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L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

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L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Dim 14 Nov 2021 - 16:31

Louis Beirnaert fait de la spiritualité ignatienne une lecture qui la rapproche de l’Ethique de Spinoza.
Nous en avons déjà repéré quelques points à propos de l’amour de Dieu (amour révérenciel chez Ignace et intellectuel chez Spinoza), du plaisir de Dieu, de l’impossibilité de le séduire, du rejet de la superstition (de la recherche de signes).
Ces convergences ne doivent pas nous faire oublier les divergences entre les méthodes, ce qui est mis en évidence dans la suite du paragraphe intitulé La transmission.
Si Spinoza construit une éthique fondée sur une théorie du monde, Ignace décrit une pratique et invite à faire une expérience.
Or :

Louis Beirnaert a écrit:Mais, ici, quelque chose est à remarquer : une pratique implique une théorie. Or, de théorie propre, il n’y en a pas chez Ignace. Celui-ci ne nous a laissé que des récits, celui de ses premières années, après sa découverte initiale, le fragment du Journal qui nous est parvenu, une correspondance et une œuvre juridique, les Constitutions qui organisent la vie et la croissance de son ordre. Quand, sortant de l’énoncé brut des ses expériences, il entreprend de théoriser, il reprend la théologie traditionnelle de son temps, la théologie scolastique avec ses concepts, Dieu au sommet, la créature qui dépend de lui, la nécessité de se soumettre à lui, le choix des moyens pour parvenir à la fin, la distinction des trois facultés, l’intelligence, la sensibilité et la volonté, etc. Or, cette théorie ne recouvre pas ce qui se donne à lire dans les récits, et que j’ai tenté de mettre en évidence. S’il y a, et il y a une théorie de son expérience, elles est à faire. […]
A cette carence théorique correspond, au niveau de la régulation de la vie, l’insistance sur ce que l’on peut appeler les efforts ascétiques et la volonté d’agir contre les passions déréglées, de se vaincre soi-même ; pour imiter le Christ, voire pour obtenir de Dieu ce que l’on veut. Or, s’il est une chose qui ressort du texte que nous avons étudié [voir les posts précédents], c’est que l’expérience d’Ignace, celle même qu’il propose aux jésuites, se déroule tout autrement, avec de l’imprévisible, hors de toute planification, dans un jeu fait de prises de conscience – où l’on se rend compte de ce que l’on ne voyait pas jusque là, où l’on sort d’un rêve, où les yeux s’éveillent à de l’insu, à de l’inaperçu –, bref, sur un mode que nous dirons mystique, pour le distinguer du mode ascétique. Or, ceci n’est pas transmis dans une théorie. (pp. 235-236)

L. Beirnaert distingue, dans l’expérience ignatienne, le mode mystique, essentiel, et le mode ascétique, ce que l’on retrouve exprimé dans la dernière proposition de l’Ethique :

Spinoza a écrit: La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même ; et ce n’est pas parce que nous réprimons les désirs capricieux [libidines] que nous jouissons d’elle, c’est au contraire parce que nous jouissons d’elle que nous pouvons réprimer les désirs capricieux.

A suivre

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L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Lun 15 Nov 2021 - 10:34

Rappelons que Louis Beirnaert pense avoir trouvé dans le Journal spirituel d’Ignace de Loyola (dans le fragment qui, par hasard, a échappé à la destruction voulue par Ignace) l’essentiel de sa démarche spirituelle lorsqu’il doit prendre un décision.
Il s’agit, dans le cas présent, de décider si les maisons de la Compagnie auront ou n’auront pas un revenu.
Ignace souhaite mais n’obtient pas le signe que la décision qu’il se propose de prendre est voulue par Dieu, d’où une phase de désolation (tristesse) après avoir été dans la consolation (joie).
Ignace fait alors l’expérience, accompagnée d’une vision, d’un Dieu conçu, à l’impersonnel, comme une « chose représentée » et éprouve un sentiment nouveau : le respect, sentiment qui lui donne la certitude que la décision qu’il envisage de prendre est la bonne.
C’est sans doute une interprétation du jésuite psychanalyste qu’était L. Beirnaert mais on cherchera, ici à l’approfondir pour voir où elle nous mène.

Louis Beirnaert a écrit:Il est remarquable que le texte du Journal, qui nous semble donner la clef de ce qui se passe dans l’avènement du désir qui mène à la décision, Ignace n’ait pas voulu le transmettre. C’est par accident qu’il a échappé à la destruction.
[…] C’est ainsi que, dans le texte de Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se déterminer par aucune affection qui soit désordonnée, nous pouvons lire un appel constant à l’effort, à l’action contre les passions, à la volonté de se rendre indifférent, à la pesée minutieuse du pour et du contre, etc., en même temps que la référence aux consolations et aux désolations, mais sans que jamais soit indiquée directement cette désolation suprême, et ce qui s’opère dans un « pâtir de Dieu ». Seul l’appel constant à la prière pour demander à Dieu ce que l’on veut obtenir désigne dans le texte la place d’une expérience tout entière à faire par l’exercitant. Expérience proprement mystique, ouverture à un autre espace que celui où se déplace l’ascétisme, qui est l’espace dans lequel se déploie l’expérience d’Ignace. Celle-ci repose donc dans les Exercices, comme non dite, et pourtant comme signalée en quelque façon. Quelque chose peut s’y passer hors des prises de tout effort, soumise à la « grâce » imprévisible, quelque chose d’intransmissible, qui est tout entier à répéter par le sujet dans la discontinuité et la coupure d’avec tout ce qui est transmis.
Mais la coupure n’est point telle que dans et par ce qui est transmis quelque chose de l’intransmissible ne se transmette sur ce mode. L’acharnement à insister sur l’abnégation la plus entière, sur l’exercice des facultés naturelles, qui semblent ne laisser aucun espace à « la grâce », ouvrent par leur échec même la place vide où le processus pourra avoir lieu, sans jamais avoir été proposé comme un objectif au vouloir. Cette dimension proprement mystique de l’expérience, Ignace la tenait à juste titre comme à ne pas écrire dans un texte à transmettre. (pp. 236-237)

L. Beirnaert note qu’Ignace ne fait pas état, dans les Exercices Spirituels, d’un moment de « désolation suprême » et aussi que l’exercitant fait une « expérience proprement mystique, ouverture à un autre espace que celui où se déplace l’ascétisme »
Deux remarques.
Tout d’abord, Ignace prend conscience que l’esprit mauvais l'avait poussé, à son insu, à vouloir séduire Dieu, ce qui a provoqué la désolation.
Celle-ci apparaît alors plutôt comme un incident de parcours et non comme un moment clef du processus de décision.
Ensuite, l’expérience mystique que fait l’exercitant est celle de la filialité divine. Se mettre en prière, c’est s’adresser à Dieu en disant Abba. C’est en « fils de Dieu » qu’il doit prendre une décision.

Il est donc possible que L. Beirnaert ait voulu plaquer sur la spiritualité ignatienne le schéma de la cure psychanalytique.
Or, il ne s’agit pas de cela, comme l’écrit Adrien Demoustier qui compare ce que font le psychologue professionnel et l’accompagnateur spirituel :

Adrien Demoustier a écrit:Le psychologue professionnel écoute celui qui lui demande de l’aide, puis le renvoie à lui-même pour qu’il puisse assumer la difficulté. Celui-ci commence à en découvrir la nature, grâce à l’effort qu’il a fait de parler et à l’expérience d’être écouté. Le psychologue aide donc son patient à se trouver lui-même pour qu’il puisse se prendre en charge. L’accompagnateur spirituel n’a pas cette visée. Il renvoie son interlocuteur au Seigneur par le moyen de l’Ecriture sainte et des pratiques spirituelles de la tradition de l’Église. L’attention de celui qui est ainsi accompagné est attirée vers son Dieu qui lui est présent : un Dieu qui lui propose d’entrer en relation avec Lui, tel qu’il est, avec ses failles et ses faiblesses.
Le psychologue renvoie son patient à lui-même pour qu’il puisse assumer sa propre existence. L’accompagnateur spirituel renvoie celui qui le consulte à Celui qui lui est présent pour qu’il puisse découvrir qu’il peut, tel qu’il est, recevoir de Lui son existence. (op. cit. p. 13)

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Message par neopilina Lun 15 Nov 2021 - 19:40

C'est moi qui souligne :

Vanleers a écrit:Dans un autre article, repris également dans l’ouvrage signalé dans mon post précédent, Louis Beirnaert expose la même situation dans laquelle s’est trouvé Ignace de Loyola lorsqu’il écrivit les constitutions de son ordre.
Il s’agit de La transmission dans un ordre religieux qui a été publié en 1979 dans Lettres de l’École (EFP) (1)
On citera ici une partie de cet article qui éclaire le précédent.

Louis Beirnaert a écrit:Nous sommes en 1544. Il [Ignace] est en train de rédiger les constitutions de l’ordre qu’il fonde : va-t-il décider que les maisons de la Compagnie n’auront aucun revenu ? Que veut-il, c’est-à-dire que veut Dieu ? Suivant sa coutume, il prie, offrant à Dieu ce vers quoi il est porté, à savoir le projet d’une pauvreté totale. La consolation qu’il éprouve, et qui n’apparaît nulle part aussi nettement comme une jouissance du corps – il parle de grâce chaude, lumineuse et comme rouge, il est couvert de larmes – , lui donne le sentiment qu’il est confirmé. Mais il lui reste un doute, car, quelque intense que soit la jouissance, ce n’est pas ça. Elle n’est jamais assez abondante. C’est alors que du nouveau surgit, au niveau de Dieu même. Il se rend compte qu’en s’adressant à chacune des Personnes de la Trinité, il s’adresse en même temps aux deux autres. Il y a là, écrit-il, un nœud à résoudre ; mais qu’est-il pour ça, et d’où cela lui vient-il ? Après quoi surgit une figure, « une vision, écrit-il, un cercle ou une sphère d’où découlent sans en sortir le Père, le Fils et l’Esprit ». Dieu s’inscrit alors dans le texte, à l’impersonnel. Ignace parle de la « chose représentée », figurée, conjointement à l’apparition de la figure géométrique. Une attitude et un sentiment nouveaux se font jour : le respect. Jusqu’au moment où, reconnaissant qu’il ne trouve pas ce qu’il cherchait, à savoir le signe, la garantie de la consolation, il entre en désarroi, dans une désolation intense, « me trouvant, écrit-il, vide de tout secours (…) aussi éloigné et séparé [des Personnes divines] que si je n’avais jamais rien senti et ne devais plus rien sentir, je me trouvais en proie à l’agitation de pensées diverses ». Véritable moment d’affolement, dont il émerge non plus cette fois en faisant retour sur une suite de pensées antécédentes, mais en se rendant compte de ce qui à son insu le poussait à répéter sans cesse sa demande : « Je sentais dans ma volonté que j’aurais voulu que Dieu condescendit à mon désir de conclure en un temps où je me trouverais très visité (…) je commençai aussitôt à me rendre compte et à vouloir arriver au plaisir de Dieu. Et là-dessus les ténèbres se mirent à s’écarter de moi progressivement. »
Je me bornerai, faute de temps, à quelques remarques.
1) Ne trouvant pas ce qu’il cherchait, à savoir la garantie de la consolation, Ignace est introduit à une désolation, qui est absence de tout secours, à un vide où il se perd. Il n’y a pas de garantie dans la jouissance et dans l’amour.
2) Il ne s’agit pas seulement pour lui de faire retour sur une suite de pensées repérables, mais de se rendre compte de ce qu’il cherchait à son insu, à savoir que Dieu condescende à son désir : Dieu ne peut être séduit.
3) Bien plus, Dieu ne lui signifie rien. Ce qui se dessine à sa place, c’est le rond, l’Un, l’unique essence, d’où découlent les trois Personnes, bref, une chose représentée.
4) Chose inaccessible devant laquelle il n’y a plus que le respect.
5) C’est ce respect qui confirme tout le passé, c’est-à-dire toute la série de pensées au cours desquelles Ignace a élaboré sa décision de pauvreté. Le respect : reconnaissance d’un seuil, d’une limite à ne pas franchir. Moyennant quoi il parvient à la certitude d’un vouloir et d’un choix qui n’ont d’autre garantie que d’être selon son désir et son projet.
6) Dès lors, la consolation et la jouissance peuvent revenir et reviennent en effet, la suite du Journal en témoigne, mais il n’y a plus de garantie.

...

(1) L'École freudienne de Paris est une société psychanalytique fondée par Jacques Lacan en 1964. Elle est dissoute en 1980.

Tout le message suivant me pose problème :

Vanleers a écrit:On trouvera un autre écho de la philosophie de Spinoza dans l’extrait suivant :

Louis Beirnaert a écrit:Si nous remarquons maintenant que la consolation dont il s’agit, celle qui garantissait que le choix et l’action sont bien pour le plus grand service de Dieu, il l’attend de Dieu même, il s’ensuit que le processus que nous avons décrit revient, non pas à nier Dieu, mais à renoncer à tout signe de sa part, et à renvoyer le sujet à son propre désir, et à propre travail. La prière ignatienne, c’est ce décapage qui élimine de l’Autre tout ce qui en ferait un soutien imaginaire auquel on resterait suspendu. (op. cit. p. 234)

« Renoncer à tout signe de la part de Dieu » : Ignace renonce ainsi à une foi superstitieuse, la superstition consistant, selon Spinoza, dans le culte des signes positifs :

Jean-Marie Vaysse a écrit:La proposition 50 de l’Éthique III affirme que « une chose quelconque peut par accident être cause d’espoir ou de crainte ». Dans la mesure où nos évaluations sont d’abord imaginaires, la vie psychique se déroule sur fond d’interprétations et peut donner lieu à un délire d’interprétation. Ce processus implique des déplacements de l’amour et de la haine du présent vers le passé et le futur, les transformant en crainte et espoir. À la fin du scolie, Spinoza dit que puisque « en tant que nous espérons ou craignons quelque chose, nous l’aimons ou l’avons en haine », il en résulte que « tout ce que nous avons dit de l’amour et de la haine, chacun pourra aisément l’appliquer à l’espoir et à la crainte ». Il résulte de là que nous interprétons les choses qui sont causes d’espoir ou de crainte comme de bons ou de mauvais présages, qui sont eux-mêmes causes de joie ou de tristesse. Nous utilisons ces présages comme des moyens pour parvenir à ce que nous espérons ou pour éviter ce que nous craignons. Or, nous sommes plus enclins à espérer qu’à craindre, car nous croyons aisément en ce que nous espérons et plus difficilement en ce que nous craignons.
Telle est la source des superstitions combinant espoir et crainte, qui nous font aimer ou haïr des présages et instituent un culte des signes positifs, des bons présages, auxquels nous sommes portés à croire et que nous aimons.

Indiquons que Spinoza développe la question de la superstition dans la Préface du Traité Théologico-Politique.

Sortir de la superstition, c’est sortir de la connaissance du premier genre, connaissance mutilée et confuse, imaginaire, ce qui rejoint ce qu’écrit L. Beirnaert :
« La prière ignatienne, c’est ce décapage qui élimine de l’Autre tout ce qui en ferait un soutien imaginaire auquel on resterait suspendu. »

Tel quel, l'ensemble cité ci-dessus par moi : c'est jeter le bébé avec l'eau du bain. Tu poses le doigt sur un problème essentiel, et en cela même, c'est déjà très bien (" Deux têtes valent mieux qu'une ", Homère). A contrario, je m'empresse : découvrir et dire la limite, ici, serait un fabuleux progrès. Il est bien question de Mes (cogito) rapports a priori au Dieu, des rapports les plus intimes d'un Sujet (verbalisation philosophique donc) au Dieu. On voit que le " lièvre " est considérable. J'y reviendrais dans ma réaction globale et finale.

Vanleers a écrit:Louis Beirnaert fait de la spiritualité ignatienne une lecture qui la rapproche de l’Ethique de Spinoza.
Nous en avons déjà repéré quelques points à propos de l’amour de Dieu (amour révérenciel chez Ignace et intellectuel chez Spinoza), du plaisir de Dieu, de l’impossibilité de le séduire, du rejet de la superstition (de la recherche de signes).
Ces convergences ne doivent pas nous faire oublier les divergences entre les méthodes, ce qui est mis en évidence dans la suite du paragraphe intitulé La transmission.
Si Spinoza construit une éthique fondée sur une théorie du monde, Ignace décrit une pratique et invite à faire une expérience.
Or :

Louis Beirnaert a écrit:Mais, ici, quelque chose est à remarquer : une pratique implique une théorie. Or, de théorie propre, il n’y en a pas chez Ignace. Celui-ci ne nous a laissé que des récits, celui de ses premières années, après sa découverte initiale, le fragment du Journal qui nous est parvenu, une correspondance et une œuvre juridique, les Constitutions qui organisent la vie et la croissance de son ordre. Quand, sortant de l’énoncé brut des ses expériences, il entreprend de théoriser, il reprend la théologie traditionnelle de son temps, la théologie scolastique avec ses concepts, Dieu au sommet, la créature qui dépend de lui, la nécessité de se soumettre à lui, le choix des moyens pour parvenir à la fin, la distinction des trois facultés, l’intelligence, la sensibilité et la volonté, etc. Or, cette théorie ne recouvre pas ce qui se donne à lire dans les récits, et que j’ai tenté de mettre en évidence. S’il y a, et il y a une théorie de son expérience, elles est à faire. […] A cette carence théorique correspond, au niveau de la régulation de la vie, l’insistance sur ce que l’on peut appeler les efforts ascétiques et la volonté d’agir contre les passions déréglées, de se vaincre soi-même ; pour imiter le Christ, voire pour obtenir de Dieu ce que l’on veut. Or, s’il est une chose qui ressort du texte que nous avons étudié [voir les posts précédents], c’est que l’expérience d’Ignace, celle même qu’il propose aux jésuites, se déroule tout autrement, avec de l’imprévisible, hors de toute planification, dans un jeu fait de prises de conscience – où l’on se rend compte de ce que l’on ne voyait pas jusque là, où l’on sort d’un rêve, où les yeux s’éveillent à de l’insu, à de l’inaperçu –, bref, sur un mode que nous dirons mystique, pour le distinguer du mode ascétique. Or, ceci n’est pas transmis dans une théorie. (pp. 235-236)

L. Beirnaert distingue, dans l’expérience ignatienne, le mode mystique, essentiel, et le mode ascétique, ce que l’on retrouve exprimé dans la dernière proposition de l’Ethique :

Spinoza a écrit: La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même ; et ce n’est pas parce que nous réprimons les désirs capricieux [libidines] que nous jouissons d’elle, c’est au contraire parce que nous jouissons d’elle que nous pouvons réprimer les désirs capricieux.

Vanleers a écrit:Rappelons que Louis Beirnaert pense avoir trouvé dans le Journal spirituel d’Ignace de Loyola (dans le fragment qui, par hasard, a échappé à la destruction voulue par Ignace) l’essentiel de sa démarche spirituelle lorsqu’il doit prendre un décision.
Il s’agit, dans le cas présent, de décider si les maisons de la Compagnie auront ou n’auront pas un revenu.
Ignace souhaite mais n’obtient pas le signe que la décision qu’il se propose de prendre est voulue par Dieu, d’où une phase de désolation (tristesse) après avoir été dans la consolation (joie).
Ignace fait alors l’expérience, accompagnée d’une vision, d’un Dieu conçu, à l’impersonnel, comme une « chose représentée » et éprouve un sentiment nouveau : le respect, sentiment qui lui donne la certitude que la décision qu’il envisage de prendre est la bonne.
C’est sans doute une interprétation du jésuite psychanalyste qu’était L. Beirnaert mais on cherchera, ici à l’approfondir pour voir où elle nous mène.

Louis Beirnaert a écrit:Il est remarquable que le texte du Journal, qui nous semble donner la clef de ce qui se passe dans l’avènement du désir qui mène à la décision, Ignace n’ait pas voulu le transmettre. C’est par accident qu’il a échappé à la destruction.
[…] C’est ainsi que, dans le texte de Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se déterminer par aucune affection qui soit désordonnée, nous pouvons lire un appel constant à l’effort, à l’action contre les passions, à la volonté de se rendre indifférent, à la pesée minutieuse du pour et du contre, etc., en même temps que la référence aux consolations et aux désolations, mais sans que jamais soit indiquée directement cette désolation suprême, et ce qui s’opère dans un « pâtir de Dieu ». Seul l’appel constant à la prière pour demander à Dieu ce que l’on veut obtenir désigne dans le texte la place d’une expérience tout entière à faire par l’exercitant. Expérience proprement mystique, ouverture à un autre espace que celui où se déplace l’ascétisme, qui est l’espace dans lequel se déploie l’expérience d’Ignace. Celle-ci repose donc dans les Exercices, comme non dite, et pourtant comme signalée en quelque façon. Quelque chose peut s’y passer hors des prises de tout effort, soumise à la « grâce » imprévisible, quelque chose d’intransmissible, qui est tout entier à répéter par le sujet dans la discontinuité et la coupure d’avec tout ce qui est transmis.
Mais la coupure n’est point telle que dans et par ce qui est transmis quelque chose de l’intransmissible ne se transmette sur ce mode. L’acharnement à insister sur l’abnégation la plus entière, sur l’exercice des facultés naturelles, qui semblent ne laisser aucun espace à « la grâce », ouvrent par leur échec même la place vide où le processus pourra avoir lieu, sans jamais avoir été proposé comme un objectif au vouloir. Cette dimension proprement mystique de l’expérience, Ignace la tenait à juste titre comme à ne pas écrire dans un texte à transmettre. (pp. 236-237)

L. Beirnaert note qu’Ignace ne fait pas état, dans les Exercices Spirituels, d’un moment de « désolation suprême » et aussi que l’exercitant fait une « expérience proprement mystique, ouverture à un autre espace que celui où se déplace l’ascétisme »
Deux remarques.
Tout d’abord, Ignace prend conscience que l’esprit mauvais le poussait à vouloir séduire Dieu, ce qui a provoqué la désolation.
Celle-ci apparaît alors plutôt comme un incident de parcours et non comme un moment clef du processus de décision.
Ensuite, l’expérience mystique que fait l’exercitant est celle de la filialité divine. Se mettre en prière, c’est s’adresser à Dieu en disant Abba. C’est en « fils de Dieu » qu’il doit prendre une décision.

Il est donc possible que L. Beirnaert ait voulu plaquer sur la spiritualité ignatienne le schéma de la cure psychanalytique.
Or, il ne s’agit pas de cela, comme l’écrit Adrien Demoustier qui compare ce que font le psychologue professionnel et l’accompagnateur spirituel :

Adrien Demoustier a écrit:Le psychologue professionnel écoute celui qui lui demande de l’aide, puis le renvoie à lui-même pour qu’il puisse assumer la difficulté. Celui-ci commence à en découvrir la nature, grâce à l’effort qu’il a fait de parler et à l’expérience d’être écouté. Le psychologue aide donc son patient à se trouver lui-même pour qu’il puisse se prendre en charge. L’accompagnateur spirituel n’a pas cette visée. Il renvoie son interlocuteur au Seigneur par le moyen de l’Ecriture sainte et des pratiques spirituelles de la tradition de l’Église. L’attention de celui qui est ainsi accompagné est attirée vers son Dieu qui lui est présent : un Dieu qui lui propose d’entrer en relation avec Lui, tel qu’il est, avec ses failles et ses faiblesses.
Le psychologue renvoie son patient à lui-même pour qu’il puisse assumer sa propre existence. L’accompagnateur spirituel renvoie celui qui le consulte à Celui qui lui est présent pour qu’il puisse découvrir qu’il peut, tel qu’il est, recevoir de Lui son existence. (op. cit. p. 13)

Sur un autre fil, j'ai dit, je souligne autrement :

neopilina a écrit:Quant à la fameuse formule attribuée à Malraux : " Le XXI° siècle sera spirituel ou ne sera pas ". Il va bien sûr de soi que le remplacement de spirituel (ou encore mystique, etc.) par " philosophique et métaphysique ", c'est infiniment mieux, je précise : méthodique. [...] ... : quand je décide de m'adonner à la métaphysique je ne peux pas le faire autrement que philosophiquement.

Alors comme ça, Ignace ne " théorise " pas, n'a pas de " tempérament " philosophique (j'ai au moins lu l'article que lui consacre Wikipédia !, désolé !), plus : il brule, détruit. Ignace est un excellent chrétien (!), la preuve, une d'entre elles, il n'éprouve pas le besoin de " théoriser ", c'est à dire de verbaliser plus, autant qu'il le pourrait (chez moi c'est un impératif catégorique : j'aurais dit tout ce que j'ai pu, afin qu'autrui en dispose, pour en faire ce qu'il vaut), il abandonne cette tâche aux théologiens actifs en tant que tel (j'ai d'ailleurs vu qu'il avait eu des problèmes avec les dominicains et l'Inquisition, gens " charmants " s'il en fut). Exemple : il a bien vu que les Personnages trinitaires avaient la même source, et donc pas question pour lui d'aller au delà. Est-ce que le païen, l'animiste, etc., fait autre chose ? Non. Poursuivons : et s'il n'y avait de Dieu que Dieu, et bien il n'y aurait absolument rien d'autre de ce genre (exemples, le Paradis, le Diable, et autres Djinns). Ça, c'est de la théologie : le Dieu se décline, imbibe, etc., et c'est valable pour tout le monde. Et malheureusement, tous les théologiens (pas que chrétiens donc) n'ont pas fait le genre d'expérience qu'a pu faire un Ignace, et tant d'autres, depuis que l' " l'homme " (il y a des femmes aussi, le français étant ce qu'il est) est " homme ", je suis bien certain d'une chose : une foule innombrable de femmes et d'hommes ont très très bien, merveilleusement, connu le Dieu. A contrario, c'est un fait, il y en a eu un nombre infime pour le dire, pour le bien dire, pour disposer des moyens, des outils, etc., pour le dire aussi bien que possible. Pensons un instant à Homère qui nous raconte l'histoire d'Ulysse, aux inconnus qui nous racontent l'histoire de Jacob, etc., un vertigineux etc. On voit bien que ces hommes ont fait tout ce qu'ils ont pu avec leurs moyens. Quand je lis l'Odyssée, je vois Homère en baver, transpirer, j'en fais l'expérience, il aimerait tellement faire mieux (tiens, présentement, j'en déglutis). En passant, je relève que Beirnaert dit à son propre compte, c'est une évidence pour lui, qu'il y a de " l'intransmissible ". Voilà ce que j'appelle renoncer avant d'avoir essayer, commencer, ce qui est, épistémologiquement, inadmissible ! Ce différentiel est une tragédie. Et donc tout autant préjudiciable. L'immense majorité des femmes et des hommes en question se sont trouvés prodigieusement démunis eut égard aux expériences qu'ils ont fait. C'est un fait, voilà où moi je vois une évidence. On a ici un affreux déficit, des pertes d'ampleur hémorragique.
Un seul exemple. Les emprunts considérables de l'Ancien Testament à la sphère culturelle mésopotamienne, on les connaît de mieux en mieux, ça ne me dérange pas un quart de seconde. Oui, les Anciens Hébreux ont énormément emprunté, repris, transformé, etc., mais on voit bien qu'ils en ont fait autre chose : le Dieu du monothéisme des Livres. Ils ont emprunté, certes, mais ce qu'ils ont dit c'est bien ce qu'ils avaient à dire, eux et personne d'autre, ça me convient : c'est mieux que de ne rien dire. Beaucoup d'auteurs dans l'A.T. sont anonymes, admirons le courage, l'héroïsme, de l'auteur de " Job " (peu ou prou un siècle avant Platon, et tellement déprimant, si ce n'est pessimiste, qu'il a failli ne pas figurer dans le Canon) qui dit qu'il n'a pas besoin d'un Dieu qu'il puisse comprendre.

Sommes-nous, aujourd'hui, dans la même situation qu'Homère, l'auteur de " Job ", d'Ignace, etc. ? Non. Et j'en ai franchement marre qu'on continue à faire comme si c'était le cas. Nous disposons de moyens, d'outils, etc., qui n'existaient pas alors. Et j'en vois beaucoup faire comme si c'était le cas, c'est affligeant, ça m'excède même. Quels outils ? C'est toujours un Sujet, un être humain, qui nous parle du Dieu, dés lors, on doit utiliser tout le panel des sciences humaines actuellement disponible (et forcément en l'état, mais qui donc évoluent) et ici, il n'y aura rien de trop.
Qu'on me dise au XXI° siècle que le Dieu anathémise l'homosexualité (un interdit) ou encore la consommation de cochon (un tabou), je trouve ça stupide, délirant, etc. : inconcevable. Des réactions d'ordre négatif à l'endroit de l'homosexualité (dont les croyants n'ont pas l'apanage), c'est des réactions d'ordre névrotique, pas métaphysique, pas divine. Chez moi, celle-ci est un non-sujet, pur constat expérimental de base, ça ne déclenche rien chez moi, sauf qu'il n'y a pas que moi, et j'ai bien vu que chez d'autres, c'était une autre paire de manches, de telle sorte que j'ai décidé d'y penser un peu. Quant aux Tabous, c'est un moindre mal, un repoussoir matérialisé et institué faute de mieux (recours à l'anthropologie, à l'ethnologie et à la psychologie).
A contrario, cet usage de tout ce dont on dispose doit se faire avec la plus grande prudence, le plus grand discernement, possibles : on n'a pas de ridelles dans le cerveau ! J'aime ce mot d'un scientifique à propos du cerveau : c'est une massivité massivement interconnectée. Toute la difficulté dans cette prodigieuse synthèse qu'est chaque Sujet, c'est bien de faire la part des choses. Je n'ai jamais dit que le Dieu est absent de l'Ancien Testament, du Nouveau et du Coran, bien au contraire, il est là. Mais alors, que d'oripeaux humains, et à ce point : ça peut, et on l'a assez vu, n'est-ce pas, s'avérer franchement " contre-productif ", pour euphémiser donc.

Je résume : si je m'adonne à la métaphysique et/ou à la théologie, je ne me prive de rien, je mets toutes les " chances " (sauf que ça n'a rien à voir avec la chance) de mon coté, c'est assez difficile comme ça, et donc, pour moi, c'est le faire en usant du discours philosophique et ce en gardant à portée de main toutes les autres sciences humaines.

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Message par hks Mar 16 Nov 2021 - 10:30

Vanleers a écrit:Il est donc possible que L. Beirnaert ait voulu plaquer sur la spiritualité ignatienne le schéma de la cure psychanalytique.


Je respecte tout à fait le serieux de votre demarche,
mais je me demande, parfois, si vous ne "plaquez" pas la spiritualité ignatienne sur Spinoza.
La spiritualité ignacienne semble bien tenir, chez vous, la première place, priorité qui vous enjoint d'infléchir le spinozisme pour tenter une coincidence.

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Message par Vanleers Mar 16 Nov 2021 - 14:40

neopilina a écrit:En passant, je relève que Beirnaert dit à son propre compte, c'est une évidence pour lui, qu'il y a de " l'intransmissible ". Voilà ce que j'appelle renoncer avant d'avoir commencé, ce qui est inadmissible !

Dans mes posts précédents, j’ai cité deux articles de Louis Beirnaert en signalant que le second : La transmission dans un ordre religieux avait été publié en 1979 dans Lettres de l’École.

Or, dans ce même numéro de Lettres de l’École :

Lacan a écrit:Tel que j'en arrive maintenant à le penser, la psychanalyse est intransmissible. C'est bien ennuyeux. C'est bien ennuyeux que chaque psychanalyste soit forcé — puisqu'il faut bien qu'il y soit forcé — de réinventer la psychanalyse.
Si j'ai dit à Lille que la passe m'avait déçu, c'est bien pour ça, pour le fait qu'il faille que chaque psychanalyste réinvente, d'après ce qu'il a réussi à retirer du fait d'avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer. (Lettres de l'Ecole, n°25, Bulletin intérieur de l'Ecole freudienne de Paris, volume II, La Transmission, juin 1979)

Comme je l’ai écrit dans mon post précédent, il est possible que le jésuite psychanalyste  Beirnaert ait voulu plaquer sur la spiritualité ignatienne le schéma de la cure psychanalytique, aussi n’est-il pas étonnant que la contribution de ce proche de Lacan au numéro « La transmission » des Lettres de l’École soit dans la ligne du patron.
On trouve une autre confirmation de cette approche de la spiritualité ignatienne à travers la psychanalyse par L. Beirnaert dans ce nouvel extrait de La transmission dans un ordre religieux :

Louis Beirnaert a écrit:Peut-on dire que la nouveauté de la spiritualité ignatienne a fonctionné comme un refoulé ? On serait tenté de le penser, en regardant ce qui se passe aujourd’hui dans la Compagnie, où quelque chose fait retour à la découverte d’Ignace. L’attention se porte de plus en plus sur les récits que nous avons analysés. Il s’agit, non de se conformer, et de se soumettre à des règles, mais de revenir aux traces laissées par l’expérience pour être introduit à celles-ci. Le cadre des Exercices apparaît dès lors comme trop étroit pour donner place à un processus qui a lieu chez Ignace dans le déroulement même de sa vie, selon l’horizon du service de Dieu. Toute planification est ressentie comme impossible. Dès lors, le temps de la désolation survient qui permet au sujet de trouver son désir, soit qu’il se confirme dans la poursuite du projet de vie dans la Compagnie, soit, éventuellement, qu’il découvre que son désir est ailleurs et s’oriente autrement. Car une telle remise en cause, pour n’être pas le fait d’Ignace, ne me semble pas contraire à ce qui se découvre dans la désolation. Enfin, il est clair aussi que Dieu a cessé pour beaucoup de sujets d’être celui dont on attend une réponse signifiante pour être assuré dans la décision et l’action. Tout comme Ignace, à l’origine, ils se rendent compte de ce qui se passe en eux quand un projet se présente et l’adoptent, le refusent ou le modifient selon ce qu’amènent le cours de la vie et les échanges dans le groupe. Car le jésuite n’est pas seul. Il fait partie d’un corps. (pp. 237-238)

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Message par Vanleers Mar 16 Nov 2021 - 16:21

hks a écrit:
Vanleers a écrit:Il est donc possible que L. Beirnaert ait voulu plaquer sur la spiritualité ignatienne le schéma de la cure psychanalytique.


Je respecte tout à fait le serieux de votre demarche,
mais je me demande, parfois, si vous ne "plaquez" pas la spiritualité ignatienne sur Spinoza.
La spiritualité ignacienne semble bien tenir, chez vous, la première place, priorité qui vous enjoint d'infléchir le spinozisme pour tenter une coincidence.

Si vous pensez que je tente une coïncidence entre Spinoza et Ignace de Loyola, c’est que vous m’avez mal lu.
Sur ce fil, je cherche, plus simplement à les confronter pour mieux les comprendre, l’un et l’autre.
Cette confrontation est féconde car je trouve des convergences intéressantes entre eux.
Mais j’ai indiqué, à maintes reprises, les divergences qui empêchent qu’il puisse y avoir coïncidence.

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Message par neopilina Mar 16 Nov 2021 - 17:39

Je souligne :

Vanleers a écrit:Dans mes posts précédents, j’ai cité deux articles de Louis Beirnaert en signalant que le second : La transmission dans un ordre religieux avait été publié en 1979 dans Lettres de l’École.

Or, dans ce même numéro de Lettres de l’École :

Lacan a écrit:Tel que j'en arrive maintenant à le penser, la psychanalyse est intransmissible. C'est bien ennuyeux. C'est bien ennuyeux que chaque psychanalyste soit forcé — puisqu'il faut bien qu'il y soit forcé — de réinventer la psychanalyse.
Si j'ai dit à Lille que la passe m'avait déçu, c'est bien pour ça, pour le fait qu'il faille que chaque psychanalyste réinvente, d'après ce qu'il a réussi à retirer du fait d'avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer. (Lettres de l'Ecole, n°25, Bulletin intérieur de l'Ecole freudienne de Paris, volume II, La Transmission, juin 1979)

Je suis totalement d'accord avec ça (dans l'absolu, il y a autant de théories psychanalytiques que de Sujets). Et puis, c'est sans doute un poncif, mais tant pis, sur un sujet précis pour un Sujet précis plus il y a d'expériences personnelles à propos du dit sujet, plus il y a transmissibilité. Quel que soit le sujet, le progrès, c'est bien ce qui résulte d'un dialogue, d'un échange, d'une confrontation, etc., permanents entre expériences et théorisation. Ce qui vaut pour " la " science, vaut pour les sciences humaines.

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Message par hks Mar 16 Nov 2021 - 19:03

à Vanleers

N' y a- t- il pas une différence importante entre les deux ?
Ignace est chrétien et a un imaginaire chrétien.

Ce nest pas que Spinoza aurait un imaginaire disons plus veterotestamentaire, mais que Spinoza sous emploie l'imaginaire. Pour faire simple Spinoza ne prie pas parce qu'il n'a aucun monde d'imaginaires à prier.
 
Je ne dis pas que Spinoza ignore l'imagination, souvent  l'homme imagine.
Mais dans le domaine religieux l'imagination est pour lui une sorte de servitude, socialement utile mais peu rationnelle.

Pourquoi opter comme le fait Ignace (et tous les mystiques chrétiens le font ) pour cet imaginaire christique ? La réponse tautologiqu est parce qu'il est chrétien
certes  L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 2101236583
Mais alors pourquoi être chrétien ? S'il faut d'abord l'être.

Il me semble évident que pour quelqu'un qui n'a pas cet imaginaire chrétien à disposition, le chemin Ignacien est impraticable.

Je ne dis pas qu'un spinoziste ne puisse pas être aussi chrétien, mais je dis que Spinoza ne l'était pas.

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Message par Vanleers Mer 17 Nov 2021 - 8:55

hks a écrit:à Vanleers

N' y a- t- il pas une différence importante entre les deux ?
Ignace est chrétien et a un imaginaire chrétien.

Ce nest pas que Spinoza aurait un imaginaire disons plus veterotestamentaire, mais que Spinoza sous emploie l'imaginaire. Pour faire simple Spinoza ne prie pas parce qu'il n'a aucun monde d'imaginaires à prier.
 
Je ne dis pas que Spinoza ignore l'imagination, souvent  l'homme imagine.
Mais dans le domaine religieux l'imagination est pour lui une sorte de servitude, socialement utile mais peu rationnelle.

Pourquoi opter comme le fait Ignace (et tous les mystiques chrétiens le font ) pour cet imaginaire christique ? La réponse tautologiqu est parce qu'il est chrétien
certes  L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 2101236583
Mais alors pourquoi être chrétien ? S'il faut d'abord l'être.

Il me semble évident que pour quelqu'un qui n'a pas cet imaginaire chrétien à disposition, le chemin Ignacien est impraticable.

Je ne dis pas qu'un spinoziste ne puisse pas être aussi chrétien, mais je dis que Spinoza ne l'était pas.

Plutôt que de parler de « chrétien », je parlerais plutôt d’« ignatien ».
L’ignatien, comme tout homme, fait l’expérience qu’il est mu parfois par un esprit de joie et, d’autres fois, par un esprit de tristesse.
Il fait l’hypothèse que les motions de joie ont un rapport avec un Dieu qui veut son bonheur et celui de tous les hommes, un Dieu révélé par Jésus-Christ dans l’Évangile.
S’en déduit une éthique (de ethos), c’est-à-dire un art de vivre qui a été explicité par Ignace de Loyola dans ses Exercices spirituels.
Bien entendu, cette hypothèse est une hypothèse métaphysique au sens de Popper, c’est-à-dire  discutable rationnellement mais indémontrable.
Je considère que l’Ethique de Spinoza est, elle aussi, une éthique fondée sur une théorie discutable rationnellement mais indémontrable.

Les éthiques ignatienne et spinoziste sont, toutes les deux, des éthiques de la joie, ce qui justifie l’intérêt de les confronter malgré leurs différences évidentes (le Dieu-Substance de Spinoza n’est pas le Dieu auquel Jésus s’adresse en disant Abba).

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Message par Vanleers Mer 17 Nov 2021 - 11:40

neopilina a écrit:Je souligne :

Vanleers a écrit:Dans mes posts précédents, j’ai cité deux articles de Louis Beirnaert en signalant que le second : La transmission dans un ordre religieux avait été publié en 1979 dans Lettres de l’École.

Or, dans ce même numéro de Lettres de l’École :

Lacan a écrit:Tel que j'en arrive maintenant à le penser, la psychanalyse est intransmissible. C'est bien ennuyeux. C'est bien ennuyeux que chaque psychanalyste soit forcé — puisqu'il faut bien qu'il y soit forcé — de réinventer la psychanalyse.
Si j'ai dit à Lille que la passe m'avait déçu, c'est bien pour ça, pour le fait qu'il faille que chaque psychanalyste réinvente, d'après ce qu'il a réussi à retirer du fait d'avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer. (Lettres de l'Ecole, n°25, Bulletin intérieur de l'Ecole freudienne de Paris, volume II, La Transmission, juin 1979)

Je suis totalement d'accord avec ça (dans l'absolu, il y a autant de théories psychanalytiques que de Sujets). Et puis, c'est sans doute un poncif, mais tant pis, sur un sujet précis pour un Sujet précis plus il y a d'expériences personnelles à propos du dit sujet, plus il y a transmissibilité. Quel que soit le sujet, le progrès, c'est bien ce qui résulte d'un dialogue, d'un échange, d'une confrontation, etc., permanents entre expériences et théorisation. Ce qui vaut pour " la " science, vaut pour les sciences humaines.

Eh non, justement pas si on en croit Lacan : alors que la science est absolument transmissible, la psychanalyse qui n’est en rien une science humaine, n’est pas transmissible.
C’est ce que Louis Beirnaert soutient aussi à propos de la spiritualité ignatienne : elle n’est pas une science, ni tout court ni humaine, et elle n’est pas transmissible.

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Message par hks Mer 17 Nov 2021 - 12:35

Vanleers a écrit:Bien entendu, cette hypothèse est une hypothèse métaphysique au sens de Popper, c’est-à-dire discutable rationnellement mais indémontrable.
Cette considération nous fait dévier du problème.
Les hypothèse métaphysiques n' interviennent qu'en conséquences d'une (ou plusieurs ) expérience psychologique (ou dites spirituelles voire mystiques).
Ces expérience là ne sont certes pas démontrables et ce parce que aucune expérience ne l'est.
L'expérience est simplement montrable ou auto montrée.
Je pense à l'argument de Saint Anselme.

Pour le dire autrement une démonstration de l'existence de Dieu ce n'est pas plus que l'expérience d'une démonstration.idem de la démonstration de l'inexistence de Dieu.
La démonstration comme tout exercice rationnel bien conduit peut certes provoquer de la joie mais la démonstration est à découpler de ce qui est démontré,
Car L'idée de ce dont on démontre l'existence (ou la non existence) précède la démonstration.
Et on entre dans le domaine de la foi, l'idée d'un existant absolument parfait étant suprêmement intéressante.
Que ce qui est suprêmement intéressant procure de la joie n'a rien d'étonnant.

Ce qui pourrait étonner (les kantiens et autres contempteurs de l'argument ontologique) c'est que l'idée du bouddhisme est celle de l'inexistence absolument parfaite (la vacuité)
censée procurer une joie ( ou sérénité ou béatitude) comparable à celle des spirituels monothéistes .
Tout cela pour dire qu'il n'y a pas d'hypothèse métaphysique du tout mais une expérience ou pas.


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Message par hks Mer 17 Nov 2021 - 12:49

neopilina a écrit:Et puis, c'est sans doute un poncif, mais tant pis, sur un sujet précis pour un Sujet précis plus il y a d'expériences personnelles à propos du dit sujet, plus il y a transmissibilité.
Chaque sujet tente, certes, de se faire comprendre, il suppose, à juste titre, que souvent (très souvent) les siennes expériences sont comparables avec celles d'autrui et que autrui est un autre moi (un moi comme moi).
Avec une marge d'incertitude indépassable L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 177519025
Le langage traduit, il véhicule comme il le peut,
l'expérience de Maitre Eckhart (par exemple)
Nous ne faisons pas l'expérience  mystique de Maitre Eckhart mais seulement celle de son discours.

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Message par Vanleers Mer 17 Nov 2021 - 16:35

A hks

C’est beaucoup plus simple et je répète ce que j’ai écrit :

« L’ignatien, comme tout homme, fait l’expérience qu’il est mu parfois par un esprit de joie et, d’autres fois, par un esprit de tristesse.
Il fait l’hypothèse que les motions de joie ont un rapport avec un Dieu qui veut son bonheur et celui de tous les hommes, un Dieu révélé par Jésus-Christ dans l’Évangile. »

Il y a, au départ, une expérience et, ensuite, la décision de relier cette expérience à ce qu’il appelle un Dieu censé vouloir son bonheur et celui de tous les hommes.
Décision qui ne prouve rien quant à l’existence ni la nature de ce Dieu et qui est dite « métaphysique », c’est-à-dire indémontrable.
Il estime que cette hypothèse explique son expérience et bien qu’il n’en ait pas une certitude absolue, il en a une certitude morale suffisante pour lui donner la joie et la paix, ce qui est essentiel pour lui et, pense-t-il, pour tout homme.

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Message par denis_h Mer 17 Nov 2021 - 16:46

Vanleers a écrit:il en a une certitude morale suffisante pour lui donner la joie et la paix, ce qui est essentiel pour lui et, pense-t-il, pour tout homme.

petite incise :

la joie et la paix sont 2 sentiments assez différents, voire contradictoires, non ?
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Message par hks Mer 17 Nov 2021 - 19:39

Vanleers a écrit:C’est beaucoup plus simple
Vous redites ce que j'ai dit plus haut.
hks a écrit:Les hypothèse métaphysiques n'interviennent qu'en conséquences d'une expérience psychologique.
ce qui n'est pas démontrable mais montrable
Autrement dit ce qui est montrable est qu'on pose des thèses métaphysiques.
Les critiques du religieux pointent sur cet aspect induit  et ils considèrent la question réglée (1OO thalers dans ma poche etc )
Alors que la question religieuse n'est pas du tout là (pas dans les supposées "hypothèses" métaphysiques)
Elle est dans la question de l'idée (de l'idée vraie dirait Spinoza )

De quoi alors relève alors l'habillage métaphysique ?
La vêture, l'habit que l'on emprunte.
N'est ce qu'un habillage au tire d'hypothèse comme on en ferait en science.
Est-ce donc même une hypothèse ?

  Se surajoute, en fait, une thèse nécessaire.
Il y a comme comme une nécessité propre à permettre de saisir l'insaisissable d'une expérience de l'Absolu.
C'est une nécessité vitale et pas un simple jeu de l'esprit posant des hypothèses explicatives, ce à quoi vous semblez ramener l'enjeu. L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 177519025 influence de Popper peut être

Je dirais que le croyant chrétien ne s'engage pas dans la prière sur une simple hypothèse de travail.
Tout comme le pratiquant bouddhiste qui lui ne prie pas mais (disons) médite (méditation).

Je pense que la thèse (poser la thèse) est vitale ou conséquence nécessaire de l'expérience.

Que ce soient une théologie apophatique, la vacuité bouddhiste, ou même une philosophie de l'absurde
lesquelles semblent  se défausser prudemment de la question de Dieu elles répondent néanmoins.
Comme la soif implique de poser l'eau.

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Message par hks Mer 17 Nov 2021 - 19:52

denis h a écrit:la joie et la paix sont 2 sentiments assez différents, voire contradictoires, non ?


remarque qui me rappelle à Thérèse de Lisieux
à Jean de la croix et à tant d'autres mystiques

Thérèse de Lisieux a écrit:« Où est ma foi ? Tout au fond de moi, où il n'y a rien d'autre que le vide et l'obscurité. Mon Dieu, que cette souffrance inconnue est douloureuse, je n'ai pas la foi. »

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Message par Vanleers Mer 17 Nov 2021 - 21:20

A hks

La spiritualité ignatienne décentre l’homme de lui-même et le recentre joyeusement sur Dieu.
L’homme est ainsi invité à ne pas trop se prendre au sérieux, à faire preuve d’humour, à concevoir la vie comme un Grand Jeu.
Vous avez raison de parler de jeu de l’esprit et d’enjeu car c’est bien de jeu qu’il s’agit.
De la spiritualité comme jeu !
A quoi on peut faire correspondre : « de la psychanalyse comme jeu » en citant Lacan dans son discours de clôture du congrès de l’École Freudienne de Paris sur la transmission de la psychanalyse :

Lacan a écrit:Freud a inventé cette histoire, il faut bien le dire assez loufoque qu’on appelle l’inconscient

http://www.valas.fr/Jacques-Lacan-cloture-du-congres-de-l-Ecole-Freudienne-de-Paris-sur-la-transmission-de-la-psychanalyse,303

On retrouve le caractère « loufoque » de cette histoire chez François Roustang au temps où il se demandait encore où résidait l’efficacité de la cure analytique dans … Elle ne le lâche plus (Minuit 1980) :

François Roustang a écrit:Il arrive souvent de constater dans une cure analytique que comprendre ne sert à rien, que savoir comment on fonctionne, ce que l’on répète, où se trouve rivée l’impérissable jouissance, ne produit aucun effet de modification essentielle ou durable. Par contre, si l’on réussit à susciter une production onirique ou fantasmatique qui rend manifeste un état de régression jusqu’alors inaccessible, des remaniements s’opèrent sans qu’il soit possible au psychanalyste de produire un système de références qui englobe le dire du patient. Comme si ce qui était atteint par ce dernier, à travers ses formulations étranges, devenait pour lui une nouvelle assise et de nouvelles racines. Il s’agit non pas tant de faire passer le sommeil dans la veille que de déployer le sommeil jusqu’à ce qu’il trouve sa propre consistance. (pp. 201-202)

On peut toujours rêver.

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Message par hks Mer 17 Nov 2021 - 23:26

Roustang a écrit:Comme si ce qui était atteint par ce dernier, à travers ses formulations étranges, devenait pour lui une nouvelle assise et de nouvelles racines.
La prière chrétienne aux yeux d'un japonais ne semble- t-elle pas une formulation étrange. L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 4221839403
Un joueur (un vrai joueur) prend, (hélas), le jeu très au sérieux. Il en saisit toutes les occasions et se perd dans ce divertissement.

Votre pragmatisme vous fait assimiler la spiritualité à une thérapie.
Ce faisant pourquoi opter pour les exercices ignaciens ?
Si vous me les affirmez efficaces (pour vous) c'est un argument valable dans la ligne de votre pragmatisme.
Mais à ce compte là, divers autres moyens d'atteindre le paradis, pour ne pas dire les paradis artificiels, sont sur la ligne de départ .

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Message par Vanleers Jeu 18 Nov 2021 - 9:05

A hks

Quelques remarques sur votre post.

- Il faudrait demander à un japonais ce qu’il en pense.

- Vous envisagez le jeu comme une addiction alors que je le vois plutôt comme une activité ludique sur le modèle des jeux d’enfants.

- La spiritualité comme thérapie ? Pourquoi pas.
Spinoza dans son Ethique propose des remèdes aux affects et de nous emmener à la béatitude.
C’était déjà la démarche d’Epicure et, plus largement, de toutes les philosophies hellénistiques.
Pierre Hadot a rappelé, d’ailleurs, que, dans l’Antiquité, la philosophie était conçue comme une manière de vivre.

- Bien entendu, suivre Ignace de Loyola ou Spinoza ne sont pas les seuls moyens de vivre dans la joie et c’est à chacun de chercher la voie qui lui convient le mieux.

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Message par hks Jeu 18 Nov 2021 - 10:13

Je ne comprends pas que vous postiez ce texte de Roustang. Peut être est -ce que je ne comprends pas
ce qu'il veux nous dire.
Roustang a écrit:Par contre, si l’on réussit à susciter une production onirique ou fantasmatique qui rend manifeste un état de régression jusqu’alors inaccessible, des remaniements s’opèrent sans qu’il soit possible au psychanalyste de produire un système de références qui englobe le dire du patient. Comme si ce qui était atteint par ce dernier, à travers ses formulations étranges, devenait pour lui une nouvelle assise et de nouvelles racines. Il s’agit non pas tant de faire passer le sommeil dans la veille que de déployer le sommeil jusqu’à ce qu’il trouve sa propre consistance. (pp. 201-202)
Il me semble parler depuis un lieu (Lacan?) qui m'est étranger.
J'ai eu le même problème avec Pierre Legendre
Il y a un fond de pensée chez ces lacaniens qui m'est inaccessible.
Quelle est l'idée intéressante ?
Le centre d'intérêt ?

Cette question du centre d'intérêt me semble capitale.

Comment comprendre (autre exemple) Husserl tant qu'on n'a pas compris ce qu'il vise principalement (pour ne pas dire essentiellement).
............................

Vanleers a écrit:Spinoza dans son Ethique propose des remèdes aux affects et de nous emmener à la béatitude.
Certes, je veux bien admettre cette lecture là.

Mais quand la partie thérapeutique s'appuie sur la socle théorétique on ne peut pas affirmer  que l'intérêt pour le socle soit, dans l'ordre, le consécutif du thérapeutique.
Le théorétique (disons la métaphysique théorique) précède le thérapeutique.
Ce qui précède le théorétique (et puis le thérapeutique )
C'est l'expérience.
L'expérience de l'idée vraie...disons l'évidence et de la plus évidente 's'il y a des degrés dans
l'évidence)
D'où le fait que la béatitude engendre la vertu et pas l'inverse.
Si l'évidence est comme chez Heidegger que le dasein est l'être pour la mort, la partie est perdue.

Mais vous faite le chemin inverse vous partez de la thérapie laquelle engendre le métaphysique (hypothétique) et puis la béatitude espérée.

En fait, factuellement, vous êtes partie de la "béatitude" (expérience de la joie)
laquelle n'est pas constante (ce que dit très justement Ignace de Loyola)

Mais il faudrait nous extraire nous même (tel Munchhausen) du combat de la vie.
Ou bien alors nous épauler les uns les autres.

En ce sens, les évangiles parlent avec justesse.
Bien des athées virulents antireligieux acceptent tout à fait ce message là.
..........................................................
PS nous épauler les uns les autres.indique que je ne nie pas du tout l'intérêt des thérapeutiques.

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Message par Vanleers Ven 19 Nov 2021 - 9:10

A hks

J’ai cité François Roustang car j’ai trouvé assez cocasse, voire loufoque pour reprendre le terme de Lacan, son explication du mécanisme de la guérison dans une cure analytique.

Vous écrivez que, selon vous, le théorétique précède le thérapeutique et que, moi, je partirais de la thérapie laquelle engendre la métaphysique (hypothétique).
Je pense être un eudémoniste qui recherche les « bonnes choses » où qu’elles soient.
Vous savez que dans le scolie du corollaire d’Ethique IV 45, Spinoza invite l’homme à user des choses et s’en délecter autant que faire se peut.
A titre d’exemple, il cite : manger et boire de bonnes choses modérément, user des odeurs, des plantes vertes, de la parure, de la musique, des jeux et exercices du corps, des théâtres, etc.
Il s’agit là plutôt de nourritures corporelles mais il faut y ajouter les nourritures spirituelles.
L’Ethique de Spinoza est elle-même une chose délectable, comme une belle théorie scientifique ou la spiritualité ignatienne ou même le christianisme ramené à son essence.
Toute chose est ainsi évaluée à la délectation qu’elle procure, quel que soit son statut : théorétique, thérapeutique, métaphysique, corporel, spirituel...
Ce que je cherche sur le forum, c’est aussi à « épauler les autres », pour reprendre votre expression, en faisant de la publicité pour des choses qui me paraissent délectables et qui, donc, pourraient leur être utiles.

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Message par denis_h Ven 19 Nov 2021 - 11:37

Vanleers a écrit:
Ce que je cherche sur le forum, c’est aussi à « épauler les autres », pour reprendre votre expression, en faisant de la publicité pour des choses qui me paraissent délectables et qui, donc, pourraient leur être utiles.

avez-vous l'intention de fonder un mouvement religieux ? une nouvelle secte ?
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Message par denis_h Ven 19 Nov 2021 - 11:39

hks a écrit:
denis h a écrit:la joie et la paix sont 2 sentiments assez différents, voire contradictoires, non ?


remarque qui me rappelle à Thérèse de Lisieux
à Jean de la croix et à tant d'autres mystiques

Thérèse de Lisieux a écrit:« Où est ma foi ? Tout au fond de moi, où il n'y a rien d'autre que le vide et l'obscurité. Mon Dieu, que cette souffrance inconnue est douloureuse, je n'ai pas la foi. »

je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous me dites là hks.

pour moi la paix ressentie se rapproche de l'ataraxie

alors que la joie est une exaltation de la puissance d'exister.

les 2 me semblent difficilement conciliables.

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Message par hks Ven 19 Nov 2021 - 12:17

à denis h

Tu tires l'une et l'autre vers les extrêmes.

Il y a des formules intermédiaires où les deux se combinent ie des joies paisibles et des paix joyeuses,
des mélancolies calmes et d'autres agitées.
Ce que je vois chez les mystiques cités est l'alternance de paix et de conflits
et puis aussi l'alternances de joie et de désolation.

Chez tout un chacun (qui n'est pas mystique) alternent des états émotionnels où se combine la joie avec une plus ou moins grande conflictualité (paix ou turbulences).
Idem de la peine (désolation tristesse).
non L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 26 4221839403
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Message par hks Ven 19 Nov 2021 - 12:34

vanleers a écrit:J’ai cité François Roustang car j’ai trouvé assez cocasse, voire loufoque pour reprendre le terme de Lacan, son explication du mécanisme de la guérison dans une cure analytique.
Pour ce que
j'en comprends je ne trouve pas ça cocasse du tout.

Déjà 1) non cocasse
2) intéressant

Après tout pourquoi le rêve ? N'a-t -il pas une fonction thérapeutique ?
Est -il trop évident que la (les) fictions s'emploient à résoudre des conflits psychologiques, ceux de celui qui absorbent la fiction
ou bien évidemment de celui qui la produit.

Une fiction c'est une nourriture spirituelle.
Et le rêve que tout un chacun (qui n'est pas poète ou romancier, dramaturge ou plasticien, danseur, acteur mime ..liste non exhaustive...)
le rêve, c'est une nourriture que je produis moi même.
à des fins thérapeutiques.

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Message par Vanleers Ven 19 Nov 2021 - 16:51

Je reviens à l’analyse par Louis Beirnaert d’un moment de désolation (tristesse spirituelle) éprouvé par Ignace de Loyola :

Louis Beirnaert a écrit:Jusqu’au moment où, reconnaissant qu’il [Ignace] ne trouve pas ce qu’il cherchait, à savoir le signe, la garantie de la consolation, il entre en désarroi, dans une désolation intense, « me trouvant, écrit-il, vide de tout secours (…) aussi éloigné et séparé [des Personnes divines] que si je n’avais jamais rien senti et ne devais plus rien sentir, je me trouvais en proie à l’agitation de pensées diverses ». Véritable moment d’affolement, dont il émerge non plus cette fois en faisant retour sur une suite de pensées antécédentes, mais en se rendant compte de ce qui à son insu le poussait à répéter sans cesse sa demande : « Je sentais dans ma volonté que j’aurais voulu que Dieu condescendît à mon désir de conclure en un temps où je me trouverais très visité (…) je commençai aussitôt à me rendre compte et à vouloir arriver au plaisir de Dieu. Et là-dessus les ténèbres se mirent à s’écarter de moi progressivement. » (op. cit. p. 231)

Ignace explique lui-même pourquoi il y a eu ce moment de désolation : c’est parce que « j’aurais voulu que Dieu condescendît à mon désir de conclure en un temps où je me trouverais très visité ».
D’une façon plus générale :

Adrien Demoustier a écrit:Parce que l’homme accueille toujours plus ou moins mal la consolation et que, très vite, il se l’approprie, il fait l’expérience de passer de la consolation à la désolation. Il peut alors reconnaître comment le Seigneur le sauve de ce désespoir pour l’introduire à nouveau dans son bonheur. (op. cit. p. 70)

Il n’est donc pas nécessaire, comme le fait L. Beirnaert, de faire appel à l’expérience analytique pour expliquer cette phase de désolation qui s’explique très bien en restant dans le cadre ignatien stricto sensu.

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