Connaissances scientifiques et joie
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Connaissances scientifiques et joie
Je partirai de la remarque suivante, émise sur le fil « ontologie ».
Le recours aux connaissances scientifiques me paraît avoir une portée limitée pour deux raisons.
D’une part, les sciences sont devenues d’un abord très difficile aujourd’hui.
Par exemple, si vous voulez comprendre quelque chose à la théorie de la relativité générale, il faut être capable de suivre la démarche qui a conduit aux équations d’Einstein, ce qui exige des connaissances minimales en calcul tensoriel, géométrie des espaces de Riemann, mécanique analytique, etc.
La mécanique quantique nécessite d’avoir des connaissances mathématiques encore plus vastes.
Ce ne sont là que deux exemples mais la complexité est devenue très grande dans tous les domaines des sciences qui sont devenues pratiquement inabordables pour les non spécialistes.
D’autre part, les sciences sont un savoir « conjectural » (Popper) qui évolue constamment.
Quand on considère les progrès réalisés en 3 ou 4 siècles, on peut se demander quel sera l’état des sciences dans quelques millions d’années, ce qui est relativement court à l’échelle de l’univers.
Nul doute, à mon avis, que nos connaissances d’aujourd’hui apparaîtront alors comme significativement peu différentes de celles de l’âge de la pierre taillée.
Fort heureusement, il n’est pas nécessaire de manier parfaitement le tenseur de Riemann-Christoffel pour s’orienter dans la vie et être dans la joie.
De même qu’un ingénieur n’a besoin que de quelques connaissances en résistance des matériaux pour construire un pont et non des inégalités de Bell, un être humain n’a aucunement besoin d’être au fait des développements les plus récents des sciences pour connaître la joie.
C’est pour cela que des pensées datant de plusieurs millénaires, religieuses ou philosophiques, ont encore quelque chose d’intéressant à nous dire aujourd'hui.
axolotl a écrit: Ma position est que l'humanité papote depuis la fondation des monothéismes sur l'existence de Dieu, la question de nos origines et de celle de la vie et que la seule chose qui puisse aujourd'hui nous faire avancer dans ce domaine selon ma croyance est la science. Laquelle science n'a vraiment pas de conclusion ni définitive ni réjouissante à nous présenter pour le moment sur ces questions-là...
Ça viendra peut-être mais là on n'y est pas, vraiment loin même si on en est au mur de Planck soit 10 puissance moins quarante-trois secondes après "ce qui s'est passé au Big Bang".
Ce dont Newton ni même Einstein n'aurait osé rêver...
Le recours aux connaissances scientifiques me paraît avoir une portée limitée pour deux raisons.
D’une part, les sciences sont devenues d’un abord très difficile aujourd’hui.
Par exemple, si vous voulez comprendre quelque chose à la théorie de la relativité générale, il faut être capable de suivre la démarche qui a conduit aux équations d’Einstein, ce qui exige des connaissances minimales en calcul tensoriel, géométrie des espaces de Riemann, mécanique analytique, etc.
La mécanique quantique nécessite d’avoir des connaissances mathématiques encore plus vastes.
Ce ne sont là que deux exemples mais la complexité est devenue très grande dans tous les domaines des sciences qui sont devenues pratiquement inabordables pour les non spécialistes.
D’autre part, les sciences sont un savoir « conjectural » (Popper) qui évolue constamment.
Quand on considère les progrès réalisés en 3 ou 4 siècles, on peut se demander quel sera l’état des sciences dans quelques millions d’années, ce qui est relativement court à l’échelle de l’univers.
Nul doute, à mon avis, que nos connaissances d’aujourd’hui apparaîtront alors comme significativement peu différentes de celles de l’âge de la pierre taillée.
Fort heureusement, il n’est pas nécessaire de manier parfaitement le tenseur de Riemann-Christoffel pour s’orienter dans la vie et être dans la joie.
De même qu’un ingénieur n’a besoin que de quelques connaissances en résistance des matériaux pour construire un pont et non des inégalités de Bell, un être humain n’a aucunement besoin d’être au fait des développements les plus récents des sciences pour connaître la joie.
C’est pour cela que des pensées datant de plusieurs millénaires, religieuses ou philosophiques, ont encore quelque chose d’intéressant à nous dire aujourd'hui.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: Connaissances scientifiques et joie
En effet, pour être développée dans les règles qui la concernent et la définissent, la science est particulièrement exigeante. N'est pas scientifique qui veut.
Mais heureusement, pour se tenir au courant des recherches et découvertes ou inventions scientifiques ou technoscientifiques, il y a d'excellents vulgarisateurs en ce sens qu'ils savent ce qu'ils disent en science et sont faciles à comprendre car ils s'expriment bien.
Je pense à Étienne Klein, Aurélien Barrau, Claude Rovelli, Jean-Pierre Luminet, Neil deGrasse Tyson, Max Tegmark, etc. en physique moderne et à Jean-Pierre Changeux, Henry Laborit, Jacques Monod, Richard Dawkins, Daniel Denett, etc. en science du vivant.
Cela dit, je respecte l'idée que tu fais tienne en parlant de la joie, mais je ne me sens concerné en rien par cette idée. Je me vois plutôt comme un tragique, en considérant le réel tel qu'il est et pas tel qu'on voudrait qu'il soit. Les moulins à vent que sont pour moi les religions n'arrivent pas à séduire le Sancho Pensa que je me vois être les pieds bien sur terre.
Très cordialement.
E
Mais heureusement, pour se tenir au courant des recherches et découvertes ou inventions scientifiques ou technoscientifiques, il y a d'excellents vulgarisateurs en ce sens qu'ils savent ce qu'ils disent en science et sont faciles à comprendre car ils s'expriment bien.
Je pense à Étienne Klein, Aurélien Barrau, Claude Rovelli, Jean-Pierre Luminet, Neil deGrasse Tyson, Max Tegmark, etc. en physique moderne et à Jean-Pierre Changeux, Henry Laborit, Jacques Monod, Richard Dawkins, Daniel Denett, etc. en science du vivant.
Cela dit, je respecte l'idée que tu fais tienne en parlant de la joie, mais je ne me sens concerné en rien par cette idée. Je me vois plutôt comme un tragique, en considérant le réel tel qu'il est et pas tel qu'on voudrait qu'il soit. Les moulins à vent que sont pour moi les religions n'arrivent pas à séduire le Sancho Pensa que je me vois être les pieds bien sur terre.
Très cordialement.
E
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
Emmanuel a écrit: Je me vois plutôt comme un tragique, en considérant le réel tel qu'il est et pas tel qu'on voudrait qu'il soit. Les moulins à vent que sont pour moi les religions n'arrivent pas à séduire le Sancho Pensa que je me vois être les pieds bien sur terre.
Très cordialement.
E
C’est bien la question : comment considérons-nous le réel ?
Est-ce à partir de notre connaissance spontanée des choses, connaissance par imagination, du premier genre dit Spinoza, mutilée et confuse ? On en reste alors à une vision anthropocentrique et nécessairement tragique du monde.
Ou alors, est-ce dans une vision plus élaborée, rationnelle, du deuxième et du troisième genre, qui va au-delà des apparences tragiques (les souffrances, la mort, etc.), qui connaît le réel tel qu’il est et non tel qu’un regard dépressif voudrait qu’il soit ?
Je suis d’accord avec les Sancho Pança qui ne prennent pas les moulins à vent pour des géants mais, précisément, la vision tragique du monde est de prendre les moulins à vent pour des géants.
Bien à vous
Vanleers- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4215
Date d'inscription : 15/01/2017
Re: Connaissances scientifiques et joie
La philosophie est la théorie des multiplicités. (Gilles Deleuze)
La théorie de la décohérence expliquerait pourquoi il y aurait une brutale réduction de la fonction d’onde de Schrödinger au passage dans le monde macroscopique, un mystère qui a longtemps travaillé les physiciens. Le nombre d’interaction réelles ou potentielles entre observés et observables se mettrait à croitre lui considérablement au fur et à mesure du grandissement dans l’échelle ce qui aurait comme conséquence une réduction drastique voire finalement un effondrement complet de la fonction d’onde une fois dans notre monde macroscopique. Le réel au sens de la mécanique quantique ne serait finalement rien d’autre que le fait mathématico-physique suivant : « la probabilité d’état définie par Schrödinger, celle associée à cet objet que je tiens dans ma main ou que j’aperçois est égale à 1. »
La science offre de nombreuses possibilités de s'extasier devant tant de mystères, mais croire à la science comme à une religion serait de mon strict point de vue une profonde erreur.
La multiplicité c'est aussi une multiplicité des approches, des points de vue, des possibilités de changement de perspectives et qui vient peut être nous dire que ce n'est pas l'Art qui imite la Nature comme le pensait Aristote mais que c'est la Nature qui imite l'Art.
Comme le disait Boileau..
Pour parler comme notre ami, c'est préférer une approche schizoïde et moléculaire à celle molaire de la parano et son cortège interminable de méfiances, de ses investissements massifs basés sur une foi aveugle qui pour le coup feraient penser à la religion. Dans ses aspects pas forcément les meilleurs..
La théorie de la décohérence expliquerait pourquoi il y aurait une brutale réduction de la fonction d’onde de Schrödinger au passage dans le monde macroscopique, un mystère qui a longtemps travaillé les physiciens. Le nombre d’interaction réelles ou potentielles entre observés et observables se mettrait à croitre lui considérablement au fur et à mesure du grandissement dans l’échelle ce qui aurait comme conséquence une réduction drastique voire finalement un effondrement complet de la fonction d’onde une fois dans notre monde macroscopique. Le réel au sens de la mécanique quantique ne serait finalement rien d’autre que le fait mathématico-physique suivant : « la probabilité d’état définie par Schrödinger, celle associée à cet objet que je tiens dans ma main ou que j’aperçois est égale à 1. »
La science offre de nombreuses possibilités de s'extasier devant tant de mystères, mais croire à la science comme à une religion serait de mon strict point de vue une profonde erreur.
La multiplicité c'est aussi une multiplicité des approches, des points de vue, des possibilités de changement de perspectives et qui vient peut être nous dire que ce n'est pas l'Art qui imite la Nature comme le pensait Aristote mais que c'est la Nature qui imite l'Art.
Comme le disait Boileau..
Pour parler comme notre ami, c'est préférer une approche schizoïde et moléculaire à celle molaire de la parano et son cortège interminable de méfiances, de ses investissements massifs basés sur une foi aveugle qui pour le coup feraient penser à la religion. Dans ses aspects pas forcément les meilleurs..
axolotl- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 11/04/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
En considérant ce monde comme le seul qui nous est donné. En refusant donc tout arrière-monde, fusse-t-il révélé par un livre comme la Bible. (Ou par des livres de chevalerie ayant réussi à faire prendre les vessies pour des lanternes à ce malheureux Don Quichotte, dont l'esprit est devenu à cause de ça assez dérangé pour constituer un cas médical).Vanleers a écrit:comment considérons-nous le réel ?
Très cordialement.
E
P.-S. J'aime bien Spinoza, cet irréligieux qui met Dieu à sa véritable place en le nommant Nature.
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Il y a certes une multiplicité à l'œuvre dans les 13 ou 14 interprétations de la physique quantique.axolotl a écrit:La philosophie est la théorie des multiplicités. (Gilles Deleuze)
La théorie de la décohérence expliquerait pourquoi il y aurait une brutale réduction de la fonction d’onde de Schrödinger au passage dans le monde macroscopique, un mystère qui a longtemps travaillé les physiciens. Le nombre d’interaction réelles ou potentielles entre observés et observables se mettrait à croitre lui considérablement au fur et à mesure du grandissement dans l’échelle ce qui aurait comme conséquence une réduction drastique voire finalement un effondrement complet de la fonction d’onde une fois dans notre monde macroscopique. Le réel au sens de la mécanique quantique ne serait finalement rien d’autre que le fait mathématico-physique suivant : « la probabilité d’état définie par Schrödinger, celle associée à cet objet que je tiens dans ma main ou que j’aperçois est égale à 1. »
La science offre de nombreuses possibilités de s'extasier devant tant de mystères, mais croire à la science comme à une religion serait de mon strict point de vue une profonde erreur.
La multiplicité c'est aussi une multiplicité des approches, des points de vue, des possibilités de changement de perspectives et qui vient peut être nous dire que ce n'est pas l'Art qui imite la Nature comme le pensait Aristote mais que c'est la Nature qui imite l'Art.
Comme le disait Boileau..
Pour parler comme notre ami, c'est préférer une approche schizoïde et moléculaire à celle molaire de la parano et son cortège interminable de méfiances, de ses investissements massifs basés sur une foi aveugle qui pour le coup feraient penser à la religion. Dans ses aspects pas forcément les meilleurs..
J'aime bien le point de vue de Heisenberg avec les 3 domaines de réalité qu'il propose.
(Premier domaine de réalité: la mécanique quantique.)
(Deuxième domaine de réalité: la mécanique classique et la biologie.)
(Troisième domaine réalité: la psychologie.)
Personnellement, je ne vois pas de mystères dans la science. Tout au plus verrais-je de l'inconnu, voire de l'inconnaissable.axolotl a écrit:La science offre de nombreuses possibilités de s'extasier devant tant de mystères, mais croire à la science comme à une religion serait de mon strict point de vue une profonde erreur.
La science n'a pas pour objectif de couvrir la totalité du monde, mais elle n'a pas non plus pour vocation de dire n'importe quoi.
La science n'est-elle pas une méthode interdisant de croire?
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
Emmanuel a écrit:
La science n'est-elle pas une méthode interdisant de croire?
Non, mais si tu le crois .... De mon point de vue, la science est une croyance comme une autre. On ne peut agir sans croire et comme on ne quitte une croyance que pour une autre .....
Mais on ne peut discuter de croyance sans définir les termes et pour moi, toute croyance "vraie" est inconsciente.
_________________
TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Je mettrais un bémol sur cette "interdiction" dans le sens où la ou leur version de la vérité dans la pratique (platonicienne ou non, Alain Connes et Gödel se disaient des mathématiciens platoniciens) est très unaire ou binaire selon le mode vrai/faux, débouchant parfois (souvent?, j'ai pu le constater sur des forums de science où je venais simplement m'informer) même souvent sur des positions dogmatiques avec une très forte tentation scientiste: le danger ou la menace est réel genre ces films comme Bienvenu à Gattaca, l'île déserte où tous ces films (nombreux) où les scientifiques prennent le pouvoir ou bien le mettent au service d'une idéologie totalitaire. Elles ne s'appellent pas "sciences exactes "pour rien à mon avis et l'interprétation idéologique suit à plus forte raison, surtout en une époque marquée de désinvestissement dans le social voire le culturel, lesquels sont réduits parfois emblématiquement aux achats des derniers portables et autres Smartphones. Et autres joujoux mastur..oires, disons + gentiment auto-érotico-narcissiques.Emmanuel a écrit:Il y a certes une multiplicité à l'œuvre dans les 13 ou 14 interprétations de la physique quantique.axolotl a écrit:La philosophie est la théorie des multiplicités. (Gilles Deleuze)
J'aime bien le point de vue de Heisenberg avec les 3 domaines de réalité qu'il propose.
(Premier domaine de réalité: la mécanique quantique.)
(Deuxième domaine de réalité: la mécanique classique et la biologie.)
(Troisième domaine réalité: la psychologie.)Personnellement, je ne vois pas de mystères dans la science. Tout au plus verrais-je de l'inconnu, voire de l'inconnaissable.axolotl a écrit:La science offre de nombreuses possibilités de s'extasier devant tant de mystères, mais croire à la science comme à une religion serait de mon strict point de vue une profonde erreur.
La science n'a pas pour objectif de couvrir la totalité du monde, mais elle n'a pas non plus pour vocation de dire n'importe quoi.
La science n'est-elle pas une méthode interdisant de croire?
Lévy-Leblond disait préférer les termes de "sciences an-exactes" et "sciences in-humaines" sans doute pour s'opposer au partage entre sciences "dures" et "molles" (voir son livre qui date déjà un peu, la Pierre de touche): faut-il durcir les sciences molles ou adoucir les sciences dures ?
Pas un hasard si l'Allemagne sous le 3ème Reich était le pays le plus avancé dans les sciences ce qu'ont bien compris les Américains après la guerre en rapatriant Herbert von Braun et d'autres savants allemands qui se sont vus offrir d'emblée le passeport américain. Von Braun qui a construit les V1 et V2 qui ont bombardé Londres... La première fusée spatiale américaine envoyée dans l'espace était d'ailleurs quasiment un V2.
Les Russes ont fait pareil en Allemagne côté Est, soyons honnêtes...
La conquête et la domination, territorielles ou non, est une des motivations principales de l'humanité, soyons clairs!
axolotl- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 11/04/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
Emmanuel a écrit:
P.-S. J'aime bien Spinoza, cet irréligieux qui met Dieu à sa véritable place en le nommant Nature.
Je pense relever une contradiction dans votre propos car vous avez écrit précédemment vous voir plutôt comme un tragique.
Or Spinoza n’est pas un penseur tragique.
Dans sa contribution (Pascal et Spinoza face au tragique p. 323) à l’ouvrage collectif Pascal et Spinoza (Editions Amsterdam 2007)
André Comte-Sponville a écrit: S’il y a « un tragique propre au spinozisme » [comme l’a bien vu Laurent Bove, dans La stratégie du conatus – Vrin 1996 p. 319], cela ne fait pas du spinozisme une philosophie tragique. Le tragique, dirais-je volontiers, c’est tout ce qui s’oppose aux « désirs d’une âme philosophique », et c’est en quoi le tragique, bien sûr, est innombrable : c’est tout ce qui est « vain, sans ordre, absurde », ou plutôt qui paraît tel. Pourquoi, selon Spinoza, est-ce seulement une apparence ? Parce qu’il y aurait un ordre providentiel, un sens, un but ? Bien sûr que non [voir E I Appendice et E IV Préface]. Mais parce qu’il y a un ordre vrai, qui est celui de la Nature, une nécessité, une rationalité sans dehors et sans exception.
A la toute fin de l’ouvrage auquel se réfère Comte-Sponville :
Laurent Bove a écrit: Il y a ainsi, sous le regard du sujet pratique déterminé par la raison, spectateur immobile de la nécessité universelle dans ses figures particulières broyeuses de vie, en ce point fixe de dédoublement de soi-même où la puissance de la sagesse n’accorde aucune complaisance à cette perspective extrinsèque que nous portons sur le monde, un tragique propre au spinozisme, sans tristesse ni drame mais dans la pleine lucidité, face à la tourmente sans fin du réel et aux stratégies aveugles des hommes et des peuples, de la rareté et de la brièveté de la joie. Ce rapport au monde, à l’image de sa nécessité, est certes un rapport « vrai », mais pourtant abstrait, qui ne saurait être celui « adéquat » et réel, que le sage entretient en son affirmation singulière avec la Nature en son universalité. Mais parce qu’elle nous prive de toute projection de valeurs, parce qu’elle décape la réalité de toute illusion, parce qu’elle s’est un instant extraite de la dynamique singulière de la résistance et de l’affirmation, parce qu’elle ne bénéficie pas de la jouissance de la présence, cette perspective abstraite, mais lucide, offre à l’œil de la raison un spectacle du monde qui, sans la force majeure du sage, ne saurait susciter que l’effroi.
Mais c’est à être pleinement acteur (là est notre poste réel) et non spectateur (hypnotisé par l’image tragique de la nécessité) que nous convie (et auquel nous conduit de manière certaine et déterminée) le mouvement du Réel, comme l’entreprise spinoziste : à la lutte et non au repos.
Da ma lemaala mimekha. Là où l’exégèse traditionnelle du Pirkei Avot (ch. II, 1) nous ordonne de lire « Sache ce qui est au-dessus de toi », le lecteur de Spinoza – dans une traduction tout aussi correcte du point de vue de la grammaire hébraïque – lit la bonne nouvelle et l’exigence éthico-politique qu’elle enveloppe à l’adresse des hommes comme des peuples : « Sache que ce qui est au-dessus (et détermine les choses) vient de toi ». (pp. 319-320)
La « force majeure du sage », c’est la joie (cf. Clément Rosset), c’est-à-dire, en termes spinozistes, l’amour intellectuel de Dieu.
PS On retrouve ainsi le sujet de ce fil qui n’est pas de disserter sur les sciences mais qui concerne l’articulation entre les connaissances scientifiques et la joie que chacun peut éprouver dans la vie.
Dernière édition par Vanleers le Lun 6 Aoû 2018 - 9:09, édité 1 fois
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
.kercoz a écrit:Mais on ne peut discuter de croyance sans définir les termes et pour moi, toute croyance "vraie" est inconsciente
peut être...je comprends le fond de ton idée
mais le problème est alors qu'on ne peux absolument pas les identifier.
Quelles croyances à l'observateur ( Freud par exemple) qui lui permettent d'en identifier chez les autres ? L 'observateur qui observe Freud (et y voit des croyances), a lui même des croyances (inconscientes) et d'observateur en observateur on est renvoyé à l'infini .
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Est-ce que croire est un problème ?
Croire n'est-il pas un besoin ? Une nécessité ?
L'approche scientifique peut assurément révéler la joie.
N'a t'on jamais entendu dire que beaucoup de sciences y ramène ?
Croire n'est-il pas un besoin ? Une nécessité ?
L'approche scientifique peut assurément révéler la joie.
N'a t'on jamais entendu dire que beaucoup de sciences y ramène ?
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Soyez patient envers tout ce qui n'est pas résolu dans votre cœur et essayez d'aimer les questions elles-mêmes
lanK- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 458
Date d'inscription : 12/09/2007
Re: Connaissances scientifiques et joie
Il semble que vous ayez en vue la phrase de Pasteur : « Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène ».
Ce n’est pas tout à fait le sujet de ce fil où je défends l’idée qu’il n’est pas nécessaire d’être au fait des dernières découvertes scientifiques pour vivre dans la joie.
Ce n’est pas tout à fait le sujet de ce fil où je défends l’idée qu’il n’est pas nécessaire d’être au fait des dernières découvertes scientifiques pour vivre dans la joie.
Vanleers- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4215
Date d'inscription : 15/01/2017
Re: Connaissances scientifiques et joie
Le verbe « penser » est-il l'équivalent exact du verbe « croire »?kercoz a écrit:Emmanuel a écrit:
La science n'est-elle pas une méthode interdisant de croire?
Non, mais si tu le crois .... De mon point de vue, la science est une croyance comme une autre. On ne peut agir sans croire et comme on ne quitte une croyance que pour une autre .....
Mais on ne peut discuter de croyance sans définir les termes et pour moi, toute croyance "vraie" est inconsciente.
« Je pense ceci-cela » est-il l'équivalent exact de « je crois ceci-cela »?
Ne peut-on pas vivre en pensant et sans jamais croire?
La remarque « Je pense donc je suis » est-elle l'équivalent exact de la remarque « Je crois donc je suis »?
La pensée ne se développe-t-elle pas face au risque d'être sommée de s'expliquer, de se démontrer, de se prouver, de se vérifier, alors que la croyance est sans appel?
Emmanuel- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1321
Date d'inscription : 04/08/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
C'est en effet l'humain qui est responsable de ses actes. Ce n'est pas la science.axolotl a écrit:Je mettrais un bémol sur cette "interdiction" dans le sens où la ou leur version de la vérité dans la pratique (platonicienne ou non, Alain Connes et Gödel se disaient des mathématiciens platoniciens) est très unaire ou binaire selon le mode vrai/faux, débouchant parfois (souvent?, j'ai pu le constater sur des forums de science où je venais simplement m'informer) même souvent sur des positions dogmatiques avec une très forte tentation scientiste: le danger ou la menace est réel genre ces films comme Bienvenu à Gattaca, l'île déserte où tous ces films (nombreux) où les scientifiques prennent le pouvoir ou bien le mettent au service d'une idéologie totalitaire. Elles ne s'appellent pas "sciences exactes "pour rien à mon avis et l'interprétation idéologique suit à plus forte raison, surtout en une époque marquée de désinvestissement dans le social voire le culturel, lesquels sont réduits parfois emblématiquement aux achats des derniers portables et autres Smartphones. Et autres joujoux mastur..oires, disons + gentiment auto-érotico-narcissiques.Emmanuel a écrit:Il y a certes une multiplicité à l'œuvre dans les 13 ou 14 interprétations de la physique quantique.axolotl a écrit:La philosophie est la théorie des multiplicités. (Gilles Deleuze)
J'aime bien le point de vue de Heisenberg avec les 3 domaines de réalité qu'il propose.
(Premier domaine de réalité: la mécanique quantique.)
(Deuxième domaine de réalité: la mécanique classique et la biologie.)
(Troisième domaine réalité: la psychologie.)Personnellement, je ne vois pas de mystères dans la science. Tout au plus verrais-je de l'inconnu, voire de l'inconnaissable.axolotl a écrit:La science offre de nombreuses possibilités de s'extasier devant tant de mystères, mais croire à la science comme à une religion serait de mon strict point de vue une profonde erreur.
La science n'a pas pour objectif de couvrir la totalité du monde, mais elle n'a pas non plus pour vocation de dire n'importe quoi.
La science n'est-elle pas une méthode interdisant de croire?
Lévy-Leblond disait préférer les termes de "sciences an-exactes" et "sciences in-humaines" sans doute pour s'opposer au partage entre sciences "dures" et "molles" (voir son livre qui date déjà un peu, la Pierre de touche): faut-il durcir les sciences molles ou adoucir les sciences dures ?
Pas un hasard si l'Allemagne sous le 3ème Reich était le pays le plus avancé dans les sciences ce qu'ont bien compris les Américains après la guerre en rapatriant Herbert von Braun et d'autres savants allemands qui se sont vus offrir d'emblée le passeport américain. Von Braun qui a construit les V1 et V2 qui ont bombardé Londres... La première fusée spatiale américaine envoyée dans l'espace était d'ailleurs quasiment un V2.
Les Russes ont fait pareil en Allemagne côté Est, soyons honnêtes...
La conquête et la domination, territorielles ou non, est une des motivations principales de l'humanité, soyons clairs!
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Emmanuel a écrit:
Le verbe « penser » est-il l'équivalent exact du verbe « croire »?
« Je pense ceci-cela » est-il l'équivalent exact de « je crois ceci-cela »?
Non, du moins pour moi. Penser est un processus cognitif servant à évaluer des situations. Croire est une condition amenant à une prise de décision.
Les glissements sémantiques faussent les discussions. Quand on m' invite et que je dis que je viendrais "certainement", c'est presque une politesse puisque ça signifie qu'il est peu probable que je vienne. ( Je parle d' une réunion de groupe et pas d' une réunion intime ou le terme aurait plus une valeur d'engagement).
Quand je dis qu' une croyance est nécessairement inconsciente, je veux dire que lorsque je prends conscience d' une croyance et que je veux la verbaliser ( la mettre en mots), le choix des mots implique déja un doute.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
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Dernière édition par Emmanuel le Lun 6 Aoû 2018 - 16:05, édité 1 fois
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Ne peut-on pas aimer Spinoza en étant tragique? Ne peut-on pas aimer un croyant ou une croyante en étant athée?Vanleers a écrit: Je pense relever une contradiction dans votre propos car vous avez écrit précédemment vous voir plutôt comme un tragique.
Or Spinoza n’est pas un penseur tragique.
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Aucune discipline ne me semble être nécessaire à la joie, qui, par ailleurs, me paraît être une dynamique de la perception des choses.Vanleers a écrit:je défends l’idée qu’il n’est pas nécessaire d’être au fait des dernières découvertes scientifiques pour vivre dans la joie.
Emmanuel- Digressi(f/ve)
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Re: Connaissances scientifiques et joie
Quand la philo se met à faire de la psychologie, là on est quasiment sûr qu'on va être et rester dans un conformisme qui risque pour le coup d'être absolu.
Et qu'on va tourner en rond, sans doute pendant longtemps encore: comment faire pour que la philosophie arrête de donner l'impression que par moment elle tourne sans arrêt en rond, comme si elle était une vieille dame dans une cage ? Genre "penser" est-il ou signifie-t-il la même chose que "croire" ?
La maïeutique peut-elle casser des briques ? Quand il se passe quelque chose dans l'Histoire oui je crois..
Ou qu'apparaissent des mouvements philosophiques qui précèdent parfois et ont précédé des révolutions, en tout cas des changements importants peut-être dans les mentalités.
Là on a qui, Michel Onfray ? Bah....
Et qu'on va tourner en rond, sans doute pendant longtemps encore: comment faire pour que la philosophie arrête de donner l'impression que par moment elle tourne sans arrêt en rond, comme si elle était une vieille dame dans une cage ? Genre "penser" est-il ou signifie-t-il la même chose que "croire" ?
La maïeutique peut-elle casser des briques ? Quand il se passe quelque chose dans l'Histoire oui je crois..
Ou qu'apparaissent des mouvements philosophiques qui précèdent parfois et ont précédé des révolutions, en tout cas des changements importants peut-être dans les mentalités.
Là on a qui, Michel Onfray ? Bah....
axolotl- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 580
Date d'inscription : 11/04/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
« Genre "penser" est-il ou signifie-t-il la même chose que "croire" ? ». La question est posée, mais personne n'est obligé d'y répondre.axolotl a écrit:Quand la philo se met à faire de la psychologie, là on est quasiment sûr qu'on va être et rester dans un conformisme qui risque pour le coup d'être absolu.
Et qu'on va tourner en rond, sans doute pendant longtemps encore: comment faire pour que la philosophie arrête de donner l'impression que par moment elle tourne sans arrêt en rond, comme si elle était une vieille dame dans une cage ? Genre "penser" est-il ou signifie-t-il la même chose que "croire" ?
La maïeutique peut-elle casser des briques ? Quand il se passe quelque chose dans l'Histoire oui je crois..
Ou qu'apparaissent des mouvements philosophiques qui précèdent parfois et ont précédé des révolutions, en tout cas des changements importants peut-être dans les mentalités.
Là on a qui, Michel Onfray ? Bah....
Emmanuel- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1321
Date d'inscription : 04/08/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
"je pense que je le crois"
et "je crois que je le pense" ...
ça n'a pas le même sens... non ??
et "je crois que je le pense" ...
ça n'a pas le même sens... non ??
hks- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 12514
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Connaissances scientifiques et joie
Ça doit dépendre du contexte, je crois - ou je pense (LOL).hks a écrit:"je pense que je le crois"
et "je crois que je le pense" ...
ça n'a pas le même sens... non ??
«Je pense que je crois en Dieu» n'a certainement pas le même sens que «Je crois que je pense à Dieu».
Emmanuel- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1321
Date d'inscription : 04/08/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
Nous voyons que le « penser » et le « croire » sont permutables dans certains contextes, mais pas dans d'autres. Je pensais - et je croyais - avoir indiqué le contexte dans lequel je plaçais ces deux verbes. J'aurais du insister un peu sur la différence essentielle qu'il y a entre un cogito et un credo.
«Je pense donc je suis» ne peut pas être permuté en «Je crois donc je suis».
«Je pense donc je suis» ne peut pas être permuté en «Je crois donc je suis».
Dernière édition par Emmanuel le Lun 6 Aoû 2018 - 18:43, édité 1 fois
Emmanuel- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1321
Date d'inscription : 04/08/2018
Re: Connaissances scientifiques et joie
Emmanuel a écrit:
Aucune discipline ne me semble être nécessaire à la joie, qui, par ailleurs, me paraît être une dynamique de la perception des choses.
Quelqu' un a dit qu'il ne trouvait pas plus de joie ailleurs que dans les jeux d' un jeune chiot. Ce qui est curieux c'est que tous les films montrant la misère et le sous développement, montrent des enfants souriants et joyeux ( quoique sales et maigres), alors que les notres sont si tristes.
_________________
TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4784
Date d'inscription : 01/07/2014
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