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L'esprit humain selon Spinoza (Ethique II 11)

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Message par Vanleers Mer 13 Déc 2017 - 11:25

A la demande de Crosswind, je présente la proposition 11 d’Ethique II et sa démonstration.
Je donne d’abord la traduction de Robert Misrahi :

Spinoza (traduction Misrahi) a écrit: Ce qui, en premier lieu, constitue l’être actuel de l’Esprit humain n’est rien d’autre que l’idée d’une chose singulière existant en acte.

Démonstration :

L’essence de l’homme (par le Corol. de la Prop. précéd.) est constituée par certains modes des attributs de Dieu, c’est-à-dire (par l’Ax. 2), par des modes du penser, dont l’idée est par nature le premier (par l’Ax. 3) ; lorsqu’elle est donnée dans un individu, les autres modes (par rapport auxquels l’idée est antérieure) doivent se trouver dans le même individu (par le même Ax.). Ainsi donc, c’est une idée qui, en premier lieu, constitue l’être de l’Esprit humain. Mais non pas l’idée d’une chose non existante. Car en ce cas (par le Corol. de la Prop. huit) l’idée elle-même ne pourrait être considérée comme existante ; ce sera donc l’idée d’une chose existant en acte. Mais non pas d’une chose infinie. Car une chose infinie (par les Prop. 21 et 22, Part. I) doit toujours exister nécessairement, or cela est absurde (par l’Ax. 1) ; ce qui, par conséquent, constitue en premier lieu l’être actuel de l’Esprit humain, est l’idée d’une chose singulière existant en acte. C.Q.F.D.

Cette traduction n’est pas sensiblement différente de celle de Pautrat. Simplement, ce dernier préfère traduire modus par manière et non par mode.

La traduction de Saisset (1842) qu’on peut lire sur Internet, me paraît parfois imprécise et comporte plusieurs erreurs matérielles de références à l’Ethique. Je la donne quand même pour qu’on puisse comparer :

Spinoza (traduction Saisset) a écrit: Le premier fondement de l'être de l'âme humaine n'est autre chose que l'idée d'une chose particulière et qui existe en acte.

Démonstration :

Ce qui constitue l'essence de l'homme (par le Corollaire de la Propos. précédente), ce sont certains modes des attributs de Dieu, savoir (par l'Axiome 2, partie 2) des modes de la pensée, entre lesquels l'idée est (par l'Axiome 3, partie 2) de sa nature antérieure à tous les autres, de façon que si elle est donnée, tous les autres modes (ceux auxquels l'idée est antérieure de sa nature) doivent se trouver dans le même individu (par l'Axiome 4, partie 2). Ainsi donc, l'idée est le premier fondement de l'être de l'âme humaine. Mais cette idée ne peut être celle d'une chose qui n'existe pas actuellement ; car alors (par le Corollaire de la Propos. 8, partie 2) l'idée elle-même n'existerait pas actuellement. Ce sera donc l'idée d'une chose actuellement existante, mais non pas d'une chose infinie ; car une chose infinie (par la Propos. 21 et la Propos. 23, Schol. 1), doit toujours exister nécessairement ; or ici, cela serait absurde (par l'Axiome 1, part. 2). Donc, le premier fondement de l'être de l'âme humaine, c'est l'idée d'une chose particulière et qui existe en acte. C. Q. F. D.

Avant d’étudier la démonstration, je donnerai, dans le prochain post, l’appréciation d’ensemble de Misrahi sur la proposition.

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Message par Crosswind Mer 13 Déc 2017 - 12:00

Ah, bien, merci !

Histoire que je cogite pendant mes trois heures de routes, l'idée au sens ci-dessus doit être pris pour n'importe quelle pensée qui passe par la tête, ou Spinoza a-t-il en tête une idée "plus" précise ? Si je récapitule, il y a la Substance et deux attributs connus, pensée et étendue. Jusque là, si du moins nous ne rentrons pas dans les détails, tout fait sens ; je peux difficilement nier que mon existence tout entière baigne dans une constante dichotomie intérieur/extérieur, étendue et pensée. L'un des modes de l'attribut pensée est pour Spinoza l'idée, qu'il estime antérieur à tous les autres modes du même attribut. C'est en cela qu'il en fait le fondement de l'être de l'âme humaine.

Si j'ai encore des doutes concernant le contenu de cette idée (une image, une voix, une intuition, un calcul, etc ?), je ne comprends pas bien ce qu'il veut signifier lorsqu'il parle d'idée d'une chose existante. Si je pense à une table, puis-je dire que cette table existe ? Ou qu'elle doit nécessairement exister quelque part ? Et si je pense à une Licorne ? Donc je ne vois pas ce qu'il veut dire.
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Message par Vanleers Mer 13 Déc 2017 - 12:14

Robert Misrahi termine son commentaire d’Ethique II 11 par une appréciation d’ensemble sur la proposition qui peut servir d’introduction à la compréhension de la démonstration.

Robert Misrahi a écrit: Revenons sur l’ensemble de la Proposition : Spinoza, contre la doctrine aristotélicienne et scolastique, et aussi contre Descartes, pose d’emblée que l’esprit humain (mens humana) est un être actuel et non potentiel comme les facultés végétatives et même cognitives de la psychologie traditionnelle. L’esprit est toujours en acte (et c’est pourquoi d’ailleurs, on l’a vu, Spinoza dit « esprit » (mind en anglais) et non pas « âme » (soul). En outre, il faut remarquer que l’objet de cet esprit constitué par une idée est un objet singulier qui doit lui-même exister en acte : sinon, dénuée d’existence effective, son idée serait elle-même inexistante.
Le sens de cette Proposition est, dans sa formulation traditionnelle, totalement neuf et subversif : l’homme n’est pas une âme (ou un composé d’âmes) qui serait la « forme » (ou eidos, idée) potentielle d’un ou plusieurs corps, et pourrait exister sans eux ; au contraire, il est l’idée, c’est-à-dire la conscience actuelle et connaissante d’un être singulier effectivement existant (et qui sera le Corps, dans la Prop. 12). L’homme n’est pas une âme reliée à un corps, mais l’unité d’une conscience et de son objet corporel.

On commencera à étudier la démonstration dans le prochain post.

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Message par Crosswind Mer 13 Déc 2017 - 14:03

Donc, dans cette définition, sans acte, point d'esprit ? En quelque sorte, nous aurions toujours une idée dans la tête ?

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"Let us chace our imagination to the heavens, or to the utmost limits of the universe ; we never really advance a step beyond ourselves, nor can conceive any kind of existence..." D. Hume
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Message par Vanleers Mer 13 Déc 2017 - 16:31

1) La démonstration commence en se référant au Corollaire de la proposition 10.
Que démontre ce corollaire ?

Spinoza a écrit: Il suit de là que l’essence de l’homme est constituée par certaines modifications des attributs de Dieu.

Par essence de l’homme, il faut entendre, non pas l’essence de l’homme en général mais l’essence de tel être humain particulier (cf. scolie 1 d’Ethique II 40).
La démonstration de ce corollaire n’est pas difficile : elle s’appuie sur la proposition 10 elle-même et sur des propositions démontrées dans la partie I : proposition 15 facile à admettre, compte tenu de ce qui a été démontré auparavant, et corollaire de la proposition 25 dont Spinoza dit qu’elle est évidente à partir de la proposition 15 et de la définition 5.
Quant à la proposition Ethique II 10, elle est évidente si on n’oublie pas que Spinoza a défini l’essence d’une chose de façon très particulière au début de la partie II (définition 2).

Continuons.

2) Spinoza précise que « L’essence de l’homme (par le Corol. de la Prop. preced.) est constituée par certains modes des attributs de Dieu, c’est-à-dire (par l’Ax. 2), par des modes du penser, »

Que pose l’axiome 2 ?

Spinoza a écrit: L’homme pense.

Pierre Macherey commente :

Pierre Macherey a écrit: Cet axiome se situe ainsi dans un contexte théorique complètement différent, voire opposé, de celui dans lequel se trouve placée l’affirmation cartésienne du cogito. En forçant quelque peu le sens des mots, on en rendrait assez bien l’esprit en le traduisant ainsi : « Dans l’homme, ça pense ». En aucun cas l’homme ne doit être compris comme le détenteur exclusif d’une pensée qui lui appartiendrait en propre et dont il serait le sujet exclusif, ce qui amènerait à le considérer comme un monde à l’intérieur du monde, ainsi détaché de l’ordre commun de la nature. C’est ce que souligne la reprise de cet axiome 2 dans la démonstration de la proposition 11 : « L’essence de l’homme est constituée par certains modes des attributs de Dieu, évidemment par des modes de penser ». L’être humain, plutôt qu’il n’est le sujet de sa pensée, est, en tant qu’il pense, une détermination particulière de la pensée, considérée substantiellement en soi, donc indépendamment de ses affections. Un être humain, c’est donc entre autres de la pensée, c’est-à-dire une chose singulière de pensée au sens où la définition 7 vient de préciser la notion de chose singulière, c’est-à-dire encore une réalité mentale, une idée particulière qui est un mixte d’idées assemblées selon un principe d’organisation plus ou moins stable.

P. Macherey remarque également dans une note :

Pierre Macherey a écrit: D’autre part, étant donné que « toutes choses, quoique à des degrés divers, sont animées » (scolie d’Ethique II 13), c’est-à-dire dotées d’une âme dont la seule fonction naturelle peut être de penser, il résulte qu’il y a de la pensée, si peu que ce soit, chez tous les être naturels sans exception : ce qui distingue généralement l’être humain, c’est que, en raison de l’extraordinaire complexité de son organisation, la pensée prend chez lui des formes sophistiquées, comme celle de la connaissance, ou production d’idées adéquates, dont il est sans doute le seul à disposer. En conséquence, dans la formule « l’homme pense », le terme « homme » (homo) est à prendre au sens de l’être humain particulier, en lequel il y a de la pensée, et non au sens générique de l’essence humaine prise in abstracto.

A suivre

PS : Crosswind, pour le moment on cherche à démontrer que l’esprit humain est une idée. On se demandera ailleurs si cette idée a des idées.
Spinoza pense selon l’ordre dû : de la cause à l’effet et non l’inverse. Ce n’est pas parce qu’un esprit a des idées que l’on démontrera, à rebours, qu’il est une idée.

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Message par hks Mer 13 Déc 2017 - 19:18

Misrahi a écrit: L’esprit est toujours en acte (et c’est pourquoi d’ailleurs, on l’a vu, Spinoza dit « esprit » (mind en anglais) et non pas « âme » (soul).
Je trouve cette remarque d'un bizarre absolu. L'esprit humain selon Spinoza (Ethique II 11) 177519025


Voir mais je ne suis pas certain que ça nous éclaire
http://www.spinozaetnous.org/article-print-5.html le texte de Henrique se termine ainsi

-
La seule chose que vous intuitionnez, que vous appellez le "moi", c'est - et d'une certaine façon vous le dites très bien - la pensée des états successifs qui n'est pas une pensée de votre "mens" individuel, mais une pensée de la pensée. Il n'y a rien d'individuel dans ce que vous désignez, or ce que Spinoza appelle "mens" est individuel, c'est l'idée d'un corps.
individuel pas vraiment... mais individuel quand même L'esprit humain selon Spinoza (Ethique II 11) 4221839403 scratch

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Message par maraud Mer 13 Déc 2017 - 19:40

D'où la bonne idée de distinguer personnalité et individualité.

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Message par Vanleers Mer 13 Déc 2017 - 20:39

Continuons à lire la démonstration.

3) « c’est-à-dire (par l’Ax. 2), par des modes du penser, dont l’idée est par nature le premier (par l’Ax. 3) ; lorsqu’elle est donnée dans un individu, les autres modes (par rapport auxquels l’idée est antérieure) doivent se trouver dans le même individu (par le même Ax.). Ainsi donc, c’est une idée qui, en premier lieu, constitue l’être de l’Esprit humain »

Spinoza a posé, dans l’axiome 3 :

Spinoza a écrit: Les modes du penser comme l’amour, le désir ou tout ce qui est désigné par le nom d’affect de l’âme ne peuvent exister si, dans le même individu, n’existe pas aussi l’idée de la chose aimée, désirée, etc. Mais une idée peut exister sans qu’il existe pour autant aucun autre mode du penser.

En se référant à l’axiome 3, Spinoza montre que l’esprit humain est, en premier lieu, une idée, c’est-à-dire une connaissance.
En effet, l’idée a fait l’objet de la définition 3 :

Spinoza a écrit: Par idée, j’entends un Concept de l’Esprit que l’Esprit forme en raison du fait qu’il est une chose pensante.

En premier lieu, l’esprit est donc une idée, une connaissance.
Une idée, une connaissance de quoi ?
Par définition, une idée de son idéat, une connaissance de son idéat et nous n’allons pas tarder à apprendre que cet idéat est le Corps (proposition 13).
L’esprit, en premier lieu, n’est donc rien d’autre que la connaissance du corps.
Misrahi, on l’a vu, mais il anticipe sur ce qui sera démontré dans la partie II, va plus loin en disant que l’esprit est la conscience du corps (« L’homme n’est pas une âme reliée à un corps, mais l’unité d’une conscience et de son objet corporel »).
Quoi qu’il en soit, l’esprit est d’abord une connaissance et on comprend que, par exemple, Spinoza écrive dans la démonstration d’Ethique IV 26 :
« Mais l’essence de la Raison n’est rien d’autre que notre Esprit en tant qu’il comprend clairement et distinctement »

Il faut bien remarquer que l’esprit est connaissance mais qu’il n’y a pas de sujet connaissant : Spinoza récuse le cogito cartésien.

L’esprit s’appelle opinion ou imagination lorsque ce qu’il connaît du corps sont les affections du corps par d’autres corps.
Il s’appelle raison lorsque ce qu’il connaît du corps sont des notions communes au corps et à d’autres corps.
Il s’appelle science intuitive lorsque ce qu’il connaît du corps est son essence éternelle.

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Message par hks Jeu 14 Déc 2017 - 1:14

Vanleers a écrit:Il faut bien remarquer que l’esprit est connaissance mais qu’il n’y a pas de sujet connaissant : Spinoza récuse le cogito cartésien.

Moi je vous vois parfois vous obliger à des exercices d' autosatisfaction.
La satisfaction de soi (acquiescentia in se ipso) n’est pas autre chose qu’un affect, c’est-à-dire une affection du corps et, simultanément une idée de cette affection.
ou

La satisfaction de soi de celui qui se connaît selon la connaissance du premier genre sera la satisfaction d’un « moi » (d’un ego).
Celle de celui qui se connaît selon la connaissance du deuxième ou du troisième genre sera, respectivement, celle d’un « je » ou d’un « soi ».
On peut ainsi distinguer la « qualité » de la satisfaction de soi selon la façon dont se connaît l’individu.

"Etre satisfait de soi- même"  je n'ai rien contre ....mais de là à dire qu' il n'y a plus  de "sujet "du tout L'esprit humain selon Spinoza (Ethique II 11) 4221839403 c' est un peu forcer le trait.
L' individu / l'individué vous ne pouvez l 'éliminer.

Je lis ce que vous écrivez et je vois ce que vous faites... j' imagine à tout le moins... que ce n'est pas Dieu qui nous écrit .

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Message par Vanleers Jeu 14 Déc 2017 - 12:01

Où en sommes-nous ?
En se référant successivement au corollaire de la proposition 10, à l’axiome 2 et à l’axiome 3, Spinoza a démontré qu’en premier lieu ce qui constitue l’être actuel de l’esprit humain est l’idée d’une chose.
Anticipant sur la suite et pour souligner que idée signifie connaissance (Misrahi dit même conscience), j’ai indiqué que l’esprit s’appelait, selon les cas, imagination du corps, raison du corps ou science intuitive du corps.
Mais nous n’en sommes pas encore là et, revenant à la proposition 11, nous allons voir que Spinoza effectue deux pas supplémentaires : la chose dont, en premier lieu, l’esprit humain est une idée, est 1) une chose existant en acte, 2) une chose finie.

Voyons l’avant-dernier pas.

4) « Ainsi donc, c’est une idée qui, en premier lieu, constitue l’être de l’Esprit humain. Mais non pas l’idée d’une chose non existante. Car en ce cas (par le Corol. de la Proposition huit) l’idée elle-même ne pourrait être considérée comme existante ; ce sera donc l’idée d’une chose existant en acte. »

Citons le corollaire de la proposition 8 :

Spinoza a écrit: Il suit de là que, aussi longtemps que les choses singulières n’existent qu’en tant qu’elles sont comprises dans les attributs de Dieu, leur être objectif ou, en d’autres termes, leurs idées n’existent qu’en tant qu’existe l’idée infinie de Dieu ; et lorsqu’on dit que les choses singulières existent non seulement en tant qu’elles sont comprises dans les attributs de Dieu, mais aussi en tant qu’on dit qu’elles durent, leurs idées enveloppent aussi l’existence, par laquelle on dit qu’elles durent.

Il faut noter que, jusqu’à maintenant, la démonstration n’a parlé que de l’être de l’Esprit humain alors que la proposition vise l’être actuel de l’Esprit humain.
Pour comprendre ce décalage et le recours au corollaire de la proposition 8, je cite le commentaire de Pierre Macherey (NB : Macherey traduit mens par âme et non par esprit comme Misrahi).

Pierre Macherey a écrit: Par ce qui précède, il est établi que l’âme humaine baigne dans l’élément purement intellectuel de la pensée où ne se produisent que des idées, ce qui constitue proprement son être (esse). Il reste à savoir ce qui constitue son « être actuel » (esse actuale). Que désigne cette dernière expression, qui est subtilement décalée par rapport à celle qui était apparue au cours de l’étape précédente de la démonstration, « l’être de l’âme humaine » (humanae mentis esse) ? Il y a là une nuance de formulation qui ne peut être accidentelle mais répond certainement à une intention précise. Beaucoup plus loin, en annexe de la démonstration de la proposition 29 de la cinquième partie de l’Ethique, Spinoza expliquera qu’il y a deux manières de concevoir les choses comme « actuelles » (actuales) : « soit en tant que nous concevons celles-ci comme existant en relation à un certain temps et un certain lieu, soit en tant que nous les concevons comme étant elles-mêmes contenues en Dieu et étant les conséquences de la nécessité de la nature divine ». A ces deux points de vue, les choses peuvent constituer l’objet d’idées, soit au sens de la proposition 9, si ces idées sont idées de choses existant en acte ici et maintenant, soit au sens de la proposition 8, si elles sont idées de choses non existantes, donc de choses déterminées à partir de leur seule essence et comme telles se déduisant directement de la nécessité de la nature divine.

Pour ne pas trop alourdir, je ne cite pas d’autres considérations, pourtant intéressantes et me contente de :

Pierre Macherey a écrit: Tout ceci éclaire rétrospectivement le sens et la portée de la proposition 11 : celle-ci présente l’âme dans une perspective restrictive, en tant qu’elle est seulement, dans son être actuel (1), idée d’une chose singulière existant en acte, et non idée de chose non existante : ce qui fait d’elle un mode fini de la pensée, distinct de tous les autres modes finis et en relation d’action et de réaction avec ceux d’entre eux qui le limitent, une chose parmi les choses.

(1) En considérant l’âme humaine au point de vue de son « être actuel » (esse actuale), on n’a pas pour autant épuisé le domaine d’investigation que constitue son « être » (esse), qui, précisément, ne se réduit pas à son être actuel. Si l’être de l’âme était entièrement défini par son être actuel, le projet libératoire, qui donne son sens à la démarche éthique, devrait être abandonné.

PS :
Ne confondez pas, hks, sujet et individu.
S’il n’y a pas de sujets dans la philosophie de Spinoza, il y a des individus au sens de la définition donnée dans la « Petite Physique ».
Lorsque je vous parle, ce n’est pas « Tartacover vous parle » mais « Vanleers vous parle ».

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Message par hks Jeu 14 Déc 2017 - 13:17

Vanleers a écrit:PS :
Ne confondez pas, hks, sujet et individu.
Je ne comprends pas cette focalisation sur le mot sujet.

Voulez- vous dire que chez Spinoza il n'y a pas de place pour la distinction entre Pierre et Paul ? Lesquels, hors Spinoza, se distinguent très bien par eux mêmes l'un de l'autre.
Il est pourtant advenu sous sa plume de parler de Pierre et puis de Paul.


Supposons maintenant qu'un enfant qui aurait vu hier, pour la première fois, le matin Pierre, à midi Paul et le soir Siméon, voie ce matin Pierre pour la seconde fois. Il résulte évidemment de la proposition 18, partie 2, qu'aussitôt qu'il verra la lumière du matin, il imaginera aussitôt le soleil parcourant la même partie du ciel qu'il lui a vu parcourir la veille ; il imaginera donc le jour tout entier, et en même temps, avec le matin Pierre, avec l'heure du midi Paul, avec le soir Siméon ; en d'autres termes, il imaginera Paul et Siméon avec une relation au temps futur. Au contraire, si on suppose qu'il voie Siméon le soir, il rapportera Paul et Pierre au temps passé, les imaginant l'un et l'autre avec le temps passé d'une manière simultanée.
Scolie de la proposition 44/2

Cet enfant est un sujet. c' est à dire conscient d'être lui même.
Qu'est ce sinon ce qui le différencie de Pierre et Paul?

Enlevons lui la conscience d' être lui même et plus aucune différenciation ne se fait.

Ce n'est pas le cas.

Il faut donc expliquer cette différenciation ... mais  vous me dites qu'il n'y a pas de place pour cette question dans Spinoza.

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Message par Vanleers Jeu 14 Déc 2017 - 15:58

Il nous reste à examiner le cinquième et dernier pas de la démonstration de la proposition 11 : la chose dont, en premier lieu, l’esprit humain est une idée est une chose finie.

5) « ce sera donc l’idée d’une chose existant en acte. Mais non pas d’une chose infinie. Car une chose infinie (par les Prop. 21 et 22, Part. I) doit toujours exister nécessairement, or cela est absurde (par l’Ax. 1) ; ce qui, par conséquent, constitue en premier lieu l’être actuel de l’Esprit humain, est l’idée d’une chose singulière existant en acte. C.Q.F.D. »

Les propositions 21 et 22 de la partie I concernent les modes infinis immédiats et médiats et Spinoza démontre qu’ils existent nécessairement.
Pour l’explication des démonstrations de ces deux propositions, je renvoie le lecteur à :

http://spinoza.fr/lecture-des-propositions-xxi-a-xxiii-du-de-deo/

Or l’axiome 1 a posé que l’homme n’existe pas nécessairement :

Spinoza a écrit: L’essence de l’homme n’enveloppe pas l’existence nécessaire, c’est-à-dire qu’à partir de l’ordre de la Nature peut se produire aussi bien l’existence de tel ou tel homme, que sa non-existence.

Donc ce qui constitue en premier lieu l’être actuel de l’Esprit humain, est l’idée d’une chose singulière existant en acte, étant noté que la chose singulière a fait l’objet de la définition 7 :

Spinoza a écrit: Par choses singulières j’entends les choses finies et dont l’existence est déterminée. Si plusieurs individus concourent à une action unique, de telle sorte qu’ils soient tous simultanément la cause d’un seul effet, je les considère tous dans cette mesure comme une seule chose singulière.

La lecture de la démonstration d’Ethique II 11 est maintenant terminée.

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Message par Crosswind Ven 15 Déc 2017 - 14:40

Merci pour l'effort ! ;-)

Bien de ce que je retiens, et avant de discuter avec toi plus avant de la démonstration spinozienne c'est que :
- la démonstration n'est qu'une démonstration de type mathématique, fondée sur des axiomes. En conséquence, elle est contextuelle et n'a aucune valeur en dehors d'elle-même. Ce qui n'enlève rien à sa force interne, au demeurant (même si j'émets quelques réserves sur le raisonnement, quelque fois).
- il pose - ou démontre en interne - ce que l'on appellerait actuellement la conscience réflexive (l'idée d'une chose actuelle) comme étant l'être (actuel) de l'homme. L'idée, c'est la connaissance du corps. L'essence de la raison n'est autre que l'Esprit en tant que connaissance de l'idéat, du corps.
- Il pose - ou démontre en interne - la communion de la conscience à un corps perçu, en tant qu'entité globale (l'esprit n'est pas dissociable du corps). Il lie même l'être de l'homme à la connaissance de son corps.
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Message par Vanleers Ven 15 Déc 2017 - 15:26

1) Que veut dire « elle [la démonstration] est contextuelle et n'a aucune valeur en dehors d'elle-même. » ?
Que serait une démonstration non contextuelle ? Exemples.
Que serait une démonstration qui aurait une valeur en dehors d’elle-même ? Exemples.

2) En anticipant, car il n’est pas encore question du corps dans la démonstration, Spinoza démontre en effet qu’en premier lieu l’esprit est l’idée, c’est-à-dire la connaissance du corps.
La notion de conscience n’est pas introduite dans la démonstration mais la suite va montrer qu’effectivement la connaissance du corps est nécessairement réflexive : quand je sais que A, je sais que je sais que A, c’est-à-dire je suis conscient que A (la conscience, ce n’est pas autre chose que ça selon Spinoza).
L’essence de la raison, c’est l’esprit, en tant qu’il comprend clairement et distinctement (précision essentielle).

3) Il n’y a pas communion de la conscience au corps.
Considéré dans sa réalité objective, l’esprit est une idée dont l’objet est le corps.
Considéré dans sa réalité formelle, l’idée est un mode de l’attribut Pensée et il y a identité (et non union) avec le corps, mode de l’attribut Etendue.
L’esprit et le corps, c’est la même chose considérée selon des attributs différents.

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Message par Crosswind Ven 15 Déc 2017 - 15:50

Sur le point (3) nous sommes d'accord, je me suis mal exprimé.

Sur le point (1), nous sommes aussi d'accord, en ce sens qu'une démonstration ne peut que se fonder sur une liste d'axiomes. Raison pour laquelle il est illusoire de démontrer une quelconque métaphysique. On peut dérouler en démontrant tout un système métaphysique à cette condition de poser d'abord l'axiome métaphysique, les bases. C'est pour cette raison que j'accorde peu d'importance à la démonstration spinozienne autrement qu'en tant qu'appréciable rigueur interne.

Nous sommes par contre peut-être moins d'accord sur le point (2). Spinoza ne déroge pas à la coutume de considérer la conscience, car quand bien même on ne la nomme pas c'est tout de même par là qu'il faut en passer dès lors que l'on parle, la conscience donc, nécessairement réflexive. Spinoza ne semble pas considérer possible l'état de conscience simplement phénoménal, pur, chez l'homme. Or on sait maintenant que cet état est une réelle possibilité. Bref, pour Spinoza l'homme est connaissant, et ne peut être autre. Tu me rétorqueras que parler d'un être inerte n'a pas d'intérêt. A cela je répondrais "certes, mais dès lors qu'il s'agit de poser une métaphysique, ce retrait n'est pas innocent ; justifié pour la confection d'une éthique, par définition partageable et donc nécessiteuse d'une réflexion, la métaphysique peut se contenter d'être vécue et non partagée".

A tout le moins, je te remercie pour ce fil qui m'en apprend un peu plus sur Baruch ;-)

Voyant en toi un sérieux connaisseur de l'affaire, et je te promets que je m'en tiens à un discours que j'espère constructif, pourrais-tu, penses-tu, pondre un sujet dans lequel les axiomes, les définitions, de Spinoza sont posées et défendues (par ta pomme ou par celle d'un autre) ?
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Message par Vanleers Ven 15 Déc 2017 - 17:43

Crosswind a écrit: Spinoza ne déroge pas à la coutume de considérer la conscience, car quand bien même on ne la nomme pas c'est tout de même par là qu'il faut en passer dès lors que l'on parle, la conscience donc, nécessairement réflexive. Spinoza ne semble pas considérer possible l'état de conscience simplement phénoménal, pur, chez l'homme.

Je ne suis pas sûr de vous comprendre.
Si vous voulez dire qu’il faut partir de la conscience pour construire une éthique, j’apporte un argument contraire en recopiant ce que j’avais publié sur un autre forum, ce qui sera également une façon de répondre à votre souhait de fin de post.

Spinoza écrit dans le Traité de la Réforme de l’Entendement (§ 30-31) :

Spinoza a écrit: Car, pour forger le fer, on a besoin d’un marteau, et pour avoir un marteau, il est nécessaire de le faire, et pour le faire, on a besoin d’un autre marteau et d’autres outils, et pour les avoir, eux aussi, on aura besoin d’autres outils, et ainsi à l’infini ; et il serait vain de s’efforcer de prouver de cette manière que les hommes n’ont aucun pouvoir de forger le fer. Mais, de même que les hommes, au début furent en état de faire avec leurs outils innés certaines choses très faciles, quoique laborieusement et imparfaitement, et, celles-ci faites, en firent avec moins de peine et plus de perfection d’autres plus difficiles, et ainsi, passant graduellement des œuvres les plus simples aux outils, et continuant des outils à d’autres œuvres et outils, en arrivèrent à parfaire sans grand labeur tant de choses et de si difficiles, de même également l’intellect, par sa force native, se fait des outils intellectuels, par lesquels il acquiert d’autres forces pour d’autres œuvres intellectuelles, et de ces œuvres d’autres outils, autrement dit le pouvoir de rechercher plus avant, et il continue ainsi, graduellement, jusqu’à atteindre le comble de la sagesse.

Spinoza met donc sur l’enclume sa définition de Dieu et, à travers les quinze premières propositions de l’Ethique, forge le marteau « idée de Dieu » qu’il utilisera ensuite jusqu’à la fin de l’ouvrage. Pascal Sévérac, qui commente le passage du TRE, écrit :

Pascal Sévérac a écrit: Ainsi l’Ethique, au début de la partie I, à partir d’une petite boîte à outils conceptuels (quelques idées vraies données : des définitions et des axiomes), commence-t-elle par construire l’idée adéquate de Dieu, pour en déduire, parfois avec peine, toutes les conséquences utiles à la conquête de notre béatitude. » (Spinoza, par Pascal Sévérac et Ariel Suhamy p. 77 – Ellipses 2008)

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Message par Crosswind Ven 15 Déc 2017 - 19:53

Vanleers a écrit:
Je ne suis pas sûr de vous comprendre.
Si vous voulez dire qu’il faut partir de la conscience pour construire une éthique, [...]

Non pas. Je signifiais que Spinoza semblait considérer le fait conscient chez l'homme comme nécessairement réflexif. J'ajoutai ensuite que cette caractérisation n'était somme toute que très naturelle, tant du point de vue du vécu que de la raison, étant acquis qu'elle est nécessaire pour développer un langage, et donc pour adopter un vecteur apte à véhiculer, entre autre, une philosophie.

Je pense cependant que cette caractérisation n'a que peu d'importance en ce qui concerne la métaphysique de Spinoza
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Message par Vanleers Ven 15 Déc 2017 - 22:20

Il me semble que vous soutenez, sur un autre fil, la possibilité de ce que vous appelez la conscience pure d’un être qui ne saurait pas qu’il sait.
Dans le système de Spinoza, une telle possibilité est exclue, quel que soit cet être.
Voir, par exemple :

https://vivrespinoza.com/2012/03/21/spinoza-et-freud-1-linconscient/

Je cite un passage :

Jean-Pierre Vandeuren a écrit: Ainsi, toute idée est nécessairement accompagnée de conscience et une idée ou une pensée inconsciente, c’est-à-dire sans idée de cette idée est une absurdité logique dans le système spinoziste. Il n’y a pas d’inconscience chez Spinoza, qui ne peut dès lors pas être un précurseur de Freud.
La conscience est une idée (d’une idée), donc, contrairement à ce qu’affirme Freud, aussi une connaissance. Cependant, cette connaissance reste une connaissance du premier genre, c’est-à-dire une connaissance ignorante des véritables causes. En effet, l’idée du corps humain est toujours d’abord une connaissance du premier genre, une image qui est un point de vue de l’esprit individuel, idée d’un corps, sur le monde. Il ne peut y avoir point de vue sur le monde sur un mode sensible que dans une confusion essentielle. L’esprit ne se perçoit comme existant qu’à travers ses images mentales, idées des modifications causées dans le corps propre par les corps extérieurs. L’image exprime bien la nature du corps extérieur qui a causé la modification du corps dont elle est l’idée mais plus encore la nature de ce corps lui-même, et ce dans une confusion indémêlable – ce qui exclut toute possibilité de distinction intrinsèque entre perception effective et hallucination – et hors de tout contexte causal. Mais pour autant, la conscience ne suffit pas à faire une connaissance adéquate, claire, distincte et complète (Ethique, deuxième partie, proposition XXIX), sachant que l’idée d’une idée A (qui donc n’implique pas nécessairement l’idée de ses causes x et de ses effets y) n’est pas une autre idée, différente de A mais seulement la forme de cette idée, c’est-à-dire sans relation à un objet. Elle ne complète donc pas l’idée inadéquate de départ par la connaissance des causes. Bien que consciente, elle reste ignorante des causes.

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Message par Crosswind Ven 15 Déc 2017 - 22:40

Vous confirmez ce que je pensais : la conscience spinozienne humaine est nécessairement, logiquement, réflexive.

Je tique cependant lorsque je vous lis écrire qu'aucun être ne pourrait jouir, dans ce système, d'une conscience pure, sachant que les attributs sont infinis, dotés d'autant de modes pour autant d'êtres.

L'une des clés, chez Spinoza, est de découvrir l'articulation précise entre la conception qu'il se fait de l'infini avec le fini vécu par tout un chacun, au sein d'une théorie logique motorisée par des axiomes du sens commun.
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Message par hks Ven 15 Déc 2017 - 23:58

Ainsi, toute idée est nécessairement accompagnée de conscience et une idée ou une pensée inconsciente, c’est-à-dire sans idée de cette idée est une absurdité logique dans le système spinoziste.


Ce n'est pas ce que dit Spinoza dans te TRE

Spinoza a écrit:D'où il suit évidemment que la certitude n'est autre chose que l'essence objective de l'objet, je veux dire que la manière dont nous sentons l'essence formelle de l'objet est la certitude elle-même ; d'où il suit encore évidemment qu'il suffit pour reconnaître la certitude de la vérité, d'avoir l'idée vraie de l'objet, et qu'il n'est besoin d'aucun autre signe ; car, ainsi que nous l'avons montré, il n'est pas nécessaire, pour savoir, que je sache que je sais. D'où il suit encore évidemment que celui-là seul sait ce qu'est la suprême certitude qui possède l'idée adéquate ou l'essence objective de quelque chose, la certitude et l'essence objective ne faisant qu'un.

Si comme le dit cet auteur  L'esprit humain selon Spinoza (Ethique II 11) 4221839403  "La conscience est une idée (d’une idée)", alors pour Spinoza il n'est pas nécessaire, pour savoir, d'avoir une idée  de mon idée .
et dans ce sens l' idée est alors inconsciente.

Mais comment rendre compte de l'ignorance des causes qui nous déterminent ?
A moins de ne concevoir ces causes non pas comme des modes de la pensée (donc des idées)  mais comme des modes de l'étendue.
Voila bien que la glande pinéale pourrait refaire  surface.

cela dit je ne cite jamais  l'auteur  que vous citez ...

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Message par Vanleers Sam 16 Déc 2017 - 15:19

JP Vandeuren ne fait que rappeler ce qu’écrit Spinoza dans l’Ethique.
Il aurait pu également citer Ethique II 21 et scolie ainsi qu’Ethique V 3 qui se réfère à la précédente.
Dès qu’il y a idée, il y a idée de l’idée et entre l’idée et l’idée de l’idée il n’y a qu’une simple distinction de raison (cela ressort de la théorie des attributs).
Autrement dit, la réflexivité est une propriété intrinsèque de l’idée et ne dépend pas de l’individu qui a une idée, qui, lorsqu’il sait, sait nécessairement qu’il sait.
Si un géranium sait que A, il sait qu’il sait que A, c’est-à-dire il est conscient que A.

Vous citez un extrait du § 35 du TRE (merci de donner les références de vos citations).
Bernard Rousset analyse clairement ce paragraphe (TRE p. 234 – Vrin 1992) :

Bernard Rousset a écrit:
1) Des lignes qui précèdent, nous devons conclure que la certitude de l’idée ne peut plus être cherchée en dehors de l’idée elle-même, en tant qu’elle est l’essence objective de l’idéat, ou mode de la pensée de quelque chose (et non dans l’essence formelle qu’elle est en tant qu’idée, chose ou simple mode de la pensée). Autrement dit, elle n’est rien d’autre que la manière dont nous sentons (à travers l’idée de l’idée du cercle), dans cette essence objective de la chose (l’idée du cercle), l’essence formelle de la chose (du cercle).
2) Il n’est donc besoin d’aucun autre signe que d’avoir une idée vraie, ce qui répond exactement, textuellement, à la question initiale posée à la fin du § 32 et au début du § 33. En effet, je me sais savoir par le seul fait que je sais, sans avoir besoin d’une autre source, caution ou garantie, pour le savoir.
3) […]

Pour résumer, osons dire que, par-delà toute considération généalogique et toute préoccupation pragmatique, le transcendantal, comme condition de possibilité et de validité du savoir, n’est autre que le savoir lui-même, en tant qu’il est par lui-même un se savoir savoir.

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Message par hks Sam 16 Déc 2017 - 18:56

Spinoza dit justement qu'il n'y a pas nécessairement   "idée de l’idée " et puis" l'idée de l'idée de l'idée"...  ad infinitum.
Après tout il n était pas obligé de faire une remarque sur ce point ...mais il en fait une


TRE 34 a écrit:D'où l'on voit que pour comprendre l'essence de Pierre il n'est pas nécessaire de comprendre l'idée même de Pierre, et bien moins encore l'idée de l'idée de Pierre ; et c'est comme si l'on disait qu'il n'est pas nécessaire, pour savoir, que l'on sache que l'on sait, et bien moins encore que l'on sache que l'on sait que l'on sait, non plus qu'il n'est nécessaire pour comprendre l'essence du triangle, de comprendre l'essence du cercle[13]. C'est justement le contraire qui a lieu dans ces idées ; en effet, pour savoir que je sais, il est nécessaire d'abord que je sache.

Vanleers a écrit:Autrement dit, la réflexivité est une propriété intrinsèque de l’idée et ne dépend pas de l’individu qui a une idée, qui, lorsqu’il sait, sait nécessairement qu’il sait.
non pas du tout .

\"SpinozaTRE 35 a écrit:car, ainsi que nous l'avons montré, il n'est pas nécessaire, pour savoir, que je sache que je sais.


Rousset a écrit:Pour résumer, osons dire que, par-delà toute considération généalogique et toute préoccupation pragmatique, le transcendantal, comme condition de possibilité et de validité du savoir, n’est autre que le savoir lui-même, en tant qu’il est par lui-même un se savoir savoir.

mais non, pas du tout et ce parce que ce savoir n' a pas besoin de se savoir savoir.
le savoir sait antérieurement à se savoir comme savoir (il sait sans savoir qu'il est un savoir
il y a certitude sans  savoir que c'est une certitude
c' est à dire antérieurement à se poser comme objet.
Une vraie certitude n'a pas à se poser comme certitude

La condition de possibilité est dans une non scission antérieure  à la prise de conscience objectivante, scindant  le savoir entre le savoir ET  le savoir de ce savoir.

Ce savoir ne s’apparaît à lui même comme savoir qu 'en seconde instance (la réflexion)

la condition de possibilité c'est "le voir "( être (la) VUE , non commun, pas participe passé)
La condition de possibilité ne tombe pas sous le regard de la conscience réflexive. Elle est déduite par le il faut d' abord que je sache (de Spinoza)

.......................................

Vanleers a écrit: la réflexivité est une propriété intrinsèque de l’idée
C est vous maintenant qui me mettez de la conscience reflexive partout après avoir frtt critiqué cette idée de conscience ...

.Et vous avez le pendant inversé (mais qui a le même sens) que "la conscience est toujours conscience de quelque chose(Husserl) ...là, chez vous, le quelque chose a toujours une conscience de ce qu'il est.

Moi j'isole la  manifestation, l' apparition, la Vue en général, pas telle ou telle vue ...la phénoménalité en général ... tout comme Spinoza isole la pensée en général...

j' isole la manifestation phénoménale comme Spinoza" isole" l' attribut pensée ( seul les mots changent : manifestation en place de pensée )  ( isoler ou distinguer)


cordialement L'esprit humain selon Spinoza (Ethique II 11) 2101236583

hks
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Message par Vanleers Sam 16 Déc 2017 - 20:13

1) Spinoza soutient dans le TRE qu’« il ne faut pas, pour que je sache, que je me sache savoir » (§ 35)
Certes.
Mais il se trouve que lorsque je sais, je sais nécessairement que je sais (cf. Ethique).
Voilà.

2) Parler de conscience, dans l’Ethique, c’est simplement dire que quand il y a idée, il y a nécessairement idée de l’idée, qu’il n’y a qu’une distinction de raison entre l’idée de l’idée et l’idée et que être conscient de A, ce n’est rien d’autre qu’avoir l’idée de l’idée de A, ce qui est automatique lorsque j’ai l’idée de A.
La conscience n’est pas une instance ou une faculté de l’esprit.

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Message par hks Sam 16 Déc 2017 - 23:32

Vanleers a écrit:Mais il se trouve que lorsque je sais, je sais nécessairement que je sais (cf. Ethique).
Donnez moi une référence.
Il n'y aurait donc pas de savoir sans réflexivité(= sans conscience de savoir le savoir)....

je passe sur l' esprit qui absorbé dans son travail n'a pas conscience  réflexive(=  celle d être  un esprit qui travaille)... puisqu' il  est occupé à/par  son travail.

Mais puisque vous parlez du corps (assez souvent) mon corps/esprit sait  bien des choses dont je n'ai pas conscience et sait même faire des choses sans que la conscience de les faire soit mobilisée. Comment peut- on dire que ce n'est pas un savoir ?

ce n’est rien d’autre qu’avoir l’idée de l’idée de A,
je n'ai pas constamment l'idée de l'idée de A.

qu’il n’y a qu’une distinction de raison entre l’idée de l’idée et l’idée et que être conscient de A,
Et bien essayez de jouer au tennis avec l' idée de l'idée du coup imminent .Trop y réfléchir(au coup) vous montrera que ce n' est pas une distinction de raison.

Ce qui n'est pas le cas quand on écrit un texte sur la conscience.
l'idée de l'idée s 'impose.

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Message par Vanleers Dim 17 Déc 2017 - 10:16

J’ai déjà donné les références et je répète le raisonnement de Spinoza.
Connaître une chose A, c’est avoir une idée de A.
Mais l’idée de A est elle-même une chose et, à cette chose, correspond, dans l’attribut Pensée, une idée : l’idée de l’idée de la chose A.
Lorsque la chose A est un mode d’un attribut autre que la Pensée, s’il n’y a pas de distinction réelle entre la chose A et l’idée de la chose A, il y a néanmoins une distinction modale entre eux.
Mais ici, l’idée et l’idée de l’idée étant des modes du même attribut Pensée, il n’y a même plus de distinction modale entre eux mais une simple distinction de raison. En clair : c’est la même chose.
Lorsque l’esprit d’un homme forme l’idée d’une chose A, il forme simultanément l’idée de l’idée de la chose A, qui est la même que l’idée de la chose A. Il est donc nécessairement conscient de la chose A.

Bien évidemment, cela ne résulte pas d’un constat empirique mais est une conséquence logique de l’ontologie de Spinoza (Substance unique, attributs, modes)
A cela vous opposez des considérations qui relèvent de la connaissance du premier genre.
C’est le pot de terre contre le pot de fer et ces idées mutilées et confuses ne peuvent que se fracasser contre le système spinozien.

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