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L'énigme métaphysique : le Sens.

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Message par neopilina Ven 29 Jan 2021 - 15:06

La métaphysique donc, quasiment un gros mot, dûment condamnée à mort par certains philosophes, et pas des moindres, etc. Je commence en douceur, carrément, minablement, misérablement, par l'étymologie. Aristote, tête de gondole notoire et parfaitement méritée de la philosophie occidentale, logicien de génie, est le premier à formaliser la logique formelle (pardon !), c'est un penseur extrêmement méthodique, rigoureux, et il a une acuité d'aigle. Il décide de monter sur la scène philosophique, et il commence avec l'Organon, " Instrument " (le titre de ce recueil est peut être postérieur, mais rien de grave), oeuvre fondatrice de la logique formelle, il nous dit clairement comment il va faire, et ça sera surtout logiquement, c'est sa propédeutique, sa méthode. La dialectique est presque renvoyée au café du commerce, elle devient l'apanage des chicaneurs virtuoses, c'est à dire tout ceux qui ont osé philosopher avant lui (je me console souvent en me disant qu'en matière d'ego nous sommes tous des insectes relativement à ces Grecs !), avec l'âge ou plutôt l'expérience, il mettra de l'eau dans son vin à ce sujet. Parce qu'Aristote vieillit, et ce qui l'intéresse change. Le vieux Aristote, on le connaît, c'est aussi un immense naturaliste, si on regarde le rang d'oignons des oeuvres conservées, c'est l'époque des traités naturalistes, et il n'y en aura plus d'autre. Aristote ne regarde plus le ciel, la sphère des fixes et ces maudits astres errants, les planètes, parfaitement irréconciliables tant qu'on ne change pas de point de vue, etc., il n'en peut plus, il n'en veut plus. Non, Aristote regarde un esclave (il affranchira tous ses esclaves dans son testament, exécuté rigoureusement) découper un animal, il le fait lui-même, il ramasse des coquillages, il observe et il prend note, encore et encore, tous les naturalistes du monde comprennent immédiatement, radicalement, on est entre nous, on se comprend. Aristote, le vieux, qui ramasse des coquillages, etc., est aujourd'hui considéré comme le premier scientifique, au sens occidental et contemporain du terme. Ce n'est pas rien de ne plus regarder le ciel. Parce que le jeune Aristote nous fera longtemps, dans son oeuvre, une promesse qu'il n'a pas tenu : en ramassant des coquillages. De temps en temps, cet homme méthodique, rigoureux, dit, je résume en substance, dans telle ou telle oeuvre connue, et régulièrement : Oui, bon, là, c'est autre chose, c'est un autre sujet, pas des moindres, bien au contraire, cela fera l'objet d'un ouvrage, traité comme on dit, spécifique, ça ressort, et là je cite, de " la philosophie première ". Aristote n'a jamais écrit ce livre, stricto-sensu. Aristote ramasse des coquillages, observe les oiseaux, les phoques, etc., et c'est effectivement ainsi que la philosophie première est laissée en plan. Et il meurt. Alors les héritiers, spirituels, les dirigeants du Lycée, rassemblent tout ce qu'Aristote a bien pu écrire en matière de philosophie première, et donc on voit cette compilation porter le titre, ce n'est même pas sûr, j'y viens, de " Métaphysique ". C'est comme ça que ça commence, en tous cas, avec ce mot. Il signifie quoi ce " méta " ? Et bien, en l'état des connaissances actuelles, on a le choix entre deux options. " Méta ", peut se traduire par " après ", au sens le plus trivial du terme, de la même façon que sur une étagère on range tout simplement un livre " après " un autre, ici, la " Physique " (mais même dans ce cas, on peut se demander pourquoi, il faut placer la " Métaphysique " " après " la " Physique). Ou alors, thèse, option, métaphysiques (honnêtement, celle-là, je ne pouvais pas ne pas la faire !), c'est " au dessus ", plus radical, notoirement en terme de cause à effet, et c'est ce qu'il dit, par exemple dans la " Physique ", du coup, le " méta " littéral peut devenir " avant " !! Je l'ai dit, tout un chacun a le droit, aujourd'hui, de choisir entre ces deux options. Mais tout de même, je vais donner mon avis, en rappelant qu'Aristote dit bien " Philosophie première ", j'insiste donc sur le deuxième terme. Et il se trouve qu'historiquement, à la suite d'Aristote, qui ne dit jamais " Métaphysique ", c'est bien l'option métaphysique (désolé !) qui s'est imposée. Et si on devait le dire en aussi peu de mots que possible, de quoi parle la " Métaphysique ", la " Philosophie première " d'Aristote ? Du Dieu substance, de l'être (on a une ontologie et une théologie), en tant que tel. Hé oui, dans la " Physique ", le Dieu c'est d'abord le Premier Moteur. Et c'est surtout dans la " Physique " qu'il nous dit qu'il nous parlera ailleurs du Dieu en tant que tel. Le Dieu Créateur et Entité métaphysique (promis, je le ferais plus !) normative, la thèse n'est pas neuve, elle est encore très vigoureuse, c'est la plus répandue, elle a le mérite d'être à la portée de tous (et je n'ironise pas). Ce qui est neuf, de la part du premier scientifique, c'est bien l'intention d'écrire deux livres différents sur une même chose de deux points de vue différents, surtout dans le cas de la divinité. Il y a comme une fracture. Dommage que la postérité n'est pas retenue Aristote le vieux, c'est comme ça. Mais, au XVII°, on se réveille, après 47 siècles (je compte ici comme l'historien, depuis la plus vieille écriture connue) d'une petite enfance très laborieuse, la science fait ses premiers pas autonomes. Et il se trouve que la science ne fait pas de métaphysique, il se trouve même qu'elle ne peut et ne veut absolument pas en faire. Ici, tout va pour le mieux. Même avec le petit doute évoqué ci-dessus, la métaphysique est donc, au moins de fait et historiquement, le titre d'un " texte " d'Aristote. Et ceux qui la connaissent ont compris les guillemets : c'est une compilation posthume de textes d'Aristote écrits à différentes époques de sa vie, très hétéroclites, hétérogènes, et relatifs à ce qu'il nommait lui-même " philosophie première ". Je ne  m'appesantis par sur ce " livre " fondamental, un des dix livres les plus importants de l'histoire de l'Occident, ce n'est pas le sujet et la littérature est pléthorique. Mais la " métaphysique ", c'est d'abord cela. J'ai beaucoup de mal avec Kant et je pense que c'est définitif, mais à propos de la métaphysique il a parlé de " Gigantomachie ", dans le sens où le Sort du Monde est en jeu. Sur ce point je suis d'accord.

Pour le texte de la " Métaphysique " d'Aristote, je recommande la dernière édition de Tricot chez Vrin et quelques joyaux de l'exégèse pour Aristote en général et la " Métaphysique " en particulier : les " Aristote " de Werner Jaeger (traduit en français en 1997, ...) et de David Ross, " Le problème de l'être chez Aristote " de Pierre Aubenque, et " Essai sur la " Métaphysique " d'Aristote " de Félix Ravaisson (maître de Bergson). En relevant encore une fois que trois textes majeurs ne sont toujours pas traduits en français : les introductions de Jaeger et Ross à leur édition de la " Métaphysique " et l'essai que Jaeger consacre à celle-ci.


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Message par hks Ven 29 Jan 2021 - 22:01

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Message par jean tardieu Dim 31 Jan 2021 - 11:37

La métaphysique, on l'aura compris, s'occupe de l'être de l'être car nos sens nous trompent, ce qui est exact. Et elle se sert de la logique, formelle ou autre, pour parvenir à ses fins.
Mais alors se pose à la métaphysique une question qui pourrait bien lui assigner des limites (l'étude des cas limites formant les bornes de la logique). Cette question est celle de la matière. Qu'est-ce que l'être de la matière ? De quoi est-elle faite ? Certainement pas de matière car ce serait tourner en rond.
On sait que certaines particules de matière, produites dans des accélérateurs, ont une durée de vie de quelques micro-secondes, avant de se transformer, de se sublimer, de disparaître. Quelle est donc la nature de cette matière, son être véritable ? Et cette question est-elle un cas limite pour la métaphysique ?

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Message par denis_h Lun 1 Fév 2021 - 9:07

jean tardieu,

il faudrait que vous lisiez le monde comme volonté et comme représentation de schopenhauer.

évidemment c'est un gros pavé, mais ça vous intéresserait, j'en suis sûr.
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Message par Vanleers Lun 1 Fév 2021 - 10:21

Je note, au passage, que l’intitulé du fil est « Métaphysique » et non « La métaphysique ».
Ceci pour souligner que, sur un autre fil, « métaphysique » n’est pas un substantif mais un adjectif qu’emploie Karl Popper pour caractériser une théorie non testable mais discutable rationnellement.
Le fait que, à la différence des théories scientifiques, les théories métaphysiques ne sont pas testables ne les rend pas sans intérêt, ce que soutenaient les scientistes du Cercle de Vienne auxquels s’est heurté Popper.

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Message par jean tardieu Lun 1 Fév 2021 - 10:31

Denis, si tu réfères au principe du devenir tu as raison de mettre en doute celui de la matière comme limite de l'être puisque tout devient, y compris la matière. Demeure une nécessité d'explication que n'épuise pas la métaphysique. Que rien n'épuise, d'ailleurs !

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Message par denis_h Lun 1 Fév 2021 - 12:11

jean, sur les limites de la métaphysique, voir ci dessous, par exemple,

chapitre L , pages 1603 à 1611 :

https://www.schopenhauer.fr/oeuvres/fichier/le-monde-comme-volonte-et-comme-representation.pdf
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Message par jean tardieu Lun 1 Fév 2021 - 13:12

Parfaitement, Denis, et je relève ceci :
De plus, il est pour le moins vraisemblable que sur toutes
ces questions non seulement pour nous, mais pour tous les hommes
en général, il n’y a en aucun lieu et en aucun temps de connaissance
possible ; que ces matières sont non pas relativement, mais
absolument impénétrables à toute recherche ;


Les accélérateurs de particules sont des extensions de nos sens. Donc toujours "réactualisateurs" de nos savoirs et, partant, de Shopenhauer.
On est toujours d'accord sur les limites, conjecturables sans fin, de la métaphysique. Les limites sont toujours "à ce jour...", et reculent sans cesse.

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Message par neopilina Lun 1 Fév 2021 - 16:30

Vanleers a écrit:Je note, au passage, que l’intitulé du fil est « Métaphysique » et non « La métaphysique ».
Ceci pour souligner que, sur un autre fil, « métaphysique » n’est pas un substantif mais un adjectif qu’emploie Karl Popper pour caractériser une théorie non testable mais discutable rationnellement.
Le fait que, à la différence des théories scientifiques, les théories métaphysiques ne sont pas testables ne les rend pas sans intérêt, ce que soutenaient les scientistes du Cercle de Vienne auxquels s’est heurté Popper.

Je profite de l'occasion. J'ai été très surpris de voir ce fil déplacé dans la section " Aristote ", où se trouve comme il se doit, un fil consacré à la " Métaphysique " d'Aristote. Le mot " ontologie ", en l'état des connaissances actuelles, apparaît en 1647, dans un banal dictionnaire de Johann Clauberg (ontologia est utilisé dans une formule latine, dans ses " Elementa Philosophiae sive Ontosophia ", Groningen, 1647), mais on se doute quand même " un peu " que Parménide, Platon, Aristote, Saint Thomas d'Aquin, Jean Duns Scot, et " quelques autres " jusqu'à Heidegger, avec " Être et Temps ", et Sartre, avec " L'être et le néant. Essai d'ontologie phénoménologique ", que les philosophes faisaient de l'ontologie bien avant que le terme ne soit forgé. Idem pour la métaphysique. On se doute bien que les hommes en faisaient avant que le mot soit forgé, et qu'aujourd'hui il y a quelques milliards de Sujets, philosophiquement dit donc, qui font activement, constitutivement, de la métaphysique sans connaître ce mot. Qu'ils y pensent en tant que telle, c'est effectivement une autre paire de manches. Il me semblait avoir été clair dans le premier message, rien de grave, je modifie le titre. Après mûre (très mûre), je me suis qu'il fallait commencé par le " début ", c'est à dire ici, par défaut et a minima, l'origine du terme.

Idéalement, mais manifestement il faut encore le rappeler régulièrement, la science s'occupe du sens, alors que l'éthologie, les sciences humaines, de la psychanalyse à la métaphysique en passant par la philosophie, s'occupe du Sens conféré, apporté, a priori, constitutivement, par le Sujet en tant que tel.


Dernière édition par neopilina le Lun 1 Fév 2021 - 17:17, édité 2 fois

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Message par denis_h Lun 1 Fév 2021 - 16:33

eh oui, la métaphysique, tout le monde en fait.

c'est comme monsieur jourdain avec la prose.

par contre, votre dernier paragraphe : ????
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Message par neopilina Lun 1 Fév 2021 - 16:44

Exemples.

Le fer s'oxyde au contact de l'oxygène de l'air, c'est du sens, ça relève de la science (métallurgie et chimie).

Cette Femme est belle, Pinochet un rat d'égout, etc., c'est du Sens, ça relève des sciences humaines, métaphysique inclue.

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Message par denis_h Lun 1 Fév 2021 - 17:05

ah.

donc ce que vous appelez sens relève de l'observation empirique et scientifique.

et le Sens relève d'un jugement esthétique ou morale ?

je ne connaissais pas cette terminologie. c'est de votre cru ?
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Message par hks Lun 1 Fév 2021 - 17:19

neopilina a écrit:Je profite de l'occasion. J'ai été très surpris de voir ce fil déplacé dans la section " Aristote ", où se trouve comme il se doit, un fil consacré à la " Métaphysique " d'Aristote.
C'est à dire que le fil à fait un tour à la corbeille avec les 5messages inutiles.
Je l'ai exhumé de la poubelle et replacé comme ça m'est venu. TU le mets où tu veux.

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Message par neopilina Lun 1 Fév 2021 - 17:21

denis_h a écrit:Je ne connaissais pas cette terminologie. C'est de votre cru ?

N'exagérons rien. Elle est de fait. Mais m'exténuer à la dire aussi explicitement qui soit, c'est effectivement une de mes " manies ". Par exemple, constater cette différence dans le monde animal, nous fait passer de la sociobiologie à l'éthologie, etc.

P.S. à hks,
Je ne sais même pas si je dispose des moyens de le déplacer, je te laisse faire. Je l'avais mis dans " Lignes en marge ".

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Message par jean tardieu Lun 1 Fév 2021 - 20:13

Dans le sillage de cette conception qui provient de l’Antiquité, la métaphysique occidentale s’est occupée et s’occupe toujours encore de questions qui concernent les caractéristiques ultimes de la réalité.

D'où l'épistémologie.

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Message par neopilina Lun 1 Fév 2021 - 20:50

jean tardieu a écrit:
Dans le sillage de cette conception qui provient de l’Antiquité, la métaphysique occidentale s’est occupée et s’occupe toujours encore de questions qui concernent les caractéristiques ultimes de la réalité.

Citer les sources, ici, c'est " bien ".

jean tardieu a écrit:D'où l'épistémologie.

Exact. Ce qui permet, justement, très précisément, d'éviter ce genre de choses :

jean tardieu a écrit:La métaphysique, on l'aura compris, s'occupe de l'être de l'être car nos sens nous trompent, ce qui est exact. Et elle se sert de la logique, formelle ou autre, pour parvenir à ses fins.
Mais alors se pose à la métaphysique une question qui pourrait bien lui assigner des limites (l'étude des cas limites formant les bornes de la logique). Cette question est celle de la matière. Qu'est-ce que l'être de la matière ? De quoi est-elle faite ? Certainement pas de matière car ce serait tourner en rond.
On sait que certaines particules de matière, produites dans des accélérateurs, ont une durée de vie de quelques micro-secondes, avant de se transformer, de se sublimer, de disparaître. Quelle est donc la nature de cette matière, son être véritable ? Et cette question est-elle un cas limite pour la métaphysique ?

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Message par Vanleers Lun 1 Fév 2021 - 21:05

neopilina a écrit:
Idéalement, mais manifestement il faut encore le rappeler régulièrement, la science s'occupe du sens, alors que l'éthologie, les sciences humaines, de la psychanalyse à la métaphysique en passant par la philosophie, s'occupe du Sens conféré, apporté, a priori, constitutivement, par le Sujet en tant que tel.

En distinguant « sens » et « Sens », « être » et « Être »,… etc. vous établissez  une démarcation entre deux espèces d’énoncés, ce qui était déjà le problème du Cercle de Vienne :

Patrick Juignet a écrit:Moritz Schilck défend une position radicale, qui aboutit à une démarcation des types de pensées, mais qui se nuance par une répartition des rôles entre science, philosophie et art.
La clarification des problèmes philosophiques traditionnels conduira à montrer que nombre d'entre eux sont de faux problèmes. Le rôle de la philosophie renouvelée sera de les transformer en problèmes ayant une réponse empirique selon une formulation rigoureuse. La méthode de cette clarification est celle de l’analyse logique.
Lorsque quelqu’un affirme : « Il y a un Dieu », « L’Inconscient est le fondement originaire du monde », « Il y a une entéléchie comme principe directeur du vivant », nous ne lui disons pas : « Ce que tu dis est faux », mais nous lui demandons : « Qu’est-ce que tu signifies avec tes énoncés ? ».
Pour les tenants du Cercle de Vienne, grâce à une telle question, une démarcation très nette apparaîtra alors entre deux espèces d'énoncés : d’un côté les affirmations apparentées à celles de la science empirique ; leur sens peut être constaté par les données empiriques. Les autres énoncés, parmi lesquels ceux que l’on vient de citer, et qui se révèlent complètement dénués de signification.
Il s'ensuit une répartition des rôles culturels. Les énoncés métaphysiques réinterprétés perdent le contenu émotionnel qui, dans la plupart des cas, est essentiel pour le métaphysicien. L’analyse montre que ces énoncés ne disent rien, mais ne sont en quelque sorte que l’expression d’un sentiment. L’expression d’un tel sentiment est important. Mais, le moyen d’expression adéquat n'est pas la philosophie, mais l’art (la littérature, la poésie, la musique). Si à leur place on choisit l’habillement abstrait d’une théorie, cela comporte un danger : un contenu théorique est simulé là où il n’y en a pas.

https://philosciences.com/philosophie-et-societe/111-cercle-de-vienne

Karl Popper contestera les conceptions scientistes du Cercle de Vienne et reprendra le problème de la démarcation en distinguant :

1) les énoncés scientifiques testables (falsifiables)
2) les énoncés métaphysiques non testables mais discutables rationnellement

Cette démarcation est particulièrement heureuse et féconde.
Les énoncés scientifiques y reçoivent un statut clair et simple.
Les énoncés métaphysiques retrouvent leur importance pour s’orienter dans la pensée et la vie.
Une partie du contenu des religions pourra être qualifié de métaphysique : discutable rationnellement et quoique indémontrable, il peut être rationnellement soutenable.

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Message par hks Lun 1 Fév 2021 - 22:02

Il me semble que la distinction faite par neopilina (sens et Sens) renvoie à une distinction plus fondamentale et drastique entre la quantité et la qualité.(entre facticité et valeur)

On pourrait décrire  les séries d'évènements naturels dans leur intégralité absolue  sans qu'apparaisse la valeur des choses
tout comme l'échelle de nos valorisation garde sa portée indépendamment de savoir à quelle fréquence leur contenu se présente dans la réalité (factuelle) et si seulement il le fait
.(je cite Simmel intro à la philosophie de l'argent)

Pour neopilina les objets de la science ont certes du sens en ce qu'il sont articulés les uns aux autres.  Tout comme les mécanismes de l'horloge sont là, les uns en fonction des autres, mais cela n'a pas de valeur, du moins tant que nous ne l'y mettons pas.
Les horloges tournent, indifférentes.

Dans le monde de la science, rien ne vaut et rien ne doit valoir.
Tout y est objectif, neutre indiffèrent.
Indifférent à la subjectivité qui, elle, valorise.

On voit nettement la distinction chez Platon, il y a tension de l'esprit philosophique non pas vers du quantifiable réitérable aveuglement, mais vers des valeurs : le bien, le beau, le juste.

Pour la métaphysique le monde (la nature ou le cosmos bref...)  s'organise en fonction de la valeur ( l'UN par exemple vaut plus que le multiple) et en degrés de perfection.
La métaphysique (avec l'Art et la morale, certes ) est le lieu d'élection de la valeur...
La science ne l'est pas, du moins pas dans son projet.

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L'énigme métaphysique : le Sens. Empty Re: L'énigme métaphysique : le Sens.

Message par quid Lun 1 Fév 2021 - 22:29

hks a écrit:La métaphysique (avec l'Art et la morale, certes ) est le lieu d'élection de la valeur...
La science ne l'est pas, du moins pas dans son projet.
Je pense qu'au contraire la science valorise. Elle valorise la connaissance.
De manière général, je pense que la science ça n'existe pas. C'est plus un genre d'épithète que l'on colle a un certain genre de connaissance. Ce genre de connaissance, n'est pas différent de la connaissance technologique et de tout art en général qui demande une maitrise objective de connaissances. Or ces maitrises ne sont que rarement exempts de valorisation et cela au travers de leurs d'objectifs, de leurs apports ou de leurs perspectives ; sinon comment expliquer l'engouement pour la chose scientifique ? Par exemple, il faut une certaine maitrise objective de connaissances pour tendre des pièges, pour chasser, pour sculpter du bois, et c'est du même genre que ce qu'est l'activité scientifique.
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Message par hks Lun 1 Fév 2021 - 22:58

à quid


1) je tente une explication de la distinction que fait neopilina.

2) Je ne dis pas qu'un scientifique ne valorise pas ce qu'il fait. Evidemment qu'il valorise.
Mais ce qu'il valorise c'est son désir de science.
Subjectivement il valorise  et il peut être d'un enthousiasme que certains disent religieux

Mon propos est dont tout autre :
Je dis que le monde décrit par la science est un monde objectif sans valeurs. Et il doit l'être.
La qualité n'a rien à faire dans le monde de la quantité.

Le monde ne "crée" de valeurs que via celles que nous y mettons.
La nature est indifférente. Cela vient et va indifférent au bien au beau au juste.
Si toi, tu ne la vois pas indifférente, c'est que tu y mets de la métaphysique.
Ceux qui n'en mettent pas n'y voient que du hasard non signifiant.
Et la nature est alors le plus froid des monstres froids.


Dernière édition par hks le Mar 2 Fév 2021 - 11:45, édité 1 fois

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Message par jean tardieu Lun 1 Fév 2021 - 23:10

hks a écrit:Mon propos est dont tout autre :
Je dis que le monde décrit par la science est un monde objectif sans valeurs. Et il doit l'être.
La qualité n'a rien à faire dans le monde de la quantité.
Ton propos est juste. Mais la science, aussi indifférente se veuille-t-elle, peut corriger certaines inexactitudes de la métaphysique.
D'autre part, le scientifique peut avoir deux casquettes, celle de la science et celle de la métaphysique, réunies en une, l'épistémologie, ce qui est toujours le cas. Einstein par exemple peut dire à la fois E=mc2 et "Dieu ne joue pas aux dés".

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Message par hks Lun 1 Fév 2021 - 23:25

à Jean Tardieu

je dois ajouter un codicille. Volontairement non introduit dès l'abord.

Car l'explication des valeurs peut ne pas relever de la métaphysique.
On expliquera que la nature produit des organismes qui créent de la valeur.
Dans ce cas de figure, La nature est toujours indifférente mais, par hasard, elle produit des créateurs de valeurs.
Ce qui n'est pas une thèse métaphysique.
Empiriquement nous constatons des jugements subjectifs dans la nature.

La métaphysique va valoriser ces faits.
Les faire sortir de l'indifférence.
Ces faits auront alors plus de valeurs que les faits qui n'ont pas de valeurs.
Il est notoire que (et c'est même le reproche qu'on lui fait)
la métaphysique valorise la valeur.

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Message par quid Mar 2 Fév 2021 - 0:20

hks a écrit:
Mon propos est dont tout autre :
Je dis que le monde décrit par la science est un monde objectif sans valeurs. Et il doit l'être.
La qualité n'a rien à faire dans le monde de la quantité.
En fait je me fais la réflexion que ce que l'on nomme science est en fait une surinterprétation de ce qu'est en réalité la science.
Un monde objectif que se donnerait la science est une réalité fantasmée.
L'activité scientifique consiste en l'apport de connaissances objectives pas en la description d'un monde objectif, ou alors à dessein d'objectivité.
Ce monde est alors sans valeur pas parce-que le monde est sans valeur en soi, mais parce-que l'objectivité ne recherche pas la valeur.

Tu dis que le monde objectif est sans valeur. Je pense que oui, mais parce-que l'activité scientifique consiste justement à ne considérer qu'un angle dépourvu de valeur. C'est assez juste de voir l'objectivité sous le rapport de la valeur, mais ne faut-il pas voir l'objectivité comme une dévalorisation à dessein ?

Cependant, ce qui fait la valeur du monde objectif au yeux du juste ou de l'injuste, c'est justement son objectivité.
Le fait qu'une roue par exemple puisse à la fois servir pour son char et pour le char de l'ennemi.
Pour mes desseins justes et pour mes desseins injustes.
Au travers de l'objectivité, il y a une recherche de maîtrise.
On ne peut donc déconnecter ce concept d'objectivité du monde, d'une recherche en ce sens.

hks a écrit:Le monde ne "crée" de valeurs que via celles que nous y mettons.
La nature est indifférente. Cela vient et va indifférent au bien au beau au juste.
Si toi y tu ne la vois pas indifférente, c'est que tu y mets de la métaphysique.
Ceux qui n'en mettent pas n'y voient que du hasard non signifiant.
Et la nature est alors le plus froid des monstres froids.
"La nature est indifférente" peut être une thèse métaphysique, car il n'est pas impossible que l'objectivité consiste justement retrancher la valeur et cette thèse ferait alors de la métaphysique autour de la "non-valeur".
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Message par neopilina Mar 2 Fév 2021 - 1:40

hks a écrit:Car l'explication des valeurs peut ne pas relever de la métaphysique.
On expliquera que la nature produit des organismes qui créent de la valeur.
Dans ce cas de figure, La nature est toujours indifférente mais, par hasard, elle produit des créateurs de valeurs.
Ce qui n'est pas une thèse métaphysique.
Empiriquement nous constatons des jugements subjectifs dans la nature.

Je suis d'accord. La nature en créant la vie a fini par engendrer au sein d'elle-même des Sujets philosophiquement dit, des Sujets générateurs de Valeurs et mus par elles.

hks a écrit:La métaphysique va valoriser ces faits.
Les faire sortir de l'indifférence.
Ces faits auront alors plus de valeurs que les faits qui n'ont pas de valeurs.
Il est notoire que (et c'est même le reproche qu'on lui fait) la métaphysique valorise la valeur.

Une petite précision d'ordre méthodologique :
- Ci-dessus j'ai dis que tout être humain, Sujet philosophique, " fait " de la métaphysique pour vivre sa vie d'être humain, et pas seulement celle d'un mammifère très lambda comme la musaraigne. Pour vivre sa vie d'être humain, de Sujet, il met en oeuvre en permanence les Valeurs qui sont les Siennes (cogito) constitutivement. Et je maintiens. Mais :
- Maintenant, en tant qu'amateur de philosophie, j'interroge consciemment les Valeurs, philosophiquement donc, on peut le faire autrement, comme les religions par exemple, etc., voilà ce que j'appelle faire de la métaphysique : interroger, penser, les Valeurs.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par hks Mar 2 Fév 2021 - 8:46

Quid a écrit:Ce monde est alors sans valeur pas parce-que le monde est sans valeur en soi, mais parce-que l'objectivité ne recherche pas la valeur.

Quid a écrit:mais parce-que l'activité scientifique consiste justement à ne considérer qu'un angle dépourvu de valeur.
je disais que l'objet de la science doit être posé hors la valeur.
Je ne peux pas étudier les propriétés  physiques de l'or  et du plomb différemment, selon leur valeur subjective (ou culturelles ou tout ce que tu veux de qualités non objectives)
L'or et le plomb sont à égalité.
........................................

quid a écrit:Cependant, ce qui fait la valeur du monde objectif aux yeux du juste ou de l'injuste, c'est justement son objectivité.
Bien sûr que l'objectivité a une valeur. Du point de vue humain.
Mais pas du point de vue de l'objet (ou du monde  des objets) lequel monde ne valorise justement pas .
Du moins aux yeux de ceux qui pensent que "La nature est indifférente".

Est -ce que cette thèse peut être une thèse métaphysique ?
Ce n'est en tout cas pas ce qu'elle prétend, elle prétend même tout le contraire .
La thèse "La nature est indifférente" est une thèse physique
(depuis Démocrite et Lucrèce).

et cette thèse ferait alors de la métaphysique autour de la "non-valeur".
La valorisation d'un monde sans Dieu ou privé de sens (un monde de l'absurde) n'est certes pas impossible, voir Nietzsche
lequel se dit adversaire farouche de la métaphysique.
et lui (Nietzsche) en trouve même chez Démocrite

Nietzsche a écrit:En fait, rien n’a jamais eu force de persuasion plus naïve que l’erreur de l’Être, telle qu’elle est par exemple formulée par les Éléates : car elle a pour elle chaque mot, chaque phrase que nous prononçons. Les adversaires même des Éléates ont succombé à la séduction (Verführung) de leur concept de l’Être : Démocrite, entre autres, lorsqu’il inventa son atome… La « raison » dans le langage : oh, quelle vieille trompeuse ! Je crains que nous ne puissions nous débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire…1

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