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penser sans les mots ?

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Message par neopilina Sam 9 Aoû 2014 - 21:23

quid a écrit:L'En-soi a un sens en tant qu'Etant, cela ne signifie pas qu'il a un sens pour et par lui-même, à moins de lui prêter à son tour une conscience.

Erreur amigo ! Songe à l'immense majorité des animaux qui fonctionnent, si j'ose dire, parfaitement sans le secours de la conscience.
A l'instant où nous nous réveillons nous enfilons un costume.

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Message par Ataraxie Dim 10 Aoû 2014 - 1:59

euthyphron a écrit:Le dernier cas est le moins intéressant. "Il est très fatigué" est une phrase recevable, donc si "mort" est employé comme synonyme (hyperbolique) de "fatigué" la phrase se comprend. L'intention plaisante peut s'expliciter de la même manière, avec peut-être une nuance sarcastique (au fait, vous vous souvenez de Raymond Barre? qu'est-il devenu? - Mais il est mort! -Vraiment? tu es sûr? -Ah oui, il est même très mort!).
Dans l'exemple que tu prends mort n'est pas synonyme de fatigué. Il est la conséquence mise à la place de la cause : Il est mort de fatigue devient Il est mort tout court parce que la conséquence (être mort) suffit à faire comprendre la cause (la fatigue). On utilise souvent la somatisation pour intensifier une sensation, une émotion ou un sentiment. Il peut s'agir de la température du corps (bouillir de colère, mourir de chagrin), la couleur de la peau (être rouge de honte), les fonctions physiologiques (étouffer de colère), la motricité (sauter de joie, être tétanisé de peur), la vocalisation sans mot (un cri d'amour), etc. La somatisation d'un affect est un procédé d'intensification courant. Pour une sensation, qui est déjà dans le corps, l'intensification par somatisation est plus restreinte mais fonctionne : il est/semble mort de fatigue, elle tombe de sommeil.Dans tous les cas, sensation, émotion ou sentiment sont les causes et le verbe, l'adjectif ou le nom intensifieur exprime la conséquence. Et il n'est pas rare que la cause soit seulement sous-entendue par la conséquence : il est tétanisée (de peur), je suis plié (de rire), etc. D'où l'intérêt de distinguer l'intensification de la gradation. Le haut-degré (très fatigué) et la somatisation (être mort (de fatigue)) sont deux procédés d'intensification possibles et l'état de fatigue accepte effectivement les deux procédés (très fatigué et mort de fatigue). A statut égal, ce qui est valable pour fatigué ne l'est pas pour mort : je ne peux toujours pas dire il est très mort de fatigue. Si mort accepte d'intensifier fatigue en le somatisant, il n'accepte toujours pas d'être intensifié à son tour par le haut-degré très. Je crois que le seul procédé d'intensification qu'il accepte est la complétude au sens figuré : il est complètement mort de fatigue/de trouille/de honte (mais au sens propre ça bloque toujours (il est complètement mort de crise de cardiaque) ainsi qu'au sens figuré avec certains noms de sentiments possédant certaines particularités combinatoires, mais ça je n'en suis pas sûr).      

euthyphron a écrit:Le premier cas peut enfin signifier, de la part de l'enfant qui "se trompe", une différence entre la mort sans espoir, la vraie dira l'adulte, et la mort dont on se réveille une fois qu'on a compté jusqu'à dix. En jouant à la guerre, n'est-il pas utile de faire des différences entre les différentes mortalités simulées? En bref, il suffit de changer l'ontologie de référence, et l'on peut concevoir des degrés dans la mort.
Oui mais à mon avis, dans ce cas, on dira plutôt il est vraiment mort ou il est mort pour de vrai plutôt que il est très mort s'il s'agit de distinguer de il est mort pour de faux. C'est ce que dira un enfant suffisamment âgé pour maîtriser la langue. On ne peut pas prendre un enfant plus petit comme référence parce qu'il est en train d'apprendre la langue, il ne maîtrise pas encore toutes ses règles, et si jamais il dit il est très mort (parce que c'est un être logique et que, de ce fait, il a inféré une règle générale à partir d'échantillon qu'il a entendu : il est très grand, très beau, très chaud...), l'adulte le corrigera et l'enfant ne fera plus l'erreur.

Maintenant le problème est que, parmi l'ensemble de ses valeurs (acceptions ou emplois disons, peu importe), vrai a aussi une valeur intensive. D'ailleurs, je dirais qu'à vue d'oeil, dans la conversation courante, la moitié du temps c'est sa valeur intensive qui est employée. Si je dis cette affirmation est vraie, il exprime la conformité avec la réalité. Il accepte d'être remplacé par la série d'adjectifs exact, juste, correct et il accepte aussi la gradation (cette affirmation est très/assez/peu vraie). Par contre, dans ce type est un vrai salaud, il exprime une intensité, il refuse d'être remplacé par exact, juste, correct (ce type est un exact/juste/correct salaud ne fonctionne pas) et il refuse aussi la gradation (ce type est un très/assez/peu vrai salaud ne fonctionne pas). La fonction et la position dans la phrase ont aussi une importance : épithète antéposé au nom vrai devient intensif et peut être remplacé par la série d'intensifieurs parfait, gros, beau, etc. Apparemment, la notion de vérité a aussi une valeur intensive pour la langue. Je pense que la valeur intensive de vrai est celle de la limite atteinte. Après le haut-degré, la somatisation et le complétude/totalité, voici la limite atteinte. En l'occurrence il s'agirait de la limite maximale de conformité entre le sujet et son prédicat (entre il et être un salaud). Etre un vrai salaud signifierait donc être conforme au prototype idéal de salaud, être un salaud prototypique en somme.

Du coup que signifierait il est vraiment mort de crise cardiaque (où mort n'intensifie pas sa cause) ? Une conformité avec la réalité, je ne vois rien d'autre. En revanche, dans il est vraiment mort de trouille (où mort intensifie sa cause), vraiment joue son rôle d'adverbe intensifieur en exprimant la plus exacte conformité possible avec la réalité (ce n'est pas faux du tout qu'il est mort de trouille). Et que signifierait c'est un vrai mort ? Que le sujet est conforme à la représentation prototypique que l'on se fait d'un mort. Là, je ne pense pas qu'il y ait de valeur intensive et je pense que cela tient à la nature du nom : les noms classifiants (un mort) ne se prêtent pas trop à l'intensification, tandis que les noms qualifiants (un salaud) s'y prêtent. Le test probant serait l'exclamation : quel salaud, cet homme ! fonctionne mais quel mort, cet homme ! pas trop... pas du tout même je dirais.

euthyphron a écrit:A voir si certaines civilisations l'ont pensé explicitement
Pour les langues que je connais un peu, c'est la même chose qu'en français : on ne peut pas dire très mort (même corrélée à une de vrai/faux). Je me suis renseigné après avoir posté, je n'ai rien trouvé. Mais il est sûr qu'il faudra comparer les langues pour appréhender le rapport entre le réel et le langage. C'est même impératif. On ne peut pas se limiter au rapport entre le réel et seulement le français.

Aldo a écrit:PS : à Ataraxie,
Si ça t'intéresse d'y répondre (c'est comme tu veux), tu auras compris qu'une fois expurgée du quiproquo qui m'avait fait parler de "vider le langage", ma question devient : quelle sens ça peut bien avoir d'imaginer vider la pensée de ses objets ?
PS 1 : non ça ne m'intéresse pas.
PS 2 : j'ai dit que c'était parce que les traces du réel sur la pensée modifiait la question.
PS 3 : le PS 2 était ma "très dernière" réponse à ce sujet.
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Message par euthyphron Dim 10 Aoû 2014 - 10:41

Je suis bien d'accord pour dire que la phrase "il est très mort" est incorrecte. C'est pour cette raison que j'ai supposé des cas d'emploi qui jouent avec cette incorrection, volontairement ou non.
Mais ceci me semble engager des questions directement en rapport avec notre sujet, en tous cas je les pose :
1) n'est-il pas remarquable que l'incorrection de la phrase laisse cependant la possibilité de l'interpréter, alors que d'un certain point de vue elle ne veut rien dire?
2) cette incorrection est-elle purement conventionnelle, du fait des règles d'une langue donnée, ou n'a-t-elle pas son fondement dans la réalité, dans la mesure où quand on est mort, comme disait l'autre, on est mort, il n'y a pas de mort à moitié (c'est comme le hors-jeu en football)? Ce caractère implacable de la mort n'est pas une convention, lui.

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Message par Ataraxie Dim 10 Aoû 2014 - 16:07

euthyphron a écrit: 1) n'est-il pas remarquable que l'incorrection de la phrase laisse cependant la possibilité de l'interpréter, alors que d'un certain point de vue elle ne veut rien dire?
Ce n'est simplement une question d'incorrection parce qu'il y a des phrases incorrectes qui sont interprétables  : oncle de moi est malade ou tout deux jours je rendre, promesse !, des phrases non-grammaticales mais interprétables qu'un étranger pourrait dire par exemple. Donc il ne suffit pas d'être incorrect pour être incompréhensible.

Le seul moyen d'interpréter la phrase il est très mort c'est de choisir de la comprendre à moitié, c'est à dire choisir de retenir l'effet intensifieur de très mais oublier son effet graduant. Et alors on peut interpréter la phrase en montrant qu'elle se rapproche d'autres phénomènes d'intensification. C'est le cas des exemples que tu donnes qui forcent la phrase à se rendre compréhensible en amputant ce qui pose problème.

Plus je réfléchis, plus je trouve que cette phrase ne veut rien dire. Bien sûr il est tout à fait possible de la proférer même si elle ne veut rien dire et, dans ce cas, elle risque de produire un effet comique. Mais si elle est comique, c'est justement parce qu'elle ne veut rien dire, le comique a besoin, pour fonctionner, du caractère non-interprétable de la phrase.  

euthyphron a écrit: 2) cette incorrection est-elle purement conventionnelle, du fait des règles d'une langue donnée, ou n'a-t-elle pas son fondement dans la réalité, dans la mesure où quand on est mort, comme disait l'autre, on est mort, il n'y a pas de mort à moitié (c'est comme le hors-jeu en football)? Ce caractère implacable de la mort n'est pas une convention, lui.
Je pense qu'elle n'est pas conventionnelle. Attribuer une gradation à la mort ne correspond à rien dans la réalité.

On pourrait penser (comme avec ton exemple sur Raymond Barre), que l'éloignement dans le temps pourrait être une échelle et il est très mort signifierait "il est mort depuis longtemps". Mais ça ne tient pas la route, l'éloignement dans le temps ne modifie pas le fait d'être mort par une échelle.  

Sinon on pourrait penser à l'intégrité du corps et il est très mort se dirait, par exemple, de quelqu'un d'incinéré. Avant il était mort et maintenant qu'on l'a incinéré, il est très mort. Mais là non plus ça ne colle pas. Quand on est mort, on est mort. Ce n'est pas parce qu'on est incinéré qu'on devient plus mort qu'avant. Même qu'avec l'éloignement dans le temps.

Maintenant, la médecine oppose des cas intermédiaires : la mort cérébrale par exemple. Un jour peut-être on pourrait dire face àce genre de cas il est assez mort ou il est plutôt mort. Ce ne serait pas la première fois que la technique force la langue à une nouvelle organisation mais, tout de même, ça m'étonnerait que cela arrive.
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Message par Aldo Dim 10 Aoû 2014 - 20:57

quid a écrit:
Aldo a écrit:Donc si la question (que tu as formulée) te semble trop abstraite pour être pensée, c'est sans doute soit parce qu'elle est trop abstraite de fait (mauvaise question, dépourvue de sens), soit parce que tu n'as pas réussi à tirer le fil qui la relie à tes préoccupations (ça arrive et c'est énervant, comme quand on a quelque chose sur le bout de la langue).
Pour moi, une phrase de Foucault commentant Deleuze résume bien ce que j'en pense : "Quelle est la réponse à la question ? Le problème. Comment résoudre le problème ? En déplaçant la question"
Donc voici quelques précisions sur ma manière d'envisager les choses ; la difficulté d'exprimer les choses ne venant pas forcément du fait d'une mauvaise question ou d'un manque de pertinence de la question, mais de la difficulté à l'exprimer tout en la faisant avancer, c'est à dire qu'elle ne soit plus la question de départ, mais déjà une forme de réponse. Il n'y a que de cette manière que l'on peut "déplacer" une question, il ne s'agit pas de la masquer, ou de conclure qu'elle n'est pas pertinente.
Bien vu pour la pensée "trop abstraite"... que j'avais effectivement envisagée sur la base de ma méfiance envers les "objets éternels". Ceci dit, question abstraite ou pas, mon propos n'était pas de dire qu'on ne pouvait que "faire avec" notre rapport au réel, mais d'envisager la question qui nous implique face au monde, celle qui nous fait réfléchir, nous concerne.

Un mot sur comment déplacer le problème (ou plutôt la question en fait).
Il est clair pour moi que notre pensée tâtonne, bidouille, et que des idées nous viennent d'on-ne-sait où. On en tire ensuite (ou pas) les bonnes ficelles. Des fois, ça répond à la question, mais c'est plutôt rare. Souvent par contre, les conclusions paraissent justes mais ne répondent pas au problème ou à la question initiale. La question se pose alors de savoir à quelle question elles répondent.
On est donc parti d'un problème qu'on a mis en question ; on l'a pensé et en a tiré des conclusions qui ne le résolvent pas. Mais on a répondu à quelque chose lui ayant trait. On a ainsi affiné son approche, modifié la donne, enrichi notre perception du problème. Donc, un contexte nouveau a été créé par ces conclusions, qui se répercute sur le problème et modifie notre positionnement... et donc la façon dont on va lui attribuer une nouvelle question.

..........

Pour ton exemple d'objet éternel, je ne comprends pas.
Tu dis que le morceau de bois (matière à penser) est temporel, impermanent. Et puis tu dis soudain qu'une certaine permanence le rappelle, qui serait elle intemporelle. Mais c'est quoi, cette permanence ? C'est la seule disponibilité de la pensée ?
D'une part la pensée est pour moi plus ou moins disponible selon nos activités, à des intensités différentes etc, d'autre part elle va rechercher son bout de bois dans la mémoire justement, dont tu dis qu'elle n'est pas présente, mais "remémorée". Et la "présence" de la question ne dépend que de l'importance qu'on y attache.
Bref, je vois pas l'idée... quelle permanence, quel objet éternel ?


PS à Ataraxie : message reçu 5/5, bonne très continuation.

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Message par quid Lun 18 Aoû 2014 - 22:17

Aldo a écrit:Ceci dit, question abstraite ou pas, mon propos n'était pas de dire qu'on ne pouvait que "faire avec" notre rapport au réel, mais d'envisager la question qui nous implique face au monde, celle qui nous fait réfléchir, nous concerne.
Cela fait sans doute réponse à ce que j'ai dit ici :
quid a écrit:Il y a effectivement cet aspect, c'est à dire qu'on est tributaire de nos conceptions, de notre rapport au réel.
Ceci dit, on ne peut faire qu'avec et non sans.
Je ne dis pas que c'est toi qui dis cela, c'est moi qui l'affirme. Et cela pour bien dire qu'on est tout de même dans une certaine configuration face au monde, que je pense commune. Cela ne veut pas dire qu'on a tous les mêmes préoccupations, ni que l'on a tout en commun, mais que cette configuration commune depuis laquelle nous discourons, on ne peut pas l'ignorer, c'est à dire donc qu'on doit forcément la considérer, qu'on doit faire avec, qu'on ne peut pas aller contre.
Ce qui me permet d'enchaîner sur ta question  :
Aldo a écrit:Pour ton exemple d'objet éternel, je ne comprends pas.
Tu dis que le morceau de bois (matière à penser) est temporel, impermanent. Et puis tu dis soudain qu'une certaine permanence le rappelle, qui serait elle intemporelle. Mais c'est quoi, cette permanence ? C'est la seule disponibilité de la pensée ?
Je dis cela :
quid a écrit:
Maintenant, cela ne veut pas dire que le bois est éternel. Non seulement il a une genèse quand à l'apparition du bois en général, mais également il a un mode d'être, il pousse, il brûle, il pourrit, .... On peut donc dire qu'il est temporel, qu'il est soumis au temps.
Or, si l'on regarde toute chose, on peut la voir ainsi, c'est à dire temporelle, impermanente.

Cependant elle a aussi une certaine permanence qui la rappelle. Cette permanence, elle ne la doit donc pas à elle-même. Cette permanence est nécessairement intemporelle. C'est donc du fait de cette permanence commune à chaque chose, que celles-ci peuvent être rappelée, et c'est à cette condition que l'on peut envisager la mémoire.
Je me base sur ce dont chacun, je pense, peut faire l'expérience. La permanence et l'impermanence des choses, chacun peut en faire l'expérience. Or une chose impermanente ne doit pas, en dernier lieu, sa permanence à elle-même. Donc ce n'est pas l'objet lui-même qui est permanent, mais quelque chose, un principe commun à toute chose, qui permet cette permanence.
Ce principe, ce pourrait être la substance chez Aristote ou chez Spinoza, ou l'énergie en physique.
C'est quelque chose effectivement d'un peu abstrait, car il n'est visible que par des vecteurs impermanents.
L'énergie pure cela n'existe qu'abstraitement, en réalité, c'est une relation d'équivalence. Cela permet de signifier le relationnel, le commun, et le permanent entre les choses, qui elles sont impermanentes. Elle est essentielle, mais réductrice. Tant de quantité de mouvement vaut tant de matière. (E = mv2 = mc2). Mais elle est rendue sensible, appréhendable, par des vecteurs.

Donc la durée de chaque chose n'est que relative et elle ne la doit, en dernier lieu, qu'à quelque chose qui ne la devrait à rien d'autre qu'elle-même. Mais cette chose n'est pas un objet, mais un principe.

Au final, ce principe permet l'existence de toute chose. C'est pour cela qu'en considérant la matière sous cette angle, l'on peut voir une matière particulière dans la pensée, Car toute chose quelque peu permanente s'appuie sur ce même principe. A voir si ce principe est à la fois nécessaire à la permanence et donc à la mémoire, et également à la présence, ce qui est temporellement présent.
La mémoire de la pensée s'appuie sur ce principe (comme toute permanence), car la pensée a besoin de ce principe, pour durer et être rappelée. Un livre est une mémoire de la pensée pour qui sait le lire et peut le rendre présent, mais n'est que du papier et de l'encre sinon. Cependant l'encre, le papier ou la pensée nécessitent ce même principe qui leur permet d'être conservés pour être présents.

Cela met en relief un principe d'éternité. C'est à dire qui sort de l'entendement, mais pourrait être compris comme mémoire et présent tout à la fois. Permanent mais indéfini. Par contre, de là à le considérer comme abstrait, je ne pense pas.
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Message par Aldo Mar 19 Aoû 2014 - 14:48

quid a écrit:Cela met en relief un principe d'éternité. C'est à dire qui sort de l'entendement, mais pourrait être compris comme mémoire et présent tout à la fois. Permanent mais indéfini. Par contre, de là à le considérer comme abstrait, je ne pense pas.
Si je comprends bien, tu dis que la pensée, pouvant se relier quand elle veut à un objet (de pensée), cette possibilité implique une forme de permanence, c'est ça ?
Tu voudrais donc mettre du "principe" là où il y a de la "substance" pour d'autres, trouver un lien qui vaille substance (bien sûr, c'est tentant même si ça ressemble à des démarches où Dieu servait de concept central donnant une allure de cohérence à tel ou tel système)
Mais il est question de principe... et donc sans doute de quelque chose de plus 'scientifique" qu'autre chose, si l'on peut dire et si je comprends bien : c'est noté.

Bon. À un moment, tu parles de "présence", que tu sembles vouloir différencier d'avec la mémoire. La pensée aurait un rapport au présent et pas forcément la mémoire. Moi il me semble que la pensée s'appuie sur la mémoire, qu'elle agence des éléments de mémoire entre eux "en vue de" comprendre... et je vois pas bien une autre "présence" qui, par exemple, aurait une "durée" propre, intrinséquement ou pas (en dehors toujours du souvenir, ou encore de la problématique que tel objet portait).
Une piste serait peut-être de tenter de démontrer que, au moins pour certains objets et en dehors d'une problématique qu'on leur suppose, ces objets ne pourraient que "déborder" dans le futur (et se démarquer ainsi pour de bon du soupçon de "passé" de la mémoire). Affaire à suivre. Ça me fait penser au virtuel deleuzien : un virtuel peuplé de flux, de forces, d'énergies etc, qui, en s'agençant entre eux, peuvent certes "produire" des créations (de "l'actuel" donc), mais sans pour autant que ça n'arrête leur mouvement : l'agencement de tels ou tels flux n'ayant pas de raison particulière (sauf présupposé plus ou moins mystique) de s'arrêter sous prétexte qu'il a créé quelque chose "d'actuel" au passage.
... sauf que toi tu veux une seule force, un seul principe en fait, ok ok.

Pas grand chose à proposer (si ce n'est donc que ça me paraît plus euh... "raisonnable" de partir de l'empirique). Tout ce que j'en dis, c'est que Deleuze pense à partir de ce qu'il y a "entre" les choses. En fait c'est pas si loin de ce qu'il y aurait "au dessus" des choses, sauf que ça refuse et ôte toute possibilité de présupposés transcendants, pour laisser un plan immanent à l'égal de celui de la pensée, dans ce qu'il y a de plus empirique et concret (et immanent) de l'acte de penser, de chercher à comprendre. C'est bien mais ça ne résout pas la question de savoir s'il y a ou pas de la transcendance (ça refuse de faire avec donc, c'est tout – enfin moi, c'est ce que j'en tire).

"Entre les choses", il y a de l'événement. Je te livre en guise de piste ce que Foucault dit de l'événement en commentant Différence et Répétition et Logique du Sens de Deleuze (au cas où ça t'aiderait dans ton projet) :

Foucault a écrit:Il y a eu, récemment trois grandes tentatives pour penser l'événement : le néopositivisme, la phénoménologie, la philosophie de l'histoire. Le néopositivisme a manqué le niveau propre à l'événement. L'ayant logiquement confondu avec l'état de choses, il était obligé de l'enfoncer dans l'épaisseur des corps (il rabattait la surface dans la profondeur) ; et dans l'ordre de la grammaire, il déplaçait l'événement du côté de l'attribut. La phénoménologie, elle, a déplacé l'événement par rapport au sens : ou bien elle mettait en avant et à part l'événement brut - facticité, inertie muette de ce qui arrive - puis elle le livrait à l'agile travail du sens qui creuse et élabore ; ou bien elle supposait une signification préalable qui autour de moi aurait déjà disposé le monde, traçant des voies et lieux privilégiés, indiquant par avance où l'événement pourrait se produire, et quel visage il prendrait : ou bien le chat qui précède le sourire avec le bon sens ; ou bien le sourire qui anticipe sur le chat avec le sens commun. Le sens, pour eux, n'était jamais à l'heure de l'événement. De là, en tout cas, une logique de la signification, une grammaire de la première personne, une métaphysique de la conscience. Quant à la philosophie de l'histoire, elle renferme l'événement dans le cycle du temps ; elle fait du présent une figure encadrée par le futur et le passé ; le présent, c'est l'autrefois futur qui se dessinait déjà dans sa forme même ; c'est le passé à venir qui conserve l'identité de son contenu. Il lui faut donc, d'une part, une logique de l'essence (qui la fonde en mémoire) et du concept (qui l'établisse comme savoir du futur) ; et d'autre part, une métaphysique du cosmos cohérent et couronné, du monde en hiérarchie.
Trois philosophies, donc, qui manquent l'événement. La première, sous prétexte qu'on ne peut, de ce qui est hors du monde, rien dire, refuse la pure surface de l'événement, et veut l'enclore de force - comme un référent - dans la plénitude sphérique du monde. La deuxième, sous prétexte qu'il n'y a de signification que pour la conscience, place l'événement toujours par rapport au cercle du moi. La troisième, sous prétexte qu'il n'y a d'événement que dans le temps, le dessine dans son identité et le soumet à un ordre bien centré. Le monde, le moi et Dieu, sphère, cercle, centre : triple condition pour ne pas pouvoir penser l'événement. Une métaphysique de l'événement incorporel, une logique du sens neutre (plutôt qu'une phénoménologie des significations et du sujet), une pensée du présent infinitif, voilà ce que Deleuze nous propose pour lever la triple sujétion où l'événement est tenu.

Les précisions pour savoir comment il en est arrivé là sont juste avant dans son texte (passionnant, comme toujours avec Foucault) :
http://1libertaire.free.fr/MFoucault244.html

Si j'ai une idée, je t'en fais part (n'hésites pas à me tenir au courant si tu trouves des pistes, c'est un joli problème).

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Message par quid Mar 19 Aoû 2014 - 22:02

Aldo a écrit:Si je comprends bien, tu dis que la pensée, pouvant se relier quand elle veut à un objet (de pensée), cette possibilité implique une forme de permanence, c'est ça ?
Tu voudrais donc mettre du "principe" là où il y a de la "substance" pour d'autres, trouver un lien qui vaille substance (bien sûr, c'est tentant même si ça ressemble à des démarches où Dieu servait de concept central donnant une allure de cohérence à tel ou tel système)
Oui c'est cela. Le détour que je fais pour l'exprimer peut sembler un peu lourd, voire trivial.

La substance chez Aristote c'est la matière. Alors pour l'instant je me suis arrêté à sa « Physique », mais il me semble que sa matière peut faire office de substantiel au sens large, de ce qui porte l'existence :
Aristote - Physique - Livre I - Chapitre 3 a écrit:Si l'on dit que les êtres tout entiers sont qualité ou quantité, en admettant d'ailleurs ou en rejetant la substance, c'est une opinion absurde, si l'on peut qualifier d'absurde ce qui est impossible ; car rien ne peut exister séparément, si ce n'est la substance, puisque tout le reste se dit comme attribut de la substance qui est le seul support.
Et la pensée a ce côté substantiel. Car le papier et l'encre ne sont substantiels que parce qu'on veut bien le leur prêter, mais en définitive (en dernier lieu) ils tiennent cette substantialité d'un même principe, car on peut regarder ce qui fait leur substance propre et découvrir une substance qui n'est pas encore l'encre ou le papier (des atomes variés, etc...). Le livre en tant que support de la pensée rend tout autant substantielle cette dernière.

Au final on arrive a une substance-principe qui porte l'existence des choses dans toute leur temporalité, que ce soit de la pensée, de l'encre ou du papier.

Pour moi, cela semble assez empirique, c'est l'expérience de l'existence des choses.

Maintenant, j'ai dit cela qui a son importance : « Elle est essentielle, mais réductrice. » Je parle de la  substance-principe.
En ce sens que concevoir les choses comme existantes, nécessite ce support privilégié. Cependant, cela n'en fait pas le seul principe, mais un principe nécessaire pour considérer certaines choses comme substantielles. Notre rapport au monde participe bien entendu pleinement à cette approche.

Ce principe n'a pas la prétention d'englober la réalité, mais de la permettre. Cependant, ce principe seul n'a pas de sens (à l'attention de l'éléate neo  penser sans les mots ? - Page 5 3291034321).
Il me semble cependant qu'il soit particulièrement représentatif de la substantialité, et qu'on peut également lui être redevable de ce que l'on appelle la mémoire et la présence, car c'est, il me semble, assez directement que la mémoire et la présence tiennent de la substantialité.

Maintenant, pour d'autres principes, il y en a certainement d'identifiables, mais les principes ne font pas tout, il y a bien aussi des singularités, qui échappent donc en parti aux principes.

J'ai tout de même du mal à penser le futur comme effectif, j'ai du mal à le penser. Le futur pour moi reste ce qui est incertain, et le passé comme ce qui ne peut être nié, ce avec quoi il faut faire, même si il peut être reconsidéré.

Soit dit en passant, l'événement ne me parle pas, c'est plutôt une niche, mais relativement vide de sens s'il est pris isolément, tout comme la substance-principe pourrait l'être si elle était isolée.
Le sens a de toute manière un socle, l'événement n'est pas porteur de sens par lui-même.
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Message par Aldo Mer 20 Aoû 2014 - 2:21

quid a écrit:Ce principe n'a pas la prétention d'englober la réalité, mais de la permettre.
Précision utile... sinon le reste me conforte dans ce que j'en avais compris. Et pas grand chose à rajouter je crois.

... si ce n'est une précision : j'ai eu envie de faire intervenir l'événement par rapport à la façon dont j'ai dit trouver plus "raisonnable" de partir de l'empirique. Ce qui amène à ce que tu dis après :
Quid a écrit:Cependant, ce principe seul n'a pas de sens
En ce sens que c'est l'événement qui donne le sens (ou dont on tire le sens), ce qui ne veut pas dire qu'un sens soit "écrit" dans l'événement (d'où il me semble que c'est une bonne base de travail).

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Message par Aldo Jeu 21 Aoû 2014 - 1:51

En définitive et même si je trouve jolie cette idée d'associer le "présent" à la "présence", je ne vois pas vraiment de raison particulière qui m'incite à envisager une autre forme de "disponibilité" que celle que procure la mémoire... et donc quel lien de permanence pourrait subsister en dehors de celle-ci.

On pourrait envisager que la mémoire (avec ou sans mots) fonctionne sur la base d'un impératif de nécessité. On pourrait encore distinguer trois types de fonctions, toutes trois subordonnées à ce qui fait événement, soit ce qui déborde d'un cadre répétitif, nous sort du "déjà vu", et qui provoquerait en nous une sorte de contraction, de condensation, d'épaississement de la réalité, soit via la sensation soit via la pensée (ce qui de fait laisserait finalement des traces) ; contraction qui s'enregistrerait de manière naturelle, automatique, dans la mémoire.
-La première serait faite d'événements ingérés passivement, soit l'ensemble du conditionnement (culturel) auquel on est soumis - jusqu'à ce qui est génétiquement transmis - y compris au niveau inconscient ; et encore des traces prégnantes de notre vécu.
-La seconde obéirait à une nécessité d'un sentiment de cohérence (que je diagnostique en chacun) qui se manifeste à travers la prétention de tout un chacun de se référer à une vision du monde à peu près cohérente. Ainsi chacun a semble-t-il besoin d'un peu d'ordre mental pour ranger les objets de sa pensée, et leur donner un minimum d'espace pour que ces objets gardent une possibilité de s'articuler entre eux.
-Enfin une troisième mémoire pourrait être engendré à partir de l'idée que j'ai suggérée dans le fil "la mémoire a-t-elle un sens", en disant que : "une volonté en nous stocke délibérément des savoirs dans la mémoire, et ce afin d'en disposer". On se servirait ainsi des caractéristiques de la mémoire pour stocker soit des compréhensions dites "abouties" (de type "savoirs"), soit des repères de processus de pensée en cours qu'on ne veut pas perdre. La mémoire en effet semble facilement conserver les choses sous forme d'images (de mots) que des chemins lui semblant inhérents nous permettent de retrouver plus ou moins à loisir.

Ces fonctions me semblent suffire à expliquer ce que tu envisages comme "permanence", à travers donc à la fois ce qu'on veut stocker et ce que la mémoire stocke toute seule, sans qu'aucun autre lien de permanence ou de durée ne "déborde" de ces cas de figure (ce qui ne prétend pas réfuter ta recherche, je dis simplement que la mémoire me semble suffisante).


[On peut d'ailleurs noter (pour revenir à la pensée sans mots) que c'est peut-être cette spécificité de la mémoire qui fait que l'homme a du se servir d'elle (et peut-être ainsi la développer) en se confrontant au fur et à mesure de son évolution à une variété de plus en plus grande de situations qui nécessitaient de s'y retrouver ; alors que les animaux, essentiellement préoccupés par leur survie et leurs instincts, étaient confrontés à des situations peu diversifiées et répétitives (même si uniques à chaque fois). Ainsi l'espèce "d'instinct de sens" (qui me semble caractériser les animaux sauvages) aurait-il simplement répondu avec plus de viabilité à l'urgence de leur quotidien, quand les humains ont pu eux se dégager petit à petit de ces contraintes].

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Message par quid Jeu 21 Aoû 2014 - 21:43

Aldo a écrit:En définitive et même si je trouve jolie cette idée d'associer le "présent" à la "présence", je ne vois pas vraiment de raison particulière qui m'incite à envisager une autre forme de "disponibilité" que celle que procure la mémoire... et donc quel lien de permanence pourrait subsister en dehors de celle-ci.
...
Ces fonctions me semblent suffire à expliquer ce que tu envisages comme "permanence", à travers donc à la fois ce qu'on veut stocker et ce que la mémoire stocke toute seule, sans qu'aucun autre lien de permanence ou de durée ne "déborde" de ces cas de figure (ce qui ne prétend pas réfuter ta recherche, je dis simplement que la mémoire me semble suffisante).

Mais j'essaye justement de voir en quoi consiste cette mémoire, cette univers de la pensée.

Car quand on dit « mémoire », on a rien dit de spécial sur la mémoire, c'est comme si l'on se figure la lune en plein jour et qu'elle n'est pas visible. Ce qui est en mémoire n'est pas présent. Quand je me « remémore » quelque chose, il devient présent, comme quand la lune pointe enfin son nez. Où étaient-ils entre temps ?

Quand je gare ma voiture, que je vais me balader et que je reviens, je retrouve ma voiture où je l'avais laissée. En mon absence elle a subsisté hors de ma présence et en dehors de mon fait.
Il est bien là le lien de permanence, le fait que j'ai un espace pour penser et des objets de la pensée, qui ne sont pas des objets physiques, pourtant il peuvent être présent, c'est à dire avec moi, et d'autrefois ailleurs, hors de ma présence, en mémoire.

Ce mécanisme de présence, absence et rappel défini un espace. C'est cette subsistance en dehors de la présence, et attesté par le rappel, qui met en évidence cette permanence relative pour l'objet, et son existence réelle, dans le sens où son existence a pu être portée. Tout comme la vision d'une pierre atteste que les pierres existent.

Cependant il n'y a pas de processus de pensée sans cet espace particulier et donc tout comme l'espace physique, une permanence relative au sein de cet espace.

Quand je dis permanence je veux dire que les choses ont une durée, une assise et une existence, je ne veux pas dire qu'elles durent tout le temps. Tu retrouveras ta voiture là où tu l'a laissée en rentrant de balade, à moins qu'elle ne se soit dérobée entre temps.
Après, regarder sur quoi repose cette durée, c'est une autre question. Les choses sont à la fois nécessairement changeantes et durables et on ne peut faire l'impasse ni sur l'un des aspects, ni sur l'autre.
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Message par Aldo Jeu 21 Aoû 2014 - 23:43

Tu dis que la mémoire est un espace pour retrouver et penser les choses ; mais en quoi les choses reviennent-elles jamais à l'identique ? En quoi la mémoire – la tienne, la mienne - ramène-t-elle jamais les choses à l'identique ? Peut-être dans le cadre un raisonnement en cours, où oui, on reprendra au mieux les choses où on les avait laissé (soit le cas de la troisième fonction de la mémoire), mais sinon... si l'on veut parler sérieusement de permanence des choses, il vaudrait quand même mieux éviter ce genre d'exemple, non ?
Parce que de quelles choses parle-t-on ?
Et quand ça devient concret, quand ça prend du poids, quand la mémoire, c'est des gens ou des situations, c'est des bouts de vie qui vous empoignent : quand est-ce qu'un bout de vie reviendrait toujours de la même façon, sous la même forme ?
Je crois jamais.
Il y a des choses qui durent, ça c'est sûr ; mais des choses dans nos mémoires qui durent sans se transformer, là je vois pas.

(il n'y a que la représentation qui fige les choses, mais la représentation n'est pas la chose)

Ce qu'il peut peut-être subsister des choses, c'est le sens qu'on leur donne ou qu'elle nous donnent, mais là, chacun aura son truc à dire, qui ne définira jamais la chose elle-même. Et même si l'on arrivait à trouver un sens commun à une chose particulière, un sens partagé par tous, on n'aurait encore fait référence qu'à ce qui se passe entre cette chose et nous, qu'à notre relation à cette chose, aux choses... et le sens d'une chose n'a pas non plus de permanence dès qu'on en est déconnecté.

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Message par neopilina Ven 22 Aoû 2014 - 14:01

quid a écrit: Quand je gare ma voiture, que je vais me balader et que je reviens, je retrouve ma voiture où je l'avais laissée. En mon absence elle a subsisté hors de ma présence et en dehors de mon fait.
Il est bien là le lien de permanence, le fait que j'ai un espace pour penser et des objets de la pensée, qui ne sont pas des objets physiques, pourtant il peuvent être présent, c'est à dire avec moi, et d'autrefois ailleurs, hors de ma présence, en mémoire.

Et entre le moment où tu as garé ta voiture et le moment où tu y es revenu, tu ne t'es pas constamment dit intérieurement : " Ma voiture est sur le parking de la poste, ma voiture est sur ... , etc, etc ", donc une preuve parmi tant d'autres de l'existence de l'En-Soi, dont le conscient, le formalisé, le verbalisé, n'est que l'écume. L'immense majorité de l'activité psychique se fait a priori, et donc heureusement, le contraire serait invivable, impossible, il y a discrimination.

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Message par quid Ven 22 Aoû 2014 - 23:05

neopilina a écrit:Et entre le moment où tu as garé ta voiture et le moment où tu y es revenu, tu ne t'es pas constamment dit intérieurement : " Ma voiture est sur le parking de la poste, ma voiture est sur ... , etc, etc ", donc une preuve parmi tant d'autres de l'existence de l'En-Soi, dont le conscient, le formalisé, le verbalisé, n'est que l'écume. L'immense majorité de l'activité psychique se fait a priori, et donc heureusement, le contraire serait invivable, impossible, il y a discrimination.
Effectivement. Et je vois deux niveaux à cet En-soi.

D'abord, il y a l'En-soi que l'on considère comme physique, que l'on appréhende en tant qu'extérieur à nous, c'est ma voiture sur le parking qui n'a pas besoin de moi. Bien entendu, notre conscience et notre mémoire sont nécessaires à cette appréhension, et en définitive, l'accès à cet En-soi est médiatisé. En somme, cet En-soi est entendu comme un extérieur dans lequel on peut évoluer physiquement.

Le deuxième niveau c'est le domaine de la pensée. En entendant le premier En-soi comme physique et extérieur à moi, je conçois alors qu'il y un médium qui n'est pas directement cet En-soi physique. Cela fait parti de ce qui est entendu de cet En-soi, qui est qu'on ne peut ultimement le pénétrer et être à sa place. On n'est en position d'altérité avec ce dernier.

Je peux donc faire avec une perception immédiate de cet En-soi, qui est nécessairement une altérité de cet En-soi, mais en tant que présence.
Et je peux faire avec la remémoration, c'est à dire des représentations tout autant miennes en tant qu'accessibles, mais pas des perceptions directes.

Je distingue donc l'accès direct à l'En-soi physique en tant que perception et l'accès au remémoré. Et j'y vois deux accès ne me donnant pas accès aux mêmes entités.

Cependant, que ce soit l'En-soi physique ou le remémoré, ces deux « espaces » sont soumis au principe de la présence et de l'absence.

Donc, même si l'on considère un peu plus les objets remémorés, que j'assimile à des objets de la pensée comme étant siens, il ont aussi ce côté qui sort de notre contrôle, une certaine autonomie, qui en fin de compte ressemble fortement à un autre En-soi.

Ces deux aspects forment au niveau de l'entendement comme deux espaces, l'espace de la pensée se superposant à l'espace physique, et étant nécessaire à l'entendement de l'En-soi physique.

Cependant, l'espace de la pensée forme alors un espace propre qui est plus centré sur soi, plus personnel, dans lequel on peut agir différemment, notamment effectuer des actions de pensée.
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Message par Courtial Dim 24 Aoû 2014 - 23:36

euthyphron a écrit:Je suis bien d'accord pour dire que la phrase "il est très mort" est incorrecte.

Cela ne peut pas être incorrect, puisque Frédéric Dard utilise souvent cette expression.
Platon peut se gourrer, Hegel peut se gourrer, mais pas le commissaire San-Antonio. Et quand il dit qu'il a trouvé la victime "très morte", on entend bien ce qu'il veut dire.

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Message par Courtial Lun 25 Aoû 2014 - 0:03

quid a écrit:Si je comprends bien, il y a le rêve et ce qu'on en relate. Cependant, celui qui relate son rêve, pourquoi mettrait-il du sens plus qu'il n'en faut ?

On peut se le demander en effet.
Mais c'est une affaire très compliquée.
Pour ma part, je ne connais pas les "sciences cognitives" et je n'e sais pas jusqu'à quel point ce que dit Freud est vrai ou faux à ce niveau.
Mais dans sa construction philosophique, il faut s'attarder sur ce qu'il appelle le "travail" du rêve ou "l'élaboration" du rêve (en schleu : die Bearbeitung, bearbeiten). Ceci parce qu'il y a un sens lâche et un sens dur, disons.
Le sens lâche (mais je ne veux pas dire moins déterministe, hein, "lâche" ne veut pas dire "mou", ou "faible" ou quelque chose comme ça), c'est que l'élaboration du rêve, c'est seulement l'ensemble des processus qui le produisent. Mais les processus en question n'étant autre chose que les déterminants psychiques inconscients, on peut présenter - comme Freud le fait en 1916, quand il donne ses cours d'Introduction à la psychanalyse - les choses comme une sorte de transcription des processus inconscients en images, le récit même que le rêveur rêve.
Si on lit toutefois d'autres articles (antérieurs ou postérieurs, qu'on trouve dans Le Rêve et son interprétation, Gallimard avait sorti ce recueil assez intéréssant, il y a un déplacement (ou au moins un sérieux complément) sur la Bearbeitung (= travail , le travail de l'inconscient).
Il explique par exemple que certes, l'inconscient produit des images (pour le dire vite et mal...mais au moins on retiendra qu'il y a production et donc "travail"), mais que dans l'élaboration du rêve, il y a un moment de constitution du rêve comme rêve. Ce qui veut dire la chose suivante : au moment où le rêve finit (par exemple au moment où je me réveille, ou alors si je continue ma nuit sans plus rêver), il y a immédiatement une "mise en ordre" du rêve : il y a une sorte de pré-interprétation (qui n'est pas celle, savante, que produira l'analyste ou l'analysant), pré-interprétation qui met ces images dans un certain ordre. Pré-entente qui est sans doute une mise en récit. Je crois que Freud parle quelque part de Vollendung, un joli mot allemand qu'on peut traduire à peu près par : parachèvement, finalisation.
Si bien que le rêve n'est vraiment rêve que quand il est... euh... vollendet. (achevé).

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Message par quid Sam 30 Aoû 2014 - 20:42

à Courtial.

Dans l'extrait que tu cites de Michel Henry, il y souligne que le rêve étant de l'imaginaire pur, donc non formalisé, il ne peut se présenter que comme formalisé pour pouvoir se prêter à l'analyse. Il y a donc une étape de récit du rêve.

Or, il assimile le récit à un texte langagier.  La question est de savoir, à quel moment l'on considère cette formalisation où le rêve imaginaire pur est formalisé.

Est-ce à la fin du rêve comme une sorte de précipitation (sens physique), et donc que l'on considère que dés lors que le rêve se présente à la conscience il est d'ors et déjà formalisé et donc déjà interprété par le rêveur ? Il a alors le même statut masquant que toute représentation concernant son objet, ici l'objet étant imagination pure.

Ou alors est-ce lors d'une description ultérieure à autrui par le langage, que ce récit est conformé avec un sens qui n'y était pas de prime abord ?

Dans ce dernier cas, on est dans la communication de la pensée, alors que dans le premier, on retombe sur la question de savoir si l'on pense nécessairement avec des mots et si les représentations sont assimilables à un langage, et qu'en tant que représentations, elles ne correspondent pas à la chose visée.

Cependant, que les représentations visent un objet extérieur, ou un objet intérieur, sont-elles assimilables aux pensées ? Je ne sais pas. Si l'on entend par la pensée, les processus sous-jacent qui sont alors nécessairement inaccessibles en tant que présence, que l'on soit en présence d'une représentation de l'extérieur où de celle issue de processus masqués, il me semble que l'on est plus dans une démarche de connaissance fonctionnelle, mais pas de connaissance de la pensée telle qu'elle se présente à nous. De plus, les mots sont déjà des représentations.

Sur le rêve, lorsque l'on s'en souvient il y a non seulement le souvenir du contenu du rêve en tant que tel, mais également le souvenir du fait qu'on a bien rêvé, que l'on a bien vécu le rêve lorsqu'il s'est produit, et que cela était un déroulement. Donc, je ne sais pas trop si l'on peut dire d'après cette expérience intime, qu'il y a un moment où il se constitue.

Ensuite, peut-on assimiler les processus du rêve à ce qui en résulte, notamment lorsque cela est conscient. Il va de soi que si l'on considère qu'il y a une source des rêves en tant que la partie immergée de l'iceberg, l'analyse du rêve reste tendancieuse, quant à prétendre élucider des processus inconscient, cela peut être tout au plus un domaine de recherche de longue haleine. Il n'y a cependant pas de fumée sans feu.
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Message par Courtial Sam 30 Aoû 2014 - 22:14

quid a écrit:Or, il assimile le récit à un texte langagier.  La question est de savoir, à quel moment l'on considère cette formalisation où le rêve imaginaire pur est formalisé.

Est-ce à la fin du rêve comme une sorte de précipitation (sens physique), et donc que l'on considère que dés lors que le rêve se présente à la conscience il est d'ors et déjà formalisé et donc déjà interprété par le rêveur ? Il a alors le même statut masquant que toute représentation concernant son objet, ici l'objet étant imagination pure.

Ou alors est-ce lors d'une description ultérieure à autrui par le langage, que ce récit est conformé avec un sens qui n'y était pas de prime abord ?

Dans ce dernier cas, on est dans la communication de la pensée, alors que dans le premier, on retombe sur la question de savoir si l'on pense nécessairement avec des mots et si les représentations sont assimilables à un langage, et qu'en tant que représentations, elles ne correspondent pas à la chose visée.

Alternative qui résume clairement (au moins plus clairement que moi) la difficulté que j'ai mentionnée.

Pour ce qui touche à Michel Henry, je crois qu'il songe à ce que j'ai appelé l'interprétation "savante", càd celle du psychanalyste, plutôt que l'interprétation spontanée, disons, la mise en oeuvre du contenu du rêve par le rêveur lui-même.
Pour ce qui est de la pratique psychanalytique, elle consisterait à transformer purement et simplement l'expérience en un texte, sur lequel on travaille avec les outils langagiers qui y sont conformes. Le texte est l'objet même de l'étude, sans transcendance (ou sans reste, si tu préfères).
Il suffit je crois de voir Freud oeuvrer brillamment (dans l'Interprétation des rêves et ailleurs) pour constater que l'on ne s'appuie guère et que l'on ne parle que de mots. Que le jeu de mots est omniprésent.
Lacan est caricatural à cet égard, comme une sorte de Raymond Devos triste...

Ceci dit, et pour revenir davantage au sujet précis, si l'on considère le langage comme un simple instrument, plus ou moins illusoire, etc., il n'y a pas que Freud qui sera mis en difficulté. On pourra balancer aussi aux orties aussi bien Heidegger que Wittgenstein qui, quoique dans des sens bien différents, restent quand même des philosophies à base de jeux de mots.

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Message par hks Sam 30 Aoû 2014 - 23:32

courtial a écrit:Pour ce qui touche à Michel Henry, je crois qu'il songe à ce que j'ai appelé l'interprétation "savante", cad celle du psychanalyste, plutôt que l'interprétation spontanée, disons, la mise en oeuvre du contenu du rêve par le rêveur lui-même.
 Je pense qu' Henry parle  de toutes les interprétations du rêve ( pas seulement des analyses techniques /savantes )

M Henry a écrit:La signification crée par cet acte spécifique de la pensée pure en tant que sinngebung, est donc absente de l'imaginaire comme tel: de là à la croire et à la dire " inconsciente ", il n y a qu 'un pas.
 page 356( c'est à la suite du texte que tu cites )

plus bas
M Henry a écrit:Car la vie n' a pas de sens et, ne portant en elle aucune intentionnalité, par exemple celle de former des significations , elle ne peut  non plus être placée sous celles- ci, interrogée ou examinée à  sa lumière, jugée ou condamnée par elle.
ensuite Henry dit ce qu'il pense du sens ... car le rêve a un sens .

Attaque  féroce de la psychanalyse  Je n'ai pas les moyen technique de copier des extraits de   "généalogie de la psychanalyse " je l'ai en version électronique ...mais non recopiable .. et ma version papier l'est encore moins ... sinon à la main.
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Message par Aldo Dim 31 Aoû 2014 - 10:51

à Quid,
(suite du principe de permanence et de "l'éternité")

Je termine donc ce que j'avais commencé.
https://digression.forum-actif.net/t985p90-penser-sans-les-mots#18313

Tu dis en même temps que les choses seraient impermanentes, auraient donc un début et une fin (durée), et qu'existerait un principe qui leur donnerait une permanence à nos yeux.
Moi je vois deux façons de poser le problème. Soit on part de l'hypothèse de choses "en-soi", extérieures à nous ; soit de choses qu'on envisage à partir du cadre de nos perceptions.

1/ Dans le premier cas, si tout objet meurt et qu'on veut faire prévaloir un principe d'éternité (ou de permanence), il faut que quelque chose dans cet objet lui survive : on parlera donc de causes qui, elles, déborderaient du cadre de cet objet. On peut ensuite se poser la même question avec cette cause en la prenant comme nouvel objet : a-t-elle une durée, une "fin de vie" ? Et ainsi de suite. On voit bien qu'à un moment, on sera obligé de juger par soi-même, et in fine selon notre seule perception, si l'on accorde à l'objet en question une valeur "d'éternité".
Admettons. Mais alors plus question de dire que les objets "durent et meurent" : on n'en sait rien.

2/ Dans le deuxième, on ne s'occupe donc pas d'un éventuel "en-soi" de l'objet mais de la seule perception qu'on en a, perception qu'on ne "retrouve" à mon sens que dans la mémoire.
Or chaque mémorisation ne restitue jamais la perception première qu'on a pu avoir, dans le cadre premier de l'expérience qu'on en a fait, de "l'événement" dont on a cru bon d'extraire le-dit "objet". La mémoire recrée à chaque fois un objet supposé identique au premier, à partir de notre façon présente de voir les choses (c'est ce que disent les scientifiques je crois), et donc d'un autre contexte où le temps est pris en compte. On change de contexte, et donc, les objets n'y ont forcément plus la même place ou la même forme, puisque notre point de vue est en éternel évolution, et que les choses de la représentation ne peuvent qu'interagir entre elles. Bref, on aurait tout sauf une "éternité" (on notera d'ailleurs que tant que l'objet a une durée de vie, il n'a pas de raison non plus d'être identique de sa naissance à sa mort). Donc l'objet n'a aucune raison d'être envisagé comme identique ou éternel... et le principe de permanence est un leurre.

Je ne vois pas comment en sortir.

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Message par quid Dim 31 Aoû 2014 - 18:43

à Aldo.

Si je comprends bien le premier cas, c'est d'envisager la chose en soi de son point de vue à elle.

Pour moi c'est un modèle tiré de notre propre point de vue expérimental. La contrainte de ce modèle, c'est qu'une fois modélisé on ne peut tout simplement retirer l'entendement qui est le notre et qui a permis l'élaboration de ce modèle, il est tout de même intimement dépendant de cet entendement.

Le problème principal étant à mon avis la conception du temps dans ce modèle, car effectivement sans point de vue, et du fait que le « postulat » qui est expérimental, est que les choses ont une durée et finissent, on se retrouve à nécessairement envisager une éternité, qui n'est pas les objets mais la condition de leur durée, ce que j'ai appelé un principe. J'entends éternité comme quelque chose d'intemporel. Or, ce principe sort du cadre de l'entendement, du fait de son aspect intemporel, mais également du fait de son côté indéfinissable et appréhendable uniquement au travers de vecteurs, eux, temporels.

En définitive et tu as raison, si l'on hôte à la chose en soi, notre point de vue, cela rend caduque la notion de temps, dans ce modèle ou alors il faudrait repenser le temps en dehors de notre point de vue. Car tout objet s'inscrivant alors dans un principe ultime intemporel condition de leur existence, la durée des objets n'aurait plus alors de pertinence, on entrerait alors dans une spatialisation du temps, où le point du présent serait indéfinissable.

Pour cela, cette conception ne prétend pas décrire la chose en soi en elle-même, mais représenter notre expérience, expérience qui nous montre des choses qui ne sont pas nous, qui sont dans l'espace, qui ont cette permanence, car je peux laisser ma voiture, et la reprendre et l'utiliser de la même manière qu'avant l'avoir laissée.
Le temps est intimement lié à nous, et fonde notre entendement, il y a donc une difficulté conceptuelle à aller au-delà.

Mais c'est bien parce-que les choses durent et changent que nous les envisageons dans le temps, par ces terme, nous ne faisons que décrire ce qui nous arrivent, notre expérience.

Donc, je parle bien sûr dans le cadre de ton second cas, le cadre expérimental, si tu en viens à supposer des perceptions tu conçois une chose perçue, d'ailleurs, tu conçois que ce sont des représentations, en tout cas pas les objets eux-mêmes, qu'il y a une mémoire qui les supporte, ce n'est pas anodin.
Tu peux également expérimenter que quand tu perçois les choses, que le terme de la perception, la représentation qui se présente finalement à la conscience,  ne dépend pas spécialement de toi. Tu ne verras pas un cheval là où juste avant il y avait une voiture.
On peut bien dire que ce qui nous apparaît, n'est jamais strictement identique à ce qui nous est apparu précédemment, ce qui est d'ailleurs normal, cependant, la perception elle-même subsiste, et tout un tas d'autres choses, qui font que je peux reprendre ma voiture et me déplacer avec. C'est là que je situe la permanence, elle est expérimentale, et non pas une projection conceptuelle abstraite.
Tout cela fait parti de notre rapport au monde, et constitue notre entendement. C'est bien sûr dans cet entendement que fait irruption la permanence relative des choses ainsi que leur changement continuel, et également une implication dans la continuité de cette entendement, qui est que les choses sont, parce que quelque chose de constitutif fait qu'elles existent tout comme le fait que nous existions, et aussi le côté indéfinissable de ce constitutif et difficilement séparable de ce qu'il supporte et qui semble être son mode d'être.

Bon cela nous éloigne du sujet de la pensée, je ne voulais pas aller à reconsidérer l'ensemble de notre entendement qui me semble quand même commun. Je voulais juste simplement faire le parallèle entre cet entendement et ce que la considération de la pensée peut emprunter à celui-ci.
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Message par Aldo Dim 31 Aoû 2014 - 21:31

quid a écrit:On peut bien dire que ce qui nous apparaît, n'est jamais strictement identique à ce qui nous est apparu précédemment, ce qui est d'ailleurs normal, cependant, la perception elle-même subsiste, et tout un tas d'autres choses, qui font que je peux reprendre ma voiture et me déplacer avec. C'est là que je situe la permanence, elle est expérimentale, et non pas une projection conceptuelle abstraite.
J'avoue avoir du mal à te suivre. Si tu pars de l'idée que la perception subsiste, alors tu ne fais que dire la durée de cette seule perception, qui n'a rien à voir avec celle de... la voiture (en l'occurrence). Maintenant, tu vas vraisemblablement oublier cette perception (de la voiture) en faisant ce que tu as à faire, et c'est bien la mémoire qui te dira ensuite où tu l'as garée... donc on retombe dans le système mémoriel. Quant à l'expérience que tu fais sur ce point, elle n'est rien d'autre que l'expérience de la mémoire.
D'ailleurs quand tu oublies où tu t'es garé, tu fais euh... l'expérience de l'impermanence alors (hum hum) penser sans les mots ? - Page 5 2577518336

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Message par quid Dim 31 Aoû 2014 - 23:28

ALdo a écrit:J'avoue avoir du mal à te suivre. Si tu pars de l'idée que la perception subsiste, alors tu ne fais que dire la durée de cette seule perception, qui n'a rien à voir avec celle de... la voiture (en l'occurrence).
Heu, ce n'était qu'un exemple de tout ce qui se présente à notre entendement comme subsistant, et qu'a minima on peut même expérimenter que le fait même de percevoir, la fonction de perception perdure (au cas où l'on douterait de la chose extérieure).
C'est ma faute, quand j'ai parlé de « perception qui persiste », je pensais à la fonction de perception et non pas aux perceptions elle-mêmes.
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Message par Courtial Dim 31 Aoû 2014 - 23:43

quid a écrit:
ALdo a écrit:J'avoue avoir du mal à te suivre. Si tu pars de l'idée que la perception subsiste, alors tu ne fais que dire la durée de cette seule perception, qui n'a rien à voir avec celle de... la voiture (en l'occurrence).
Heu, ce n'était qu'un exemple de tout ce qui se présente à notre entendement comme subsistant, et qu'a minima on peut même expérimenter que le fait même de percevoir, la fonction de perception perdure (au cas où l'on douterait de la chose extérieure).
C'est ma faute, quand j'ai parlé de « perception qui persiste », je pensais à la fonction de perception et non pas aux perceptions elle-mêmes.

La fonction de perception perdure, et pas le langage ?

J'ai du mal à voir le lien avec la question.

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Message par quid Lun 1 Sep 2014 - 1:44

Courtial a écrit:La fonction de perception perdure, et pas le langage ?
J'ai du mal à voir le lien avec la question.
Trés lointain je sais, cela était au départ surtout en rapport à la considération de notre mémoire.
Courtial a écrit:
Pour ce qui touche à Michel Henry, je crois qu'il songe à ce que j'ai appelé l'interprétation "savante", càd celle du psychanalyste, plutôt que l'interprétation spontanée, disons, la mise en oeuvre du contenu du rêve par le rêveur lui-même.
Michel Henry, Généalogie de la psychanalyse a écrit:Cet équivalent, c'est le récit du rêve, c'est-à-dire un texte, un ensemble de significations qui sont constitutives du langage et relèvent de la pensée stricto sensu, à savoir d'une conscience qui vise son objet à vide, sans l'atteindre réellement, d'une conscience donatrice de sens
Dans ce qui est dit là, j'opterais plutôt comme hks, c'est à dire que, pour M.H. tout ce qui se présente à la conscience se charge de sens. Peut-être que le récit explicite et communiqué, oblige encore plus à formaliser.

C'est un peu comme considérer le degrés de contamination d'un prélèvement pour une opération d'analyse. Les  conditions et les précautions prisent pour le prélèvement importent. Pourtant, lorsque l'on analyse le prélèvement lui-même, on peut en déduire des choses si l'on a des données à lui confronter, c'est à dire une certaine connaissance déjà en place.
La mise en place d'une telle connaissance ne peut pas se décréter, cela vient d'une étude prolongée, et seulement là on pourra faire des conjectures sur la base de recoupements. Encore faut-il savoir ce que l'on cherche à recouper, quel est l'objet de l'étude. On peut se demander en quoi l'étude des rêves aurait un accès privilégié à l'inconscient, peut-être que les inhibitions y sont moins fortes.

La critique de M.H. est : Comment parler de l'inconscient, alors qu'il est par définition masqué. Et pas simplement masqué au sens de la partie immergé d'un iceberg, c'est à dire de quelque chose qui serait de même nature que la partie émergée, mais en plus en considération que jamais ce qui est inconscient n'apparaît directement à la conscience sous la forme de sa nature inconsciente.
Michel Henry, Généalogie de la psychanalyse a écrit:D'une part une formation langagière s'étant substituée au rêve à proprement parler, c'est-à-dire à un imaginaire pur qui n'a en tant que tel rien à voir avec le langage, toutes les catégories qui concernent ce dernier vont s'investir dans un donné qui leur est hétérogène. Ce qui n'était qu'une métaphore, le rêve comme "texte" de l'analyse, c'est-à-dire comme son objet, est pris à la lettre pour une détermination intrinsèque de l'essence de cet objet.
Ainsi il pense qu'il est vain d'étudier le récit conscient du rêve comme si cela était directement l'inconscient.

La difficulté est que l'on n'est pas dans le domaine du physique, aucun microscope n'ira regarder l'inconscient par lui-même.

Donc l'idée est de trouver des traces de l'inconscient dans le conscient, comme une rivière qui aurait laissé sa marque. Et de considérer qu'il est plus propice de trouver ce genre de traces dans le récit des rêves.

Maintenant, je pense que ce qui peut être relaté du rêve a déjà été mémorisé. Donc ce type de rêve a déjà été ordonné d'une manière ou d'une autre, mais l'on entre là à nouveau dans le mécanisme de la pensée consciente.
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Message par puzzl Mer 3 Sep 2014 - 13:06

quid a écrit:
Le problème principal étant à mon avis la conception du temps dans ce modèle, car effectivement sans point de vue, et du fait que le « postulat » qui est expérimental, est que les choses ont une durée et finissent, on se retrouve à nécessairement envisager une éternité, qui n'est pas les objets mais la condition de leur durée, ce que j'ai appelé un principe. J'entends éternité comme quelque chose d'intemporel. Or, ce principe sort du cadre de l'entendement, du fait de son aspect intemporel, mais également du fait de son côté indéfinissable et appréhendable uniquement au travers de vecteurs, eux, temporels.
En définitive et tu as raison, si l'on hôte à la chose en soi, notre point de vue, cela rend caduque la notion de temps, dans ce modèle ou alors il faudrait repenser le temps en dehors de notre point de vue. Car tout objet s'inscrivant alors dans un principe ultime intemporel condition de leur existence, la durée des objets n'aurait plus alors de pertinence, on entrerait alors dans une spatialisation du temps, où le point du présent serait indéfinissable.
Si on abandonne notre notion commune du temps pour l'appréhender comme une des dimensions de l'espace (spatialisation du temps), alors les choses ont un début et une fin dans le temps, en dehors de toute perception, exactement comme elles ont un début et une fin dans les 3 dimensions usuelles de l'espace.
Le présent n’existerait donc bien que pour un objet pensant, comme façon de se situer dans la dimension temps pendant qu’il se déploie dans celle-ci.
Ce qui est intéressant en ce qui concerne l’évolution dans le temps d’un être vivant (si on l’isole de l’espèce) c’est que ses cellules se renouvellent plusieurs fois pendant son existence, de façon que la matière qui le compose est totalement différente au bout de quelques années….de plus il change constamment (vieillissement)..il ne perdurera donc pas exactement de la même façon qu’un objet mais plutôt comme un système, ce sont ses combinaisons qui perdurent, pas sa matière.

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