Pour des débats selon une éthique spinoziste
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neopilina
Vanleers
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
maraud a écrit:
Que vous inspire le mot contemplation ?
Qu’entendez-vous par contemplation ?
Et comment distinguez-vous contemplation et méditation ?
Cette distinction est en effet très variable selon les auteurs.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
A hks
J’ajoute ceci.
Qu’on l’appelle erlebnis ou vivencia, il s’agit d’affect selon Spinoza et tout affect appelle une élaboration par l’entendement : l’éthique de Spinoza est rationaliste.
Par exemple, on élaborera une vivencia de gratitude éprouvée au cours d’une séance de biodanza en la replaçant dans le cadre ontologique spinoziste.
Cette élaboration consistera simplement ici à accompagner cet affect de l’idée que notre être vient de Dieu. On passera ainsi de l’affect de gratitude à l’amour intellectuel de Dieu.
Cette question de l’élaboration rationnelle des affects fait l’objet d’un passage lumineux d’un ouvrage de Chantal Jaquet qu’on peut lire en :
http://books.openedition.org/psorbonne/152?lang=fr
J’ajoute ceci.
Qu’on l’appelle erlebnis ou vivencia, il s’agit d’affect selon Spinoza et tout affect appelle une élaboration par l’entendement : l’éthique de Spinoza est rationaliste.
Par exemple, on élaborera une vivencia de gratitude éprouvée au cours d’une séance de biodanza en la replaçant dans le cadre ontologique spinoziste.
Cette élaboration consistera simplement ici à accompagner cet affect de l’idée que notre être vient de Dieu. On passera ainsi de l’affect de gratitude à l’amour intellectuel de Dieu.
Cette question de l’élaboration rationnelle des affects fait l’objet d’un passage lumineux d’un ouvrage de Chantal Jaquet qu’on peut lire en :
http://books.openedition.org/psorbonne/152?lang=fr
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Dans la philosophie du XVIIIème siècle, l’Erleben ne remplit aucune fonction conceptuelle propre. Chez Kant et les kantiens, Schelling et Hegel, de même que chez des critiques tels que Hamann, Herder, Jacobi, Fries, Schleiermacher, F. Schlegel,l’Erleben n’est pas encore un terme spécifique comme il le sera au XIXème siècle dans les sciences naturelles telle que la psychologie en plein essor, ou la physiologie de la sensation et la psychophysique. De même, en tant que substitut conceptuel pour« psychique », l’Erleben n’apparaît ni chez Herbart, Beneke ou C.G. Carus ni à fortiorichez J. Müller, E.H. Weber et G.T. Fechner. La seule exception est J.G. Fichte. Pour la première fois, le verbe erleben va acquérir avec lui un sens proprement philosophiqu
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:MD_OCVbxPfYJ:ceniphe.free.fr/revue2_files/Y.%2520mayzaud,%2520Historique%2520et%2520enjeu%2520de%2520la%2520notion%2520d%27Erlebnis.pdf+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Vanleers a écrit:maraud a écrit:
Que vous inspire le mot contemplation ?
Qu’entendez-vous par contemplation ?
Et comment distinguez-vous contemplation et méditation ?
Cette distinction est en effet très variable selon les auteurs.
La contemplation a pour mode de connaissance l'intuition ( 3ème type ?); sachant que l'intelligence à, elle, la logique pour moyen ( 2ème type ?).
Ceci dit, ce n'était qu'une petite incise de ma part parce que cela m'a paru évident.
maraud- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
A hks
Je vous remercie d’avoir signalé cet article intéressant sur l’Erlebnis.
J'en cite le passage suivant :
Je comprends mieux pourquoi Rolando Toro s’est référé à l’Erlebnis pour définir son concept de vivencia, expérience vécue avec une grande intensité.
Je conçois la vivencia comme un affect très fort, au sens de la définition de l’affect par Spinoza : affection d’un corps singulier par un ou plusieurs corps singuliers et, en même temps, idée de cette affection.
Je donne la traduction de Pautrat de la fin du scolie d’Ethique V 36 que vous avez déjà citée dans une autre traduction :
Je relève les deux expressions : « n’affecte pourtant pas autant » et « l’essence même d’une chose singulière » pour souligner que la vivencia, est un affect très vif causé par la rencontre d'une chose singulière.
Par exemple, une vivencia de gratitude est un sentiment intense de gratitude causé par la rencontre de notre corps avec un ou plusieurs corps (personnes, musique,…).
Au passage, je réponds à maraud qu’une telle rencontre de choses singulières relève de l’intuition (connaissance du troisième genre) et qu’on peut la dire contemplative.
Je vous remercie d’avoir signalé cet article intéressant sur l’Erlebnis.
J'en cite le passage suivant :
Yves Mayzaud a écrit: Le vécu en conséquence, c’est à la fois un sens et un mot. Le mot viendra assez tard dans la langue allemande et philosophique, mais le sens apparaît étrangement en réaction à la philosophie kantienne. Dès Fichte ou Fries, nous trouvons des tentatives de nommer ce rapport personnel et immédiat entre le sujet et son objet et de reformuler la conception kantienne de l’expérience soumise à la raison. Le sens de l’Erlebnis doit cependant rassembler d’autres caractéristiques si nous ne voulons pas le confondre avec autre chose : il faut qu’il désigne originellement un événement marquant, une expérience intense qui admet nécessairement comme corrélat une présence ou un étant-à-côté (para-ousia). Ce dernier se donne alors à l’esprit en tant que vécu. Un als pré-phénoménologique doit être notre signe de reconnaissance de l’Erlebnis. Cette conception désigne donc essentiellement un mode d’accès à la réalité. Le problème est alors de ne pas réduire toute réalité au caractère « marquant» de l’Erlebnis, rejetant dans l’irréalité tout ce qui n’est pas remarquable, c’est-à-dire au final le quotidien et les habitudes. Si le vécu veut parvenir à un stade philosophique, il doit dépasser cette intensité problématique, ce que nous nommerons l’énergétique du vécu.
Je comprends mieux pourquoi Rolando Toro s’est référé à l’Erlebnis pour définir son concept de vivencia, expérience vécue avec une grande intensité.
Je conçois la vivencia comme un affect très fort, au sens de la définition de l’affect par Spinoza : affection d’un corps singulier par un ou plusieurs corps singuliers et, en même temps, idée de cette affection.
Je donne la traduction de Pautrat de la fin du scolie d’Ethique V 36 que vous avez déjà citée dans une autre traduction :
Spinoza a écrit: Car, quoique j’aie montré de manière générale dans la Première Partie que tout (et par conséquent l’Esprit humain aussi) dépend de Dieu selon l’essence et selon l’existence, pourtant cette démonstration, quoiqu’elle soit légitime et sans risque de doute, n’affecte pourtant pas autant notre Esprit que lorsqu’on tire cette conclusion de l’essence même d’une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu.
Je relève les deux expressions : « n’affecte pourtant pas autant » et « l’essence même d’une chose singulière » pour souligner que la vivencia, est un affect très vif causé par la rencontre d'une chose singulière.
Par exemple, une vivencia de gratitude est un sentiment intense de gratitude causé par la rencontre de notre corps avec un ou plusieurs corps (personnes, musique,…).
Au passage, je réponds à maraud qu’une telle rencontre de choses singulières relève de l’intuition (connaissance du troisième genre) et qu’on peut la dire contemplative.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Je poursuis.
L’intérêt d’assimiler l’Erlebnis ou la vivencia à un affect est, aussi, de mieux comprendre leur nature et les traiter.
Spinoza divise les affects en deux catégories : les actions lorsque nous en sommes la cause adéquate et les passions dans le cas contraire.
Prenons l’exemple d’une vivencia de gratitude, déjà utilisé. C’est une joie, mais une joie passive, une passion joyeuse qui « vous tombe dessus » et qui est subie.
Spinoza expose un traitement des passions qui vise à les remplacer par des actions.
Par exemple la proposition 2 de la partie V de l’Ethique dispose que :
Dans le cas d’une vivencia de gratitude, il s’agira d’éloigner l’émotion intense de gratitude de la pensée d’une cause singulière immédiate (un corps, une musique,…) et de la joindre à la pensée que nous tenons notre être de Dieu.
La passion joyeuse sera ainsi remplacée par une joie active : l’amour intellectuel de Dieu.
L’intérêt d’assimiler l’Erlebnis ou la vivencia à un affect est, aussi, de mieux comprendre leur nature et les traiter.
Spinoza divise les affects en deux catégories : les actions lorsque nous en sommes la cause adéquate et les passions dans le cas contraire.
Prenons l’exemple d’une vivencia de gratitude, déjà utilisé. C’est une joie, mais une joie passive, une passion joyeuse qui « vous tombe dessus » et qui est subie.
Spinoza expose un traitement des passions qui vise à les remplacer par des actions.
Par exemple la proposition 2 de la partie V de l’Ethique dispose que :
Spinoza a écrit: Si nous éloignons une émotion de l’âme, autrement dit un affect, de la pensée d’une cause extérieure, et la joignons à d’autres pensées, alors l’amour ou la haine à l’égard de la cause extérieure, ainsi que les flottements d’âme qui naissent de ces affects seront détruits.
Dans le cas d’une vivencia de gratitude, il s’agira d’éloigner l’émotion intense de gratitude de la pensée d’une cause singulière immédiate (un corps, une musique,…) et de la joindre à la pensée que nous tenons notre être de Dieu.
La passion joyeuse sera ainsi remplacée par une joie active : l’amour intellectuel de Dieu.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Avant d’aborder un autre point du sujet de ce fil, j’aimerais dire encore quelques mots de la vivencia de gratitude qui m’occupe depuis plusieurs posts.
Elle a été considérée comme un affect de joie, ce qui ne correspond pas tout à fait à Ethique III déf. 34 qui pose la reconnaissance ou gratitude (gratia seu gratitudo) comme un désir ou zèle d’amour (cupiditas seu amoris studium – mais Misrahi traduit par « La miséricorde est l’amour… », c’est-à-dire une joie).
Une telle vivencia est éprouvée au cours d’une séance de biodanza où il est demandé de mettre autant que possible le mental au repos et, en conséquence, on cherchera à rapprocher cette vivencia d’une joie expressément référée au corps : l’allégresse.
L’allégresse est une joie plénière au sens où elle implique que toutes les parties du corps sont affectées à égalité et Spinoza démontre qu’elle est toujours bonne (Ethique IV 42)
L’allégresse est, certes, une passion, une passion joyeuse, mais toujours bonne et Chantal Jaquet écrit (op. cit. p.259) :
Une vivencia de gratitude vécue en plénitude est une allégresse et, quoique passive, il n’est donc pas indispensable de l’élaborer pour en faire un affect actif.
Elle a été considérée comme un affect de joie, ce qui ne correspond pas tout à fait à Ethique III déf. 34 qui pose la reconnaissance ou gratitude (gratia seu gratitudo) comme un désir ou zèle d’amour (cupiditas seu amoris studium – mais Misrahi traduit par « La miséricorde est l’amour… », c’est-à-dire une joie).
Une telle vivencia est éprouvée au cours d’une séance de biodanza où il est demandé de mettre autant que possible le mental au repos et, en conséquence, on cherchera à rapprocher cette vivencia d’une joie expressément référée au corps : l’allégresse.
L’allégresse est une joie plénière au sens où elle implique que toutes les parties du corps sont affectées à égalité et Spinoza démontre qu’elle est toujours bonne (Ethique IV 42)
L’allégresse est, certes, une passion, une passion joyeuse, mais toujours bonne et Chantal Jaquet écrit (op. cit. p.259) :
Chantal Jaquet a écrit:[Spinoza] jette en même temps les fondements d’une éthique corporelle qui vise à promouvoir les affects physiques joyeux et à chasser les passions tristes. Il existe ainsi des ébauches d’une éthique de l’allégresse (hilaritas), qui ferait pendant à la béatitude et à l’amour intellectuel de Dieu.
Une vivencia de gratitude vécue en plénitude est une allégresse et, quoique passive, il n’est donc pas indispensable de l’élaborer pour en faire un affect actif.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
( je participe de loin; ce n'est qu'une petite incise)
Comment éprouver la passion joyeuse sans l’intellect ? Mettre le "mental" au repos est aussi aisé que de ne pas penser à un ours blanc quand on vous dit: " surtout ne pense pas à un ours blanc !"
Le piège serait de croire que la passion joyeuse est une conquête personnelle, que celle-ci est le fruit d'un effort qui n'implique que soi-même, autrement dit une victoire égotique. Ce serait un piège car cela ouvre sur le champ erroné de l'exaltation. Ce qui est qualifié, plus haut de "zèle d'amour", je le nomme exaltation. Ce qui , à mon sens, accompagne la joie naturelle, celle du corps, c'est le goût de la vérité. Or le goût de la vérité qui nous donne ce sentiment d'absolu , et qui va malheureusement le plus souvent nourrir, gaver notre ego, se traduit par un sentiment de puissance ( qui relève, à mon sens, de l'exaltation ( si le terme ne convient pas, on peut dire hybris)).
Détacher le corps du mental ( de l'intellect pour moi) c'est nier que l'intellect puisse jouer le rôle de conciliateur entre le corps et la psyché ( ce que le corps dit à l'esprit et qu'on ne peut faire taire sans l'exaltation justement). Pour mettre l'esprit, le mental au repos, il faut le rassasier de vérité, ou de croyance, car un esprit dense est un esprit en tension permanente, tension qui ne se fait pas oublier. Seul un esprit très peu dense peut se faire oublier facilement.
Ceci dit la biodanza fait sens* pour moi, puisque je crois au pouvoir de l'esprit sur le corps ( la méthode Coué, par exemple,à été moquée, mais elle a une réalité scientifique, une réalité scientifique qui réfute la doctrine pasteurienne)
* A condition d'intégrer l'idée que la cellule n'est pas ce qui fonde le vivant, mais un stade intermédiaire.
Comment éprouver la passion joyeuse sans l’intellect ? Mettre le "mental" au repos est aussi aisé que de ne pas penser à un ours blanc quand on vous dit: " surtout ne pense pas à un ours blanc !"
Le piège serait de croire que la passion joyeuse est une conquête personnelle, que celle-ci est le fruit d'un effort qui n'implique que soi-même, autrement dit une victoire égotique. Ce serait un piège car cela ouvre sur le champ erroné de l'exaltation. Ce qui est qualifié, plus haut de "zèle d'amour", je le nomme exaltation. Ce qui , à mon sens, accompagne la joie naturelle, celle du corps, c'est le goût de la vérité. Or le goût de la vérité qui nous donne ce sentiment d'absolu , et qui va malheureusement le plus souvent nourrir, gaver notre ego, se traduit par un sentiment de puissance ( qui relève, à mon sens, de l'exaltation ( si le terme ne convient pas, on peut dire hybris)).
Détacher le corps du mental ( de l'intellect pour moi) c'est nier que l'intellect puisse jouer le rôle de conciliateur entre le corps et la psyché ( ce que le corps dit à l'esprit et qu'on ne peut faire taire sans l'exaltation justement). Pour mettre l'esprit, le mental au repos, il faut le rassasier de vérité, ou de croyance, car un esprit dense est un esprit en tension permanente, tension qui ne se fait pas oublier. Seul un esprit très peu dense peut se faire oublier facilement.
Ceci dit la biodanza fait sens* pour moi, puisque je crois au pouvoir de l'esprit sur le corps ( la méthode Coué, par exemple,à été moquée, mais elle a une réalité scientifique, une réalité scientifique qui réfute la doctrine pasteurienne)
* A condition d'intégrer l'idée que la cellule n'est pas ce qui fonde le vivant, mais un stade intermédiaire.
maraud- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Je passe à un autre aspect du sujet en partant d’un exemple concret.
Quand on dit que hks discute avec Vanleers, on s’exprime de façon impropre car, en réalité, c’est Dieu en tant qu’ (Deus quatenus) il s’explique par hks qui discute avec Dieu en tant qu’il s’explique par Vanleers. Spinoza pousse la logique jusqu’au bout : hks et Vanleers ne sont pas des êtres substantiels mais des modes de la Substance qu’il appelle Dieu.
Cette façon de voir s’apparente à celle de milieux n’ayant sans doute jamais entendu parler de Spinoza.
J’en veux pour témoignage un petit livre écrit vers le milieu du XVIII° siècle mais redécouvert cent ans plus tard et publié sous le titre L’abandon à la Providence divine.
Longtemps attribué à un jésuite, il est l’œuvre d’un inconnu, peut-être une dame de la haute société de Nancy qui fut dirigée par ce jésuite pendant quelques années.
Au début du chapitre II, l’auteur distingue deux sortes d’âmes :
Ici, il ne faut pas entendre « providence » au sens du XIX° siècle de dessein éternel de Dieu mais au sens d’action de Dieu au moment présent. Nul finalisme, ce qui rend cette attitude compatible avec le spinozisme.
Selon l’auteur, lorsque Dieu vit en l’âme, c’est Dieu qui agit : l'âme a conscience que tout ce qu’elle fait est « l’ouvrage de Dieu ». On a ici une transposition, certes particulière et discutable, du Deus quatenus spinoziste.
Pour illustrer son propos, l’auteur utilise une image hardie :
Nulle morbidité dans cette comparaison qui a un rôle prophylactique et qui n’empêche pas l’auteur, par ailleurs, de défendre sa cause avec vigueur.
J’invite le lecteur à pratiquer de temps en temps cet exercice « du tesson » en acceptant de se considérer un instant « comme un reste de pot cassé dont on ne s’avise pas de chercher aucun service ». Remède hygiénique qui libère des crispations égotistes et qui ne peut que faciliter la discussion.
PS Je reviendrai plus tard à ce qu’écrit maraud dont je découvre le post.
Quand on dit que hks discute avec Vanleers, on s’exprime de façon impropre car, en réalité, c’est Dieu en tant qu’ (Deus quatenus) il s’explique par hks qui discute avec Dieu en tant qu’il s’explique par Vanleers. Spinoza pousse la logique jusqu’au bout : hks et Vanleers ne sont pas des êtres substantiels mais des modes de la Substance qu’il appelle Dieu.
Cette façon de voir s’apparente à celle de milieux n’ayant sans doute jamais entendu parler de Spinoza.
J’en veux pour témoignage un petit livre écrit vers le milieu du XVIII° siècle mais redécouvert cent ans plus tard et publié sous le titre L’abandon à la Providence divine.
Longtemps attribué à un jésuite, il est l’œuvre d’un inconnu, peut-être une dame de la haute société de Nancy qui fut dirigée par ce jésuite pendant quelques années.
Au début du chapitre II, l’auteur distingue deux sortes d’âmes :
Inconnu a écrit: Il y a un temps auquel l’âme vit en Dieu et il y en a un auquel Dieu vit en l’âme. Ce qui est propre à l’un de ces temps est contraire à l’autre. Lorsque Dieu vit en l’âme, elle doit s’abandonner totalement à sa providence.
Ici, il ne faut pas entendre « providence » au sens du XIX° siècle de dessein éternel de Dieu mais au sens d’action de Dieu au moment présent. Nul finalisme, ce qui rend cette attitude compatible avec le spinozisme.
Selon l’auteur, lorsque Dieu vit en l’âme, c’est Dieu qui agit : l'âme a conscience que tout ce qu’elle fait est « l’ouvrage de Dieu ». On a ici une transposition, certes particulière et discutable, du Deus quatenus spinoziste.
Pour illustrer son propos, l’auteur utilise une image hardie :
Inconnu a écrit: Celle-ci [l’âme pour laquelle Dieu vit en l’âme] souvent est dans un coin de la terre comme un reste de pot cassé dont on ne s’avise pas de chercher aucun service (ibid.)
Nulle morbidité dans cette comparaison qui a un rôle prophylactique et qui n’empêche pas l’auteur, par ailleurs, de défendre sa cause avec vigueur.
J’invite le lecteur à pratiquer de temps en temps cet exercice « du tesson » en acceptant de se considérer un instant « comme un reste de pot cassé dont on ne s’avise pas de chercher aucun service ». Remède hygiénique qui libère des crispations égotistes et qui ne peut que faciliter la discussion.
PS Je reviendrai plus tard à ce qu’écrit maraud dont je découvre le post.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
A maraud
1) Une passion joyeuse, comme toute passion, est un affect, c’est-à-dire une affection du corps et simultanément une idée de cette affection.
Vous avez raison : un affect est une réalité psychophysique, toujours éprouvée corporellement et mentalement.
Cependant, et ici je suis Chantal Jaquet (cf. op. cit.), certains affects concernent avant tout le corps et c’est le cas de l’allégresse.
Mettre le mental au repos, dans le cas de la biodanza, c’est être attentif au moment présent, « laisser passer les pensées qui traversent l’esprit comme les nuages traversent le ciel », porter son attention sur ce qui se passe dans le corps : sensations physiques, sons.
2) Par définition une passion joyeuse n’est pas une conquête personnelle car une passion est quelque chose de subi par un individu passif.
Par ailleurs, une passion ne se vainc pas par un effort de volonté car un affect ne peut être réprimé ni supprimé que par un affect contraire et plus fort que l’affect à réprimer (Ethique IV 7). Spinoza expose comment faire dans la partie V de l’Ethique.
3) Comme vous, Spinoza associe la joie naturelle au goût de la vérité. Il s’exprime autrement en disant que les actions de l’esprit, donc nécessairement les joies, naissent des seules idées adéquates (Ethique III 3), une idée adéquate étant une idée qui a toutes les propriétés de l’idée vraie (Ethique II déf. 4).
4) L’esprit est réellement au repos lorsque nous éprouvons l’acquiescentia (quies : le repos) qui est un autre nom de la béatitude. On pourrait le dire « rassasié de vérité » comme vous l’écrivez, au sens où nous sommes alors comblés par l’amour intellectuel de Dieu.
Je pense que l’allégresse, telle que l’entend Spinoza, est également une forme de repos et de plénitude qui concerne plus particulièrement le corps.
1) Une passion joyeuse, comme toute passion, est un affect, c’est-à-dire une affection du corps et simultanément une idée de cette affection.
Vous avez raison : un affect est une réalité psychophysique, toujours éprouvée corporellement et mentalement.
Cependant, et ici je suis Chantal Jaquet (cf. op. cit.), certains affects concernent avant tout le corps et c’est le cas de l’allégresse.
Mettre le mental au repos, dans le cas de la biodanza, c’est être attentif au moment présent, « laisser passer les pensées qui traversent l’esprit comme les nuages traversent le ciel », porter son attention sur ce qui se passe dans le corps : sensations physiques, sons.
2) Par définition une passion joyeuse n’est pas une conquête personnelle car une passion est quelque chose de subi par un individu passif.
Par ailleurs, une passion ne se vainc pas par un effort de volonté car un affect ne peut être réprimé ni supprimé que par un affect contraire et plus fort que l’affect à réprimer (Ethique IV 7). Spinoza expose comment faire dans la partie V de l’Ethique.
3) Comme vous, Spinoza associe la joie naturelle au goût de la vérité. Il s’exprime autrement en disant que les actions de l’esprit, donc nécessairement les joies, naissent des seules idées adéquates (Ethique III 3), une idée adéquate étant une idée qui a toutes les propriétés de l’idée vraie (Ethique II déf. 4).
4) L’esprit est réellement au repos lorsque nous éprouvons l’acquiescentia (quies : le repos) qui est un autre nom de la béatitude. On pourrait le dire « rassasié de vérité » comme vous l’écrivez, au sens où nous sommes alors comblés par l’amour intellectuel de Dieu.
Je pense que l’allégresse, telle que l’entend Spinoza, est également une forme de repos et de plénitude qui concerne plus particulièrement le corps.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Vanleers a écrit:J’invite le lecteur à pratiquer de temps en temps cet exercice « du tesson » en acceptant de se considérer un instant « comme un reste de pot cassé dont on ne s’avise pas de chercher aucun service ». Remède hygiénique qui libère des crispations égotistes et qui ne peut que faciliter la discussion.
Le "tesson" est étymologiquement ce qui a donné symbole. Le Pot originel fragmenté en une indéfinité de tessons est en effet riche de symbolisme, mais je ne dirais pas, comme vous, que cela peut faciliter le discussion ( trop métaphysique; mais ne désespérerons pas...).
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maraud- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Oui, mais je ne visais pas ce sens-là, ni d’ailleurs l’ancien nom vernaculaire du blaireau d’Europe (wikipédia). Je visais le sens de débris de récipient qui est celui de l’auteur de L’abandon à la Providence divine.
Histoire de modérer ses propres ardeurs vindicatives et pacifier la discussion.
Histoire de modérer ses propres ardeurs vindicatives et pacifier la discussion.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Vanleers a écrit:et ici je suis Chantal Jaquet (cf. op. cit.), certains affects concernent avant tout le corps et c’est le cas de l’allégresse.
Mettre le mental au repos, dans le cas de la biodanza, c’est être attentif au moment présent, « laisser passer les pensées qui traversent l’esprit comme les nuages traversent le ciel », porter son attention sur ce qui se passe dans le corps : sensations physiques, sons.
On ne peut raisonnablement pas être contre l'idée générale d'un recentrement méthodique sur soi pour combattre le trop d'extériorité propre aux modernes. Cependant, je ne crois pas m'opposer à Spinoza en tenant pour secondaire, partielle, ces démarches qui distinguent le corps de l'esprit.
Je saisis mal la notion d'allégresse ( si elle est autre chose que la joie naturelle des désirs au repos parce que assouvis), alors je vais vous préciser mon principe spinoziste premier ( celui que je lui reproche d'avoir " forcé"):Dieu Nature Dieu; le rapport que Dieu entretient avec lui même, c'est la Nature. De fait, à chaque fois que l'on isole la nature, je sais que logiquement, cette distinction se dissous à un niveau supérieur. Ainsi, l'allégresse n'est à mon sens qu'une étape ( le minimum syndical dirais-je).
Je me souviens d'une théorie qui pourrait en quelque sorte compléter la biodanza : la noosphère ( mais je m'éloigne là)
maraud- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
A maraud
1) Vous critiquez les démarches qui distinguent le corps de l’esprit.
Je cite Chantal Jaquet (op. cit. p. 238) :
C. Jaquet cite ensuite les quatre affects expressément référés au corps par Spinoza : chatouillement, douleur, allégresse et mélancolie, ces deux dernières étant respectivement une joie et une tristesse qui se rapportent à l’homme lorsque toutes ses parties sont affectées à égalité.
Sans distinguer le corps de l’esprit, une démarche peut mettre l’accent sur les affects expressément référés au corps.
2) Comment comprendre votre expression « Dieu Nature Dieu » ?
En introduisant le verbe « naturer », au sens de produire de façon immanente et en reprenant la distinction que Spinoza emprunte à la Scolastique entre Nature naturante et Nature naturée (cf. Ethique I 29 scolie), je traduis votre expression par : la Nature naturante nature la Nature naturée.
Je rappelle ici les définitions des trois sortes de distinction : réelle, modale et de raison :
« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre » (Pascal Sévérac)
En conséquence, il n’y a pas de distinction réelle entre Nature naturante et Nature naturée, ni, non plus, une simple distinction de raison mais une distinction modale.
J’ajoute que la logique classique, associée à ces trois sortes de distinction, suffisent pour comprendre la philosophie de Spinoza, sans qu'il soit nécessaire de faire appel à d’autres types de logique.
1) Vous critiquez les démarches qui distinguent le corps de l’esprit.
Je cite Chantal Jaquet (op. cit. p. 238) :
Chantal Jaquet a écrit:[…], si l’affect est une réalité psychophysique impliquant à la fois une affection du corps et une idée de cette affection, il ne concerne pas nécessairement le corps et l’esprit de la même manière. En effet, si tous les affects sont dérivés de la triade primaire : désir, joie, tristesse, ils revêtent des dénominations différentes non seulement en fonction du rapport aux objets extérieurs, mais également en fonction du rapport principal au corps ou à l’esprit.
C. Jaquet cite ensuite les quatre affects expressément référés au corps par Spinoza : chatouillement, douleur, allégresse et mélancolie, ces deux dernières étant respectivement une joie et une tristesse qui se rapportent à l’homme lorsque toutes ses parties sont affectées à égalité.
Sans distinguer le corps de l’esprit, une démarche peut mettre l’accent sur les affects expressément référés au corps.
2) Comment comprendre votre expression « Dieu Nature Dieu » ?
En introduisant le verbe « naturer », au sens de produire de façon immanente et en reprenant la distinction que Spinoza emprunte à la Scolastique entre Nature naturante et Nature naturée (cf. Ethique I 29 scolie), je traduis votre expression par : la Nature naturante nature la Nature naturée.
Je rappelle ici les définitions des trois sortes de distinction : réelle, modale et de raison :
« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre » (Pascal Sévérac)
En conséquence, il n’y a pas de distinction réelle entre Nature naturante et Nature naturée, ni, non plus, une simple distinction de raison mais une distinction modale.
J’ajoute que la logique classique, associée à ces trois sortes de distinction, suffisent pour comprendre la philosophie de Spinoza, sans qu'il soit nécessaire de faire appel à d’autres types de logique.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
1) Oh, je ne vais pas jusqu'à la critique; je dis seulement que la nécessité de la distinction corps/esprit ne se fait pas sentir chez moi, parce que ce n'est pas à ce niveau que je trouve à comprendre. La distinction intellect/psyché, en revanche, m'aide beaucoup parce que c'est là que ma volonté peut agir, faire levier.
2) le mot "naturant" m'est bien venu, mais j'y ai renoncé car il implique , dans la terminologie que vous utilisez, le sujet Nature. Or le point de vue que je défends est que la Nature n'apparaît que lorsque Dieu se distingue de lui-même, c'est-à-dire lorsqu'il entretient un rapport avec lui-même: lorsque Dieu est dieu; qu'il est celui qui est etc. La Nature, de mon point de vue, symboliquement, correspond à la copule " est". Spinoza ne remonte pas aussi loin puisqu'il adosse sa métaphysique à l'état d'avancement qui voit la Nature déjà présente (potentielle-manifestée et non manifestée); mais il est vrai que nous sommes là hors la logique classique.
maraud- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Je reviens encore une fois, et avec une nouvelle approche, à l’expérience vécue (Erlebnis, vivencia) de la gratitude.
La joie éprouvée lors de cette expérience vient d’une prise de conscience soudaine (insight) que « tout est parfait », que se vérifie, de façon intuitive, la définition de la réalité selon Spinoza :
Pierre Macherey commente cette définition :
Dans la vivencia de gratitude, on se réjouit et rend grâces de la perfection de la réalité.
J’ai déjà écrit que ce sentiment de gratitude n’était autre que la béatitude dont nous entretient la partie V de l’Ethique.
En effet, la béatitude n’est pas à proprement parler une joie, qui est un passage à une perfection supérieure, mais la jouissance de la perfection même.
Comme le démontre Ethique V 36, cette jouissance est une partie de la jouissance de Dieu qui se réjouit de son infinie perfection (Ethique V 35).
Dans le scolie de la dernière proposition de l’Ethique, Spinoza écrit que le sage est conscient de soi, de Dieu et des choses. Entendons aussi que le sage rend grâces et se réjouit de sa propre perfection, de la perfection infinie de Dieu et de la perfection des choses.
La joie éprouvée lors de cette expérience vient d’une prise de conscience soudaine (insight) que « tout est parfait », que se vérifie, de façon intuitive, la définition de la réalité selon Spinoza :
Spinoza a écrit: Par réalité et perfection, j’entends la même chose. (Ethique II définition 6)
Pierre Macherey commente cette définition :
Pierre Macherey a écrit: L’identité de la réalité et de la perfection signifie donc que la réalité, prise à quelque point de vue que ce soit, est toujours tout ce qu’elle peut être, en vertu de la nécessité de sa nature et non en référence à un possible idéal par rapport auquel elle se situerait en retrait et comme par défaut, ce qui reviendrait à déterminer son être négativement.
Dans la vivencia de gratitude, on se réjouit et rend grâces de la perfection de la réalité.
J’ai déjà écrit que ce sentiment de gratitude n’était autre que la béatitude dont nous entretient la partie V de l’Ethique.
En effet, la béatitude n’est pas à proprement parler une joie, qui est un passage à une perfection supérieure, mais la jouissance de la perfection même.
Comme le démontre Ethique V 36, cette jouissance est une partie de la jouissance de Dieu qui se réjouit de son infinie perfection (Ethique V 35).
Dans le scolie de la dernière proposition de l’Ethique, Spinoza écrit que le sage est conscient de soi, de Dieu et des choses. Entendons aussi que le sage rend grâces et se réjouit de sa propre perfection, de la perfection infinie de Dieu et de la perfection des choses.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Ce sont les passions tristes qui nuisent aux échanges sur un forum comme, d’une façon générale, dans les rapports humains.
Or, il s’agit de vivre dans la joie.
Or, il s’agit de vivre dans la joie.
Nietzsche (Le gai savoir 26) a écrit: Que signifie vivre. — Vivre — cela signifie : repousser sans cesse quelque chose qui veut mourir. Vivre — cela signifie : être cruel et implacable contre tout ce qui, en nous, devient faible et vieux, et pas seulement en nous. Vivre cela signifierait donc : être sans pitié pour les agonisants, les misérables, les vieillards ? Être sans cesse assassin ? — Et pourtant le vieux Moïse a dit : « Tu ne tueras point ! »
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
D’un point de vue pratique, il est souhaitable, lorsqu’on participe à un forum de discussion, de se poser la question : « Dans quel esprit interviens-tu ? »
Spinoza montre qu’il n’y a que deux esprits possibles : l’esprit de joie et l’esprit de tristesse.
Le modèle spinoziste est, en effet, très simple et je le qualifierai de « quantitatif et binaire ».
Un individu, comme toute chose finie, se définit, dans son existence dans la durée, comme un certain quantum de réalité (d’étantité), c’est-à-dire de perfection (Ethique II définition 6).
Si ce quantum augmente ou diminue, cet individu éprouve un affect : une joie si le quantum augmente et une tristesse s’il diminue.
Lorsqu’on intervient sur un forum, c’est qu’on désire le faire et le désir est toujours déterminé par une affection de l’essence de l’homme qui intervient, c’est-à-dire, le plus souvent, par un affect au sens précité. (Ethique III définition des affects 1).
On intervient donc, en général, déterminé par un affect de joie ou un affect de tristesse, ce que j’appelle : dans un esprit de joie ou dans un esprit de tristesse.
Curieusement, on peut rapprocher ces deux esprits de l’esprit de consolation et de l’esprit de désolation d’Ignace de Loyola (avec les adaptations nécessaires, bien évidemment)
Spinoza montre qu’il n’y a que deux esprits possibles : l’esprit de joie et l’esprit de tristesse.
Le modèle spinoziste est, en effet, très simple et je le qualifierai de « quantitatif et binaire ».
Un individu, comme toute chose finie, se définit, dans son existence dans la durée, comme un certain quantum de réalité (d’étantité), c’est-à-dire de perfection (Ethique II définition 6).
Si ce quantum augmente ou diminue, cet individu éprouve un affect : une joie si le quantum augmente et une tristesse s’il diminue.
Lorsqu’on intervient sur un forum, c’est qu’on désire le faire et le désir est toujours déterminé par une affection de l’essence de l’homme qui intervient, c’est-à-dire, le plus souvent, par un affect au sens précité. (Ethique III définition des affects 1).
On intervient donc, en général, déterminé par un affect de joie ou un affect de tristesse, ce que j’appelle : dans un esprit de joie ou dans un esprit de tristesse.
Curieusement, on peut rapprocher ces deux esprits de l’esprit de consolation et de l’esprit de désolation d’Ignace de Loyola (avec les adaptations nécessaires, bien évidemment)
Ignace de Loyola (Exercices spirituels) a écrit:
Troisième règle, N° 316
De la consolation spirituelle. J’appelle consolation quand se produit dans l’âme quelque motion intérieure par laquelle celle-ci en vient à s’enflammer dans l’amour de son Créateur et Seigneur, et quand ensuite elle ne peut plus aimer aucune des choses créées sur la face de la terre pour elle-même, mais seulement dans le Créateur de toutes ces choses.
[…]
En définitive, j’appelle consolation tout accroissement d’espérance, de foi et de charité, et toute allégresse intérieure qui appelle et attire aux choses célestes et au salut propre de l’âme, l’apaisant et la pacifiant en son Créateur et Seigneur.
Quatrième règle, N° 317
De la désolation spirituelle. J’appelle désolation tout le contraire de la troisième règle, comme par exemple, obscurité de l’âme, trouble intérieur, motion vers les choses basses et terrestres, absence de paix venant de diverses agitations et tentations qui poussent à un manque de confiance ; sans espérance, sans amour, l’âme se trouvant toute paresseuse, tiède triste et comme séparée de son Créateur et Seigneur.
Car de même que la consolation est à l’opposé de la désolation, de même les pensées qui proviennent de la consolation sont à l’opposé des pensées qui proviennent de la désolation.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Mon point de vue n'est probablement pas spinosiste, mais je préfère l' approche éthologique pour la causalité des interventions sur les forum. La seule raison qui nous fait intervenir c'est le besoin d' interactions dans le seul but de valorisation de notre Moi. Goffman parle de "Face" et précise que cette valorisation est rarement obtenue mais que la confirmation de notre valeur suffit à nous satisfaire et nous fait retourné à notre hamac. Le forum remplace tres mal le troquet et encore plus mal l' "arbre à palabre", mais me semble supérieur à la ma&chine à café.Vanleers a écrit:
Si ce quantum augmente ou diminue, cet individu éprouve un affect : une joie si le quantum augmente et une tristesse s’il diminue.
Lorsqu’on intervient sur un forum, c’est qu’on désire le faire et le désir est toujours déterminé par une affection de l’essence de l’homme qui intervient, c’est-à-dire, le plus souvent, par un affect au sens précité. (Ethique III définition des affects 1).
On intervient donc, en général, déterminé par un affect de joie ou un affect de tristesse, ce que j’appelle : dans un esprit de joie ou dans un esprit de tristesse.
Je me suis fait tacler sévère en présentant cette hypothèse à mon arrivée sur ce forum. Chacun se sentant visé (dé-couvert dirait Bourdieu). Ce désir de se situer, hiérarchiser est, à mon sens, permanent, inconscient et structurant du groupe. Même à notre époque ou le groupe est hypertrophié, destructuré pour des raisons d' hyperprofits, ce besoin de valorisation perdure et est, bien sur exploité à d'autres fins que pour la structuration du groupe.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
kercoz a écrit: La seule raison qui nous fait intervenir c'est le besoin d' interactions dans le seul but de valorisation de notre Moi.
Je redonne d’abord un extrait d’un ouvrage de Pascal Sévérac (Spinoza Union et Désunion p. 176)
Pascal Sévérac a écrit: Vis, conatus, cupiditas : force, effort, désir. Ces trois concepts renvoient à la même réalité, celle d’une puissance de vie qui fait « tout son possible » (sans reste) pour conserver son être. La force (vis) est cette puissance en tant qu’elle est comprise à partir de la puissance éternelle de Dieu. L’effort (conatus) est cette puissance en tant qu’elle est considérée comme impliquée dans une existence en commerce avec d’autres existences. Le désir (cupiditas) est encore cette même puissance, en tant qu’elle est déterminée, par une quelconque affection, à faire quelque chose de particulier. […]
Les trois concepts mis en relation – force, effort, désir – permettent donc de penser de façon de plus en plus précise l’essence humaine et ses propriétés : pas de désir sans un effort de persévérance ; pas d’effort sans une force essentielle exprimant précisément la puissance de Dieu.
Selon Spinoza, un homme est une force qui persévère dans l’être.
Considérée sous l’angle de l’éternité, cette persévérance est acquise par définition car, dans l’éternité, il n’y a pas de changement.
Considérée sous l’angle de la durée, cette persévérance est en réalité un effort (conatus) de persévérance car les interactions avec les autres existences ne sont pas toujours favorables, chaque existant faisant, lui aussi, effort pour persévérer dans l’être d’où conflits possibles.
Cet effort de persévérance se traduit par des désirs d’intervention, désirs toujours déterminés par des affections.
Nous recherchons des interactions favorables, c’est-à-dire qui augmentent notre puissance d’exister et la satisfaction de soi :
Spinoza (Définition 25 des affects) a écrit: La satisfaction de soi est une joie née de ce qu’un homme se contemple lui-même ainsi que sa puissance d’agir.
Spinoza montre que la satisfaction de soi est ce que nous pouvons espérer de plus haut (Ethique IV 52 scolie).
Il y a donc un rapprochement possible entre les explications de Spinoza et Goffman sur ce qui fait agir l’homme. L’un et l’autre disent que l’homme recherche des interactions favorables : celles qui accroissent la satisfaction de soi selon Spinoza, celles qui valorisent notre moi selon Goffman.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Vanleers a écrit:kercoz a écrit: La seule raison qui nous fait intervenir c'est le besoin d' interactions dans le seul but de valorisation de notre Moi.
Nous recherchons des interactions favorables, c’est-à-dire qui augmentent notre puissance d’exister et la satisfaction de soi :Spinoza (Définition 25 des affects) a écrit: La satisfaction de soi est une joie née de ce qu’un homme se contemple lui-même ainsi que sa puissance d’agir.
Spinoza montre que la satisfaction de soi est ce que nous pouvons espérer de plus haut (Ethique IV 52 scolie).
Il y a donc un rapprochement possible entre les explications de Spinoza et Goffman sur ce qui fait agir l’homme. L’un et l’autre disent que l’homme recherche des interactions favorables : celles qui accroissent la satisfaction de soi selon Spinoza, celles qui valorisent notre moi selon Goffman.
A ce niveau de réflexion, on peut dire que leur point de vue est similaire. Pourtant:
-l'expression de Spinoza est une littérature religieuse. De son point de vue on peut par ex verser vers: L' homme crée un Dieu dont il devient esclave et passe son temps à vouloir s' identi( que)fier à l' image d' un créateur qu'il vient de créer ...etc
-Le point de vue de Goffman est strictement factuel. Ce qu'il dit de l' individu social est valable pour toute espèce sociale. La valorisation de l' individu n' a qu'un but : Augmenter la résilience du groupe. Et au delà, augmenter la résilience de l' espèce. Il faut considérer que cette valorisation est un processus formaté bien avant l' homminidification, dans des groupes restreints. L' idée de valorisation est dévoyée du fait qu' actuellement nous la percevons comme une ostentation négative. Elle est de fait, non validée et ne présente que les signes de la valeur. La valeur n'étant pas démontrée.
La def 25 de Spinoza est valable pour tout individu social, pour une de mes poules par ex.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Il ne faut jamais oublier que le Dieu de Spinoza n’est pas le Dieu des religions et qu’il pose l’identité : « Dieu, c’est-à-dire la Nature » (Deus sive Natura).
Ne pas oublier, non plus que l’homme n’est pas un empire dans un empire et qu’il ne se distingue des animaux que par la complexité de son corps.
Tout comme un homme, une poule est un corps si on la considère sous l’aspect Etendue et un esprit, c’est-à-dire une idée de ce corps, si on la considère sous l’aspect Pensée. Un corps et un esprit, c’est la même chose considérée sous deux aspects différents.
Si le corps de la poule est suffisamment complexe pour que l’idée dont ce corps est l’objet, c’est-à-dire l’esprit de la poule, soit apte à former l’idée de l’idée de ce corps, c’est-à-dire si la poule est capable d’avoir conscience d’elle-même, alors, bien évidemment, la définition 25 s’applique à la poule comme à toute chose finie qui possède cette aptitude, même à un simple caillou si c’est le cas.
Spinoza établit cela par une construction rationnelle basée sur des définitions et quelques axiomes alors que Goffman bâtit une théorie explicative à partir d’observations (méthode scientifique).
L’intérêt de la satisfaction de soi par rapport à la valorisation du moi est le suivant.
La satisfaction de soi (acquiescentia in se ipso) laisse la place, dans la cinquième et dernière partie de l’Ethique à l’acquiescentia tout court, c’est-à-dire la béatitude.
C’est encore une satisfaction de soi mais où l’homme a pris conscience qu’il est une expression finie de Dieu et s’est décentré de l’image qu’il a de lui-même, c’est-à-dire de son moi.
Il sait qu’il est éternel et, en conséquence, il n’a pas peur de la mort.
Ne pas oublier, non plus que l’homme n’est pas un empire dans un empire et qu’il ne se distingue des animaux que par la complexité de son corps.
Tout comme un homme, une poule est un corps si on la considère sous l’aspect Etendue et un esprit, c’est-à-dire une idée de ce corps, si on la considère sous l’aspect Pensée. Un corps et un esprit, c’est la même chose considérée sous deux aspects différents.
Si le corps de la poule est suffisamment complexe pour que l’idée dont ce corps est l’objet, c’est-à-dire l’esprit de la poule, soit apte à former l’idée de l’idée de ce corps, c’est-à-dire si la poule est capable d’avoir conscience d’elle-même, alors, bien évidemment, la définition 25 s’applique à la poule comme à toute chose finie qui possède cette aptitude, même à un simple caillou si c’est le cas.
Spinoza établit cela par une construction rationnelle basée sur des définitions et quelques axiomes alors que Goffman bâtit une théorie explicative à partir d’observations (méthode scientifique).
L’intérêt de la satisfaction de soi par rapport à la valorisation du moi est le suivant.
La satisfaction de soi (acquiescentia in se ipso) laisse la place, dans la cinquième et dernière partie de l’Ethique à l’acquiescentia tout court, c’est-à-dire la béatitude.
C’est encore une satisfaction de soi mais où l’homme a pris conscience qu’il est une expression finie de Dieu et s’est décentré de l’image qu’il a de lui-même, c’est-à-dire de son moi.
Il sait qu’il est éternel et, en conséquence, il n’a pas peur de la mort.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Vanllers donnera peut être son aviskercoz a écrit:Ce qu'il dit de l' individu social est valable pour toute espèce sociale. La valorisation de l' individu n' a qu'un but : Augmenter la résilience du groupe. Et au delà, augmenter la résilience de l' espèce.
ce n'est pas une téléologie présente chez Spinoza.
Spinoza n'évoque QUE le conatus de l'individu (me semble -t -il) S'il y a comportement qui induise une conservation du groupe social auquel cet individu appartient, ce comportement est raisonné ( et au mieux raisonnable)
Je dis raisonnable parce qu' effectivement une conduite non raisonnable peut induire une déficience dans la conservation de la société en question.
Il y a bien évidemment chez Spinoza une différence entre la société humaine et celle des poules.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
hks a écrit:
Spinoza n'évoque QUE le conatus de l'individu (me semble -t -il)
Il résulte de la définition d’une chose singulière (Ethique II définition 7) qu’un groupe, un Etat, … est une chose singulière si les individus qui le composent sont tous ensemble cause d’un même effet.
Cette chose singulière, comme toute chose singulière, cherche à persévérer dans son être (Ethique III 6) et on parlera de conatus d’un groupe, d’un Etat, … (Ethique III 7).
Comme cette réunion d’individus ne s’effectue que dynamiquement :
Pierre Macherey a écrit: Il est clair qu’une telle association est circonstancielle, et que, comme elle est faite, elle peut être défaite, lorsque l’action de la cause efficiente dont elle résulte est contrecarrée par celle d’une autre cause. La réalité des choses singulières, loin de constituer une donnée inébranlable, est ainsi renvoyée à sa facticité : ces choses singulières, qui ne sont en rien des substances, n’existent que relativement, à travers la réunion de leurs éléments constituants, pour autant qu’ils sont ensemble cause d’un même effet, et, à cet égard seulement, peuvent être considérés « comme une seule chose singulière » (ut una res singularis).
Cette notion de « chose singulière » peut sans doute être rapprochée de la notion d’« agrégat » dans le bouddhisme.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
Vanleers a écrit:est une chose singulière si les individus qui le composent sont tous ensemble cause d’un même effet.
oui peut- être ...mais Kercoz suggère que l' individu seul n' existe QUE comme cause partielle d'un seul effet ( à savoir l' espèce) à tout dire que l'individu seul n' existe pas
Entre l' individu seul et l'individu "tous ensemble" il y a une certaine différence.
Et je persiste à penser que Spinoza valorise le conatus de l'individu seul.
A vouloir jouer à ce jeu des causes composant toutes ensemble un même effet on dilue
absolument l 'individu / individué .
A ce jeu le climat va être pensé comme "une chose singulière" puisque tous les individus qui le composent sont tous ensemble cause d’un même effet ( le réchauffement) et on attribuera un conatus au climat ...
Lequel conatus( imaginaire ) est en panne en l'occurence
mais ce du fait de l'activité de sujets non raisonnables agissant tous ensemble en tant que sujet individués ayant eux un réel conatus.
hks- Digressi(f/ve)
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Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Pour des débats selon une éthique spinoziste
« Climat », comme « largeur » par exemple, sont des mots mais ces mots désignent-ils des choses singulières, c’est-à-dire des choses finies ayant une existence déterminée (Ethique II définition 7) ?
Vanleers- Digressi(f/ve)
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