La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
à baptiste
Il y a t- il une idée unique de l' injustice? C' est autant la question que je pose . Il y a t- il un fond commun et universel à la révolte?
En revanche il existe une situation réitérable celle de l'injustice (du moins estimée telle)... ce qui ne produit pas (j'en conviens) toujours la même image de la justice.Il n’existe pas une idée unique de la justice, imaginer un monde politique sans adversaires, sans tensions, sans conflits, c’est comme se représenter une morale sans la présence du mal ou une esthétique sans laideur.
Il y a t- il une idée unique de l' injustice? C' est autant la question que je pose . Il y a t- il un fond commun et universel à la révolte?
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Bergame a écrit:Je bute toujours sur ce constat que -dans mes termes- d'aucuns ont l'air de penser que les valeurs dans lesquelles ils croient sont des valeurs universelles, auxquelles tout un chacun devrait croire. Alors qu'au fond, il se trouve simplement qu'ils ont été élevés dans cette culture, dans ce groupe social, dans cette famille, avec ces valeurs. Et que s'ils étaient nés ailleurs ou à une autre époque, ils croiraient en autre chose.
Métaphysiquement, je n'ai pas d'appétence pour la question : que serais-je si je n'étais pas moi ? La réponse me semblant contenue entièrement dans la question. La réponse, c'est, : pas moi.
Par ailleurs, pour ce qui touche au relativisme, on comprend qu'il n'est légitime qu'en se relativisant, se "critiquant" (au sens kantien, c'est-à-dire l'exploration de ses propres limites).
Le discours qui précède n'est à agiter qu'entre les relativistes eux-mêmes. On n'est pas sûr du tout, en comparant diverses cultures, que ce relativisme soit très partagé. J'aimerais que l'on aille faire ce discours à un musulman (je ne dis pas : un type de daesh, hein, un musulman normal) ou un moine bouddhiste, ou le membre d'une brigade populaire du temps de Mao, etc. Ce qu'enseigne l'enquête empirique, c'est que le relativisme n'existe pas.
Le relativisme se porte beaucoup mieux dans une société libérale et occidentale. La Vérité, l'Universel n'existe plus, donc vous avez le droit de croire et de faire ce que vous voulez. Il n'y a aucune mesure nulle part de ce qui serait bon ou vrai pour tous et toute catégorisation dans cet ordre se limite à la particularité du point de vue : je peux dire ce qui est bien ou vrai, ou utile, ou agréable, selon moi, de mon point de vue.
Y a-t-il pour autant une perte de l'universel ? Ah non, il est seulement repeint. Car ces individus ou ces groupes, ou ces sociétés se rejoignent et malgré toutes leurs différences, convergent dans une common decency, qui est assurée par le Marché. Le Marché est un ensemble de gens qui peuvent penser ce qu'ils veulent, se comporter comme ils veulent, s'habiller comme ils veulent, etc. mais qui ne se distinguent en rien en ce qu'ils sont tous, jusqu'au dernier, des acheteurs et des vendeurs.
Y a-t-il une perte du peuple souverain ? Ah non, il est seulement repeint et c'est seulement le ravalement qui vous empêche de le reconnaître, dans le tableau. Le peuple, c'est le consommateur, le client. Il n'a pas besoin d'être Républicain, puisqu'on l'a fait roi : le client est roi, dit-on.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
La critique de courtial est pertinente .Tant qu'on est sur le plan des valeurs
.
Au niveau des circonstances constituant le contexte d' application de la justice on n'est pas sur le plan de valeurs mais sur le plan de la survie.
Il est évident que si l'asujetti ( l'esclave) n' a pas de volonté d' exprimer sa "puissance d' agir" aucun sentiment d' injustice ne nait en lui et la question de la justice ne se pose pas, du moins par lui.
L'expression de la" puissance d'agir" ne renvoie pas aux valeur mais plus à une conscience de la liberté d'agir (entravée en l' occurence).
Pour le coup l'esclave est entravé dans la création de valeurs. Bienheureux ceux qui peuvent vivre selon leurs valeurs, l' esclave lui ne le peut pas. Il a une valeur pour la maître, certes, mais ce n'est sans doute pas la valeur à laquelle une fois libre il consentirait d' adhérer.
S' il ressent une frustration ( et seulement dans ce cas ) alors la question de la justice se pose pour lui.
.......................................................................
Une force extérieure est souvent nécessaire( des militants "libres ... si l'on peut dire) .
http://www.liberation.fr/livres/2010/01/14/les-injustices-reparables-selon-amartya-sen_604279
.
Au niveau des circonstances constituant le contexte d' application de la justice on n'est pas sur le plan de valeurs mais sur le plan de la survie.
Il est évident que si l'asujetti ( l'esclave) n' a pas de volonté d' exprimer sa "puissance d' agir" aucun sentiment d' injustice ne nait en lui et la question de la justice ne se pose pas, du moins par lui.
L'expression de la" puissance d'agir" ne renvoie pas aux valeur mais plus à une conscience de la liberté d'agir (entravée en l' occurence).
Pour le coup l'esclave est entravé dans la création de valeurs. Bienheureux ceux qui peuvent vivre selon leurs valeurs, l' esclave lui ne le peut pas. Il a une valeur pour la maître, certes, mais ce n'est sans doute pas la valeur à laquelle une fois libre il consentirait d' adhérer.
S' il ressent une frustration ( et seulement dans ce cas ) alors la question de la justice se pose pour lui.
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Une force extérieure est souvent nécessaire( des militants "libres ... si l'on peut dire) .
Robert MAGGIORI a écrit:Amartya Sen note que ceux qui ont lutté pour les droits des femmes ou pour l’abolition de l’esclavage «ne se dépensaient pas dans l’illusion qu’abolir l’esclavage rendrait le monde parfaitement juste», mais constataient qu’une société esclavagiste (ou sexiste, ou raciste, etc.) est totalement injuste, qu’il fallait l’abolir au plus vite, sans pour cela rechercher un consensus sur les contours d’une société idéale.
Maggiori a écrit: A Sen est soutenu par la même quête d’équité que celle de John Rawls auquel il s’oppose - mais affirme sans doute avec plus de force que le fait de ne pas pouvoir définir et encore moins réaliser une société juste, n’exclut pas qu’on fasse tout pour éliminer ce qui est manifestement injuste.
http://www.liberation.fr/livres/2010/01/14/les-injustices-reparables-selon-amartya-sen_604279
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
hks a écrit:à baptisteEn revanche il existe une situation réitérable celle de l'injustice (du moins estimée telle)... ce qui ne produit pas (j'en conviens) toujours la même image de la justice.Il n’existe pas une idée unique de la justice, imaginer un monde politique sans adversaires, sans tensions, sans conflits, c’est comme se représenter une morale sans la présence du mal ou une esthétique sans laideur.
Il y a t- il une idée unique de l' injustice? C' est autant la question que je pose . Il y a t- il un fond commun et universel à la révolte?
La justice est une parmi les incertitudes accompagnant la réalisation d’un projet politique démocratique, mais l’idée de justice est-elle une finalité politique ? Est-ce encore en ligne avec le sujet ?
De plus, est-ce rationnel d’aller chercher chez Rawls une possible réponse aux questions de refondations politiques nécessaires alors qu’il fait parti de ceux qui ont grandement influencés les dirigeants politiques du moment et sont en partie à l’origine du problème actuel, à l’origine d’une pensée en panne, comment pourrait-il fournir une réponse ?
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Elle a pu devenir une question posée aux politiques...baptiste a écrit:mais l’idée de justice est-elle une finalité politique ? Est-ce encore en ligne avec le sujet ?
comme l'écologie en est devenue une. Tout comme la liberté des comportements érotiques en une et globalement la liberté des moeurs.
Une fois la question bien posée la justice devient une finalité politique.
Toute question peut devenir politique. Parce que le politique a un pouvoir exécutif ( de police) que n 'a pas a priori la société civile, les militants de diverses causes ont recours à la puissance du politique.
C' est une opinion personnelle sur l'origine du problème actuel, pas une critique bien fondée des idées de Rawls. Rawls ne te parait pas assez révolutionnaire ...baptiste a écrit:De plus, est-ce rationnel d’aller chercher chez Rawls une possible réponse aux questions de refondations politiques nécessaires alors qu’il fait parti de ceux qui ont grandement influencés les dirigeants politiques du moment et sont en partie à l’origine du problème actuel, à l’origine d’une pensée en panne, comment pourrait-il fournir une réponse ?
Que dire ? Rawls était vieux, surtout vers la fin ... et en plus il est mort ... certes .
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Si la critique de Courtial est pertinente, c'est d'autant plus dommage que je ne la comprenne pas. Et pourtant j'aimerais bien, moi, comprendre ce qui semble si évident à tout le monde et si peu à moi.
Par exemple :
Par exemple :
Que veux-tu dire, là ? Qu en pays musulman ou dans la Chine de Mao, le relativisme n est|était pas possible ? Sans doute. Mais est-ce que ça empêche que ce qu on y croit vrai n est pas exactement ce qu on croit vrai ici ?Le discours qui précède n'est à agiter qu'entre les relativistes eux-mêmes. On n'est pas sûr du tout, en comparant diverses cultures, que ce relativisme soit très partagé. J'aimerais que l'on aille faire ce discours à un musulman (je ne dis pas : un type de daesh, hein, un musulman normal) ou un moine bouddhiste, ou le membre d'une brigade populaire du temps de Mao, etc. Ce qu'enseigne l'enquête empirique, c'est que le relativisme n'existe pas.
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Bergame- Persona
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
hks a écrit:
Toute question peut devenir politique. Parce que le politique a un pouvoir exécutif ( de police) que n 'a pas a priori la société civile, les militants de diverses causes ont recours à la puissance du politique.
Tout peut prendre une dimension politique mais pour autant tout n'est pas politique. Quelle est la mission du politique, changer l’homme, le rendre meilleur, changer le monde ? Non, c’est organiser les conditions de la coexistence humaine et mettre en forme une collectivité pour en assurer la concorde intérieure et la sécurité extérieure avec la nécessité vitale d’assurer des finalités non politiques comme la justice et le bonheur.
Rawls est un penseur qui a fortement influencé la classe politique au pouvoir et parmi les pathologies qui atteignent la démocratie contemporaine, montée de l’individualisme, perte du sens de la responsabilité collective et du bien commun nombreuses sont celles qui ne furent autrement traités par Rawls que comme des obstacle à la liberté. Pour Rawls maximiser la liberté suppose simplement limiter les astreintes au devoir civique ou social et au service public, c’est pourquoi je soutiens qu'une réponse à nos maux actuels ne peut être trouvée dans l’œuvre de Rawls puisque simplement elle ne prend pas en compte une conception du bien commun rendue nécessaire par l'impact de notre mode de vie, Rawls n'est pas vieux il a simplement manqué de clairvoyance.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
baptiste a écrit:Rawls est un penseur qui a fortement influencé la classe politique au pouvoir et parmi les pathologies qui atteignent la démocratie contemporaine, montée de l’individualisme, perte du sens de la responsabilité collective et du bien commun nombreuses sont celles qui ne furent autrement traités par Rawls que comme des obstacle à la liberté.
Je n'ai pas lu Rawls (d'où mon abstention de ce débat, ce qui suit n'étant pas une opinion mais une question), que je ne connais que par ouï-dire.
Mais justement, ce que j'ai ouï dire, c'est tout le contraire : non pas que Rawls a influencé la classe politique en place mais qu'au contraire il a été influencé par elle ; autrement dit qu'il se serait contenté de donner un vernis philosophique et une sanctification (au sens de sanctionner) au système politique en place et au pouvoir tel qu'il est.
Est-ce le cas ?
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Bergame a écrit:Si la critique de Courtial est pertinente, c'est d'autant plus dommage que je ne la comprenne pas. Et pourtant j'aimerais bien, moi, comprendre ce qui semble si évident à tout le monde et si peu à moi.
Par exemple :Que veux-tu dire, là ? Qu en pays musulman ou dans la Chine de Mao, le relativisme n est|était pas possible ? Sans doute. Mais est-ce que ça empêche que ce qu on y croit vrai n est pas exactement ce qu on croit vrai ici ?Le discours qui précède n'est à agiter qu'entre les relativistes eux-mêmes. On n'est pas sûr du tout, en comparant diverses cultures, que ce relativisme soit très partagé. J'aimerais que l'on aille faire ce discours à un musulman (je ne dis pas : un type de daesh, hein, un musulman normal) ou un moine bouddhiste, ou le membre d'une brigade populaire du temps de Mao, etc. Ce qu'enseigne l'enquête empirique, c'est que le relativisme n'existe pas.
J'ai précisé que j'entendais "critiquer" au sens kantien. Je veux dire par là que ce qui est ainsi "critiqué" n'est pas réputé faux, bien au contraire : on le tient pour vrai, mais la question est de savoir jusqu'à quel point, à quelles conditions, d'où ça sort, etc. Si tu préfères, éviter de tomber dans le dogmatisme, et le relativisme lui-même n'étant pas à l'abri de ce travers.
Et j'affirme en effet que le relativisme tel que tu l'as illustré (et tel qu'il est, en effet) n'est pas quelque chose qui va de soi, qu'il est lui-même le fruit d'une histoire tout à fait particulière, que je ne vais pas retracer ici. J'ai mentionné simplement qu'en dehors du quartier latin, de quelques campus américains et quelques autres lieux du même genre, cette idéologie est peu représentée.
Ce que l'on croit vrai en Chine n'est pas ce qu'on croit vrai ici, mais le point commun, c'est qu'il y a quelque chose de tenu pour vrai, et pas de manière relative, ou pour le dire autrement, que l'ethnocentrisme est la règle et le relativisme germanopratin ou oxfordien l'exception. On peut en faire l'expérience quand on s'aventure au delà du périphe. Nous avons pu le constater -on en a discuté ici -au sujet des manifestations du 11 janvier : il n'y a pas que des Charlie, ça ne va pas de soi, d'être Charlie.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Pour ma part j'ai lu Théorie de la Justice. Je m'y suis passablement ennuyé, j'avoue, mais le mérite de ce livre tient à son caractère pédagogique, je veux dire par là que j'ai l'impression d'en avoir retenu quelque chose.Courtial a écrit:Je n'ai pas lu Rawls (d'où mon abstention de ce débat, ce qui suit n'étant pas une opinion mais une question), que je ne connais que par ouï-dire. 9
Mais justement, ce que j'ai ouï dire, c'est tout le contraire : non pas que Rawls a influencé la classe politique en place mais qu'au contraire il a été influencé par elle ; autrement dit qu'il se serait contenté de donner un vernis philosophique et une sanctification (au sens de sanctionner) au système politique en place et au pouvoir tel qu'il est.
Est-ce le cas ?
L'intention avouée de Rawls est de définir la justice en échappant aux deux écueils que sont l'intuitionnisme (qui postule l'universalité de nos sentiments) et l'utilitarisme (qui réduit la justice à l'utilité, sans être capable de donner les critères de cette utilité). Elle n'est donc ni de défendre l'ordre établi ni de suggérer un ordre nouveau, mais de fournir les moyens de juger l'ordre social.
Rawls pense avoir trouvé la solution par la fiction du voile d'ignorance, qui a des faux airs du mythe d'Er la Pamphilien dans la République de Platon, celui qui raconte comment les âmes défuntes choisissent en qui elles se réincarneront. Supposons des individus qui ignorent tout de la situation qui sera la leur dans la société, et qui aient à choisir tout en étant dans l'incapacité de connaître leur intérêt individuel. Ils choisiraient alors comme des joueurs, en minimisant les risques (donc, excluons les sociétés qui oppriment 90% de la population, même si la place de vizir y est particulièrement jouissive, c'est trop risqué). Rawls "démontre" que l'on choisirait alors un type de société ressemblant non pas à la société américaine telle qu'elle est, mais à peu près telle qu'elle se voit. Une société tendant à l'égalité dans la mesure où elle n'opprime pas la liberté, et en laquelle chacun se sent utile à la place qu'il occupe.
En gros, donc, la porte ouverte qu'il a enfoncée est respectable, la démarche imite la scientificité par son caractère analytique et c'est fait à l'aide d'un arsenal conceptuel qui permet de briller en conversation, donc cela a tout pour plaire aux amateurs de sciences humaines. Je suppose que je ne dois pas en être .
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
euthyphron a écrit:..... qui a des faux airs du mythe d'Er la Pamphilien dans la République de Platon, celui qui raconte comment les âmes défuntes choisissent en qui elles se réincarneront. Supposons des individus qui ignorent tout de la situation qui sera la leur dans la société, et qui aient à choisir tout en étant dans l'incapacité de connaître leur intérêt individuel. Ils choisiraient alors comme des joueurs, en minimisant les risques (donc, excluons les sociétés qui oppriment 90% de la population, même si la place de vizir y est particulièrement jouissive, c'est trop risqué). Rawls "démontre" que l'on choisirait alors un type de société ressemblant non pas à la société américaine telle qu'elle est, mais à peu près telle qu'elle se voit. Une société tendant à l'égalité dans la mesure où elle n'opprime pas la liberté, et en laquelle chacun se sent utile à la place qu'il occupe.
De mémoire, ce qui donne du piment au jeu, c'est qu' avant de réscuciter, le candidat au retour, apres son choix, doit boire dans un fleuve qui lui fait tout oublier.
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kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Dans Platon oui en effet, c'est le fameux fleuve Léthé. Mais Rawls ne construit pas de mythe, juste une simple fiction : quelle société choisirions-nous si nous étions dans l'impossibilité de prévoir le statut qui y serait le nôtre?
On pourrait néanmoins, pourquoi pas, imaginer que les hommes ont choisi la société d'aujourd'hui dans une de leurs vies antérieures, après tout, en un sens c'est vrai! Mais ce type de spéculation ne fait partie de l'arsenal utilisé par Rawls, qui n'est pas très poète, et qui préfère s'inspirer de la théorie des jeux (un peu pour la frime à mon avis, mais bon, ne disons pas du mal d'un monsieur qui ne nous a rien fait).
On pourrait néanmoins, pourquoi pas, imaginer que les hommes ont choisi la société d'aujourd'hui dans une de leurs vies antérieures, après tout, en un sens c'est vrai! Mais ce type de spéculation ne fait partie de l'arsenal utilisé par Rawls, qui n'est pas très poète, et qui préfère s'inspirer de la théorie des jeux (un peu pour la frime à mon avis, mais bon, ne disons pas du mal d'un monsieur qui ne nous a rien fait).
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
euthyprhon a écrit:Rawls "démontre" que l'on choisirait alors un type de société ressemblant non pas à la société américaine telle qu'elle est, mais à peu près telle qu'elle se voit. Une société tendant à l'égalité dans la mesure où elle n'opprime pas la liberté, et en laquelle chacun se sent utile à la place qu'il occupe.
Merci Euthyphron, tu me rassures. Les rapports qu'on m'avaient fait étaient donc exagérés. Si son Etat de Nature ou Paradis Terrestre, ce sont les Etats-Unis, nous restons dans le soft, le bon ton.
Sur ces rapports, je m'étais imaginé que ledit Eden devait se situer géographiquement entre la Suisse et les îles Caïman.
Des médisants à coup sûr.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Je concède que la lecture de Rawls ne soit pas du dernier affriolant ( ni plus ni moins qu Habermas ou même Amartya Sen et Sandel qui le critiquent... aussi difficile à lire que Charles Taylor ou Robert Nozick.)
Son expérience de pensée ( le voile d'ignorance ) semble participer de l' intention de Kant. Dégager ce qui serait une sorte de positon a priori universellement partageable.
de manière plus contingente puisque vous le ramenez tous dans son époque et dans SA société
je cite un texte explicatif
http://www.adelinotorres.com/filosofia/Magazine%20litt%C3%A9raire%20-La%20strat%C3%A9gie%20kantienne%20de%20Rawls.htm
suite dans les texte de l'article
Dans la mesure où mon " spinozisme" endosse l'idée de conatus ( individuel ) je ne pouvait qu 'être intéressé par Rawls.
Disons que je m'y retrouve mais pas sur une base kantienne (qui dans la forme n'est pas la mienne ... je dis dans la forme parce que sur fond :l'universalité possible comme révélation a soi de la raison, je ne suis pas opposée à Kant ).
.............................
kercoz plus explicitement que baptiste ou bergame exprime bien l' assujetissement de l'individu au bien commun . Il exprime la fond, l' archi-fond de la question : peut-on vouloir mourir pour la patrie .
Certes on le peut.
Mais le doit on ?
De quel genre de devoir s'agit- il dans l'espèce humaine ( je ne parle donc pas des fourmis ou des abeilles ).
Qu' est ce qui résiste au devoir mourir pour la patrie ?
Je pense au texte de Kantorowicz.
Je fais le rapprochement entre la patrie et le bien commun ( excusez moi .)
Son expérience de pensée ( le voile d'ignorance ) semble participer de l' intention de Kant. Dégager ce qui serait une sorte de positon a priori universellement partageable.
de manière plus contingente puisque vous le ramenez tous dans son époque et dans SA société
je cite un texte explicatif
Rien ne pouvait être plus iconoclaste dans un pays où la culture dominante, à côté du pragmatisme, était l'utilitarisme, c'est-à-dire une doctrine qui justifie rationnellement le sacrifice d'une minorité au bien-être global du reste de la société, au nom du « plus grand bonheur au plus grand nombre ». En proclamant, au contraire, que « chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, ne peut être transgressée », Rawls, de manière prémonitoire, anticipait à la fois sur le type de menaces que le « repli identitaire » fait peser chaque jour davantage sur les droits des minorités, sur la nécessité de réaffirmer la priorité de la justice sur le bien-être dans une société se voulant démocratique et, donc, sur l'urgence d'un « retour à Kant » pour mettre fin aux excès de la « démocratie de marché », pour reprendre l'expression de Ronald Dworkin.
http://www.adelinotorres.com/filosofia/Magazine%20litt%C3%A9raire%20-La%20strat%C3%A9gie%20kantienne%20de%20Rawls.htm
suite dans les texte de l'article
Il n'en demeure pas moins, malgré toutes ces différences d'ambition, de rôle et de domaine, que le projet se veut kantien. Tout d'abord, il s'agit, à la différence de l'utilitarisme, d'une théorie « déontologique » de la justice qui affirme, comme Kant, la priorité du juste sur le bien et celle de l'autonomie individuelle sur le bien-être.
Dans la mesure où mon " spinozisme" endosse l'idée de conatus ( individuel ) je ne pouvait qu 'être intéressé par Rawls.
Disons que je m'y retrouve mais pas sur une base kantienne (qui dans la forme n'est pas la mienne ... je dis dans la forme parce que sur fond :l'universalité possible comme révélation a soi de la raison, je ne suis pas opposée à Kant ).
.............................
kercoz plus explicitement que baptiste ou bergame exprime bien l' assujetissement de l'individu au bien commun . Il exprime la fond, l' archi-fond de la question : peut-on vouloir mourir pour la patrie .
Certes on le peut.
Mais le doit on ?
De quel genre de devoir s'agit- il dans l'espèce humaine ( je ne parle donc pas des fourmis ou des abeilles ).
Qu' est ce qui résiste au devoir mourir pour la patrie ?
Je pense au texte de Kantorowicz.
Je fais le rapprochement entre la patrie et le bien commun ( excusez moi .)
Dernière édition par hks le Lun 31 Aoû 2015 - 23:05, édité 1 fois
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
courtial a écrit:Si son Etat de Nature ou Paradis Terrestre, ce sont les Etats-Unis, nous restons dans le soft, le bon ton.
Le persiflage n'est pas inapproprié, certes. En butte à bien des critiques Rawls s' est repris ( il a repris son propos ). Bien que déterminé, il s'est montré très ouvert à la discussion. Discussion qui a débordé très au large des USA.
On peut certes aborder Habermas parce qu'il est allemand, Taylor parce que canadien, Orwell parce qu' anglais, Rosanvallon parce que français., Sen indien... et Rawls parce qu' américain ... Spinoza parce que juif hollandais ...
enfin bref c 'est une manière d' aborder le sujet.
Intéressante mais partielle ... au sens de ne recouvrant pas toute la question.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Catherine Audard a écrit:Quand on parle de méta-idéologie, on parle de quelque chose sur lequel il y a un consensus tacite, supposant l’acceptation d’un ensemble de valeurs. Si on regarde par exemple la France, l’idée de la souveraineté de l’individu, celle des droits de l’homme ou encore de l’Habeas Corpus, sont des valeurs fortes du libéralisme qui, à partir de la Cour européenne de Strasbourg, ont pénétré la Constitution et abouti à la réforme du Conseil constitutionnel de juillet 2008. C’est ce qu’on veut dire quand on dit que les idées libérales jouent le rôle d’une méta-idéologie.
http://www.raison-publique.fr/article335.htmlCatherine Audard a écrit:Ce que Rawls appelle un libéralisme politique est différent et beaucoup plus précis. Il le définit non par un ensemble de contenus, de croyances, mais plutôt comme une idée régulatrice au sens kantien, qui permet de définir l’espace politique comme le lieu d’application de la conception publique de la justice, mais sans contenu normatif fort. Ce n’est donc pas une affaire de contenu, mais de procédure et de méthode de justification. Les contenus du libéralisme politique sont ceux qui résultent de la justification publique, pas de la tradition ou des rapports de force politiques, comme dans le cas de la politique européenne que j’évoquais. En revanche, ce qu’il appelle le libéralisme « compréhensif » ou « englobant » est une idéologie politique comme une autre, comme le socialisme ou le conservatisme. De ce point de vue, une méta-idéologie est une idéologie comme une autre, mais avec un champ élargi pour des raisons historiques et politiques, non pour des raisons de principe. L’exemple de la Loi fondamentale allemande serait un autre exemple d’un élargissement de l’idéologie libérale à un champ culturel et politique où elle n’aurait jamais pris pied sans la victoire américaine de 1945. Ensuite, les principes du libéralisme ont peu à peu acquis leur légitimité en Allemagne, non sans conflits, - pensez à la querelle des historiens dans les années 80 -, et maintenant ils peuvent être présentés comme la méta-idéologie commune à toute l’Europe – la France rejoignant le camp libéral avec sa dernière réforme constitutionnelle - et aux Etats-Unis. Mais c’est toujours du libéralisme compréhensif qu’il s’agit avec les difficultés qu’il pose aux minorités religieuses ou culturelles… Par contre, le libéralisme politique au sens de Rawls ne se prononce pas sur les valeurs. Il demande d’accepter ses principes de justice sur la base d’un raisonnement, pas de croyances. C’est pourquoi il peut être compatible avec un grand nombre d’idéologies sur le plan des principes de justice, mais pas sur celui des valeurs et des croyances morales, religieuses ou philosophiques.
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Courtial a écrit:baptiste a écrit:Rawls est un penseur qui a fortement influencé la classe politique au pouvoir et parmi les pathologies qui atteignent la démocratie contemporaine, montée de l’individualisme, perte du sens de la responsabilité collective et du bien commun nombreuses sont celles qui ne furent autrement traités par Rawls que comme des obstacle à la liberté.
Je n'ai pas lu Rawls (d'où mon abstention de ce débat, ce qui suit n'étant pas une opinion mais une question), que je ne connais que par ouï-dire.
Mais justement, ce que j'ai ouï dire, c'est tout le contraire : non pas que Rawls a influencé la classe politique en place mais qu'au contraire il a été influencé par elle ; autrement dit qu'il se serait contenté de donner un vernis philosophique et une sanctification (au sens de sanctionner) au système politique en place et au pouvoir tel qu'il est.
Est-ce le cas ?
Il en va pour lui comme d’autres avant lui qui ont fourni du matériel conceptuel au christianisme ou au communisme et si certes il n’a pas inventé le libéralisme il en est devenu un des phares auxquels se référent volontiers les hommes politiques d’aujourd’hui.
Pour ma part je n’ai lu que Libéralisme politique, mais son allégeance à Locke, Rousseau et Kant, sa conception du naturalisme et son anti-pragmatisme ne m’ont pas encouragé à aller plus loin.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
A HKS
Tes références confirment mes propos, il est bien un des pères de la conception prévalante du libéralisme d'aujourd'hui c'est pourquoi ce n'est pas chez lui que l'on trouvera des proposition susceptibles de corriger les dérives de ce libéralisme.
Tes références confirment mes propos, il est bien un des pères de la conception prévalante du libéralisme d'aujourd'hui c'est pourquoi ce n'est pas chez lui que l'on trouvera des proposition susceptibles de corriger les dérives de ce libéralisme.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
à baptiste
Depuis le début du libéralisme comme philosophie politique les penseurs de cette mouvances ont cherché à corriger des dérives dont il leur paraissait qu' elles étaient contenues en germe dans l'idée.
Je cite sur Locke
Je vois pas dans ton optique ce qui pourrait corriger les dérives si ce n'est tourner le dos absolument au libéralisme.
Déjà 1) la proscription de l' idée de propriété privée ( ce qui est l 'idée forte de Locke ). J y teins parce qu'on a toute sortes d idées très généreuses sur le bien commun qui font l'impasse sur l'idée de propriété privée .
Comme si c'était un non-problème. Une question qu' on peut résoudre facilement pour passer aux choses sérieuses.
Il y a bien néanmoins une solution, laquelle on n'ose plus trop évoquer, c 'est le collectivisme.
Très optimiste (voire angélique) on parlera de "communisme".
Il y a une histoire (celle du 2Oeme siècle ) sur laquelle il faut méditer.
Il est quand même curieux que l' un des rares ici qui fasse encore référence à Marx soit celui qui demande qu'on ne rêve pas le communisme.
Mais bref, puisque tu sembles te situer dans un "yo no se que" qui a le mérite (ou la facilité) de toujours pouvoir se démarquer
Soeur ma soeur Anne ... je ne vois toujours rien venir ( de concret )
ce n'est pas chez lui que l'on trouvera des proposition susceptibles de corriger les dérives de ce libéralisme.
Depuis le début du libéralisme comme philosophie politique les penseurs de cette mouvances ont cherché à corriger des dérives dont il leur paraissait qu' elles étaient contenues en germe dans l'idée.
Je cite sur Locke
...................................Christian Lazzeri a écrit:Or, les travailleurs qui vivent à peine à la journée, risquent de se retrouver sans subsistance et dans ce cas, dit Locke, ils auront tendance «à se tailler la quote-part nécessaire à leurs besoins par la force des armes ; c’est ainsi qu’ils se précipitent parfois sur les riches et balaient tout comme un déluge». Locke décrit ici, avec une grande franchise, les conséquences d’une crise économique découlant du comportement de certains agents économiques, comportement dont la conséquence réside dans le fait que l’harmonie des intérêts qu’il vantait dans le Second traité a tendance à se transformer en un brutal conflit d’intérêt.
Je vois pas dans ton optique ce qui pourrait corriger les dérives si ce n'est tourner le dos absolument au libéralisme.
Déjà 1) la proscription de l' idée de propriété privée ( ce qui est l 'idée forte de Locke ). J y teins parce qu'on a toute sortes d idées très généreuses sur le bien commun qui font l'impasse sur l'idée de propriété privée .
Comme si c'était un non-problème. Une question qu' on peut résoudre facilement pour passer aux choses sérieuses.
Il y a bien néanmoins une solution, laquelle on n'ose plus trop évoquer, c 'est le collectivisme.
Très optimiste (voire angélique) on parlera de "communisme".
Il y a une histoire (celle du 2Oeme siècle ) sur laquelle il faut méditer.
Il est quand même curieux que l' un des rares ici qui fasse encore référence à Marx soit celui qui demande qu'on ne rêve pas le communisme.
Mais bref, puisque tu sembles te situer dans un "yo no se que" qui a le mérite (ou la facilité) de toujours pouvoir se démarquer
Soeur ma soeur Anne ... je ne vois toujours rien venir ( de concret )
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Ben oui, mais enfin, c'est un peu cavalier tout de même : Tu constitues ce que je dis en position philosophique, le "relativisme", et tu me dis : "Attention, c'est une idéologie, attention au dogmatisme." Mais, moi je n'ai aucunement revendiqué un quelconque "relativisme". Je n'ai même jamais dit quelque chose comme : "A chacun sa vérité." Je dis juste quelque chose qui m'apparait de bon sens, et qui me semble assez bien rejoindre ce que tu prétends ensuite : L'ethnocentrisme est la règle. Ou plus exactement que la socialisation a une influence sur la formation des valeurs individuelles, des critères ultimes du jugement et des présupposés de l'opinion. Et d'ailleurs, pour ce qui concerne le Vrai, c'est compliqué -évidemment, le vrai mathématique n'est pas concerné- mais nous parlions de la "justice ordinaire".Courtial a écrit:J'ai précisé que j'entendais "critiquer" au sens kantien. Je veux dire par là que ce qui est ainsi "critiqué" n'est pas réputé faux, bien au contraire : on le tient pour vrai, mais la question est de savoir jusqu'à quel point, à quelles conditions, d'où ça sort, etc. Si tu préfères, éviter de tomber dans le dogmatisme, et le relativisme lui-même n'étant pas à l'abri de ce travers.
Et j'affirme en effet que le relativisme tel que tu l'as illustré (et tel qu'il est, en effet) n'est pas quelque chose qui va de soi, qu'il est lui-même le fruit d'une histoire tout à fait particulière, que je ne vais pas retracer ici. J'ai mentionné simplement qu'en dehors du quartier latin, de quelques campus américains et quelques autres lieux du même genre, cette idéologie est peu représentée.
Ce que l'on croit vrai en Chine n'est pas ce qu'on croit vrai ici, mais le point commun, c'est qu'il y a quelque chose de tenu pour vrai, et pas de manière relative, ou pour le dire autrement, que l'ethnocentrisme est la règle et le relativisme germanopratin ou oxfordien l'exception. On peut en faire l'expérience quand on s'aventure au delà du périphe. Nous avons pu le constater -on en a discuté ici -au sujet des manifestations du 11 janvier : il n'y a pas que des Charlie, ça ne va pas de soi, d'être Charlie.
Ce que je conteste, c'est l'idée implicite selon laquelle toutes les civilisations convergent vers un modèle unique qui, coïncidence, se trouve ressembler au modèle occidental. Position bien connue, à laquelle je n'adhère pas, voilà tout. Pour moi, Braudel a montré de manière convaincante que, même là où la civilisation, pendant mille ans, semble avoir fusionné les cultures (par exemple le christianisme), restent des lignes de fracture sous-jacentes, susceptibles de réapparaitre dans le temps long.
Et que les groupes sociaux peuvent aussi être "porteurs" de cultures différenciés -j'emploie là une terminologie wébérienne.
Enfin bref, une thèse assez classique pour un sociologue. Mais pas le relativisme, non. S'il faut lui trouver un nom générique, Mannheim parlait de "relationnisme". Ou "culturalisme" peut-être. Enfin, ce qui apparaitra en tout cas comme le contraire de l'"universalisme".
Dernière édition par Bergame le Mar 1 Sep 2015 - 18:06, édité 1 fois
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Bergame a écrit:
Et que les groupes sociaux peuvent aussi être "porteurs" de cultures différenciés -j'emploie là une terminologie wébérienne.
Enfin bref, une thèse assez classique pour un sociologue. Mais pas le relativisme, non. S'il faut lui trouver un nom générique, Mannheim parlait de "relationnisme". Ou "culturalisme" peut-être. Enfin, ce qui apparaitra en tout cas comme le contraire de l'"universalisme".
Non seulement elles le peuvent , mais elles le doivent. L' altérité est une condition définitive à la survie d' une espèce. Strauss souligne la contradiction dramatique des civilisations qui progressent en épuisant l' altérité des cultures. Altérité dont elles se nourrissent.
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kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
à bergame
Une prospective contre une autre. Des conservateurs traditionalistes et différentialistes d 'un côté, des progressistes de l'autre.
Deux prophéties autoréalisatrices.
En fait tu penses que les comportements humains ne peuvent que (... poser, défendre et s' opposer à ), ce qui est en deça de l'auto -réalisation puisque nécessairement, par nature , l'espèce humain est différentaliste.
Qu'il n'y a donc pas d'espèce humaine sinon par défaut( je suis identique à toi en ce que l'un l'autre nous sommes différents ).
Il n'y aurait aucune raison de se battre contre cette nécessité .
Que l'universalisme combatte, certes, mais pourquoi l'autre camp éprouve t-il le besoin de combattre ?
Soit que les choses ne tournent pas comme il le pensait ( et donc mondialisation)
soit que moralement il réprouve.
(ou les deux )
La "guerre des Dieux" semble une valeur morale en danger.
D' où le combat des conservateurs contre une maladie qui n' aurait pas du apparaitre .
Dit à la manière de kercoz on a
Dîte comme cela je doute qu' elle soit si bien connue... en tout cas pas mieux connue que la thèse de Huntington : le choc des civilisations.bergame a écrit:Ce que je conteste, c'est l'idée implicite selon laquelle toutes les civilisations convergent vers un modèle unique qui, coïncidence, se trouve ressembler au modèle occidental. Position bien connue,...
Une prospective contre une autre. Des conservateurs traditionalistes et différentialistes d 'un côté, des progressistes de l'autre.
Deux prophéties autoréalisatrices.
wikipédia a écrit:une prophétie qui modifie des comportements de telle sorte qu'ils font advenir ce que la prophétie annonce.
En fait tu penses que les comportements humains ne peuvent que (... poser, défendre et s' opposer à ), ce qui est en deça de l'auto -réalisation puisque nécessairement, par nature , l'espèce humain est différentaliste.
Qu'il n'y a donc pas d'espèce humaine sinon par défaut( je suis identique à toi en ce que l'un l'autre nous sommes différents ).
Il n'y aurait aucune raison de se battre contre cette nécessité .
Que l'universalisme combatte, certes, mais pourquoi l'autre camp éprouve t-il le besoin de combattre ?
Soit que les choses ne tournent pas comme il le pensait ( et donc mondialisation)
soit que moralement il réprouve.
(ou les deux )
La "guerre des Dieux" semble une valeur morale en danger.
D' où le combat des conservateurs contre une maladie qui n' aurait pas du apparaitre .
Dit à la manière de kercoz on a
Sous entendu l'altérité des cultures comme si une culture était un organisme vivant individué .(ce que je conteste)kercoz a écrit:L' altérité est une condition définitive à la survie d' une espèce.
hks- Digressi(f/ve)
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Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
à Bergame.
Je réponds un peu en décalage à ta réponse ici : https://digression.forum-actif.net/t1112p240-la-politique-echappe-t-elle-a-l-exigence-de-verite#24622
D'abord tu dis que moi et certains partiraient du principe que les individus serait manipulés.
Tu fais également la distinction entre les tentatives de manipulation et leurs réussites.
Or, je dis simplement pour ma part que la manipulation existe, et que l'on ne peut pas dire au nom de l'idéal démocratique, que la manipulation n'existe pas ou qu'elle est inconséquente ; et « la manipulation existe » englobe les tentatives et leur réussites.
Tu le dis d'ailleurs, en citant des exemples, qu'elle ne réussit pas forcement, mais qu'elle réussit parfois. Nous sommes donc d'accord là-dessus.
Mais cela ne permet pas de dire en quoi elle échouerait plus souvent qu'elle ne réussirait, comme tu le laisses à penser.
Et puis, comme je l'avais déjà indiqué avant, il n'est pas judicieux de se placer du point de vue du sentiment de la personne susceptible d'être manipulée pour appuyer l'échec de la manipulation, car le manipulé ignore le plus fréquemment sa manipulation lorsqu'elle est réussie, au contraire d'un manipulateur.
L'allié du manipulateur, c'est le secret ou l'incertitude, et il n'est pas étrange dans ce contexte, que le manipulé ait le sentiment que c'est plutôt son interlocuteur qui va dans son sens, la manipulation sachant qu'il n'y a rien de mieux que de dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre. En ce sens, retrouver un terrain commun dans un discours, ne garantit pas l'absence de manipulation.
La manipulation n'est donc pas cette fiction. Cela me rappelle un peu le sujet sur le libre-arbitre qui tendait à statuer sur une illusion de ce dernier. Si les personnes ne sont pas suffisamment bête pour se faire manipuler, c'est qu'elles ont la puissance suffisante et autonome pour y échapper, mais dans ce cas, il n'y a part ailleurs pas de raison que d'autres personnes n'ait pas une capacité de manipulation en tant que réussie. Il n'y a pas une illusion ou une puissance unilatérale.
J'ai un peu l'impression que tu considères les hommes arrivant aboutis, libres de toute influence. Penses-tu que la jeunesse coréenne élevée dans un certain discours, verra comme par magie à l'âge adulte ces influences balayées alors qu'aucun discours contraire ne viendra à cet âge, contredire le discours antérieur ?
Il y a donc bien un contexte à la possibilité de démocratie, non réductible au vote, si l'on entend celle-ci comme la possibilité d'un choix libre. Ce contexte n'est pas entier dans l'individu, c'est la possibilité d'avoir différents éclairages, ainsi que leur recherche.
Il y a donc bien des sociétés où la manipulation est plus présente et à plus d'influence que dans d'autres, et cela même en étant basées sur des processus électoraux. Dans qu'elles mesures ? C'est cela qui peut être sujet à discussion. De plus, ne faudrait-il pas considérer que là où la manipulation est plus dénoncée ou révélée, elle devient également peut-être plus sophistiquée.
Je réponds un peu en décalage à ta réponse ici : https://digression.forum-actif.net/t1112p240-la-politique-echappe-t-elle-a-l-exigence-de-verite#24622
D'abord tu dis que moi et certains partiraient du principe que les individus serait manipulés.
Tu fais également la distinction entre les tentatives de manipulation et leurs réussites.
Or, je dis simplement pour ma part que la manipulation existe, et que l'on ne peut pas dire au nom de l'idéal démocratique, que la manipulation n'existe pas ou qu'elle est inconséquente ; et « la manipulation existe » englobe les tentatives et leur réussites.
Tu le dis d'ailleurs, en citant des exemples, qu'elle ne réussit pas forcement, mais qu'elle réussit parfois. Nous sommes donc d'accord là-dessus.
Mais cela ne permet pas de dire en quoi elle échouerait plus souvent qu'elle ne réussirait, comme tu le laisses à penser.
Et puis, comme je l'avais déjà indiqué avant, il n'est pas judicieux de se placer du point de vue du sentiment de la personne susceptible d'être manipulée pour appuyer l'échec de la manipulation, car le manipulé ignore le plus fréquemment sa manipulation lorsqu'elle est réussie, au contraire d'un manipulateur.
L'allié du manipulateur, c'est le secret ou l'incertitude, et il n'est pas étrange dans ce contexte, que le manipulé ait le sentiment que c'est plutôt son interlocuteur qui va dans son sens, la manipulation sachant qu'il n'y a rien de mieux que de dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre. En ce sens, retrouver un terrain commun dans un discours, ne garantit pas l'absence de manipulation.
La manipulation n'est donc pas cette fiction. Cela me rappelle un peu le sujet sur le libre-arbitre qui tendait à statuer sur une illusion de ce dernier. Si les personnes ne sont pas suffisamment bête pour se faire manipuler, c'est qu'elles ont la puissance suffisante et autonome pour y échapper, mais dans ce cas, il n'y a part ailleurs pas de raison que d'autres personnes n'ait pas une capacité de manipulation en tant que réussie. Il n'y a pas une illusion ou une puissance unilatérale.
J'ai un peu l'impression que tu considères les hommes arrivant aboutis, libres de toute influence. Penses-tu que la jeunesse coréenne élevée dans un certain discours, verra comme par magie à l'âge adulte ces influences balayées alors qu'aucun discours contraire ne viendra à cet âge, contredire le discours antérieur ?
Il y a donc bien un contexte à la possibilité de démocratie, non réductible au vote, si l'on entend celle-ci comme la possibilité d'un choix libre. Ce contexte n'est pas entier dans l'individu, c'est la possibilité d'avoir différents éclairages, ainsi que leur recherche.
Il y a donc bien des sociétés où la manipulation est plus présente et à plus d'influence que dans d'autres, et cela même en étant basées sur des processus électoraux. Dans qu'elles mesures ? C'est cela qui peut être sujet à discussion. De plus, ne faudrait-il pas considérer que là où la manipulation est plus dénoncée ou révélée, elle devient également peut-être plus sophistiquée.
quid- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Ben voila, tout est dit.hks a écrit:Une prospective contre une autre. Des conservateurs traditionalistes et différentialistes d 'un côté, des progressistes de l'autre.
En fait, je crois que ce que je critique, c'est ce que je prends pour de la fainéantise intellectuelle. Cette manière de penser par cases, et de s'y accrocher coute que coute.
Le problème est que, moi, dans l'universalisme, je ne vois plus -si je l'ai jamais vu- le progrès. Je n'y vois qu'une prétention extraordinaire de l'Occident -disons, de ses Héraults- à se poser en modèle pour l'humanité. Je n'y vois qu'une forme de néo-colonialisme, le pendant culturel de la mondialisation économique.
C'est ca qui me frappe, parce que, par exemple, hks, je te lis, je sais que tu n'es pas un thuriféraire du capitalisme mondialisé. Mais comment ne vois-tu pas que ce capitalisme hégémonique ne peut se développer que sur et avec un substrat culturel spécifique -dont, en revanche, tu te fais le promoteur ?
Le pire est que tu développes implicitement le même discours que les économistes : "L'économie est "disembedded", il faut la considérer à part des autres déterminants socio-politico-culturels. Il y a l'économie d'un coté, la société de l'autre."
Mais c'est des c...nneries ! Et si, fut un temps on pouvait encore croire en ce genre de choses, la chouette a maintenant pris son envol et on voit bien, on constate bien, que la mondialisation économique signifie aussi une uniformisation socio-culturelle. L'un ne va manifestement pas sans l'autre.
Alors, après on peut trouver cela très bien, c'est autre chose. Et dans ce cas, on appellera sans doute ce mouvement un "progrès". Mais moi je comprends parfaitement ceux qui, en-dehors du monde occidental, là où ce modèle culturel est allogène, luttent contre son expansion. En fait : Pourquoi ne le feraient-ils pas ? Ils devraient s'agenouiller devant les valeurs libéralo-occidentales comme naguère leurs ancêtres devant le Dieu chrétien ?
Et bien sûr, pour répondre à tes autres questions, qu'il s'agit d'éthique. Ce qui se passe, c'est que je trouve que tu décides un peu vite que l'éthique, en somme, est de ton côté. Tu es bien certain que cette évolution, une fois tous les comptes faits, constitue un "progrès" ?
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Bergame- Persona
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
hks a écrit:à baptiste
Soeur ma soeur Anne ... je ne vois toujours rien venir ( de concret )
Désolé je n'ai pas encore le pouvoir de rendre la vue aux aveugles . La question a propos de Rawls, pour rester dans le sujet, devrait être posée ainsi, Rawls part d'une expérience de pensée, est-ce suffisant pour établir une vérité en politique?
Le concept de liberté comme absence d’interférence est inapte à prendre en compte la lutte contre la domination, c’est pour cela que depuis longtemps maintenant on voit fleurir des croisements « Justice et Liberté » « Libéral-socialisme », « Liberal-social »…
« un prince qui peut faire ce qu’il veut est un fou ; un peuple qui peut faire ce qu’il veut n’est pas sage » Machiavel, voila le plus simplement où se situe la tradition politique à laquelle j'adhère.
Dernière édition par baptiste le Mer 2 Sep 2015 - 7:26, édité 1 fois
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Réponse courte : Rawls ne se propose pas d'établir la vérité, mais des règles de justice. Nous sommes donc bien hors-sujet, en l'attente d'un biais pour éventuellement le retrouver.
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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