L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Spinoza, comme tous les grands philosophes, est une sorte de monument rationnel ou tout inter agit et se relie de façon à obtenir une cohérence parfaite.Vanleers a écrit:toniov a écrit:Ce que je crois c'est que la poésie s'approche davantage de la " vérité " que nos démarches intellectuelles et rationnelles.
Mais tout a son importance.
Le poète, au sens où l’emploie Thierry Collaud en se référant à Hölderlin et Heidegger, c’est le Voyant de Rimbaud, celui qui voit au-delà de ce que voit le sens commun et que voient les sciences.
Spinoza est également un « voyant », lui qui « voit » la structure du monde : une Substance cause de soi et ses modes.
Il s’agit ici d’une vision rationnelle :Spinoza a écrit:En effet les yeux de l’esprit par lesquels il voit et observe les choses, ce sont les démonstrations mêmes. (Ethique V 23 sc.)
Je pourrai comparer cela au tableau d'un grand peintre ou a une composition musicale parfaite.
Mais je ne sais pas s'il est possible de vraiment capter toute la " Vérité " par des chemins aussi directs.
Justement la poésie emprunte des chemins détournés parce qu'il est impossible , probablement, de voir la Vérité en face.
Ce faisant elle s'en approche peut être davantage.
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Dans l'émotion profonde ressentie devant telle ou telle poésie ou beauté, on sait qu'on approche d'une autre vérité (je pense à Platon)... , sublime, extraordinaire, et.. impossible à cerner et dire par des mots. Je crois que la platitude apparente des mots et expressions utilisés par bien des mystiques est précisément due à l'impossibilité de dire ce qui fut.Justement la poésie emprunte des chemins détournés parce qu'il est impossible , probablement, de voir la Vérité en face
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Ou encore : le mot n'est pas la chose.
Mais toute discipline est passionnante à exercer et il faut bien " s'attaquer " au réel d'une façon ou d'une autre
Mais toute discipline est passionnante à exercer et il faut bien " s'attaquer " au réel d'une façon ou d'une autre
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Ce qui me rappelle une belle tirade de Montherlant dans "La reine morte" : le tyran s'apprête à aller massacrer des opposants ; son conseiller lui dit : "Excellence, n'oubliez pas de parler de votre mansuétude" ; "excellent", répond le roi, "quand il n'y a pas la chose, il faut qu'il y ait le mot" !
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Belle tirade cynique sur celui qui ne se fait plus d'illusions sur sa fonction et sur lui même
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Thierry Collaud, dans Démence et résilience – Mobiliser la dimension spirituelle (Lumen Vitae 2013), montre que l’ouverture à la dimension spirituelle peut être une ressource pour faire face à la maladie d’Alzheimer.
Quand la maladie détruit, peu à peu mais de façon irrémédiable, les fonctions cognitives de la personne, une autre façon de s’adresser à elle est encore possible, dans un autre registre :
Th. Collaud montre qu’un autre rapport au monde, à l’autre, à Dieu, à soi-même est possible : le rapport spirituel.
Nous avons déjà noté qu’au sens ancien, l’esprit est « la capacité de mettre en relation la dimension mentale, intellectuelle et la dimension affective et corporelle de l’être humain » (Adrien Demoustier, op. cit. p. 32).
Ici, c’est la dimension affective et corporelle qui devra être dominante dans la relation avec la personne souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Avec la connaissance du troisième genre, ou science intuitive, Spinoza fait signe vers ce rapport spirituel au monde qui trouve son plein épanouissement dans la spiritualité ignatienne dans laquelle Dieu y est conçu comme personnel.
Quand la maladie détruit, peu à peu mais de façon irrémédiable, les fonctions cognitives de la personne, une autre façon de s’adresser à elle est encore possible, dans un autre registre :
Thierry Collaud a écrit:Dans le cadre d’une spiritualité forte postulant une interaction entre la transcendance et la personne, telle qu’on la trouve dans la tradition judéo-chrétienne, on peut dire qu’une personne est quelqu’un à qui l’interlocuteur par excellence, c’est-à-dire Dieu, s’adresse. Or Dieu ne s’adresse pas à l’homme principalement sur un mode intellectuel, mais sur le mode de ce que la théologie appelle la grâce, concept qui comprend les notions d’amour, de don, de gratuité, de fidélité, d’attention bienveillante et de tendresse.
Respecter la personne dans sa dimension spirituelle c’est s’adresser à elle sous toutes ces facettes-là mais aussi se laisser convoquer par elle à être son interlocuteur dans un dialogue d’amour, de don, de tendresse etc. Ceci implique deux remarques pour le cas particulier de la démence :
- Face à l’autre, si différent qu’il soit, nous sommes obligés de postuler qu’il y a entre lui et la Divinité un dialogue mystérieux que nous ne pouvons pas saisir. Dieu étant par définition cet au-delà de nous qui nous échappe, nous n’avons pas la possibilité de savoir ce qui se passe entre Lui et la personne qui nous fait face. Et plus particulièrement nous ne pouvons pas juger de conditions qui feraient qu’Il arrête de s’adresser à un individu à cause de ses incapacités psychiques.
- L’approche de la personne souffrant de maladie d’Alzheimer n’est pas prétéritée voire rendue impossible par les troubles cognitifs et langagiers comme beaucoup le pensent. Au contraire, le déficit au niveau de ces lieux classiques d’interaction nous donne peut-être la chance d’ouvrir enfin ces autres portes, celles du don, de la gratuité, et de la tendresse qui amènent au vrai cœur de la personne. (p. 66)
Th. Collaud montre qu’un autre rapport au monde, à l’autre, à Dieu, à soi-même est possible : le rapport spirituel.
Nous avons déjà noté qu’au sens ancien, l’esprit est « la capacité de mettre en relation la dimension mentale, intellectuelle et la dimension affective et corporelle de l’être humain » (Adrien Demoustier, op. cit. p. 32).
Ici, c’est la dimension affective et corporelle qui devra être dominante dans la relation avec la personne souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Avec la connaissance du troisième genre, ou science intuitive, Spinoza fait signe vers ce rapport spirituel au monde qui trouve son plein épanouissement dans la spiritualité ignatienne dans laquelle Dieu y est conçu comme personnel.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
je trouve que ce que dit Thierry Collaud rejoint le témoignage de christian bobin dans son livre La présence pure. il y parle de son père en fin de vie et atteint d'alzheimer, mais aussi des arbres et de la nature. connaissez vous ce livre ?
denis_h- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Merci, je le lirai.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Très intéressant.Vanleers a écrit:Thierry Collaud, dans Démence et résilience – Mobiliser la dimension spirituelle (Lumen Vitae 2013), montre que l’ouverture à la dimension spirituelle peut être une ressource pour faire face à la maladie d’Alzheimer.
Quand la maladie détruit, peu à peu mais de façon irrémédiable, les fonctions cognitives de la personne, une autre façon de s’adresser à elle est encore possible, dans un autre registre :Thierry Collaud a écrit:Dans le cadre d’une spiritualité forte postulant une interaction entre la transcendance et la personne, telle qu’on la trouve dans la tradition judéo-chrétienne, on peut dire qu’une personne est quelqu’un à qui l’interlocuteur par excellence, c’est-à-dire Dieu, s’adresse. Or Dieu ne s’adresse pas à l’homme principalement sur un mode intellectuel, mais sur le mode de ce que la théologie appelle la grâce, concept qui comprend les notions d’amour, de don, de gratuité, de fidélité, d’attention bienveillante et de tendresse.
Respecter la personne dans sa dimension spirituelle c’est s’adresser à elle sous toutes ces facettes-là mais aussi se laisser convoquer par elle à être son interlocuteur dans un dialogue d’amour, de don, de tendresse etc. Ceci implique deux remarques pour le cas particulier de la démence :
- Face à l’autre, si différent qu’il soit, nous sommes obligés de postuler qu’il y a entre lui et la Divinité un dialogue mystérieux que nous ne pouvons pas saisir. Dieu étant par définition cet au-delà de nous qui nous échappe, nous n’avons pas la possibilité de savoir ce qui se passe entre Lui et la personne qui nous fait face. Et plus particulièrement nous ne pouvons pas juger de conditions qui feraient qu’Il arrête de s’adresser à un individu à cause de ses incapacités psychiques.
- L’approche de la personne souffrant de maladie d’Alzheimer n’est pas prétéritée voire rendue impossible par les troubles cognitifs et langagiers comme beaucoup le pensent. Au contraire, le déficit au niveau de ces lieux classiques d’interaction nous donne peut-être la chance d’ouvrir enfin ces autres portes, celles du don, de la gratuité, et de la tendresse qui amènent au vrai cœur de la personne. (p. 66)
Th. Collaud montre qu’un autre rapport au monde, à l’autre, à Dieu, à soi-même est possible : le rapport spirituel.
Nous avons déjà noté qu’au sens ancien, l’esprit est « la capacité de mettre en relation la dimension mentale, intellectuelle et la dimension affective et corporelle de l’être humain » (Adrien Demoustier, op. cit. p. 32).
Ici, c’est la dimension affective et corporelle qui devra être dominante dans la relation avec la personne souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Avec la connaissance du troisième genre, ou science intuitive, Spinoza fait signe vers ce rapport spirituel au monde qui trouve son plein épanouissement dans la spiritualité ignatienne dans laquelle Dieu y est conçu comme personnel.
J'ai eu cette expérience de rapprochement avec des personnes atteintes d' Alzheimer.
J'ai fait de façon ponctuelle, toutes les deux semaines, de l'animation en maison de retraite.
J'ai toujours refusé de réduire la personne à sa maladie.
Pour moi il y a toujours une personne , quel que soit l' état du corps et du mental.
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
denis_h a écrit:je trouve que ce que dit Thierry Collaud rejoint le témoignage de christian bobin dans son livre La présence pure. il y parle de son père en fin de vie et atteint d'alzheimer, mais aussi des arbres et de la nature. connaissez vous ce livre ?
J’ai lu le livre de Christian Bobin.
Magnifique. Merci de l’avoir signalé.
Je cite la quatrième de couverture :
Christian Bobin a écrit:Je suis né dans un monde qui commençait à ne plus vouloir entendre parler de la mort et qui est aujourd’hui parvenu à ses fins, sans comprendre qu’il s’est du coup condamné à ne plus entendre parler de la grâce.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Avec Thierry Collaud, nous avons vu qu’un autre rapport au monde, à l’autre, à Dieu, à soi-même est possible : le rapport spirituel.
Tout au long du fil, on a essayé de rapprocher ce rapport de diverses expressions : Parole de la Vie (Zôê), regard de l’ange, poème de la grâce.
Comment ce nouveau rapport peut-il se diffuser et s’établir ?
La religion apparaît comme un véhicule du rapport spirituel au monde.
Force est de constater que le véhicule dit chrétien est et a été très imparfait au cours des siècles.
Saint Paul en était déjà conscient :
Il est donc nécessaire, aujourd’hui comme toujours, de rechercher, au-delà des limites, parfois scandaleuses, du messager, la « substantifique moelle » du message.
Tout au long du fil, on a essayé de rapprocher ce rapport de diverses expressions : Parole de la Vie (Zôê), regard de l’ange, poème de la grâce.
Comment ce nouveau rapport peut-il se diffuser et s’établir ?
La religion apparaît comme un véhicule du rapport spirituel au monde.
Force est de constater que le véhicule dit chrétien est et a été très imparfait au cours des siècles.
Saint Paul en était déjà conscient :
Saint Paul (2 Corinthiens 6-7) a écrit:Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ.Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous.
Il est donc nécessaire, aujourd’hui comme toujours, de rechercher, au-delà des limites, parfois scandaleuses, du messager, la « substantifique moelle » du message.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Je poursuis, dans la même direction, le post précédent.
Le message que transmet la religion chrétienne, la « substantifique moelle » de la bonne nouvelle de l’Évangile, n’est pas transmis sous forme d’un corpus de connaissances à croire, d’un « catéchisme » à apprendre, mais par le témoignage de personnes qui ont vécu de cette bonne nouvelle.
Le témoin, c’est le martyr au sens du grec ancien μάρτυς / mártus, « témoin » (wikipédia).
Ce sont des témoins, au sens indiqué ci-dessus, qui, au cours des siècles, ont transmis l’Évangile, tant bien que mal et parfois plutôt mal que bien.
L’Évangile n’est pas une parole magique qu’il suffirait de prononcer mais une vérité qui ne vaut que d’être incarnée pour être transmise aux autres.
L’évangélisation est une humanisation de l’homme par sa divinisation (Irénée de Lyon : « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu »)
Les ratages et les contre-exemples ont été et sont encore innombrables.
L’Évangile demeure.
Le message que transmet la religion chrétienne, la « substantifique moelle » de la bonne nouvelle de l’Évangile, n’est pas transmis sous forme d’un corpus de connaissances à croire, d’un « catéchisme » à apprendre, mais par le témoignage de personnes qui ont vécu de cette bonne nouvelle.
Le témoin, c’est le martyr au sens du grec ancien μάρτυς / mártus, « témoin » (wikipédia).
Thierry Collaud a écrit:Le témoin, c’est celui qui raconte ou qui montre sa vie et qui en même temps raconte ou montre autre chose de plus important. Il renvoie à une réalité (une Vérité, un Absolu, un Amour) qui est au-delà des formes de ce qui se donne à voir, qui les dépasse infiniment. Sa présence en acte, c’est-à-dire sa vie renvoie, dit Ricoeur, à l’absolu qui le fait vivre.
Les témoins sont donc des personnes qui donnent à voir leur vie de telle manière que d’autres puissent y pressentir l’ouverture vers un au-delà. (op. cit. p. 72)
Ce sont des témoins, au sens indiqué ci-dessus, qui, au cours des siècles, ont transmis l’Évangile, tant bien que mal et parfois plutôt mal que bien.
L’Évangile n’est pas une parole magique qu’il suffirait de prononcer mais une vérité qui ne vaut que d’être incarnée pour être transmise aux autres.
L’évangélisation est une humanisation de l’homme par sa divinisation (Irénée de Lyon : « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu »)
Les ratages et les contre-exemples ont été et sont encore innombrables.
L’Évangile demeure.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
l'homme qui veut être dieu.
voir La Fontaine : la grenouille et le boeuf.
voir La Fontaine : la grenouille et le boeuf.
denis_h- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Dans mon post précédent, j’ai indiqué que le message spirituel de l’Évangile était essentiellement transmis par le témoignage des personnes qui ont vécu de cette bonne nouvelle.
A l’appui, j’ai cité Thierry Collaud, médecin et théologien qui, dans l’ouvrage signalé, explore la mobilisation de la dimension spirituelle à propos de la maladie d’Alzheimer.
A la suite de la citation que j’en ai donnée précédemment, l’auteur donne des exemples de témoignages :
L’évangélisation, c’est-à-dire l’humanisation de l’homme par spiritualisation, a rencontré et rencontre de multiples obstacles, y compris dans les églises elles-mêmes.
Pourquoi une telle résistance ? Pourquoi l’humanisation de l’homme est-elle aussi difficile ? Pourquoi l’homme retombe-t-il aussi souvent dans l’inhumain ?
Spinoza et Ignace de Loyola ouvrent des pistes d’explication.
A l’appui, j’ai cité Thierry Collaud, médecin et théologien qui, dans l’ouvrage signalé, explore la mobilisation de la dimension spirituelle à propos de la maladie d’Alzheimer.
A la suite de la citation que j’en ai donnée précédemment, l’auteur donne des exemples de témoignages :
Thierry Collaud a écrit:Les horreurs du nazisme ont créé les conditions de vie les pires que l’on puisse imaginer. Pourtant, au milieu de la noirceur des camps se sont levés des êtres qui ont persisté malgré tout dans leur humanité (référence à Etty Hillesum) ; comme le témoin-surprise qui vient renverser le cours d’un procès, ils disent, de manière inattendue, la possibilité dans ces lieux que l’on aurait crus livrés à l’absurdité, c’est-à-dire privés à tout jamais d’harmonie, d’habiter le monde de la véritable manière « en poètes » ou en êtres spirituels.
Ces témoignages sont particulièrement interpellants dans le cas de la démence qui, elle aussi, est considérée de nos jours comme un des lieux de l’horreur par excellence. (op. cit. p. 73)
L’évangélisation, c’est-à-dire l’humanisation de l’homme par spiritualisation, a rencontré et rencontre de multiples obstacles, y compris dans les églises elles-mêmes.
Pourquoi une telle résistance ? Pourquoi l’humanisation de l’homme est-elle aussi difficile ? Pourquoi l’homme retombe-t-il aussi souvent dans l’inhumain ?
Spinoza et Ignace de Loyola ouvrent des pistes d’explication.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
A mon sens l'humanisation de l'homme est difficile à cause de la liberté :
L'homme peut explorer pratiquement tous les possibles. Et c'est ce qu'il fait.
La sagesse et la spiritualité ne sont que des options.
Je pense qu'il faut bien être en accord avec soi même, avant tout.
Ensuite on essaie d'avancer.
Comparé à une vie humaine je perçois l'humanité comme une adolescence perturbée.
A cet âge là, on est généralement capable du meilleur comme du pire et on se moque royalement de la sagesse.
L'homme peut explorer pratiquement tous les possibles. Et c'est ce qu'il fait.
La sagesse et la spiritualité ne sont que des options.
Je pense qu'il faut bien être en accord avec soi même, avant tout.
Ensuite on essaie d'avancer.
Comparé à une vie humaine je perçois l'humanité comme une adolescence perturbée.
A cet âge là, on est généralement capable du meilleur comme du pire et on se moque royalement de la sagesse.
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
l'homme est à mi chemin entre la bête et l'ange (cf. discours de pic de la Mirandole)
or, malheureusement (l'histoire le montre)
"qui veut faire l'ange fait la bête" - Pascal
or, malheureusement (l'histoire le montre)
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denis_h- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Et pour cause : la prédication de Jésus est devenue rapidement prédication SUR Jésus, et la bonne nouvelle d'origine (Dieu est un père miséricordieux, soyez compatissants et serviables au lieu de respecter des rites rigides) est devenue : Jésus-Christ est ressuscité, tout est changé ! Et, plus grave, la pratique de l'évangile a cédé la place à un nouveau ritualisme rigide et à un système de sacrements inconnus de Jésus...Le message que transmet la religion chrétienne, la « substantifique moelle » de la bonne nouvelle de l’Évangile, n’est pas transmis sous forme d’un corpus de connaissances à croire, d’un « catéchisme » à apprendre, mais par le témoignage de personnes qui ont vécu de cette bonne nouvelle.
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Jans- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Jans a écrit:Et pour cause : la prédication de Jésus est devenue rapidement prédication SUR Jésus, et la bonne nouvelle d'origine (Dieu est un père miséricordieux, soyez compatissants et serviables au lieu de respecter des rites rigides) est devenue : Jésus-Christ est ressuscité, tout est changé ! Et, plus grave, la pratique de l'évangile a cédé la place à un nouveau ritualisme rigide et à un système de sacrements inconnus de Jésus...Le message que transmet la religion chrétienne, la « substantifique moelle » de la bonne nouvelle de l’Évangile, n’est pas transmis sous forme d’un corpus de connaissances à croire, d’un « catéchisme » à apprendre, mais par le témoignage de personnes qui ont vécu de cette bonne nouvelle.
La bonne nouvelle de l’Évangile est en effet celle-là : Dieu est un père miséricordieux et les hommes des fils invités à agir en conséquence.
Cette bonne nouvelle n’a jamais été oubliée, même si elle a été souvent occultée par des interprétations adaptées aux mentalités du temps.
Ignace de Loyola a exprimé, à sa façon, cette bonne nouvelle au début de ses Exercices spirituels en posant le principe et fondement de sa spiritualité :
Ignace de Loyola a écrit:L’homme est créé pour louer, honorer [hazer reuerencia – faire révérence] et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre, sont créées pour l’homme, et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé.
Car honorer Dieu, c’est célébrer la Vie (Zôê), autre nom de Dieu dans l’évangile de Saint Jean.
Ignace remplace l’anthropocentrisme par un théocentrisme qui, paradoxalement, libère l’homme et l’invite à « habiter le monde en poète », pour reprendre Hölderlin, cité plus haut par Thierry Collaud.
Cette vision spirituelle du monde exposée par Ignace a son équivalent dans l’Ethique de Spinoza, ce qui a été montré tout au long de ce fil.
Dernière édition par Vanleers le Jeu 17 Juin 2021 - 7:37, édité 1 fois
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
toniov a écrit:A mon sens l'humanisation de l'homme est difficile à cause de la liberté :
L'homme peut explorer pratiquement tous les possibles. Et c'est ce qu'il fait.
La sagesse et la spiritualité ne sont que des options.
Je pense qu'il faut bien être en accord avec soi même, avant tout.
Ensuite on essaie d'avancer.
Comparé à une vie humaine je perçois l'humanité comme une adolescence perturbée.
A cet âge là, on est généralement capable du meilleur comme du pire et on se moque royalement de la sagesse.
Pour ma part, je verrais plutôt la cause principale des difficultés de l’humanisation de l’homme dans une vision erronée du monde.
C’était déjà la thèse des Grecs, c’est aussi celle de Spinoza et des spirituels chrétiens, bouddhistes et taoïstes.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
pas exactemement ; le rédacteur fait dire à Jésus (14:6) : ego eimi ho odos kai è aletheia kai è zôè : Ἐγώ εἰμι ἡ ὁδὸς καὶ ἡ ἀλήθεια καὶ ἡ ζωή.la Vie (Zôê), autre nom de Dieu dans l’évangile de Saint Jean
On lit en Jean au chapitre 8 un dialogue musclé entre Jésus et des pharisiens, lesquels demandent à Jésus (8,19) "ton père, où est-il ?" et affirment plus loin (8,41) : "Nous ne sommes pas, nous, nés de la prostitution !" Ce qui indique qu'il y avait bien un "bruit" qui disait que Jésus était le fils illégitime d'une "coiffeuse" (Myriam) et d'un soldat romain : Panthera. Ce qui se retrouvera dans le talmud.
Il doit y avoir un lien avec la naissance virginale, mais lequel ? cause ou effet ?
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Jans- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Oui mais y a t'il une vision juste ?Vanleers a écrit:toniov a écrit:A mon sens l'humanisation de l'homme est difficile à cause de la liberté :
L'homme peut explorer pratiquement tous les possibles. Et c'est ce qu'il fait.
La sagesse et la spiritualité ne sont que des options.
Je pense qu'il faut bien être en accord avec soi même, avant tout.
Ensuite on essaie d'avancer.
Comparé à une vie humaine je perçois l'humanité comme une adolescence perturbée.
A cet âge là, on est généralement capable du meilleur comme du pire et on se moque royalement de la sagesse.
Pour ma part, je verrais plutôt la cause principale des difficultés de l’humanisation de l’homme dans une vision erronée du monde.
C’était déjà la thèse des Grecs, c’est aussi celle de Spinoza et des spirituels chrétiens, bouddhistes et taoïstes.
Par exemple les Bouddhistes et les Chrétiens ne voient vraiment le monde de la même façon.
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
toniov a écrit:Oui mais y a t'il une vision juste ?Vanleers a écrit:toniov a écrit:A mon sens l'humanisation de l'homme est difficile à cause de la liberté :
L'homme peut explorer pratiquement tous les possibles. Et c'est ce qu'il fait.
La sagesse et la spiritualité ne sont que des options.
Je pense qu'il faut bien être en accord avec soi même, avant tout.
Ensuite on essaie d'avancer.
Comparé à une vie humaine je perçois l'humanité comme une adolescence perturbée.
A cet âge là, on est généralement capable du meilleur comme du pire et on se moque royalement de la sagesse.
Pour ma part, je verrais plutôt la cause principale des difficultés de l’humanisation de l’homme dans une vision erronée du monde.
C’était déjà la thèse des Grecs, c’est aussi celle de Spinoza et des spirituels chrétiens, bouddhistes et taoïstes.
Par exemple les Bouddhistes et les Chrétiens ne voient vraiment le monde de la même façon.
Il est passionnant de constater les profondes affinités entre des éthiques comme celles des Stoïciens et de Spinoza et des spiritualités chrétiennes, bouddhistes ou taoïstes.
Elles désignent la même réalité avec des mots différents.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Dominique Collin, déjà abondamment cité sur ce fil, assoit sa compréhension de l’Évangile sur une méditation du prologue de la première épître de Saint Jean qu’il introduit, traduit et commente comme suit dans L’Évangile inouï :
En désignant Dieu par « Vie » ou « Parole », D. Collin nous invite ainsi à mieux entendre l’inouï de l’Évangile.
Dominique Collin a écrit: Le prologue de la première épître de Jean a agi sur moi comme un déclic, comme une parole vraiment inouïe, dont l’écoute continue, chez moi, littéralement, à faire sensation.
« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché de la Parole de la Vie – car la vie s’est manifestée, et nous avons vu et nous rendons témoignage et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était tournée vers le Père et s’est manifestée à nous, ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Et notre communion est communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Et nous vous écrivons cela, pour que notre joie soit complète » (1 Jn 1-4)
Révélation inouïe : une Vie plus vivante que ce que nous appelons vie s’est manifestée !
Malheureusement, un certain nombre de traductions voilent l’inouï des paroles de Jean : ainsi, en traduisant logos tès Zôès par « le Verbe de vie », elles nous orientent immédiatement vers la figure du Christ. Ce n’est pas faux, bien sûr, mais on perd le sens des mots pris au propre : Jean dit rendre témoignage à la « parole de la Vie » (d’ailleurs, dans le texte grec, le relatif est du genre neutre, ce qui renvoie plutôt à la parole qu’au Christ lui-même). Cette Vie vivante (Zôè en grec) dont nous venons de dire qu’elle serait l’inouï par excellence, il faut qu’elle puisse se faire entendre. Parler comme le fait Jean de la « parole de la Vie », c’est dire que la Vie est, de soi, tournée vers l’autre, vers l’échange, le partage. En effet, les mots « parole de la Vie » peuvent s’entendre selon un double génitif : objectif et subjectif. Selon le premier, la parole parle de la Vie, en dit quelque chose (discours sur la Vie) ; selon le second, le génitif subjectif, c’est la Vie qui parle, la parole que tient la Vie (le discours de la Vie). Comment saurions-nous comment vivre de Vie vivante si la Vie elle-même ne nous le communiquait pas ? S’il n’était pas possible d’entendre de la Vie elle-même ce qu’est la Vie, nous ne saurions rien en dire : la Vie ne devance-t-elle pas tous nos mots ? Nous n’aurions, tout au plus, que l’expérience de la Vie mais elle ne serait pas communicable. En effet, la parole de la Vie doit pouvoir exprimer la Vie, non pas cependant par son contenu, mais par son acte même. (pp. 22-24)
En désignant Dieu par « Vie » ou « Parole », D. Collin nous invite ainsi à mieux entendre l’inouï de l’Évangile.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
C'est très beau... mais la prédication de Jésus le thaumaturge mystique, qui n'a pas hésité à se sacrifier pour donner du poids à son message, passe largement à la trappe. On est dans une théologie d'inspiration platonicienne.
Cela dit, j'apprécie moi-même plusieurs sensibilités et orientations, je trouve sublimes les œuvres de Denys l'Aréopagite dans la traduction de Maurice de Gandillac.
Cela dit, j'apprécie moi-même plusieurs sensibilités et orientations, je trouve sublimes les œuvres de Denys l'Aréopagite dans la traduction de Maurice de Gandillac.
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‚καλούμενός τε κἄκλητος θεὸς παρέσται'
Vocatus atque non vocatus deus aderit
Invoqué ou non, Dieu sera là.
Jans- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 27/09/2017
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
Il est tout à fait possible que Jean s’inspire de la théologie platonicienne.
Son évangile, toutefois, ne minimise pas l’humanité de Jésus :
C’est à chacun de découvrir l’Évangile à sa façon, je dirais même de le réinventer à son usage, ce qui est la seule façon de l’entendre véritablement.
Son évangile, toutefois, ne minimise pas l’humanité de Jésus :
wikipédia a écrit:Stephen L. Harris affirme que Jean décrit Jésus comme « une brève manifestation du Verbe éternel, dont l'esprit immortel reste toujours présent auprès du chrétien fidèle ». Une autre théorie, issue de l'école anglo-saxonne, enracine le caractère hypostatique du Logos de Jean dans la tradition juive issue de Philon d’Alexandrie et de l'école néo-platonicienne d'Alexandrie. Pourtant, l’Évangile selon Jean le montre aussi comme un être profondément humain qui éprouve des émotions telles que la tristesse et la joie, la lassitude et l'élan, la compassion et la colère.
C’est à chacun de découvrir l’Évangile à sa façon, je dirais même de le réinventer à son usage, ce qui est la seule façon de l’entendre véritablement.
Vanleers- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3968
Date d'inscription : 15/01/2017
Re: L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne
On peut trouver des similitudes entrés les différentes religions.
Mais par exemple, le bouddhisme ne s'accorde absolument pas avec le christianisme dans la perception du " divin ".
Le bouddhisme rejette l' idée d'un dieu personnel alors que le christianisme en fait l' un des fondements de sa théologie ( enfin, je crois ... ).
Je veux dire par " dieu personnel " , un dieu qui s' intéresse directement à la personne.
Pour le bouddhisme, le monde est illusoire ( et dons aussi la personne ) et il n' existe aucune permanence.
Alors que pour le christianisme l' idée de résurrection contredit la logique de l' impermanence. Il y a une permanence possible en dieu.
Le bouddhisme me semble beaucoup plus procéder de la rationalité alors que le christianisme s' adresse directement aux aspirations de la conscience humaine aussi irrationnelles qu'elles soient.
Mais par exemple, le bouddhisme ne s'accorde absolument pas avec le christianisme dans la perception du " divin ".
Le bouddhisme rejette l' idée d'un dieu personnel alors que le christianisme en fait l' un des fondements de sa théologie ( enfin, je crois ... ).
Je veux dire par " dieu personnel " , un dieu qui s' intéresse directement à la personne.
Pour le bouddhisme, le monde est illusoire ( et dons aussi la personne ) et il n' existe aucune permanence.
Alors que pour le christianisme l' idée de résurrection contredit la logique de l' impermanence. Il y a une permanence possible en dieu.
Le bouddhisme me semble beaucoup plus procéder de la rationalité alors que le christianisme s' adresse directement aux aspirations de la conscience humaine aussi irrationnelles qu'elles soient.
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