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Langage et rhétorique

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Message par cedric Ven 28 Déc 2012 - 14:39

Il apparaît que bon nombre de vocables, d'expressions, d'adjectifs, de formules, courantes et philosophiques, sont teintés de persuasion et d'autorité, dans le langage courant comme dans le langage des spécialistes, et en ce qui nous concerne dans le langage des philosophes.

En fait je pensais à ça, en réfléchissant à la complexité du monde...et il m'est apparu comme une évidence qu'un terme, que j'emploie et qui est employé sur ce forum, comme dans la bouche de tous les philosophes, que ce terme donc, était à bannir dans le sens où il représentait une contraditio in adjecto, selon la formule consacrée par Schopenhauer et qu'il affectionnait tant, et ce terme est celui ci : objectivité.

J'ai du l'employer un bon million de fois depuis que je le connais, sur ce forum il a du être employé un bon million de fois aussi. Si on fait une petite analytique du terme, on arrive rapidement à ceci : l'objectivité désigne le point de vue de l'objet, c'est à dire une absence de jugement. Or, un objet, par définition, n'a pas de point de vue, ni par conséquent aucun jugement possible. Par conséquent, l'objectivité d'un point de vue est une contradiction dans les termes, qui ne peut avoir de sens qu'en tant que métaphore et argument d'autorité.

Le monde des hommes, par définition, n'est pas, n'a jamais été, et ne sera jamais objectif, car le monde des hommes, c'est le monde du sens et de l'action sur le monde. Car le monde des hommes n'est pas le monde des "objets".

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Message par euthyphron Sam 29 Déc 2012 - 10:14

Tu t'es habilement réfuté toi-même, il reste à en tirer les conséquences. Non, l'objectivité ne désigne pas le point de vue de l'objet, sinon on tombe dans l'absurdité que tu signales. Et il faut sans doute se débarrasser de cette représentation absurde de l'objectivité et du scientisme qui va avec.
Pour autant, la notion d'objectivité n'est pas elle-même absurde, pourvu qu'on évite ce dérapage. Un jugement est objectif (donc, l'objectivité peut caractériser les jugements, je dirais même que c'est la question du jugement qui rend pertinente la catégorie de l'objectivité) s'il ne dépend pas des caractéristiques propres au sujet qui l'énonce. Affirmer l'objectivité de son jugement, c'est donc prendre le risque de la confrontation avec autrui, qui devrait penser la même chose s'il se place au même point de vue.
Oui, j'ai bien dit "point de vue". La conception scientiste de l'objectivité que tu dénonces croit possible de parler du point de vue de l'entendement divin, comme on disait autrefois, pour désigner un point de vue qui n'en est pas un car il embrasse la totalité du réel. Mais ce n'est pas parce que l'on envisage une question d'un certain point de vue qu'on l'envisage subjectivement.
Amartya Sen propose la notion d'objectivité positionnelle pour désigner ce que chacun jugera s'il est placé dans les mêmes conditions. Ainsi dire que la lune apparaît presque aussi grosse que le soleil est objectif, si l'on considère que l'on s'exprime à propos de l'apparence telle que le terrien placé dans des conditions normales la perçoit. Rien à voir avec ce que dirait quelqu'un qui pense qu'elle est un fromage. Je crois que la notion d'objectivité positionnelle a de l'avenir; dès que les professeurs d'université penseront qu'elle vaut la peine d'être enseignée, elle pourrait devenir une banalité. Mais nous ne sommes pas encore suffisamment débarrassés du scientisme.

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Message par cedric Sam 29 Déc 2012 - 12:28

Je maintiens la thèse énoncée dans mon message. Cependant je vois ce que tu veux dire, en basculant sur la notion d'évidence en filigrane ( ce qui n'est pas étonnant pour un platonicien comme toi non ? ). Ce qui est ou devrait être partagé par tous. Mais voilà, cette évidence n'est pas susceptible d'être prouvée d'un point de vue philosophique. Sans doute éprouvé, là d'accord il y a quelque chose, mais on sort du cadre de la science voire de la philosophie. Tu ne peux pas dire, philosophiquement, qu'un point de vue devrait être partagé, car tu soutiens un impératif. Or l'impératif à mon sens n'a rien à faire avec la philosophie, même si Kant ne serait pas d'accord.

Le perspectivisme de Nietzsche me paraît encore la position la meilleure, d'un point de vue épistémique, c'est à dire du point de vue de la connaissance.

Eprouver c'est autre chose, mais il est vrai qu'il faudrait creuser ici, et on sortirait nécessairement de la réflexion philosophique. Ceci dit la réflexion philosophique peut sans doute être envisagée comme une rampe de lancement vers autre chose, qui la dépasse. Vers l'ouverture. Vers l' Ethique.

Qu'est-ce qu'un trou ? Une absence entourée de présence.

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Message par euthyphron Sam 29 Déc 2012 - 14:36

Rien ne dit que l'accord avec autrui ne puisse se fonder que sur l'évidence. Ce n'est pas moi qui le dit en tous cas. Et quand bien même cela serait, l'évidence n'exclut pas la preuve.
Donc, je ne vois pas très bien où tu veux en venir, sinon peut-être au perspectivisme nietzschéen? En ce cas, je reconnais mon hétérodoxie, tant du moins que je n'aurai pas compris de quel point de vue Nietzsche se place-t-il pour savoir qu'il n'y a que des points de vue. Serait-il le seul à avoir accès à l'entendement divin?

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Message par Vargas Dim 30 Déc 2012 - 14:24

Beh, l'objectivité, ce n'est pas le point de vue de l'objet mais le point de vue pris sur un objet.
Le "pris sur" implique un observateur. En en ce sens, on pourrait se dire que l'objectivité ne signifie rien. C'est le chat de Schrödinger : le chat dans une boite est-il mort ou vivant ? Tout dépend du point de vue de l'observateur. Tant qu'il ne sait pas...
C'est Nietzsche qui évoque cette brèche dans le cogito : ce "je" qui pense, c'est un "je" idéal, se voyant immuable, indifférent, qui sait déjà qu'il pense, avec la conscience de savoir ce qu'il pense. (le passage clé sur lequel cedric et euthryphon peuvent discuter pour prolonger cette apparition du perspectivisme dans la discussion, à mon sens).

Mais au-delà de ça, si on considère que l'objectivité, c'est la possibilité des prises de vue sur un objet, indépendamment des individualités des observateurs, comme l'écrit euthryphon (merci pour la référence à Amartya Sen que j'espère avoir le temps de creuser), et , surtout, des façons d'observer, est-ce encore un bourbier ?
Oui, l'objectivité est d'une certaine façon un idéal puisqu'il s'agit d'un concept humain, employé par des individus-sujet qui se lient à un objet. Cependant, cela ne signifie pas que le ciel n'est pas le même pour tous. On lui assigne, des histoires, des noms, des mythes, des propriétés différentes. Mais au-delà de cela, il reste toujours un inévacuable commun, un commensurable.
L'objectivité, c'est ce qui est commun à tous pour un objet qui va de pair avec une nécessaire confiance sur le fait que tout le monde ne se trompe pas de la même façon. C'est ce qui ne change pas avec le temps. Ce n'est pas pour autant une stagnation. Un point de vue partagé devenant connaissance peut se déplacer, s'améliorer. Une thèse qui développe et améliorer une précédente ne signifie pas que la thèse précédente est fausse. Mais peut-être incomplète.
Notre objectivité est sans équivoque incomplète, in progress. Mais dès lors, qu'elle soit fausse ? Acceptons le fait que l'on puisse considérer que la photographie que nous faisons actuellement du système solaire soit incomplet actuellement, qu'il puisse s'améliorer, évoluer, se muer. Mais ne rejetons pas le fait qu'un ensemble de connaissance portant sur un objet puisse converger. Car il y a pire que le mort du sujet : celle de l'objet.


Peux-tu creuser ton trou, cedric ?
Pourquoi la philosophie ne pourrait-elle pas s'intéresser à ce qui est partagé par tous ? Pourquoi une réalité partagée serait-elle un impératif qui n'aurait rien à voir avec science et philosophie ? (en science, expérience, hypothèse et déduction sont les phases d'une méthode expérimentale qui visent à partager un même constat sur des propriétés du réel, après tout)
Qu'est-ce qui permet de prouver philosophiquement ? Qu'a-t-on déjà prouvé philosophiquement et pas autrement ? L'éprouvé en philosophie, c'est notamment le sensationnalisme de Locke. Ça ne me semble pas contradictoire.

Au passage, ce sujet me parait être l'un de ceux qui justifie la présence d'un sous-forum Epistémologie :)

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Message par Courtial Lun 31 Déc 2012 - 1:03

oui, peut-être, parce que la question fut surtout abordée par l'angle épistémologique.
Qui n'est pas le seul.
Je l'aborderais de manière phénoménologique - mais pour soutenir l'usage de ce terme ("objectif", "objectivité") et non pour le condamner.

Il est tout à fait certain que je peux ("je" veut dire un ego cogito, une conscience) rapporter des expériences soit à moi-même, soit à autre chose. Si je suis triste, j'envisage le contenu "tristesse" comme se rapportant à moi, si j'évoque le contenu "capilarité", je l'envisage comme un événement se rapportant à des objets (ou à des relations entre des objets, etc.) et non comme une modalité de mon esprit.
Et je ne crois pas que cela soit inutile ni non plus que cela crée la moindre difficulté.
Je vous renvoie par exemple au début du Traité des passions de l'âme, de Descartes, dans lequel il établit- ce qui est propre à donner quelque lumière - cette séparation entre les sentiments de l'âme qu'elle rapporte à soi et ceux qu'elle rapporte à autre chose que soi.
Ce que j'appelle ma volonté (ou mon désir, etc.), je le rapporte à moi, et pas à une propriété qui appartiendrait à un objet, etc.

Pour le reste, je crains qu'il n'y ait un manque de rigueur : s'il s'agit de dire qu'un "objet", comme tel, ne peut avoir un point de vue, comme si un jugement "objectif" était le jugement d'un objet - jugement qui émanerait d'un objet, qui aurait un objet pour sujet, etc. nous bavardons inutilement (ou pour le dire en jargon : c'est un non-sens phénoménologique).
Si l'on veut dire qu'un tel jugement n'existe pas, je déplore la même faute quant à la rigueur : je trouve que si l'on veut parler de Dieu par exemple, le mieux est encore de l'appeler Dieu. Je ne vois pas bien la nécessité de lui changer son nom sous prétexte qu'il n'existe pas. Cela me paraît même très léger, comme motif.
Il y a toutes sortes de choses fort respectables qui n'existent pas : par exemple la justice sociale, ou l'amour désintéressé et fidèle, ou la sainteté, ou la paix universelle entre les hommes.
Mais je ne vais pas demander qu'on raye ces mots du dictionnaire pour autant.
Donc : laissez nous l'objectivité : si vous avez envie, vous, de vous interdire ce terme, faîtes-le, mais si ça ne vous plaît pas, n'en dégoûtez pas les autres !

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Message par cedric Lun 31 Déc 2012 - 10:06

A la base, et sans trop de parti pris philosophique il me semble, je soulignais juste une chose : l'aspect métaphorique des vocables et expressions du langage. Et donc que cet aspect métaphorique ne renvoyait pas nécessairement à une réalité de fait. C'est tout les gars. Et il me semble qu'on pourra tous tomber d'accord là dessus, lorsqu'une phrase débute par " objectivement je pense que....", bon, ça sent déjà la subjectivité à plein nez.

Personnellement, je pense que la philosophie, dans sa dimension épistémique, est une sorte de rampe de lancement dont le dernier terme est une question, des questions, en tout cas lorsqu'elle frôle les grandes notions, s'y confronte. Peut-être que je commence tout juste à comprendre ce que disaient certains professeurs que j'ai eus, et qui me paraissait une absurdité, à savoir, la philosophie est l'art de savoir poser les questions.

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Message par Vargas Lun 31 Déc 2012 - 11:29

cedric a écrit: Et il me semble qu'on pourra tous tomber d'accord là dessus, lorsqu'une phrase débute par " objectivement je pense que....", bon, ça sent déjà la subjectivité à plein nez.

S'il y a locuteur, il y a jeu de représentation du monde par le langage. Les arguments d'autorité, les déclarations sur l'honneur, les promesses, les extrapolations. Tout ça peut être rhétorique. Mais l'intention peut être sincère aussi.
Lorsqu'une phrase débute par "objectivement, je pense que...", pour moi, ça peut être une façon dans la conversation de recentrer les discours de chacun vers l'objet, une invitation à prendre du recul critique sur l'objet du discours.
Une fois les visions personnelles présentées, par exemple, le locuteur "je" propose ce qu'il considère comme hors propriété individuelle. Mais sans évacuer sa personne comme instance énonçante.
Je trouve ça sain. Plus que d'en venir directement à une assertion sous la forme impersonnelle et indébattable "de tout temps, les choses ont été ainsi et pas autrement".

cedric a écrit:la philosophie est l'art de savoir poser les questions.
Et c'est déjà beaucoup. Je partage cet avis. Les questions sont plus importantes que les réponses. Combien de fois avez-vous senti lors d'un reportage/interview journalistique que la forme de la question influait, restreignait, contraignait, colorait déjà la réponse faite, les réponses possibles, appauvrissait le sujet de fond ?

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Message par baptiste Lun 31 Déc 2012 - 11:43

Outre la référence à Amyarta Sen on peu aussi faire référence à Heisenberg. Pour lui les concepts d’objectif et de subjectif désignent deux pôles à partir desquels un agencement de la réalité peut trouver son point de départ. Ils désignent deux aspects de la réalité elle-même. La revendication de « vérité » est donc toujours dérivée de « l’objet ». Pour reprendre l’exemple d’Euthryphon mais avec le soleil cette fois-ci, nous pouvons dire que le soleil est une boule de lumière qui se lève chaque jour à l’est, s’élève au dessus d’un terre plate et se couche à l’ouest, tout être vivant à la surface de la terre peut faire le même constat, (à l’exception des eskimos ce qui valu bien des misères à ce pauvre Pythéas). Mais toute personne quelle que soit sa culture d’origine, s’il fait les observations nécessaires et s’il a connaissance des calculs trigonométriques appropriés peut déduire que la terre est une sphère qui tourne sur elle-même en une période d’une durée régulière. Il existe donc deux descriptions possibles d’une même régularité nomologique qu’il nomme agencement de la réalité et qui dépends de notre niveau de connaissance. « Le concept d’agencement présuppose non seulement la chose à agencer, mais aussi nous-mêmes, et dans cette mesure il ne semble pas extraordinaire que nous ne puissions pas décider si cet agencement s’impose à nous comme un agencement de la réalité ou comme un agencement de notre compréhension de la réalité »… « Mais en définitive on doit encore et toujours se rendre compte que la réalité dont nous pouvons parler n’est jamais la réalité « en soi » mais une réalité dont nous pouvons avoir un savoir, voir dans bien des cas une réalité à laquelle nous avons nous-mêmes donné forme ».

C’est le cas d’autres réalités moins « objectivables », comme l’existence de Dieu ou de la justice sociale « Il n’est peut-être pas possible, dans une description complète des connexions d’une région, de faire abstraction du fait que nous sommes nous-mêmes parti prenante de ces connexions » c’est pourquoi il parle de « réalité subjectives », non parce qu’elles sont douteuses mais parce que dans leur description le sujet qui les pense ne peut faire abstraction de ce qu’il est lui-même, même si « une grande partie des connexions nécessaires se laissent objectiver de manière complète ».

« L’agencement de la réalité que nous cherchons doit progresser de l’objectif vers le subjectif… » ce que nous faisons rarement. "Objectivement" :D que Cédric a raison, l’objectivité est une sorte d’idéal mais certainement pas une réalité. Lorsque l’on traite de questions dont l’objet prends naissance dans l’esprit humain comme le bien et le mal, la justice… tous ces concepts qui n’existent pas dans la nature, nous ne pouvons faire abstraction que nous sommes parti prenante de leur construction.

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Message par maraud Lun 31 Déc 2012 - 11:58

L'objectivité nous est donnée,elle est une forme d'intelligence, classifiée d'ailleurs par H.Gardner.C'est un invariant qui caractérise l'être humain.Nous partageons tous un fond commun d'objectivité, même si nous ne sommes pas égaux face à celle-ci.Elle est donc,un jugement qui vise à éloigner la subjectivité d'une part et le symbolique d'autre part.

La subjectivité individuelle; degré zéro de l'objectivité.

Pour prétendre à l'objectivité, il faut avant tout désincarner le jugement, et c'est d'ailleurs ce qui s'opère dans l'approche symbolique, qui est une appréhension subjective, mais commune, donc dépersonnalisée, de l'objet.
Le symbole de la croix est partagé subjectivement par la population chrétienne.Pourtant ce symbole permet déjà une certaine dose d'objectivité en ce que tous attribuent à ce symbole,une idée vague mais relativement commune.
Partager une idée vague, donc symbolique, d'un objet, c'est déjà en soi la possibilité d'exploiter ce petit fond commun d'objectivité, puisque c'est sur cet invariant que l'on peut assoir une objectivité moins affective donc plus phénoménologique et au final, plus scientifique.

L'objectivité ne peut être que relative.Le plus haut critère de vérité scientifique n'est-il pas l’unanimité scientifique?


Edit:Vous êtes en super forme messieurs!( ma réponse est en retard dans le déroulement du sujet)



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Message par Chut Lun 31 Déc 2012 - 12:41

Pardon je n'ai pas eu le temps de lire les derniers posts, je poste tout de même car l'apéro m'appelle, en espérant ne pas être trop h.s.
Ce que je crois comprendre de ce qu’essaye de dire Cédric : qu’elle soit qualifiée d’objective ou pas toute réflexion n’est qu’une manipulation de représentations et par là s’écarte de l’être de l’objet, dont la sensation est peut-être à la fois la connaissance la moins élaborée mais la plus proche.

Le mieux que l’on puisse espérer c’est que cette manipulation des représentations obéisse à une certaine logique qui permette l’élaboration d’un champ commun de compréhension et d’échange, qu’on peut si on veut pour faire plaisir à tout le monde qualifier de champ d’objectivité, et acquière une certaine valeur mesurable à l’aune de certains effets vécus et non plus seulement réfléchis, de certains progrès pourrait-on dire.
Au passage et en simplifiant, quelle valeur a une réflexion ne débouchant sur aucune action, philosopher c’est vivre, et vivre c’est avancer, je veux dire, ce n’est pas seulement survivre, comprendre c’est en conséquence agir a minima non ? et c’est une constatation, pas une injonction morale : qui n’agit pas n’a pas vraiment compris, ou ne fait pas assez confiance à sa compréhension, ce qui revient au même.

C’est par exemple l’oubli de cette réalité de la réflexion ainsi conçue qui produit à mon avis le non-sens d’une vision négative d’un matérialisme mécaniste pensé en tant que lois s’appliquant à des briques de base objets-solides-inertes (et au passage également, qu’est-ce qu’une loi –physique-, sorti de la représentation qu’on s’en fait, si tant est qu’on puisse s’en faire une représentation ?).

Les particules élémentaires et tout le saint-frusquin quantique ne sont évidemment pas identiques aux représentations qu’on peut s’en faire, représentations qu’on s’empresse de manipuler ensuite pour tirer des plans sur la comète. Dans le cadre du matérialisme j’aurais tendance à être plus pour un neo-mécanisme de « briques spéciales » de nature au fond inconnue, plutôt que pour l’introduction de je ne sais quel spiritualisme qui éclairerait l’état et la direction de l’organisation et de l’agitation d’une représentation quelconque des particules dans une construction d’être vivant.

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Message par cedric Lun 31 Déc 2012 - 14:26

Chut a écrit:Pardon je n'ai pas eu le temps de lire les derniers posts, je poste tout de même car l'apéro m'appelle, en espérant ne pas être trop h.s.

C'est que tu penses à pal mal de trucs avant de prendre l'apéro toi Wink

En fait en relisant vos messages, j'ai compris que mon post n'était pas assez précis, parce que à la base je ne voyais pas trop la dimension épistémologique du propos, je voyais ça plutôt dans une dimension philosophie du langage.

Donc il me semble qu'une distinction s'impose, et qui tient à ça : l' " objet " de la philosophie, qui est une science faisant partie des sciences humaines, n'est pas le même que l' " objet " de la physique par exemple, qui est une science faisant partie des sciences naturelles. En d'autres termes, le concept d' "objet" de la philosophie et des sciences humaines n'est pas le même que le concept d' "objet" que manipulent les sciences naturelles.

Et ce n'est pas le même car, en sciences humaines, la pensée dispose d'une certaine indépendance, c'est à dire la ré-flexion peut porter sur la pensée elle-même, considérée d'une certaine façon comme une monde en soi, tandis qu'au contraire les sciences naturelles étudient d'emblée quelque chose qui transcende, c'est à dire dépasse, se situe en dehors de la pensée.

Mon post parlait de l'objet des sciences humaines, et la critique de l'objectivité portait donc sur le jugement de la pensée philosophique. Ceci dit on peut poursuivre le fil dans la rubrique Epistémologie, et définir au plus précis ce qui distingue ces deux " objet " .

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Message par euthyphron Lun 31 Déc 2012 - 15:52

Mais la philosophie n'est pas une science! :D
La preuve, c'est qu'elle n'a pas d'objet préalablement défini. Il n'y a rien de réel qui soit a priori exclu du champ de la réflexion philosophique, alors que chaque science a son domaine propre, y compris bien sûr les sciences humaines.

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Message par Chut Mar 1 Jan 2013 - 15:00

La philo n'est pas une science, c'est la science. Cool
Vargas a écrit:
Lorsqu'une phrase débute par "objectivement, je pense que...", pour moi, ça peut être une façon dans la conversation de recentrer les discours de chacun vers l'objet, une invitation à prendre du recul critique sur l'objet du discours.
Je considère plutôt qu’il s’agit d’un rapprochement maladroit de termes contradictoires. La bonne énonciation serait plutôt : « Subjectivement, je pense que … » ou encore : « objectivement, on peut penser que … »
Et je trouve que cette précision fait du coup apparaître les caractères de pluralité, de doute, de nécessité, de confort liés à l’objectivité, et au contraire les caractères de singularité, de certitude, de contingence et d’inconfort liés à la subjectivité.
En effet, « objectivement, … » indique une volonté du locuteur de se fondre dans l’opinion d’un groupe référent, réel ou plus certainement symbolisant pour lui une représentation momentanée du réel, c’est un peu l’idée qu’il y a un groupe du « mieux disant », mais dans lequel il cherche aussi à inclure son ou ses interlocuteurs, groupe idéal donc, dont il prend la place d’une sorte de porte-parole qui ne cherche ni à défendre un intérêt propre, ni un certain avantage sinon celui lié à la prise de posture d’un certain pôle de responsabilité, que du fait de cette situation il ne peut être aussi sûr de ce qu’il avance que s’il en était intimement persuadé, mais malgré le doute à des moments il peut être nécessaire pour x raisons d’énoncer un jugement, malgré des informations lacunaires ou peu compréhensibles d’envisager une action, jugement et action qui risqueraient d’être par trop inhibés par le doute personnel, cette sorte de dilution de la responsabilité dans un groupe plus ou moins imaginaire ayant on ne sait trop comment des accointances avec la vérité, dilution qui veut aussi se caractériser, et par là se légitimer encore plus, par une apparence de sérieux, de sobriété, d’humilité même, est finalement assez confortable car elle tend à éviter des conflits possibles et également l’inconfort lié à une pensée singulière accompagnée par le sentiment plus ou moins conscient d’un déni d’ignorance qui accompagne toujours un peu l’expression de la subjectivité.
Bonne année à tous.

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Message par Vargas Mar 1 Jan 2013 - 15:23

Si c'était le cas, on ne pourrait jamais parler sur un terrain commun.
Communiquer,c'est fort l'effort de se reprendre si nécessaire pour se faire comprendre, pas crier au loup chacun de notre côté. Sans quoi, oui, là on est dans l'objectif comme argument rhétorique.
Dernier exemple en date avec cedric qui rectifie l'approche de ce sujet en rappelant que, si on a parlé d'objectivité, il l'abordait essentiellement sous l'angle du discours, ce qui permet mieux de comprendre ce qui l'intéressait dans cette réflexion et dans son message d'ouverture.
On parle du dernier épisode telle série qu'on a chacun vu et on échange nos impressions subjectives. Mais le fait d'avoir vu le même épisode, le fait de quantifier qu'on a pu voir le même film mais pas dans la même situation au ciné (l'un au fond au centre, l'autre en bas sur le côté), ça permet de faire la part des choses entre ce qui est commun et objectif d'une part et relatif et subjectif d'autre part. Ce qui est différence et répétition.

Objectivement ne se réduit pas nécessairement à un groupe mais à une mesure prise de la réalité qui peut être partagé par différents groupes.
Prends un libéral et un communiste. L'un dira "objectivement" pour évoquer l'impact des concepts de production sur la notion de besoin individuel et de besoin collectif. Il ne font pas partie du même groupe, n'ont pas les mêmes visions économiques. Mais, dans un moment donné, ils peuvent s'accorder sur des termes, des concepts et des processus, sur des déclencheurs, des raisons et des effets.

Bonne année :)

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Message par euthyphron Mer 2 Jan 2013 - 15:56

Pour aller dans ton sens, et surtout pour lutter contre l'utilisation frauduleuse de l'objectivité comme argument d'autorité (le genre: "c'est objectif, donc tais-toi!"), je voudrais faire remarquer que la prétention à l'objectivité est en même temps une promesse implicite : la promesse de mettre autrui en présence, s'il le souhaite, de l'événement de pensée (l'expression est dans Bachelard, mais j'ai oublié où) qui fait dire ce que l'on dit, car si c'est "objectif" c'est visible par un autre aussi bien que par moi.
L'objectivité n'a donc de sens que dans la relation à autrui. L'erreur est d'en faire une catégorie du réel, une sorte de strate supérieure à laquelle n'auraient accès que les savants, une caricature du ciel des Idées en quelque sorte.

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Message par baptiste Mer 2 Jan 2013 - 22:54

euthyphron a écrit:
L'objectivité n'a donc de sens que dans la relation à autrui. L'erreur est d'en faire une catégorie du réel, une sorte de strate supérieure à laquelle n'auraient accès que les savants, une caricature du ciel des Idées en quelque sorte.

Il n’y a pas supériorité scientifique, seulement le fait que la science est recherche « d’une connaissance objective à travers un accord intersubjectif sur le réel phénoménal ». En science les phénomènes sont observés par des méthodes dites objectives, c'est-à-dire reproductibles et indépendantes de la subjectivité des observateurs. « Le postulat de l’objectivité, pour établir la norme de la connaissance définit une valeur qui est la norme de la connaissance objective elle-même. L’accepter c’est donc énoncer la proposition de base d’une éthique : l’éthique de la connaissance ». Monod.
L’objectivité n’est possible que dans un discours portant sur des faits, infalsifiables expérimentalement et utilisant un langage fait de concepts précis et opératoires. L’objectivité scientifique ne peut se passer du dialogue de l’expérience et de la théorie, il faut que la théorie renvoie à des données empiriques, Poincaré parlait de « l’objectivité scientifique comme ce qui réalise l’accord des esprits ». Mais l’objectivité ne se résume pas à une simple intersubjectivité.



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Message par Chut Jeu 3 Jan 2013 - 11:29

L’objectivité me semble à rapprocher d’un consensus de pensée de la vérité dans un groupe réel ou fantasmé, de la connaissance de ce que l’on sait (et de ce qu’on peut), et des limites de sa connaissance (et de son pouvoir), ce qui n’est pas la même chose, limites parmi lesquelles se place la conscience de sa connaissance (et de son pouvoir).

Prenons un exemple simple pour illustrer cette phrase obtuse :

J’apprends à rouler en vélo à mon enfant en restant à ses côtés. A un moment il divague et je vois qu’il va tomber. Dans mon esprit, objectivement je ne peux qu’essayer de l’en empêcher, car :
1) Je visualise mon groupe sociétal qui à l’unanimité est d’accord pour que je réagisse ainsi et me critiquerait s’il en était autrement. On pourrait dire aussi le surmoi etc peut importe au fond les raisons.
2) La connaissance personnelle dont je dispose de plus à l’instant est que tomber fait mal, donc c’est pas bon, donc il faut l’empêcher si c’est possible.
3) Etant un jeune père sans expérience ni connaissance livresque je ne sais pas qu’il peut être considéré comme bon et même nécessaire que mon enfant expérimente sa chute jusqu’au bout pour acquérir une certaine connaissance. (ne serait-ce qu'il ne peut absolument compter sur personne, pas même son père)
4) En tout cas il ne vient pas à l’idée et je ne dispose pas du temps nécessaire à ce genre de considérations, même dans le cas où je conçois, où je sais que je suis un être susceptible d’imaginer qu’elles puissent exister car mon esprit est ouvert à la nouveauté en matière d’éducation.

Je récupère donc mon fiston, je suis content, il est content aussi, et rayonnant de mon bonheur de père je m’adresse à un philosophe qui passe par là et lui déclare : « objectivement, compte tenu de mes connaissances et de mes possibilités, je ne pouvais pas faire autrement », ce à quoi cet être malfaisant répond tout de go, en visualisant en une fraction de seconde son propre groupe de potes philosophe et ses connaissance étendues sur la vérité : « certes, mais objectivement, il eût peut-être mieux fallu ».

En conclusion, l’objectivité a avant tout affaire avec la cohérence et disons même la vérité d’un certain processus dans ses différentes dimensions, mais pas avec la vérité elle-même, on pourrait peut-être dire que l’objectivité du dire ou de l’action d’un être est le sentiment de la vérité de sa subjectivité en tant qu’il se considère comme faisant partie d’un groupe.

On pourra sans doute m’opposer : quid d’un être qui pense et agit seul de façon opposée à tout groupe envisageable, qui lutte seul contre une oppression, qui seul dans une foule va s’opposer à un acte ou un propos de dictateur par exemple ?
je répondrais que cet être pense et agit probablement par référence à une loi quelconque, et qu’est-ce qu’une loi sinon un objet concernant d'une façon ou d'une autre un certain groupe ?

où l’on voit que l’objectivité n’a pas forcément à voir avec le consensus où la majorité, majorité qui impose pourtant son « objectivité » comme étant liée à la vérité, comme étant détentrice de l’ « Objectivité », et là bien sûr on a rejoint la politique : objectivement, on ne peut pas faire autrement que de continuer le nucléaire, objectivement on ne peut pas faire autrement que comme ci ou comme ça etc…

Dire : « objectivement » c’est aussi manier un instrument d’influence et de pouvoir.

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Message par euthyphron Jeu 3 Jan 2013 - 12:03

Chut a écrit:
où l’on voit que l’objectivité n’a pas forcément à voir avec le consensus où la majorité, majorité qui impose pourtant son « objectivité » comme étant liée à la vérité, comme étant détentrice de l’ « Objectivité », et là bien sûr on a rejoint la politique : objectivement, on ne peut pas faire autrement que de continuer le nucléaire, objectivement on ne peut pas faire autrement que comme ci ou comme ça etc…

Dire : « objectivement » c’est aussi manier un instrument d’influence et de pouvoir.
C'est bien mon arrière-pensée. Je ne veux pas confondre l'objectivité et l'intersubjectivité. Celle-ci concerne la communication entre deux ou plusieurs subjectivités. La relation à autrui est présente jusque dans sa dénomination.
Mais si l'on considère l'objectivité, on voit qu'autrui n'est pas absent pour autant. "Ce que je dis est objectif" implique "tu peux donc le vérifier".
Cependant, le glissement que tu signales est fréquent, de "c'est objectif" à "il n'y a donc pas à discuter, cela a déjà été vérifié". Le discours prétendument scientifique est ordinairement convié à ce genre de manipulations, comme dans tes exemples. Il est donc important de le repérer.
Mais du coup l'objectivité n'est pas le fruit d'un consensus. Dans ton exemple, ce qui est objectif est qu'empêcher son enfant de tomber lui évite d'avoir mal. Ceci n'est pas moins vrai dans une société de type spartiate, où l'on croit en la profonde valeur éducative de la sanction des maladresses par la douleur. La différence est que les témoins spartiates trouveront que tu es un père faible.

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Message par cedric Jeu 3 Jan 2013 - 12:36

Dans la discussion il apparaît quelque chose de notable : l'objectivité sert aussi à désigner, semble vouloir aussi désigner quelque chose qui n'est ni un objet de la nature ni ( réellement ) une volonté rhétorique. A priori l' "objectivité" désigne aussi un terrain qui se joue entre les hommes, qui y réfère, quelque chose qui tient dans l'intersubjectivité, c'est à dire dans l'inter-subjectivité, entre les hommes, quelque chose qui tient entre les hommes, qui les unit ou les désunit.

C'est, il me semble, le monde des hommes pour Hannah Arendt, qu'elle appelle le monde des apparences, des apparitions, où les hommes peuvent se montrer et s'exprimer, le monde qui relie les hommes entre eux, et qui en grande partie est le monde de la culture.

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Message par cedric Jeu 3 Jan 2013 - 14:12

Et là il y a quelque chose à défiler, à développer.

Ce qui est le monde des hommes, c'est ce qui existe entre eux et les relie. Ce monde n'est donc pas celui de la nature mais d'emblée un monde doté de sens, de tradition, de culture, de religion. En tout cas, ce qui incarne le monde des hommes, notre monde, et qui fait que l'on peut discuter pour viser la vérité de quelque chose, et que cela soit simplement possible, c'est que, ce qui nous relie les uns aux autres est ce qui nous est familier. Le socle de l'inter-subjectivité, de la communication, de la discussion, c'est cette notion de fond de la familiarité. Le monde des hommes est le monde de la familiarité. Alors, avec quoi sommes-nous familiers ? Avec tout ce qui, littéralement, nous entoure, avec tout ce qui a servi à poser des repères dans notre éducation. Et, ce qui nous entoure désigne à la fois une monde des idées, le monde de la culture au sens large, de même que, très concrètement, l'environnement physique que l'on connaît, la nature dans son objectivité ( et pas son concept ), la ville.

En fait, le monde des hommes est ce monde de la familiarité. Et qu'est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que l'humanité n'est pas tant une histoire de nature ( ontologie ) que de culture ( contexte ). Ceci étant dit, et là ça peut se compliquer, la culture montre, indique, dirige, vers une dimension ontologique. Bref.

Nous arrivons à un point qui est clairement la philosophie d' Arendt, et à partir duquel toute une philosophie peut s'élaborer : la philosophie et les sciences humaines, lorsqu'elles étudient l'homme, n'étudient jamais une prétendue nature humaine, mais étudient toujours la condition humaine. Et la condition humaine, qu'est-ce que ça veut dire ? Et bien ça veut dire que c'est quelque chose de conditionné, conditionnel, quelque chose qui est foncièrement changeant et susceptible d'évoluer.

Bref, tout le pan de la philosophie traditionnelle idéaliste se leurre lorsqu'il pense réfléchir l'homme à l'aune de sa prétendue nature. En réalité, seule la condition humaine nous est donnée, et cette condition humaine, elle évolue au cours de l'histoire ou est susceptible d'évoluer au même pas que le monde des hommes change. C'est à dire à la fois son environnement et ses idées, pour faire court.

Or, si jusqu'à récemment la condition humaine était plutôt stable au cours de l'histoire, c'est à dire une condition humaine basée sur un rapport traditionnel au monde, et bien récemment, la condition humaine a sans doute évoluée de manière qui n'avait aucun précédent dans l'histoire. Et ce qui a permis à la condition humaine d'évoluer, c'est sans doute en grande partie l'apparition de la technologie, qui a clairement et radicalement changé le familier, la familiarité du monde des hommes.

C'est ici qu'il s'agit d'envisager la recherche en sciences humaines comme sans cesse en mouvement, puisqu'il s'agit de sans cesse essayer de cartographier un "objet" en perpétuel mouvement : le monde des hommes. Par exemple, la condition humaine du point de vue des moeurs - on en a assez longuement discuté dans un autre fil - est en train de changer, et c'est pour ça qu'on est tous paumés, parce qu'on essaie de cerner, de conceptualiser, quelque chose qui est encore en gestation et n'a pas pris une forme suffisante. C'est comme cette histoire de matière noire, la condition humaine est en mouvement, et ce mouvement ne nous permet pas encore de dresser les nouveaux paradigmes qui l'agitent. Notre époque est sans doute celle où la condition humaine a changé le plus rapidement. Et maintenant il nous faut essayer de penser ce changement, dans son mouvement même.

On aurait tort de prendre la modernité à la légère. Car, la modernité a radicalement changé la condition humaine, la modernité a radicalement changé le monde des hommes. La preuve, je suis en train d'écrire tout ça avec des lettres dématérialisées sur un écran d'ordinateur en écoutant de la musique.


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Message par Geo Rum Phil Jeu 3 Jan 2013 - 16:02

Vargas a écrit:Communiquer,c'est fort l'effort de se reprendre si nécessaire pour se faire comprendre, pas crier au loup chacun de notre côté. Sans quoi, oui, là on est dans l'objectif comme argument rhétorique.

La vraie question philosophique est de savoir pourquoi y a-t-il le verbe niquer à l'interieur du verbe communiquer ?
! Selon la structure de ce concept, communiquer sera l'art de niquer ou de se faire niquer en commun ! Une sorte de rhétorique folklorique ! Wink
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Message par Vargas Jeu 3 Jan 2013 - 16:33

Langage et rhétorique 300px-Paris_Tuileries_Garden_Facepalm_statue

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Message par Geo Rum Phil Jeu 3 Jan 2013 - 16:56

L'image d'un être petrifié, n'est-ce pas le meilleur symbole d'un sujet niqué par l'objectivité objective d'un objet de consommation ? ...selon le verbe communiquer Wink

Exemple d'objet de consommation:
une revue de science, par exemple !
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Message par Chut Jeu 3 Jan 2013 - 17:49

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