L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

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Message par denis_h Mar 7 Déc 2021 - 10:21

Vanleers a écrit:
Il m’est alors apparu que le christianisme est en réalité un eudémonisme, ce que la plupart de nos contemporains ne voient plus, l’esprit obscurci par des superstitions attristantes.


pouvez-vous donner quelques exemples de ces "superstitions attristantes" ?

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Message par denis_h Mar 7 Déc 2021 - 10:38

Vanleers a écrit:
Constatant que l’hypothèse n’est ni vérifiable, ni réfutable, je prends la décision, à mes risques et périls, de la poser comme vraie.
C’est une décision comme l’est la foi, c’est-à-dire la confiance que l’on fait en un Dieu.

oui, il s'agit donc bien d'autosuggestion, comme dans la méthode Coué.
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Message par hks Mar 7 Déc 2021 - 13:59

à Vanleers

Il me semble bien qu' à un certain niveau "d'élévation religieuse ", il s établisse une relation de confiance entre le sujet et l'image de Dieu .
Autrement dit Dieu aime cet homme spirituel qui aime Dieu.

Je vois mal le mystique s 'engager dans une relation conflictuelle avec un Dieu adverse ( indifférent ou hostile).
Nous avons donc l'instauration d'un dialogue d'amour.
Ce point est capital et imprègne toute la 5eme partie de l'Ethique de Spinoza. Ce n'est pas démontrable c' est seulement montrable .
Ce qui suffit.

Partant de là,
seriez-vous né dans une autre tradition religieuse, vous auriez probablement une autre hypothèse sur "Dieu révélé"...
une autre hypothèse culturellement marquée.

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Message par hks Mar 7 Déc 2021 - 14:05

PS
Vanleers a écrit:Constatant que l’hypothèse n’est ni vérifiable, ni réfutable, je prends la décision, à mes risques et périls, de la poser comme vraie.
Chez vous qui refusez l'idée de libre arbitre il y a comme une contradiction.
Moi j'opte, pour le coup, pour une détermination culturelle.

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Message par neopilina Mar 7 Déc 2021 - 15:05

Pour les besoins de la cause !, du raisonnement, j'intervertis l'ordre des citations.

hks a écrit:Partant de là, seriez-vous [Vanleers] né dans une autre tradition religieuse, vous auriez probablement une autre hypothèse sur "Dieu révélé", une autre hypothèse culturellement marquée.

C'est évident. A partir de là, on cessera de mépriser, d'assassiner, etc., celles et ceux qui n'ont pas la même spiritualité (je vais le dire comme ça aujourd'hui) que nous. La première école que j'ai fréquenté était tenu par des religieux, même le type qui balayait la cour, avec un grand balai de bruyère (celui des sorcières !!), s'occupait des poubelles, était un frère (cette école existe toujours, mais il n'y a plus un seul frère). Finalement, " tous ces gens " (et ça va " loin ", " tous ces gens ", il y a des gens de ma famille) m'ont immunisé contre le monothéisme des Livres. C'est dans la nature, dans les livres, que je trouverais le Dieu. Et même plus tard, le Christ, sans ces intercesseur-bis (a contrario, les Prophètes, les Evangiles, etc., sont des primo-intercesseurs).

hks a écrit:Il me semble bien qu'à un certain niveau "d'élévation religieuse", il s'établisse une relation de confiance entre le sujet et l'image de Dieu.
Autrement dit Dieu aime cet homme spirituel qui aime Dieu.

Et donc, en référence à la première citation, la seconde, ci-dessus, est déjà connotée : je vis une telle Relation, mais pour la qualifier, je n'utiliserais pas les termes " religieuse " et " amour ". Quant à " confiance ", je ne le dirais pas comme ça. De la part du Dieu il n'y a, évidemment, absolument rien à redire. Mais ça ne vaut pas pour Moi.

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par Vanleers Mar 7 Déc 2021 - 16:40

Je poursuis le message que je terminais en écrivant  :

« Reprenant R. Bouveresse, je dirais que cette hypothèse est une perspective sur le monde, qu’elle entre dans une certaine vision du monde (Weltanschauung). »

Le christianisme, en particulier celui qui est explicité par Ignace de Loyola, est une perspective sur le monde, une vision religieuse du monde.
C’est également le cas de l’Ethique qui culmine dans la dernière partie de l’ouvrage dans laquelle Spinoza propose au lecteur de passer d’une vision profane à une vision religieuse du monde.
Précisons qu’il faut entendre ici « religion » au sens que lui donne Spinoza :

Spinoza a écrit:Je rapporte à la Religion tous les désirs et toutes les actions dont nous sommes cause en tant que nous avons l’idée de Dieu, c’est-à-dire en tant que nous connaissons Dieu (E IV 37 sc. 1)

Dans une vision religieuse du monde, toute chose est vue « en Dieu », ce qui change la nature de la relation aux choses et on ira jusqu’à dire, en se référant à E V 36, que : « Dieu en moi aime Dieu en l’autre ».
Cette idée est déjà amorcée dans la partie II de l’Ethique :

Spinoza a écrit:Il s’ensuit que l’âme humaine est une partie de l’entendement infini de Dieu : et par suite, quand nous disons que l’âme humaine perçoit ceci ou cela, nous ne disons rien d’autre sinon que Dieu, non pas en tant qu’il est infini mais en tant qu’il s’explique par la nature de l’âme humaine, autrement dit en tant qu’il constitue l’essence de l’âme humaine, a telle ou telle idée ; et quand nous disons que Dieu a telle ou telle idée non pas seulement en tant qu’il constitue la nature de l’âme  humaine, mais en tant qu’il a aussi, en même temps que l’âme humaine, l’idée d’une autre chose, alors nous disons que l’âme humaine perçoit la chose partiellement, autrement dit inadéquatement. (E II 11 cor.)

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Message par Vanleers Mar 7 Déc 2021 - 16:46

hks a écrit:PS
Vanleers a écrit:Constatant que l’hypothèse n’est ni vérifiable, ni réfutable, je prends la décision, à mes risques et périls, de la poser comme vraie.
Chez vous qui refusez l'idée de libre arbitre il y a comme une contradiction.
Moi j'opte, pour le coup, pour une détermination culturelle.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’Ethique de Spinoza est une éthique de la liberté, la liberté n’étant pas conçue comme un libre arbitre.
Il en a déjà été beaucoup question sur le forum et je n’y reviens pas.

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Message par hks Mar 7 Déc 2021 - 18:30

Vanleers a écrit:je prends la décision, à mes risques et périls, de la poser comme vraie.


Un choix sans motivation me parait relever du libre arbitre. L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 28 3438808084

Si néanmoins  vous voyez une motivation à la décision,  alors nous revenons à mon explication par les causes culturelles.

Constater que l’hypothèse n’est ni vérifiable, ni réfutable est insuffisant, et plus que ça, cela n'a rien à voir avec la question.
Autrement dit on n'opte pas pour une religion parce que
c'est une hypothèse invérifiable
(ce qui est le cas en science)

Mais néanmoins j'opte.
J'opte pour certaines raisons  et/ ou par l'activité de certaines causes.
Je le redis, que ’hypothèse soit ni vérifiable, ni réfutable, est insuffisant pour se déterminer sur telle ou telle hypothèses.

Ce qui (dit entre parenthèses) dédouanerait  les thèses métaphysiques de toutes causes .(dédouanerait de l'obligation d'en rechercher)
Parce que non testables elles seraient sans causes, ce qui est  irrationnel.
Idem donc des choix religieux /confessionnels.

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Message par denis_h Mer 8 Déc 2021 - 9:24

denis_h a écrit:
Vanleers a écrit:
Il m’est alors apparu que le christianisme est en réalité un eudémonisme, ce que la plupart de nos contemporains ne voient plus, l’esprit obscurci par des superstitions attristantes.


pouvez-vous donner quelques exemples de ces "superstitions attristantes" ?
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Message par Vanleers Mer 8 Déc 2021 - 16:43

hks a écrit:
Vanleers a écrit:je prends la décision, à mes risques et périls, de la poser comme vraie.


Un choix sans motivation me parait relever du libre arbitre. L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 28 3438808084

Si néanmoins  vous voyez une motivation à la décision,  alors nous revenons à mon explication par les causes culturelles.


Cette décision entre dans le cadre plus vaste du choix de la vie contre la mort comme on le trouve exprimé dans la Bible :

« J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, » (Deutéronome 30 19)

Il s’agit évidemment d’un « choix » avec forte « motivation » pour reprendre vos termes, un « choix » essentiel car le désir (conatus) de vivre est l’essence même de l’homme (Spinoza).

Quant au libre arbitre, j’ai déjà répondu.

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Message par hks Mer 8 Déc 2021 - 18:23

Vanleers a écrit:Cette décision entre dans le cadre plus vaste du choix de la vie contre la mort
Le cadre est si élargi que tout ce qui vit y entre. Y entre tout organisme vivant qui exprime son "conatus", mais largement au dépend des autres
Ce qui m'invite à une "vue du monde "  plus contrastée que celle que vous proposez .
Ce sage "qui ne pense à rien moins qu'à la mort",  chaque jour mange et détruit d'autres organismes vivants.
Nietzsche a écrit:C’est son bas-ventre qui empêche l’homme de se considérer comme un dieu.

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Message par Vanleers Jeu 9 Déc 2021 - 9:47

A hks

Le cadre du choix de la vie contre la mort que l’on trouve exprimé dans la Bible (Dt 30 19) est restreint à l’existence humaine.
L’Ethique, comme l’Évangile, posent la question : en quoi consiste une vie véritablement humaine ? et y répondent, à leur façon.
Dans l’avant-dernière proposition de l’Ethique :

Spinoza a écrit:Même si nous ignorions que notre âme est éternelle, nous tiendrions pourtant pour primordial la piété et la religion, et de façon générale tout ce dont nous avons montré dans la quatrième partie le rapport à la résolution et à la générosité.

L’Évangile, en révélant, de façon imagée que le statut ontologique de l’homme est d’être un fils de Dieu indique une voie d’humanisation de la vie humaine.

Dans l’un et l’autre cas, la joie est le signe que l’homme vit d’une vie véritablement humaine, comme le souligne, à sa façon, Clément Rosset :

Clément Rosset a écrit: La simple prise en considération de la réalité, le simple exercice de la réflexion suffisent ici à décourager tout effort, – sauf s’il s’y mêle l’assistance de la joie qui, telle celle du Dieu pascalien, vient se substituer aux forces défaillantes pour faire triompher, in extremis et contre toute attente, la cause la plus faible : ce par l’entremise d’un soutien que Pascal, dans l’apologue terminal de la seconde Provinciale, définit justement comme « secours extraordinaire ». Reste que ce secours de la joie demeure à jamais mystérieux, impénétrable aux yeux mêmes de celui qui en éprouve l’effet bienfaisant. Car au fond rien n’a changé pour lui et il n’en sait pas plus long qu’avant : il n’a aucun argument nouveau à invoquer en faveur de l’existence, il est toujours parfaitement incapable de dire pourquoi ni en vue de quoi il vit, – et cependant il tient désormais la vie pour indiscutablement et éternellement désirable. C’est ce mystère inhérent au goût de vivre que résume un vers d’Hésiode, au début des Travaux et les jours : krupsantès gar ékousi théoi bion anthropoisi, « Les dieux ont caché ce qui fait vivre les hommes. (La force majeure pp. 26-27 – Minuit 1983)

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Message par hks Jeu 9 Déc 2021 - 13:56

Vanleers a écrit: le statut ontologique de l’homme
Cette idée me parait bien trop théorique.
Sur la base d'un concept culturel on en arrive à une admonestation morale, car enfin, c'est bien jeter le discrédit sur ma mélancolie,
fut- elle, parfois, heureuse.

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Message par Vanleers Jeu 9 Déc 2021 - 16:21

hks a écrit:
Vanleers a écrit: le statut ontologique de l’homme
Cette idée me parait bien trop théorique.
Sur la base d'un concept culturel on en arrive à une admonestation morale, car enfin, c'est bien jeter le discrédit sur ma mélancolie,
fut- elle, parfois, heureuse.

Vous tronquez la citation  : « L’Évangile, en révélant, de façon imagée que le statut ontologique de l’homme est d’être un fils de Dieu indique une voie d’humanisation de la vie humaine. », ce qui n’a rien de théorique mais a des conséquences pratiques importantes car cela change notre vision du monde.

Il n’y a aucune admonestation morale dans l’Ethique ni dans l’Évangile qui sont, l'une et l'autre, des éthiques (ethos) et non des morales.
Deleuze a bien explicité cette différence et je cite, une nouvelle fois, un extrait de son cours sur Spinoza :

Gilles Deleuze a écrit:Dans une morale, vous avez toujours l'opération suivante : vous faites quelque chose, vous dites quelque chose, vous le jugez vous-même. C'est le système du jugement. La morale, c'est le système du jugement. Du double jugement, vous vous jugez vous-même et vous êtes jugé. Ceux qui ont le goût de la morale, c'est eux qui ont le goût du jugement. Juger, ça implique toujours une instance supérieure à l'être, ça implique toujours quelque chose de supérieur à une ontologie. Çà implique toujours l'Un plus que l'Être, le Bien qui fait être et qui fait agir, c'est le Bien supérieur à l'Être, c'est l'Un. La valeur exprime cette instance supérieure à l'être. Donc, les valeurs sont l'élément fondamental du système du jugement. Donc, vous vous référez toujours à cette instance supérieure à l'être pour juger.
Dans une éthique, c'est complètement différent, vous ne jugez pas. D'une certaine manière, vous dites : quoi que vous fassiez, vous n'aurez jamais que ce que vous méritez. Quelqu'un dit ou fait quelque chose, vous ne rapportez pas ça à des valeurs. Vous vous demandez comment est-ce que c'est possible, ça ? Comment est-ce possible de manière interne ? En d'autres termes, vous rapportez la chose ou le dire au mode d'existence qu'il implique, qu'il enveloppe en lui-même. Comment il faut être pour dire ça ? Quelle manière d'être ça implique? Vous cherchez les modes d'existence enveloppés, et non pas les valeurs transcendantes. C'est l'opération de l'immanence. (...) Le point de vue d'une éthique c'est : de quoi es-tu capable ? qu'est-ce que tu peux ? D'où, retour à cette espèce de cri de Spinoza : qu'est-ce que peut un corps ? On ne sait jamais d'avance ce que peut un corps. On ne sait jamais comment s'organisent et comment les modes d'existence sont enveloppés dans quelqu'un. Spinoza explique très bien que tel ou tel corps, ce n'est jamais un corps quelconque, c'est qu'est-ce que tu peux, toi ?

http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=137

Quant à la mélancolie, je ne sais pas ce que vous entendez par ce mot.
Pour Spinoza, la mélancolie est la tristesse généralisée (E III 11 sc.).
Il n’y a pas pire et elle est toujours mauvaise (E IV 42).

Maintenant, si la mélancolie vous rend heureux, ne vous en privez pas, comme l’écrit Spinoza à Blyenbergh :

Spinoza (lettre 23 à Blyenbergh) a écrit: […] si quelque homme voit qu’il peut vivre plus commodément suspendu au gibet qu’assis à sa table, il agirait en insensé en ne se pendant pas ; de même qui verrait clairement qu’il peut jouir d’une vie ou d’une essence meilleure en commettant des crimes qu’en s’attachant à la vertu, il serait insensé, lui aussi, s’il s’abstenait de commettre des crimes.

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Message par hks Jeu 9 Déc 2021 - 18:29

à Vanleers

Je voulais suggérer que le statut ontologique de l'homme est de ne pas être séparable de la nature (de son écoumène, de son écoumène et même plus).
C'est pourquoi j'insistais sur le versant prédateur de l'homme au sein même de son écoumène.
En elle même La vie est "un perpétuel dépérir". Ce qui ne serait rien d'affligeant puisque, dépérissant, elle survie constamment;
Certes, mais je ne suis pas LA vie, je suis individué.
La JOIE de la Nature, je veux bien, mais quand il s'agit de la mienne l'affaire est tout autre.

Je trouve assez étrange que vous me fassiez jouer le rôle de Blyenbergh
(théologien calviniste).mais bref... L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 28 177519025

Il y a bien une admonestation morale dans le "soyez heureux ".
Et pourquoi ne serait- il pas nécessaire de ne pas l'être toujours ?
Puisqu'à évidence nous ne les sommes pas toujours (dans la joie)
comment comprendre ce tour d'un malin géni lequel doit bien y trouver son compte.
Dit autrement (et plus crument) La vie demanderait aussi ne pas être toujours dans la joie.

Désolé mais la mélancolie ne me rend pas heureux,
il y a contradiction dans les termes. Toute une sphère d'émotions, de la nostalgie au désespoir n'appartiennent pas à la sphère du bonheur
Vouloir y dénicher un certain plaisir masochiste est excessif.
Non, il y a de vrai malheur et de vrai désespoir, de réelles mélancolies qu'on ne peut pas retourner comme un gant pour y trouver son bonheur.

Je ne fais pas le compte des mérites, je constate .
Que Leopardi soit d'un noir pessimisme n'en fait pas un démon sur la terre et que Pessoa soit mélancolique ne le rend pas moins aimable.

Le désespoir de Kierkegaard monte bien qu'il y a plusieurs demeure dans la maison du Père ( pour parler chrétiennement ) L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 28 2101236583

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Message par Vanleers Lun 13 Déc 2021 - 11:34

Spinoza fait un pas décisif dans la deuxième moitié de la partie V de l’Ethique en introduisant une nouvelle vision du monde : le monde considéré sous l’aspect de l’éternité (sub specie aeternitatis).
Ce pas décisif est explicité dans les propositions 28, 29, 30 et 31 :

Spinoza a écrit:L’effort ou le désir de connaître les choses par le troisième genre de connaissance ne peut pas naître du premier genre de connaissance, mais bien du second.

Tout ce que l’âme comprend sous l’aspect de l’éternité, elle ne le comprend pas du fait qu’elle conçoit l’existence actuelle présente du corps, mais du fait qu’elle conçoit l’essence du corps sous l’aspect de l’éternité.

Notre âme, dans la mesure où elle se connaît elle-même et connaît le corps sous l’aspect de l’éternité, a nécessairement la connaissance de Dieu, et sait qu’elle est en Dieu et se conçoit par Dieu.

Le troisième genre de connaissance dépend, comme de sa cause formelle, de l’âme en tant que l’âme est elle-même éternelle.

Pierre Macherey commente ces quatre propositions.
A propos de la proposition 28 :

Pierre Macherey a écrit:On pourrait dire que la connaissance du second genre met sur le chemin de celle du troisième, qui relance son effort dans une perspective qui n’est plus seulement cognitive, mais éthique, puisqu’elle se définit par la poursuite d’un bien suprême, ce qui réintroduit aussi dans son ordre la considération de l’affectivité, complètement étrangère à la pratique de la connaissance scientifique proprement dite. Il faut donc avoir appris par une étude appropriée à déterminer les propriétés des essences des choses pour se laisser progressivement envahir par le désir de comprendre ce que sont en elles-mêmes ces essences d’une compréhension qui ne soit pas seulement théorique mais aussi pratique.

Cette vision sub specie aeternitatis, éthique et affective, est une vision spirituelle du monde au sens de la spiritualité ignatienne.
En référence au combat spirituel selon Ignace :

Adrien Demoustier a écrit:
Adrien Demoustier a écrit:De cet affrontement une leçon se dégage peu à peu. Elle apprend à distinguer, d’une part ce qui agit d’abord à partir de la tête pour répercuter ensuite dans l’affectivité et finalement l’être tout entier en provoquant le désaccord et la division de l’être, et, d’autre part ce qui se vit à la fois dans la tête et dans l’affectivité selon un mouvement qui les accorde l’une à l’autre. Il convient donc de distinguer ce qu’on peut appeler l’activité mentale et l’activité affective ou psychique à laquelle sont liées des réactions corporelles.
Selon la tradition spirituelle, le cœur n’est pas d’abord l’affectivité, mais plus précisément le centre à partir duquel l’unité de ces deux dimensions peut se faire. (op. cit. p. 69)

On peut faire une expérience particulièrement vive de la connaissance du monde sub specie aeternitatis dans une séance de biodanza, « Espace dans lequel le temps n’existe plus et où nous sommes nous-mêmes, ici et maintenant et pour l’éternité » (Rolando Toro, fondateur de la biodanza).
Pour reprendre les termes de P. Macherey, nous comprenons les essences éternelles des personnes rencontrées, dans une compréhension non seulement théorique mais aussi pratique (affective).

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Message par Vanleers Mar 14 Déc 2021 - 9:09

Chantal Jaquet rappelle que, chez Spinoza, l’éternité n’appartient pas qu’à Dieu mais aussi aux choses finies car elles peuvent être conçues sub specie aeternitatis :

Chantal Jaquet a écrit:Qu’elle exprime l’existence nécessaire, ou la simple nécessité d’exister, l’éternité cesse d’être un monopole divin pour devenir aussi une propriété de l’entendement humain. Propre à l’être dont l’essence enveloppe l’existence, elle appartient également aux modes dont l’essence n’enveloppe pourtant pas l’existence. Ceux-ci peuvent en effet être conçus sub specie aeternitatis, c’est-à-dire d’une manière telle que par l’essence de Dieu, ils enveloppent l’existence, ainsi que le montre la proposition XXX de la partie V. En ce sens, la philosophie spinoziste est moins une pensée du salut dans et par le temps, qu’une pensée du salut « en l’éternité », selon la formule de Mallarmé.

https://books.openedition.org/psorbonne/145?lang=fr

Le salut dont parle le scolie d’Ethique V 36 n’est autre que la connaissance que nous sommes « en l’éternité » de Dieu, d’où la référence au premier vers du poème de Mallarmé :

Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,

https://www.etudes-litteraires.com/mallarme-tombeau-edgar-poe.php

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Message par hks Mar 14 Déc 2021 - 19:21

Ce passage d'un texte de Chantal Jaquet (ses textes sont remarquables) me pose un sérieux problème
https://books.openedition.org/psorbonne/144?lang=fr
ce n'est pas dans le texte que vous citez mais dans celui qui le précède

C Jaquet a écrit:Du même coup, la durée ne peut appartenir qu’à un être dont l’essence est distincte de l’existence. C’est pourquoi elle est l’attribut sous lequel nous concevons l’existence des choses créées. En effet, pour les êtres créés, l’essence n’enveloppe pas l’existence nécessaire, mais seulement une existence possible ; autrement dit, il peut se faire qu’un individu, quelle que soit son essence, existe ou n’existe pas actuellement. Pas plus que l’existence, la durée des choses créées n’est comprise dans leur essence et n’en dépend.

Son commentaire semble juste ...

C'est alors cette distinction de l'essence et de l'existence pour les choses créées qui m'interroge.
Et d'autant plus fortement qu'elle introduit une faille dans le panthéisme, autrement dit :en introduisant une distinction ontologique entre la naturante et la naturée.

A l'appuie Jaquet cite Spinoza
Spinoza a écrit:« Personne ne dira jamais que l’essence du cercle ou du triangle, en tant qu’elle est une vérité éternelle a duré un temps plus long maintenant qu’au temps d’Adam. »

Certes, mais on n'a jamais vu LE cercle ou LE triangle exister.

Si ce qui existe est dans la durée (certes)
que penser de ce monde des essences et qui auraient l'existence sans durée en tant que vérités éternelles ?
Un monde qui doublerait celui des choses factuellement existantes, celles dont l'essence serait distinguable de l'existence (les modes )

Spinoza est là dessus beaucoup plus platonicien qu'il ne semble, mais dans ce cas la substance unique perde de son homogénéité.


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Message par Vanleers Mar 14 Déc 2021 - 21:03

A hks

Selon Spinoza, il y a deux manières de concevoir l’existence, ce qu’il développe dans le scolie d’E V 29 qui se réfère au scolie d’E II 45.
Cela est simple et clair et répond à votre perplexité.

Quant à la distinction entre Nature naturante et Nature naturée, je cite, à nouveau, deux passages du livre de Pascal Sévérac :

Pascal Sévérac a écrit:L’une des grandes difficultés du spinozisme est sans doute de comprendre cette altérité sans distance entre la cause substantielle et ses effets modaux : altérité, car en toute rigueur l’essence divine n’est pas la même chose que l’essence modale ; sans distance, parce que cette altérité ne signifie aucune extériorité. Pourquoi n’est-ce pas la même chose ? Parce qu’entre Dieu et ses modes ne passe pas une distinction de raison mais une distinction modale : Dieu peut être clairement et distinctement conçu sans ses modes ; ceux-ci ne le peuvent sans lui (p. 54)

Expliquant le scolie d’Ethique I 29 dans lequel Spinoza reprend la distinction scolastique entre Nature naturante et Nature naturée :

Pascal Sévérac a écrit: Le mode n’est pas causa sui, il n’est pas causa libera : il demeure toujours une chose coacta.
Coactus signifie “ contraint ”, “ forcé ”, mais aussi et surtout “ coagi ”. Rien ne se fait sans l’action de Dieu entendu comme nature naturante ; toute opération modale est une coopération. Telle est donc la différence fondamentale entre la Nature naturante, qui agit par soi, et la Nature naturée, qui agit par elle – qui coagit ou qui est “ coagie ” : entre les deux, répétons-le, existe une distinction modale et non de raison. Nature naturante et Nature naturée ne sont pas deux entités fondamentalement identiques, qui se distingueraient seulement par les points de vue qu’on peut prendre sur une même Nature : si c’était le cas, alors la nature naturante ne pourrait pas adéquatement se concevoir sans la nature naturée, les attributs ne pourraient pas se concevoir sans les modes, finis ou infinis.
L’immanence n’est donc pas l’identité de la Nature naturante et de la Nature naturée ; elle est l’absence de distinction réelle entre les deux, qui n’est pas exclusive d’une distinction modale. (p. 56)

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Message par hks Mar 14 Déc 2021 - 21:48

Spinoza a écrit:pars 2, prop 44, cor 2 - Il est de la nature de la Raison de percevoir les choses sous une certaine espèce d'éternité.
ce qui est admissible
mais pour moi la durée est concevable sous une espèce d éternité.
car j'inverse ce que dit Spinoza
pars 5, prop 29, demo  - En tant que l’Esprit conçoit l’existence présente de son Corps, il conçoit la durée, celle-ci pouvant être déterminée par le temps,
ce n'est pas le temps qui détermine la durée mais l'inverse.
Les durées incitent, certes, à concevoir un devenir (le temps) mais on peut aussi les concevoir comme éternelles.
Ces faits qui durent ne sont alors pas inscrits dans un devenir plus large qui les engloberait, mais dans l'éternité.

Bien entendu, il faut d'abord admettre qu'il y ait des faits

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Message par Vanleers Mer 15 Déc 2021 - 9:04

A hks

Pour Spinoza, le temps est un simple auxiliaire de l’imagination, une mesure de la durée des choses finies.
Dans le texte que j’ai déjà cité :

Chantal Jaquet a écrit:Spinoza, d’autre part, ne proscrit pas tout recours à une évaluation quantitative. S’il abandonne complètement l’idée que l’éternité soit une mesure de la durée divine, il conserve, en revanche, l’idée que le temps soit une mesure de la durée des choses finies. Comme les choses créées se font connaître à nous par l’intermédiaire de la durée, il n’est guère étonnant de voir que nous portions une extrême attention à cette affection, que nous comparions les degrés de longévité des êtres et forgions des modes de penser destinés à la mesurer. C’est ce qui ressort du chapitre X de la deuxième partie des Pensées métaphysiques consacré à la Création. Spinoza émet toutefois des réserves à ce sujet, car immédiatement après avoir rappelé que « le temps est la mesure de la durée », il se ravise en rajoutant « ou plutôt il n’est rien qu’un mode de penser ». Cette précision obéit, semble-t-il, à un double impératif. Elle est destinée à prévenir l’erreur qui consisterait à hypostasier le temps en lui accordant une réalité objective et un statut d’étalon existant en acte hors de la pensée. Elle a également pour fonction de rectifier ce qu’a d’inadéquat l’emploi du terme mesure. À rigoureusement parler, la mesure est un mode du penser qui s’applique à la quantité continue alors que le nombre s’applique à la quantité discrète et le temps à la durée. Il n’est pas illégitime de se représenter la durée comme une espèce de quantité continue puisque, par définition, elle exprime la persévérance dans l’existence. Cependant, cette « continuité indéfinie d’existence » n’est réductible à une quantité mesurable que nonobstant une certaine abstraction. L’existence, en effet, ne se résume pas à une simple quantité d’efforts, mais se jauge également à l’aune de la qualité de sa puissance. En outre, elle ne doit pas être conçue de manière isolée, indépendamment de la nécessité de la nature de Dieu. Or, toute mesure implique une délimitation et partant, une certaine séparation. Elle requiert donc que l’on fasse abstraction du lien indissociable entre la substance et ses modes. Voilà pourquoi le terme de mesure appliqué au temps tendra à disparaître au profit du concept de détermination.

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Message par Vanleers Mer 15 Déc 2021 - 9:39

Je reviens sur une phrase du commentaire de Pascal Sévérac sur l’Ethique :

Pascal Sévérac a écrit:L’immanence n’est donc pas l’identité de la Nature naturante et de la Nature naturée ; elle est l’absence de distinction réelle entre les deux, qui n’est pas exclusive d’une distinction modale.

Sachant que, pour Spinoza, la Nature c’est Dieu (Deus sive Natura), le Dieu de l’Ethique, immanent mais non identique à sa création, peut être rapproché du Dieu de l’Évangile, transcendant mais intime à l’homme selon le mot d’Augustin :

Saint Augustin a écrit:Tu autem eras interior intimo meo et superior summo meo
« Mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même et plus élevé que les cimes de moi-même » (Confessions III, 6, 11)

L’enseignement de Jésus-Christ est d’avoir révélé de façon imagée la divinité de l’homme : « Tout homme est un fils de Dieu », ce qui se traduit dans l’Ethique par : « Tout homme est un mode de Dieu »

Cette relecture du message évangélique à la lumière de l’Ethique nous sort de la lecture mythologique qui a toujours plus ou moins prévalu dans les Eglises depuis leur naissance.

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Message par denis_h Mer 15 Déc 2021 - 11:47

à vanleers,

est-ce que vous scannez les citations que vous mettez,

ou bien vous les recopiez patiemment avec vos petits doigts ? ...

dans ce cas votre effort mérite considération. L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 28 992541356
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Message par hks Mer 15 Déc 2021 - 12:49

Vanleers a écrit:Sachant que, pour Spinoza, la Nature c’est Dieu (Deus sive Natura), le Dieu de l’Ethique, immanent mais non identique à sa création,
si jai bien compris Sévérac vous faites une distinction modale.


Spinoza a écrit:Quant à la première sorte de distinction modale on la reconnaît à ce que, la substance pouvant être conçue sans son mode, le mode ne peut l’être sans la substance.
Pensées métaphysiques
Deuxième partie, chapitre V :
De la simplicité de Dieu


Pour moi le problème est simple, je ne peux pas concevoir la substance sans son ou ses modes.
Sinon ce serait croire en Dieu distinct de la création et je n'y crois pas.

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Message par Vanleers Mer 15 Déc 2021 - 16:41

A hks

En effet, dans la philosophie de Spinoza, il n’y a pas de distinction réelle mais seulement une distinction modale entre Dieu et sa création.
Vous ne pouvez pas le concevoir et vous butez sur cette difficulté qui est grande car, je cite à nouveau Sévérac :

Pascal Sévérac a écrit:L’une des grandes difficultés du spinozisme est sans doute de comprendre cette altérité sans distance entre la cause substantielle et ses effets modaux : altérité, car en toute rigueur l’essence divine n’est pas la même chose que l’essence modale ; sans distance, parce que cette altérité ne signifie aucune extériorité. Pourquoi n’est-ce pas la même chose ? Parce qu’entre Dieu et ses modes ne passe pas une distinction de raison mais une distinction modale : Dieu peut être clairement et distinctement conçu sans ses modes ; ceux-ci ne le peuvent sans lui (p. 54)

Vous savez que la même difficulté apparaît dans le corollaire d’E II 11 :

Spinoza a écrit:Il s’ensuit que l’âme humaine est une partie de l’entendement infini de Dieu : et par suite, quand nous disons que l’âme humaine perçoit ceci ou cela, nous ne disons rien d’autre sinon que Dieu, non pas en tant qu’il est infini mais en tant qu’il s’explique par la nature de l’âme humaine, autrement dit en tant qu’il constitue l’essence de l’âme humaine, a telle ou telle idée ; et quand nous disons que Dieu a telle ou telle idée non pas seulement en tant qu’il constitue la nature de l’âme  humaine, mais en tant qu’il a aussi, en même temps que l’âme humaine, l’idée d’une autre chose, alors nous disons que l’âme humaine perçoit la chose partiellement, autrement dit inadéquatement. (E II 11 cor.)

Dans le scolie qui suit immédiatement le corollaire, Spinoza met en garde le lecteur :

Spinoza a écrit:Ici sans aucun doute les lecteurs hésiteront et bien des choses qu’ils imagineront viendront les arrêter ; c’est la raison pour laquelle je les prie d’avancer avec moi pas à pas, et de ne pas se prononcer sur ces points avant d’avoir tout lu en détail.

Ce verrou doit être levé si l’on veut comprendre complètement Spinoza et, aussi, si l’on veut relire l’Évangile dans la perspective ouverte par l’Ethique.

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Message par hks Mer 15 Déc 2021 - 23:30

Spinoza termine quand même son exposé sur les distinctions "réelles et modales" par ceci:

Spinoza a écrit:Nous n’avons cure d’ailleurs du fatras des distinctions des Péripatéticiens ; passons donc à la vie de Dieu.

bref replongeons dans ce fatras L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 28 177519025


severac a écrit:Dieu peut être clairement et distinctement conçu sans ses modes ;

Si vous voulez mais quel est alors le concept ?
il est celui de Dieu sans ses modes .
ce qui est concevable mais (et c'est capital) c'est un Dieu que je ne crois pas réel.
Autrement dit ce serait une image que je me ferais de Dieu et je ne crois pas que cette image soit autre chose qu'une image.
L'image du cercle ( ou sous forme abstraite le concept) est certes une image mentale mais je suis certain que même si je ne pense pas le cercle, des choses réellement sont circulaires.
Ce n'est pas le cas pour moi de l'image de Dieu distinct de la création.
Autrement dit l'image est réelle mais ce dont elle est l'image pour moi ne l'est pas .

Que ce soit alors une question de foi religieuse, chez vous comme chez moi ...ça peut être.
............................................

Dieu peut être clairement et distinctement conçu sans ses modes
Disons plutôt : pas sans ses attributs et par suite pas sans ses modes

A la limite (et la limite est au commencement de l'Ethique), seule la substance peut être conçue sans rien d'autre.
Spinoza a écrit:Par substance j'entends ce qui est en soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont le concept n'exige pas le concept d'une autre chose, à partir duquel il devrait être formé.
def 3
point final
sauf que, évidemment, rien ne sort de cet incomparable.

il s'en suit donc immédiatement l'emploi d'un autre concept celui d'essence
Par attribut j'entends ce que l'entendement perçoit d'une substance comme constituant son essence.
Def 4

A partir de là on entre dans une construction imaginaire ( Dieu etc..)
....................................................................................
Severac a écrit:Parce qu’entre Dieu et ses modes ne passe pas une distinction de raison mais une distinction modale : Dieu peut être clairement et distinctement conçu sans ses modes ; ceux-ci ne le peuvent sans lui
comment cette distinction entre les distinctions peut elle convaincre quand elle produit un résultat tel que ce qui est en est tiré n'est pas crédible.
Parce que pour moi "Dieu distinct de la Nature"  ce n'est pas crédible.

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