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La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?

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Message par euthyphron Lun 3 Aoû 2015 - 6:05

Mais il y a une chose que je ne comprends pas : pourquoi ne donnes-tu pas la référence précise? D'une part, cela donnerait la possibilité de voir le contexte. D'autre part, cela lèverait les ambiguïtés, car je ne vois pas ce que tu veux dire sur Arendt citant dans (?) Hobbes. Est-ce un commentaire qu'elle fait de Hobbes, ou bien une critique, ou bien s'en sert-elle pour traiter une question et si oui laquelle?
Et tu ne m'as toujours pas dit où (et à quel propos) Hannah Arendt aurait soutenu ce qui est a priori une énormité tant que du moins l'on n'en a pas l'explication, à savoir que toutes les grandes religions considèrent que le mensonge est un péché non mortel.

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Message par baptiste Mar 4 Aoû 2015 - 3:10

euthyphron a écrit:Mais il y a une chose que je ne comprends pas : pourquoi ne donnes-tu pas la référence précise? D'une part, cela donnerait la possibilité de voir le contexte. D'autre part, cela lèverait les ambiguïtés, car je ne vois pas ce que tu veux dire sur Arendt citant dans (?) Hobbes. Est-ce un commentaire qu'elle fait de Hobbes, ou bien une critique, ou bien s'en sert-elle pour traiter une question et si oui laquelle?
Et tu ne m'as toujours pas dit où (et à quel propos) Hannah Arendt aurait soutenu ce qui est a priori une énormité tant que du moins l'on n'en a pas l'explication, à savoir que toutes les grandes religions considèrent que le mensonge est un péché non mortel.
Parce que je n'ai pas ma bibliothèque avec moi pour donner la référence précise, mais c'est dans l'article  Vérité et politique qui n'est pas très long et il me revient maintenant qu'elle avait ajouté "à l'exception du zoroastrisme". Arendt distingue ce qui relève des libertés politiques de ce que nous nommons la liberté intérieure , elle distingue l'action pensée qui se démarque de l'action spontanée qui est simplement l'action de chacun pour préserver ses intérêts et cette conception de la "vérité" qui en découle. Je fais juste allusion aux conséquences quand aux théories politique d'une confusion de la  vérité en politique avec une conception des intérêts individuels.


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Message par euthyphron Mar 4 Aoû 2015 - 5:03

Je n'ai rien trouvé dans l'article en question, parcouru rapidement, qui soit conforme à ce que tu en dis. Donc, en l'absence de preuve, je continue à douter très fortement qu'Hannah Arendt ait dit ce que tu lui fais dire.
C'est que ce que tu lui fais dire ressemble fortement à une énormité. Connaissant le goût du paradoxe d'Hannah Arendt, il se peut qu'elle soutienne cette énormité en connaissance de cause, mais c'est dommage de ne pas en trouver la trace!
L'énormité est même double. D'une part il semble qu'il y ait une confusion entre péché mortel et péché grave, dont l'inconvénient est qu'elle revient à supprimer toute casuistique. En effet, un péché mortel n'est jamais excusable, un péché grave peut être jugé différemment selon l'intention ou les circonstances (d'où le besoin d'une casuistique). En gros, péché mortel = péché grave + pleine culpabilité. Je serais déçu que cette distinction ait échappé à Hannah Arendt.
D'autre part j'en reste à la vulgate qui fait de Machiavel un jalon essentiel de la déchristianisation de l'occident, via la désacralisation, laquelle passe par l'abandon de l'image du monarque pieux, juste et sincère. En résumé, pour les églises, le mensonge est une faute grave c'est pourquoi l'on doit a priori croire la parole du monarque, pour Machiavel le bon monarque ne dit pas la vérité c'est pourquoi les élites doivent ne pas être dupes.

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Message par baptiste Ven 7 Aoû 2015 - 2:48

euthyphron a écrit:Je n'ai rien trouvé dans l'article en question, parcouru rapidement, qui soit conforme à ce que tu en dis. Donc, en l'absence de preuve, je continue à douter très fortement qu'Hannah Arendt ait dit ce que tu lui fais dire.
C'est que ce que tu lui fais dire ressemble fortement à une énormité. Connaissant le goût du paradoxe d'Hannah Arendt, il se peut qu'elle soutienne cette énormité en connaissance de cause, mais c'est dommage de ne pas en trouver la trace!
Mes notes ne sont certainement pas les mieux organisées et cela peut avoir été noté ailleurs dans la Crise de la culture, à l’occasion je chercherai, elle parle dans ces articles beaucoup de Paul et Augustin et peu ou pas d'auteurs postérieurs, elle parle de la volonté, la liberté et la vérité mais pas spécialement du péché.
Mais si je ne m’abuse les Sept péchés capitaux, sont : l’égoïsme, la cruauté, la lâcheté, la mauvaise foi, la suffisance, le fanatisme, la veulerie, je ne vois pas dans cette liste le mensonge. On les dit capitaux non parce qu’ils seraient forcément les plus graves, mais parce qu’ils gouverneraient ou expliqueraient tous les autres. Ce sont les sources du mal et le mensonge n’en fait pas parti.
En ce qui concerne ma position par rapport au péché elle est simple, je pense avec Bunuel que c’est la connaissance du péché qui donne aux catholiques une capacité de jouissance exceptionnelle.

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Message par euthyphron Ven 7 Aoû 2015 - 3:48

Le mensonge n'est effectivement pas un péché capital puisqu'il est un acte, et non une disposition vicieuse. Il est, en tant qu'acte particulier, fruit d'un des péchés capitaux, le plus souvent de l'orgueil. Je ne sais pas d'où d'ailleurs tu tires ta liste (d'une officine déiste?), mais la liste officielle (postérieure à Thomas d'Aquin cependant) est la suivante : orgueil, avarice, paresse, luxure, gourmandise, envie, colère.
Il est donc bien clair que "capital" ne veut pas dire "gravissime" (ni a fortiori "mortel"), mais seulement, comme tu le dis, "à la source". Que le mensonge ne soit pas dans la liste découle de la cohérence de cette dernière, et n'implique aucune indulgence.
Et donc je maintiens que la tradition religieuse occidentale dans sa volonté de sacraliser le pouvoir rejette le mensonge politique, et que Machiavel introduit une rupture radicale sur ce point.

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Message par kercoz Ven 7 Aoû 2015 - 5:45

euthyphron a écrit:Le mensonge n'est effectivement pas un péché capital puisqu'il est un acte, et non une disposition vicieuse. Il est, en tant qu'acte particulier, fruit d'un des péchés capitaux,

Le fait de jurer sur la Bible de "dire la vérité" n'est pas une obligation. Elle a été refusée lors de son investiture par un président des zuniens.
Il y a en effet contradiction puisque la Bible interdit de jurer ( afin de ne pas etre en position de pouvoir se parjurer).

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Message par quid Sam 8 Aoû 2015 - 18:08

quid a écrit:Alors d'un côté il y aurait les politiques professionnels de la profession qui définissent entre eux leurs propres critères de compétence, et de l'autre les électeurs, qui chacun via le scrutin ont les leurs.

Alors comment sortir de cette indécidabilité de la compétence en politique, autrement que par une résolution sociologique, qui nous plonge dans le relativisme ?

On ne peut sans doute pas définir de manière définitive et absolue ce que seraient les compétences requises ou souhaitables de l'homme politique modèle, mais peut-on cependant trouver un terrain d'accord entre la classe politique d'une part et le reste de la population d'autre part ?
C'est à dire une définition de la compétence en politique, qui ne dépendrait pas d'un bord ou d'un autre.
euthyphron a écrit:Il n'y a pas besoin que la compétence soit décidable pour qu'elle soit réelle. Qui d'ailleurs aurait la compétence pour décider de qui est compétent? Nous sommes dans un cercle si nous posons la question en termes (technocratiques) de décidabilité.
La compétence est une qualité, qui comme les vertus selon Aristote, relève de l'habitude. L'homme compétent n'est pas celui qui a toujours raison ou fait toujours le bon choix, mais seulement celui qui est généralement de bon conseil dans sa partie.
Par conséquent, il me semble que si l'on s'accorde sur ce qu'est la politique (pas gagné) et sur ses fins, l'on se sera accordé sur ce qu'est la compétence en politique, cela ne me semble pas faire une question supplémentaire.
Je réponds un peu tardivement, mais je voulais clarifier cette notion d'indécidabilité.

Quand je dis « indécidable », c'est que constatant que différents bords ne sont pas forcément d'accord sur la compétence politique, il manque donc de critères de reconnaissance de cette compétence pour en décider au sens de la raison ou de la logique, et non pas au sens de la puissance.
Ce n'est donc pas affaire de décision par la puissance ou de la volonté, mais en terme d'accord raisonné. L'indécidabilité ne fait donc pas référence à une personne qui déciderait par sa volonté ou par sa compétence, mais à la raison ou la logique désincarnée ; au minimum un accord unanime sur la compétence politique, à défaut d'être basée sur des critères objectifs et démontrés. Il n'y a donc pas de circularité, sinon, à considéré que dire que la terre est ronde l'est également, car qui sera compétent pour valider ce que valident les scientifiques.
C'est donc le réel qui tranche. Or, dire que la compétence est réelle ne résout pas le problème,  car il faut alors pouvoir dire ce qu'elle est, sinon c'est comme si j'affirmais que Dieu est réel, et que cela suffisait pour établir sa réalité. Il faut donc en plus de laisser trancher le réel, dire en quoi consiste la réalité de cette compétence politique, sinon cela reste indécidable, car non caractérisé.
Cela passe bien entendu par la définition de la politique en tant que ce qu'elle est ou devrait être, et c'est bien là  mon interrogation, car à partir de cela seul ,on pourra juger de l'exigence de vérité en politique.

Car si la politique, c'est l'art de diriger par tous les moyens, l'exigence de vérité est alors contraire à cet art. Car parfois, voir tout le temps il faudra mentir, mais tout le temps, il faudra convaincre, que cela soit par le discours ou par l'intimidation.
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Message par Ataraxie Sam 8 Aoû 2015 - 20:14

Bergame a écrit:A toi comme à Ataraxie, je crois qu'il faut donc simplement répondre : Chers amis, vous considérez-vous comme faisant partie du "peuple", ou non ?
Si oui, alors je vous propose de réaliser une petite introspection et de vous demander si vous-mêmes êtes aussi aisément manipulables que vous le théorisez. Pensez-vous qu'un politicien pourrait vous amener à massacrer des innocents au nom de la souveraineté nationale ? Pensez-vous qu'il pourrait parvenir à vous faire prendre des vessies pour des lanternes ? Êtes-vous donc idiots ?
Si non, alors qu'est-ce qui pourrait expliquer le fait que vous soyez des êtres à part ? Comment pourrait-on expliquer que vous soyez hermétiques à la "démagogie", imperméables à la "transfiguration" du mal en bien qu'opèrent les "politicopathes", tandis que, faut-il comprendre, le grand nombre de vos concitoyens menace toujours d'en être victimes ?

Si je suis intervenu au sujet d’Hitler, ce n’est pas pour dire que la population est suffisamment bête pour voter pour des "massacres d’innocents" (ce sont tes mots pas les miens), mais pour te contredire sur le fait qu’il n’aurait pas été élu et que, de toute façon, aucun peuple n’aurait élu de dictateur. Je réitère donc mes propos : 1) il a bien été élu sur la base d’une idéologie connue du public (supériorité raciale des Allemands, anti-sémitisme, défense de la cause ouvrière, anti-capitalisme, etc.) ; 2) si en disant qu’aucun peuple n’a élu de dictateur tu veux dire qu’aucun peuple n’a élu un homme qui va l’oppresser, je suis d’accord mais en même temps c’est comme si tu voulais démontrer qu’on ne choisit pas celui qui dit « Je suis le mauvais choix ». Mais ça, c'est l'argument de l'épouvantail.

On ne peut pas convaincre quelqu’un ou un groupe de « massacrer des innocents ». C’est comme si on demandait aux gens de tuer quelqu’un pour rien. Ils ne comprendraient pas. Evidemment, les gens vont répondre non. Donc sur cette idée, je n’ai pas de problème à te répondre qu’on ne peut pas réussir à convaincre un peuple d’adhérer au projet de tuer des hommes qui n’ont rien fait, qui ne sont responsables d’aucun méfait. C’est dit, je n’y reviens pas. Je mets de côté l’endoctrinement islamiste par internet, qui réussit l’exploit de convaincre des gens de tuer des non-musulmans au hasard et par n’importe quel moyen. Même si ce genre de discours ne fait pas l’objet d’une élection démocratique, évidemment, il montre qu’une forte emprise idéologique perverse sur le jugement humain reste parfaitement possible sous certaines conditions.    

Ce que j’ai appelé transfigurer le bien en mal ne consiste pas à transformer « massacrer des innocents c’est mal » en « massacrer des innocents c’est bien » mais en « on ne massacre pas des innocents, on se défend contre une menace ». Qui pourrait nous le reprocher ? Dans un autre registre plus vraisemblable,  on ne restreint pas l’accès à l’emploi pour les étrangers en disant au peuple « vous avez le droit d’être xénophobes » mais « vous avez le droit d’être francophiles » (et donc de refuser un travail aux non-français). Mais, comme je l’ai dit, ce procédé ne peut fonctionner que si le contexte social s’y prête. Le discours qui gouverne les terroristes islamistes fonctionne selon le même procédé : on ne leur demande pas de « tuer des innocents » (ils ne le feraient pas) mais de « tuer des ennemis des Dieu ».

Je vais répondre à tes questions sur la manipulation mais je précise que cette idée de manipulation est hors-sujet par rapport à comment je vois les choses. Je vais donc répondre sans comprendre pourquoi je dois le faire.  

D’abord, je peux tout à fait être manipulé sur des questions politiques et sur d’autres. Il n’y aucune raison d’être sûr du contraire. Et, inversement, il y a probablement parmi le peuple beaucoup de gens bien moins manipulables et bien plus malins que moi. A aucun moment je n’ai caractérisé le peuple comme essentiellement crédule et stupide. J’ai même défendu ailleurs  le fait que le peuple a les qualités pour se gouverner lui-même mais que dans la démocratie électorale (surtout telle qu'elle se présente actuellement) il ne peut pas le faire. Et par ailleurs, je n’ai jamais dit que d’autres personnes parmi le peuple ne pouvaient pas réfléchir beaucoup mieux que moi.

Si je suis manipulable, cela ne vient pas du fait que je fais partie du peuple. Mon appartenance au peuple ne m’attribue aucune qualité ou défaut en particulier. Mon niveau d’intelligence ou de lucidité sur les questions politiques, comme celui de n’importe qui, participe à l’intelligence globale du peuple en matière politique. Elle ne s’en distingue pas. De même pour mon niveau de naïveté, ainsi que toutes mes autres faiblesses. Ce n’est pas parce que j’emploie mon intelligence pour réfléchir sur le peuple que tu peux en conclure que, par cette attitude, je m’exclue du peuple pour me trouver plus intelligent que lui. Et réciproquement, le fait de m’y inclure ne m’empêche en rien de critiquer les résultats électoraux et, surtout, le fonctionnement électoral.

Tu as l’air de tomber de ton siège quand tu me lis mais je te rappelle que ce n’est pas moi qui en mai 68 scandais « Elections, pièges à cons ! ». C’était des étudiants et des ouvriers dans la rue. Est-ce qu’il est venu à l’idée de quelqu’un de leur demander s’ils se sentaient plus intelligents que le reste du peuple ? Non, je ne crois pas. Ce n’est pas moi non plus qui aie fait rêver le monde pendant des mois avec des élections démocratiques en Tunisie, et quand finalement c’est un parti islamiste qui fut élu, aie dit « Ah mais non, moi je veux bien des élections mais je veux pas ce résultat ! ». Non, c’était une partie du peuple tunisien, largement soutenus par les médias et les institutions occidentaux, tous gaga des élections. Ces Tunisiens particulièrement mécontents du résultat, fondamentalement persuadés qu’on leur avait volé leur « révolution », ont-ils été considérés comme des perles d’intelligence au milieu d’insectes islamisés ? Non mais ce n'est pas le sujet. Le sujet qu'ils étaient la preuve vivante et parlante de la blague électorale : « On veut des élections mais pas ce résultat ». Ce n’est pas moi non plus qui m’extasie sur les vertus des élections pour ensuite tomber dans les pommes lorsque des partis anti-européens remportent les élections européennes. Parce qu’il faudrait quand même observer jusqu’au bout l’absurdité de cette situation : des députés européens détiennent leur pouvoir précisément de l’institution à laquelle ils ne reconnaissent aucune valeur. Comme si on avait dit : « Votez non aux élections européennes ! » et que cela avait marché. Alors si c’est le moment de la discussion où l’on doit faire beaucoup de mousse avec peu de savon, je veux bien qu’on parle de propos que je n’ai ni tenus ni sous-entendus sur ma supériorité intellectuelle sur le reste du peuple mais je préférerais quand même qu’on parle de ce genre d’événements où les élections finissent par chier sur la tête d'une grande partie de ceux qui les adorent.     

Si ça peut te faire plaisir, au lieu de dire « Le peuple », je dirai désormais « Nous ». Ca ne change rien pour moi. J'espère que tu es conscient que la naïveté, comme d’autres défauts, existent DÉJÀ chez « nous », que ce n’est ni la politique, ni les politiciens, ni le fait de former un peuple qui nous ont inoculés. Par conséquent,  dire « Il y a de la naïveté chez le peuple », c’est dire une vérité. Mais dire « Le peuple est intrinsèquement naïf » c’est faux, c'est une essentialisation qui ne peut correspondre à rien. Il faudrait encore s’interroger sur cette « naïveté ». Mais ce qui attire mon attention, ce ne sont pas ces platitudes sur les qualités et les défauts caractéristiques du peuple. C’est plutôt le fait que le politicien cherche à faire oublier ces défauts, à faire comme s’ils n’existaient pas, pour nous dire que nous, le peuple, ne sommes que bienveillance, honnêteté, courage, générosité, innocence, etc. A cela, je réponds simplement : non, nous ne suis pas que gentils, honnêtes, courageux, etc. Et ce n’est parce qu’on va s’adresser à nous comme à un peuple souverain que nous allons à ce point vertueux. D’un autre côté, je comprends que si le politicien nous dit tout cela, ce n’est pas parce que c’est vrai mais parce qu’il le doit s’il veut avoir une chance d’obtenir des voix. Le fait de dire au peuple qu’il n’est qu’un ensemble de vertus ne peut pas être choix. J’ai l’impression qu'on a organisé un système où nous sommes traités comme des clients par des entrepreneurs de la politique. Et j’ai l’impression que ce rôle est assigné sans qu’il soit possible d’en sortir. Mais je le redis : je ne pense pas du tout être le seul, parmi le peuple, à le penser ou à m’en rendre compte. Certainement qu’il y a même des gens qui le comprennent bien mieux que moi et qui vont quand même voter sans être dupes.  

Enfin, je voudrais faire observer un point qui est un comble pour ta question sur la manipulation. Les politiciens que nous élisons passent pas mal de temps à nous affirmer que nous serions manipulés, trompés par le système, les élites ou simplement par le parti adverse. Je pourrais d’ailleurs citer le bréviaire complotiste de Marine Le Pen nous expliquant comment nous nous sommes fait avoir par le système pendant 40 ans. Je pourrais aussi citer des verbatim par paquets de l’ex-UMP nous expliquant comment François Hollande nous a bernés. Et réciproquement. Et ce discours de manipulation du peuple, vois-tu, il est en plein cœur de la démocratie électorale que tu défends, il l’alimente et contribue à entretenir le dynamisme de ses débats. Tu pourrais donc aussi bien te pencher sur cet argument de la manipulation du peuple inlassablement utilisé par les politiciens car eux, encore plus que moi, semblent dire qu’eux seuls se sont rendus compte de cette manipulation et qu’ils nous conduisent vers la vérité, comme si  nous, le peuple, étions bêtes et naïfs de croire ce qu’on nous dit. Ce que tu me reproches est précisément un élément stable du discours électoral visant à obtenir nos voix.  Mais naturellement tu peux aussi ne pas en tenir compte et faire semblant de découvrir ce scandale dans mes propos.



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En annexe de cette discussion, et sans que cela ne s'adresse à toi en particulier, je voudrais citer des extraits de l’un des livres les plus bouleversants que j’ai lus. Un livre assez connu d'ailleurs qui s’appelle « LTI, la langue du IIIe Reich ». C'est un carnet intime tenu par un professeur de philologie  juif-allemand, Viktor Klemperer, victime des exactions commises envers les juifs pendant le régime nazi. Dans ce livre, VK recense tant bien que mal, les différentes défigurations de la langue allemande qu'il observe au quotidien durant la période du Troisième Reich et tentent, en philologue, de repérer les indices d'une infiltration de cette idéologie dans le langage ordinaire.

Chapitre 3 : « Qualité foncière : pauvreté » [il parle de de la qualité de la langue]
J’ai étudié, au gré de mes possibilités de lecture – maintes fois, j’ai comparé mes lectures à un voyage dans un ballon qui doit s’en remettre à n’importe quel vent et renoncer à une véritable direction –, tantôt Le Mythe du XXe siècle, tantôt un Almanach de poche pour le négociant de détail, j’ai fouillé tantôt dans une revue juridique, tantôt dans une revue pharmaceutique, j’ai lu certains des romans et des poèmes qu’on avait le droit de publier en ces années-là, j’ai entendu, en balayant les rues et dans la salle des machines, parler les ouvriers : qu’il s’agît d’une chose imprimée ou dite, dans la bouche de personnes cultivées ou incultes, c’était toujours le même cliché et la même tonalité. Et même chez ceux qui étaient les victimes les plus persécutées et, par nécessité, les ennemis mortels du national-socialisme, même chez les Juifs, régnait partout – dans leurs conversations et leurs lettres, tout comme dans leurs livres tant qu’on permettait encore de publier –, toute-puissante autant que pauvre, et toute-puissante justement de par sa pauvreté, la LTI [Lingua Tertii Imperii].
(…)
Jamais traité d’imposture cléricale – au lieu d’ « imposture cléricale », la LTI dit « propagande » – n’aura été écrit avec une franchise aussi impudente que le Mein Kampf de Hitler. Comment ce livre a-t-il pu être diffusé dans l’opinion publique, et comment, malgré cela, a-t-on pu en arriver au règne de Hitler, aux douze années de ce règne, alors que la bible du national-socialisme circulait déjà des années avant la prise de pouvoir : cela restera toujours pour moi le plus grand mystère du Troisième Reich.

Chapitre 5 : « Extraits du journal de la première année »
21 mars 1933. (…) Le tableau d’affichage de notre université se couvre d’un grand placard (il doit y avoir le même dans toutes les autres universités allemandes) sur lequel on peut lire : « Quand le Juif écrit en allemand, il ment » ; il devrait être forcé à l’avenir de désigner les livres qu’il édite en langue allemande comme des « traductions de l’hébreu ».
(…)
27 mars. (…) Les Juifs de l’étranger, en particulier les Juifs français, anglais et américains, sont appelés aujourd’hui à tout bout de champ les « Juifs mondiaux » [Weltjuden]. Tout aussi fréquemment est utilisée l’expression « judaïsme international » [internationales Judentum] dont « Juifs mondiaux » et « judaïsme mondial » [Weltjudentum] doivent être la germanisation. Mais c’est une germanisation suspecte : dans et de par le monde, les Juifs ne se trouvent donc plus qu’à l’extérieur de l’Allemagne ? Et où se trouvent-ils à l’intérieur de l’Allemagne ? – Les « Juifs mondiaux » font de la « propagande  en diffusant des atrocités » [Greuelpropaganda] et répandent des « atrocités inventées » [Greuelmärchen], et quand nous, ici, nous racontons le moins du monde ce qui se passe quotidiennement, c’est nous qui faisons de la « Greuelpropaganda » et sommes punis pour cela.
(…)
10 avril. Avec vingt-cinq pour cent de sang non aryen, on est « étranger à l’espèce » [artfremd]. « En cas de doute c’est l’expert en science raciale qui tranche. » C’est la limpieza de la sangre comme dans l’Espagne du XVIe siècle. Mais, à l’époque, il s’agissait de croyance tandis qu’aujourd’hui, c’est de la zoologie plus du commerce.
(…)
20 avril. Encore une nouvelle occasion de fête, une nouvelle fête du peuple : l’anniversaire d’Hitler. Le mot « peuple » [Volk] est employé dans les discours et les écrits aussi souvent que le sel à table, on saupoudre tout d’une pincée de peuple : « fête du peuple » [Volksfest], « camarade du peuple » [Volksgenosse], « communauté du peuple » [Volksgemeinschaft], « proche du peuple » [volksnah], « étranger au peuple » [volksfremd], « issu du peuple » [volksentstammt]…
(…)
25 août. (…) Il avait été convenu avec Quelle&Meyer que mon essai « La France vue par les Allemands » paraîtrait tout d’abord dans la Revue mensuelle de philologie moderne, dirigé par le recteur ou professeur Hübner, pédagogue fort brave et modéré. Il y a quelques semaines, il m’a écrit une lettre dans laquelle il me demandait d’un ton affligé si je ne voulais pas renoncer, au moins jusqu’à nouvel ordre, à la publication de mon étude ; il y aurait des « cellules d’entreprise » [Betriebszellen] (terme étonnant, qui couple le mécanique et l’organique – ah cette nouvelle langue !) dans la maison d’édition, et l’on voudrait bien quand même conserver cette revue spécialisée, et les dirigeants politiques seraient fort éloignés du véritable intérêt de la profession… Là-dessus je me tournai vers les éditions Dietstersweg pour lesquelles mon travail, très rigoureux et solidement documenté, aurait dû être une véritable aubaine. Refus immédiat ; on me servit comme motif que mon étude était « purement rétrograde » et qu’elle souffrait de l’  « absence de points de vue racistes [völkisch] ».
(…)
28 août. Je ne dois surtout pas perdre courage, le peuple ne sera pas longtemps de leur côté. On dit que Hitler s’est appuyé en particulier sur la petite bourgeoisie, et c’était manifestement le cas, en effet.
(…)
9 novembre. Aujourd’hui, j’ai eu, en tout pour tout, deux participants à mon séminaire sur Corneille : Lore Isakowitz, qui a la carte jaune des Juifs ; l’étudiant Hirschowicz, non aryen, de père turc, qui a la carte bleue des apatrides – les authentiques étudiants allemands, eux, ont des cartes brunes. (…) Pourquoi ai-je si peu d’auditeurs que c’en est effrayant ? Le français n’est plus une option en faveur auprès des futurs enseignants ; il passe pour anti-patriotique, et que dire alors d’une littérature française présentée par un Juif ! Il faut presque du courage pour assister à mes cours. Mais à cela s’ajoute qu’à présent tous les cours sont faiblement fréquentés : les étudiants sont trop pris par le « sport militaire » et une douzaine d’autres manifestations analogues. Et enfin : ces jours-ci, justement, ils doivent tous sans exception, et presque sans relâche, contribuer à la propagande électorale, participer à des défilés, à des meetings, etc.
(…)
Il s’est passé dimanche une scène horrible avec les K., que nous avions dû inviter à prendre un café chez nous. « Dû », car le snobisme de Mme K. qui, dénuée de tout sens critique, se fait l’écho de toute opinion émise ou entendue en dernier, nous porte sur les nerfs depuis longtemps déjà ; mais M. K., bien qu’il aime jouer le rôle du sage Nathan, m’a toujours paru passablement raisonnable. Donc, dimanche dernier, il déclara qu’il s’était décidé, « le cœur gros », exactement comme à l’Association centrale des citoyens juifs, à voter oui au plébiscite, et sa femme ajouta que le système de Weimar s’était révélé impossible et qu’il fallait se placer « au niveau des réalités ». Je perdis le contrôle, frappai du poing sur la table, de sorte que les tasses s’entrechoquèrent, et, en criant, demandai à cet homme s’il tenait oui ou non la politique de ce gouvernement pour criminelle. Très digne, il répondit que je n’étais pas habilité à poser cette question et me demanda à son tour, plein de mépris, pourquoi donc je restais en fonction. Je lui dis que je n’avais pas été engagé par le gouvernement d’Hitler, que ce n’était pas lui que je servais et j’espérais bien lui survivre. Mme K. insista encore, qu’on devait quand même reconnaître que le Fuhrer – elle disait vraiment « le Fuhrer » - était une personnalité géniale dont on ne pouvait contester la prodigieuse efficacité, et à laquelle on ne pouvait se soustraire… Aujourd’hui, j’aimerais presque m’excuser auprès des K. pour l’excès de mon emportement. Entre-temps, j’ai entendu toutes sortes de personnes juives de notre cercle proférer des opinions tout à fait semblables.
(…)
10 novembre. Le summum de la propagande, je l’ai entendu aujourd’hui à midi au poste de radio de Dember (notre physicien juif, mis à pied, qui est en train de négocier pour une chaire de professeur en Turquie) (…). Pendant de longues minutes : le vacarme assourdissant de l’usine, les martèlements, cliquetis, ronflements, sifflements, grincements. Puis la sirène et le chant et, finalement, le bruit des rouages se taisent peu à peu. Puis, surgi du silence, avec la voix profonde de Goebbels, le récit du messager. Et, à ce moment-là seulement : Hitler, LUI, pendant trois quarts d’heure. C’était la première fois que j’entendais un discours de lui en entier et mon impression était, pour l’essentiel, le même qu’auparavant. La plupart du temps, une voix surexcitée, forcée et souvent éraillée. Mais, cette fois-ci, de nombreux messages étaient dits sur le ton larmoyant d’un prédicateur sectaire. LUI prêche pour la paix. LUI fait l’éloge de la paix, LUI veut le oui de l’Allemagne, non par ambition personnelle mais uniquement pour pouvoir protéger la paix des attaques d’une internationale d’affairistes, des gens sans racines qui, au nom de leur profit, jettent sans scrupule des peuples comptant des millions d’hommes les uns contre les autres…

Chapitre 6 : « Les trois premiers mots nazis »
VK rapporte une discussion avec un jeune garçon que lui et sa femme ont accueilli et élevé chez eux.
Puis le national-socialisme s’infiltra en Saxe. Je remarquai les premiers signes de changement dans l’état d’esprit de T. Je lui demandai comment il pouvait sympathiser avec ces gens-là.
« Mais ils veulent la même chose que les socialistes, dit-il, ils sont eux aussi un parti ouvrier.
-Mais tu ne vois donc pas qu’ils veulent la guerre ?
-Une guerre de libération, tout au plus, qui profitera forcément à l’ensemble de la communauté du peuple et donc aussi aux ouvriers et aux petites gens… »
Je commençai à douter de l’acuité et de la force de son intelligence. Je tentai de le désarçonner en abordant le sujet d’un autre point de vue :
« Tu as vécu des années dans ma maison et tu connais parfaitement ma manière de penser. Souvent, tu disais même que tu avais appris certaines choses de nous et que, dans tes appréciations morales, tu étais en accord avec nous. Comment après tout cela, peux-tu rallier un parti qui, en raison de mon ascendance, me dénie ma germanité et mon humanité ?
-Tu prends cela trop au sérieux, Babba. (Le dialecte saxon était censé mettre une note de légère dans la phrase et même dans la discussion.) Ce raffut autour des Juifs n’est là qu’à des fins de propagande. Tu verras, dés que Hitler sera aux commandes, il aura autre chose à faire qu’à invectiver les Juifs… »
Pourtant, le raffut fit son effet, et même sur notre fils adoptif.
(…)
Puis, au bout d’un certain, au cours duquel nous ne nous étions pas vus, il nous téléphona pour nous inviter à dîner – c’était peu après l’arrivée d’Hitler au gouvernement.
« Comment ça va à l’usine ? lui demandai-je.
-Très bien ! répondit-il. Hier, c’était un très grand jour. Quelques communistes culottés s’étaient incrustés à Okrilla, alors nous avons organisé une expédition punitive [Strafexpedition].
-Vous avez fait quoi ?
-Eh bien, on les a fait passer par les verges, c'est-à-dire par nos matraques en caoutchouc, avec un peu de ricin, rien de sanglant, mais très efficace tout de même, une expédition punitive quoi. »
« Expédition punitive » est le premier mot que j’ai ressenti comme spécifiquement nazi, c’est le tout premier de ma LTI et le tout dernier que j’ai entendu de la bouche de T. ; je raccrochai sans même prendre la peine de refuser son invitation.
Tout ce que je pouvais imaginer d’arrogance brutale et de mépris envers ce qui est étranger à soi se trouvait condensé dans ce mot « expédition punitive » (…)

Chapitre 9 : « Fanatique »
Jamais avant le Troisième Reich, il ne serait venu à l’esprit de personne d’employer « fanatique » avec une valeur positive. Et le sens négatif est si indissolublement attaché à ce mot que la LTI elle-même l’emploie parfois négativement. Hitler parle avec dédain, dans Mein Kampf, des « fanatiques de l’objectivité ». (…)
J’appelle cela une rechute comique ; car, le national-socialisme étant fondé sur le fanatisme et pratiquant par tous les moyens l’éducation au fanatisme, « fanatique » a été durant toute l’ère du Troisième Reich un adjectif  marquant, au superlatif, une reconnaissance officielle. Il signifie une surenchère par rapport aux concepts de témérité, de dévouement et d’opiniâtreté, ou, plus exactement, une énonciation globale qui amalgame toutes ces vertus. Toute connotation péjorative, même la plus discrète a disparu dans l’usage courant que la LTI fait de ce mot. Les jours de cérémonie, lors de l’anniversaire d’Hitler par exemple ou le jour anniversaire de la prise de pouvoir, il n’y avait pas un article de journal, pas un message de félicitations, pas un appel à quelque partie de la troupe ou quelque organisation, qui ne comprît un « éloge fanatique » ou une « profession de foi fanatique » et qui ne témoignait d’une « foi fanatique » en la pérennité [ewige Dauer] du Reich hitlérien. Et pendant la guerre plus que jamais, voire quand les défaites furent impossibles à maquiller ! Plus la situation s’assombrissait, plus la « foi fanatique dans la victoire finale », dans le Fuhrer, ou la confiance dans le fanatisme du peuple comme dans une vertu  fondamentale des Allemands étaient exprimées souvent. Dans la pression quotidienne, le mot fut employé sans plus de limites à la suite de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler : on rencontre ce mot dans pratiquement chacun des innombrables serments de fidélité envers le Fuhrer.
Cette fréquence du mot dans le champ politique allait de pair avec son emploi dans d’autres domaines, chez des nouvellistes et dans la conversation quotidienne. Là où, autrefois, on aurait dit ou écrit par exemple « passionnément » on trouvait à présent « fanatiquement ».
   

Chapitre 16 : « En une seule journée de travail »
Le poison est partout. Il traîne dans cette eau qu’est la LTI, personne n’est épargné.
A l’usine d’enveloppes et de pochettes en papier  Thiemig & Mobius, l’ambiance n’était pas particulièrement  nazie. Le chef appartenait à la SS mais il faisait tout son possible pour ses Juifs, il leur parlait poliment, parfois il leur faisait passer quelque chose de la cantine. Je ne sais vraiment pas ce qui me confortait le plus ou le plus longtemps : était-ce quand il y avait un petit bout de saucisson cheval ou quand on me donnait du « monsieur Klemperer », voire du « monsieur le professeur » ? Les ouvriers aryens parmi lesquels nous, porteurs d’étoile, étions dispersés – la mise à l’écart n’était effective qu’au moment des repas et de la garde ; pendant le travail, l’interdiction de parler avec nous devait se substituer à l’isolement, mais personne ne s’y tenait – étaient encore moins nazis ; du moins ne l’étaient-ils plus pendant l’hiver 1943-1944. On craignait le délégué du personnel ainsi que deux ou trois femmes qu’on croyait capables de délation, on se donnait des coups de coude ou l’on s’avertissait par des regards quand paraissaient une de ces personnes suspectes ; mais à peine étaient-elles hors de vue que régnait à nouveau une franche camaraderie.
La plus sympathique de tous, c’était Frieda la bossue qui m’avait formé et continuait à me venir en aide lorsque j’étais en difficulté avec ma machine à enveloppes. Cela faisait plus trente ans qu’elle était au service de l’entreprise et personne, pas même le délégué du personnel, ne pouvait l’empêcher de me crier un mot gentil dans le vacarme de la salle des machines : « Ne faites pas l’important ! Je n’ai pas parlé avec lui, je lui ai donné une consigne pour la gommeuse ! » Frieda savait que ma femme était malade et alitée. Un matin, je trouvai une grosse pomme au beau milieu de ma machine. Je levai les yeux vers le poste de Frieda et elle me fit un signe de la tête. Un instant plus tard, elle se tenait à côté de moi : « Pour la petite mère, avec toutes mes amitiés. » Puis, d’un air curieux et étonné, elle ajouta : « Albert dit que votre femme est allemande. Est-elle vraiment allemande ? »
La joie que m’avait causée la pomme s’envola aussitôt. Dans cette âme candide qui ressentait les choses de manière absolument pas nazie mais, au contraire, très humaine, s’était insinuée l’élément fondamental du poison nazi : elle identifiait « Allemand » avec le concept magique d’ « Aryen » ; il lui semblait à peine croyable qu’une Allemande fût mariée avec moi, l’étranger, la créature appartenant à une autre branche du règne animal ; elle avait trop souvent entendu et répété des expressions comme « étranger à l’espèce », « de sang allemand », « racialement inférieur », « nordique » et « souillure raciale » : sans doute n’associait-elle a tout cela aucun concept précis – mais son sentiment ne pouvait appréhender que ma femme pût être allemande.
[Après avoir rapporté plusieurs échanges de ce genre avec d’autres collègues, il conclut ce chapitre par :]
Aucun d’entre eux n’était nazi, mais ils étaient tous intoxiqués.


Chapitre 18 : « Je crois en lui »
Dans cet extrait, il parle d'une jeune femme qui travaillait comme assistante auprès d’un de ses collègues universitaires :
Elle venait d'une famille d'officiers de vieille noblesse, son père était mort général en retraite, et son frère était revenu commandant de la Première Guerre mondiale, à la suite de quoi il avait trouvé un poste de confiance et de représentation dans une grande entreprise juive. Si, avant 1933, on m'avait interrogé sur la position politique de Paula von B., j'aurais probablement répondu : allemande de toute évidence, européenne et libérale avec la même évidence, malgré quelques réminiscences nostalgique de la glorieuse époque impériale. Mais, avec une probabilité plus grande encore, j'aurais répondu que la politique n'existait absolument pas pour elle, qu'elle était entièrement pour elle, qu'elle était entièrement absorbée par les choses de l'esprit et que les exigences réelles de son poste à l'université la préservaient du danger de se perdre dans le pur bel esprit ou peut-être dans de pures chimères.
Puis vint 1933. Paula von B. devait venir chercher un livre dans mon séminaire. Elle qui avait toujours l'air sérieux s'approcha de moi la mine réjouie et la démarche pleine d'entrain, comme une adolescente.
« Mais vous rayonnez ! Est-ce qu'un bonheur particulier vous est arrivé ?
-Particulier ! En ai-je encore besoin ? ... J'ai rajeuni de dix ans, non, de dix-neuf : je ne me suis plus senti ainsi depuis 1914 !
-Et c'est à moi que vous dites cela ? Et vous pouvez dire cela alors que vous devez pourtant voir, lire et entendre comment des gens sont déshonorés, qui jusqu'ici étaient proches de vous, comment l'on juge des œuvres que jusqu'ici vous appréciiez, comment l'on répudie toutes les choses de l'esprit que jusqu'ici vous..."
Elle m'interrompit, un peu troublée et très aimable :
-Cher professeur, je ne m'attendais pas à cette irritabilité excessive de vos nerfs. Vous devriez prendre quelques semaines de congé et ne pas lire de journaux. En ce moment, vous vous laissez offenser et votre regard est détourné de l'essentiel par de petites incommodités et de petites imperfections qui cependant sont inévitables dans de si grands bouleversements. Dans peu de temps, vous porterez un tout autre jugement. Vous me permettez de vous rendre visite bientôt à tous les deux  [VK et sa femme "aryenne"], n'est-ce pas ? » (...)
Le « peu de temps » se mua en plusieurs mois au cours desquels la perfidie généralisée du nouveau régime et sa brutalité particulière envers « l'intelligence juive » se firent jour de plus en plus ouvertement. L'ingénuité de Paula von B. devait tout de même être ébranlée. A l'université, nous ne nous voyions pas - je ne sais si elle faisait exprès de m'éviter.
Jusqu'au jour où, tout de même, elle vint chez nous. Elle sentait qu'il était de son devoir d'Allemande de ne pas désavouer ses amis et elle espérait pouvoir encore se considère comme la nôtre.
« "Devoir d'allemande", vous n'auriez pas dit cela avant, lui dis-je. Quel rapport entre le fait d'être allemand ou pas, et des choses très privées et universellement humains ? Ou bien voulez-vous discuter politique avec nous ?
-Le fait d'être allemand ou pas, cela a un rapport avec tout, cela seul est l'essentiel, et voyez-vous, c'est ce que j'ai appris, c'est ce que nous avons tous appris ou réappris du Fuhrer après que nous l'avions oublié. Il nous a ramenés chez nous !
-Et pourquoi nous racontez-vous cela ?
-Vous devez le reconnaître aussi, vous devez comprendre que j'appartiens tout entière au Fuhrer, mais vous ne devez pas croire que je renonce pour autant à mes sentiments d'amitié pour vous...
-Et comment ces deux sentiments doivent-ils se concilier ? Et que dit votre Fuhrer de votre professeur tant admiré, de Walzel, votre ancien patron ? Et comment concilier cela avec ce que vous trouvez d'humanité chez Lessing et chez tous les autres, au sujet desquels vous demandiez aux étudiants de rédiger des dissertations ? Et comment... mais à quoi bon poser encore des questions."
En effet, elle ne faisait que secouer la tête à chacune de mes phrases et avait les larmes aux yeux. "Non, cela semble vraiment inutile, car tout ce que vous me demandez émane de la raison, et les sentiments qui se cachent derrière ne sont qu'aigreur pour des choses qui ne sont pas essentielles.
-Et d'où mes questions devraient-elles venir sinon de la raison ? Et qu'est-ce que l'essentiel ?
-Mais je vous l'ai déjà dit : c'est que nous soyons arrivés chez nous, chez nous ! Et cela, vous devez le sentir, et vous devez vous abandonner à ce sentiment, et vous devez toujours garder à l'esprit la grandeur du Fuhrer et non les inconvénients que vous-même subissez en ce moment... Et nos classiques ? Je ne crois pas du tout qu'ils le contredisent, il faut simplement les lire correctement, Herder par exemple - et quand bien même -, ils se seraient certainement laissé convaincre !
-Et d'où tenez-vous cette certitude ?
-D'où vient toute certitude : de la foi. Et si cela ne vous dit rien, alors, oui, alors notre Fuhrer a raison de s'en prendre aux... (elle réussit à ravaler "Juifs" et poursuivit)... à l'intelligence stérile. Car je crois en lui, et je devais vous dire que je crois en lui.
-Dans ce cas, Fraulein von B., la seule chose à faire, c'est de remettre notre conversation sur la foi et notre amitié à une date indéterminée... »
[La suite du chapitre recense comment le discours nazisme a imité le discours religieux :]
Bien sûr, le premier Noël après l’annexion, le « Noël grand-allemand de 1938 », est complètement déchristianisé par la presse : c’est, du début à la fin, la « fête de l’âme allemande » qu’on célèbre, la « résurrection de l’empire grand-allemand » et, ainsi, la renaissance de la lumière grâce à laquelle le regard s’oriente vers la roue solaire et la croix gammée , tandis que Juif Jésus reste tout à fait en dehors du jeu. (…)
Cependant,  le mot « éternel » joue un rôle tout à fait spécial. Il fait partie de ces mots du lexique de la LTI dont la résonnance nazie ne repose que sur la fréquence sans scrupule de leur emploi : beaucoup trop de choses dans la LTI sont « historiques », « uniques », éternelles ». On pourrait considérer « éternel » comme l’ultime barreau sur la longue échelle des superlatifs numériques nazis, mais, sur ce dernier barreau, le ciel est atteint. « Eternel » est l’attribut du Divin uniquement ; ce que je nomme éternel, je l’élève dans la sphère du religieux. « Nous avons trouvé le chemin de l’éternité » dit Ley [chef du Front du travail allemand], lors de l’inauguration d’une école hitlérienne au début de l’année 1938. Lors des examens de fin d’apprentissage, il n’est pas rare de tomber sur une question piège. Il est demandé : « Qu’est-ce qui vient après le Troisième Reich ? » Si un élève naïf ou dupe répond : « Le quatrième », on le colle impitoyablement (même s’il possède de bonnes connaissances techniques), sous prétexte qu’il n’est qu’un médiocre disciple du Parti. La bonne réponse doit être « Rien ne vient après, le Troisième Reich est le Reich éternel des Allemands. »
(…)
D’une profusion d’exemples de déification, je ne retiens qu’un tout petit nombre. En juin 1934, lors d’un discours devant la mairie de Berlin, Goring dit : « Nous tous, du plus simple des SA jusqu’au ministre-président, sommes de et par Adolf Hitler. » Dans les manifestes de la campagne électorale de 1938 visant à ratifier l’Anschluss et à approuver la Grande-Allemagne, on peut lire que Hitler est « l’instrument de la Providence », et ensuite, dans le style Ancien Testament : « Que soit flétrie la main qui écrit "non". » Baldur von Schirach [chef des organisations de la Jeunesse hitlérienne] fait de Braunau, ville natale du Fuhrer, le « lieu de pèlerinage de la jeunesse allemande ». Baldur von Schirach publie aussi Le Chant des fidèles, « vers anonymes de la jeunesse hitlérienne autrichienne pendant les années de la persécution 1933-1937 ». On peut y lire : « … Il y en a tant qui ne t’ont jamais rencontré et pour lesquels tu es quand même le Sauveur. » (…)
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Message par Bergame Dim 9 Aoû 2015 - 9:58

Bon, première chose, je trouve totalement inconsidéré ces références systématiques à Hitler et au nazisme aussitôt qu'on parle de la démocratie. Je pense qu'on gagnerait à envisager les choses de manière un petit peu plus équilibrée et, autant que possible, sereine. Il est absolument déraisonnable d'esquisser un lien entre la démocratie, fut-elle "électorale", et le nazisme. Et critiquer la démocratie "électorale" au nom de la méfiance envers Hitler est inconséquent -à mon sens. Il est certain que le nazisme, et en particulier la Shoah -puisque, au fond, c'est de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ?- fut un évènement majeur dans l'histoire de l'humanité. Mais en faire l'alpha et l'oméga de l'analyse politique est... déraisonnable, vraiment.

Sur le reste :

Ataraxie a écrit:Ce que j’ai appelé transfigurer le bien en mal ne consiste pas à transformer « massacrer des innocents c’est mal » en « massacrer des innocents c’est bien » mais en « on ne massacre pas des innocents, on se défend contre une menace ». Qui pourrait nous le reprocher ?
C'est effectivement la question puisque tu sembles avoir là quelque chose à reprocher. Autrement, quelle est exactement ta critique ?
De deux choses l'une : Ou menace il y a, ou non. Se défendre contre une menace ne me semble pas incompréhensible, encore moins "mal".

on ne restreint pas l’accès à l’emploi pour les étrangers en disant au peuple « vous avez le droit d’être xénophobes » mais « vous avez le droit d’être francophiles » (et donc de refuser un travail aux non-français). Mais, comme je l’ai dit, ce procédé ne peut fonctionner que si le contexte social s’y prête.
Donc, supposons que le contexte social s'y prête : Est-ce alors un discours entendable, discutable, ou est-ce "mal" ?

Tunisiens particulièrement mécontents du résultat, fondamentalement persuadés qu’on leur avait volé leur « révolution », ont-ils été considérés comme des perles d’intelligence au milieu d’insectes islamisés ? Non mais ce n'est pas le sujet.
Je ne peux pas parler pour Mai 68, je n'y étais pas, en revanche je connais un peu mieux la Tunisie. D'abord, mon sentiment est plutôt -et je l'ai déjà exprimé- que la laïcité est davantage répandue dans les catégories bourgeoises qu'au sein des milieux populaires, dans les pays d'Afrique du Nord. Du reste, c'est bien ce que disent eux-mêmes les individus aisés en Tunisie, qui -selon ma propre petite expérience- ont tendance à expliquer l'influence d'Ennahda par la crédulité et l'ignorance du peuple. Mais au final, les islamistes ont pour l'instant été démocratiquement écartés du pouvoir -en Tunisie.

Ton propos général est de dire, en somme, qu'une élection fait des gagnants et des perdants. Et que les perdants, souvent, ne sont pas contents du résultat. C'est bien clair. Mais : et alors ?
La seule question qui vaut, c'est : Au nom de quoi faudrait-il contester le résultat d'une élection ? Au nom des valeurs des perdants ? Pourquoi ?

Bref, ne reprenons pas tout. Disons que, d'une manière générale, je suis surtout inquiet des discours qui mettent en cause, non seulement des dirigeants politiques démocratiquement élus mais le principe même de l'élection, et par conséquent l'Etat, aussi longtemps qu'il est démocratique. Mon propos est simple : Au moins, les dirigeants politiques, nous les choisissons -encore. Rassure-toi, toi qui vomis les élections, nous sommes en train, petit à petit, de sortir de l'ère démocratique, et d'entrer dans un monde où nous allons avoir de moins en moins de droit de regard, et sur nos dirigeants, et sur les décisions contraignantes qui impacteront notre vie quotidienne. Toi, comme d'autres, hélas, me semblez avoir les yeux tellement fixés sur le totalitarisme toujours menaçant, le fascisme toujours en germes, le Léviathan politique, le manipulateur des masses qui ne vise qu'à se faire élire et réélire, que vous ne voyez tout simplement pas que ce qui menace notre liberté, aujourd'hui, n'arrive pas de ce côté-là. Et même, au contraire, en affaiblissant toujours un peu plus le soutien à la seule puissance qui pourrait s'y opposer, l'Etat démocratique, vous nous préparez -à tous, hélas- des lendemains... qui chantent.

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Message par baptiste Lun 10 Aoû 2015 - 2:29

Le problème c'est que tu confondes l'église avec le bâtiment au milieu du village et que tu prétendes soutenir que cette confusion est la seule position rationnelle possible. Qui a nié qu'en démocratie le recours au processus électoral était fondamental?

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Message par Courtial Mer 12 Aoû 2015 - 21:30

Bergame a écrit:D'abord, mon sentiment est plutôt -et je l'ai déjà exprimé- que la laïcité est davantage répandue dans les catégories bourgeoises qu'au sein des milieux populaires, dans les pays d'Afrique du Nord. Du reste, c'est bien ce que disent eux-mêmes les individus aisés en Tunisie, qui -selon ma propre petite expérience- ont tendance à expliquer l'influence d'Ennahda par la crédulité et l'ignorance du peuple. Mais au final, les islamistes ont pour l'instant été démocratiquement écartés du pouvoir -en Tunisie.

Bourgeoisie, oui, mais aussi beaucoup alphabétisation ("capital culturel" ?). Emmanuel Todd avait d'ailleurs pronostiqué que c'est par la Tunisie que les changements arriveraient, il était intenable selon lui qu'un pays avec un tel taux d'alphabétisation (comparé à la région) se maintienne longtemps dans un régime ultra-autoritaire corrompu. Il était avant la révolution déjà plus laïque que les autres, d'ailleurs.
Les plus instruits sont en même temps les plus bourgeois, naturellement, il n'y a pas de contradiction, ça converge et se renforce réciproquement.  

Je souscris tout à fait à ta mise en garde sur le fait de passer perpétuellement à la limite - comme si elle n'était pas une limite, précisément, mais une norme, et je ne suis pas sûr d'échapper moi-même toujours à cette critique -  en mettant en avant le nazisme tout le temps.
En l'espèce, les horreurs et abominations en tout genre se sont produites dans le pays le plus cultivé, le plus artiste, le plus savant du monde, à l'époque.

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Message par Courtial Mer 12 Aoû 2015 - 23:26

Bergame a écrit:A toi comme à Ataraxie, je crois qu'il faut donc simplement répondre : Chers amis, vous considérez-vous comme faisant partie du "peuple", ou non ?
Si oui, alors je vous propose de réaliser une petite introspection et de vous demander si vous-mêmes êtes aussi aisément manipulables que vous le théorisez. Pensez-vous qu'un politicien pourrait vous amener à massacrer des innocents au nom de la souveraineté nationale ? Pensez-vous qu'il pourrait parvenir à vous faire prendre des vessies pour des lanternes ? Êtes-vous donc idiots ?

Etant de bonne humeur cette nuit, je consens à me considérer comme faisant partie du peuple. Pas la peine de me remercier pour cette humilité (1) , c'est tout naturel, ça me fait plaisir même, de condescendre.
Je serai trompé comme je l'ai déjà été par des gros malins et j'ai déjà pris des vessies pour des lanternes, expérience qui me ramène à des idées plus modérées et prudentes sur mon absence de bêtise et par contre-coup sur mon intelligence.

Autre idée : faire partie du peuple est une chose, l'être (être le peuple) en est une autre. Si je prends en compte l'analyse d'Arendt, le peuple, cela veut dire premièrement et principalement : la diversité. C'est un ensemble de gens qui ne sont pas les mêmes. J'entends bien qu'on dit de plus en plus que pour faire peuple, il faut qu'on soit tous les mêmes, que le fait de vouloir manger hallal par exemple met en danger la cohésion du "peuple" français, etc., mais c'est faux. Quand tout le monde (au sens dur : le Monde, comme concept métaphysique/politique) est le même, ce n'est plus un peuple, c'est ce qu'elle appelle "la populace". Les Sorel, les Nietzsche, les Le Bon, etc. ont déjà bien décrit ce qu'était "le peuple" entendu dans ce sens-là : disparition de l'individualité, de la particularité, culture de la "'réaction", du "comportement", règne de la populace, qui est l'exact opposé du "peuple".
Une des raisons pour lesquelles j'ai dit que quand on vote à 95% pour un candidat ou un programme, ça ne peut pas être "le peuple", j'ai une divergence essentielle avec Bergame là-dessus.

(1) Enfin, si vous tenez à louer ma magnanimité et la qualité de mon âme, je vous laisserai le faire, mais avec discrétion, s'il vous plaît. Vous m'appelez de temps en temps "Majesté", ça ira comme ça.

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Message par baptiste Jeu 13 Aoû 2015 - 2:30

Courtial a écrit:

Je souscris tout à fait à ta mise en garde sur le fait de passer perpétuellement à la limite - comme si elle n'était pas une limite, précisément, mais une norme, et je ne suis pas sûr d'échapper moi-même toujours à cette critique -  en mettant en avant le nazisme tout le temps.
En l'espèce, les horreurs et abominations en tout genre se sont produites dans le pays le plus cultivé, le plus artiste, le plus savant du monde, à l'époque.

Certes la remarque de Bergame est justifiée cependant dans cette discussion elle donne l'impression d'un Bergame pompier-pyromane car c'est bien une de ses remarques qui a fait digrésser le débat à "la limite". Nous sommes manipulables, sinon comment expliquer le succès mondial de la gastronomie Mc Donalds, d'un certain révolutionnaire appelé Steve Jobs, des fabriquant de berline allemandes, de la surmédiatisation des événements préfabriqués tel les J.O, la coupe du monde de foot, du succès de certaines marques dites de "luxe" qui vendent du plastic au prix du cuir, les théories du complot discutées ailleurs...et le vote reste le moyen le plus facile de récolter les fruits de ses manipulations.

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Message par kercoz Jeu 13 Aoû 2015 - 2:50

baptiste a écrit:
Nous sommes manipulables, sinon comment expliquer le succès de la gastronomie Mc Donalds, d'un certain révolutionnaire appelé Steve Jobs, des fabriquant de berline allemandes, de la surmédiatisation des événements préfabriqués tel les J.O, la coupe du monde de foot, du succès de certaines marques dites de "luxe"...et le vote est un excellent moyen de récolter les fruits de ses manipulations.  

Le fait que nous soyons manipulable, n' implique pas qu'il y ait un manipulateur.
Il semble plus probable, ( du moins plus fréquent), qu'il y ait un opportunisme ( systémique ou incarné) qui va profiter de cette possibilité de manipulation. Ce qui implique que cette possibilité soit préalable.
C' est le fait de ce préalable qui doit interroger. Il n' est pas "normal" ou "naturel" qu'une telle possibilité, offrant tant de prise sur le comportement individuel soit spontanément disponible. Ce modèle serait trop instable.
Pour ma part, je pense qu'il l' est. Mais que s' il l' est c'est du fait qu'il était, originellement, combattu, maitrisé par la structure. Ce qui le rendait non dangereux pour la stabilité.
On peut même soutenir que ce caractère qui nous semble négatif, ne devient pervers que lors de la destructuration des groupes, et que ; dans le modèle structurel originel, il soit vertueux, sinon nécessaire.[/quote]


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Message par Courtial Jeu 13 Aoû 2015 - 19:47

A Kercoz :

Il y a une erreur d'attribution pour la citation, qui n'est pas de moi mais de Baptiste.

Je précise car je suis en désaccord et ne veut endosser ce qu'il dit sur le "plastic vendu au prix du cuir", que vous avez coupé, mais quand même.
Le "cuir", c'est lui qui le commet.
Quant à ceux qui trafiquent avec le plastic, ils sont plutôt de l'Autre Côté de l'Axe du Bien, chez les terroristes.

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Message par baptiste Ven 14 Aoû 2015 - 2:09

kercoz a écrit:
baptiste a écrit:
Courtial a écrit:
Nous sommes manipulables, sinon comment expliquer le succès de la gastronomie Mc Donalds, d'un certain révolutionnaire appelé Steve Jobs, des fabriquant de berline allemandes, de la surmédiatisation des événements préfabriqués tel les J.O, la coupe du monde de foot, du succès de certaines marques dites de "luxe"...et le vote est un excellent moyen de récolter les fruits de ses manipulations.  

Le fait que nous soyons manipulable, n' implique pas qu'il y ait un manipulateur.


Effectivement non, c’est une capacité, mais bizarrement les manipulateurs ne firent jamais défaut. La propagande politique est née avec la révolution. Condorcet, en donne une définition : « Action organisée en vue de répandre une opinion ou une doctrine (surtout politique) ». La Convention girondine avait créé un Bureau d’Esprit chargé d’agir sur la presse et d’orienter l’opinion publique. Elle a mis aussi en place des Commissaires représentants en mission dont le nom dit l’idée d’aller porter la foi révolutionnaire aux confins de la République. Il y eut à Moscou l’agit-prop dont on dit que le mot propagande n’avait rien de péjoratif puisqu’il s’agissait de porter la « bonne parole » et à Berlin la propagandastaffel « l’escadron de propagande »…tout ces gens là auraient donc perdu leur temps puisque c’est bien connu les pensées du peuple sont incorruptibles. à moins…à moins que je ne sois victime d’une théorie du complot!

Plastic au lieu de plastique...serait-ce un lapsus révélateur d'une envie irrépressible face à certaines théories?

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Message par Bergame Ven 14 Aoû 2015 - 10:43

Courtial a écrit:Si je prends en compte l'analyse d'Arendt, le peuple, cela veut dire premièrement et principalement : la diversité. C'est un ensemble de gens qui ne sont pas les mêmes. J'entends bien qu'on dit de plus en plus que pour faire peuple, il faut qu'on soit tous les mêmes, que le fait de vouloir manger hallal par exemple met en danger la cohésion du "peuple" français, etc., mais c'est faux. Quand tout le monde (au sens dur : le Monde, comme concept métaphysique/politique) est le même, ce n'est plus un peuple, c'est ce qu'elle appelle "la populace". Les Sorel, les Nietzsche, les Le Bon, etc. ont déjà bien décrit ce qu'était "le peuple" entendu dans ce sens-là : disparition de l'individualité, de la particularité, culture de la "'réaction", du "comportement", règne de la populace, qui est l'exact opposé du "peuple".
Une des raisons pour lesquelles j'ai dit que quand on vote à 95% pour un candidat ou un programme, ça ne peut pas être "le peuple", j'ai une divergence essentielle avec Bergame là-dessus.
Pardon de dire les choses crûment, mais nous n'avons pas un désaccord ; c'est seulement toi qui réifies des concepts -toi et, manifestement, tes références. Car "peuple" et "populace", ce sont des concepts, n'est-ce pas ?
En fait, les hommes ne sont pas ou semblables ou différents : Ils sont semblables et différents. Comparons deux hommes l'un à l'autre : Par certaines dimensions, ils seront sans doute semblables, et par d'autres, ils seront différents. Et encore : S'agissant de qualias, je ne suis même pas certain que les termes "différents" et "semblables" aient véritablement un sens. Toujours est-il que si c'est factuel pour deux hommes, alors a fortiori pour 3, pour 100, pour 1 000, pour un million.

Des millions d'hommes peuvent donc parfaitement être différents par maints aspects, et néanmoins se retrouver sr le choix à faire concernant une alternative à deux options. Par exemple : Voulez-vous que votre région 1. Reste rattachée à l'Ukraine, 2. Soit rattachée à la Russie ?
C'est là qu'on voit ce qu'est -entre autres choses- un vote ou un référendum : Une réduction de la complexité.

Des milliers, des millions d'hommes peuvent donc se retrouver sur un même choix, les raisons et les causes pour lesquelles ils font ce choix pouvant, en revanche, être multiples -et très largement impliquer le pathos, pourquoi pas ?
Mais pourquoi faudrait-il qu'ils soient "manipulés" ? Qu'est-ce que ça signifie, en fait "manipulés" ? Et qu'est-ce que serait un choix non-"manipulé", exactement ? Un choix "rationnel" ? Qu'est-ce que c'est qu'un choix rationnel ? J'aimerais bien qu'un jour, plutôt que d'utiliser des concepts aussi fourre-tout que "manipulation", "rationalité", etc. sans jamais les définir, quelqu'un ait le courage d'expliciter ce que serait -ou ce qu'aurait du être- le choix rationnel dans le cas par exemple du référendum en Ukraine, et pourquoi.

Il y a une connotation normative (encore, toujours) dans le terme "manipulation". Que dit-on lorsqu'on explique le comportement d'un individu par la "manipulation" ? On dit d'abord qu'il a eu tort d'agir comme il agi. Mais on ajoute qu'il n'a pas agi en connaissance de cause, que ce n'est pas sa faute. Bref, on le juge. Donc question : Au regard de quelles valeurs ?
Prenons donc l'exemple du référendum en Crimée : Quel est exactement le crime des Criméens qui nécessite, non seulement de les juger, mais encore de leur trouver des circonstances atténuantes ?
Mieux, prenons l'exemple (inattendu, mais c'est une autre histoire) de baptiste : Quel est exactement le crime de ceux qui font la queue pour le dernier modèle d'Iphone sorti ? Quelle est exactement la faute dont il faudrait les dédouaner ?

Parfois, j'avoue me demander dans quel monde certains d'entre vous vivent. Dans le mien, il y a longtemps qu'on ne compte plus sur la rationalité des consommateurs -si cela a jamais existé en-dehors de la théorie. On vend des produits aux couleurs chatoyantes, aux formes suggestives, aux parfums évocateurs, aux noms accrocheurs, on compte sur le besoin de singularité ou au contraire d'appartenance, on segmente le public en fonction des goûts, des attentes, des désirs, et on propose des produits supposés y répondre, accompagnés de publicités mettant en scène de jolies jeunes filles dénudées ou de jeunes héros aux larges épaules, etc. etc. Je ne dis pas que tout est acceptable, au contraire : Mon propos est celui de la régulation, et je ne vois pas quelle entité pourrait avoir la puissance nécessaire pour assumer et faire respecter cette régulation si ce n'est l'Etat -ce Léviathan. Mais c'est quand même le monde dans lequel je vis, et il me semblerait à la fois un peu trop facile, un peu trop déresponsabilisant, et en même temps peu honnête intellectuellement, de m'y considérer comme "manipulé" -or, si moi je ne le suis pas, alors pourquoi et comment les autres le seraient-ils ?



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Message par kercoz Ven 14 Aoû 2015 - 11:09

Bergame a écrit: Mon propos est celui de la régulation, et je ne vois pas quelle entité pourrait avoir la puissance nécessaire pour assumer et faire respecter cette régulation si ce n'est l'Etat. Mais c'est quand même le monde dans lequel je vis, et il me semblerait à la fois un peu trop facile, un peu trop déresponsabilisant, et en même temps peu honnête intellectuellement, de m'y considérer comme "manipulé"

Tu poses la bonne question. Celle de la régulation ou des rétroactions.
L' état ( ou "le système") est sensé remplacer un système "naturel" ou originel, celui qui gère les autres espèces. C'est mon éternel avis. L' entité que tu recherche est simplement structurel.
L' Ubris ne peut se développer que dans une structure ou la taille des groupes dépasse nos capacités d'interactions. Ce n'est pas un problème de choix ou d' idéologie. Nous sommes formatés pour fonctionner ( du moins de façon optimisée) su ce modèle structurel.
A quel point l' individu est il traumatisé en sortant de ce modèle ? je n'en sais rien. Mais il est évident qu'il l'est et que cette sortie structurelle induit des dynamiques perverses . Dynamiques qui utilisent des capacités ou caractères qui ne sont plus régulées par la proximité des acteurs.
L' état tente des régulations ( rétroactions) longues. Mais ce sont des procédures linéaires peu efficaces a long terme pour des objets complexes.

Sur ce thème, je réécoute Libera :
http://www.college-de-france.fr/site/alain-de-libera/course-2015-04-14-17h30.htm
Mais j' ai du mal à tout piger et la piste sociologique me semble plus pertinente.

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Message par Courtial Sam 15 Aoû 2015 - 15:50

Bergame a écrit:Pardon de dire les choses crûment, mais nous n'avons pas un désaccord ; c'est seulement toi qui réifies des concepts -toi et, manifestement, tes références. Car "peuple" et "populace", ce sont des concepts, n'est-ce pas ?
En fait, les hommes ne sont pas ou semblables ou différents : Ils sont semblables et différents.

Oui, des concepts, comme sont aussi "semblable" et "différents" par lesquels tu veux les remplacer. Là-dessus, nous sommes d'accord pour affirmer qu'il ne faut pas les "réifier", mais on n'y parviendra pas en niant leur sens (ou leur existence), comme tu fais ensuite en doutant même que "semblable" et "différent" veuillent dire quelque chose.

Par ailleurs, la contestation des conditions et de l'interprétation qu'on peut faire des résultats d'un référendum, comme celui d'Ukraine, semblent rester possibles sans supposer nécessairement une réification.

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Message par quid Sam 15 Aoû 2015 - 21:38

Bergame a écrit:Il y a une connotation normative (encore, toujours) dans le terme "manipulation". Que dit-on lorsqu'on explique le comportement d'un individu par la "manipulation" ? On dit d'abord qu'il a eu tort d'agir comme il agi. Mais on ajoute qu'il n'a pas agi en connaissance de cause, que ce n'est pas sa faute.
Non, c'est l'inverse, on dit qu'il a agi avec des données travesties volontairement ou dans un contexte inapproprié pour la décision, afin d'orienter son action. Qu'il ait eu tort ou non d'agir comme cela vient en second et est question de point de vue.

Bergame a écrit:Bref, on le juge. Donc question : Au regard de quelles valeurs ?
Prenons donc l'exemple du référendum en Crimée : Quel est exactement le crime des Criméens qui nécessite, non seulement de les juger, mais encore de leur trouver des circonstances atténuantes ?
On ne les jugent pas, on juge le processus de décision, le processus démocratique, donc ce n'est pas au regard de valeurs, sinon au regard des valeurs générales et partagées de la démocratie, condition pour que le scrutin puisse prétendre à être considéré comme démocratique.

Sinon, il n'est d'ailleurs pas question de valeurs dans la question du référendum de Crimée, mais d'appartenance territoriale.

De plus, ce n'est plus seulement la décision de ceux qui ont voté sous suspicions de manipulation qui est en cause, mais le scrutin tout entier, qu'il y ait eu vote ou non.

Le résultat d'un scrutin n'est pas en soi démocratique.

Si le processus démocratique du scrutin est contestable, alors le résultat du scrutin l'est aussi.
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Message par baptiste Dim 16 Aoû 2015 - 3:53

Bergame a écrit:
Des milliers, des millions d'hommes peuvent donc se retrouver sur un même choix, les raisons et les causes pour lesquelles ils font ce choix pouvant, en revanche, être multiples -et très largement impliquer le pathos, pourquoi pas ?
Mais pourquoi faudrait-il qu'ils soient "manipulés" ? Qu'est-ce que ça signifie, en fait "manipulés" ? Et qu'est-ce que serait un choix non-"manipulé", exactement ? Un choix "rationnel" ? Qu'est-ce que c'est qu'un choix rationnel ? J'aimerais bien qu'un jour, plutôt que d'utiliser des concepts aussi fourre-tout que "manipulation", "rationalité", etc. sans jamais les définir, quelqu'un ait le courage d'expliciter ce que serait -ou ce qu'aurait du être- le choix rationnel dans le cas par exemple du référendum en Ukraine, et pourquoi.

..............
Parfois, j'avoue me demander dans quel monde certains d'entre vous vivent. Dans le mien, il y a longtemps qu'on ne compte plus sur la rationalité des consommateurs -si cela a jamais existé en-dehors de la théorie. On vend des produits aux couleurs chatoyantes, aux formes suggestives, aux parfums évocateurs, aux noms accrocheurs, on compte sur le besoin de singularité ou au contraire d'appartenance, on segmente le public en fonction des goûts, des attentes, des désirs, et on propose des produits supposés y répondre, accompagnés de publicités mettant en scène de jolies jeunes filles dénudées ou de jeunes héros aux larges épaules, etc. etc. Je ne dis pas que tout est acceptable, au contraire : Mon propos est celui de la régulation, et je ne vois pas quelle entité pourrait avoir la puissance nécessaire pour assumer et faire respecter cette régulation si ce n'est l'Etat -ce Léviathan. Mais c'est quand même le monde dans lequel je vis, et il me semblerait à la fois un peu trop facile, un peu trop déresponsabilisant, et en même temps peu honnête intellectuellement, de m'y considérer comme "manipulé" -or, si moi je ne le suis pas, alors pourquoi et comment les autres le seraient-ils ?


Merci, justement il n’existe pas de choix rationnel, mais cela n’est pas particulier à ce référendum, aucun processus électoral n’est censé produire un choix rationnel, il est juste là pour conclure un débat, à condition que celui-ci ait eu lieu, bien entendu. Est-il rationnel de fumer ? Est-il rationnel d’acheter une voiture dont le coût kilométrique est très élevé alors qu’une autre plus économique rendra les mêmes services compte tenu des limitations ? Est-il rationnel de faire des enfants puis divorcer ? …Pourquoi devrions-nous soudain être rationnel à l’instant de déposer un bulletin dans l’urne alors que nous ne le sommes pas le reste du temps ?

La manipulation est un « fait de vie », elle existe en publicité marchande et en publicité politique, quand à l’Etat en démocratie il n’a que les pouvoirs que le peuple à bien voulu lui accorder, le souverain reste le peuple, même si ce n’est pas un souverain parfait, loin de là. Si la publicité te pose problème, tu peux militer pour une réduction de la publicité, mais comme nous sommes en démocratie tu devras toi aussi passer par la propagande pour obtenir le vote d’une loi. Si tu te sens isolé, tu peux rejoindre le comité de soutien à Tanguy Aubé, ou les anti-pub…en tant que citoyen d’une démocratie tu as le pouvoir d’agir, peut-être même le devoir sinon tu risques de rester pour toujours un électeur que l’on manipule.

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Message par Bergame Dim 16 Aoû 2015 - 11:11

quid a écrit:
Bergame a écrit:Il y a une connotation normative (encore, toujours) dans le terme "manipulation". Que dit-on lorsqu'on explique le comportement d'un individu par la "manipulation" ? On dit d'abord qu'il a eu tort d'agir comme il agi. Mais on ajoute qu'il n'a pas agi en connaissance de cause, que ce n'est pas sa faute.
Non, c'est l'inverse, on dit qu'il a agi avec des données travesties volontairement ou dans un contexte inapproprié pour la décision, afin d'orienter son action. Qu'il ait eu tort ou non d'agir comme cela vient en second et est question de point de vue.
Je ne crois pas, et c'est un point important.

Serais-je donc le seul : J'ai cru avoir remarqué qu'on a tendance à juger "manipulé" celui qui n'agit pas ou ne pense pas comme moi -comme, je pense, il devrait agir ou penser.
Ainsi, j'ai cru remarquer par exemple que les partisans de la théorie du complot -puisque c'est un topic parallèle- avaient tendance à considérer que les medias qu'ils dénomment "officiels" -TV, radios, journaux- étaient manipulateurs, et que les individus qui y piochent leurs informations étaient manipulés. Tandis qu'eux-mêmes ont tendance à considérer que la vérité, aujourd'hui, se trouve sur internet, media "libre". Et inversement, leurs détracteurs ont tendance à privilégier les informations des grands medias, et à considérer qu'internet est un foyer de désinformation et de manipulation.
Mieux, j'ai cru remarquer que les "manipulés" étaient souvent ceux de l'autre bord politique. Ainsi, les individus "à gauche" -ou au moins "à l'extrême-gauche"- ont tendance à dénoncer la société consumériste qui, à force de spots publicitaires et de promotions commerciales, nous incite à consommer toujours plus, y compris ce dont nous n'avons pas véritablement besoin. Et ceux-là de plaindre les pauvres manipulés avides de la toute dernière nouveauté technologique estampillée Apple ou Samsung -le ralliement de baptiste à ce courant n'étant donc pas sans m'étonner, mais en ce moment, c'est vrai, il est dans Bourdieu. Tandis que les individus "à droite" ont tendance à considérer que ces discours, ayant pour but de discréditer un système démocratico-capitaliste qui respecte fondamentalement la liberté humaine, ne sont pas autre chose que des discours de propagande qui visent, sous couvert d'humanisme et d'égalitarisme, à instaurer des régimes totalitaires comme les Etats communistes en ont déjà connus. Et que les belles âmes qui y accordent crédit sont tout simplement victimes de manipulation.
On pourrait multiplier les exemples : Le manipulé, c'est très souvent l'Autre. Celui qui pense ou agit comme moi, étrangement, il n'est pas manipulé. Au contraire, il a plutôt de bonnes raisons d'agir ou de penser comme il le fait. Non ?


baptiste a écrit:aucun processus électoral n’est censé produire un choix rationnel, il est juste là pour conclure un débat, à condition que celui-ci ait eu lieu, bien entendu [...] Pourquoi devrions-nous soudain être rationnel à l’instant de déposer un bulletin dans l’urne alors que nous ne le sommes pas le reste du temps ?
Nous voila maintenant bien d'accord.

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Message par Contrairement Dim 16 Aoû 2015 - 14:13

[quote="Bergame"][quote="quid"]
Bergame a écrit:
Serais-je donc le seul : J'ai cru avoir remarqué qu'on a tendance à juger "manipulé" celui qui n'agit pas ou ne pense pas comme moi -comme, je pense, il devrait agir ou penser.
Ainsi, j'ai cru remarquer par exemple que les partisans de la théorie du complot -puisque c'est un topic parallèle- avaient tendance à considérer que les medias qu'ils dénomment "officiels" -TV, radios, journaux- étaient manipulateurs, et que les individus qui y piochent leurs informations étaient manipulés. Tandis qu'eux-mêmes ont tendance à considérer que la vérité, aujourd'hui, se trouve sur internet, media "libre". Et inversement, leurs détracteurs ont tendance à privilégier les informations des grands medias, et à considérer qu'internet est un foyer de désinformation et de manipulation.

Comme j'ai un post sur le feu destiné au sujet ''Illuminati'', je vais me contenter de répondre succinctement par une image et une liste.
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Suivre aussi ce lien :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle

Question : pourquoi, alors que les médias sont si friands des événements où il y a du beau monde, n'entend-on jamais parler du Siècle ? A quel point suis-je délirant si j'estime, à la lumière de ces deux liens, que les principaux médias ne portent pas un regard libre et indépendant sur certains sujets, et qu'il n'est pas raisonnable de se fier aveuglement à eux ?
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Message par lesourire01 Dim 16 Aoû 2015 - 17:50

de toute façon y'a plus de politique car tout dépend du fric , de l'économique en gros. et la vérité là-dedans ? niet, les bons comptes font les bons amis.

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Message par Ataraxie Dim 16 Aoû 2015 - 20:04

Bergame a écrit:Bon, première chose, je trouve totalement inconsidéré ces références systématiques à Hitler et au nazisme aussitôt qu'on parle de la démocratie. Je pense qu'on gagnerait à envisager les choses de manière un petit peu plus équilibrée et, autant que possible, sereine. Il est absolument déraisonnable d'esquisser un lien entre la démocratie, fut-elle "électorale", et le nazisme. Et critiquer la démocratie "électorale" au nom de la méfiance envers Hitler est inconséquent -à mon sens. Il est certain que le nazisme, et en particulier la Shoah -puisque, au fond, c'est de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ?- fut un évènement majeur dans l'histoire de l'humanité. Mais en faire l'alpha et l'oméga de l'analyse politique est... déraisonnable, vraiment.
Ah non ! Ce n’est pas ça le sujet ! Le sujet c’est que tu as contesté le fait qu’Hitler a été élu démocratiquement. C’est tout.

Je n’ai pas lancé de sujet sur Hitler, moi. Lorsque je suis intervenu, vous étiez DÉJA en train d’en parler et j’ai écrit seulement après toi pour remettre les pendules à l’heure sur la question de son élection. Alors n’essaye pas de te faire passer pour le sage du village sur ce qui est raisonnable ou pas de dire. Ce qui n’est pas raisonnable c’est d'entrer dans une controverse pour soutenir que « C’est pas vrai c’est pas vrai ! » et finalement terminer par « Oui mais en fait c’est pas raisonnable d’en parler ! ».    

Bergame a écrit:
Ataraxie a écrit:Ce que j’ai appelé transfigurer le bien en mal ne consiste pas à transformer « massacrer des innocents c’est mal » en « massacrer des innocents c’est bien » mais en « on ne massacre pas des innocents, on se défend contre une menace ». Qui pourrait nous le reprocher ?
C'est effectivement la question puisque tu sembles avoir là quelque chose à reprocher. Autrement, quelle est exactement ta critique ?
De deux choses l'une : Ou menace il y a, ou non. Se défendre contre une menace ne me semble pas incompréhensible, encore moins "mal".

on ne restreint pas l’accès à l’emploi pour les étrangers en disant au peuple « vous avez le droit d’être xénophobes » mais « vous avez le droit d’être francophiles » (et donc de refuser un travail aux non-français). Mais, comme je l’ai dit, ce procédé ne peut fonctionner que si le contexte social s’y prête.
Donc, supposons que le contexte social s'y prête : Est-ce alors un discours entendable, discutable, ou est-ce "mal" ?
A moins qu’une arme ne soit pointée sur nous ou qu’une menace ne soit proférée à notre endroit, une menace n’est pas quelque chose qui est ou n’est pas, surtout en politique. Que l’on m’explique à partir de quand une opinion, une préférence sexuelle, une loi, la réussite sociale de certains ou la politique d’un pays voisin deviennent des menaces « qui sont » et qui justifient que nous devions nous défendre ?

L’un ou l’autre de ces sujets montrerait, seulement par les divergences qu’il soulève, qu’il y a bien un large espace pour produire des discours politiques et les manipulations, les erreurs et les autosuggestions peuvent y trouver une place. Car si manipulation il devait y avoir, elle reposerait essentiellement sur le discours, sa nature, ses propriétés, ses finalités, etc. Dans tout activité de discours existe par nature la possibilité de manipuler et de mentir. Et la politique est une activité de discours, pas que mais très grande partie. Il faudrait donc d’abord traiter plus généralement la question du discours politique avant d’en venir à celle de la manipulation. Je rappelle au passage que la manipulation est un faux problème politique selon moi (à moins qu'on ne parle de propagande, ce qui est autre chose),  le "vrai" problème si j'ose dire c'est le discours politique dans toute sa complexité, et le discours électoral en particulier.

Ainsi, si je reprends l’exemple de la menace, sa réalité n’est pas le sujet dans un discours, puisque ce n’est pas dans ce discours que cette réalité risque de se manifester. Si d’aventure cette réalité est attestée (type menace terroriste), le discours ne va pas débattre pour convaincre la population de la nécessité de se défendre. Ce serait inutile. Il va plutôt servir à rassurer la population, qui à cette occasion ne vérifiera absolument pas la réalité de la menace dans le discours mais plutôt la puissance de ses dirigeants, leur sang-froid, leur intelligence, leur résolution, etc. Il peut aussi constituer un moment où l’on va prononcer des mots de vengeance, de punition, de représailles dont le mérite sera de faire jouir une population ne supportant pas d’être agressée. Bref, la politique est par excellence un lieu de discours, et certainement pas de faits. Ce qu’on attend du discours, c’est quelque chose en plus que le simple constat de ce qui, ce qui n’est pas, pourrait être ou ne pas être. Mon idée, je l'ai déjà dite, c'est que le discours politique doit être jouissif, quels que soient les thèmes.

Je poursuis sur l’exemple de la menace. Je disais plus haut que si elle est attestée, il n’y a pas besoin de s’échiner pour convaincre le peuple qu’il faut se défendre. En revanche, que se passe-t-il lorsqu’une réalité ou une situation peut selon un point de vue être considérée comme une menace, et selon un autre comme tout à fait autre chose ? C’est là que l’on trouve incontestablement l’effort discursif le plus intense pour convaincre la population de la nécessité de se défendre. Et à cette occasion, ce qu’on attend du discours, ce n’est pas de démontrer la factualité de la menace mais de justifier honorablement des sentiments et des comportements d’hostilité (à travers le sentiment légitime ou pas d'être menacé). On a le droit de s’en convaincre et d’en faire son choix sans être un benêt ou chien sanguinaire, mais en aucun cas ce choix n’a les moyens de m’empêcher moi ou d’empêcher quiconque qu’on le critique.

Au fond, tu ne problématises jamais les concepts de peuple, de démocratie ou d’élections. Je ne suis pas même sûr que tu les traites. A la place, tu fais toujours comme si c'était des données déjà achevées et déjà réglées. Il n’y a pas de questionnement ou d’examen particulier à leur endroit alors que nous sommes nombreux ici à pratiquer ce genre d’exercice sur beaucoup de notions, y compris politiques. Donc lorsque je parle de politique avec toi, j’ai l’impression que je dois me justifier du droit que je me donne de croire que je peux examiner de façon critique l’une ou l’autre de ces notions. Et comme tu me demandes d’avoir un droit pour le faire et que je n’ai absolument pas besoin d’en avoir un pour mener une critique, le seul argument impuissant et fatigué que tu répètes jusqu’à me lasser, c’est finalement que je serais irrespectueux puisque je ne présente pas mon droit d’être critique. Naturellement, tu comprendras que dans ces conditions tu vas finir par discuter tout seul, en tout cas plus avec moi.          
Bergame a écrit:
Tunisiens particulièrement mécontents du résultat, fondamentalement persuadés qu’on leur avait volé leur « révolution », ont-ils été considérés comme des perles d’intelligence au milieu d’insectes islamisés ? Non mais ce n'est pas le sujet.
Je ne peux pas parler pour Mai 68, je n'y étais pas, en revanche je connais un peu mieux la Tunisie. D'abord, mon sentiment est plutôt -et je l'ai déjà exprimé- que la laïcité est davantage répandue dans les catégories bourgeoises qu'au sein des milieux populaires, dans les pays d'Afrique du Nord. Du reste, c'est bien ce que disent eux-mêmes les individus aisés en Tunisie, qui -selon ma propre petite expérience- ont tendance à expliquer l'influence d'Ennahda par la crédulité et l'ignorance du peuple. Mais au final, les islamistes ont pour l'instant été démocratiquement écartés du pouvoir -en Tunisie.

Ton propos général est de dire, en somme, qu'une élection fait des gagnants et des perdants. Et que les perdants, souvent, ne sont pas contents du résultat. C'est bien clair. Mais : et alors ?
La seule question qui vaut, c'est : Au nom de quoi faudrait-il contester le résultat d'une élection ? Au nom des valeurs des perdants ? Pourquoi ?
Là non plus ce n’est pas ça le sujet… Au lieu de donner des leçons de sagesse, tu ferais mieux de retenir les questions que tu poses. Si j’ai cité ces exemples, ce n’était pas pour contester les élections au nom des perdants (ce n’était pas la question) mais pour développer ce que je disais sur le fait qu’il n’y a pas d’un côté les gens intelligents et de l’autre le peuple manipulé, que des gens qui critiquent intelligemment le fonctionnement et les discours électoraux, il y en a même et surtout parmi le peuple qui vote. Tu ne peux pas me demander de m’expliquer sur ce qui me permet de me croire plus intelligent que le peuple et, quand je te réponds, faire comme si j’avais répondu à une autre question sur mon droit ou pas mon droit de contester des élections.

Par ailleurs, ces gens n’expriment pas seulement leur déception d’avoir perdu mais ils expriment aussi l’idée que le résultat est, selon eux, un raté électoral qui mériterait qu’on recommence (Tunisie), que les élections sont essentiellement des pièges à cons (une idée qui n’a rien d’original) ou encore – avec la victoire des partis anti-européens aux élections européennes – que les élections peuvent produire des aberrations politiques (pour les raisons que j’ai rapidement évoquées). Sans compter que la manipulation d’un peuple crédule est un leitmotiv massivement présent dans les discours électoraux eux-mêmes. Alors encore une fois, ce sont des exemples qui me sont venus en tête pour te répondre qu’il n’y a pas d’un côté les gens intelligents et hors-peuple qui critiquent habilement les élections et de l’autre le peuple manipulé et dénué de sens critique qui les adorent bêtement.

Enfin, je ne conteste pas les résultats d'une élection, je les critique et surtout je critique le fonctionnement électoral. Et pour cela je répète que je n'ai besoin d'absolument aucun droit.  

Bergame a écrit:Rassure-toi, toi qui vomis les élections, nous sommes en train, petit à petit, de sortir de l'ère démocratique, et d'entrer dans un monde où nous allons avoir de moins en moins de droit de regard, et sur nos dirigeants, et sur les décisions contraignantes qui impacteront notre vie quotidienne. Toi, comme d'autres, hélas, me semblez avoir les yeux tellement fixés sur le totalitarisme toujours menaçant, le fascisme toujours en germes, le Léviathan politique, le manipulateur des masses qui ne vise qu'à se faire élire et réélire, que vous ne voyez tout simplement pas que ce qui menace notre liberté, aujourd'hui, n'arrive pas de ce côté-là. Et même, au contraire, en affaiblissant toujours un peu plus le soutien à la seule puissance qui pourrait s'y opposer, l'Etat démocratique, vous nous préparez -à tous, hélas- des lendemains... qui chantent.
Je sais bien que tu possèdes un vrai sens du tragique quand il s’agit de politique mais là tu commences à me parler comme si j’étais un ennemi de l’humanité. Au-delà du fait que c'est m'accorder trop d'importance, j'espère que tu te rends compte c'est très limite comme propos. Je ne vais pas te répondre, je mets cet excès sur le compte de ta passion sincère pour la position que tu défends. Mais la prochaine fois que tu parles de moi comme de quelqu'un qui prépare le malheur des autres, je serai moins patient. (C'est un avertissement, pas une menace bien sûr ! La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ? - Page 10 4017359721 )
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Message par quid Lun 17 Aoû 2015 - 20:39

Bergame a écrit:On pourrait multiplier les exemples : Le manipulé, c'est très souvent l'Autre. Celui qui pense ou agit comme moi, étrangement, il n'est pas manipulé. Au contraire, il a plutôt de bonnes raisons d'agir ou de penser comme il le fait. Non ?
La manipulation, est-ce que cela existe ? Oui. Des individus, des sectes, des menteurs, des parents, des régimes peuvent être manipulateurs, et cela indépendamment d'un jugement sur l'action résultante du manipulé.
Quand je parle de manipulation, je fais donc référence à ... la manipulation. Que certains le servent à toutes les sauces, c'est autre chose, mais la manipulation, ce n'est pas :
Bergame a écrit:Que dit-on lorsqu'on explique le comportement d'un individu par la "manipulation" ? On dit d'abord qu'il a eu tort d'agir comme il agi. Mais on ajoute qu'il n'a pas agi en connaissance de cause, que ce n'est pas sa faute.
L'analyse du processus entendant : « Ce n'est pas comme cela que j'aurais agi ou qu'il faut penser, donc il y certainement manipulation », et ceci serait donc en fait ce que l'on devrait entendre par « manipulation » : En quelque sorte une illusion.

Donc il ne faut pas mélanger, la manipulation, c'est la manipulation, car si l'on assimile la manipulation, à l'accusation concernant une position adverse, alors veux-tu dire qu'en fait, il n'y a jamais manipulation et que c'est juste la non acceptation de la position de l'autre ?

Auquel cas, le régime de Corée du nord ne manipule pas sa jeunesse, les sectes ne manipulent pas certains adeptes, les parents ne mentent jamais à leurs enfants. Il n'y a en fait aucune personne de mal intentionnée qui mentirait aux autres pour arriver à ses fin, ni même de bien intentionnée d'ailleurs. Il n'y a en fait que des personnes agissants ouvertement sans jamais aucune arrière pensée, et d'autres personnes qui donc ne font que réagir sans être aucunement manipulées. La preuve : C'est que le manipulé, ne se considère pas manipulé. Et donc on pourrait se demander qu'elles sont ces personnes maladives qui se permettent de douter, ou de se méfier parfois.

La manipulation, fait référence à une intention. Là ou cela devient sournois, c'est lorsque l'on n'est plus trop certain des personnes à l'origine de l'intention de manipulation, ni qu'il y ait réellement des intentions.

Pourtant, est-ce qu'une personne ou une catégorie de personnes ne pourrait pas être également manipulatrice de façon non intentionnelle ?
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