L'Ethique de Spinoza et les sciences
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L'Ethique de Spinoza et les sciences
Spinoza démontre, dans la partie I de l’Ethique, une proposition qui s’avérera être une proposition clef pour son projet éthique de libération de l’homme :
Cette proposition est démontrée sur la base des définitions et des axiomes posés au début de l’ouvrage et ne fait appel qu’à l’entendement, sans aucun recours à des données empiriques.
On ne voit donc pas comment les sciences, même les plus élaborées comme la mécanique quantique aujourd’hui, pourraient confirmer ou infirmer une telle proposition.
L’Ethique s’impose à tout entendement dès lors qu’ont été comprises les bases sur lesquelles elle se construit et les sciences, ni celles d’aujourd’hui, ni celles de demain, ne sauraient la remettre en cause.
C’est aussi ce qu’écrit Lorenzo Vinciguerra dans son commentaire d’un texte de Bergson :
Spinoza (Ethique I 15) a écrit: Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut sans Dieu ni être ni se concevoir.
Cette proposition est démontrée sur la base des définitions et des axiomes posés au début de l’ouvrage et ne fait appel qu’à l’entendement, sans aucun recours à des données empiriques.
On ne voit donc pas comment les sciences, même les plus élaborées comme la mécanique quantique aujourd’hui, pourraient confirmer ou infirmer une telle proposition.
L’Ethique s’impose à tout entendement dès lors qu’ont été comprises les bases sur lesquelles elle se construit et les sciences, ni celles d’aujourd’hui, ni celles de demain, ne sauraient la remettre en cause.
C’est aussi ce qu’écrit Lorenzo Vinciguerra dans son commentaire d’un texte de Bergson :
Lorenzo Vinciguerra, Spinoza p. 181 – Hachette Prismes 2001 a écrit: Ce que la philosophie de Spinoza apporta de nouveau ne pouvait être nouveau que relativement à son époque ; car, pour se faire entendre de ses contemporains, le philosophe dut s’exprimer à travers les idées toutes faites de son temps. Mais cela n’était nouveau que pour ceux qui n’entendaient qu’elles. Sub specie aeternitatis, rien n’est nouveau – encore que, pour le bonheur des hommes et sa liberté, son adhésion à l’éternel soit toujours à rétablir de nouveau dans sa vérité. En ce sens, effectivement, Spinoza eut pu venir plusieurs siècles plus tôt, ou plus tard, serait-il même toujours encore à venir, qu’il aurait à dire encore et toujours la même chose.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Le texte de Lorenzo Vinciguerra cité précédemment pose la question de la langue de l’Ethique.
Cette langue est le « spinozien » et François Zourabichvili (Spinoza Une physique de la pensée p.165 – PUF 2002) écrit :
Zourabichvili écrit aussi : « Nous voulons apprendre à parler le spinozien » et indique en note :
A lire aussi une intervention intéressante de Robert Misrahi sur la langue spinoziste en :
https://books.google.fr/books?id=xOOt82O5bSoC&pg=PA32&lpg=PA32&dq=langue+spinozien
Cette langue est le « spinozien » et François Zourabichvili (Spinoza Une physique de la pensée p.165 – PUF 2002) écrit :
Zourabichvili a écrit: Il est certes légitime et rassurant pour le débutant de se voir proposer des versions, mais la pédagogie spinozienne procède à l’inverse, dans le sens du thème : « lorsque nous disons que… (parler vulgaire), nous ne disons rien d’autre que… (parler spinozien) (E II 11 cor.)
Zourabichvili écrit aussi : « Nous voulons apprendre à parler le spinozien » et indique en note :
Zourabichvili a écrit: Est engagée ici toute une pédagogie du concept. Qu’est-ce qu’expliquer un texte philosophique ? Cela ne doit pas signifier le traduire dans un langage commun, car c’est là l’illusion par excellence qui barre à jamais l’accès aux textes philosophiques. Il s'agit d’amener le lecteur ou l’auditeur à comprendre la langue dans laquelle le texte est écrit, langue nécessaire qui est à la fois le moyen et l’effet de la pensée qui s’y exprime. En somme : non pas extraire des significations, en produisant une réplique explicite du texte même ; non pas sortir de celui-ci par une paraphrase, mais y entrer par un commentaire.
A lire aussi une intervention intéressante de Robert Misrahi sur la langue spinoziste en :
https://books.google.fr/books?id=xOOt82O5bSoC&pg=PA32&lpg=PA32&dq=langue+spinozien
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Vanleers a écrit:
On ne voit donc pas comment les sciences, même les plus élaborées comme la mécanique quantique aujourd’hui, pourraient confirmer ou infirmer une telle proposition.
Il y aurait deux voies d'accès pour une réfutation d'un système intellectuel tel que celui monté par Spinoza. Le premier s'attaquerait à la validité des axiomes, le deuxième à la validité du raisonnement qui repose sur eux. Typiquement, le principe du tiers-exclu, que la mécanique quantique met à mal, ou le principe des causes, des lois. Si le principe de cause, et donc de loi, semble insurpassable à notre mode de pensée, cela n'en fait pas pour autant un principe qui nous transcende. C'est tout le problème, et Spinoza n'y coupe pas, des systèmes philosophiques, c'est qu'il partent en nous, de nous, pour viser un hypothétique extérieur. Tout système philosophique reste donc, quant à la métaphysique et donc à une affirmation de Dieu ou d'une sorte de cause première, circulaire.
Mais je ne crois pas que le but de la science soit de réfuter un système philosophique.
Je me suis acheté ceci, il y a quelques jours :
Fabuleux !!!
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Voyez les axiomes de l’Ethique et dites-moi comment ils pourraient être réfutés.
Il est très à la mode d’évoquer la mécanique quantique mais je n’ai pas vu que cette théorie, purement conjecturale comme toutes les théories scientifiques (qu’en restera-t-il, ne serait-ce que dans un million de siècles, ce qui est très court à l’échelle des temps géologiques, alors que les sciences ont déjà beaucoup évolué en seulement 3 ou 4 siècles), avait changé quoi que ce soit en ce qui concerne les objets macroscopiques qui seuls nous intéressent en matière d’éthique.
Il est très à la mode d’évoquer la mécanique quantique mais je n’ai pas vu que cette théorie, purement conjecturale comme toutes les théories scientifiques (qu’en restera-t-il, ne serait-ce que dans un million de siècles, ce qui est très court à l’échelle des temps géologiques, alors que les sciences ont déjà beaucoup évolué en seulement 3 ou 4 siècles), avait changé quoi que ce soit en ce qui concerne les objets macroscopiques qui seuls nous intéressent en matière d’éthique.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Si la mécanique quantique "est à la mode", c'est pour deux raisons. Le grand public apprécie les paradoxes qu'elle offre lorsque interprétée dans le cadre d'une ontologie naturelle : elle fait entrer dans les foyers un mystère aussi excitant qu'il est scientifique. Le petit monde épistémologique s'affaire quant à lui sur la fracture béante que cette mécanique moderne a infligé aux certitudes jusque là bien ancrées des rats de laboratoires : on ne parvient plus à expliquer l'intimité du monde en termes naturels.
Bon, mais ce n'est pas de cela dont je voulais vous parler. Je vous disais, et je pense avoir été clair, qu'il y aurait deux voies de réfutations d'un système philosophique, tel que celui présenté par Spinoza, accessible à une science : (1) les axiomes et (2) les raisonnements subséquents. J'use du conditionnel puisque l'on ne peut affirmer qu'une science pourra jamais réfuter les contenus de ces deux points, le point (1) se fondant pour l'essentiel sur le même substrat opératoire mental dont usent... les sciences elles-mêmes ! Mais il n'empêche que pour réfuter l'ensemble su système, il faudrait soit se pencher sur l'un ou l'autre de ces 2 points.
Ce que peuvent faire les sciences, c'est montrer une invalidité logique, ici ou là, au sein du point (2), ou que tout ou partie du contenu (1) est non-avenu, ou inefficace, ou inadapté à un réel plus profond. Et là il y a matière à travailler.
Avant d'entrer plus avant dans les détails, ce que je ferai certainement dans les jours qui suivent, je vous pose cette question en apparence simple : où placez-vous la frontière qui sépare le monde macroscopique du monde microscopique, et comment justifiez-vous l'existence même de cette frontière, puis son positionnement sur l'échelle des grandeurs ?
Bon, mais ce n'est pas de cela dont je voulais vous parler. Je vous disais, et je pense avoir été clair, qu'il y aurait deux voies de réfutations d'un système philosophique, tel que celui présenté par Spinoza, accessible à une science : (1) les axiomes et (2) les raisonnements subséquents. J'use du conditionnel puisque l'on ne peut affirmer qu'une science pourra jamais réfuter les contenus de ces deux points, le point (1) se fondant pour l'essentiel sur le même substrat opératoire mental dont usent... les sciences elles-mêmes ! Mais il n'empêche que pour réfuter l'ensemble su système, il faudrait soit se pencher sur l'un ou l'autre de ces 2 points.
Ce que peuvent faire les sciences, c'est montrer une invalidité logique, ici ou là, au sein du point (2), ou que tout ou partie du contenu (1) est non-avenu, ou inefficace, ou inadapté à un réel plus profond. Et là il y a matière à travailler.
Avant d'entrer plus avant dans les détails, ce que je ferai certainement dans les jours qui suivent, je vous pose cette question en apparence simple : où placez-vous la frontière qui sépare le monde macroscopique du monde microscopique, et comment justifiez-vous l'existence même de cette frontière, puis son positionnement sur l'échelle des grandeurs ?
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Axiome 1
Tout ce qui est, est ou bien en soi ou bien en autre chose.
Axiome 2
Une chose qui ne peut se concevoir par une autre doit être conçue par soi.
Axiome 3
Étant donnée une cause déterminée, l'effet en suit nécessairement ; et au contraire, si aucune cause déterminée n'est donnée, il est impossible que l'effet en suive.
Axiome 4
La connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause, et elle l'enveloppe.
Axiome 5
Les choses qui n'ont entre elles rien de commun ne peuvent se concevoir l'une par l'autre, ou en d'autres termes, le concept de l'une n'enveloppe pas le concept de l'autre.
Axiome 6
Une idée vraie doit s'accorder avec son objet.
Axiome 7
Quand une chose peut être conçue comme n'existant pas, son essence n'enveloppe pas l'existence.
difficile sinon impossible à réfuter. Ce sont des régles logiques que la réfutation ( logique ) doit suivre.
Ou bien alors activer une autre logique
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Les axiomes et postulats de la partie 2 sont empiriques. Là c 'est différent.
Axiomes sur les corps
[Axiome 1 sur les corps]
Tous les corps sont ou en mouvement ou en repos.
Axiome 2 sur les corps
Tout corps se meut, tantôt plus lentement, tantôt plus vite.
Il semble au sens commun que Tous les corps soient ou en mouvement ou en repos.
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et puis il y a encore (partie 2) les Axiomes sur les rapports entre les corps...admissibles dans un certain sens ...
bref il lui fallait bien partir de quelques idées fortes et acceptables.( ne serait- ce que par l' esprit de son époque)
hks- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
hks a écrit:
difficile sinon impossible à réfuter. Ce sont des régles logiques que la réfutation ( logique ) doit suivre.
Ou bien alors activer une autre logique
D'autres logiques peuvent en effet être mises en oeuvre, mais en ce qui concerne notre propos, il n'est pas nécessaire d'y faire appel. D'une part parce qu'une logique autre ne ferait que transférer le problème de fond d'une logique à une autre, d'autre part par ce qu'il suffit de constater qu'une logique ne peut produire des raisonnements vrais ou faux qu'à l'intérieur d'elle-même, et que toute visée extra-territoriale à cette logique s'expose au doute due à l'hypostase de la logique hors d'elle-même. Un système logique ne porte pas une vérité plus éloignée qu'elle-même. Ainsi l'axiome 1 de Spinoza implique au minimum que l'on pose pour acquis le principe de la cause ou d'une forme de dualisme. Car pour qu'un être soit en soi, il faut alors constater que la tasse ci-devant est extérieure à moi, qui ne suis pas une tasse, ou que le principe de la tasse soit hors d'elle... Ce ne sont pas des affirmations anodines, loin s'en faut !
Les axiomes de Spinoza font sens dans un monde naturel d'objets. Mais cette évidence ne peut justifier d'elle-même. Par exemple, en mécanique quantique, les objets n'ont plus lieu d'être et l'on ne parle plus que de phénomènes vécus, d'expérience immédiate. Dans ce cadre précis un objet peut à la fois être ici et ailleurs, ce qui viole le principe du tiers-exclu. Et ce n'est là qu'un mince aspect des problèmes que posent ce modèle théorique (qui n'a pas encore pu se voir sauvé par une explication "naturelle").
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Crosswind a écrit:
Avant d'entrer plus avant dans les détails, ce que je ferai certainement dans les jours qui suivent, je vous pose cette question en apparence simple : où placez-vous la frontière qui sépare le monde macroscopique du monde microscopique, et comment justifiez-vous l'existence même de cette frontière, puis son positionnement sur l'échelle des grandeurs ?
Je n’ai pas besoin de le justifier sur ce fil.
En effet, les corps dont il est question dans l’Ethique sont les corps d’êtres humains, d’animaux, de végétaux et de minéraux qui, à mon avis, sont clairement des objets macroscopiques pour lesquels la mécanique quantique n’apporte rien de significativement nouveau.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Sans me prononcer déjà sur les axiomes de Spinoza, je pense qu'une meilleure défense du système spinozien doit inclure l'ensemble des phénomènes, des objets, qu'ils soient dits microscopiques ou macroscopiques. Car d'une part ne s'en tenir qu'à une partie du monde ôte toute universalité au système, ce que Spinoza aurait je pense désapprouvé, sans compter qu'il paraît impossible de justifier la position scalaire d'une frontière séparant les deux milieux. D'autre part, la mécanique quantique a bel et bien vocation universelle et inclut pleinement l'ensemble des objets, quand bien même seraient-ils aussi grand qu'une galaxie. Ce qui est ma foi vrai, est que les effets les plus remarquables se manifestent à l'échelle microscopique, mais l'on ne peut oublier que c'est bel et bien l'ensemble des choses qui participent à la théorie et ses conclusions.
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Comme l’écrit Bernard Pautrat au début de sa traduction de l’Ethique, celle-ci est une « prodigieuse machine-à-bonheur » et le lecteur est simplement invité à vérifier si la machine marche ou pas.
Spinoza, à la différence de Descartes, n’est pas un homme de science. Lisez ce qu’on appelle sa « Petite physique » entre les propositions 13 et 14 de la partie II. Vous allez être surpris par le caractère extrêmement rudimentaire de sa théorie des corps. Et pourtant, aussi rudimentaire soit-elle, ce qui la rend pratiquement irréfutable par les sciences contemporaines, cette théorie suffit pour nous emmener à la béatitude, le seul but de l’Ethique.
Spinoza, à la différence de Descartes, n’est pas un homme de science. Lisez ce qu’on appelle sa « Petite physique » entre les propositions 13 et 14 de la partie II. Vous allez être surpris par le caractère extrêmement rudimentaire de sa théorie des corps. Et pourtant, aussi rudimentaire soit-elle, ce qui la rend pratiquement irréfutable par les sciences contemporaines, cette théorie suffit pour nous emmener à la béatitude, le seul but de l’Ethique.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 15/01/2017
Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
admettonsCrosswind a écrit:ce qu'il suffit de constater qu'une logique ne peut produire des raisonnements vrais ou faux qu'à l'intérieur d'elle-même, et que toute visée extra-territoriale à cette logique s'expose au doute due à l'hypostase de la logique hors d'elle-même.
mais Il ya une difficulté autrement plus importante .
Peut- on penser sans logique ?
Une pensée illogique serai une pensée qui ne suis pas de règle
où bien qui change de régles aléatoirement
ou bien qui ne suit une règle qu'une fois (ce qui nest plus une régle du tout)
On peut certes congédier la logique pas pour... quoi ?
Peut être pour des observations non anodines et qui sans logique ne formeront certes pas pour le coup "sytéme".
Au mieux on peut espérer avoir une pensée fragmentée, par cri ou profération ou exclamation.
Mais je pense qu'en fait aucun concept ne serait plus exprimable.(que par le cri)
L' expression même (autre que le cri) en serait impossible .
hks- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Alors, à ce propos j'avancerais deux remarques. La première est que si l'on ne peut raisonner ou communiquer qu'au travers d'une logique X, ce fait n'invalide pas le constat que toute production raisonnée établie suivant les règles logiques X ne sera pas valide au-delà de ses propres règles. Le langage mathématique n'établit pas des vérités qui portent plus loin que le respect des règles qui fondent les mathématiques. La logique formelle n'établit pas la validité d'une proposition sur des fondements extérieurs à ses axiomes. 1 + 1 = 2 est une tautologie. X = "p" ou X = "non p" n'est valide que sous l'axiome du tiers-exclu (qui spécifie toutes les valeurs que peut prendre X au sein d'un ensemble donné). *
A ce stade, d'aucuns pourraient rétorquer que les axiomes eux-mêmes sont des vérités insurpassables. Mais cela n'est pas évident. Wittgenstein a bien montré que les fondements du langage n'étaient pas des vérités mais les conditions du langage, et ces conditions peuvent évoluer, se voir modifiées. Ce sont des conditions contextuelles. Par exemple, la proposition "J'existe" n'est ni vraie ni fausse, elle fait partie des pré-conditions nécessaire à tout énoncé (niez-là et vous rendrez contradictoire toute proposition). De même, "il y a des objets", ou encore "tout effet a sa cause". Mais ces propositions peuvent se voir, un jour, invalidées. Ainsi, la mécanique quantique permet de s'affranchir de la proposition "il y a des objets" ou "tout effet a sa cause".
En réalité, on peut remarquer qu'au sein d'un même langage plusieurs schèmes conceptuels peuvent cohabiter, de même que des langages fondés sur des axiomes antinomiques peuvent coexister, voire être traduit de l'un à l'autre.
En résumé, Spinoza ne peut faire autrement que raisonner sur les axiomes qu'il estime les plus fondamentaux (et pour nous, dans notre monde usuel, il s'agit tu tiers-exclus, du principe de la cause à l'effet, des objets, de la dichotomie intérieur-extérieur...), mais l'ensemble du raisonnement qui en découle, aussi rigoureux soit-il, ne portera jamais plus loin qu'au sein de lui-même. En bref, Spinoza ne démontre pas une métaphysique, il aboutit à une métaphysique par raisonnement sous hypothèse axiomatique. Ce qui n'ôte en rien la qualité et la pertinence de son travail, cela étant.
* Physique quantique et réalité, un débat avec Bernard D'espagnat : "Le principe du tiers-exclu est un principe d'exhaustivité de l'intelligible, un principe selon lequel le champs des possible est entièrement couvert par les catégories rationnelles. Le principe du tiers-exclu appliqué à l'Un et au Pluriel suppose en particulier que le domaine des déterminations possibles du réel soit exhaustivement couvert par les catégories de quantité. Mais qu'est ce qui garanti que la "réalité indépendante" tombe sous les catégories de la quantité? Qu'est ce qui garantit plus largement qu'elle tombe sous des catégories qui opèrent en première instance sur les phénomènes ? Seul un postulat d'intelligibilité transcendante, que certains peuvent considérer comme indispensable en tant qu'idéal régulateur [...]"
A ce stade, d'aucuns pourraient rétorquer que les axiomes eux-mêmes sont des vérités insurpassables. Mais cela n'est pas évident. Wittgenstein a bien montré que les fondements du langage n'étaient pas des vérités mais les conditions du langage, et ces conditions peuvent évoluer, se voir modifiées. Ce sont des conditions contextuelles. Par exemple, la proposition "J'existe" n'est ni vraie ni fausse, elle fait partie des pré-conditions nécessaire à tout énoncé (niez-là et vous rendrez contradictoire toute proposition). De même, "il y a des objets", ou encore "tout effet a sa cause". Mais ces propositions peuvent se voir, un jour, invalidées. Ainsi, la mécanique quantique permet de s'affranchir de la proposition "il y a des objets" ou "tout effet a sa cause".
En réalité, on peut remarquer qu'au sein d'un même langage plusieurs schèmes conceptuels peuvent cohabiter, de même que des langages fondés sur des axiomes antinomiques peuvent coexister, voire être traduit de l'un à l'autre.
En résumé, Spinoza ne peut faire autrement que raisonner sur les axiomes qu'il estime les plus fondamentaux (et pour nous, dans notre monde usuel, il s'agit tu tiers-exclus, du principe de la cause à l'effet, des objets, de la dichotomie intérieur-extérieur...), mais l'ensemble du raisonnement qui en découle, aussi rigoureux soit-il, ne portera jamais plus loin qu'au sein de lui-même. En bref, Spinoza ne démontre pas une métaphysique, il aboutit à une métaphysique par raisonnement sous hypothèse axiomatique. Ce qui n'ôte en rien la qualité et la pertinence de son travail, cela étant.
* Physique quantique et réalité, un débat avec Bernard D'espagnat : "Le principe du tiers-exclu est un principe d'exhaustivité de l'intelligible, un principe selon lequel le champs des possible est entièrement couvert par les catégories rationnelles. Le principe du tiers-exclu appliqué à l'Un et au Pluriel suppose en particulier que le domaine des déterminations possibles du réel soit exhaustivement couvert par les catégories de quantité. Mais qu'est ce qui garanti que la "réalité indépendante" tombe sous les catégories de la quantité? Qu'est ce qui garantit plus largement qu'elle tombe sous des catégories qui opèrent en première instance sur les phénomènes ? Seul un postulat d'intelligibilité transcendante, que certains peuvent considérer comme indispensable en tant qu'idéal régulateur [...]"
Dernière édition par Crosswind le Sam 23 Déc 2017 - 14:14, édité 3 fois (Raison : leu)
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
J' attendais plutôt une remarque sur le langage poétique La poésie .... et je pensais à la poésie surréaliste plus précisément.
Car la poésie pense et pourtant n'est pas si logique ....ou bien obéit à une logique qu'on est bien du mal à formaliser.
Logique ?
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Je ne pense pas qu'il aboutisse mais qu il en part. Il a une certaine intuition de la nature , une intuition qui n'est pas "logique" d' emblée.
mais l'ensemble du raisonnement qui en découle, aussi rigoureux soit-il, ne portera jamais plus loin qu'au sein de son intuition.
Il n'y a aucune philosophie qui se battisse sur la logique en fait. La logique ne dit rien. C'est une condition de possibilité,certes, peut -être, mais qui ne produit rien si elle n'est pas mise oeuvre par des intuitions qui sont comme des voies ou des tropismes (des orientations)
bon et bref ... ce n'est que mon point de vue
......................................................
Car la poésie pense et pourtant n'est pas si logique ....ou bien obéit à une logique qu'on est bien du mal à formaliser.
et je lis le début d'un commentairePaul Eluard a écrit:La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
http://eluardexplique.free.fr/amour/laterreestbleue.htmlSi déroutante à la première lecture, l'image éluardienne a toujours sa raison d'être, sa logique interne. ".
Logique ?
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Je vois que quand même tu peux exprimer quelque chose de positif et dans un langage logique .Crosswind a écrit: Mais cela n'est pas évident. Wittgenstein a bien montré que les fondements du langage n'étaient pas des vérités mais les conditions du langage, et ces conditions peuvent évoluer, se voir modifiées. Ce sont des conditions contextuelles.
Crosswind a écrit:En résumé, Spinoza ne peut faire autrement que raisonner sur les axiomes qu'il estime les plus fondamentaux (et pour nous, dans notre monde usuel, il s'agit tu tiers-exclus, du principe de la cause à l'effet, des objets, de la dichotomie intérieur-extérieur...), mais l'ensemble du raisonnement qui en découle, aussi rigoureux soit-il, ne portera jamais plus loin qu'au sein de lui-même. En bref, Spinoza ne démontre pas une métaphysique, il aboutit à une métaphysique par raisonnement sous hypothèse axiomatique.
Je ne pense pas qu'il aboutisse mais qu il en part. Il a une certaine intuition de la nature , une intuition qui n'est pas "logique" d' emblée.
mais l'ensemble du raisonnement qui en découle, aussi rigoureux soit-il, ne portera jamais plus loin qu'au sein de son intuition.
Il n'y a aucune philosophie qui se battisse sur la logique en fait. La logique ne dit rien. C'est une condition de possibilité,certes, peut -être, mais qui ne produit rien si elle n'est pas mise oeuvre par des intuitions qui sont comme des voies ou des tropismes (des orientations)
bon et bref ... ce n'est que mon point de vue
......................................................
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Crosswind a écrit:
* Physique quantique et réalité, un débat avec Bernard D'espagnat : "Le principe du tiers-exclu est un principe d'exhaustivité de l'intelligible, un principe selon lequel le champs des possible est entièrement couvert par les catégories rationnelles. Le principe du tiers-exclu appliqué à l'Un et au Pluriel suppose en particulier que le domaine des déterminations possibles du réel soit exhaustivement couvert par les catégories de quantité. Mais qu'est ce qui garanti que la "réalité indépendante" tombe sous les catégories de la quantité? Qu'est ce qui garantit plus largement qu'elle tombe sous des catégories qui opèrent en première instance sur les phénomènes ? Seul un postulat d'intelligibilité transcendante, que certains peuvent considérer comme indispensable en tant qu'idéal régulateur [...]"
Il y a quelque chose de fascinant dans l’Ethique, que Laurent Martinet explicite dans un article « Zourabichvili avait raison » qu’on peut lire en :
http://www.spinozaetnous.org/article50.html
Laurent Martinet a écrit: Ce qui nous aura perturbé à la lecture de l’Ethique, c’est l’écart entre ce que nous croyions lire et ce que nous lisions. Alors que nous croyions lire un livre, alors que nous croyions lire un philosophe, nous lisions Dieu. »
[…]
La “logique de l’entendement infini” est une difficulté écrasante du spinozisme parce que la « langue étrangère » qui se fait entendre dans les propositions et leurs démonstrations n’est ni le latin, ni le more geometrico, tous deux « langues étrangères » pour la vie quotidienne du XVIIème siècle, comme pour la nôtre. Ces deux manières de distancier l’Ethique par rapport au discours commun ont à voir, de façon symétrique, avec la véritable langue étrangère de l’Ethique, vers laquelle elles doivent tendre et qu’elles doivent évoquer : un langage divin.
La difficulté écrasante du spinozisme relevée par Zourabichvili, c’est que l’Ethique est le projet d’une prosopopée de Dieu (sive, de l’entendement infini, sive, de la Raison). Elle est d’autant plus écrasante que nous autres, lecteurs contemporains, sommes plus ou moins éloignés de toute conception divine.
Mais il faut aussi former l’hypothèse que c’est justement cette difficulté qui nous attire vers Spinoza. Il a écrit dans un environnement où la religion prédominait dans tous les domaines de la vie, et où il n’était pas pensable de ne pas croire en un « Dieu ». Il s’est partiellement opposé à cet environnement en définissant de nouveaux liens entre l’homme et ce que l’homme appelle « Dieu ». Il a rendu Dieu à l’homme, par l’entremise de la Raison, mais n’a jamais professé l’athéisme. L’Ethique affirme « que l’existence de Dieu est une vérité éternelle. » (E1, Prop. 20, Cor. 1). Spinoza est passé pour athée, mais il est impossible de faire une lecture rigoureusement athéiste de son grand œuvre. Ensuite sont venus les siècles que l’on qualifie de « modernes », caractérisés par la confiance en une Raison toute-puissante, dont l’homme serait le dépositaire, et une sécularisation croissante. Cet horizon séculier est le nôtre, et c’est pour en retrouver le sens que nous nous tournons vers Spinoza. Pour son invention d’une Raison qui a des caractéristiques divines mais qui est pleinement humaine, il est une des grandes références de l’époque séculière et nous pouvons retrouver dans sa philosophie les forces, mais les contradictions aussi, de nos infrastructures morales personnelles.
Pourquoi faudrait-il suivre Spinoza, lento gradu mecum [E II 11 sc.] ? A quoi nous demande-t-il de renoncer au moment d’accepter la logique de l’entendement infini ? A notre façon coutumière de penser, quelles que soient ses qualités et ses défauts, quel que soit l’attachement qu’on y porte. Il ne s’agit plus de penser en « je ». Il s’agit de pénétrer un pays où l’« intellectus dei » se substitue à la « mens humana ». C’est une perspective qui a pu paraître plus séduisante à certains moments de l’histoire qu’à d’autres. Mais aujourd’hui, qui croit que sa mens humana est un simple élément au sein d’une entité intellectuelle infinie ?
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
enfin quoi ...on nous demande d'abord de croire que Dieu est susceptible d' être lu. Lu, littéralement "lu" (du verbe lire)Ce qui nous aura perturbé à la lecture de l’Ethique, c’est l’écart entre ce que nous croyions lire et ce que nous lisions. Alors que nous croyions lire un livre, alors que nous croyions lire un philosophe, nous lisions Dieu. »
hks- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
C'est pour cette raison, cet arbitraire de l'intuition dans les choix axiomatiques et définitionnels initiaux, que je ne parviens pas à adhérer au système Spinoza.
Je reste définitivement adepte d'une philosophie critique des confins. Ce qui, par ailleurs, ramène la métaphysique au premier plan, mais le chemin parcouru est différent, ainsi que les conclusions. Dans cette optique, "Dieu", ou principe des choses, se confine étroitement au fait conscient. Mais soit, ce n'est pas le sujet.
C'est évident. Sans quoi, ainsi que je l'ai mentionné, aucun langage n'est possible. Il faut des fondements ni vrai ni faux, puis des règles logiques à respecter qui donneront leur valeur de vérité aux propositions conséquentes.
Je reste définitivement adepte d'une philosophie critique des confins. Ce qui, par ailleurs, ramène la métaphysique au premier plan, mais le chemin parcouru est différent, ainsi que les conclusions. Dans cette optique, "Dieu", ou principe des choses, se confine étroitement au fait conscient. Mais soit, ce n'est pas le sujet.
Hks a écrit:Je vois que quand même tu peux exprimer quelque chose de positif et dans un langage logique .
C'est évident. Sans quoi, ainsi que je l'ai mentionné, aucun langage n'est possible. Il faut des fondements ni vrai ni faux, puis des règles logiques à respecter qui donneront leur valeur de vérité aux propositions conséquentes.
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
L intuition intellectuelle de l' absolu est elle arbitraire ?Crossswind a écrit:C'est pour cette raison, cet arbitraire de l'intuition
en quel sens du qualificatif d'arbitraire? Cette intuition me semble en tout cas très largement partagée.
Donc effectivement il y a bien un fait conscient: une image (ou une idée ) de l' absolu ....dont on sait bien que c'est une image (l' image de l'absolu n' est pas l'absolu)
C' est une situation très probématique ...
parce qu'à la limite je pourrais admettre que je suis l'arbre que je vois
ce qui voudrait dire que l’événement/ perception est unique, sans scission sujet /objet. Moi voyant l' arbre ce serait un événement en soi, global, comme une monade/ perception
On a beaucoup plus de difficultés à comprendre que moi pensant l'absolu soit un événement absolu (et L' Événement absolu) pas un événement quelconque.
On admet pas ça parce que c'est contradictoire avec l' absolu.
L' absolu en quelque sorte n' accepte pas l' arrangement ( de l'événement ordinaire ) il dissout la perception mentale (ou l'intellection) en ce qu'il dissout l' un des pôles de la non scission et qui est le sujet.
Autant pour je vois un arbre il y a deux pôles
autant pour l' absolu le pôle absolu dissout l'autre pôle
L' absolu est compris comme se donnant à voir comme image de ce qui ne peut être vu.
je sors évidemment du contexte spinoziste de la vision (ou intellection) possible.
Je suis plutôt dans une position ( disons kierkegaardienne ) de l'homme devant Dieu.
Fichte dans sa dernière doctrine de la science analyse vertigineusement la question.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
En ouvrant ce fil, j’ai cité une proposition capitale de l’Ethique :
L’autre proposition capitale est :
Ces propositions sont les deux piliers de la vision du monde sur laquelle Spinoza construit une éthique de la libération joyeuse de l’homme.
On ne voit pas ce que les sciences, c’est-à-dire des théories conjecturales falsifiables, auraient à dire à propos de ces deux propositions rationnellement démontrées qui ouvrent à la joie la plus haute.
Spinoza (Ethique I 15) a écrit: Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut sans Dieu ni être ni se concevoir.
L’autre proposition capitale est :
Spinoza (Ethique V 35) a écrit: Dieu s’aime lui-même d’un Amour intellectuel infini
Ces propositions sont les deux piliers de la vision du monde sur laquelle Spinoza construit une éthique de la libération joyeuse de l’homme.
On ne voit pas ce que les sciences, c’est-à-dire des théories conjecturales falsifiables, auraient à dire à propos de ces deux propositions rationnellement démontrées qui ouvrent à la joie la plus haute.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Vanleers a écrit: [...]
On ne voit pas ce que les sciences, c’est-à-dire des théories conjecturales falsifiables, auraient à dire à propos de ces deux propositions rationnellement démontrées [...]
Rationnellement démontrées sur base d'axiomes, on ne se lassera point de le répéter, ce qui expose l'entièreté des démonstrations à la réfutation des-dits axiomes. L'époque de Spinoza considérait encore certains principes comme fondements inaltérables des choses, tels les principes déjà mentionnés plus haut et qui traitent des causes et des effets, du principe de bivalence (tiers-exclus), etc... L'axiome premier de Spinoza s'appuie entièrement sur le tiers-exclus, par exemple, le second sur le principe de causalité et du tiers-exclus. Bref Spinoza se fonde naturellement sur la logique classique, la seule connue à son époque. Spinoza ignorait tout des logiques dites multi ou polyvalentes, paracohérentes (typiquement celles de la mécanique quantique). Si le sens commun rejette a priori ces types de logique, elles manifestent une efficacité décuplée par rapport à la logique classique. Ignorer l'efficacité de la mécanique quantique (jamais mise en défaut expérimentalement, toujours en progression prédictive) dans l'espoir de nier la réalité d'une logique moins intuitive est une posture possible, mais intenable sur le long terme.
Spinoza était de son temps. Il faut pouvoir accepter l'évolution des connaissances...
Reste que l'intuition métaphysique totalisante de Spinoza reste parfaitement valable. Je la partage d'ailleurs en bonne partie.
Mais cela ne se démontre pas. Spinoza pouvait y prétendre, à son époque. Mais de nos jours et depuis les travaux kantiens et neokantiens, avec les découvertes en logique et en philosophie du langage, cela ne peut plus tenir autrement que par la conviction.
@Hks : l'absolu est l'idée de la possibilité d'établir une valeur de vérité sur une proposition, indépendamment des axiomes. Autrement dit, c'est postuler l'existence d'axiomes vrais par eux-mêmes. Tout raisonnement visant à démontrer l'unicité de soi et d'un arbre devra se fonder sur un ou plusieurs axiomes. Ce sont ces axiomes qui détermineront la validité du raisonnement en interne. Démontrer les axiomes ou les réduire fait partie de la régression à l'infini d'axiomes en axiomes, en vue de la cause première.
Descartes, comme Spinoza, s'arrête à l'idée de Dieu. L'un en fait une substance différenciée, l'autre une substance totalisante. Mais dans les deux cas ils comptent sur une puissance qui passe à la limite...
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Crosswind a écrit:
Rationnellement démontrées sur base d'axiomes, on ne se lassera point de le répéter, ce qui expose l'entièreté des démonstrations à la réfutation des-dits axiomes. L'époque de Spinoza considérait encore certains principes comme fondements inaltérables des choses, tels les principes déjà mentionnés plus haut et qui traitent des causes et des effets, du principe de bivalence (tiers-exclus), etc... L'axiome premier de Spinoza s'appuie entièrement sur le tiers-exclus, par exemple, le second sur le principe de causalité et du tiers-exclus. Bref Spinoza se fonde naturellement sur la logique classique, la seule connue à son époque. Spinoza ignorait tout des logiques dites multi ou polyvalentes, paracohérentes (typiquement celles de la mécanique quantique). Si le sens commun rejette a priori ces types de logique, elles manifestent une efficacité décuplée par rapport à la logique classique. Ignorer l'efficacité de la mécanique quantique (jamais mise en défaut expérimentalement, toujours en progression prédictive) dans l'espoir de nier la réalité d'une logique moins intuitive est une posture possible, mais intenable sur le long terme.
Spinoza était de son temps. Il faut pouvoir accepter l'évolution des connaissances...
Vous me faites penser à la situation dans laquelle un ingénieur en génie civil expliquerait à un ami qu’il vient de calculer un pont en utilisant la résistance des matériaux, basée sur la mécanique newtonienne. Cet ami lui dirait alors :
« Malheureux, ne sais-tu donc pas que cette mécanique a été invalidée par Einstein. Et je ne te parle même pas de la mécanique quantique car tu aurais trop peur que ton pont ne s’écroule et tu n’en dormirais plus ! »
A cela, l’ingénieur répondrait tranquillement :
« Je sais mieux que toi que la mécanique relativiste est plus précise que la mécanique de Newton mais ce que je sais aussi, et que tu sembles ignorer, c’est qu’au niveau de précision requis pour les calculs d’un pont, la mécanique de Newton est largement suffisante. Aussi, je dors tranquille car mon pont est solide et portera sans problème les charges pour lesquelles il a été prévu ».
De même, les axiomes retenus par Spinoza sont largement suffisants pour construire une Ethique solide qui rendra son lecteur sinon heureux, du moins plus heureux, pour reprendre une formule de Pautrat.
Bien entendu, rien ne vous empêche, si cela vous intéresse, d’essayer de reformuler une éthique inspirée de Spinoza et intégrant les dernières découvertes scientifiques.
Bon courage !
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Tu me prends (nous prends) à contre pied .Crossswind a écrit:@Hks : l'absolu est l'idée de la possibilité d'établir une valeur de vérité sur une proposition, indépendamment des axiomes. Autrement dit, c'est postuler l'existence d'axiomes vrais par eux-mêmes.
A mon avis un peu de guingois et ta réponse n'est pas ajusté à l' idée d'absolu .
Cette idée d' absolu n'est pas dite idée d' absolu chez Spinoza mais idée de substance ( antérieurement sans doute même à causa sui)dans le TRE il dit: l'idée de l'Être absolument parfait.
Il ne s'agit pas du tout (mais pas du tout) de l'idée de la possibilité d'établir une valeur de vérité sur une proposition, indépendamment des axiomes.
Cette idée d'absolu est antérieure (de fait) à l'idée d'en établir la vérité , par quelque moyen que ce soit.Chercher à Etablir des vérités ou une seule c'est une idée postérieur...une idée qui vient au philosophe.
D'autre par dans ce cas (comme dans une multitude d autres ) établir la vérité d'une idée qu'on a n' a pas de sens , en première insatnce.
En première instance il s'agit simplement de constater que l'on a l 'idée .
Pour toi focalisé sur la conscience je ne vois pas le sens qu'il y aurait à demander en première instance: mais est- ce vrai que vous ayez conscience
Ce à quoi tu répondrais: ce n'est pas la question, je vois bien que j 'ai conscience ( évidemment car tu as l idée )
Dernière édition par hks le Dim 24 Déc 2017 - 14:38, édité 1 fois
hks- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Spinoza explique bien la méthode dans le TRE (texte difficle d' accès et pour certain esprit " raisonneur/logicien" il sera largement plus difficile que l' Ethique
VII. La vraie méthode
36. Mais puisque l'homme n'a besoin d'aucun signe pour reconnaître la vérité, et qu'il lui suffit de posséder les essences objectives des choses, ou, ce qui revient au même, les idées, pour bannir le doute loin de lui, il s'ensuit que la vraie méthode ne consiste pas à rechercher le signe de la vérité, les idées une fois acquises, mais que la vraie méthode enseigne dans quel ordre nous devons chercher[14] la vérité elle-même, ou les essences objectives des choses, ou les idées, toutes expressions synonymes.
37. La méthode doit nécessairement traiter de la faculté de raisonner et de la faculté de concevoir : je veux dire que la méthode n'est pas le raisonnement lui-même par lequel nous concevons les causes des choses, et qu'elle est encore bien moins la conception même de ces causes. Toute la méthode se réduit à comprendre ce qu'est l'idée vraie, à la distinguer de toutes les perceptions qui ne sont pas elle, à interroger sa nature, et à connaître par là la puissance de notre intelligence, et à gouverner tellement notre esprit qu'il comprenne tout ce qu'il lui est donné de comprendre selon la loi que nous lui faisons, en lui dictant, pour l'aider, certaines règles bien déterminées et en lui évitant d'inutiles effort.
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Lorsque l'on évoque Dieu, on édifie une métaphysique, d'une manière ou d'une autre, autrement dit on avance un absolu. En revanche lorsque l'on construit un pont, on ne fait rien de plus que viser un résultat pragmatique, de sorte qu'il est tout à fait souhaitable d'user des formules les plus adaptées à cette construction, quelle que soit leur portée métaphysique. J'ignore de quoi est absolument fait ce pont, ce que je sais c'est qu'en usant de tel ou tel outil de travail j'obtiendrai un pont solide, suffisamment du moins pour l'usage prévu. Les sciences se gardent bien de déclarer que leurs théories décrivent le réel, tout au plus certains pensent qu'il y a un réel à dépeindre, mais même cela reste sujet à caution.
Les axiomes spinoziens ne sont pas des vérités. Ce sont des axiomes, à prendre comme tels, et des axiomes qui usent d'une logique classique, celle d'Aristote, que Bertrand Russel voue aux gémonies tant cette logique, pour reprendre ses propres termes, fut durant près de 2000 ans un obstacle majeur à l'avancée de la connaissance, la logique aristotélicienne fut prise comme point d'aboutissement et non pas comme point de départ. A moins de considérer les logiciens modernes comme de doux amateurs, il faut se méfier de la logique classique dès lors que l'on vise à établir une métaphysique. D'ailleurs, depuis Kant, on a laissé tomber la métaphysique.
Bon, après, on peut apprécier l'Ethique de Spinoza. L'un n'empêche pas l'autre. De même, et Hks le mentionne justement, l'intime conviction métaphysique n'appartient qu'à celui qui la vit. On peut estimer, pour des raisons qui ne regardent que soi, que les axiomes spinoziens sont des Vérités, et que les démonstrations sous-jacentes sont par conséquent valables. On peut, mais on ne peut pas l'imposer à autrui, car c'est une conviction qui ne repose sur rien de logique. Accepter l'axiome premier de Spinoza suppose accepter pleinement, car clair et évident, le principe du tiers-exclus. Celui qui l'accepte ne peut imaginer, nulle part dans ses pensées, qu'un être puisse être autrement qu'en "soi" ou en "autre". "Soit A, soit B". Que toute chose doit nécessairement avoir un effet, que tout effet a sa cause. Or des personnes, moi par exemple, comprend tout d'abord qu'il y a des logiques, et que, par exemple, le principe de la cause et de l'effet ne se rencontre pas dans la Nature, que les objets n'ont rien d'ontologiques, et que l'être lui-même est hors d'atteinte du moindre élan descriptif.
Les axiomes spinoziens ne sont pas des vérités. Ce sont des axiomes, à prendre comme tels, et des axiomes qui usent d'une logique classique, celle d'Aristote, que Bertrand Russel voue aux gémonies tant cette logique, pour reprendre ses propres termes, fut durant près de 2000 ans un obstacle majeur à l'avancée de la connaissance, la logique aristotélicienne fut prise comme point d'aboutissement et non pas comme point de départ. A moins de considérer les logiciens modernes comme de doux amateurs, il faut se méfier de la logique classique dès lors que l'on vise à établir une métaphysique. D'ailleurs, depuis Kant, on a laissé tomber la métaphysique.
Bon, après, on peut apprécier l'Ethique de Spinoza. L'un n'empêche pas l'autre. De même, et Hks le mentionne justement, l'intime conviction métaphysique n'appartient qu'à celui qui la vit. On peut estimer, pour des raisons qui ne regardent que soi, que les axiomes spinoziens sont des Vérités, et que les démonstrations sous-jacentes sont par conséquent valables. On peut, mais on ne peut pas l'imposer à autrui, car c'est une conviction qui ne repose sur rien de logique. Accepter l'axiome premier de Spinoza suppose accepter pleinement, car clair et évident, le principe du tiers-exclus. Celui qui l'accepte ne peut imaginer, nulle part dans ses pensées, qu'un être puisse être autrement qu'en "soi" ou en "autre". "Soit A, soit B". Que toute chose doit nécessairement avoir un effet, que tout effet a sa cause. Or des personnes, moi par exemple, comprend tout d'abord qu'il y a des logiques, et que, par exemple, le principe de la cause et de l'effet ne se rencontre pas dans la Nature, que les objets n'ont rien d'ontologiques, et que l'être lui-même est hors d'atteinte du moindre élan descriptif.
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"Let us chace our imagination to the heavens, or to the utmost limits of the universe ; we never really advance a step beyond ourselves, nor can conceive any kind of existence..." D. Hume
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
@Hks : je décris ma réponse dans le message ci-dessus : l'intuition métaphysique ne se démontre pas. Elle se vit.
Je respecte cette intuition, j'ai la mienne en propre, mais je ne peux "accepter" entendre qu'une métaphysique se démontre (auquel cas nous serions tous d'accords, ce qui n'est pas le cas). On pose une métaphysique que l'on estime la meilleure, d'accord. On développe un raisonnement sur cette base, toujours d'accord.
Mais avancer la métaphysique comme démontrée ? Nope.
Je respecte cette intuition, j'ai la mienne en propre, mais je ne peux "accepter" entendre qu'une métaphysique se démontre (auquel cas nous serions tous d'accords, ce qui n'est pas le cas). On pose une métaphysique que l'on estime la meilleure, d'accord. On développe un raisonnement sur cette base, toujours d'accord.
Mais avancer la métaphysique comme démontrée ? Nope.
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Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: L'Ethique de Spinoza et les sciences
Crosswind a écrit:Lorsque l'on évoque Dieu, on édifie une métaphysique, d'une manière ou d'une autre, autrement dit on avance un absolu. En revanche lorsque l'on construit un pont, on ne fait rien de plus que viser un résultat pragmatique, de sorte qu'il est tout à fait souhaitable d'user des formules les plus adaptées à cette construction, quelle que soit leur portée métaphysique. J'ignore de quoi est absolument fait ce pont, ce que je sais c'est qu'en usant de tel ou tel outil de travail j'obtiendrai un pont solide, suffisamment du moins pour l'usage prévu. Les sciences se gardent bien de déclarer que leurs théories décrivent le réel, tout au plus certains pensent qu'il y a un réel à dépeindre, mais même cela reste sujet à caution.
Essayez de voir les choses plus simplement et de façon pratique.
Une philosophie, et surtout une éthique, n’a d’intérêt que si elle est efficace et pragmatique.
A ce titre, on peut considérer que les axiomes sont des outils et les démonstrations un art d’utiliser les outils.
Je recopie ce que j’ai déjà cité ailleurs sur le forum :
Spinoza écrit dans le Traité de la Réforme de l’Entendement (§ 30-31) :
Spinoza a écrit: Car, pour forger le fer, on a besoin d’un marteau, et pour avoir un marteau, il est nécessaire de le faire, et pour le faire, on a besoin d’un autre marteau et d’autres outils, et pour les avoir, eux aussi, on aura besoin d’autres outils, et ainsi à l’infini ; et il serait vain de s’efforcer de prouver de cette manière que les hommes n’ont aucun pouvoir de forger le fer. Mais, de même que les hommes, au début furent en état de faire avec leurs outils innés certaines choses très faciles, quoique laborieusement et imparfaitement, et, celles-ci faites, en firent avec moins de peine et plus de perfection d’autres plus difficiles, et ainsi, passant graduellement des œuvres les plus simples aux outils, et continuant des outils à d’autres œuvres et outils, en arrivèrent à parfaire sans grand labeur tant de choses et de si difficiles, de même également l’intellect, par sa force native, se fait des outils intellectuels, par lesquels il acquiert d’autres forces pour d’autres œuvres intellectuelles, et de ces œuvres d’autres outils, autrement dit le pouvoir de rechercher plus avant, et il continue ainsi, graduellement, jusqu’à atteindre le comble de la sagesse.
Spinoza met donc sur l’enclume sa définition de Dieu et, à travers les quinze premières propositions de l’Ethique, forge le marteau « idée de Dieu » qu’il utilisera ensuite jusqu’à la fin de l’ouvrage. Pascal Sévérac, qui commente le passage du TRE, écrit :
Pascal Sévérac a écrit: Ainsi l’Ethique, au début de la partie I, à partir d’une petite boîte à outils conceptuels (quelques idées vraies données : des définitions et des axiomes), commence-t-elle par construire l’idée adéquate de Dieu, pour en déduire, parfois avec peine, toutes les conséquences utiles à la conquête de notre béatitude. » (Spinoza, par Pascal Sévérac et Ariel Suhamy p. 77 – Ellipses 2008)
Vanleers- Digressi(f/ve)
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