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La philosophie de système

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Message par cedric Mer 20 Fév 2013 - 10:34

euthyphron a écrit: A l'horizon de toute tentative de compréhension du réel il y a le système. C'est pourquoi, contrairement à ce que la majorité ici semble penser, repérer un esprit systématique ne nous dit absolument rien de son ouverture d'esprit ni de sa capacité à affronter l'imprévu. A la rigueur, et à rebours, on pourrait le penser mieux armé que les autres, grâce à l'habitude prise d'exercer sa pensée avec une certaine ampleur et hauteur de vues.

Au fond dans ce débat, comme dans la philosophie et son objet en fait, il y a deux choses : d'une part une posture théorique ( abstraite ) et d'autre part une expérience vécue en première personne de la réalité du direct ( mise en présence charnelle à autrui, au monde, social, "naturel"...)

Je pense que tu soulignes quelque chose de très important quand tu dis que, d'une certaine manière, à l'horizon de toute tentative de compréhension du réel il y a le système, d'ailleurs c'est joliment dit ! Mais j'ajoute que, précisément, le paradoxe qui tient dans cette remarque philosophique n'est pas susceptible d'être résolu. Soit tu choisis le surplomb de la théorie, soit tu choisis de privilégier le contact charnel, c'est à dire l'immersion directe et en ce sens, intuitive. Je veux dire, rien, mais alors rien, ne peut te faire choisir l'un plutôt que l'autre.

En fait non, on a tous dans la tronche des systèmes, comment faire autrement ? Mais, mais, un élément anodin peut passer au travers, car il suffit toujours d'un contre exemple, et ce contre exemple, au niveau humain, vaut tout l'or de l'univers, voilà. Il ne faut pas oublier qu'on parle d'hommes, que la philosophie parle des hommes, et que ce qui importe ce sont les hommes. Et la théorie érigée au rang de vérité, c'est la définition, une de ses entrées, dans le totalitarisme, c'est à dire purement étymologiquement, quelque chose qui prétend à une totalité totale, pour ainsi dire. Et en disant cela, je présuppose qu'on ne peut sans doute pas penser la pensée, sans penser les hommes qui la pensent. On ne peut pas envisager la pensée comme une chose en soi, ou difficilement, et alors pourquoi pas mais ça devient très délicat et à prendre avec des pincettes ( à savoir qu'est-ce qu'on fait ou non avec cette pensée en soi, en tout cas pas un système politique ! ) Moi mon criterium, ce sont les hommes, qui priment par rapport à un éventuel monde en soi dont je me branle à fond !

Un des éléments qui pourrait préciser ou centrer la discussion, c'est la temporalité. Je m'accorde avec Heidegger pour accorder une place de premier ordre à cette notion de temporalité, je veux dire à l' "objet" à laquelle cette notion fait référence. Je m'explique : le système, c'est une temporalité figée et passée à l'abstraction, c'est anti-progressiste disons, et même quand ça revendique un progrès métaphysique ( Hegel ), en fait c'est tout simplement contradictoire, la philosophie de l'histoire d'Hegel est contradictoire, en passant, on ne peut pas penser le mouvement dans une forme figée ! On ne peut pas théoriser le mouvement disons, on peut juste l'espérer et y contribuer.
Bref, d'autre part, celui qui essaie de se centrer sur l'instant voit toujours, dans une certaine mesure, ses pensées et théories s'éroder et parfois s'évanouir, car il y a une sorte de richesse du réel qui déborde.

Quelle temporalité choisit-on ? Cela me paraît être la seule question importante, en fait, qui guide et explique le reste. Et je ne suis pas sûr que ce choix soit, pour parler votre langage, rationnel. A préciser.




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Message par cedric Mer 20 Fév 2013 - 10:52

J'ajoute que toute philosophie réellement "moderne", c'est à dire qui prend acte d'une certaine évolution de la pensée philosophique, est une philosophie qui précisément ne se tient plus dans un système, c'est à dire dans la vita contemplativa, mais que c'est une philosophie qui justement doit penser le rapport entre la vita activa et la vita contemplativa qui sont deux données du réel ayant de nombreuses implications dans le monde humain.

Je reprends volontairement des expressions arendtienne car au final Hannah Arendt me paraît la penseuse qui a été le plus loin dans l'analyse philosophique du réel humain à mon sens. Une femme, tient, quasiment la seule de l'histoire de la philosophie ( même si elle répugnait au "titre" de philosophe ). Y'en a deux pour moi, Diotime et Arendt. Mais à elles deux elles rattrapent tous les mecs et leurs machines de guerre philosophique. Cool

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Message par Geo Rum Phil Mer 20 Fév 2013 - 13:20

cedric a écrit: Y'en a deux pour moi, Diotime et Arendt. Mais à elles deux elles rattrapent tous les mecs et leurs machines de guerre philosophique. Cool

Tu as oublié a dire que Diotime, personaje fictif, parla à travers la bouche de Socrate de l'Amour(Éros) dans le Banquet. C'est un bon exemple de la pensée qui tente à se systématiser selon le pricipe dualiste (homme-femme, hétérosexuel-homosexuel, mortalité-immortalité,etc.)...un sort de mariage-parodoxologique pour tous ! Wink
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Message par baptiste Mer 20 Fév 2013 - 23:06

euthyphron a écrit:
Allez, je me lance un peu. Un système, c'est d'abord un artifice de présentation. Cela fait partie de la compétence d'un professeur que d'exprimer sous forme systématique la pensée des grands auteurs, ce qui la rend plus facile à mémoriser. Il est en effet avantageux de ne pas réduire une pensée profonde à une idée vaguement argumentée, mais à préciser les relations entre les différentes intuitions fondamentales. C'est le caractère logique, voire nécessaire, des relations qui fait système.

Quelques noms : Platon, Montaigne, Pascal, Diderot, Kierkegaard, Nietzsche, Wittgenstein, Foucault.

« Un système n'est autre chose que la disposition des différentes parties d'un art ou d'une science dans un ordre où elles se soutiennent mutuellement, et où les dernières s'expliquent par les premières. » disait Condillac. La propriété d’un système philosophique c’est d’être une association d’idées, un ensemble ordonné de concepts, dont le déroulement est censé nous conduire à la vérité. Un système n’existe aussi que parce qu’il est cohérent. Contrairement à ce que tu affirmes un système ne peut être évolutif puisque ce serait admettre qu’il a été faux à un instant donné. C’est pourquoi un système philosophique contient nécessairement sa contradiction, en effet si le but d’un système philosophique est de nous conduire à la vérité, le système philosophique naissant se présente donc à la fois comme une expression nouvelle de la connaissance et comme une tentative d’en arrêter l’évolution. Affirmer la vérité parce qu’elle est adossée à une démarche systémique conduit donc à s’enfermer dans une vue de l’esprit, à s’écarter du réel en perpétuel changement.

Autre problème la prétention à l’objectivité, aucun système ne peut rendre compte du réel dans sa totalité, il faudrait pour être objectif pouvoir se placer à l’extérieur. Aucun système n’en donnera jamais l’explication car il est une construction d’un esprit qui lui-même appartient à ce tout qu’il tente de décrire. Il faudrait sortir du réel pour en rendre compte, ce qui est impossible. Ce qui signifierait aussi que, si on ne peut malheureusement affirmer d’aucun d’entre eux qu’il est vrai, on ne peut pas davantage réussir et on n’a jamais réussi à établir de façon réellement convaincante qu’il est faux.
J’admets que suivre un philosophe dans sa réflexion nous aide également à mieux penser et à développer son propre sens critique mais ceci jusqu’à, paradoxalement, être en mesure de critiquer ce même auteur et réduire son système.
Tu cites Kierkegard, il parlait de « palais vide » à propos des systèmes et au système philosophique abstrait, prétendument universel et objectif de Hegel, il opposait la vérité de l'existence individuelle et la subjectivité.

Cedric, j’avoue n’avoir jamais réussi à me motiver suffisamment pour m’intéresser à la triplicité du temps, pour moi c’est un peu comme on s’intéresse aux échecs, un exercice intellectuel, une gymnastique avec laquelle j’avoue avoir peu d’intérêt.



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Message par cedric Jeu 21 Fév 2013 - 10:09

baptiste a écrit:triplicité du temps, pour moi c’est un peu comme on s’intéresse aux échecs, un exercice intellectuel, une gymnastique avec laquelle j’avoue avoir peu d’intérêt.

C'est quoi la triplicité du temps ?

Dans ce fil il me semble qu'on tombe d'accord, même si ton discours est, si je ne me trompe pas, plutôt formé, informé par un parcours scientifique non ?

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Message par Geo Rum Phil Jeu 21 Fév 2013 - 16:08

par baptiste:
(...) si le but d’un système philosophique est de nous conduire à la vérité, le système philosophique naissant se présente donc à la fois comme une expression nouvelle de la connaissance et comme une tentative d’en arrêter l’évolution.
Si la vérité sera une tentative d'en arrêter son évolution vers l'erreur ou le mensonge, tant mieux ! Wink

par baptiste:
J’admets que suivre un philosophe dans sa réflexion nous aide également à mieux penser et à développer son propre sens critique mais ceci jusqu’à, paradoxalement, être en mesure de critiquer ce même auteur et réduire son système.

Le sophiste-technocrate qui a augmenté/gonflé son système de penser avec tout sort d'aberrations pour tromper son auditeur, il faut reduire son système au même niveau que la petitesse de ses mesquineries.

par baptiste:
(...) j’avoue n’avoir jamais réussi à me motiver suffisamment pour m’intéresser à la triplicité du temps, pour moi c’est un peu comme on s’intéresse aux échecs, un exercice intellectuel, une gymnastique avec laquelle j’avoue avoir peu d’intérêt.

Peu d'intérêt pour la philosophie = triplicité d'échecs mat pour l'exercice intellectuel ! Wink




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Message par Ataraxie Ven 22 Fév 2013 - 3:44

L'intérêt d'un système est le réseau de relations qu'il établit entre des éléments isolés. Le jeu d'échec est un système. Retirez une pièce du système, elle n'est que forme et matière. Remettez-la dans le système, elle devient une valeur. C'est une analogie que Saussure établit avec le système de la langue : tout signe acquiert sa valeur de signe dans le réseau de relations contrastives avec les autres signes. C'est surtout l'idée de "valeur de signe" qui est importante. Lorsqu'on dit que la langue influence la pensée, alors la pensée systémique doit certainement être la plus docile puisqu'elle imite l'ordre interne de la langue (pour autant qu'on admette que celle-ci est effectivement un système, idée qui ne fait pas l'unanimité).

Il y a souvent une indistinction entre "système" et "structure". Néanmoins, j'ai l'impression que "structure" a un sens plus précis et qu'il a surtout été capté par les sciences sociales. Le plus délicat dans ses modèles systémiques reste leur réticence à définir les éléments du système par rapport à une réalité extérieure. Autant pour Saussure je peux le comprendre : il avait décidé, explicitement, que les référents réels seront radicalement exclus de toute science des signes linguistiques. Excluez la réalité, que vous reste-t-il pour comprendre les signes ? Bah les signes entre eux, d'où la nécessité de les aborder selon un point de vue systémique, c'est à dire entre eux uniquement. Pour la linguistique, l'existence d'une distinction préalable entre signe et réalité "facilite" le rejet de tout recours à la réalité. En revanche, pour introduire ce rejet en ethnologie ou en psychanalyse, c'est moins évident. Quand elles ont voulu emprunté ce modèle, il a fallut que ces sciences deviennent, plus ou moins, des sémiologies.

La philosophie a également recours à un discours systémique, mais il s'agit le plus souvent d'une méthode ou d'une technique. Toutes les oppositions du type inné/acquis, absolu/relatif, en droit/en fait, etc. sont des mini-systèmes à deux éléments. On peut aussi parler des systèmes de doctrines (rationalisme/empirisme, idéalisme/réalisme, etc.) mais là ça marche moins bien. Généralement, dans les débats, non seulement on n'est pas d'accord sur la conception des doctrines mais en plus on se dispute pour savoir s'il faut raisonner en termes d'organisation systémique ou pas. Ce second désaccord est souvent en embuscade, sous-entendu et on ne s'en rend pas toujours compte.

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Message par Bergame Ven 22 Fév 2013 - 10:07

Evidemment, sujet foisonnant et passionnant.

Puisqu'on en est à en chercher les fondements implicites, je crois quant à moi qu'une question préalable, qui oriente les points de vue et n'est pas toujours -ou pas encore, dans cette discussion, je crois- abordée est la question de savoir si l'"esprit" humain n'est pas déjà, en lui-meme, un système. Question qui réfère bien entendu à des représentations différenciées de l'"esprit". Par exemple, d'aucuns pourront se représenter l'"esprit" comme un immense réseau de connexions synaptiques, pendant que d'autres mettront l'accent sur sa capacité créative. La réponse à cette question est donc susceptible d'orienter les réflexions sur la possibilité de penser en-dehors d'un système. Car si l'esprit lui-même est système, alors penser en-dehors d'un système semble une impossibilité. Autrement dit, il serait impossible de penser autrement que rationnellement -quoiqu'alors, il faille bien distinguer entre rationalité et rationalisme.

Autre critère de segmentation important, me semble-t-il, sa réciproque : l'univers est-il rationnel, ou non ? Si l'univers, lui aussi, est rationnel, alors il existe une sorte d'homologie spontanée entre l'esprit et l'univers, telle que l'esprit peut, ou plutôt pourra, un jour, comprendre (au sens propre de "prendre avec") la totalité de l'univers -c'est-à-dire que le progrès de la connaissance est possible. Si l'univers n'est pas rationnel, alors l'esprit impose une forme à la matière empirique, chaotique et infinie, et il n'est capable que de comprendre cette forme -le reste lui échappe, et lui échappera indéfiniment.

On pourrait alors dresser un tableau à double entrée (bel esprit de système, n'est-ce pas ?), et seule la case "esprit non-systémique" / "univers irrationnel" me semblerait pouvoir mériter la désignation d'"obscurantisme" -quoiqu'en fait, il me semble qu'elle mériterait plus exactement le titre de "poésie".
Mais que la poésie soit l'adversaire de la philosophie, c'est une idée platonicienne -ou peut-être socratique, d'ailleurs- mais elle est sans doute discutable également -et je crois qu'elle l'est ! Et que, bien sûr, l'un des participants les plus subtils et les plus profonds à cette discussion, c'est Nietzsche.

De même, Ataraxie, lorsque tu dis que Saussure a "décidé" que le rapport entre signifiant et signifié était arbitraire, il me sembe que tu prends déjà position dans cette discussion -mais aussi, comment faire autrement ? Pour moi, qui me situerais sans doute dans une case "esprit systémique" / "univers irrationnel", une case que j'appellerais "kantienne", Saussure n'a rien "décidé", il a reconnu que le rapport entre signifiant et signifié était arbitraire. Et d'ailleurs -mais je soumets cette idée à ton autorité, en la matière- je ne crois pas que Saussure, dans son Cours, présente cette idée comme une décision, mais bien comme une observation, qu'il appuie d'exemples concrets. Autrement dit, je crois que Saussure était kantien.

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Message par Geo Rum Phil Ven 22 Fév 2013 - 13:24

Ataraxie a écrit: La philosophie a également recours à un discours systémique, mais il s'agit le plus souvent d'une méthode ou d'une technique. Toutes les oppositions du type inné/acquis, absolu/relatif, en droit/en fait, etc. sont des mini-systèmes à deux éléments.

Dépourvu d'analyse et synthèse, les mini-systèmes styl thèse/antithèse (au péjoratif_débat contradictoire) a donné naissance à tout sort de mini-esprits de la mesquinerie.

Exemple d'interaction systèmique (Saussure-Lacan-Freud) pour faire augmenter le savoir...(grands esprits-grand savoir).

Le «signe lingustique» de Saussure est représenté par l'algorithme s/S qui matérialise l'union d'un concept, le signifié (s), à une image accustique, le signifiant (S).

L'algorithme va être inversé, et devenir S/s. Lacan veut mettre en évidence ce qu'il appelle la «suprématie du Signifiant sur le signifié».

La barre de l'algorithme situé entre S et s, représente la «résistence à la signification», où l'on retrouve l'idée freudienne de «censure».

Avec l'avertissement de Magritte...

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Message par Ataraxie Ven 22 Fév 2013 - 21:46

Bergame a écrit:De même, Ataraxie, lorsque tu dis que Saussure a "décidé" que le rapport entre signifiant et signifié était arbitraire, il me sembe que tu prends déjà position dans cette discussion -mais aussi, comment faire autrement ? Pour moi, qui me situerais sans doute dans une case "esprit systémique" / "univers irrationnel", une case que j'appellerais "kantienne", Saussure n'a rien "décidé", il a reconnu que le rapport entre signifiant et signifié était arbitraire. Et d'ailleurs -mais je soumets cette idée à ton autorité, en la matière- je ne crois pas que Saussure, dans son Cours, présente cette idée comme une décision, mais bien comme une observation, qu'il appuie d'exemples concrets. Autrement dit, je crois que Saussure était kantien.
Je ne comprends pas pourquoi on parle d'arbitraire du signe. Décider d'exclure la réalité n'a rien à avoir avec l'arbitraire du signe saussurien. La réalité ne fait pas du tout partie des concepts impliqués dans cette théorie de l'arbitraire. version Saussure. L'arbitraire du signe saussurien concerne le lien entre signifiant et signifié, pas celui entre le signe et la chose. Le signifiant (=forme abstraite impossible à percevoir sensiblement) et le signifié (concept) sont indéfectiblement liés par un rapport arbitraire. La totalité signifiant+signifié forme le signe. Ce signe, qui est donc la somme du signifiant et du signifié, peut à son tour entrer en lien avec une chose du monde, une réalité mondaine (le référent) par un lien qui, lui aussi, est arbitraire. Ce second lien arbitraire, qui est le plus ancien et le plus classique, n'intéresse pas du tout Saussure parce qu'il est effectivement admis depuis longtemps. Autrement dit, l'arbitraire du signe saussurien n'est pas un arbitraire de désignation mais de structuration interne de la langue.

On sait que la démarche de Saussure est une revendication indépendantiste pour la science linguistique. Il veut extirper l'étude de la langue des griffes des autres disciplines, en particulier de celles de la psychologie, pour créer une science linguistique autonome. Sur ce point, il bénéficie des travaux de la philosophie analytique. Dans cette perspective, il fait le choix d'abandonner la référence à la réalité car il considère que l'avenir de la science linguistique n'est pas dans l'étude des rapports des mots aux choses. Ce créneau est déjà occupé par la psychologie et la philosophie. En plus, à son époque, l'étude du langage est largement imbibée d'évolutionnisme, d'historicisme, d'organicisme et de romantisme germanique (de telle sorte qu'elle va défendre le mythe aryen). Avec le structuralisme et le concept de système, il espère offrir un nouveau départ à l'étude du langage. Je veux dire par là, que ce choix du système coupé du monde, ainsi que celui de rapatrier l'arbitraire du signe à l'intérieure du système, n'est pas innocent, il y a une part de politique scientifique dans tout ça.

Sauf que depuis 40 ans, on revient en arrière sur cette approche radicalement immanente du langage. On a inventé la "psycho-linguistique", la "socio-linguistique", l' "ethno-linguistique" ou la "linguistique énonciative" (dont 50% reposent sur l'analyse du contexte extralinguistique...). En fait, on a fini par admettre que le langage est un objet transversal à trop de disciplines pour être restreint à une étude seulement systémique. Tout le monde s'intéresse à cet objet : psychologie, philosophie, neurologie, littérature, histoire, physique acoustique, sociologie, ethnologie, psychanalyse, politique, didactique, communication, etc. et le structuralisme n'est pas exportable dans des disciplines qui ont une antériorité déjà bien établie. Bien sûr cette immanence systémique constituait aussi une sorte de règle d'hygiène scientifique pour Saussure mais on se rend compte qu'elle n'est pas tenable si on veut comprendre l'homme en tant qu'il parle.

PS : le Cours de Linguistique de Générale n'a pas été écrit par Saussure mais par deux de ses étudiants à partir de leurs notes de cours, ce qui pose des problèmes évidents.


Dernière édition par Ataraxie le Ven 22 Fév 2013 - 23:27, édité 5 fois
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Message par hks Ven 22 Fév 2013 - 23:01

http://mcv.revues.org/227
Note sur le dogme de l’arbitraire du signe et ses possibles motivations idéologiques
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Message par Ataraxie Sam 23 Fév 2013 - 0:16

Mais quelle horreur cet article ! Cette personne a autant de connaissance en linguistique qu'une boîte petit pois !
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Message par hks Sam 23 Fév 2013 - 16:01

à Ataraxie
Mais quelle horreur cet article !
Libre à vous. Je pense que ce qu'on vous dit de Lacan plus haut doit aussi vous scandaliser.

Le fondement épistémologique de la thèse de l'arbitraire est néanmoins troublant. Après tout Saussure conclut à une absence de causalité quand il ne voit rien de plausible comme causes.
Le dogme exclut toute possibilité d' observation, c'est le propre du dogme que de fermer le champ du possible.
Pourquoi il y avait- il nécessité à fermer un champ d 'observations possibles ? Vous pointez certaines causes "politiques "scientifiques. Le champ a été pourtant constamment réouvert et je ne vois pas comment le texte donné en lien peut choquer ( texte d'un auteur tout à fait qualifié d 'ailleurs ) alors que affirmez qu'on se rend compte que la théorie (ou immanence systémique) n'est pas tenable si on veut comprendre l'homme en tant qu'il parle.

Le signifiant (=forme abstraite impossible à percevoir sensiblement) et le signifié (concept) sont indéfectiblement liés par un rapport arbitraire
Partons d' un exemple qui parlera directement à des philosophes. Estimez-vous qu' il soit arbitraire pour un spinoziste de dire "Dieu" ou de dire préférentiellement "la Nature" … car les deux peuvent se dire ?

Vous devez comprendre ce que désigner des liens arbitraires à tous les étages peut avoir d' intrigant.

bien à vous
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Message par euthyphron Sam 23 Fév 2013 - 17:37

"Dieu" et "nature" sont des mots, et non des signifiants. Ils n'ont pas le même signifié, c'est pourquoi le choix de l'un ou de l'autre n'est pas innocent. D'autant plus qu'il n'est pas exclu qu'ils aient le même référent. Mais cela n'a rien à voir avec l'arbitraire du signe, ni non plus avec la question de ce fil.

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Message par hks Dim 24 Fév 2013 - 0:02

à euthyphron

Ma remarque sur les mots Dieu ou/et Nature est dans la sujet dans la mesure où le spinosisme est généralement compris comme un système .
Ataraxie oriente la discussion sur le couple signifiant/ signnifié :
Lorsqu'on dit que la langue influence la pensée, alors la pensée systémique doit certainement être la plus docile puisqu'elle imite l'ordre interne de la langue (pour autant qu'on admette que celle-ci est effectivement un système, idée qui ne fait pas l'unanimité).
Il établit une analogie entre un système philosophique et la langue.

Défintion basique
" le signifiant désigne la représentation mentale de la forme et de l'aspect matériel du signe."
Les mots Dieu et Nature sont des signifiants. Pour certains ils ont le même signifié pour d'autres non. Quant à la dénotation ( référent) certains pensent qu' au moins l'un de ces deux mots( le mot Dieu en l'occurrence ) n 'a pas de dénotation.
Le spinozisme est un système, l' exemplarité même du système, je m'étonne que personne ne l'ai cité jusqu' à présent.
Or ce système très cohérent, très rationnel donne pourtant lieu à des interprétations notablement différentes. Je n' ai évoqué la question de Dieu ou la nature que pour monter qu'un système ne ferme pas à l'interprétation, qu' il n' incite pas plus à la paresse intellectuelle que l' expression non systématique n'est censée le faire.

Il me semble que les messages que j'ai lu ici focalisent sur la forme plus que sur le fond. La quasi totalité des philosophes sont cohérents, tous ils énoncent et justifient un certains nombres de thèses liées logiquement et ce sans contradictions majeures. Ils affirment une vision du monde en réponse à des questions soit ancestrales soit plus originales , bref, ils affirment un ensemble de thèses liées exprimables in fine en un systéme au sens où un système est un ensemble d'éléments interagissant entre eux selon certains principes ou règles.

Certains n'ont pas le goût de l'exposé synthétique bien ordonné et d'autre l'ont, distinction pascalienne entre l'esprit de finesse et l'esprit de géométrie.

Pascal a écrit:Les géomètres, qui ne sont que géomètres, ont donc l'esprit droit, mais pourvu qu'on leur explique bien toutes choses par définitions et principes ; autrement, ils sont faux et insupportables, car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis.
Et les fins qui ne sont que fins ne peuvent avoir la patience de descendre jusque dans les premiers principes des choses spéculatives et d'imagination, qu'ils n'ont jamais vues dans le monde, et tout à fait hors d'usage.


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Message par baptiste Dim 24 Fév 2013 - 8:47

Cedric a écrit
C'est quoi la triplicité du temps ?
Dans ce fil il me semble qu'on tombe d'accord, même si ton discours est, si je ne me trompe pas, plutôt formé, informé par un parcours scientifique non ?


La triplicité c’est la triple dimensionnalité du temps comme à-venir, avoir-été, rendre-présent mais bon j’avoue que j’ai du mal à me passionner pour la question. J’ai eu peur que tu écrives déformé, non, la réponse est oui. :)


Bergame a écrit : Car si l'esprit lui-même est système, alors penser en-dehors d'un système semble une impossibilité. Autrement dit, il serait impossible de penser autrement que rationnellement -quoiqu'alors, il faille bien distinguer entre rationalité et rationalisme.

L’esprit ? L’esprit est un ensemble de facultés pas nécessairement un système parce qu’un système suppose un ensemble de règles ou de principes, la raison est n’est qu’une faculté spécifique celle qui permet de déterminer une conduite cohérente par rapport aux buts. Peut-on penser autrement que rationnellement? Il semble que ce soit usuel. Mais peut-on penser rationnellement l’irrationnel, pour Pascal la réponse est non : « Nous connaissons qu’il y a un infini, et ignorons sa nature comme nous savons qu’il est faux que les nombres soient finis. Donc il est vrai qu’il y a un infini en nombres, mais nous ne savons ce qu’il est. Il est faux qu’il soit pair, il est faux qu’il soit impair » ( Pascal, Pensées.) De l’infini nous ne savons qu’une chose : il existe. Mais cette certitude, la raison ne peut l’exprimer, est ce irrationnel ?

Si l'univers n'est pas rationnel, alors l'esprit impose une forme à la matière empirique, chaotique et infinie, et il n'est capable que de comprendre cette forme -le reste lui échappe, et lui échappera indéfiniment.

Comment l’univers pourrait-il être rationnel ? L’univers obéit à des régularités observables mais dont nous ne connaissons ni le début ni la fin ni la finalité, dont nous ne connaissons ni le sens ni les forces en œuvres, l’homme qui est parti de cet univers simplement le découvre et construit une représentation rationnelle, suivant ses capacités, incluant la raison, mais est-ce suivant la réalité. Comment expliquer cet accord entre nos constructions mentales et le réel ? Il y a là comme un mystère. Ce qui faisait dire à Einstein : « Ce qu’il y a d’incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible. » Mais le fait que le monde soit, n’est-il pas déjà irrationnel ? Le fait même de l’être, le fait qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, n’est-ce pas irrationnel. N'est ce pas ce que dit Sartre dans la ‘Nausée’: parce que l’existence ne peut se déduire, elle est absurde, contingente, donc irrationnelle, mais pourquoi simplement l’existence, pour prétendre affirmer l’univers rationnel il faudrait d’abord en connaître le but.

La physique, la chimie, la biologie, la psychologie, la sociologie, la linguistique, comme nous le fait remarquer Ataraxie, nous décrivent des systèmes plus ou moins cohérents, mais le tout qui est l’objet de la philosophie ne peut-être réduit à un système universel, intemporel tant le nombre de combinaisons possible est infini. Contrairement à ce que tu avances, je suis d’avis que plus nous avancerons dans la connaissance et plus nous nous éloignerons de cette possibilité de savoir tant l’accumulation de ces connaissances va devenir problématique. Je n’en veux qu’un seul exemple, le darwinisme, qui a largement contribué à la mort du Dieu des religions n’a apporté aucune réponse de substitution, au contraire.

HKS a écrit Le spinozisme est un système, l' exemplarité même du système, je m'étonne que personne ne l'ai cité jusqu' à présent. Or ce système très cohérent, très rationnel donne pourtant lieu à des interprétations notablement différentes.

La question posée par Cédric était celle-ci :
Juste pour partager une petite réflexion : toutes les philosophies systématiques se leurrent dans l'exacte mesure où elles pensent faire tenir et enfermer la réalité humaine dans un cadre clairement délimité.

Elle n’est pas de savoir si un ou des systèmes ont été proposés mais si un système est possible, tu as objecté et répondu à ton objection en même temps.

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Message par hks Dim 24 Fév 2013 - 12:10

à Baptiste

La question de Cédric n'est pas une question mais une affirmation, de plus assez critique.
Effectivement j' ai objecté qu' un système en l'occurrence celui de Spinoza n' enferme pas la réalité humaine dans un cadre strictement limité.
La réalité humaine qui est son existence n'est pas enfermée dans les propositions et les démonstrations, pas en sa réalité d' existence dans la durée. Cela Spinoza le reconnait très bien puisqu' il s'agit d 'exister.
Certes d' exister d' une certaine manière ( d' où la visée de la béatitude ) cette manière d'exister ne vise pas la contrainte par système mais bien au contraire la liberté.
Où est la contrainte ? Probablement dans l' exigence du "comprendre". Mais quel philosophe n' a pas cette exigence?

Je ne veux pas là faire une apologie gratuite du spinozisme, d 'expérience je sais que ce système s'il cadre sur une certaine vision du monde n' entrave pas sur le domaine du possible, ni quant à l'existence ni quant à la recherche en philosophie ( encore moins en science ).
Spinoza, un homme de systéme s' il en fut, ne dit pas qu'il sait tout de Dieu mais qu'il en sait néanmoins certaines choses. Mais comment philosopher hors de toute systématique sans savoir au moins quelque chose ?
Les non- systématiques ne sont pas des sceptiques absolus me semble- t- il. Ils énoncent et justifient eux aussi certaines thèses, certes de manières plus aléatoires, mais ces thèses sont liées, la manière de les exprimer diffère et seulement la manière .
Je ne vois pas par exemple que Spinoza soit plus contraignant que Nietzsche ou Pascal ou Montaigne. S' il y a contrainte et entrave c' est au lecteur de savoir si la responsabilité d' une contrainte qui l 'attriste n' est pas de son côté.
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Message par Bergame Dim 24 Fév 2013 - 13:02

Ataraxie a écrit:
Bergame a écrit:De même, Ataraxie, lorsque tu dis que Saussure a "décidé" que le rapport entre signifiant et signifié était arbitraire, il me sembe que tu prends déjà position dans cette discussion -mais aussi, comment faire autrement ? Pour moi, qui me situerais sans doute dans une case "esprit systémique" / "univers irrationnel", une case que j'appellerais "kantienne", Saussure n'a rien "décidé", il a reconnu que le rapport entre signifiant et signifié était arbitraire. Et d'ailleurs -mais je soumets cette idée à ton autorité, en la matière- je ne crois pas que Saussure, dans son Cours, présente cette idée comme une décision, mais bien comme une observation, qu'il appuie d'exemples concrets. Autrement dit, je crois que Saussure était kantien.
Je ne comprends pas pourquoi on parle d'arbitraire du signe. Décider d'exclure la réalité n'a rien à avoir avec l'arbitraire du signe saussurien. La réalité ne fait pas du tout partie des concepts impliqués dans cette théorie de l'arbitraire. version Saussure. L'arbitraire du signe saussurien concerne le lien entre signifiant et signifié, pas celui entre le signe et la chose. Le signifiant (=forme abstraite impossible à percevoir sensiblement) et le signifié (concept) sont indéfectiblement liés par un rapport arbitraire. La totalité signifiant+signifié forme le signe. Ce signe, qui est donc la somme du signifiant et du signifié, peut à son tour entrer en lien avec une chose du monde, une réalité mondaine (le référent) par un lien qui, lui aussi, est arbitraire. Ce second lien arbitraire, qui est le plus ancien et le plus classique, n'intéresse pas du tout Saussure parce qu'il est effectivement admis depuis longtemps. Autrement dit, l'arbitraire du signe saussurien n'est pas un arbitraire de désignation mais de structuration interne de la langue.

Je suis désolé, Ataraxie, j'ai du mal à comprendre.
1) Tu affirmes que le signifiant et le signifié sont indéfectiblement liés par un rapport arbitraire. Donc il n'y a pas là de "décision" de la part de Saussure.
2) Tu affirmes également que l'arbitraire du lien entre signe et chose est admis depuis longtemps, qu'il est classique. Donc il n'y a pas là non plus de "décision" de Saussure.
Au final, où se situe la "décision" de Saussure ?

Ce que je comprends pour l'instant, c'est que Saussure a pris acte de ce double arbiraire, et que cela justifie, à ses yeux, la fondation d'une science particulière dont le langage -ou la langue, je ne sais plus, tu m'as déjà repris là-dessus- serait l'objet spécifique. C'est à peu près ce que tu veux dire ?

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Message par euthyphron Dim 24 Fév 2013 - 17:32

hks a écrit:La question de Cédric n'est pas une question mais une affirmation, de plus assez critique.
Effectivement j' ai objecté qu' un système en l'occurrence celui de Spinoza n' enferme pas la réalité humaine dans un cadre strictement limité.
C'est tout à fait juste, qu'il s'agisse de Spinoza ou d'un autre. Un système n'est pas une machine à ne pas penser, mais une tentative pour exprimer sa pensée en un tout cohérent. Rien n'oblige pour cela à écarter des aspects de la réalité.
hks a écrit:Les non- systématiques ne sont pas des sceptiques absolus me semble- t- il. Ils énoncent et justifient eux aussi certaines thèses, certes de manières plus aléatoires, mais ces thèses sont liées, la manière de les exprimer diffère et seulement la manière .
Je ne vois pas par exemple que Spinoza soit plus contraignant que Nietzsche ou Pascal ou Montaigne. S' il y a contrainte et entrave c' est au lecteur de savoir si la responsabilité d' une contrainte qui l 'attriste n' est pas de son côté.
J'ai dit plus haut qu'un système c'était d'abord un artifice de présentation, donc je suis d'accord là aussi. Mais que veut dire "seulement la manière"? Présenter sa pensée more geometrico comme le fait Spinoza, ou bien en écrivant à l'aventure comme le fait Montaigne, cela me semble évidemment, tu devrais être d'accord, aller au-delà d'un simple choix rhétorique.

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Message par hks Dim 24 Fév 2013 - 17:39

à Bergame

Je vais citer Saussure , si cela peut peut apporter quelques éclaircissements.

Saussure a écrit:« Le mot arbitraire appelle aussi une remarque. Il ne doit pas donner l'idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant (on verra plus bas qu'il n'est pas au pouvoir de l'individu de rien changer à un signe une fois établi dans un groupe linguistique) ; nous voulons dire qu'il est immotivé, c'est-à-dire arbitraire par rapport au signifié, avec lequel il n'a aucune attache naturelle dans la réalité. » (Ferdinand de Saussure, op. cit., page 101)
2. « Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l'association d'un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire. »


En l'absence de liens de causalité plausibles Saussure tranche dans le vif et décide d' opter pour cette "arbitraire". De fait la décision peut apparaitre comme dogmatique à qui exhibe des liens de causalité plausibles entre les signifiants (la vie du signifiant) et le signifié en tant que la vie du signifiant est engagée dans la vie du signifié.
( ce que le texte que j'ai donné en lien essaie de montrer. Ce texte exprime de plus les réserves de Saussure sur l' arbitraire.)

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Message par hks Dim 24 Fév 2013 - 18:29

euthyphron a écrit: tu devrais être d'accord, aller au-delà d'un simple choix rhétorique.
Certes il ne s'agit pas d'un "simple" choix rhétorique.
Dans le cas de Spinoza le choix de la méthode géométrique semble motivé par le souci de clarté et d'évidence . La clarté et l'évidence étant pour lui des critères ( nécéssaires et suffisants ) de la vérité. C'est dans les mathématiques qu'il rencontre un exemple de pensée "apodictique". Il importe cette manière de dire dans le discours philosophique. Cette manière de dire telle qu 'Euclide le dit de choses qui ne peuvent être dites autrement ( semble- t -il ). C 'est la force de persuasion des mathématiques que Spinoza retient.
Le style d expression des scolies est beaucoup plus libre.

Est-ce un choix rhétorique ? C 'est un choix quant à la persuasion, certainement puisque Spinoza cherche d' abord une certitude pour lui même puis pour des lecteurs éventuels. Nietzsche ou Montaigne visent aussi à persuader les lecteurs du bien fondé des leurs assertions . Le procédé rhétorique est à l' 'évidence différent de celui de Spinoza. Nietzsche et Montaigne devaient estimer leur manière de dire comme suffisante sinon excellente à cet effet .
Donc pas un simple choix rhétorique mais un choix rhétorique motivé.

Mais il me semble que le caractère ( c 'est de la psychologie !) doit jouer là dedans. Et comme les penseurs ont des caractères différents les lecteurs ont eux aussi des inclinations à apprécier un style plutôt qu'un autre. Pas à apprécier esthétiquement mais à apprécier relativement à la puissance de conviction du mode d' expres​sion(rapport à la vérité, voire plus modestement à la véracité). Spinoza estimait que le more geométrico impliquait la certitude mais Nietzsche pensait probablement autrement. De fait bien des lecteurs sont plus intensément convaincus par certains de ses aphorismes ( sinon tous ) que par les propositions de Spinoza. La machine à certitude fonctionne aussi chez Nietzsche.

Cela dit il se pourrait bien que la certitude ne soit pas essentiellement de l'ordre de la machinerie qui tend à la faire apparaître. Je veux dire par là qu'un spinoziste l'est peut être avant de lire Spinoza, comme un Nietzschéen l 'est avant de lire Nietzsche. Et qu'importe alors la forme de l'expression !
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Message par Ataraxie Dim 24 Fév 2013 - 20:40

Système et valeur
S’il y a un concept à retenir chez Saussure, c’est celle de la valeur. Elle organise le continuum de la pensée et celui du son, initialement nébuleux et confus.
« Psychologiquement, abstraction faite de son expression par les mots, notre pensée n’est qu’une masse amorphe et indistincte. Philosophes et linguistes se sont toujours accordés à reconnaître que, sans le secours des signes, nous serions incapables de distinguer deux idées d’une façon claire et constante. Prise en elle-même, la pensée est comme une nébuleuse où rien n’est nécessairement délimité. Il n’y a pas d’idées préétablies, et rien n’est distinct avant l’apparition de la langue » (CLG 155)

« Nous pouvons donc représenter le fait linguistique dans son ensemble, c'est-à-dire la langue, comme une série de subdivisions contigües dessinées à la fois sur le plan indéfini des idées confuses et sur celui non moins indéterminé des sons » (CLG 155-156)

« Le rôle caractéristique de la langue vis-à-vis de la pensée n’est pas de créer un moyen phonique matériel pour l’expression des idées, mais de servir d’intermédiaire entre la pensée et le son, dans des conditions telles que leur union abouti nécessairement à des délimitations réciproques d’unités » (CLG 156)

« La langue est encore comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son est le verso ; on ne peut découper le recto sans découper en même temps le verso ; de même dans la langue, on ne saurait isoler le son de la pensée, ni la pensée du son ; on n’y arriverait que par une abstraction pure dont le résultat serait de faire de la psychologie pure ou de la phonologie pure » (CLG 157).

Dans cet exemple, le signifié est le recto et le signifiant le verso. Les deux morceaux de papiers obtenus après déchirure sont deux signes et ils sont signes uniquement par la relation qu’ils entretiennent l’un avec l’autre, c'est-à-dire la valeur de l’un par rapport à l’autre. Le système de la langue résulte de l’ensemble de toutes les valeurs. Quant à la relation entre les deux faces du papier, il s’agit d’un fameux arbitraire entre signifiant et signifié.

Le signifiant ne représente pas le signifié
La relation entre le signe et la chose est une relation de représentation où le signe représente la chose. Cette relation est asymétrique : la chose ne représente pas le signe. La relation entre signifiant et signifié différente car elle est symétrique et réciproque. Saussure ne parle de représentation, ni d’un signifiant qui serait mis à la place du signifié. Il dit bien que le signe linguistique est une entité (une seule) à deux faces. Pour parler de la relation entre ces deux faces, il recourt constamment au mot « association ». Le signifiant et le signifié sont dans un rapport de réciprocité associative. J’ai donné son analogie avec la feuille du papier pour que ça soit plus clair : « on ne saurait isoler le son de la pensée, ni la pensée du son ». En fait, ce sont deux découpages qui coïncident nécessairement sur deux plans différents (celui de l’expression et de lui du contenu). Le signifiant n’a pas pour fonction de représenter le signifié. Il se caractérise par une discrétisation du continuum sonore en coïncidence avec la discrétisation du continuum de la pensée par le signifié. Pour Saussure la langue est dans la forme, pas dans la substance sonore ou pensée. La langue découpe ces deux substances symétriquement. Les formes obtenues ont donc deux faces : signifiant et signifié. « Le rôle caractéristique de la langue vis-à-vis de la pensée n’est pas de créer un moyen phonique matériel pour l’expression des idées, mais de servir d’intermédiaire entre la pensée et le son, dans des conditions telles que leur union abouti nécessairement à des délimitations réciproques d’unités » (CLG 156). Il n’y a aucun représentant ou représenté dans cette histoire. Il faut observer les flèches dans le schéma du signe linguistique selon Saussure.

L’arbitraire du signe : immotivé, convention, libre choix ou caprice ?
Il y a au moins trois étapes dans l’arbitraire du signe tel que l’entend Saussure.

D’abord il appelle « arbitraire » ce qui est « immotivé » : « Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l’association d’un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire. Ainsi l'idée de "soeur" n'est lié par aucun rapport intérieur avec la suite de sons s-ö-r qui lui sert de signifiant; il pourrait être aussi bien représenté par n'importe quelle autre : à preuve, les différentes langues et l'existence même des langues différentes : le signifié "boeuf" a pour signifiant b-ö-f d'un côté de la frontière, et o-k-s (Ochs) de l'autre. (...) Le mot arbitraire appelle aussi une remarque. Il ne doit pas donner l’idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant (…) ; nous voulons dire qu’il est immotivé, c'est-à-dire arbitraire par rapport au signifié, avec lequel il n’a aucune attache naturelle dans la réalité ».

Ensuite, il s’agit d’une contrainte collective : « Si par rapport à l'idée qu'il représente, le signifiant apparaît comme librement choisi, en revanche, par rapport à la communauté linguistique qui l'emploie, il n'est pas libre, il est imposé. La masse sociale n'est point consultée, et le signifiant choisi par la langue, ne pourrait pas être remplacé par un autre. (...) Non seulement un individu serait incapable, s'il le voulait, de modifier en quoi que ce soit le choix qui a été fait, mais la masse elle-même ne peut exercer sa souveraineté sur un seul mot; elle est liée à la langue telle qu'elle est. La langue ne peut donc plus être assimilée à un contrat pur et simple, et c'est justement de ce côté que le signe linguistique est particulièrement intéressant à étudier; car si l'on veut démontrer que la loi admise dans une collectivité est une chose que l'on subit, et non une règle librement consentie, c'est bien la langue qui en offre la preuve la plus éclatante. »

Enfin, l’arbitraire est irrationnel : « Plus haut, il [l'arbitraire du signe] nous faisait admettre la possibilité théorique du changement; en approfondissant, nous voyons qu'en fait, l'arbitraire même du signe met la langue à l'abri de toute tentative visant à la modifier. La masse, fût-elle même plus consciente qu'elle ne l'est, ne saurait la discuter. Car pour qu'une chose soit mise en question, il faut qu'elle repose sur une norme raisonnable. On peut, par exemple, débattre si la forme monogame du mariage est plus raisonnable que la forme polygame et faire valoir des raisons pour l'une et l'autre. On pourrait aussi discuter un système de symboles, parce que le symbole a un rapport rationnel avec la chose signifiée (...); mais pour la langue, système de signes arbitraires, cette base fait défaut, et avec elle se dérobe tout terrain solide de discussion; il n'y a aucun motif de préférer soeur à sister, Ochs à boeuf, etc. »

hks a écrit:De fait la décision peut apparaitre comme dogmatique à qui exhibe des liens de causalité plausibles entre les signifiants (la vie du signifiant) et le signifié en tant que la vie du signifiant est engagée dans la vie du signifié.
( ce que le texte que j'ai donné en lien essaie de montrer. Ce texte exprime de plus les réserves de Saussure sur l' arbitraire.)
Je vous répondrai sur le contenu de texte. Rien de ce qu'il traite ne relève de l'arbitraire du signe.

"Dieu" ou "la Nature"
L'arbitraire de Saussure n'est pas dans le choix entre "Dieu" et "nature" mais dans le choix du signifiant /djø/ ou du signifiant /gɒd/ (les signifiants de dieu et god notés en alphabet phonétique international) pour le même signifié. Autrement dit, l'arbitraire du signe apparaît uniquement lorsque le signifié est le même (et les signifiants varient) ou lorsque le signifiant est le même (et ce sont les signifiés qui varient). Saussure commet une erreur en s’imaginant que le signifié de « dieu » et de « god » : les signifiés ne se superposent pas d’une langue à une autre (un traducteur le dira mieux que moi). Maintenant, si on considère le problème dans le cadre de cet exemple spinoziste, il y a deux écueils : on croit que le signifié de dieu et de nature est le même, alors que c’est leur référent qui est le même (dans ce cas, le problème ne concerne pas l'arbitraire saussurien), on croit que "dieu" et "nature" sont des signifiants, alors que ce sont des signes.

Dans le premier cas, le phénomène est très courant. Dans "le patron a gueulé ce matin" et "le chef a gueulé ce matin", patron et chef sont deux signes différents. Ils n’ont ni le même signifiant, ni le même signifié, mais leur référent (c'est-à-dire la personne physique qu’ils désignent) est le même. Cette identité du référent est le fait de la situation d’énonciation, c'est-à-dire le fait d’éléments extralinguistiques. Pour observer la différence de leur signifié, il faut s’appuyer sur la manière dont ces mots s’associent avec leur environnement linguistique, c'est-à-dire avec les mots qui les entourent. Par exemple, « un chef de bande » marche très bien, mais « un patron de bande » colle moins bien. Pourquoi ? Parce que, quand bien même le référent (c'est-à-dire la personne physique) est la même, le signifié de « patron » est plus restreint et plus spécifique que celui de « chef », de ce fait il a du mal à s’associer avec le signifié de « bande ». Le signifié ne peut s’étudier et se comprendre que dans ses interactions avec l’environnement de la phrase. Or, on a tendance à aborder le signifié à partir des référents désignés. C’est une erreur constante et une aberration théorique. Si « Dieu » et « nature » avaient le même signifié, ils pourraient commuter dans tous les énoncés sans que cela n’entraîne un changement de sens. D’un point de vue strictement linguistique, dire que « Dieu et la nature ont le même signifié » signifie que les énoncés « J’aime me promener dans la nature » et « J’aime me promener dans Dieu » ont strictement le même sens. Peut-être que dans la pensée spinoziste, leur référent est le même mais du point de vue la langue, c'est-à-dire des mots pris en tant que mots et rien d’autre, ces énoncés n’ont absolument pas le même sens.

Dire que « dieu » et « nature » sont des signifiants veut dire qu’ils ne sont que des formes phonologiques, c'est-à-dire des chaînes de phonèmes (/djø/ et /natyʁ/) et rien d’autre. Par ailleurs, cela signifie aussi que leur différence est de même ordre que celle entre /djø/ et /gɒd/. Si ce n’est pas le cas, si ce ne sont pas seulement des formes phonologiques et que leur différence est d’un autre ordre que celle entre /djø/ et /gɒd/, alors ce ne sont pas des signifiants tels que le conçoit Saussure. Spinoza n’a sans doute pas utilisé les termes « signifiant » et « signifié » mais, au moins, a-t-il dit que les mots « Dieu » et « Nature » avaient le même sens dans sa langue ?


Bergame,

Si c’est le mot « décision » qui te gêne, alors remplace le parce ce que tu veux : choix, préférence, point de vue, approche ou même par rien, ça m’est égal. L’important est l’exclusion de la réalité dans l’étude de la langue et ce par rapport à une longue tradition qui abordait la langue dans son rapport au monde.
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Message par hks Lun 25 Fév 2013 - 0:21

à Ataraxie

Entre un spinoziste et un saussurien le débat risque de tourner court .

Spinoza écrit
Spinoza a écrit:]« Je ne m’étonne pas cependant que les Philosophes attachés aux mots ou à la grammaire soient tombés dans des erreurs semblables ; car ils jugent des choses par les noms et non des noms par les choses »

Laurent Bove commente ainsi :
"C’est parce qu’en parlant et en pensant sans prudence dans les mots, nous « rêvons les yeux ouverts » qu’il est nécessaire de bien faire la distinction entre les idées et les mots par lesquels nous désignons les choses. Cet impératif épistémologique parcourt toute l’œuvre de Spinoza."

Autrement dit, l'arbitraire du signe apparaît uniquement lorsque le signifié est le même (et les signifiants varient) ou lorsque le signifiant est le même (et ce sont les signifiés qui varient).
C'est bien là la question, il manque à Saussure une théorie explicite de la dénotation ( le référent ). Il me semble que le signifié renvoie sous peine de n'avoir aucun sens donc aucun existence mentale à un donné empirique ( matériel ou idéel/la pensée). Pour résumer le signifié c'est l'autre du mot, c' est ce que le mot vise et désigne. L' ensemble des mots (phonème) n'a rien d'un système clos sur lui même. Pour autant que ce soit un système hors de la dénotation.
Le monde des mots peut intéresser, certes, mais ce qui intéresse le philosophe c'est le monde du sens (c'est à dire celui des significations). Le monde du sens est arbitrairement incorporé par Saussure dans la langue. Faîtes parler un computer, il ne pense pas. Il ne suffit pas de parler pour penser.

Si le dénoté n'est pas arbitraire le signifiant, le mot choisi, ne peut l 'être. Sauf à supposer le fonctionnement hasardeux d' on ne sait quelle instance de décision. Or le dénoté n est pas arbitraire, ce peut être l' étoile que je vois le soir ( Vénus ) ou Dieu ou la Nature. Il n'est pas arbitraire, il est précisément visé.
Le choix d'employer Dieu ou bien la Nature ou indifféremment les deux relève d'une activité mentale ( une activité de pensée ) et non d'un fonctionnement autonome du système de la langue.
Saussure certes n'autonomise pas radicalement ( par force il lui faut bien admettre la pensée ).
Mais comment d'une pensée tout à fait confuse , d'un brouillard , d' un chaos , d'une masse amorphe et indistincte ... comment se fait- il que le choix aussi précis que celui de préférer Dieu à Nature puisse s' opérer ?

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Message par hks Lun 25 Fév 2013 - 12:49

à Ataraxie
J' apprécie votre contribution. L' analogie entre le système de la langue et un système philosophique vous semble tenable. J 'avoue que d'emblée l'analogie ne m'apparaissait pas.
Ataraxie a écrit:Dans le premier cas, le phénomène est très courant. Dans "le patron a gueulé ce matin" et "le chef a gueulé ce matin", patron et chef sont deux signes différents. Ils n’ont ni le même signifiant, ni le même signifié, mais leur référent (c'est-à-dire la personne physique qu’ils désignent) est le même. Cette identité du référent est le fait de la situation d’énonciation, c'est-à-dire le fait d’éléments extralinguistiques. Pour observer la différence de leur signifié, il faut s’appuyer sur la manière dont ces mots s’associent avec leur environnement linguistique, c'est-à-dire avec les mots qui les entourent. Par exemple, « un chef de bande » marche très bien, mais « un patron de bande » colle moins bien. Pourquoi ? Parce que, quand bien même le référent (c'est-à-dire la personne physique) est la même, le signifié de « patron » est plus restreint et plus spécifique que celui de « chef », de ce fait il a du mal à s’associer avec le signifié de « bande ». Le signifié ne peut s’étudier et se comprendre que dans ses interactions avec l’environnement de la phrase.
La thèse est une option métaphysique . Vous posez comme objectivement identique à lui même un référent ( un objet réel indépendant du/des signes linguistiques ). Pour moi des signifiés différents ( chef ou patron ) renvoient à des objets différents.
Votre option métaphysique est réaliste. Je suis "phénoméniste". Pour moi la différence des signifiés ( chef ou patron) ne peut se comprendre qu'en demandant au locuteur ce qu'il entend ( ce qu'il en est de son existence) relativement à un chef ou à un patron et plus précisément dans son environnement à lui.
Pourquoi voit- il un chef plutôt qu' un patron ? Le point de vue sous lequel on découpe le monde et on l'interprète puis le parle ne me parait pas arbitraire. En tout état de cause le choix d' un mot plutôt qu'un autre ne me parait pas arbitraire.
Quand Frege dit que la dénotation d' étoile du matin et d'étoile di soir est la même c'est à dire Vénus il fait une erreur ( car vénus est du même ordre que étoile du matin ou étoile du soir c'est un mot ). La dénotation de ces trois mots est ce qui n'est pas le mot l' autre du mot c'est à dire une expérience du monde extra linguistique ( expérience visuelle par exemple dans ce cas ).
Il y a de mon point de vue des options métaphysique implicites chez Saussure comme chez Frege ou/et Russell d' ailleurs ( je suis plus familier des logiciens que des linguistes mais les problème sont analogues ).
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Message par Ataraxie Lun 25 Fév 2013 - 14:39

hks a écrit:Entre un spinoziste et un saussurien le débat risque de tourner court .
Je ne suis pas saussurien. Je le défends parce qu'on l'attaque mal.

hks a écrit:il manque à Saussure une théorie explicite de la dénotation ( le référent ).
Oui. Mais heureusement, la linguistique ne se résume pas à Saussure et il existe une sémantique dite référentielle qui s'occupe des rapports entre langue et réalité. Comme je l'ai dit, le structuralisme linguistique est le résultat d'une lutte idéologique. Saussure fait partie d'une génération de linguistes appelée les "néogrammairiens" qui était en lutte avec les théories de leurs maîtres et avec l'étude "traditionnelle" du langage. L'exclusion du référent au profit de l'immanence d'un système s'explique par la nature de ces conflits.

hks a écrit:Le monde des mots peut intéresser, certes, mais ce qui intéresse le philosophe c'est le monde du sens (c'est à dire celui des significations).
Saussure n'est pas un pas un philosophe du langage, même s'il y a dans ses théories des options philosophiques. C'est d'abord un linguiste historique spécialisé dans la reconstruction de l'indo-européen. On ne peut pas faire pire linguiste que ça.

hks a écrit:Le choix d'employer Dieu ou bien la Nature ou indifféremment les deux relève d'une activité mentale ( une activité de pensée ) et non d'un fonctionnement autonome du système de la langue.
Pourquoi voit- il un chef plutôt qu' un patron ? Le point de vue sous lequel on découpe le monde et on l'interprète puis le parle ne me parait pas arbitraire. En tout état de cause le choix d' un mot plutôt qu'un autre ne me parait pas arbitraire.
Si c'est là votre objection, premièrement l'arbitraire du signe vue par Saussure ne remet pas en question le caractère motivé de ce genre de choix (je dirais même que Saussure le soutient), et deuxièmement je ne connais pas de spécialiste du langage qui oserait dire que ce choix est arbitraire.

Lisez plutôt ceci :

L'amour, pour l'ordinaire, est peu fait à ces lois,
Et l'on voit les amants vanter toujours leur choix;
Jamais leur passion n'y voit rien de blâmable,
Et dans l'objet aimé tout leur devient aimable:
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables noms.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable;
La noire à faire peur, une brune adorable;
La maigre a de la taille et de la liberté;
La grasse est dans son port pleine de majesté;
La malpropre sur soi, de peu d'attraits chargée,
Est mise sous le nom de beauté négligée;
La géante paraît une déesse aux yeux;
La naine, un abrégé des merveilles des cieux;
L'orgueilleuse a le cœur digne d'une couronne;
La fourbe a de l'esprit; la sotte est toute bonne;
La trop grande parleuse est d'agréable humeur;
Et la muette garde une honnête pudeur.
C'est ainsi qu'un amant dont l'ardeur est extrême
Aime jusqu'aux défauts des personnes qu'il aime.
(Molière, Le Misanthrope, acte II, scène 4, tirade d’Eliante)



Les exemples sont innombrables :

Un livre incompréhensible VS Un livre qui garde tout son mystère

La France a un retard économique VS La France a un potentiel de croissance

Le prix d'un sac à main Chanel VS La valeur d'un sac à main Chanel

Des mesures qui facilitent les licenciements VS Des mesures contre les freines à l'embauche

etc.

Sans compter le phénomène des tabous linguistiques qui ne sont pas répartis au hasard. Certains "thèmes" sont plus propices au tabou que d'autres. Au sommet du classement : le sexe et la mort (même si la religion, la drogue, l'argent, le crime et la pauvreté sont bien représentés aussi). Forcément, c'est la fête de l'euphémisme :

Pour rapports sexuels :
S'envoyer en l'air, se faire du bien, passer la nuit ensemble, faire l'amour, coucher ensemble, passer à la casserole (pour une femme), posséder (une femme), etc. Il faut ajouter les euphémismes portant sur la prostitution, l'homosexualité, l'infidélité, les organes sexuels, etc.

Pour la mort :
Partir, nous quitter, être rappelé par Dieu, s'éteindre, faire un long voyage, ne plus être de ce monde, partir les pieds devant, etc.

Evidemment tout ça ne peut pas être innocent aux yeux d'un linguiste, même le plus saussurien parmi les saussuriens (sauf que lui dira que ce n'est à la linguistique d'étudier ce genre de chose). On sait qu'à un moment ou à un autre, parler de la réalité c'est l'interpréter et qu'en interprétant, le sujet parlant choisit de privilégier un point de vue plutôt qu'un autre. Il existe une branche de la linguistique qui défend cette idée et critique le point de vue saussurien.



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Message par Geo Rum Phil Lun 25 Fév 2013 - 21:28

Ataraxie a écrit: (...) si l'on veut démontrer que la loi admise dans une collectivité est une chose que l'on subit, et non une règle librement consentie, c'est bien la langue qui en offre la preuve la plus éclatante. »

Les sophismes via leurs aberrations sont encore plus éclatants que la langue qui les transporte. Wink

Pouvez-vous affirmer avec certitude que le nourrisson a subi (à la naissance) l'air qu'il a respiré parce que son appareil respiratoire n'était pas une règle librement consentie ?! Même si, suite à une adoption son ADN sera contrarié d'apprendre une autre langue qu'il a exercée pendant plusieurs siècles à travers plusieurs générations, est-ce logique d'affirmer qu'il a subi ou que son système a un autre potentiel d'adaptation ?

L'enfant gâté dit aussi que ses parents n'ont pas demander son avis pour naître dans ce monde. Il faut être vraiment plus malade que son enfant gâté de demander l'avis à ses spermatozoïdes ou ovules sans oreilles !

Il faut qu'on cherche ensemble la nature semantique des oreilles selon notre entendement ...Wink

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