Le Deal du moment : -50%
-50% Baskets Nike Air Huarache Runner
Voir le deal
69.99 €

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

+12
aliochaverkiev
benfifi
alain
kercoz
Bergame
denis_h
jean tardieu
Jans
baptiste
hks
Crosswind
maraud
16 participants

Page 16 sur 40 Précédent  1 ... 9 ... 15, 16, 17 ... 28 ... 40  Suivant

Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mar 12 Jan 2021 - 17:02

« Jusqu'à la vingt-sixième année de sa vie, il fut un homme adonné aux vanités du monde; il se délectait surtout dans l'exercice des armes, avec un grand et vain désir de gagner de l'honneur. »
Ainsi commence le Récit de sa vie qu'Ignace de Loyola a relaté entre 1553 et 1555 à un autre jésuite, Louis Gonçalvès da Câmara, à la demande pressante de ses compagnons, soucieux d'obtenir une sorte de testament spirituel. Saint Ignace n'a pas cherché à « raconter » sa vie de manière exhaustive, mais à mettre en lumière la façon dont il est passé d'une vie tout entière tournée vers sa propre gloire à une vie au service de la « plus grande gloire de Dieu. »

Il est étonnant de constater qu’Ignace de Loyola a écrit son autobiographie (Le récit du pèlerin) en parlant de lui à la troisième personne du singulier et non pas en disant « je ».
Etait-il tellement désencombré de son moi que cette manière de parler de lui était devenue une évidence ?

Dans l’Ethique, Spinoza pose souvent des définitions en utilisant intelligo que l’on traduit par « j’entends » :
Per substantia intelligo « Par substance j’entends... »
Mais on pourrait aussi bien traduire intelligo par « on entendra » car, en réalité, le livre n’est pas écrit à la première personne et s’adresse à un auditoire universel.

Quel effet ferait la maxime de Descartes si l’on entendait le cogito comme un  « Il pense, donc il est » ou « Il pense, il est » ?
Est-il vraiment nécessaire d’y introduire un « je » (« je pense – donc- je suis ») qui asservit l’homme à lui-même ?

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Mer 13 Jan 2021 - 3:03

Vanleers a écrit:Au début de ses Exercices spirituels, Ignace de Loyola en pose le principe et fondement :

Ignace de Loyola a écrit:L’homme est créé pour louer, honorer [hazer reuerencia – faire révérence] et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre, sont créées pour l’homme, et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé.

« Honorer la vie » est un principe de la biodanza, cette pratique corporelle qui met la vie au centre.
Ce principe rejoint celui d’Ignace si on considère, à partir de l’évangile de Saint Jean, que « Vie » (Zôê) est un autre nom du Dieu de l’Evangile.
L’Ethique, elle, s’ouvre sur l’amour intellectuel de Dieu, le Dieu-Substance de Spinoza pouvant, lui aussi, être appelé « Vie ».
On constate, une fois encore, la convergence des perspectives de la spiritualité ignatienne, de l’Ethique et de la biodanza.
Ces perspectives invitent l’homme à se décentrer de lui-même et à mettre la Vie au centre.
L’expérience montre que ce décentrement est libérateur et apporte la joie :  consolation pour Ignace, béatitude pour Spinoza, eutrapélie pour la biodanza.

Ma réaction personnelle ne t'étonnera pas. C'est une fois vivant qu'il faut honorer, sauver, sa vie.

Vanleers a écrit:Quel effet ferait la maxime de Descartes si l’on entendait le cogito comme un  « Il pense, donc il est » ou « Il pense, il est » ?
Est-il vraiment nécessaire d’y introduire un « je » (« je pense – donc- je suis ») qui asservit l’homme à lui-même ?

Problème, définitif avec la conquête philosophique de la Conscience de Soi, que Kant entérine très bien, lorsqu'il dit que ça sera forcément via le Sujet. Et j'ajouterais même, à l'aune de ma modeste expérience, que ça sera expressément à l'encontre de Soi qu'on ménagera une Ouverture à la Lumière, au Dieu, ou autre selon affinités : ça grandit très très significativement ce qu'il reste du Sujet ! Il doit y avoir des trucs dans le genre dans ma signature. Le terme " avatar " vient du sanscrit (je sais que tu le sais, mais c'est un forum), signifie " descente " et désigne les diverses incarnations de Vishnou. Et bien avoir été un avatar digne de ce nom du Dieu me conviendrait très bien !! Faut que j'aille me coucher, je pense !

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Dim 17 Jan 2021 - 15:17

Pour Ignace de Loyola, la consolation spirituelle est une grâce venant de Dieu, un secours extraordinaire comme en parle également Clément Rosset :

Clément Rosset a écrit: La simple prise en considération de la réalité, le simple exercice de la réflexion suffisent ici à décourager tout effort, – sauf s’il s’y mêle l’assistance de la joie qui, telle celle du Dieu pascalien, vient se substituer aux forces défaillantes pour faire triompher, in extremis et contre toute attente, la cause la plus faible : ce par l’entremise d’un soutien que Pascal, dans l’apologue terminal de la seconde Provinciale, définit justement comme « secours extraordinaire ». (La force majeure pp. 26-27 – Minuit 1983)

Ce secours extraordinaire sera parfois transmis via quelqu’un « qui devient pour les autres l’expression incarnée, concrète, historique, là, quelque part, de la Vie » (Dominique Collin déjà cité).
Celui-là sera un véritable thérapeute, quelqu’un qui guérit la vie.
On pense ici à Ambroise Paré : « Je le pansai, Dieu le guérit ».

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Dim 17 Jan 2021 - 15:31

Je souligne :

Vanleers a écrit:Pour Ignace de Loyola, la consolation spirituelle est une grâce venant de Dieu, un secours extraordinaire comme en parle également Clément Rosset :

Clément Rosset a écrit: La simple prise en considération de la réalité, le simple exercice de la réflexion suffisent ici à décourager tout effort, – sauf s’il s’y mêle l’assistance de la joie qui, telle celle du Dieu pascalien, vient se substituer aux forces défaillantes pour faire triompher, in extremis et contre toute attente, la cause la plus faible : ce par l’entremise d’un soutien que Pascal, dans l’apologue terminal de la seconde Provinciale, définit justement comme « secours extraordinaire ». (La force majeure pp. 26-27 – Minuit 1983)

Ce secours extraordinaire sera parfois transmis via quelqu’un « qui devient pour les autres l’expression incarnée, concrète, historique, là, quelque part, de la Vie » (Dominique Collin déjà cité).
Celui-là sera un véritable thérapeute, quelqu’un qui guérit la vie.
On pense ici à Ambroise Paré : « Je le pansai, Dieu le guérit ».

Je n'ai pas pu résister. " Secours extraordinaire ", je ne pense pas qu'il faut compter là dessus, je préfère cette très belle citation d'Amboise Paré, on connait une version plus répandue : " Aide toi, le Dieu t'aideras .

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Dim 17 Jan 2021 - 16:11

A neopilina

L’« insight » dans une psychothérapie n’apparaît-il pas, parfois, comme un secours extraordinaire, quelque chose qui surprend, à laquelle on ne s’attendait pas mais qui débloque une situation, fait cesser la répétition dans laquelle on était pris ?

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Lun 18 Jan 2021 - 0:32

Dans les deux cas, il faut un terreau favorable, il faut la travailler cette " terre ", et à titre personnel, c'est via la connaissance, pour que l'effraction puisse se produire.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Lun 18 Jan 2021 - 15:52

La parabole du semeur, citée dans les trois évangiles synoptiques, reprend cette image du terreau favorable.
Travailler la terre est nécessaire et la connaissance un outil approprié à ce travail.

How poor are they that have no patience!
What wound did ever heal but by degrees?
Thou know'st we work by wit and not by witchcraft
And wit depends on dilatory time

Othello(acte II, scène III).

Ce qu'ils sont pauvres, ceux qui n'ont point de patience!
Quelle blessure s'est jamais guérie autrement que par degrés?
Tu sais que nous opérons par l'esprit et non par les esprits,
Et l'Esprit dépend du lent déroulement du temps.

(Traduction Armand Robin)

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mer 27 Jan 2021 - 11:19

Ignace de Loyola, on l’a vu, privilégie le « sentir » sur toute autre forme de connaissance.

André Dhôtel a écrit:« Sentir » est l’un des mots les plus fréquents du vocabulaire ignatien. Sa traduction par l’équivalent français ne rend pas la force que lui donne Ignace. Il ne s’agit pas d’un pâle sentiment, d’un « coup de cœur » passager, mais d’une connaissance qui s’imprime dans l’âme : « Sentir une connaissance intérieure » écrit paradoxalement Saint Ignace (ES 63.2). Une connaissance qui n’est pas de l’ordre d’un savoir de Dieu qu’on peut acquérir dans un livre ou au cours d’une homélie. Elle est une expérience de Dieu.
Parce qu’il a fait cette expérience, Ignace croit qu’elle est possible pour tout homme, car Dieu veut se communiquer. C’est dire que Dieu seul en a l’initiative et qu’aucun effort humain n’y peut prétendre. Cependant, il est nécessaire de s’y disposer, précisément par les Exercices Spirituels : prière et relecture de la prière, déroulement de la vie et relecture de la vie. Il s’agit de me rendre attentif à ce qui se passe en moi. (La spiritualité ignatienne p.49)

Le « sentir » d’Ignace est la science intuitive de Spinoza, la connaissance du troisième genre.
Ignace et Spinoza invitent à connaître toute chose, y compris soi-même, selon ce mode de connaissance.
Dans les deux cas, il s’agit de voir toute chose en Dieu, de faire une expérience de Dieu, le Dieu de l’Evangile pour Ignace et le Dieu-Substance pour Spinoza.
Rappelons que le Dieu-Substance de Spinoza, c’est la Nature naturante ou, encore la Vie et que, avec Saint Jean, le Dieu de l’Evangile peut également être appelé la Vie.
La science intuitive de Spinoza, c’est la connaissance en tant que nous sommes conscients d’être des expressions de la Vie, cette prise de conscience pouvant être considérée comme l’équivalent de la prière chez Ignace.
L’homme est encombré par son moi lorsqu’il se prend pour un être substantiel alors qu’il est un être modal, un mode de la Substance unique, une expression de la Vie.
Il se libère de son moi lorsqu’il comprend cela. Il devient libre, de la liberté de Dieu.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par denis_h Mer 27 Jan 2021 - 12:12

André Dhôtel a écrit:Une connaissance qui n’est pas de l’ordre d’un savoir de Dieu qu’on peut acquérir dans un livre ou au cours d’une homélie. Elle est une expérience de Dieu.
Parce qu’il a fait cette expérience, Ignace croit qu’elle est possible pour tout homme, car Dieu veut se communiquer. C’est dire que Dieu seul en a l’initiative et qu’aucun effort humain n’y peut prétendre. Cependant, il est nécessaire de s’y disposer, précisément par les Exercices Spirituels : prière et relecture de la prière, déroulement de la vie et relecture de la vie. Il s’agit de me rendre attentif à ce qui se passe en moi. (La spiritualité ignatienne p.49)

en lien avec ce passage, je poste un extrait de mon roman :

*

Il s’interrogeait aussi sur la nature de la foi d’Annette. Apparemment cette croyance en dieu l’avait aidée à surmonter plusieurs difficultés dans sa vie, notamment son divorce et une longue maladie qui s’était soldée par le retrait d’un rein, suivi d’une greffe. Annette disait simplement que la foi l’avait soutenue dans les épreuves et empêchée de tomber dans la dépression. « Oui, dit Karma, mais ceux qui, comme moi, ne l’ont pas, cette sacrée foi, quel espoir leur reste-t-il ? » Annette répondit qu’il ne suffisait pas d’attendre la grâce, mais qu’il fallait aussi prier pour la demander, notamment à la très sainte Vierge Marie, qui, dit-elle, a un grand pouvoir dans les affaires des hommes et guide ceux qui la prient vers la béatitude. Désireux de tenter l’expérience, et bien qu’il ne priât jamais, Karma se recueillit un soir dans son studio et demanda en silence, avec toute la force de conviction dont il était capable, que la très sainte Vierge Marie accepte d’intercéder en sa faveur auprès des puissances insondables afin qu’il devienne croyant. Hélas, rien n’advint, ni amour, ni foi, ni science, et il eut honte de sa crédule superstition.

*
denis_h
denis_h
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 634
Date d'inscription : 24/11/2020

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Jeu 28 Jan 2021 - 13:24

Je souligne :

Vanleers a écrit:L’homme est encombré par son moi lorsqu’il se prend pour un être substantiel alors qu’il est un être modal, un mode de la Substance unique, une expression de la Vie.
Il se libère de son moi lorsqu’il comprend cela. Il devient libre, de la liberté de Dieu.

Même si dans mon discours je remplace " de la Substance unique " par être, je suis d'accord.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Jeu 28 Jan 2021 - 15:38

neopilina a écrit:Je souligne :

Vanleers a écrit:L’homme est encombré par son moi lorsqu’il se prend pour un être substantiel alors qu’il est un être modal, un mode de la Substance unique, une expression de la Vie.
Il se libère de son moi lorsqu’il comprend cela. Il devient libre, de la liberté de Dieu.

Même si dans mon discours je remplace " de la Substance unique " par être, je suis d'accord.

Dans l’Ethique de Spinoza, la Substance unique, c’est Dieu qui fait l’objet de la définition 6 de la partie I que Misrahi traduit comme suit :

Spinoza a écrit:Par Dieu, j’entends un être [ens] absolument infini, c’est-à-dire [hoc est] une substance constituée par une infinité d’attributs, chacun d’eux exprimant une essence éternelle et infinie.

Il commente le hoc est :

Robert Misrahi a écrit:Tous les traducteurs le traduisent par c’est-à-dire. La définition de Dieu est à la fois conventionnelle (« j’entends par Dieu ») et essentielle : elle décrit l’essence de cette réalité que Spinoza désigne par le terme « Dieu ». C’est pourquoi le hoc est est d’une importance décisive : il marque la progression de la pensée conceptuelle dans son acte de définition de l’essence de l’Être. Cette progression (ou identification « progressante ») va du terme traditionnel « Dieu » à son essence véritable : la substance. La focalisation de l’attention du lecteur se fait sur la nouvelle doctrine, annoncée précisément par le hoc est, et identifiant l’être infini à une substance constituée par une infinité d’attributs. […]
La définition du Dieu-substance, appuyée sur la culture médiévale qu’elle dépasse radicalement, présente donc une conception tout autre de Dieu : il est la substance qui est le même que le monde, mais le tout-autre de la métaphysique traditionnelle, y compris celle de Descartes.

Peu-on remplacer « Substance unique », au sens de Spinoza, par « être » ?
Cela dépend de ce que vous entendez par « être ».

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Ven 29 Jan 2021 - 0:36

Vanleers a écrit:Dans l’Ethique de Spinoza, la Substance unique, c’est Dieu qui fait l’objet de la définition 6 de la partie I [du " De Deo "] que Misrahi traduit comme suit :

Spinoza a écrit:Par Dieu, j’entends un être [ens] absolument infini, c’est-à-dire [hoc est] une substance constituée par une infinité d’attributs, chacun d’eux exprimant une essence éternelle et infinie.

Vanleers a écrit:Peut-on remplacer « Substance unique », au sens de Spinoza, par « être » ?
Cela dépend de ce que vous entendez par « être ».

Je sais que tu comprends ce que je dis. Mais si tu es disposé à l'entendre, je ne sais pas.

- Qu'un philosophe dise " être " ou " substance " (magistralement, Aristote puis Spinoza) à propos de la matière première, du plus petit dénominateur commun, etc., du réel, de l'univers, des choses, etc., c'est toujours philosophiquement dit. Et donc, je pense que cela ne relève plus de la philosophie mais de la science.
- Chez moi, si pas de vie donc pas d'Être (forcément, puisque le vivant à l'apanage de sa production !), donc pas de Dieu, entendu comme, par exemple, entité métaphysique transcendante, normative (non seulement ce n'est pas rien, mais c'est l'essentiel pour nous).

J'entérine radicalement, à ce point, la différence entre science et philosophie, entre discours sur l'être (philosophiquement dit, et manifestement pas très fécond en science) et discours sur l'Être.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Ven 29 Jan 2021 - 9:03

neopilina a écrit:
- Qu'un philosophe dise " être " ou " substance " (magistralement, Aristote puis Spinoza) à propos de la matière première, du plus petit dénominateur commun, etc., du réel, de l'univers, des choses, etc., c'est toujours philosophiquement dit. Et donc, je pense que cela ne relève plus de la philosophie mais de la science.

Il est traditionnel de dire que la philosophie commence avec Socrate (ou Platon (1)) et que les philosophes présocratiques étaient en réalité des physiciens, des phusikoi qui ont étudié la Nature (Phusis).
Spinoza est plutôt un phusikos à ranger avec les présocratiques ou, encore, avec Lucrèce. Les latins ont traduit Phusis par Natura et on a comparé la première partie de l’Ethique au De Rerum Natura.
Si on veut garder le mot « philosophie », on dira que la philosophie de Spinoza est une philosophie naturelle (philosophia naturalis). C’est par cette expression que l’on a commencé à désigner les sciences à partir du XVII° siècle.

La Nature (Phusis ou Natura), c’est, par définition, tout ce qui est, y compris le discours sur la Nature. Il est donc évident qu’il n’y a rien au-delà ou en-deçà de la Nature.

(1) Gregory Vlastos a bien montré qu’il y avait deux Socrate chez Platon : le Socrate socratique des Premiers Dialogues et, ensuite, un Socrate platonicien. Le second est totalement différent du premier ; le contraste est saisissant.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par denis_h Ven 29 Jan 2021 - 10:12

( doublon )
denis_h
denis_h
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 634
Date d'inscription : 24/11/2020

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par neopilina Ven 29 Jan 2021 - 14:06

Vanleers a écrit:
neopilina a écrit:
- Qu'un philosophe dise " être " ou " substance " (magistralement, Aristote puis Spinoza) à propos de la matière première, du plus petit dénominateur commun, etc., du réel, de l'univers, des choses, etc., c'est toujours philosophiquement dit. Et donc, je pense que cela ne relève plus de la philosophie mais de la science.

Il est traditionnel de dire que la philosophie commence avec Socrate (ou Platon (1)) et que les philosophes présocratiques étaient en réalité des physiciens, des phusikoi qui ont étudié la Nature (Phusis).
Spinoza est plutôt un phusikos à ranger avec les présocratiques ou, encore, avec Lucrèce. Les latins ont traduit Phusis par Natura et on a comparé la première partie de l’Ethique au De Rerum Natura.
Si on veut garder le mot « philosophie », on dira que la philosophie de Spinoza est une philosophie naturelle (philosophia naturalis). C’est par cette expression que l’on a commencé à désigner les sciences à partir du XVII° siècle.

La Nature (Phusis ou Natura), c’est, par définition, tout ce qui est, y compris le discours sur la Nature. Il est donc évident qu’il n’y a rien au-delà ou en-deçà de la Nature.

(1) Gregory Vlastos a bien montré qu’il y avait deux Socrate chez Platon : le Socrate socratique des Premiers Dialogues et, ensuite, un Socrate platonicien. Le second est totalement différent du premier ; le contraste est saisissant.

Tout cela est rigoureusement exact. Passons à l'étape suivante : la Grèce dite " classique ", Platon (et beaucoup d'autres de son vivant, c'est culturel, bien sûr, Euripide en est, etc.) et Aristote. Platon (peut-être Socrate, mais a minima mis sur le papier par Platon) initie philosophiquement une dérive téléologique : il va tout ramener in fine au Dieu. Dans ces derniers dialogues Platon ne cherche plus trop à savoir comment ça se passe, puisque de toute façon, il " sait ", est convaincu, que le terme in fine de toute recherche ça sera le Dieu. Aristote, avec son finalisme, va faire triompher cette dérive dans un système philosophique (aujourd'hui on dirait scientifique et philosophique) sans précédent en Occident (Spinoza renouvellera l'exploit d'une main de maître, more geometrico). Pour un Platon et un Aristote, leur Dieu, un Dieu d'intellectuels, de savants, de philosophes, n'est pas en contradiction avec celui de leur concitoyen paysan, artisan, il y a juste une différence d'intelligence. On peut même dire que le Dieu des philosophes perd en proximité, et celui d'Aristote est singulièrement déshumanisé (trop parfait pour rassembler à l'homme). Le Dieu de Platon et d'Aristote est Bon, Plénitude, Perfection, absolue, telle que celle-ci fait mouvoir sans accroc la prodigieuse machine de l'univers. Et si les hommes ne croulent pas sous le même Bonheur que lui, c'est parce que justement ce ne sont que des hommes : ignorants et mus par leurs instincts les plus basiques, les plus bas, d'individus (aujourd'hui, je dis bien volontiers de Sujets). A charge pour eux de se corriger, avec l'aide du Dieu s'ils prennent la peine de faire cette démarche. A propos du Dieu d'Aristote j'ai dit " déshumanisé ". On sait que les théologiens chrétiens lui rendront sa Barbe, parfaitement orientale cette fois. Et puis, et puis, au XVII°, la science prend congé de la philosophie, sans lui demander son avis. Au XVIII°, les auteurs commencent par exemple à dire et à distinguer " philosophie naturelle et philosophie morale ", et on voit apparaître " sciences humaines ", je l'ai vu chez Sade, qui fait totalement sien cette distinction. Dans ces oeuvres les plus terribles, volontairement subversives, outrancières, il dit que la Nature, pour fonctionner, a besoin du Mal. Mais, par exemple, dans une lettre à un proche, à propos des moeurs, il écrit le plus simplement du monde " comme si la nature se mêlait de tout cela ", il faut vraiment lire Sade avec une quadruple paire de pincettes. Désolé pour cette petite digression finale, mais elle n'est pas hors sujet ! Mais le propos est on ne peut plus sérieux : tant que la philosophie n'entérinera pas autant que possible et pour elle-même la dite distinction, elle restera dans les choux. Et le propos devient carrément grave : et la métaphysique avec.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina
neopilina
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par denis_h Ven 29 Jan 2021 - 15:03

à mon humble avis le vrai divorce n'est pas entre science et philosophie,

mais entre religion et philosophie.

non ?
denis_h
denis_h
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 634
Date d'inscription : 24/11/2020

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Sam 30 Jan 2021 - 9:28

neopilina a écrit: A propos du Dieu d'Aristote j'ai dit " déshumanisé ". On sait que les théologiens chrétiens lui rendront sa Barbe, parfaitement orientale cette fois.

Les théologiens chrétiens, notamment le très aristotélicien Thomas d’Aquin, ne se sont pas contentés de mettre une barbe au Dieu d’Aristote afin de l’humaniser et il y aurait matière à discussion.

Mais, dans l’immédiat, mon intérêt se porte ailleurs et concerne plutôt l’éthique au sens de l’art de vivre.
Je reviens donc à Ignace de Loyola qui, dans la « Méditation des deux étendards » (E. S. 136-148), demande à l’exercitant d’imaginer deux camps qui s’affrontent : celui où « le souverain capitaine général des bons est le Christ » et l’autre où « le chef des ennemis est Lucifer ».
Cette image guerrière invite l’homme qui cherche sa voie à rejoindre le camp des vainqueurs.
La foi se réduit ici à sa plus simple expression : aucune croyance en quoi que ce soit n’est requise et il suffit de faire le bon choix en se mettant dans le camp victorieux, ce qui donne joie et allégresse, signe de la vrai vie.
Pour Ignace, l’homme peut se décider librement à faire ce choix entre le Christ et celui qu’il appelle Lucifer, c’est-à-dire Satan, l’Accusateur.
Au-delà de ces noms propres quelque peu folkloriques, ce qui se joue c’est le choix et le combat entre le système du jugement et le système de l’allégresse, comme le montre Joseph Thomas dans Ignace, pèlerin de Dieu :

Joseph Thomas a écrit:Ignace croit à la capacité de l’homme de se décider librement. Mais pour lui, il n’y a pas d’autre liberté que la liberté spirituelle. Il faut prendre ce mot au sens le plus fort. Paul a écrit : « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté ». C’est dans la mesure où nous serons conduits par l’Esprit que nous serons réellement libres. Ignace rejoint ainsi les grandes affirmations de saint Paul aux Galates (Ga 5). Dès lors, la question se déplace. Il ne s’agit plus de savoir quand nos décisions sont réellement libres, mais quand nos décisions sont réellement prises dans la mouvance de l’Esprit de Dieu. Comment discerner l’Esprit qui nous inspire ? Nous retrouvons ici l’art difficile du « discernement des esprits ». Et nous retrouvons en même temps les règles qu’Ignace en a données dans les Exercices. Nous ne ferons pas l’exégèse détaillée de ces règles. Une ligne générale se dégage qui départage le bon et le mauvais esprit. L’un et l’autre on le reconnaît à ses fruits. Car l’esprit du mal dont nous avons parlé, fait voir le mal. Il emprisonne dans le système du jugement : je me juge, je juge les autres, je fais des autres mes juges, je fais de Dieu mon juge. Dès lors, on connaît l’inquiétude, le trouble et la tristesse.
Pour ceux qui sont sous la mouvance du Bon Esprit, disons, du Saint Esprit, le fruit est aussi manifeste. Saint Paul l’a longuement décrit au chapitre cinquième de l’épître aux Galates : « Amour, joie, paix, ... ». Pour Ignace, c’est bien de cela qu’il s’agit. Le fruit de l’Esprit sera pour lui avant tout cette marche audacieuse et confiante, l’allégresse. On va de l’avant, on va même au combat, car il faut bien se battre, mais c’est avec un cœur apaisé. On devient capable, sans crispation, de peser le pour et le contre. Pas de hâte intempestive non plus. Il est parfois urgent d’attendre. Il faut voir venir et ne pas se lancer tête baissée pour arracher des résolutions qui ne sont pas encore mûres. (pp. 76-77)

On procédera à une explication de ce texte éclairée par Spinoza dans un post ultérieur.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Dim 31 Jan 2021 - 9:46

Dans le post précédent, Joseph Thomas distingue deux systèmes : le système du jugement et le système de l’allégresse.
Dans le système du jugement, «  je me juge, je juge les autres, je fais des autres mes juges, je fais de Dieu mon juge ».
Ce système, inspiré par l’esprit mauvais, l’Accusateur, emprisonne l’homme.
Spinoza s’en libère avec sa maxime :
Non ridere, non lugere neque detestari, sed intelligere, « Ne pas ricaner, ne pas déplorer, encore moins maudire, mais seulement comprendre ». (Traité politique I 4)

Comprendre, c’est procéder à une critique constructive et non pas seulement destructive comme dans le système du jugement.
On est alors dans le système de l’allégresse, du combat « avec un cœur apaisé » comme l’écrit J. Thomas.

On pense à René Char : « Enfin, si tu détruis, que ce soit avec des outils nuptiaux ».

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par baptiste Lun 1 Fév 2021 - 9:04

denis_h a écrit:à mon humble avis le vrai divorce n'est pas entre science et philosophie,

mais entre religion et philosophie.

non ?

Puisque personne ne s’en charge, je vais tenter une réponse la plus brève possible. Le discours scientifique est un discours élaboré en partage après d’âpres discussions, ayant le monde pour objet il est obtenu en suivant une méthodologie contraignante et usant d’outils d’investigation spécifiques. C’est un discours visant à proposer une vision objective du monde indépendante de l’individu qui la pense. Le discours philosophique est un discours personnel, construit selon des méthodes diverses et parfois contradictoires, fondamentalement une intuition rationnelle et un exposé logique en sont la base, mais c’est surtout un discours visant à se forger une vision du monde personnelle,  une vision qui permets à celui qui l’élabore d’avancer dans la vie malgré les nombreuses questions sans réponse. Comment ferait-on pour comparer les deux ?

Par contre dans le monde occidental ce qui sépare les religions du livre et la philosophie est aussi mince qu’une feuille de papier à cigarette. La culture occidentale qui est une pensée essentiellement causale s’appuie sur un certain nombre d’invariants culturels communs aux religions et à la philosophie, entre autre la création ex nihilo que ce soit par le Dieu de Moïse ou la cause nécessaire d’Aristote, la fixité des espèces, soit quels aient été créées par Dieu soit quelles procèdent d’essences fixes et transcendantes chez Platon, le dualisme corps et esprit chez l’un ou corps et âme chez l’autre enfin l’incommensurabilité de l’humain au reste de la nature. Cela n’a rien d’étonnant compte tenu que les pères de l’église ont recyclé le matériel conceptuel qu’ils avaient appris de la philosophie antique, d’abord les stoïciens et Platon et l’emprunt du système trinitaire par Augustin puis plus tard Aristote avec Thomas d’Aquin. Spinoza ou Descartes, mais pas seulement, sont des illustrations parfaites de cette perméabilité absolue entre discours philosophiques et religieux.

Mais ces invariants ne sont pas une voie obligée pour décrire le monde, la culture chinoise par exemple,qui n'est pas une pensée causale, n’a jamais cru en une création ex-nihilo ni en la fixité des espèces, ni en l’existence d’une âme immortelle, c’est pourquoi la pensée chinoise n’a pas eu besoin de Dieu ni  bien entendu de la mort de Dieu qui semble si problématique à certains. 

Il n’ y a pas divorce entre sciences et philosophie, la science est un système de connaissances partagées qui a hérité de la philosophie la logique, l’analyse méthodologique. Il y a simplement la volonté de certains de tenir à l’écart un discours scientifique qui remet en cause certain fondements de leur vision du monde, les fondements  culturels qui la sous-tendent et ont du mal à justifier cette position par des arguments rationnels.
 
Ce n’est pas un discours original il est librement inspiré de la lecture de Philippe Descola, François Jullien, Jean-Marie Shaeffer, il n’ y a pas que maître MO dans la philosophie française contemporaine.

baptiste
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 2868
Date d'inscription : 21/03/2012

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Lun 1 Fév 2021 - 9:32

Joseph Thomas rappelle la parole de Saint Paul :
« Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Cor 3,17)
Il commente :

Joseph Thomas a écrit:C’est dans la mesure où nous serons conduits par l’Esprit que nous serons réellement libres. […] Il ne s’agit plus de savoir quand nos décisions sont réellement libres, mais quand nos décisions sont réellement prises dans la mouvance de l’Esprit de Dieu.

Or, comme ne cesse de le rappeler Ignace de Loyola, être dans la mouvance de l’Esprit de Dieu, c’est en recevoir la consolation spirituelle, être dans l’allégresse.
Selon Spinoza, être dans la joie, c’est ne plus être asservi par une passion triste, en être libéré, devenir plus libre, et le moyen est de mieux connaître nos affects :

Spinoza a écrit:Un affect est donc plus en notre pouvoir, et l’esprit en pâtit d’autant moins, qu’il est plus connu de nous. (E V 3 cor.)

Mieux connaître nos affects, c’est prendre conscience de ce qui nous anime et revient, d’une certaine façon, à « discerner l’Esprit qui nous inspire ».

Qu’il s’agisse de l’Ethique ou de la spiritualité ignatienne, c’est la joie qui nous rend libres.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par hks Lun 1 Fév 2021 - 10:50

baptiste a écrit:et ont du mal à justifier cette position par des arguments rationnels.
ça c'est très occidental comme reproche.

et puis les chinois !!! ah les chinois !!! il n'y a guère plus superstitieux que les chinois.
Les chinois réels ...pas ceux de François Julien (très à la mode et que je n'aime pas vraiment).

_________________
"J'appelle "violence" ce qui excède les capacités d'intégration psychiques et  physiques.
La violence est ce rythme de perturbations non acceptables, du moins pas sans dommages potentiels."  

hks
hks
hks
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 11990
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par denis_h Lun 1 Fév 2021 - 12:00

baptiste a écrit:[

Par contre dans le monde occidental ce qui sépare les religions du livre et la philosophie est aussi mince qu’une feuille de papier à cigarette. La culture occidentale qui est une pensée essentiellement causale s’appuie sur un certain nombre d’invariants culturels communs aux religions et à la philosophie, entre autre la création ex nihilo que ce soit par le Dieu de Moïse ou la cause nécessaire d’Aristote, la fixité des espèces, soit quels aient été créées par Dieu soit quelles procèdent d’essences fixes et transcendantes chez Platon, le dualisme corps et esprit chez l’un ou corps et âme chez l’autre enfin l’incommensurabilité de l’humain au reste de la nature. Cela n’a rien d’étonnant compte tenu que les pères de l’église ont recyclé le matériel conceptuel qu’ils avaient appris de la philosophie antique, d’abord les stoïciens et Platon et l’emprunt du système trinitaire par Augustin puis plus tard Aristote avec Thomas d’Aquin. Spinoza ou Descartes, mais pas seulement, sont des illustrations parfaites de cette perméabilité absolue entre discours philosophiques et religieux.


oui, mais enfin baptiste, vous n'êtes quand même pas sans savoir qu'il existe, avant et après descartes et spinoza, des philosophies ayant entériné le divorce entre religion et philosophie ?... et pas que chez les chinois ou onfray, hein ... dois-je citer des noms ?...
denis_h
denis_h
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 634
Date d'inscription : 24/11/2020

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par denis_h Mar 2 Fév 2021 - 9:55

Vanleers a écrit:Dans le post précédent, Joseph Thomas distingue deux systèmes : le système du jugement et le système de l’allégresse.

je ne comprends pas cette dichotomie. on peut parfaitement juger dans l'allégresse. juger n'implique pas d'être malheureux.

l'allégresse ne garantit nullement de n'être pas cruel ou méchant, ou bête.

voyez ce qu'en dit clément rosset dans son ouvrage consacré à la joie et intitulé "la force majeur", ed de minuit.
denis_h
denis_h
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 634
Date d'inscription : 24/11/2020

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par baptiste Mar 2 Fév 2021 - 12:09

denis_h a écrit:

oui, mais enfin baptiste, vous n'êtes quand même pas sans savoir qu'il existe, avant et après descartes et spinoza, des philosophies ayant entériné le divorce entre religion et philosophie ?... et pas que chez les chinois ou onfray, hein ... dois-je citer des noms ?...


Le divorce entériné…es tu sûr? Je ne rentrerai pas dans un débat qui dépasse mes compétences mais le fait est bien là que certains aujourd’hui encore revendiquent l’usage du syntagme de philosophie chrétienne et que d’autres prétendent qu’il est insensé. Je n’ai pas prétention de trancher, je fais juste remarquer que si ce débat est possible c’est en raison de leur proximité, que les deux font références aux mêmes invariants culturels et que par ailleurs ces invariants sont singuliers à la culture occidentale. S’il y avait eu divorce au XVIIiéme comme tu le dis, on ne devrait plus en parler au XXIième, hors ce n’est pas le cas et il y a une raison à cela. Epicure disait « La philosophie est une pratique discursive qui à la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but » je ne connais pas le Grec, j’ignore le mot original en grec et le sens exact que ce mot pouvait avoir à l’époque, mais si je remplace bonheur par construction d’une vision du monde à laquelle se référer, il me semble que cette citation reflète bien ce que fut l'histoire de la philosophie.


baptiste
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 2868
Date d'inscription : 21/03/2012

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Mar 2 Fév 2021 - 16:21

denis_h a écrit:
Vanleers a écrit:Dans le post précédent, Joseph Thomas distingue deux systèmes : le système du jugement et le système de l’allégresse.

je ne comprends pas cette dichotomie. on peut parfaitement juger dans l'allégresse. juger n'implique pas d'être malheureux.

l'allégresse ne garantit nullement de n'être pas cruel ou méchant, ou bête.

voyez ce qu'en dit clément rosset dans son ouvrage consacré à la joie et intitulé "la force majeur", ed de minuit.

Le système du jugement dont parle Joseph Thomas est celui de l’Accusateur qui condamne toute chose.
Dans le système de l’allégresse, il y a place pour une critique constructive, sans haine et sans tristesse d’aucune sorte.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Jeu 4 Fév 2021 - 9:42

La spiritualité ignatienne invite à prendre conscience que l’homme est dans la mouvance de deux esprits : le bon et le mauvais qui apportent respectivement la consolation et la désolation spirituelles.
Chacun, qu’il soit croyant ou pas, est invité à faire cette expérience et à l’interpréter à sa façon.
L’Ethique de Spinoza pose aussi que la vie affective est régie par deux pôles antagonistes : la joie et la tristesse.
L’expérience des deux esprits devient chrétienne lorsqu’elle est mise en rapport avec l’Evangile qui proclame que Dieu est la Vie (Zôê) qui veut le bonheur de l’homme et que le Christ en est une incarnation.

Comprendre l’expérience des deux esprits en la mettant en rapport avec l’Evangile est une option métaphysique au sens de Popper : non testable mais discutable et soutenable rationnellement quoique indémontrable.
Elle ne peut être jugée qu’à ses fruits.

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3969
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 16 Empty Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 16 sur 40 Précédent  1 ... 9 ... 15, 16, 17 ... 28 ... 40  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum