côté du langage, ce que nous avons appelé l’énoncé théorique et non du côté de ce qu’il nomme l’intuition, la pure manifestation des choses et des êtres.
Ce qui nous a paru intéressant chez cet auteur, c’est qu’il redéfinit la logique.
En effet, la logique traditionnelle promeut la Loi de non-contradiction.
Pourtant lorsque nous disons que « A = A », soit nous ne disons rien et ce que nous disons équivaut à l’être ou au néant, puisque nous ne déterminons absolument pas notre propos, soit nous disons que le second A, disons A’, est identique au premier A, tout en étant différent.
A est donc à la fois A’ et non-A’.
Du coup la Loi de non-contradiction d’Aristote (« Il est impossible que le même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps au même sujet ») est sous cette perspective, fausse.
Nous pourrions dire l’inverse : Il est nécessaire que le même attribut n’appartienne pas au sujet et en même temps lui appartienne.
Tout se joue en vérité sur cette notion d’« appartenir ».
Ce que semble vouloir dire Aristote, et qui reste vrai, est qu’un sujet ne peut pas contenir en lui deux attributs contraires. Ainsi, Paul ne peut pas être malade et en bonne santé au même moment.
Mais ce que nous dit Hegel, c’est que la maladie n’est pas Paul et que pour pouvoir être identifiée à ce dernier, elle doit être différente de lui.
En réalité, nous pouvons attribuer une quantité infinie d’attributs à un sujet.
Ce sujet est ineffable. Paul est ineffable.
(En réalité, le concept qui constitue Paul n'est pas ineffable, nous savons que notre esprit possède un module spécifique à la reconnaissance des visages, qui nous permet d'identifier Paul. Par contre, si nous essayons de faire totalement passer ce qu'est Paul en tant que sujet dans ses attributs, alors, sous cette perspective, Paul est ineffable).
Pourtant ce niveau, qui est celui de la perception, où nous considérons des choses ineffables, n’est encore qu’un moment de la vérité, il n’en est pas le stade ultime et absolu, pour Hegel.
Nous pensons une chose en elle-même, comme une unité ineffable de propriétés sensibles qui, elles, peuvent être dites. Par exemple, si je vois une pomme rouge, la rougeur est manifeste, la forme circulaire aussi et nous savons ce que nous disons. Mais la pomme elle-même reste un mystère. Elle est l’ensemble de ses propriétés mais ne se réduit à aucune en particulier. Elle est une totalité.
Mais l’erreur de ce niveau de la vérité, que constitue la perception, va devenir manifeste lorsque l’on va chercher ce qu’est la chose, non pas en elle-même, mais par rapport aux autres choses.
Chaque chose n’est ce qu’elle est que par rapport aux autres choses qu’elle n’est pas. Le rouge de la pomme n’est rouge que par rapport aux autres couleurs qu’il n’est pas. Si tout était rouge, le rouge que nous verrions ne serait plus notre rouge, celui qui n’est ni bleu, ni vert, ni jaune.
Finalement, la vérité d’une chose singulière est dans le fondement qui suppose l’interaction entre toutes les choses.
Ce fondement est à la fois l’ensemble des choses et leurs relations réciproques.
Chaque chose partielle n’est donc pas la vérité mais le tout, lui, l’est. Mais chaque chose implique en elle le tout : elle peut réagir avec n’importe quelle autre chose.
Avec Hegel, nous voyons donc une autre définition de la vérité.
Avant de faire appel à lui, nous pensions la vérité comme étant essentiellement de l’ordre du phénomène (ce qui nous apparaît). Et nous pensions que l’énoncé théorique était second et ne recouvrait pas complétement cette vérité première du phénomène. Sans doute avions-nous raison de le faire et j’espère que les arguments que nous avons déployés étaient suffisamment convaincants.
Pourtant, ce que nous appelions alors « énoncé théorique » était celui d’une logique encore traditionnelle.
Avec Hegel, nous avons appris une autre forme de logique.
Celle du tout et des parties. Des choses finies et de l’infini (in-fini, au sens de ce qui n’est pas limité).
Cet infini n’est pas un infini abstrait, au-delà des parties finies.
Il est, comme la substance de Spinoza, immanent aux choses finies.
On peut le penser comme un principe d’organisation de tous les phénomènes, ce qui leur donne un sens.
De ce fait, le langage pris comme un pur montrer est insensé.
Nous avions essayé de pallier cette difficulté en disant que le fait de montrer, par exemple, un ours, n’était jamais un rapport immédiat, mais temporel.
Hegel a beaucoup réfléchi sur cette notion de médiation.
On pourrait peut-être dire, mais je m’avance sans doute un peu trop, j’espère que mes lecteurs attentifs me pardonneront certaines audaces (qui ne sont que le fruit de mon immaturité intellectuelle), que, pour Hegel, cette médiation est celle de l’infini ou du tout, présent dans chaque partie.
Une fois que nous avons accompli ce pas hors de la logique traditionnelle, celle de l’entendement, qui découpe le monde en parties indépendantes les unes des autres, indifférentes les unes aux autres et au tout, qu’au contraire leurs relations manifesteraient, nous en arrivons à la question qui nous semble essentielle, la principale contradiction, quasiment irréductible, celle de l’opposition entre la liberté et la nécessité.
Ou pour le dire autrement, l’opposition de la science et de la morale, du comment et du pourquoi, du « qu’est-ce ? » et du « que faire ? », de la vérité scientifique et des valeurs.
Hegel voit, dans ce qu’il nomme la raison, un premier pas vers une résolution de ce conflit. La morale pratique en effet, tente d’inscrire ses valeurs dans la réalité. Inversement, la réalité devient mienne par la science, qui traduit ce qui est, en pensée.
Nous avions dit, dans un autre texte, que la connaissance servait la liberté, nous donnant plus de pouvoir et que leur opposition de principe n’était pas un affrontement, où les progrès de l’une provoquaient un recul de l’autre, mais au contraire, que la science était au service de la liberté et que ses progrès marquaient l’avènement d’une liberté plus grande.
Pour le dire autrement, une liberté qui n’aurait que des idées inadéquates, à propos des lois de la réalité, ne serait qu’impuissance. Or, qu’est-ce qu’une liberté impuissante, sinon une chimère ?
Inversement, connaître sa liberté, c’est envisager sa responsabilité et cette prise de conscience nous engage à mieux connaître notre situation afin de répondre à cet appel.
Liberté et nécessité se renforcent l’une et l’autre.
Nous avons pour l’instant uniquement dégagé l’aspect formel du problème, le contenu de celui-ci est désespérément vide.
Notre seul gain est d’ordre logique, nous avons vu que même si l’étude de la morale et celle de la réalité s’opposent dans leurs principes méthodologiques, la vérité de cette opposition est dialectique, chacune existant par rapport à l’autre.
La dialectique est donc vraiment le grand progrès apporté par Hegel, même si Platon avait déjà commencé à développer cette idée dans Le Sophiste.
Nous avons essayé de montrer comment elle pouvait s’appliquer à un problème, qui pour nous est majeur, à savoir, celui de l’opposition entre la liberté (ou la morale) et la nécessité (ou la science).
Or, nous avons vu que le terme d’« opposition » était particulièrement délicat.
Certes, la liberté n’est pas prédictible, on ne peut donc pas l’étudier comme un phénomène, au sens que donne Kant à ce terme. On ne peut pas en faire l’expérience (mis à part en nous-mêmes).
Il n’est donc pas de connaissance scientifique possible de la liberté.
Pourtant, la relation qu’elle entretient avec la connaissance est fondamentale.
Cette opposition n’est donc pas une opposition brutale.
La dialectique est généralement ce qui permet de ne pas penser en utilisant des oppositions brutales.
Comme dans notre exemple des couleurs, le bleu ne s’opposant pas brutalement au rouge, comme si l’une pouvait être ce qu’elle est sans l’autre.
Cette complémentarité dans la différence (ou identité dans la différence) est ce que nous nommions : l’expression de l’infini dans le fini.
Cela signifie que chaque chose est déterminée par son autre (ou ses autres) et que cette empreinte d’altérité dans tout ce qui est, est la véritable empreinte de l’infini.
Nous avons utilisé le mot « infini » mais dans d’autres textes nous parlions d’Absolu.
Le terme in-fini est intéressant car, comme nous l’avons dit, il est ce qui n’est pas fini (le grand autre du fini).
Absolu, qui signifie étymologiquement « séparé de », pourrait aussi convenir, car l’autre est ce qui n’est pas précisément dans la chose, qu’on ne peut pas trouver en elle.
Mais à condition que cette séparation ne soit pas une séparation brutale et que cet infini ne soit pas au-delà du fini.
Loin d’être séparé des choses finies, l’Absolu constitue leur être aussi fondamentalement que leurs attributs, qui ne sont rien sans l’ensemble des autres attributs qu’ils ne sont pas.
Ainsi, la liberté n’est rien sans la nécessité. La réciproque n'est pas vraie.
Une expérience isolée n’est rien non plus : elle n’a aucune signification en elle-même.
Seul l’Absolu semble vrai, parce qu’il inclut en lui le fini.
Je comprends que le terme d’Absolu fasse peur et que beaucoup de gens considèrent que c’est un mot prétentieux, voire dangereux (surtout entre les mains de fanatiques).
Je considère, pour ma part, qu’il est une exigence : une exigence de sens et de vérité.
Renoncer à penser l’Absolu, de mon point de vue, c’est renoncer à penser l’autre.
C’est s’isoler dans des oppositions brutales.
Mais bien sûr je peux me tromper, ce n’est qu’une simple opinion et j'ai déjà montré dans ce texte, qui présente mon cheminement philosophique, que ce que je croyais vrai il y a quelques temps ne me le paraît plus. J'ai déjà une piste pour me dégager de cette pensée de l'absolu, qui consiste à imaginer des fils d'explication historique parallèles et qui ne se rencontreraient jamais, voire qui s'interrompraient sans suite ou commenceraient sans véritables antécédents (d'une manière originale). Je crois que Paul Veyne défendait une telle thèse dans son Comment on écrit l'Histoire, mais il faudrait que je le reprenne et l'approfondisse.
Cordialement
J'espère ne pas m'être trompé de rubrique.
Je m'excuse par avance auprès des vrais philosophes de métier, ma démarche est sincère, un véritable amour de la philosophie, mais je n'ai fait que des études de Lettres classiques et jamais de philosophie pure.
Je reprends ce texte ancien afin de pouvoir conduire mes éventuels lecteurs sur le chemin philosophique que j’ai entrepris. Il a été écrit avant que je ne me plonge dans la lecture de Hegel, qui contredit, du moins en partie, la thèse que je défendais alors, notamment dans les premiers chapitres de sa Phénoménologie de l’Esprit. (Je précise que je ne lis pas couramment Hegel dans le texte, j'y arrive parfois, mais je me suis essentiellement inspiré de cours sur Hegel).
En effet, nous avions souvent critiqué, dans des textes encore antérieurs, l’énoncé théorique par rapport à la praxis, l’une engageant le Monde et l’autre tendant vers la Nature, une lecture heideggerienne. Mais nous voudrions revenir à quelques paroles banales et essayer de les analyser, toujours dans cette même perspective.
Par exemple l’énoncé : « cette table est bleue ». Que se passe-t-il ? Nous attribuons la bleuité à cette table. Ce que cette table est totalement, le déictique « cette » indiquant qu’elle est devant nous, est focalisé sur l’attribut qu’on lui donne de bleu. Mais quel est l’être total de cette table ? Est-ce la somme des attributs qu’on peut lui donner ? Elle semble, cette somme, être infinie, et sans doute qu’elle n’est pas encore connue. En effet, cette table est composée d’atomes, eux-mêmes composés de particules encore plus élémentaires, dont il reste encore beaucoup à découvrir. Pourtant, cette table est bien là, devant nous. Au niveau ontologique, elle est un étant dont on dispose. Mais là encore, la somme de tout ce qu’elle peut être pour nous est infinie. Elle est une table de jeu, une table à manger, une table pour écrire etc. Lorsque nous jouons à un jeu, par exemple, elle est un support qui n’attire pas notre attention, qui reste concentrée sur le jeu. Souvent la table est là pour nous, sans se faire remarquer, modeste support, sur lequel on peut compter. Le langage nous permet de dire à quoi sert la table. Pourtant, dans l’énoncé théorique, cet être de la table, comme objet du monde, a tendance à disparaître, au profit de la nature de la table. La nature de la table est ce qu’elle est en elle-même. Qu’elle serve à jouer aux cartes, par exemple, ce n’est pas sa nature, mais plutôt sa fonction. Comment définir la nature de la table ? C’est à partir de là que l’on peut commencer à essayer de la déterminer. Nous allons essayer de la définir totalement par le langage, comme si en définitive, le langage était capable de recréer intellectuellement la totalité de cette table. Est-ce possible ? Peut-être qu’un jour l’être humain sera capable de comprendre totalement la composition de la table, depuis ses plus petits éléments. Il aura donc une image intellectuelle de cette table parfaitement adéquate à la table réelle. Quelque chose est apparu sous notre plume d’un peu étrange : le terme d’« image intellectuelle ». Quand nous disions « cette table est bleue », nous n’avions pas en vue une « image intellectuelle » de la table mais cette table réelle devant nous. Mais à partir du moment où nous avons voulu déterminer la nature de la table, nous avons rompu le lien avec la table réelle. En effet, ce serait un peu facile, si quelqu'un nous demandait ce qu’est cette table, de répondre en la désignant : « c’est cela ». Seul celui qui est devant la table pourrait comprendre ce que l’on veut dire et notre dire serait un pur montrer. C’était déjà le cas dans l’énoncé « cette table est bleue ». Le sujet, « cette table », avant d’être caractérisé comme bleu, était pris comme totalité posée devant moi. Mais ce simple montrer est insuffisant pour l’énoncé théorique, qui finalement, semble être uniquement du côté de l’attribut : il comprend qu’elle soit bleue, « mais encore ? » demande-t-il. Est-ce que sa couleur permet d’en définir la nature complète ? L’image intellectuelle de la table réelle se forme peut-être ainsi. L’énoncé se coupe de la fonction déictique du langage. Il ne s’agit plus de montrer simplement ce qui est, comme dans le langage ordinaire, mais de voir si d’après le seul énoncé, on arrivera à représenter adéquatement la chose dont on parle. L’énoncé devient vrai, quand la chose pensée est en adéquation avec la chose réelle et faux quand il est inadéquat. Le vrai et le faux naissent à l’intérieur de l’énoncé sur la nature des choses. Il n’existe pas de vraie fonction de la table. À la rigueur on parlera d’impossible : impossible de faire démarrer cette table aujourd’hui ! La catégorie qui n’est pas du tout envisagée, quand on analyse la nature d’une table, est celle du possible. À quoi peut bien servir une table ? Là aussi, comme lorsqu’on éprouve la véritable angoisse de la mort, ce possible est dans nos sociétés relié à la catégorie subjective. Mais qu’est-ce que cela veut dire « subjectif » ? Nous pouvons maintenant tenter une explication : ce qui n’est ni vrai, ni faux, dans un énoncé théorique sur la nature des choses. En réalité, cela risque de faire beaucoup. Par exemple, cette table réelle, qui est devant moi et que je désigne, est de l’ordre du subjectif. Mais nos prouesses énonciatives et ce que j’appelle parfois la métaphysique moderne, ont tellement façonné dans nos imaginaire l’idée d’une réalité objective et vraie, qu’on en oublie le monde, dit « subjectif », et qui est pourtant premier dans l’ordre ontologique.
Nous avons essayé de rendre hommage à ce modeste support de tant de moments heureux de notre vie, qui aura bien mérité son nom de table. Et peut-être avons-nous eu l’audace de renverser la table métaphysique de notre temps, la tabula rasa de Descartes, afin de conférer à cette table bleue toute sa dignité de table. J'ai conservé cette dernière phrase, qui manque totalement de modestie, à cause du jeu de mot que j'apprécie, je vous prie de me pardonner cette petite faiblesse.
Mais nous rencontrons alors le problème suivant : l’énoncé, pour être vrai, doit être adéquat à la chose réelle, l’énoncé théorique n’est donc pas totalement coupé de la chose même. Quelle est la nature de cette adéquation ? La réalité semble n’intervenir dans le processus théorique que pour confirmer ou infirmer l’énoncé. La réalité n’est donc pas première, mais elle est seconde, dans l’ordre ontique. Alors que dans le langage ordinaire, qui montre seulement les choses, la réalité des choses est première, ontologiquement. Certains nous opposeraient peut-être que la réalité n’est pas donnée, une fois pour toute, mais que l’homme construit sa réalité. Sa connaissance théorique lui permet de transformer la réalité, donc l’énoncé théorique ne se contente pas de se référer à une réalité déjà là, mais, au contraire, modifie la réalité. Pour nous, l’énoncé théorique est purement théorique. Son application pratique est d’un autre ordre. On passe de l’ordre ontique à l’ordre ontologique. On ne peut pourtant pas nier que l’ordre ontique de l’énoncé théorique influence l’ordre ontologique, en modifiant le monde et le rapport de l’homme à son monde. C’est indéniable. Pourtant nous maintenons que la vérité ontologique de l’être-au-monde de l’homme est première par rapport aux vérités ontiques secondes de la théorie. Quelle que soit leur influence sur la « réalité » de l’homme et même sur la réduction du monde à du réel.
Qu’est-ce que le réel ? Quand une théorie veut s’assurer de sa propre rectitude elle teste le réel. Nous pourrions tenter une première définition du réel comme ce qui peut être testé. En quoi consiste un test ? Un test consiste à vérifier une hypothèse. Nous ne connaissons pas très bien la logique traditionnelle. Nous allons donc faire simple. Soit, par exemple l’hypothèse suivante : tous les A sont B. Cette induction soulève un problème, déjà repéré par Hume, celui de savoir, dans quelle mesure, nous pouvons affirmer que tous les A sont B, par exemple, que tous les cygnes sont blancs, sans avoir préalablement observé tous les A. Popper répondrait que l’hypothèse est scientifique dans la mesure où elle est falsifiable. Tant qu’on n’a pas trouvé de cygne noir, l’hypothèse « tous les cygnes sont blancs » est non pas vraie (ce qui est impossible à dire) mais corroborée. À partir des inductions, il est possible de faire des déductions, c’est-à-dire, de prédire le réel. Si tous les cygnes sont blancs, j’en déduis que chaque cygne, que je rencontrerai pendant ma balade, sera infailliblement blanc. Le réel est ce qui peut être prédit avec certitude. Nous disons avec certitude afin d’évacuer les prédictions des charlatans. Mais ce qui ne peut pas être prédit avec certitude, la liberté humaine par exemple, est-il donc en dehors du réel ?
Le réel répond donc parallèlement aux prédictions théoriques. La parole qui se contente de montrer ce qui est là, en revanche, n’est pas encore un énoncé théorique. Pourtant, lorsque nous désignons quelque chose, nous disons bien quelque chose, d’après les « connaissances » que nous avons de cette chose.
Ici, nous rencontrons un problème. Nommer quelque chose, est-ce avoir une connaissance ? Est-ce « connaître » quelque chose que d’en parler ? Pour certains cela ne fait aucun doute et voici un exemple qu’ils pourraient prendre : quelqu’un voit un ours blanc dans le zoo de Vincennes et dit « cet ours est blanc ». Il disait cela dans les années trente, mais aujourd’hui avec les progrès de la génétique, nous savons que cet ours blanc, en réalité, n’a pas l’ADN d’un ours blanc, mais qu’il est, par exemple, à moitié grizzli. Nous devons cet exemple à Léna Soler. Donc conclusion, nous nommons l’ours, que nous voyons, en fonction des connaissances de notre temps. Cette démonstration nous semble parfaitement correcte (même si l’exemple est un peu bancal). J’ai lu quelque part que l’art du géomètre était de raisonner juste à partir de figures fausses, parfois, celui du philosophe est aussi celui de raisonner juste à partir d’exemples improbables. Mais le langage, qui se contentait de montrer cette malheureuse moitié d’ours polaire, est devenu, dans nos esprits, un énoncé théorique. Qu’importe que la génétique retrouve de l’ADN de cochon d’Inde dans notre ours blanc, qu’on appelle un chat un chat, ou autrement, peu importe même les mots, les enfants se contentent parfois de montrer du doigt ce qui les émerveille au zoo, l’essentiel c’est que l’ours soit là. Ontologiquement parlant, c’est que l’ours soit là, qui compte. Trop vite nous croyons que le langage recouvre le phénomène qu’il désigne, alors que souvent, il se contente de le montrer. On se demande si les vêtements de mots, dont on a habillé le phénomène, lui conviennent ou s’ils correspondent juste à une mode d’habillage, qui évolue en fonction de la connaissance. On ne se demande même plus si la mode actuelle qui consiste à tout habiller de concept scientifique est vraiment la bonne. Elle semble si indubitable, que dans l’exemple que nous avons pris, la dénomination « ours blanc » n’a pu être faite qu’en fonction des connaissances zoologiques des années trente. Pourtant le mot « ours » ne renvoie pas uniquement à une connaissance, il est aussi un animal symbolique, un personnage de conte, par exemple, et notre imaginaire est peuplé d’ours fantastiques. Ce sont aussi ces ours merveilleux que nous voyons. Alors certes, la connaissance scientifique, que nous avons des choses, influence notre manière de voir le monde. C’est indéniable. Ce n’est pas seulement le réel (la somme des choses prédictibles) qui est agrandi par la connaissance théorique, mais bien notre être-au-monde qui est enrichi par elle. Donc, oui, le monde est encore en attente, il n’a pas été totalement découvert. Quand nous parlions de totalité donnée pour nommer ce qui est là, nous ne voulions pas dire que tout était déjà donné, dans le sens où il n’y aurait plus rien à découvrir. Sans doute que le mot totalité a été mal choisi, nous l’avons employé en référence à Kant et à sa notion d’espace comme totalité donnée. C’était pour faire comprendre que le monde se donne comme totalité pleine et entière. Pour reprendre un exemple de Husserl : si je regarde un arbre je le vois sur l’horizon du monde (le ciel, le jardin par exemple). Sans ce monde sur lequel l’ « objet » que je regarde se détache, je ne verrais pas l’objet. Nous avons ajouté le temps en essayant de suivre la leçon de Heidegger. Je ne suis pas prisonnier du présent et d’un rapport immédiat à l’objet et au monde. Au contraire, je suis toujours tourné vers l’avenir et mon passé me hante. Cependant nous ne voulions pas mettre un terme à cette totalité donnée. Au contraire, c’est une totalité infinie. Ne serait-ce que parce que notre rapport au monde se conjugue au futur, il n’est jamais borné à être ce qu’il est là, immédiatement. Il est tout ce qu’il peut être et dans ce possible s’inscrit aussi les possibles connaissances théoriques à venir. D’ailleurs quand nous montrons, en parlant, nous pouvons très bien dire : « regarde, l’ours va à l’eau. » Nous montrons ainsi quelque chose qui n’est pas là, immédiatement. Pourtant notre dire est bien une manière de montrer que l’ours va se mettre à l’eau.
Pourquoi cette distinction entre parole qui montre et énoncé théorique ? Simplement afin de montrer que les deux sont enracinés dans l’existence humaine et plus précisément dans le là, où se donnent les choses. Ce là n’est pas immédiat, il est ouvert au présent, au futur et au passé. Nous avons tendance à supprimer ce rapport ontologique aux choses et à ne considérer que les énoncés ontiques, dans la mesure où ils sont corroborés par le réel. Nous essayons de montrer notre ouverture au là : notre Da-sein.
Nous disions, au début de notre texte, que la lecture de Hegel nous avait apporté un autre éclairage sur le langage.
Pour Hegel, la vérité est du côté du langage, ce que nous avons appelé l’énoncé théorique et non du côté de ce qu’il nomme l’intuition, la pure manifestation des choses et des êtres.
Ce qui nous a paru intéressant chez cet auteur, c’est qu’il redéfinit la logique.
En effet, la logique traditionnelle promeut la Loi de non-contradiction.
Pourtant lorsque nous disons que « A = A », soit nous ne disons rien et ce que nous disons équivaut à l’être ou au néant, puisque nous ne déterminons absolument pas notre propos, soit nous disons que le second A, disons A’, est identique au premier A, tout en étant différent.
A est donc à la fois A’ et non-A’.
Du coup la Loi de non-contradiction d’Aristote (« Il est impossible que le même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps au même sujet ») est sous cette perspective, fausse.
Nous pourrions dire l’inverse : Il est nécessaire que le même attribut n’appartienne pas au sujet et en même temps lui appartienne.
Tout se joue en vérité sur cette notion d’« appartenir ».
Ce que semble vouloir dire Aristote, et qui reste vrai, est qu’un sujet ne peut pas contenir en lui deux attributs contraires. Ainsi, Paul ne peut pas être malade et en bonne santé au même moment.
Mais ce que nous dit Hegel, c’est que la maladie n’est pas Paul et que pour pouvoir être identifiée à ce dernier, elle doit être différente de lui.
En réalité, nous pouvons attribuer une quantité infinie d’attributs à un sujet.
Ce sujet est ineffable. Paul est ineffable.
(En réalité, le concept qui constitue Paul n'est pas ineffable, nous savons que notre esprit possède un module spécifique à la reconnaissance des visages, qui nous permet d'identifier Paul. Par contre, si nous essayons de faire totalement passer ce qu'est Paul en tant que sujet dans ses attributs, alors, sous cette perspective, Paul est ineffable).
Pourtant ce niveau, qui est celui de la perception, où nous considérons des choses ineffables, n’est encore qu’un moment de la vérité, il n’en est pas le stade ultime et absolu, pour Hegel.
Nous pensons une chose en elle-même, comme une unité ineffable de propriétés sensibles qui, elles, peuvent être dites. Par exemple, si je vois une pomme rouge, la rougeur est manifeste, la forme circulaire aussi et nous savons ce que nous disons. Mais la pomme elle-même reste un mystère. Elle est l’ensemble de ses propriétés mais ne se réduit à aucune en particulier. Elle est une totalité.
Mais l’erreur de ce niveau de la vérité, que constitue la perception, va devenir manifeste lorsque l’on va chercher ce qu’est la chose, non pas en elle-même, mais par rapport aux autres choses.
Chaque chose n’est ce qu’elle est que par rapport aux autres choses qu’elle n’est pas. Le rouge de la pomme n’est rouge que par rapport aux autres couleurs qu’il n’est pas. Si tout était rouge, le rouge que nous verrions ne serait plus notre rouge, celui qui n’est ni bleu, ni vert, ni jaune.
Finalement, la vérité d’une chose singulière est dans le fondement qui suppose l’interaction entre toutes les choses.
Ce fondement est à la fois l’ensemble des choses et leurs relations réciproques.
Chaque chose partielle n’est donc pas la vérité mais le tout, lui, l’est. Mais chaque chose implique en elle le tout : elle peut réagir avec n’importe quelle autre chose.
Avec Hegel, nous voyons donc une autre définition de la vérité.
Avant de faire appel à lui, nous pensions la vérité comme étant essentiellement de l’ordre du phénomène (ce qui nous apparaît). Et nous pensions que l’énoncé théorique était second et ne recouvrait pas complétement cette vérité première du phénomène. Sans doute avions-nous raison de le faire et j’espère que les arguments que nous avons déployés étaient suffisamment convaincants.
Pourtant, ce que nous appelions alors « énoncé théorique » était celui d’une logique encore traditionnelle.
Avec Hegel, nous avons appris une autre forme de logique.
Celle du tout et des parties. Des choses finies et de l’infini (in-fini, au sens de ce qui n’est pas limité).
Cet infini n’est pas un infini abstrait, au-delà des parties finies.
Il est, comme la substance de Spinoza, immanent aux choses finies.
On peut le penser comme un principe d’organisation de tous les phénomènes, ce qui leur donne un sens.
De ce fait, le langage pris comme un pur montrer est insensé.
Nous avions essayé de pallier cette difficulté en disant que le fait de montrer, par exemple, un ours, n’était jamais un rapport immédiat, mais temporel.
Hegel a beaucoup réfléchi sur cette notion de médiation.
On pourrait peut-être dire, mais je m’avance sans doute un peu trop, j’espère que mes lecteurs attentifs me pardonneront certaines audaces (qui ne sont que le fruit de mon immaturité intellectuelle), que, pour Hegel, cette médiation est celle de l’infini ou du tout, présent dans chaque partie.
Une fois que nous avons accompli ce pas hors de la logique traditionnelle, celle de l’entendement, qui découpe le monde en parties indépendantes les unes des autres, indifférentes les unes aux autres et au tout, qu’au contraire leurs relations manifesteraient, nous en arrivons à la question qui nous semble essentielle, la principale contradiction, quasiment irréductible, celle de l’opposition entre la liberté et la nécessité.
Ou pour le dire autrement, l’opposition de la science et de la morale, du comment et du pourquoi, du « qu’est-ce ? » et du « que faire ? », de la vérité scientifique et des valeurs.
Hegel voit, dans ce qu’il nomme la raison, un premier pas vers une résolution de ce conflit. La morale pratique en effet, tente d’inscrire ses valeurs dans la réalité. Inversement, la réalité devient mienne par la science, qui traduit ce qui est, en pensée.
Nous avions dit, dans un autre texte, que la connaissance servait la liberté, nous donnant plus de pouvoir et que leur opposition de principe n’était pas un affrontement, où les progrès de l’une provoquaient un recul de l’autre, mais au contraire, que la science était au service de la liberté et que ses progrès marquaient l’avènement d’une liberté plus grande.
Pour le dire autrement, une liberté qui n’aurait que des idées inadéquates, à propos des lois de la réalité, ne serait qu’impuissance. Or, qu’est-ce qu’une liberté impuissante, sinon une chimère ?
Inversement, connaître sa liberté, c’est envisager sa responsabilité et cette prise de conscience nous engage à mieux connaître notre situation afin de répondre à cet appel.
Liberté et nécessité se renforcent l’une et l’autre.
Nous avons pour l’instant uniquement dégagé l’aspect formel du problème, le contenu de celui-ci est désespérément vide.
Notre seul gain est d’ordre logique, nous avons vu que même si l’étude de la morale et celle de la réalité s’opposent dans leurs principes méthodologiques, la vérité de cette opposition est dialectique, chacune existant par rapport à l’autre.
La dialectique est donc vraiment le grand progrès apporté par Hegel, même si Platon avait déjà commencé à développer cette idée dans Le Sophiste.
Nous avons essayé de montrer comment elle pouvait s’appliquer à un problème, qui pour nous est majeur, à savoir, celui de l’opposition entre la liberté (ou la morale) et la nécessité (ou la science).
Or, nous avons vu que le terme d’« opposition » était particulièrement délicat.
Certes, la liberté n’est pas prédictible, on ne peut donc pas l’étudier comme un phénomène, au sens que donne Kant à ce terme. On ne peut pas en faire l’expérience (mis à part en nous-mêmes).
Il n’est donc pas de connaissance scientifique possible de la liberté.
Pourtant, la relation qu’elle entretient avec la connaissance est fondamentale.
Cette opposition n’est donc pas une opposition brutale.
La dialectique est généralement ce qui permet de ne pas penser en utilisant des oppositions brutales.
Comme dans notre exemple des couleurs, le bleu ne s’opposant pas brutalement au rouge, comme si l’une pouvait être ce qu’elle est sans l’autre.
Cette complémentarité dans la différence (ou identité dans la différence) est ce que nous nommions : l’expression de l’infini dans le fini.
Cela signifie que chaque chose est déterminée par son autre (ou ses autres) et que cette empreinte d’altérité dans tout ce qui est, est la véritable empreinte de l’infini.
Nous avons utilisé le mot « infini » mais dans d’autres textes nous parlions d’Absolu.
Le terme in-fini est intéressant car, comme nous l’avons dit, il est ce qui n’est pas fini (le grand autre du fini).
Absolu, qui signifie étymologiquement « séparé de », pourrait aussi convenir, car l’autre est ce qui n’est pas précisément dans la chose, qu’on ne peut pas trouver en elle.
Mais à condition que cette séparation ne soit pas une séparation brutale et que cet infini ne soit pas au-delà du fini.
Loin d’être séparé des choses finies, l’Absolu constitue leur être aussi fondamentalement que leurs attributs, qui ne sont rien sans l’ensemble des autres attributs qu’ils ne sont pas.
Ainsi, la liberté n’est rien sans la nécessité. La réciproque n'est pas vraie.
Une expérience isolée n’est rien non plus : elle n’a aucune signification en elle-même.
Seul l’Absolu semble vrai, parce qu’il inclut en lui le fini.
Je comprends que le terme d’Absolu fasse peur et que beaucoup de gens considèrent que c’est un mot prétentieux, voire dangereux (surtout entre les mains de fanatiques).
Je considère, pour ma part, qu’il est une exigence : une exigence de sens et de vérité.
Renoncer à penser l’Absolu, de mon point de vue, c’est renoncer à penser l’autre.
C’est s’isoler dans des oppositions brutales.
Mais bien sûr je peux me tromper, ce n’est qu’une simple opinion et j'ai déjà montré dans ce texte, qui présente mon cheminement philosophique, que ce que je croyais vrai il y a quelques temps ne me le paraît plus. J'ai déjà une piste pour me dégager de cette pensée de l'absolu, qui consiste à imaginer des fils d'explication historique parallèles et qui ne se rencontreraient jamais, voire qui s'interrompraient sans suite ou commenceraient sans véritables antécédents (d'une manière originale). Je crois que Paul Veyne défendait une telle thèse dans son Comment on écrit l'Histoire, mais il faudrait que je le reprenne et l'approfondisse.
Cordialement
Grégor- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 14/04/2022
Re: Du langage
Soit le bienvenu ! On va méditer ce texte, ça nous changera d'une actualité consternante.
P.S. Peux-tu (ou hks) revoir la taille des caractères.
P.S. Peux-tu (ou hks) revoir la taille des caractères.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Du langage
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:Par exemple, cette table réelle, qui est devant moi et que je désigne, est de l’ordre du subjectif. Mais nos prouesses énonciatives et ce que j’appelle parfois la métaphysique moderne, ont tellement façonné dans nos imaginaire l’idée d’une réalité objective et vraie, qu’on en oublie le monde, dit « subjectif », et qui est pourtant premier dans l’ordre ontologique.
Je dirais dans l'ordre philosophique. Effectivement, d'abord constater la subjectivité, c'est ce que fait le cogito, la Conscience de Soi en tant que Sujet absolument unique : ce qui est premier, c'est le fait que l'Être que tu produis (ta perception de cette table) l'est par Toi, cette représentation est Tienne. Avec une chose telle qu'une table, on va souvent être d'accord, mais si on passe à la morale, à la justice, au sexe, etc., on comprend bien que ça va très vite se corser. Ensuite, on peut passer à la suite (à ce sujet, Sartre, par exemple, dit très bien : " clause cartésienne de sécurité ", etc.)
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:Mais nous rencontrons alors le problème suivant : l’énoncé, pour être vrai, doit être adéquat à la chose réelle, l’énoncé théorique n’est donc pas totalement coupé de la chose même. Quelle est la nature de cette adéquation ?
A la place de " adéquation ", je dirais correspondance, concomitance, etc. : toi et cette table vous appartenez au même monde, et toi tu es un être vivant doté de divers sens qui te permettent d'avoir diverses perceptions de cette table.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:La réalité n’est donc pas première, mais elle est seconde, dans l’ordre ontique. Alors que dans le langage ordinaire, qui montre seulement les choses, la réalité des choses est première, ontologiquement. Certains nous opposeraient peut-être que la réalité n’est pas donnée, une fois pour toute, mais que l’homme construit sa réalité. Sa connaissance théorique lui permet de transformer la réalité, donc l’énoncé théorique ne se contente pas de se référer à une réalité déjà là, mais, au contraire, modifie la réalité. Pour nous, l’énoncé théorique est purement théorique. Son application pratique est d’un autre ordre. On passe de l’ordre ontique à l’ordre ontologique. On ne peut pourtant pas nier que l’ordre ontique de l’énoncé théorique influence l’ordre ontologique, en modifiant le monde et le rapport de l’homme à son monde. C’est indéniable. Pourtant nous maintenons que la vérité ontologique de l’être-au-monde de l’homme est première par rapport aux vérités ontiques secondes de la théorie. Quelle que soit leur influence sur la « réalité » de l’homme et même sur la réduction du monde à du réel.
Allez, un petit pléonasme, toujours à partir du cogito : ce qui est premier pour moi, c'est forcément les Etants (sensations, perceptions, etc.) que je produis. Ensuite, il y a des biais. Les premiers sont biologiques : je suis un mammifère avec les sens qui vont avec, etc. Ensuite, les biais qui relève de Moi, en tant que Sujet philosophique.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:On pourrait peut-être dire, mais je m’avance sans doute un peu trop, j’espère que mes lecteurs attentifs me pardonneront certaines audaces (qui ne sont que le fruit de mon immaturité intellectuelle), que, pour Hegel, cette médiation est celle de l’infini ou du tout, présent dans chaque partie.
Il se trouve que je ne me sens pas d'affinités avec Hegel (un immense philosophe, pas de souci). Par exemple, le dit infini, je ne le placerais pas dans le monde, mais dans l'homme.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:Ou pour le dire autrement, l’opposition de la science et de la morale, du comment et du pourquoi, du « qu’est-ce ? » et du « que faire ? », de la vérité scientifique et des valeurs.
Hegel voit, dans ce qu’il nomme la raison, un premier pas vers une résolution de ce conflit. La morale pratique en effet, tente d’inscrire ses valeurs dans la réalité. Inversement, la réalité devient mienne par la science, qui traduit ce qui est, en pensée.
Pour reprendre tes termes, il n'y a pas à opposer science et morale, c'est deux choses différentes, elles ne parlent pas des mêmes choses, n'ont pas les mêmes objets.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:La dialectique est donc vraiment le grand progrès apporté par Hegel, même si Platon avait déjà commencé à développer cette idée dans Le Sophiste.
C'est Zénon d'Elée qui découvre, explicitement donc, la dialectique. Sur ce point Platon et Aristote sont d'accord, et à la suite, tout le monde.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Du langage
Bonjour neopilina,
Merci beaucoup pour votre réponse. C'est très intéressant d'avoir un autre point de vue sur son texte, je trouve cela vraiment enrichissant.
Par rapport aux caractères du texte, je les avais grossis volontairement, car pour ma vue c'est plus agréable, donc je pensais que cela le serait aussi pour mes lecteurs. Mais je peux aussi grossir manuellement donc pas de souci.
Vous dîtes (je ne sais pas faire des citations en bleues comme vous) :"d'abord constater la subjectivité, c'est ce que fait le cogito".
Au moment où j'ai écrit le début du texte, que vous commentiez, pour moi (à la suite de Heidegger) il y avait une différence entre le cogito, la subjectivité et le Dasein. J'avais développé cette idée dans plusieurs textes, que je posterai peut-être un jour sur ce forum si je les reprends, mais je peux essayer de vous la résumer.
En fait, nous sommes au monde.
Nous sommes en train de jouer aux cartes sur la table.
Cette apparition de la table, des cartes, de nos mains, de nos partenaires, c'est tout un monde dans lequel nous sommes.
Ce n'est que par une abstraction intellectuelle que nous pensons des objets, séparés de nous, en tant que sujets.
Bien sûr nous avons aussi conscience de cette apparition du monde et nous avons tendance à nous représenter spatialement comme sujet face au monde.
Pourtant la table (décidément j'insiste sur cet objet...) est essentiellement à portée de main, éventuellement de nos coudes, que nous appuyons dessus afin de regarder notre jeu etc. Elle n'est donc jamais purement face à nous, d'un point de vue purement spatial. Souvent nous ne la remarquons même pas, son aspect nous est indifférent.
Dire que l'être au monde est subjectif, c'est déjà d'une certaine manière s'abstraire de cette situation première que je qualifiais de première ontologiquement.
Pourtant, et j'ai découvert cela en lisant Hegel, d'une certaine manière, elle est subjective. Du point de vue de la connaissance (que je qualifiais d'ontique, parce qu'elle est la connaissance des étants), elle n'est que mon point de vue, et si je veux le partager, par le langage, alors j'entre dans une nouvelle dimension de la vérité.
J'ai utilisé le terme adéquation en référence à Spinoza.
J'ai trouvé cette explication sur le site Spinoza et nous : "Une idée est adéquate si ce qu'elle affirme peut l'être par son seul contenu : par exemple, "un demi cercle en rotation forme une sphère" est une idée adéquate ; en revanche "un chien est un animal qui aboie" est une idée inadéquate, parce que dans le premier cas, il suffit d'avoir l'idée du demi-cercle en rotation sur son axe pour avoir aussitôt l'idée de sphère alors que dans le second, on peut se représenter un animal qui aboie (par exemple le renard) sans que ce soit un chien."
Mais c'est vrai que chez Spinoza, le rapport entre le monde et la pensée est assez particulier, je ne l'ai jamais vraiment compris. Il me semble que son idée vient de la causalité. Une pensée ne peut pas avoir de conséquence directe sur le monde. Tout bêtement si je pense qu'une pomme tombe, cela ne va pas la faire tomber. Par contre, et Newton a réussi cet exploit, je peux comprendre intellectuellement les causes adéquates de la chute des corps.
Vous dîtes : "ce qui est premier pour moi, c'est forcément les étants (sensations, perceptions etc.)" (...).
C'est là que nous avons une petite différence.
Nous n'avons pas forcément la sensation et encore moins la perception de la totalité de notre être au monde.
Je veux dire que nous n'avions pas, par exemple, conscience de cette, devenue, fameuse table sur laquelle nous jouions aux cartes, pourtant elle était là pour nous et elle était même indispensable à notre jeu.
Je prenais dans un autre texte l'exemple de la lumière du soleil : nous ne pensons au soleil que très rarement dans chacun de nos actes de perception diurnes.
La question est donc qu'est-ce qu'un étant ?
Si c'est quelque chose que nous remarquons expressément, alors il y a un monde sous les étants.
J'avais volontairement tronqué la fin de votre phrase : "que je produis".
Tout dépend de ce qu'on appelle produire.
Si c'est une production volontaire, je pense que nous serons vite d'accord pour dire que nous ne produisons pas volontairement les étants, que cela se fait sans nous ou tout seul, sans le concours de notre conscience.
Quand je dis "je", je parle surtout de ma conscience, pas tellement du reste.
Donc mon esprit (ou mon cerveau) produit-il les étants ?
Il analyse ou traite une information qui lui est fournie par le monde extérieur.
Donc s'il produit quelque chose, c'est à partir d'une matière extérieure.
Une question passionnante et sur laquelle la science a énormément progressé.
Rien que la question de l'oeil est à la fois très complexe et fascinante.
Elle est en partie traitée dans mon livre de référence en la matière : Comment fonctionne l'esprit de Steven Pinker.
Par rapport à l'infini chez Hegel.
Pour moi, l'infini est à la fois dans le monde, en tant que les étant sont déterminés par leur rapport aux autres étants et à la fois dans l'homme, qui lui, est (pour reprendre le terme de Rousseau) perfectible. Mais pour l'homme, l'infini est tellement complexe, que je renonce à y penser ici. Une piste tout de même : la liberté.
Pour le terme "opposition", vous avez sans doute raison.
J'ai toujours été un partisan de la liberté.
Mais j'ai croisé dans ma vie quelques partisans du déterminisme intégral.
Le déterminisme est pour moi le point de vue de la science.
La liberté celui de la morale.
Je partage votre opinion (si je l'ai bien comprise) selon laquelle liberté et déterminisme sont deux choses différentes.
Donc il n'y a pas tellement de sens à les opposer.
Mais quand on recherche les mobiles d'un crime par exemple, va-t-on regarder les déterminismes, qui ont contraint le criminel à agir ou sa liberté de ne pas agir criminellement ?
On voit que deux types d'explications sont en concurrence.
De même pour la réussite à l'école, est-ce sociologique ou selon le libre mérite individuel des élèves ?
Nous avons, je pense, trouvé tous les deux la solution à ces questions.
Nous ne parlons pas de la même chose.
Il n'y a pas de sens à opposer les deux explications.
Pourtant, il existe un rapport entre liberté et déterminisme : connaître les différents déterminismes permet d'être plus libre (et inversement savoir que l'on est libre nous donne une responsabilité).
Donc loin d'être une opposition, il y a une sorte d'émulation entre eux.
Pour Zénon d'Élée, je connais un peu ses paradoxes mais pas du tout ce qu'il a dit ou écrit sur la dialectique.
On aurait pu penser à Héraclite aussi.
Je n'ai pas réussi à lire le Sophiste (j'aime lire en grec et le livre est épuisé en budé), mais ce que j'ai lu dans un livre sur Hegel m'a complètement fasciné.
Encore merci,
J'espère vous avoir répondu de bonne foi et n'hésitez pas à me faire part de vos remarques, notamment sur ce que vous appelez étant.
Cordialement
Merci beaucoup pour votre réponse. C'est très intéressant d'avoir un autre point de vue sur son texte, je trouve cela vraiment enrichissant.
Par rapport aux caractères du texte, je les avais grossis volontairement, car pour ma vue c'est plus agréable, donc je pensais que cela le serait aussi pour mes lecteurs. Mais je peux aussi grossir manuellement donc pas de souci.
Vous dîtes (je ne sais pas faire des citations en bleues comme vous) :"d'abord constater la subjectivité, c'est ce que fait le cogito".
Au moment où j'ai écrit le début du texte, que vous commentiez, pour moi (à la suite de Heidegger) il y avait une différence entre le cogito, la subjectivité et le Dasein. J'avais développé cette idée dans plusieurs textes, que je posterai peut-être un jour sur ce forum si je les reprends, mais je peux essayer de vous la résumer.
En fait, nous sommes au monde.
Nous sommes en train de jouer aux cartes sur la table.
Cette apparition de la table, des cartes, de nos mains, de nos partenaires, c'est tout un monde dans lequel nous sommes.
Ce n'est que par une abstraction intellectuelle que nous pensons des objets, séparés de nous, en tant que sujets.
Bien sûr nous avons aussi conscience de cette apparition du monde et nous avons tendance à nous représenter spatialement comme sujet face au monde.
Pourtant la table (décidément j'insiste sur cet objet...) est essentiellement à portée de main, éventuellement de nos coudes, que nous appuyons dessus afin de regarder notre jeu etc. Elle n'est donc jamais purement face à nous, d'un point de vue purement spatial. Souvent nous ne la remarquons même pas, son aspect nous est indifférent.
Dire que l'être au monde est subjectif, c'est déjà d'une certaine manière s'abstraire de cette situation première que je qualifiais de première ontologiquement.
Pourtant, et j'ai découvert cela en lisant Hegel, d'une certaine manière, elle est subjective. Du point de vue de la connaissance (que je qualifiais d'ontique, parce qu'elle est la connaissance des étants), elle n'est que mon point de vue, et si je veux le partager, par le langage, alors j'entre dans une nouvelle dimension de la vérité.
J'ai utilisé le terme adéquation en référence à Spinoza.
J'ai trouvé cette explication sur le site Spinoza et nous : "Une idée est adéquate si ce qu'elle affirme peut l'être par son seul contenu : par exemple, "un demi cercle en rotation forme une sphère" est une idée adéquate ; en revanche "un chien est un animal qui aboie" est une idée inadéquate, parce que dans le premier cas, il suffit d'avoir l'idée du demi-cercle en rotation sur son axe pour avoir aussitôt l'idée de sphère alors que dans le second, on peut se représenter un animal qui aboie (par exemple le renard) sans que ce soit un chien."
Mais c'est vrai que chez Spinoza, le rapport entre le monde et la pensée est assez particulier, je ne l'ai jamais vraiment compris. Il me semble que son idée vient de la causalité. Une pensée ne peut pas avoir de conséquence directe sur le monde. Tout bêtement si je pense qu'une pomme tombe, cela ne va pas la faire tomber. Par contre, et Newton a réussi cet exploit, je peux comprendre intellectuellement les causes adéquates de la chute des corps.
Vous dîtes : "ce qui est premier pour moi, c'est forcément les étants (sensations, perceptions etc.)" (...).
C'est là que nous avons une petite différence.
Nous n'avons pas forcément la sensation et encore moins la perception de la totalité de notre être au monde.
Je veux dire que nous n'avions pas, par exemple, conscience de cette, devenue, fameuse table sur laquelle nous jouions aux cartes, pourtant elle était là pour nous et elle était même indispensable à notre jeu.
Je prenais dans un autre texte l'exemple de la lumière du soleil : nous ne pensons au soleil que très rarement dans chacun de nos actes de perception diurnes.
La question est donc qu'est-ce qu'un étant ?
Si c'est quelque chose que nous remarquons expressément, alors il y a un monde sous les étants.
J'avais volontairement tronqué la fin de votre phrase : "que je produis".
Tout dépend de ce qu'on appelle produire.
Si c'est une production volontaire, je pense que nous serons vite d'accord pour dire que nous ne produisons pas volontairement les étants, que cela se fait sans nous ou tout seul, sans le concours de notre conscience.
Quand je dis "je", je parle surtout de ma conscience, pas tellement du reste.
Donc mon esprit (ou mon cerveau) produit-il les étants ?
Il analyse ou traite une information qui lui est fournie par le monde extérieur.
Donc s'il produit quelque chose, c'est à partir d'une matière extérieure.
Une question passionnante et sur laquelle la science a énormément progressé.
Rien que la question de l'oeil est à la fois très complexe et fascinante.
Elle est en partie traitée dans mon livre de référence en la matière : Comment fonctionne l'esprit de Steven Pinker.
Par rapport à l'infini chez Hegel.
Pour moi, l'infini est à la fois dans le monde, en tant que les étant sont déterminés par leur rapport aux autres étants et à la fois dans l'homme, qui lui, est (pour reprendre le terme de Rousseau) perfectible. Mais pour l'homme, l'infini est tellement complexe, que je renonce à y penser ici. Une piste tout de même : la liberté.
Pour le terme "opposition", vous avez sans doute raison.
J'ai toujours été un partisan de la liberté.
Mais j'ai croisé dans ma vie quelques partisans du déterminisme intégral.
Le déterminisme est pour moi le point de vue de la science.
La liberté celui de la morale.
Je partage votre opinion (si je l'ai bien comprise) selon laquelle liberté et déterminisme sont deux choses différentes.
Donc il n'y a pas tellement de sens à les opposer.
Mais quand on recherche les mobiles d'un crime par exemple, va-t-on regarder les déterminismes, qui ont contraint le criminel à agir ou sa liberté de ne pas agir criminellement ?
On voit que deux types d'explications sont en concurrence.
De même pour la réussite à l'école, est-ce sociologique ou selon le libre mérite individuel des élèves ?
Nous avons, je pense, trouvé tous les deux la solution à ces questions.
Nous ne parlons pas de la même chose.
Il n'y a pas de sens à opposer les deux explications.
Pourtant, il existe un rapport entre liberté et déterminisme : connaître les différents déterminismes permet d'être plus libre (et inversement savoir que l'on est libre nous donne une responsabilité).
Donc loin d'être une opposition, il y a une sorte d'émulation entre eux.
Pour Zénon d'Élée, je connais un peu ses paradoxes mais pas du tout ce qu'il a dit ou écrit sur la dialectique.
On aurait pu penser à Héraclite aussi.
Je n'ai pas réussi à lire le Sophiste (j'aime lire en grec et le livre est épuisé en budé), mais ce que j'ai lu dans un livre sur Hegel m'a complètement fasciné.
Encore merci,
J'espère vous avoir répondu de bonne foi et n'hésitez pas à me faire part de vos remarques, notamment sur ce que vous appelez étant.
Cordialement
Grégor- Digressi(f/ve)
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Re: Du langage
Étant... Toutefois constamment en interaction avec le monde l'étant change. Métamorphose. Sans arrêt. Il n'y a pas d'état. Donc pas d'étant. Pas de temps. Pas d'espace. Impermanence. Impossibilité de nommer. Paralysie du langage.
benfifi- Modérateur
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Re: Du langage
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:Pour Zénon d'Élée, je connais un peu ses paradoxes mais pas du tout ce qu'il a dit ou écrit sur la dialectique.
Zénon d'Elée n'a rien dit ou écrit sur la dialectique. Il l'a pratiqué à un niveau à peine concevable : il a jeté TOUTE la philosophie grecque dans des impasses dont elle n'est jamais sortie. Il a bien fallu nommer un phénomène qui désormais sautait à la figure avec le discours de Zénon (et, pour être franc et honnête, et celui de Gorgias, Parménide, ici, est clairement moins bon et il s'obstine à versifier, ce qui affaiblit son propos, bref) et on a opté pour le mot " dialectique ". Notre section " Eléates " est l'une des meilleures que je connaisse ( ), je t'invite à jeter un oeil.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:On aurait pu penser à Héraclite aussi.
Tout à fait. Le Logos d'Héraclite est un excellent précurseur. Et justement la dialectique éléate est une réaction, très très vive, au discours d'Héraclite, j'y viens.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:Je n'ai pas réussi à lire le Sophiste (j'aime lire en grec et le livre est épuisé en budé), ...
L'excuse ne vaut rien ! Le Sophiste de Platon est essentiel. On voit Platon ramer dans une impasse éléate. Et si on en sort, c'est le pompon ! Tu peux jeter un oeil là dessus :
https://digression.forum-actif.net/t670-du-pseudo-parricide-de-platon-dans-le-sophiste-et-donc-de-l-etant
gregorirlande@hotmail.fr a écrit: ... mais ce que j'ai lu dans un livre sur Hegel m'a complètement fasciné.
Au moins pour l'instant, oublie Hegel.
gregorirlande@hotmail.fr a écrit:J'espère vous avoir répondu de bonne foi et n'hésitez pas à me faire part de vos remarques, notamment sur ce que vous appelez étant.
Cordialement
" Digression " n'impose pas grand chose, seulement l'essentiel !! En tous cas ni vouvoiement, ni tutoiement. C'est comme tu veux. Vanleers vouvoie, je le tutoie, s'il veut que je le vouvoie, pas de souci, suffit de demander.
benfifi a écrit:Étant... Toutefois constamment en interaction avec le monde l'étant change. Métamorphose. Sans arrêt. Il n'y a pas d'état. Donc pas d'étant. Pas de temps. Pas d'espace. Impermanence. Impossibilité de nommer. Paralysie du langage.
J'avais dit que je reviendrais à Héraclite, c'est le moment : benfifi nous fait son Héraclite, " Pánta rheî ", et donc, entre autres, la connaissance (un Logos, notons) est impossible. Musique bien connue, mais donc même chez Héraclite, un Logos est possible. Et on sait tous que la connaissance l'est aussi. Il faut donc résoudre ce problème. Et les éléates ont donc proposé leur solution, que j'ai adopté. Avant que benfifi ne le fasse, je voulais revenir, comme tu le souhaitais, je suis un garçon bien élevé, sur l'étant, je le ferais.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: Du langage
Dans le domaine technique je concède une part au langage. Technique mécanique politique artistique. Mais pour décrire le monde, en métaphysique, je doute de l'efficacité du verbe.
Si rien ne bouge, ne change, ne s'altère, alors pas de distinction, pas d'êtres, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Vivre c'est se nourrir d'autrui.
Si rien ne bouge, ne change, ne s'altère, alors pas de distinction, pas d'êtres, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Vivre c'est se nourrir d'autrui.
benfifi- Modérateur
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Re: Du langage
neopilina a écrit:gregorirlande@hotmail.fr a écrit: ... mais ce que j'ai lu dans un livre sur Hegel m'a complètement fasciné.
Au moins pour l'instant, oublie Hegel.
mais pas du tout.
il faut lire Hegel en morceaux choisis.
Dernière édition par denis_h le Ven 6 Mai 2022 - 11:35, édité 1 fois
denis_h- Digressi(f/ve)
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Re: Du langage
>>>Vivre c'est se nourrir d'autrui.>>>
et être mangé par lui.
et être mangé par lui.
denis_h- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 24/11/2020
Re: Du langage
Nécessairement.
_________________
Je vis aussi Sisyphe en proie à ses tourments... (l'Odyssée)
benfifi- Modérateur
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Re: Du langage
https://www.youtube.com/watch?v=I-1sgCKSHu4
Succulent
Succulent
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Du langage
mouais ... bof ... la ruse de la Raison ... bla bla bla...
denis_h- Digressi(f/ve)
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Re: Du langage
Apparemment Hegel apparaît pour Deleuze comme une bonne entrée... en bouche.
benfifi- Modérateur
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Date d'inscription : 08/12/2018
Re: Du langage
ce sont tous les deux des post-spinozistes.
denis_h- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 24/11/2020
Re: Du langage
hks a écrit:https://www.youtube.com/watch?v=I-1sgCKSHu4
Succulent
Je n'ai jamais rien entendu d'aussi bon, clair et court sur cette fameuse " Préface ", qui est l'assise de l'hégélianisme, ça mériterait d'être développé dans un essai. Deleuze dit " tour de passe passe ", je plussoie à fond, et " sournois ". Je ne dirais pas " sournois ", je dirais qu'Hegel est tellement convaincu de la pertinence de sa position, qu'il pense qu'il va forcément trouver une, " la ", solution, la " vérité " qui fonde sa position. Et c'est ce qu'il fait avec cette " Préface ". De même chez Marx, les textes décisifs sont ce qu'ont appelle aujourd'hui les " Manuscrits de 1844 ". Le jeune Marx pur produit de l'Académie allemande et hégélienne, a bien compris que son propos ne peut pas s'inscrire dans l'hégélianisme, il lui faut trouver une solution pour en sortir, et on le voit la chercher dans ces " Manuscrits ". Dans les deux cas, après ces textes, Hegel et Marx peuvent dérouler mécaniquement leur discours.
Hegel est un génie, oui. Mais tout l'hégélianisme est une scholie au cogito en l'état. C'est une ivresse chez Hegel. A propos du cogito en l'état, c'est à dire qui a mis les choses à l'envers, Hegel a écrit, entre autres, donc, je cite : " Terre ! " Robinson fut moins enthousiaste. Hegel n'est pas un prisonnier comme les autres du cogito en l'état, il le revendique, il en est le plus grand promoteur. Quant au jeune Marx, il ne comprend pas qu'il n'est pas prisonnier de l'hégélianisme mais du cogito, dont l'hégélianisme est un développement forcené. Et donc dans ses " Manuscrits ", il claque la porte comme il peut, et ce en faisant une perte monstrueuse, constitutive de ce que je nomme le " Bolide marxiste ", le volet positif du cogito, la conscience de Soi. Le résultat ne peut être que tragique. Et on l'a effectivement assez vu.
denis-h a écrit:Ce sont tous les deux des post-spinozistes.
Pas compris.
P.S. Cette intervention de Deleuze mériterait une retranscription (date, lieu).
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: Du langage
Ce dont parle Deleuze est plutôt bien expliqué dans cette leçon de Jean-François Marquet,
Jean-François Marquet,
Leçons sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel
Editions Ellipses, Paris 2004, pp. 39-48
Un extrait de la leçon III, consacré à la certitude sensible :
https://www.coin-philo.net/p_hegel.JFM.cs.pdf
Jean-François Marquet,
Leçons sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel
Editions Ellipses, Paris 2004, pp. 39-48
Un extrait de la leçon III, consacré à la certitude sensible :
https://www.coin-philo.net/p_hegel.JFM.cs.pdf
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Du langage
Si rien ne bouge, ne change, ne s'altère, alors pas de distinction, pas d'êtres, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Si tout bouge, change, s'altère, alors pas de distinction non plus, impossible de fixer, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Être humain. Psycho - soma. Verbe - corps. Force en action - force en puissance. Ou l'inverse. C'est à proprement parler bonnet blanc, blanc bonnet. La droite AB est la droite BA.
Si tout bouge, change, s'altère, alors pas de distinction non plus, impossible de fixer, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Être humain. Psycho - soma. Verbe - corps. Force en action - force en puissance. Ou l'inverse. C'est à proprement parler bonnet blanc, blanc bonnet. La droite AB est la droite BA.
benfifi- Modérateur
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Date d'inscription : 08/12/2018
Re: Du langage
Vue la quantité des domaines traités par Hegel on ne sait pas trop par quel bout le prendre. Certaines analyses selon sa méthode de pensée peuvent certes convaincre et d'autres beaucoup moins et en particulier celles qui traitent de la nature biologique.
https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2007-3-page-403.htm
Deleuze vise le commencement du début de la carrière (la phénoménologie de l'esprit) et il me semble viser juste.
Certes, on comprend bien ce genre d'alternative
laquelle ouvre (si l'on veut) à une dialectique.
Le problème est que les propositions me semblent imaginaires. Au sens de cognitives. "Supposons que" c'est le commencement du cognitif logique. Ce n'est pas l'immanence (pour redire Deleuze), pas le plan de l'immanence; du moins de l'immanence sensible.
Hegel déplace d'emblée l'immanence sur le plan de la conceptualisation, il part du concept. Il part d'un imaginaire conceptuel (l'être versus le néant) qui n'est pas donné dans le sensible.
Le saut est justifié par l'exigence de penser par concept, certes, il n'empêche que le sensible n'est plus alors le sensible mais est le sensible pensée conceptuellement .
Que le sensible ne soit pas un "savoir" au sens épistémologique c'est admissible ... sauf que la signification de "savoir" y est réduite à (en fait à ) ce dont je peux parler
On en arrive vite à les animaux ne pensent pas ou si peu ou si confusément que ...et oublions les végétaux.
Nolens volens Hegel ne parvient pas à réintégrer dans l'Esprit le ce qui est supposé ne pas penser dans la nature
https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2007-3-page-403.htm
Deleuze vise le commencement du début de la carrière (la phénoménologie de l'esprit) et il me semble viser juste.
benfifi a écrit:Si rien ne bouge, ne change, ne s'altère, alors pas de distinction, pas d'êtres, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Si tout bouge, change, s'altère, alors pas de distinction non plus,
Certes, on comprend bien ce genre d'alternative
laquelle ouvre (si l'on veut) à une dialectique.
Le problème est que les propositions me semblent imaginaires. Au sens de cognitives. "Supposons que" c'est le commencement du cognitif logique. Ce n'est pas l'immanence (pour redire Deleuze), pas le plan de l'immanence; du moins de l'immanence sensible.
Hegel déplace d'emblée l'immanence sur le plan de la conceptualisation, il part du concept. Il part d'un imaginaire conceptuel (l'être versus le néant) qui n'est pas donné dans le sensible.
Le saut est justifié par l'exigence de penser par concept, certes, il n'empêche que le sensible n'est plus alors le sensible mais est le sensible pensée conceptuellement .
Que le sensible ne soit pas un "savoir" au sens épistémologique c'est admissible ... sauf que la signification de "savoir" y est réduite à (en fait à ) ce dont je peux parler
On en arrive vite à les animaux ne pensent pas ou si peu ou si confusément que ...et oublions les végétaux.
Nolens volens Hegel ne parvient pas à réintégrer dans l'Esprit le ce qui est supposé ne pas penser dans la nature
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Du langage
neopilina a écrit:denis-h a écrit:Ce sont tous les deux des post-spinozistes.
Pas compris.
tant pis pour vous.
denis_h- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 24/11/2020
Re: Du langage
À l'échelle terrienne, depuis belle lurette, je pense que chaque être vivant fait avec l'alternance du jour et de la nuit. Une alternance qui se répète. Cette quantité de fois n'est-ce pas le temps ? À l'échelle terrienne et pour homo faber probablement. Mais sorti du contexte terrien, ou pour homo sapiens, le temps c'est pas évident. Homo faber exploite le temps, n'arrête pas d'inventer et de construire. Homo sapiens ne parvient pas à exploiter le temps autrement qu'à travers des controverses discursives. Poésie métaphysique. Le verbe qu'utilise homo faber n'est pas approprié à homo sapiens.
Je pense qu'il en est de l'étant comme du temps.
Je pense qu'homo faber ne naît pas sapiens, il le devient. Pourquoi sapiens n'invente-t-il pas son langage ? J'imagine qu'une fois parvenu au stade sapiens ultime, la parole est d'argent le silence d'or.
Je pense qu'il en est de l'étant comme du temps.
Je pense qu'homo faber ne naît pas sapiens, il le devient. Pourquoi sapiens n'invente-t-il pas son langage ? J'imagine qu'une fois parvenu au stade sapiens ultime, la parole est d'argent le silence d'or.
benfifi- Modérateur
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Date d'inscription : 08/12/2018
Re: Du langage
je reprends sur ce texte.benfifi a écrit:Si rien ne bouge, ne change, ne s'altère, alors pas de distinction, pas d'êtres, pas de mémoire, pas de temps, pas de verbe, pas grand chose.
Si tout bouge, change, s'altère, alors pas de distinction non plus,
Puisqu'il est évident que "s'il y a quelque distinctions " on ne peut admettre ni "rien ne bouge" ni "tout bouge".
D'où la dialectique hégélienne
qui se donne à lire comme auto développement de ce qui se donne à lire.
Cette "logique" en a convaincu plus d'un.
Pour autant que Hegel ce soit lisible
pourquoi cet auto développement lisible chez Hegel
ne l'était pas avant lui ?
......Jacques d'Hondt a écrit:il faut relire, à cet égard, les dernières pages de la «Préface de la
Phénoménologie de l'Esprit» : «Il est de la nature du vrai de percer
quand son temps est venu, et il n'apparaît que si ce temps est venu.
C'est pourquoi il n'apparaît jamais trop tôt et ne trouve pas un
public sans maturité pour l'accueillir» (1).
Cette manière très particulière qu'il a -Hegel) de penser, ce truc ou cette recette, pourrait -on dire.
Pour le coup on a un exemplebenfifi a écrit:Pourquoi sapiens n'invente-t-il pas son langage ?
d'inventivité chez Hegel
Hegel s'exclame : «S'il y a de l'inconcevable, alors créons des concepts inconcevables !».
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Du langage
Le verbe permet de créer. Non. Le verbe crée. Une histoire. L'histoire. La vie.
À part le verbe ? En dehors ? Pour répondre ne faudrait-il pas se déprendre du verbe ? L'oublier, l'effacer de nos entrailles ? En supposant qu'on y arrive, forcément la réponse ne verrait pas le jour puisque le verbe éteint.
Cogito ergo sum : survient - au commencement est - le verbe qui me révèle me fait exister. Dans l'histoire je suis - "je" est - un personnage.
À part le verbe ? En dehors ? Pour répondre ne faudrait-il pas se déprendre du verbe ? L'oublier, l'effacer de nos entrailles ? En supposant qu'on y arrive, forcément la réponse ne verrait pas le jour puisque le verbe éteint.
Cogito ergo sum : survient - au commencement est - le verbe qui me révèle me fait exister. Dans l'histoire je suis - "je" est - un personnage.
benfifi- Modérateur
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Date d'inscription : 08/12/2018
Re: Du langage
Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre !
Je reçois des messages de ce site que je ne fréquente plus depuis longtemps. Je regarde de temps en temps, car j'aime les gens qui se posent des questions. Néanmoins, je ne suis pas géomètre au sens où Platon l'entendait (au sens où les philosophes l'entendent), bien que j'ai étudié la géométrie à l'école. Dit autrement, si ce que j'écris ne vous plait pas, rien ne vous empêche de me bannir.
Je n'ai lu que le message de l'auteur (pas les réponses) est cela est vite devenu obscur pour moi. Ce n'est pas de la faute de l'auteur, je ne suis pas géomètre. Par ailleurs, il a posté ce message il y a bien longtemps et je ne sais pas s'il suit encore le fil de discussion. Enfin, comme la question me semble obscur, je ne suis pas certain que ma réponse puisse l'intéresser.
Plutôt que de dire la "table est bleue", nous pourrions dire "table bleue". Ce n'est peut être pas un français correct, mais tout le monde le comprend. Vous n'avez alors plus le problème de la nature de la table. Plutôt que de prendre l'exemple de la table, vous pourriez prendre celui de la licorne. "La licorne est un animal qui ressemble à un cheval avec une corne sur la tête". L'être n'est alors plus dans la réalité. Pourtant, ce que je dis est vrai. Je peux encore dire "licorne animal". Là, personne ne peut me comprendre, sauf ceux qui vont me corriger en supposant que j'ai voulu dire "la licorne est un animal". Cela signifie que je peux montrer ce qu'est la licorne, alors qu'elle est imaginaire, mais je ne peux pas montrer une licorne-animal car personne n'en a jamais vue.
Où je veux en venir, c'est que l'être est lui-même imaginaire, tout au moins, il fait partie du monde de la pensée. Il n'a pas toujours existé et il n'existe pas dans certaine langue (certaines langues n'ont pas le verbe être). Le sumérien qui est une langue agglutinée n'a pas de verbe être (je ne suis pas linguiste, je peux me tromper). C'est pourquoi je peux être géomètre, parce que j'ai appris la géométrie, sans l'être aux yeux de Platon.
J'arrive où je veux en venir. Si nous prenons la table, vous supposez que peut-être, un jour, nous pourrions tout en connaître. Ce serait impossible avant de savoir ce qu'est l'être, c'est bien pourquoi Aristote se posait cette question. Aussi, nous pourrions voir le problème en sens inverse. Je ne peux pas parler de la licorne avant de connaître l'être, car je ne pourrais pas montrer qu'elle a une corne, puisque personne n'en a jamais vue. Aussi, lorsqu'Aristote parle de l'être, il ne cherche pas à décrire quelque chose qu'il aurait vu, mais quelque chose qu'il ne voit pas (nous ne voyons pas l'être). Il nous parle de ce que l'on ignore. Et nous suivons son chemin depuis.
Qu'est-ce que l'être ? Lorsque vous définissez l'être, vous parlez d'un comment. Ce qu'ignore Aristote est le pourquoi. Si un enfant demande "pourquoi il y a des nuages", cela ne fait pas référence à l'être, il se demande pourquoi il y a des nuages et pas des licornes, mais nous lui répondons par des comment, parce que nous faisons comme si la question que l'enfant posait était "que sont les nuages". Nous lui répondons comment ils se forment ou comment ils se résolvent en pluie. L'enfant ne comprend pas. Il demande pourquoi l'eau s'évapore. Et nous lui répondons encore par des comment, jusqu'au premier moteur (qui n'est qu'imaginaire, comme le Big Bang des astrophysiciens).
Aussi, la question qui peut-être vous préoccupe n'est pas ce qu'est la table, mais pourquoi il y a des tables. Nous cherchons alors ce qu'ignorait Aristote, ce que ses ancêtres n'ont pas pu lui dire, plutôt que de chercher ce que personne ne trouvera dans le futur. Il serait logique que vous vous posiez cette question, puisque vos parents ou vos professeurs ne savent pas y répondre.
Je reçois des messages de ce site que je ne fréquente plus depuis longtemps. Je regarde de temps en temps, car j'aime les gens qui se posent des questions. Néanmoins, je ne suis pas géomètre au sens où Platon l'entendait (au sens où les philosophes l'entendent), bien que j'ai étudié la géométrie à l'école. Dit autrement, si ce que j'écris ne vous plait pas, rien ne vous empêche de me bannir.
Je n'ai lu que le message de l'auteur (pas les réponses) est cela est vite devenu obscur pour moi. Ce n'est pas de la faute de l'auteur, je ne suis pas géomètre. Par ailleurs, il a posté ce message il y a bien longtemps et je ne sais pas s'il suit encore le fil de discussion. Enfin, comme la question me semble obscur, je ne suis pas certain que ma réponse puisse l'intéresser.
Plutôt que de dire la "table est bleue", nous pourrions dire "table bleue". Ce n'est peut être pas un français correct, mais tout le monde le comprend. Vous n'avez alors plus le problème de la nature de la table. Plutôt que de prendre l'exemple de la table, vous pourriez prendre celui de la licorne. "La licorne est un animal qui ressemble à un cheval avec une corne sur la tête". L'être n'est alors plus dans la réalité. Pourtant, ce que je dis est vrai. Je peux encore dire "licorne animal". Là, personne ne peut me comprendre, sauf ceux qui vont me corriger en supposant que j'ai voulu dire "la licorne est un animal". Cela signifie que je peux montrer ce qu'est la licorne, alors qu'elle est imaginaire, mais je ne peux pas montrer une licorne-animal car personne n'en a jamais vue.
Où je veux en venir, c'est que l'être est lui-même imaginaire, tout au moins, il fait partie du monde de la pensée. Il n'a pas toujours existé et il n'existe pas dans certaine langue (certaines langues n'ont pas le verbe être). Le sumérien qui est une langue agglutinée n'a pas de verbe être (je ne suis pas linguiste, je peux me tromper). C'est pourquoi je peux être géomètre, parce que j'ai appris la géométrie, sans l'être aux yeux de Platon.
J'arrive où je veux en venir. Si nous prenons la table, vous supposez que peut-être, un jour, nous pourrions tout en connaître. Ce serait impossible avant de savoir ce qu'est l'être, c'est bien pourquoi Aristote se posait cette question. Aussi, nous pourrions voir le problème en sens inverse. Je ne peux pas parler de la licorne avant de connaître l'être, car je ne pourrais pas montrer qu'elle a une corne, puisque personne n'en a jamais vue. Aussi, lorsqu'Aristote parle de l'être, il ne cherche pas à décrire quelque chose qu'il aurait vu, mais quelque chose qu'il ne voit pas (nous ne voyons pas l'être). Il nous parle de ce que l'on ignore. Et nous suivons son chemin depuis.
Qu'est-ce que l'être ? Lorsque vous définissez l'être, vous parlez d'un comment. Ce qu'ignore Aristote est le pourquoi. Si un enfant demande "pourquoi il y a des nuages", cela ne fait pas référence à l'être, il se demande pourquoi il y a des nuages et pas des licornes, mais nous lui répondons par des comment, parce que nous faisons comme si la question que l'enfant posait était "que sont les nuages". Nous lui répondons comment ils se forment ou comment ils se résolvent en pluie. L'enfant ne comprend pas. Il demande pourquoi l'eau s'évapore. Et nous lui répondons encore par des comment, jusqu'au premier moteur (qui n'est qu'imaginaire, comme le Big Bang des astrophysiciens).
Aussi, la question qui peut-être vous préoccupe n'est pas ce qu'est la table, mais pourquoi il y a des tables. Nous cherchons alors ce qu'ignorait Aristote, ce que ses ancêtres n'ont pas pu lui dire, plutôt que de chercher ce que personne ne trouvera dans le futur. Il serait logique que vous vous posiez cette question, puisque vos parents ou vos professeurs ne savent pas y répondre.
Re: Du langage
0. Homère l'Odyssée chant 9. Vers 12-20. Version de Philippe Jaccottet (le club français du livre 1955): "Mais tu m'as questionné sur l'objet de mes plaintes,/ et mes plaintes ne vont qu'en redoubler./ Par où donc vais-je commencer par où finir./ Je dirai tout d'abord mon nom. Ainsi le saurez-vous/ à votre tour et, si j'échappe au jour fatal,/ je resterai votre hôte encor que vivant loin de vous./ Je suis Ulysse, fils de Laërte, dont les ruses/ sont fameuses partout et dont la gloire touche au ciel."
1. Donc le verbe.
Par où commencer par où finir ? Mon nom. Le furieux : la colère. Et la plainte. Deux formes verbales empruntes d'émotion.
2. À l'échelle terrienne, depuis belle lurette, chaque être vivant fait avec l'alternance du jour et de la nuit. Une alternance qui se répète. Cette quantité de fois répétées n'est-ce pas le temps ?
Le temps me sert. Quatre jours pour faire le tour de l'île. Trois pour labourer ce champ. L'espace est lié au temps.
Le temps l'espace le corps l'être l'objet le sujet la conscience le langage la grammaire tout ça on l'apprend enfant à l'école et ailleurs. Par la force des choses.
3. Une histoire. L'histoire. La science. Le monde. La vie. La réalité. Propagande. Rumeur. Mode. Tout est verbe. Mais quid du verbe ?
4. Le corps est maître.
5. La vie nous impressionne et nous enchante. Il y a réaction. Par le verbe on ne fait que s'exprimer. Comme une éponge qu'on essorre. La substantifique moelle. L'enchantement. Le charme agit. C'est le premier degré. Le verbe permet d'accéder au corps charmé.
6. Il se trouve que parfois je suis dans la lune. Absent coupé du monde. Je ne m'en rends pas compte mais ça fait un moment que le verbe prend corps. Comme une bulle qui éclate...
7. Survient le verbe qui me révèle me fait exister. "Je" est. Je suis. Cogito ergo sum.
8. Absent coupé du monde je réfléchis du verbe. Générant ainsi la conscience. C'est le deuxième degré. Donnant lieu à un discours collectif auquel chacun est invité à prendre part. Tentative par la raison de se dégager d'un champ non maîtrisé l'inconscient. Pas évident.
9. Dans la pratique sociétale quotidienne les deux niveaux se mêlent. Le verbe manifeste ainsi l'intention. Comme une énergie le verbe agit via son interprétation.
10. Présent branché au monde j'émets du verbe ou en reçois. Générant ainsi le rapport de force. Rhétorique dialectique. Tactique stratégie.
11. À part le verbe ? En dehors ? La méditation est une réponse. Concentré sur ma respiration vient le moment où je perds le sens signifiant de "respirer" et accède au sens sensoriel de "respirer". Passage de psycho à soma.
12. Est-ce que le moineau la daurade la fourmi le singe ont une conscience ? J'ignore. Rien ne m'interdit de penser que le moineau est doté d'une conscience. Il se trouve seulement que nulle interface permet la traduction d'un medium à l'autre pour en convenir ou pas.
13. Dans cette hypothèse j'accorderais volontiers une sagesse certaine au moineau : faite d'harmonie et d'équilibre. De mesure. Ce qu'aurait du mal à réaliser homo sapiens sujet à l'hybris?
14. En revanche si le moineau n'est doté d'aucune conscience alors faut-il en déduire que l'instinct, la nature ignore l'hybris ?
15. Le tilleul engendre chaque année des milliasses de graines. Combien donneront un tilleul adulte ? Hybris ? Soit on convient qu'il en s'agit bien là d'une forme et l'être humain n'en est plus l'unique détenteur. Soit ce n'est pas le cas et alors il est difficile de considérer la guerre comme telle.
16. L'hybris étant le critère de mesure, chaque être vivant peut se situer sur une échelle allant de zéro à l'infini. Où donc se placerait l'être humain ?
17. "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme" (Rabelais). Or la conscience via l'hybris entraîne la chute. La science produit de la conscience manifeste la chute.
18. Da capo. Or donc d'où vient le verbe ? Quelle est son origine ? Néanmoins ici comme ailleurs le processus à l'œuvre est l'évolution. Et je conviendrais qu'il fût déjà présent dès australopithèque en passant par sapiens jusqu'à aujourd'hui toujours actif. Mais il faut bien une histoire. Au commencement était...
19. Il y a impression et expression. Qui est elle-même à son tour impression.
20. Et le sort désigna... le son. Produit par la gorge. Il va s'enrichir, se diversifier. Phrases musicales. Caractère de sélection et de pouvoir. Ainsi naît la voix et la prosodie.
21. Avant de se dresser l'homininé l'a intentionné. Par la voix. La voix signale la voie.
1. Donc le verbe.
Par où commencer par où finir ? Mon nom. Le furieux : la colère. Et la plainte. Deux formes verbales empruntes d'émotion.
2. À l'échelle terrienne, depuis belle lurette, chaque être vivant fait avec l'alternance du jour et de la nuit. Une alternance qui se répète. Cette quantité de fois répétées n'est-ce pas le temps ?
Le temps me sert. Quatre jours pour faire le tour de l'île. Trois pour labourer ce champ. L'espace est lié au temps.
Le temps l'espace le corps l'être l'objet le sujet la conscience le langage la grammaire tout ça on l'apprend enfant à l'école et ailleurs. Par la force des choses.
3. Une histoire. L'histoire. La science. Le monde. La vie. La réalité. Propagande. Rumeur. Mode. Tout est verbe. Mais quid du verbe ?
4. Le corps est maître.
5. La vie nous impressionne et nous enchante. Il y a réaction. Par le verbe on ne fait que s'exprimer. Comme une éponge qu'on essorre. La substantifique moelle. L'enchantement. Le charme agit. C'est le premier degré. Le verbe permet d'accéder au corps charmé.
6. Il se trouve que parfois je suis dans la lune. Absent coupé du monde. Je ne m'en rends pas compte mais ça fait un moment que le verbe prend corps. Comme une bulle qui éclate...
7. Survient le verbe qui me révèle me fait exister. "Je" est. Je suis. Cogito ergo sum.
8. Absent coupé du monde je réfléchis du verbe. Générant ainsi la conscience. C'est le deuxième degré. Donnant lieu à un discours collectif auquel chacun est invité à prendre part. Tentative par la raison de se dégager d'un champ non maîtrisé l'inconscient. Pas évident.
9. Dans la pratique sociétale quotidienne les deux niveaux se mêlent. Le verbe manifeste ainsi l'intention. Comme une énergie le verbe agit via son interprétation.
10. Présent branché au monde j'émets du verbe ou en reçois. Générant ainsi le rapport de force. Rhétorique dialectique. Tactique stratégie.
11. À part le verbe ? En dehors ? La méditation est une réponse. Concentré sur ma respiration vient le moment où je perds le sens signifiant de "respirer" et accède au sens sensoriel de "respirer". Passage de psycho à soma.
12. Est-ce que le moineau la daurade la fourmi le singe ont une conscience ? J'ignore. Rien ne m'interdit de penser que le moineau est doté d'une conscience. Il se trouve seulement que nulle interface permet la traduction d'un medium à l'autre pour en convenir ou pas.
13. Dans cette hypothèse j'accorderais volontiers une sagesse certaine au moineau : faite d'harmonie et d'équilibre. De mesure. Ce qu'aurait du mal à réaliser homo sapiens sujet à l'hybris?
14. En revanche si le moineau n'est doté d'aucune conscience alors faut-il en déduire que l'instinct, la nature ignore l'hybris ?
15. Le tilleul engendre chaque année des milliasses de graines. Combien donneront un tilleul adulte ? Hybris ? Soit on convient qu'il en s'agit bien là d'une forme et l'être humain n'en est plus l'unique détenteur. Soit ce n'est pas le cas et alors il est difficile de considérer la guerre comme telle.
16. L'hybris étant le critère de mesure, chaque être vivant peut se situer sur une échelle allant de zéro à l'infini. Où donc se placerait l'être humain ?
17. "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme" (Rabelais). Or la conscience via l'hybris entraîne la chute. La science produit de la conscience manifeste la chute.
18. Da capo. Or donc d'où vient le verbe ? Quelle est son origine ? Néanmoins ici comme ailleurs le processus à l'œuvre est l'évolution. Et je conviendrais qu'il fût déjà présent dès australopithèque en passant par sapiens jusqu'à aujourd'hui toujours actif. Mais il faut bien une histoire. Au commencement était...
19. Il y a impression et expression. Qui est elle-même à son tour impression.
20. Et le sort désigna... le son. Produit par la gorge. Il va s'enrichir, se diversifier. Phrases musicales. Caractère de sélection et de pouvoir. Ainsi naît la voix et la prosodie.
21. Avant de se dresser l'homininé l'a intentionné. Par la voix. La voix signale la voie.
benfifi- Modérateur
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Date d'inscription : 08/12/2018
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