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L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

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Message par Vanleers Dim 26 Mar 2023 - 4:32

Dans l’Épilogue de sa thèse Le contentement sur le chemin de la Liberté :

Fabien Wiktor a écrit:Nous nous apercevons alors que Spinoza nous dit simplement que le meilleur moyen de s'épanouir pleinement dans cette vie de tous les jours consiste, avant tout, à affirmer notre contentement personnel. Et ce contentement ne diffère pas beaucoup de ce que nous désignons aujourd'hui par " confiance en soi " [...]

http://fabwik.free.fr/

Pour en arriver là, l’auteur a étudié la progression de la notion d’acquiescentia dans l’Ethique qui va de l’acquiescentia in se ipso (« l’assurance en soi-même » – traduction Macherey) dans la partie III à l’acquiescentia animi dans la partie V que je poserais comme l’assurance dans le Dieu-Nature de l’Ethique, dans la perspective de l’amor intellectualis Dei ouverte par la science intuitive (connaissance du troisième genre).

Assurance (confiance) en soi et assurance (confiance) dans le Dieu de l’Évangile vont également de pair dans la spiritualité ignatienne, comme on l’a déjà souligné à maintes reprises sur ce fil.

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Message par Vanleers Lun 3 Avr 2023 - 5:17

Spinoza définit la raison comme connaissance par notions communes et idées adéquates des propriétés des choses (Ethique II 40 sc. 2)
Cette notion correspond à ce qu’on désigne plutôt par entendement ou intelligence des choses.
Spinoza confirme ce point de vue dans la démonstration d’E IV 26 :

Spinoza a écrit:Or l’essence de la Raison n’est rien d’autre que notre âme en tant qu’elle comprend clairement et distinctement (At rationis essentia nihil aliud est, quam mens nostra, quatenus clare et distincte intelligit)

La raison ne connaît que ce qui est commun à une chose et à d’autres choses mais ne connaît pas leur singularité, leur essence qui, chez Spinoza, est toujours singulière, conformément à la définition 2 d’Ethique II :

Spinoza a écrit:Je dis qu’appartient à l’essence d’une chose ce qui ne peut pas être donné sans que la chose soit posée et ne peut pas être supprimée sans que la chose soit supprimée : ou bien, ce sans quoi la chose ne peut ni être ni être conçue, et qui réciproquement ne peut ni être ni être conçu sans la chose.

Spinoza montrera que la science intuitive ou connaissance du troisième genre, connaît l’essence des choses, c’est-à-dire est l’intelligence des choses comprises dans leur singularité.
On rapprochera ce genre de connaissance de l’intelligence affective qui nous donne une compréhension du monde à partir de notre vécu sensible et affectif.

Dans son commentaire de la définition de l’essence :

Pierre Macherey a écrit:Toute essence est ainsi une essence de quelque chose : la vraie connaissance, expliquera plus tard Spinoza, consiste dans « la connaissance adéquate des essences des choses (adaequata cognitio essentiae rerum, E II, scolie 2 de la proposition 40), c’est-à-dire « la connaissance des choses singulières » (rerum singularium cognitio, E V, scolie de la proposition 36), comprenons la connaissance des choses considérées dans leur quid positivum qui les constitue intrinsèquement dans leur rapport à elles-mêmes. De manière abrupte, comme il convient à cette forme absolue de connaissance qu’est la « science intuitive » (scientia intuitiva, E II, scolie de la proposition 40), Spinoza, avec cette définition 2 de l’essence des choses, plonge fugitivement, et presque par surprise, son lecteur en pleine connaissance du troisième genre.

On essaiera de rapprocher la science intuitive de Spinoza de l’ « intelligence sentante » chez Ignace de Loyola.

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Message par Vanleers Mer 5 Avr 2023 - 4:25

Nous avons vu dans le post précédent que, chez Spinoza, la raison n’est autre que l’entendement, c’est-à-dire la connaissance universelle ou intelligence réflexive des choses.
La raison ou connaissance du deuxième genre exploite les notions communes aux choses mais, par définition, ne connaît pas leur essence c’est-à-dire leur singularité.
Il appartient à la science intuitive ou connaissance du troisième genre de connaître ces essences, ce que j’appellerai : avoir une intelligence affective des choses.
Spinoza la définit dans le scolie 2 d’Ethique II 40 :

Spinoza a écrit:Et ce genre de connaissance procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses.

Autrement dit, de façon plus imagée, les choses ne sont connues dans leur singularité qu’en Dieu.

A ce troisième genre de connaissance ou intelligence affective chez Spinoza correspond la notion d’« intelligence sentante » dans la spiritualité ignatienne :

Javier Melloni a écrit:On pourrait penser que la spiritualité ignatienne, portée vers l’action et la mission, dédaigne le monde des résonances et des saveurs intérieures. Rien de plus discutable. Car Sentir et goûter apparaissent très fréquemment dans les écrits ignatiens. Leur expression la plus significative se trouve dans la deuxième annotation des Exercices : « Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement.» Ces deux verbes concentrent de nombreuses composantes de l’expérience de Dieu vécue puis proposée par saint Ignace. Les sens corporels, les affects, les sentiments et la connaissance, tous sont ici convoqués à rendre tangible le plan intangible de l’Esprit. Ignace invite à entrer dans le monde de l’intériorité pour apprendre à en nommer, discerner et approfondir les multiples aspects, pour aspirer à une expérience intégrale. S’il fallait faire une traduction moderne du sentir et du goûter ignatiens, ce serait peut-être « faire l’expérience [de quelque chose] » et en prendre conscience, ce qui est différent du simple « expérimenter ». La vie intérieure ne peut se répéter mécaniquement, comme s’il s’agissait d’une simple expérimentation. Elle implique la personne en sa totalité, de manière qu’elle soit peu à peu transformée.
Le concept d’« intelligence sentante », créée par le philosophe Xavier Zubiri , basque comme Ignace, peut être associée à cette compréhension qui capte par les sens, organise et intériorise la perception de la réalité.

https://www.revue-christus.com/article/sentir-et-gouter-interieurement-3584

L’article de Javier Melloni expose comment se présente l’expérience de Dieu dans la spiritualité ignatienne. J’y reviendrai.

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Message par Vanleers Sam 8 Avr 2023 - 4:24

Dans l’article cité dans le post précédent, Javier Melloni explique que la pédagogie ignatienne se fonde sur un « sentir et goûter intérieurement » qui met en œuvre simultanément les sens, les affects et la connaissance :

Javier Melloni a écrit:En chacun d’entre nous, les sens, les affects et la connaissance cherchent de façon habituelle à se satisfaire chacun de son côté. Cette dislocation fait qu’aucun des trois champs, au fond, ne demeure pleinement satisfait. En revanche, dans la mesure où tous les trois sont convoqués à l’intérieur de la personne, ils l’apaisent, l’alimentent et le transforment. Sentir et goûter ont de multiples strates et différentes origines. La réussite de la pédagogie ignatienne à travers les Exercices spirituels (désormais E) consiste à ne pas réprimer ni ignorer ces résonances, mais à les accueillir, écouter et discerner avec chaque fois plus de finesse. Pour ce faire, l’exercitant doit s’arrêter, en les notant, sur « les endroits plus importants où on aura senti de plus grandes motions et goûts spirituels » (227). Chacun doit apprendre à sentir par où il doit avancer et sur quels points il doit s’arrêter, « en notant […] les points où j’ai senti une plus grande consolation ou désolation, ou un plus grand sentiment spirituel » (62,2).

J. Melloni indique la place de l’Église dans la pédagogie ignatienne en écrivant que « la subjectivité du sentir est garantie par l’objectivation de la communauté ».
Il précise :

Javier Melloni a écrit:Ce « sentir avec » ou « dans », ou, plus radicalement, ce « sentir l’Église » se rapportent à notre capacité empathique de participation, d’implication, de communion et de solidarité avec le corps ecclésial, animés qu’ils sont par le même Esprit de Dieu.Cet Esprit qui inspire le sentir personnel est celui-là même qui anime le sentir communautaire, de sorte que la co-inspiration et le con-sentir se présentent comme les critères ultimes de vérification.

En conclusion, il écrit que la spiritualité ignatienne, pédagogie de l’intériorité qui soutient une expérience, un sentir, de Dieu, est un processus de christification :

Javier Melloni a écrit:Ainsi, la spiritualité ignatienne se découvre comme une pédagogie de l’intériorité où toute la personne est bénie et devient capable d’avoir du goût pour Dieu dans les choses et pour les choses en Dieu.Il s’agit donc d’un processus de christification où les résonances sensitive, affective et cognitive, convergent dans le sentir de Dieu. Il s’agit en somme d’arriver à « avoir les mêmes sentiments que le Christ Jésus, lequel, étant de condition divine, s’est vidé de sa catégorie divine pour se faire l’un de nous » (Ph 2,5-6). Il n’est pas indifférent que 992 lettres de saint Ignace, écrites durant plus de vingt ans, se terminent de la même façon : « Que son infinie Bonté nous donne à tous la grâce en abondance pour toujours sentir sa sainte volonté et l’accomplir parfaitement. » C’est dans cette configuration au Christ que culmine le sentir ignatien

On recherchera des correspondances avec l’Ethique de Spinoza.

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Message par Vanleers Dim 9 Avr 2023 - 4:25

Nous avons vu, dans le post précédent, que la pédagogie des Exercices Spirituels invite l’exercitant à faire l’expérience de Dieu.
Expérience qui ne met pas en œuvre uniquement des connaissances purement intellectuelles mais un « sentir et goûter les choses intérieurement » qui convoque simultanément à l’intérieur de la personne les sens, les affects et la connaissance.
Il s’agit de faire l’expérience d’un Dieu intérieur, l’intériorité apparaissant comme une propriété émergente du système très complexe qu’est un homme, qu’on le considère sous l’aspect Étendue (un corps) ou sous l’aspect Pensée (un esprit).
Je rapproche cette expérience d’une phrase célèbre du scolie de la proposition 23 d’Ethique V :

Spinoza a écrit:At nihilominus sentimus experimurque nos aeternos esse.
La plupart des traducteurs traduisent par :
« Mais néanmoins, nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels ».
Toutefois, Guérinot traduit par :
« Mais néanmoins, nous sentons et nous savons par expérience que nous sommes éternels ».
Cette traduction me paraît meilleure car elle met l’accent sur le mot « expérience » en écartant l’idée d’expérimentation (expérentiel plutôt qu’expérimental).
Or, dans l’Ethique, faire l’expérience que nous sommes éternels, c’est faire l’expérience de Dieu.
En effet, selon la définition de l’éternité (définition 8 de la partie I), Dieu seul existe au sens de l’éternité et est éternel, les modes de Dieu que nous sommes ontologiquement participant seulement de l’existence de Dieu, c’est-à-dire de son éternité.

Javier Melloni, en écrivant que «  C’est dans cette configuration au Christ que culmine le sentir ignatien » rejoint l’analyse de Pina Totaro, déjà citée, qui montre que Spinoza insiste sur le Christ secundum Spiritum et sur l’importance de s’inspirer de l’enseignement de Jésus.

Pina Totaro a écrit:Le Christ représente alors ce dispositif intellectuel qui résume et transcende l’imagination et la raison. Dans ses œuvres ultérieures, de l’Éthique à certaines lettres de 1675, Spinoza évoque à ce propos (contre le Christ « fils de Dieu » de la tradition chrétienne) l’esprit du Christ (spiritum Christi) comme le seul et véritable « fils » de Dieu, compris comme la sagesse éternelle qui assure la rationalité et l’amour, source de vie et de cohésion entre les hommes. Le philosophe insiste donc sur ce Christ secundum Spiritum et sur l’importance de connaître son rôle et son efficacité. En contact avec Dieu d’esprit à esprit (de mente ad mentem cum Deo communicavit), le Christ n’est pas Dieu parce qu’il ne peut pas être identifié avec l’infini, qui est unique par définition. En ce sens, si le « Christ historique » exprime la commune appartenance ou l’insertion d’éléments finis dans l’ordre de la nature, le « Christ selon l’esprit » exprime l’intégration et l’idée de participation à l’infini et l’amour intellectuel de Dieu. En ce sens, Christ n’est pas un prophète, mais représente une structure éternelle ou, comme l’a dit Melamed, une spiritualisation progressive de la religion selon un processus qui rationalise ou intériorise les principes contenus dans l’Ancien Testament.

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Message par Vanleers Mar 11 Avr 2023 - 5:35

Ignace de Loyola se place explicitement dans une approche expressiviste du christianisme qui considère que ce qui fait l’enseignement d’une religion, c’est avant tout l’expression d’une expérience.
Cette approche est différente de l’approche cognitiviste qui, elle, met l’accent sur le propositionnel, le cognitif, le dogme, la doctrine.
On passe ainsi de la vérité d’une proposition à la vérité d’une expérience, en s’interdisant de juger de la vérité de l’expérience d’autrui.
Cette question est exposée dans une interview d'Olivier Riaudel en :

https://www.dominicains.be/fr/precher-fr/advanced-search/10627

L’expérience religieuse chrétienne est une expérience de l’Esprit qui, bien qu’elle soit par définition intérieure et singulière, peut néanmoins être partagée dans une communauté où chacun de ses membres est inspiré par le même Esprit car :

Javier Melloni a écrit:Cet Esprit qui inspire le sentir personnel est celui-là même qui anime le sentir communautaire, de sorte que la co-inspiration et le con-sentir se présentent comme les critères ultimes de vérification.

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Message par Vanleers Lun 17 Avr 2023 - 5:18

La connaissance du deuxième genre ou raison et la connaissance du troisième genre ou science intuitive chez Spinoza ont leurs équivalents dans la « raison » et le « cœur » chez Pascal.
Dans La doctrine du pur amour – Agora 2008 :

Roger Parisot a écrit:Le « cœur » et la « raison », quant à eux, sont des modes de connaissance, qui ont chacun leur genre et leur domaine : chacun a sa façon de connaître la vérité, chacun connaît des vérités à sa façon. Par la raison, explique Pascal, nous connaissons toutes les propositions qui se démontrent, par le cœur nous connaissons « les premiers principes », l’espace et ses trois dimensions, le temps, la suite infinie des nombres, et choses semblables. Le cœur est un moyen de connaissance intuitif et immédiat, que Pascal compare au « sentiment »  ou à une sorte d’« instinct », mais élevés au niveau spirituel, et non situés au  plan simplement psychique ou sentimental. Le cœur relie le sujet connaissant directement à l’objet connu. C’est pourquoi, on l’a vu, il fait du cœur le vecteur d’un authentique rapport à Dieu, qui n’existe que dans l’amour. (pp. 73-74)

Pascal a écrit:C'est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison. (Pensées - 424)

Dans La joie, ma boussole, vivre avec Ignace – Éditions jésuites 2019 :

Nikolaas Sintobin a écrit:Car c’est au niveau du cœur, du substrat affectif le plus profond, que se situe la dimension humaine unique de chaque personne. Bien plus qu’au niveau de la raison, plus abstraite et impersonnelle. (p. 18)

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Message par Vanleers Sam 22 Avr 2023 - 6:08

Ignace de Loyola énonce 8 règles visant un plus grand discernement des esprits (Exercices Spirituels 329 à 336). Je cite la première, également donnée par Adrien Demoustier (op. cit. p. 72) :

Ignace de Loyola a écrit:C’est le propre de Dieu et de ses anges de donner, dans leurs motions, la véritable allégresse et joie spirituelle, en supprimant toute tristesse et trouble que suscite l’ennemi. Le propre de celui-ci est de lutter contre cette allégresse et cette consolation spirituelle, en présentant des raisons apparentes, des subtilités et de continuels sophismes.

Je considère cette règle comme un axiome de la spiritualité ignatienne, spiritualité métaphysique au sens de Popper, conjecturale, ni démontrable, ni réfutable.
Partant de l’expérience incontestable d’un passage par des états de joie et de tristesse, cet axiome les explique en posant que la joie vient de Dieu.
C’est ce que j’appelle : faire l’expérience de Dieu.

Dans son langage du XVI° siècle, Ignace utilise la notion d’« ange », bon (l’ange de Dieu) ou mauvais (l’ennemi).
Je ne vois pas d’inconvénient à garder ces notions comme des outils d’un art de vivre dans la joie.
Les anges sont comme les nombres imaginaires purs en mathématiques, des nombres complexes dont la partie réelle est nulle. Or, il est avéré que la théorie des nombres complexes et imaginaires est particulièrement utile et féconde.
A. Demoustier commente :

Adrien Demoustier a écrit:Qu’elle soit directe ou passe par l’intermédiaire de messagers, l’action de Dieu est caractérisée par la joie et l’allégresse. Une véritable consolation vient toujours de Dieu, directement ou indirectement. Cette action divine est dynamique, elle agit par des « motions », c’est-à-dire d’une manière qui met en mouvement l’homme tout entier. Cette mise en route est ressentie, expérimentée, mais aussi reconnue, identifiée. Elle concerne l’homme tout entier corps et âme unifiés. Cette action dynamique de Dieu a un effet : elle supprime toute tristesse et trouble. Elle fait sortir du malheur. Cet effet n’est pas statique : il remplace le malheur et l’obscurité par le bonheur et la clarté.

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Message par Vanleers Sam 29 Avr 2023 - 4:24

Au début du Traité de la Réforme de l’Entendement :

Spinoza a écrit:Après que l’expérience m’eut appris que tout ce qui arrive fréquemment dans la vie commune est vain et futile, je vis que tout ce qui était pour moi cause ou objet de crainte n’avait en soi rien de bon ni de mauvais, si ce n’est dans la mesure où l’âme en était agitée, je décidai enfin de chercher s’il y avait quelque chose qui fût un vrai bien, susceptible de se communiquer et par lequel seul, toutes les autres choses ayant été rejetées, l’âme serait affectée ; bien plus, s’il y avait quelque chose dont la découverte et l’acquisition me permettraient de jouir d’une joie continue et suprême pour l’éternité.

Le Traité de la Réforme de l’Entendement est une œuvre de jeunesse restée inachevée mais, dans l’Ethique, Spinoza reprend sa problématique au chapitre 4 de l’appendice de la partie IV et y apporte une solution :

Spinoza a écrit:C’est pourquoi dans la vie, ce qui est le plus utile est de parfaire autant que nous le pouvons l’entendement ou la Raison : et c’est en cela seulement que consiste la suprême félicité ou béatitude de l’homme : car la béatitude n’est rien d’autre que la satisfaction intérieure même, laquelle naît de la connaissance intuitive de Dieu ; or parfaire l’entendement, cela aussi n’est rien d’autre que comprendre Dieu, ses attributs et ses actions qui suivent de la nécessité de sa nature. C’est pourquoi la fin ultime de l’homme qui est conduit par la Raison, c’est-à-dire son suprême désir, par lequel il s’applique à gouverner tous les autres, est celui par lequel il est porté à comprendre adéquatement et lui-même et toutes les choses qui peuvent tomber sous son intelligence

Spinoza pointe ici le désir suprême de vivre dans la béatitude qui naît de la connaissance intuitive de Dieu.
On comparera plus tard ce désir suprême avec le désir profond dans la spiritualité ignatienne.

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Message par Vanleers Sam 29 Avr 2023 - 5:20

Dominique Salin, dans Le discernement des esprits selon Ignace de Loyola – Éditions jésuites 2021, commente les premières expériences d’Ignace consignées dans  dans son autobiographie : le Récit (dit du Pèlerin)

Dominique Salin a écrit:On peut lire ici, en germe et rétrospectivement, l’essentiel de la mystique ignatienne, de la manière ignatienne de découvrir Dieu et ce qu’on peut faire de sa vie. On y assiste à l’émergence d’un désir profond, disons d’un désir spirituel, à travers une expérience psychologique : l’alternance de frustration et de joie, de plaisir et de déplaisir ; de plaisir superficiel, éphémère, et de plaisir profond et durable. Ignace fait attention à ce qui se passe en lui, à ce qui se pense en lui. Il commence à déchiffrer, dans l’alternance des affects, ce qu’il comprendra être le langage de Dieu. Ici, il parle de « pensées ». Plus tard, il dira : « motions intérieures », et, à l’école des spirituels, il en attribuera l’origine ou à « l’esprit du démon » ou à « l’esprit de Dieu ». La vie nous parle à travers ces affects qui nous viennent d’on ne sait où et qui nous traversent.
[…]
[…] Ce qu’Ignace devra encore découvrir, ce n’est pas son désir immédiat : c’est, plus important, le désir de l’Autre en lui, le désir de Dieu sur lui. Il a encore besoin de se mettre à l’écoute de Dieu pour laisser émerger en lui, non plus son désir religieux superficiel mais son désir profond. (pp. 17-18)

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Message par Omer Desseres Sam 29 Avr 2023 - 11:37

maraud a écrit:Citation: la vie est un chemin qui finit avec le voyageur.

Remarque à rapprocher de celle, suivante, peut-être contradictoire, du camarade Nietzsche :

«La musique a une fin, certes, mais la fin de la musique, ce n'est pas le but de la musique»

.
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Message par Vanleers Sam 29 Avr 2023 - 12:02

Dans l’ouvrage cité dans mon post précédent, Dominique Salin, parle « de la naissance d’un nouveau désir, qui fait sortir Ignace de lui-même » : le désir d’« aider les âmes ».

Dominique Salin a écrit:A quoi les aider ? A faire précisément l’expérience qu’il vient de faire : l’expérience d’une communication immédiate avec Dieu. Ç’avait été une découverte extraordinaire pour Ignace. Jusqu’alors, il croyait qu’entre Dieu et lui, il fallait toujours l’intermédiaire d’un prêtre : ce sont les prêtres qui savent ce que Dieu veut, ce sont les prêtres qui nous transmettent la volonté de Dieu. Désormais, il a découvert que Dieu peut lui faire connaître directement sa volonté sur lui, par le langage des motions intérieures. Ignace a découvert le langage de Dieu. C’est ce langage qu’il veut désormais enseigner aux autres. Il veut les aider à entrer en contact direct avec Dieu, à se laisser contacter par Dieu, et à découvrir ainsi leur désir profond qui ne peut être que celui de Dieu sur eux. « Aider les âmes » par le discernement des esprits, ce sera désormais, toute sa vie durant, l’obsession d’Ignace et de ses premiers compagnons, leur raison d’être, le slogan de la jeune Compagnie de Jésus. (pp. 25-26)

Ignace n’était pas un théologien mais quelqu’un qui voulait seulement aider concrètement les hommes à entrer en communication avec le Dieu de la Bible :

Dominique Salin a écrit:Saint Ignace, en effet, n’a pas écrit de traité du discernement des esprits. (note de bas de page : Il ne s’est pas soucié, par exemple, de qualifier théologiquement le discernement des esprits comme habitus en lien avec la vertu de prudence, ou comme charisme conféré par l’Esprit Saint. Il lui suffit de considérer l’acte du discernement.). Il s’est contenté – si l’on peut dire – de formuler avec une précision indépassable, les grandes lois qui président au jeu des motions intérieures et à leur discernement. Et il a inséré cette grammaire dans le texte même des Exercices Spirituels. (pp. 72-73)

Précisons que les Exercices Spirituels sont un guide pratique à l’intention de celui qui les « donne » et accompagne l’exercitant mais ne sont pas destinés à être lus par ce dernier.

Nous sommes maintenant prêts à comparer le désir suprême de Spinoza, c’est-à-dire le désir de vivre dans la béatitude qui naît de la connaissance intuitive de Dieu au désir profond d’Ignace qui naît de la connaissance du désir de Dieu sur lui.

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Message par Omer Desseres Sam 29 Avr 2023 - 12:27

Vanleers a écrit: l’Ethique de Spinoza [.. rapprochée de ..] la spiritualité d’Ignace de Loyola [..] Même si les deux approches sont nettement distinctes et ne peuvent être confondues, ce qui les rapproche, à mon avis, c’est que la philosophie de Spinoza est une philosophie de la joie.

Loin de moi l'idée de critiquer le parti de rapprocher l’Éthique de Spinoza à la spiritualité d’Ignace de Loyola et de proposer à partir de ce rapprochement un raisonnement permettant de conclure à une philosophie de la joie propre au christianisme et donc aux chrétiens, mais je me pose la question de savoir ce que serait cette joie si quelqu'un, quiconque, moi par exemple, avait choisi le parti d'attirer l'attention sur ce que dit Spinoza sur la question du déterminisme qui abolit le libre arbitre au point de faire disparaître la liberté d'origine d'un choix fautif justifiant la faute originelle et donc la raison salvatrice de la vierge ayant mis au monde le sauveur du péché en soi …

Que serait donc cette joie chrétienne, face à l'effondrement du christianisme indiqué subrepticement par le camarade Spinoza ?

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Message par Omer Desseres Sam 29 Avr 2023 - 12:36

neopilina a écrit:(merci Vanleers. Mais je n'ai jamais lu Ignace ! Mais les connaissances relevant du " troisième genre " sont un de mes terrains de prédilection. On peut relever cet affreux paradoxe : que les religions, si proches du Dieu, le plus souvent, bloquent, figent, l'individu sur le chemin, et une théologie, ou connaissance du troisième genre, totalement libre de ses mouvements avec.)

À moins que ma mémoire me trahit et que donc je me trompe, l'éternité rattachée par Spinoza à sa connaissance du troisième genre n'a absolument rien à voir avec l'éternité promise après la mort par le christianisme.

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Message par Omer Desseres Sam 29 Avr 2023 - 12:53

Vanleers a écrit: le désir suprême de Spinoza, c’est-à-dire le désir de vivre dans la béatitude qui naît de la connaissance intuitive de Dieu .

Le terme Dieu inscrit partout dans l'Éthique de Spinoza n'est pas le Dieu du christianisme, c'est le nom choisi par Spinoza pour nommer la Divinité de la Nature Naturante.

Le Dieu du christianisme a été renvoyé par Nietzsche admirateur de Spinoza dans les arrières-mondes.

Le Dieu de Spinoza est inclus dans le monde, dans CE monde, en tant que Nature Naturante.

***

Notons en digression que Nietzsche reproche aux athées de signaler que s'ils disent que Dieu est une création de l'Homme, ce n'est pas une raison de dénigrer cette création, au contraire, il faut respecter cette création justement parce qu'elle est humaine ! ...

De là une spiritualité matérialiste et athée adhérant à la Nature Naturante de Spinoza sans que le terme de Dieu employé par ce camarade philosophe n'obscurcisse le matérialisme radical de l'athée honnête et dont la spiritualité se justifie ainsi d'elle-même ...

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Message par Vanleers Dim 30 Avr 2023 - 5:01

J’en viens maintenant à la confrontation de Spinoza et d’Ignace de Loyola sur la question de leur expérience de Dieu.

Les développements qui précèdent m’amènent à faire l’hypothèse qu’au plan pratique, le Dieu de Spinoza et le Dieu d’Ignace de Loyola, c’est le même Dieu, expérimenté de deux manières différentes.

J’ai rappelé dans un post antérieur, en m’appuyant sur une phrase célèbre de l’Ethique, comment Spinoza faisait l’expérience de Dieu dans la connaissance du troisième genre :

Spinoza a écrit:Mais néanmoins, nous sentons et nous savons par expérience que nous sommes éternels

Notons que Spinoza utilise le verbe « sentir » ce qui le rapproche d’Ignace « qui a découvert que Dieu peut lui faire connaître directement sa volonté sur lui, par le langage des motions intérieures ».
Cette expérience de Dieu parut suspecte et attira un moment sur ce dernier l’accusation d’illuminisme :

Dominique Salin a écrit:Ignace partagerait la conviction des alumbrados tant combattus par l’Inquisition : une relation directe avec Dieu serait possible sans la médiation d’un homme d’Église ! (op. cit. p. 95)

Bien entendu, les expériences de Dieu de Spinoza et d’Ignace sont différentes et l’hypothèse que je fais reste une conjecture, une théorie métaphysique au sens de Popper : ni démontrable, ni réfutable, discutable rationnellement.
La seule question est de savoir si cette hypothèse éclaire notre vie et nous aide à vivre davantage dans la joie.
C’est à chacun de répondre, si cela l’intéresse.

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Message par Omer Desseres Dim 30 Avr 2023 - 11:31

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Cela m'intéresse au point que je n'hésite pas à y répondre.

Si c'est toi qui choisis la prémisse, alors c'est toi qui bâtit ta conclusion, ce qui est des plus respectables, au demeurant, car ta conclusion est conforme à l'idée que tu me sembles avoir au départ. Hé oui, ta conclusion est la bonne, et la joie permise par un rapprochement du Dieu de Spinoza et du Dieu de Loyola est irréfutable sous l'angle de l'examen comparatif que tu as choisi en la forme des écrits de l'un et de l'autre. Elle est métaphysique, comme dirait en effet Popper sous l'effet de son critère de séparation entre la métaphysique et la science.

Mais il y a un mais. Et il est de taille, de mon point de vue, cela va sans dire.

Le Dieu de Spinoza, ce n'est certainement pas le Dieu de Loyola.

La Nature Naturante, c'est-à-dire le Dieu partie du monde du philosophe Spinoza, ce n'est pas le Dieu des arrière-mondes du prêtre catholique fondateur de la compagnie Jésuite du nom de Loyola. Et l'on peut voir et même vérifier que le catholicisme, celui-là-même de notre Loyola, a vu la chose telle que tu viens de la lire sous ma plume, à savoir que le Dieu de Spinoza, ce n'est pas le Dieu de De Loyola ni le Dieu des Juifs, en passant, puisque ces deux derniers Dieu sont les mêmes.

Quiconque pourra vérifier ...

1 ) ... la fuite de Spinoza s'échappant vers Amsterdam à cause de l'inquisition apostolique et romaine l'accusant d'athéisme avec la volonté de «sauver son âme» par le bûcher ;

2 ) ... l'exclusion de Spinoza de la communauté des juifs d'Amsterdam pour raison d'athéisme aussi.

Je choisi une prémisse différente à partir de Spinoza, mais où Loyola sera absent. Ce n'est qu'une tentative d'opposition, de discussion, de débat exclusivement intellectuels et où la plus grande politesse n'exclura pas la fermeté. (Je signale cette chose car je pense avoir gagné en sagesse par rapport à l'époque où je cédais trop facilement à la colère lors d'une vie antérieure sur Digression, et tu pourras constater cette impardonnable chose dans les messages placés sur ce forum sous les noms de victor.digiorgi et emmanuel.) (Aujourd'hui, j'ai peine à comprendre un tel comportement de ma part, qui a sans doute émergé de crises d'hyper-glycémie provoquées par un diabète mal contrôlé. Ce n'est pas une excuse. Ce n'est qu'une explication.)

Mais cela n'a pas de réelle importance.

Alors voilà :

les Catholiques et les Juifs avaient de bonnes raisons de penser que Spinoza était athée. Je pense justement qu'une lecture attentive de son Éthique porte à penser comme eux. Il suffit de s'apercevoir que le terme Dieu est remplaçable de partout dans ces écrits par le terme Nature Naturante, et ça saute aux yeux. J'en ai déduit, peut-être à tort, peut-être à raison, que le Dieu de Spinoza était matériel, même s'il prétendait le contraire, sûrement pour échapper au jugement et à la condamnation des religieux de l'époque, d'après moi.

Cette explication me permet, encore une fois à tort ou à raison, de ne pas accepter, ou du moins ne pas comprendre le rapprochement que tu commets au demeurant de bonne foi entre Spinoza et Loyola.

Ensuite :

Je propose une autre pensée. Elle a évidemment pour objectif de s'opposer à la tienne. N'y vois aucune malice.

Spinoza développe un argument des plus simples pour justifier une pensée qui est ancrée en lui au sujet d'un déterminisme de l'Homme évident pour lui.

La voilà, résumée :

«Nous pensons être libres, mais nous sommes en fait agis par des motifs invisibles.
Illusion suprême, la liberté n'est que ''l'ignorance des causes qui nous déterminent''»
 

Cette réflexion de Spinoza constituera la bombe atomique, ou peut-être seulement la menace de bombe atomique de la destruction totale du christianisme, car si le libre arbitre chrétien se confronte au déterminisme spinozien - vu comme vérité - alors c'en est fait de la raison du péché originel. Adam et Ève n'ont pas été libres de manger ou de na pas manger du fruit de l'arbre de la connaissance, il l'ont fait sous l'emprise du déterminisme spinozien, en conséquence la vierge Marie n'a aucun besoin d'enfanter Jésus en vue de sauver le monde du péché originel et Jésus devient aussi inutile que son père et sa mère. Dans ces conditions, le christianisme s'effondre à tout jamais.

La seule chose qui sauvera le christianisme, ça sera le principe suivant exprimé par Nietzsche et confirmé par les sciences du vivant :

«L'erreur est nécessaire à la vie»

Cette chose est profondément enfouie dans l'inconscient biologique de chaque humain. Il n'est qu'à constater que même mis à mal par tout ce qu'on voudra, le christianisme survit en l'Homme sous la forme de la sacralisation incontestable du principe de spiritualité capable de tout, et même de s'implanter jusque dans l'inconscient des corporéités matérialistes et athées de culture chrétienne. Même dans l'inconscient de ma propre corporéité matérialiste et athée ! ...

Il est aujourd'hui possible de trouver un universalisme dans la corporéité de l'Homme, c'est-à-dire dans ce qui constitue en lui la simultanéité parfaite du corps et de l'esprit de milliards d'humains, dont les mots qui aurait permis de la désigner sont impuissants à la rendre dans toute son essence, à moins de tenter le terme corps-esprit comme on tente le terme espace-temps en physique, et sans toutefois atteindre avec précision l'expression de la simultanéité adéquate.

À bientôt, pour le plaisir d'encore proposer sur ce forum ce que quiconque pourra considérer comme des élucubrations pécamineuses ...

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Message par Vanleers Lun 1 Mai 2023 - 4:53

Omer Desseres a écrit:.

Mais il y a un mais. Et il est de taille, de mon point de vue, cela va sans dire.

Le Dieu de Spinoza, ce n'est certainement pas le Dieu de Loyola.

La Nature Naturante, c'est-à-dire le Dieu partie du monde du philosophe Spinoza, ce n'est pas le Dieu des arrière-mondes du prêtre catholique fondateur de la compagnie Jésuite du nom de Loyola. Et l'on peut voir et même vérifier que le catholicisme, celui-là-même de notre Loyola, a vu la chose telle que tu viens de la lire sous ma plume, à savoir que le Dieu de Spinoza, ce n'est pas le Dieu de De Loyola ni le Dieu des Juifs, en passant, puisque ces deux derniers Dieu sont les mêmes.

Je rappelle mon hypothèse :

Vanleers a écrit:Au plan pratique, le Dieu de Spinoza et le Dieu d’Ignace de Loyola, c’est le même Dieu, expérimenté de deux manières différentes.

Il s’agit d’une hypothèse de travail, un outil que je me suis forgé en pensant qu’il m’aiderait à vivre dans la joie.
Par définition, cette hypothèse est indémontrable et sa vertu ne peut être appréciée que dans son usage pratique.
Si vous voulez, me référant à ce qui se fait en physique, je dirais que pour les besoins de l’expérimentation et en première approximation, grosso modo, le Dieu de Spinoza et le Dieu d’Ignace de Loyola, c’est le même Dieu.
Au passage :
Le Dieu de Spinoza, tout Nature Naturante qu’il soit, aime les hommes (corollaire d’Ethique V 36).
Quant au Dieu d’Ignace de Loyola, c’est, aussi, un Dieu intérieur, l’Autre en chaque homme.

Vous me direz peut-être que cette hypothèse ne fait pas le poids.
Dieu merci, elle ne fait pas le poids car c’est l’hypothèse légère, espiègle de quelqu’un qui, comme l’Eulenspiegel, essaie de ne pas se prendre trop au sérieux, ni lui, ni les autres, ni Dieu lui-même.

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Message par Omer Desseres Lun 1 Mai 2023 - 6:23

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L'idée qui te permets à raison que dire que le Dieu de Spinoza est le même que celui de Loyola possède son point fort et son caractère incontestable dans l'intériorité que tu choisis et qui te permets la joie que tu cherches et trouve.

L'idée qui me permet à raison aussi de Dire que le Dieu de Spinoza est différent que celui de Loyola possède aussi son point fort et son caractère incontestable dans l'intériorité que je choisis et qui me permet aussi la joie que je cherche et trouve.

La différence entre ces deux points de vue tout aussi respectable l'un que l'autre se trouve dans le choix de l'intériorité.

Tu choisis la foi.

Je choisi l'histoire.

Je ne vois aucune raison de privilégier l'un des deux choix sur l'autre.

Je vois par contre des éléments d'approche très intéressants sur le plan de la compréhension d'une complexité phénoménale de l'essence de la vie matérielle et spirituelle en général et de celle de l'humain en particulier.

Je crois dur comme fer que c'est dans la diversité humaine qu'on peut se rapprocher de la signification et de la raison de l'émergence du sens et de l'essence-même du tout de l'humanité.

Le matérialiste athée que je suis ne vois aucun inconvénient à souhaiter que Dieu te garde, mon ami.

«Les athées sont les plus près de Dieu».
Simone Weil

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Message par Vanleers Lun 1 Mai 2023 - 16:05

Je trouve intéressante une remarque de Dominique Salin sur la formulation négative de la liberté chez Ignace de Loyola.

Dominique Salin a écrit:Lorsqu’on lit dans le titre original des Exercices qu’il s’agit d’« ordonner sa vie sans se décider par aucun attachement qui soit désordonné » (E 21), cette formulation négative de la liberté ne saurait surprendre que ceux qui n’ont jamais réfléchi à l’impossibilité de définir positivement et abstraitement celle-ci. (op. cit. p. 180)

« Ordonner sa vie sans se décider par aucun attachement qui soit désordonné », c’est agir librement au sens de Spinoza qui nie le libre arbitre.

Spinoza (définition 7 de la parie I) a écrit:Sera dite libre la chose qui existe par la seule nécessité de sa propre nature, et qui est déterminée par soi seule à agir. Sera dite au contraire nécessaire, ou plutôt contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à opérer de manière bien précise et déterminée.

On trouve une bonne analyse du problème en :

https://www.philolog.fr/liberte-et-necessite-spinoza/

J’en cite un passage :

Simone Manon a écrit:Spinoza, par exemple, affirme que la liberté ne s'oppose pas à la nécessité, elle s'oppose à la contrainte. Libre, l'être agissant selon la nécessité de sa propre nature, contraint celui qui est déterminé à agir par une nécessité extérieure à la sienne.    Or tel est le cas de la nécessité passionnelle. Une passion, un affect, comme les mots l'indiquent, procèdent de l'action sur nous de quelque chose d'extérieur à nous. Agir sous l'empire des affects revient donc à subir, à agir sous la contrainte d'une nécessité extérieure à sa nécessité propre. Voilà pourquoi « l'impuissance de l'homme à gouverner et à contenir ses sentiments, je l'appelle servitude. En effet, l'homme soumis aux sentiments ne dépend pas de lui-même mais de la fortune, dont le pouvoir sur lui est tel qu'il est souvent contraint de faire le pire même s'il voit le meilleur » Ethique, IV, préface.

   Cependant la nécessité passionnelle n'est pas une fatalité. Certes il est impossible de lui échapper totalement, l'homme étant un élément du réel condamné à subir l'action des éléments avec lesquels il est en rapport. Mais « chacun a le pouvoir de se comprendre lui-même et de comprendre ses affects de façon claire et distincte, sinon totalement, du moins en partie, et il a par conséquent le pouvoir de faire en sorte d'avoir moins à les subir » Ethique, V, Prop. IV, scolie.

   Spinoza ne prétend pas ici que l'homme peut prendre une conscience claire de tout ce qu'il subit. Il annonce ainsi Freud et le thème de l'inconscient. Reste que même si ce n'est pas « totalement », il le peut « en partie ». Il y a là l'expression d'une autre nécessité, une nécessité intérieure à l'être de raison. En comprenant rationnellement, celui-ci n'agit plus selon une nécessité extérieure à son être. Il agit selon sa nécessité propre et par la compréhension rationnelle il se libère de la servitude passionnelle. Il se fait une idée adéquate de l'ordre nécessaire des choses, idée le déterminant à agir en accord avec lui.

Je prolongerai la réflexion dans le post suivant.

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Message par Omer Desseres Lun 1 Mai 2023 - 20:38

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« Ordonner sa vie sans se décider par aucun attachement qui soit désordonné »

Ce précepte me rappelle une remarque d'Antoine de Saint-Exupéry qui, je crois me souvenir, se trouve dans son Citadelle.

«Ce n'est pas l'ordre qui crée le bonheur, c'est le bonheur qui crée l'ordre»

***

J'ai lu attentivement la page de Philolog dans laquelle Simone Manon développe l'idée de liberté en s'appuyant sur Spinoza et Descartes.

Elle commet une erreur en disant que Spinoza annonce Freud et le thème de l'inconscient.

En effet, si Spinoza annonce quelqu'un et le thème de l'inconscient, ce quelqu'un ce n'est pas Freud. c'est Nietzsche, dans les ouvrages duquel le camarade Freud a puisé ce thème.

***

Toute la teneur de la lettre à Shuller citée par Simone Manon est reprise à sa façon par Nietzsche dans son œuvre. Nietzsche avait d'ailleurs une admiration sans borne pour Spinoza.

La teneur de la lettre à Shuller se trouve dans les condensés fulgurants de Nietzsche, comme celui qu'il annonce sous le terme d'«Amor Fatti» ou le précepte «Deviens celui que tu es», ou encore sous certaines des annonces littéralement prophétiques qui tapissent son Zarathoustra.

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Message par Vanleers Mar 2 Mai 2023 - 11:57

Omer Desseres a écrit:.

« Ordonner sa vie sans se décider par aucun attachement qui soit désordonné »

Ce précepte me rappelle une remarque d'Antoine de Saint-Exupéry qui, je crois me souvenir, se trouve dans son Citadelle.

«Ce n'est pas l'ordre qui crée le bonheur, c'est le bonheur qui crée l'ordre»


Je rapproche les maximes d’Ignace de Loyola et Saint-Exupéry de la dernière proposition de l’Ethique :

Spinoza a écrit: La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même ; et ce n’est pas parce que nous réprimons les désirs capricieux [libidines] que nous jouissons d’elle, c’est au contraire parce que nous jouissons d’elle que nous pouvons réprimer les désirs capricieux. (Ethique V 42)

Comprenons que la béatitude libère l’homme de la nécessité passionnelle (pour reprendre l’expression de Simone Manon – cf. post précédent).
Or,

Simone Manon a écrit:En comprenant rationnellement, celui-ci [l’homme]  n'agit plus selon une nécessité extérieure à son être. Il agit selon sa nécessité propre et par la compréhension rationnelle il se libère de la servitude passionnelle.

Comme le rappelle S. Manon, la raison, c’est-à-dire la connaissance du deuxième genre, rend l’homme libre mais la béatitude aussi qui naît de la connaissance du troisième genre, comme Spinoza le montre au début de la démonstration d’Ethique V 42 :

Spinoza a écrit:La béatitude consiste en un amour envers Dieu (en vertu de la prop. 36 et de son scolie), amour qui naît assurément du troisième genre de connaissance (en vertu du cor. de la prop. 32)

Au début du scolie d’Ethique V 36 auquel Spinoza se réfère :

Spinoza a écrit:Nous comprenons par là clairement en quoi consiste pour nous le salut, ou la béatitude, ou la liberté : en un amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit en l’amour de Dieu envers les hommes.

En conclusion de cette suite de propositions, l’amour de Dieu envers les hommes rend l’homme libre, ce qui rejoint la thèse du Dieu libérateur de la Bible.

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Message par Omer Desseres Mar 2 Mai 2023 - 13:41

Vanleers a écrit:
Spinoza a écrit: La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu même ; et ce n’est pas parce que nous réprimons les désirs capricieux [libidines] que nous jouissons d’elle, c’est au contraire parce que nous jouissons d’elle que nous pouvons réprimer les désirs capricieux. (Ethique V 42)

Je voulais vérifier une chose, mais je n'ai pas accès à mon Étique. Je vérifie donc sur internet et je ne trouve nulle part le terme entre crochet [libidines] de cette citation. Je serais curieux de voir la vérification en question par quelqu'un qui aurait un exemplaire de l'Éthique sous la main ...

Vanleers a écrit:Comprenons que la béatitude libère l’homme de la nécessité passionnelle (pour reprendre l’expression de Simone Manon – cf. post précédent).

Comprenons aussi que la béatitude ne libère pas - absolument - de la nécessité passionnelle, sinon nous ne serions pas là. Nous pourrions d'ailleurs envisager que la nécessité passionnelle engendre la béatitude dans certaines conditions commandant notre existence en tant qu'espèce sexuée.

Simone Manon a écrit:En comprenant rationnellement, celui-ci [l’homme] n'agit plus selon une nécessité extérieure à son être. Il agit selon sa nécessité propre et par la compréhension rationnelle il se libère de la servitude passionnelle.

Cette idée reste à confronter avec celle qui établit la construction de la nécessité propre à l'individu à partir, exclusivement, de la construction de la nécessité propre à l'altérité, celle de la société (parents, amis, école, etc). «Je est un autre», nous dit le poète (Arthur Rimbaud). La science confirme par son état de fille du matérialisme (Henri Laborit) ... Le déterminisme Spinozien reste à l'affut ...

Vanleers a écrit:Comme le rappelle S. Manon, la raison, c’est-à-dire la connaissance du deuxième genre, rend l’homme libre mais la béatitude aussi qui naît de la connaissance du troisième genre, comme Spinoza le montre au début de la démonstration d’Ethique V 42 :

Spinoza a écrit:La béatitude consiste en un amour envers Dieu (en vertu de la prop. 36 et de son scolie), amour qui naît assurément du troisième genre de connaissance (en vertu du cor. de la prop. 32)

Au début du scolie d’Ethique V 36 auquel Spinoza se réfère :

Spinoza a écrit:Nous comprenons par là clairement en quoi consiste pour nous le salut, ou la béatitude, ou la liberté : en un amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit en l’amour de Dieu envers les hommes.

En conclusion de cette suite de propositions, l’amour de Dieu envers les hommes rend l’homme libre, ce qui rejoint la thèse du Dieu libérateur de la Bible.

Je me permettrais de rappeler que le Dieu de Spinoza, ce n'est pas celui de la Bible. Le Dieu de Spinoza, c'est la Nature Naturante.

Cela dit, les trois paliers de la connaissance de Spinoza ont été probablement adaptés par Nietzsche qui s'en est donc probablement inspiré pour proposer son ERMVPS ( Éternel Retour du Même - Volonté de Puissance - Surhumain ). Je le disais plus haut, Nietzsche a peut-être été le plus grand admirateur de Spinoza. Lorsqu'on sait la virulence de ses propos anti-christianistes (que je n'approuve d'ailleurs pas), on comprend alors pourquoi il a très bien compris la signification du terme «Dieu» employé par Spinoza ...

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Message par Vanleers Mar 2 Mai 2023 - 16:00

Comme nous l’avons vu, Ignace de Loyola n’est pas un théologien et se contente de proposer à l’homme de faire une expérience (1)
Pour ce faire, il pose l’hypothèse que rappelle Dominique Salin (op. cit. p. 192) :

Dominique Salin a écrit:Rappelons la formule d’Ignace au début des Exercices :

On pose comme reconnu qu’il survient dans l’homme trois sortes de pensées : l’une naissant du mouvement propre de l’homme lui-même, les deux autres venant de l’extérieur, c’est-à-dire inspirées par le bon et le mauvais esprit (E 32)

Le mot important, ici, est « extérieur ».
On peut sans doute trouver un écho de ce mot dans l’inconscient freudien « du moment qu’est sauvé sa résistance radicale à toute forme de savoir » (Dominique Salin – op. cit. p. 193)

Ignace précise :

Ignace de Loyola a écrit:C’est le propre de Dieu et de ses anges de donner, dans leurs motions, la véritable allégresse et joie spirituelle, en supprimant toute tristesse et trouble que suscite l’ennemi. Le propre de celui-ci est de lutter contre cette allégresse et cette consolation spirituelle, en présentant des raisons apparentes, des subtilités et de continuels sophismes. (ES 329)

A ce niveau de généralités, nous sommes en-deça de toute religion, notamment du christianisme et tout homme, croyant ou pas, est invité, en le reformulant avec ses mots à lui, à pratiquer un tel discernement qui le porte à vivre dans la joie.

(1) En quatrième de couverture de La joie, ma boussole

Nikolaas Sintobin a écrit:Qu’est-ce que la joie durable et authentique ?
C’est ce que propose de découvrir l’auteur, grâce à l’éclairage de la spiritualité ignatienne, initiée par Ignace de Loyola qui est à l’origine de l’ordre des Jésuites. Plus qu’à une doctrine, cette spiritualité, qui accompagne des millions de personnes dans le monde entier, s’apparente à une boîte à outils dont les instruments sont destinés à nous aider à vivre plus intensément et à « trouver Dieu en toutes choses ». Parmi ces instruments, le critère de la joie est essentiel.


PS :
Dans sa traduction de 2010 d’Ethique V 42, Bernard Pautrat a traduit libidines par « désirs capricieux »
Dans sa traduction de 1998, il avait traduit libidines par « appétits lubriques ».
Il a justifié son changement de traduction dans Ethica sexualis – Payot 2011. En Ethique V 42, écrit-il, « le mot désigne très largement les « désirs capricieux », déraisonnables, aveugles ou irréfléchis » (p. 236)
Notons que Misrahi traduit libidines par « désirs sensuels », Appuhn par « appétits sensuels », Guérinot par « penchants », Saisset par « mauvaises passions » et, plus récemment, P.-F. Moreau par « désirs ».

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Message par Omer Desseres Mar 2 Mai 2023 - 18:00

Vanleers a écrit:Ignace de Loyola n’est pas un théologien et se contente de proposer à l’homme de faire une expérience

On peut donc noter une différence notable entre la théologie (idéalisme) et l'expérience (matérialisme).

Vanleers a écrit:A ce niveau de généralités, nous sommes en-deça de toute religion, notamment du christianisme et tout homme, croyant ou pas, est invité, en le reformulant avec ses mots à lui, à pratiquer un tel discernement qui le porte à vivre dans la joie.

Entièrement d'accord sur ce point.

Je suis d'accord car je suis matérialiste et athée dans l'âme et trouve le sens de ma spiritualité dans le concept d'éternité se justifiant au portail de l'instant.

Je suis matérialiste au sens philosophique et pas au sens moderne, mécaniste, dogmatique, carcéral, bien sûr ...

Vanleers a écrit:
Nikolaas Sintobin a écrit:Qu’est-ce que la joie durable et authentique ?
C’est ce que propose de découvrir l’auteur, grâce à l’éclairage de la spiritualité ignatienne, initiée par Ignace de Loyola qui est à l’origine de l’ordre des Jésuites. Plus qu’à une doctrine, cette spiritualité, qui accompagne des millions de personnes dans le monde entier, s’apparente à une boîte à outils dont les instruments sont destinés à nous aider à vivre plus intensément et à « trouver Dieu en toutes choses ». Parmi ces instruments, le critère de la joie est essentiel.

« trouver Dieu en toutes choses. » Je retiens cette remarque. Elle colle bien à l'idée de Nature Naturante du camarade Spinoza.


Vanleers a écrit:PS :
Dans sa traduction de 2010 d’Ethique V 42, Bernard Pautrat a traduit libidines par « désirs capricieux »
Dans sa traduction de 1998, il avait traduit libidines par « appétits lubriques ».
Il a justifié son changement de traduction dans Ethica sexualis – Payot 2011. En Ethique V 42, écrit-il, « le mot désigne très largement les « désirs capricieux », déraisonnables, aveugles ou irréfléchis » (p. 236)
Notons que Misrahi traduit libidines par « désirs sensuels », Appuhn par « appétits sensuels », Guérinot par « penchants », Saisset par « mauvaises passions » et, plus récemment, P.-F. Moreau par « désirs ».


Merci de toutes ces précisions ...

On devine le soucis des traducteurs confrontés à la question sexuelle, sauf dans la remarque voulant que «le mot désigne très largement les ''désirs capricieux'', déraisonnables, aveugles ou irréfléchis »

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Omer Desseres
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Message par Vanleers Mer 3 Mai 2023 - 4:47

Omer Desseres a écrit:

Je me permettrais de rappeler que le Dieu de Spinoza, ce n'est pas celui de la Bible. Le Dieu de Spinoza, c'est la Nature Naturante.


« Nature Naturante » est l’un des noms possibles du Dieu innommable de la Bible comme le sont « Tout-Autre », « Force créatrice », « Source de Vie », « Parole vivante », ...
Tous ces noms sont des outils qui peuvent entrer dans la boîte à outils que constitue la spiritualité ignatienne selon le jésuite flamand  Nikolaas Sintobin, comme indiqué dans un post antérieur.
Je soutiens d’ailleurs depuis un certain temps sur le forum que l’Ethique de Spinoza est, elle-même, une boîte à outils (« une machine-à-bonheur », dit Bernard Pautrat).
Je ne vois donc aucun inconvénient à ce que la spiritualité ignatienne emprunte à l’Ethique un outil que Spinoza avait lui-même emprunté à la Scolastique en l’employant à un autre usage comme il l’explique dans le scolie d’Ethique I 29.

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