La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
+9
quid
Bergame
kercoz
hks
Courtial
euthyphron
baptiste
poussbois
Ataraxie
13 participants
Page 9 sur 14
Page 9 sur 14 • 1 ... 6 ... 8, 9, 10 ... 14
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
baptiste a écrit:C'est un peu léger, non? Pour comprendre on peut aussi s’intéresser à la théorie des jeux de Nash.
Ne paraît pas peser plus lourd. Aucune théorie des jeux ne dit qui a raison et qui a tort.
On peut utiliser une théorie des jeux pour déterminer qui a raison ou tort (si on s'en tient un instant à ces termes), mais ceci au nom d'autres principes que ce que peux produire une théorie des jeux, quelle qu'elle soit.
On peut renvoyer à ce sujet à ce qu'en a dit Bergame (et que je ne vais pas redire plus mal) touchant à l'économie. Les jeux présupposent un certain nombre d'éléments (par exemple : la notion de gain ou de perte) qu'ils n'ont pas besoin d'interroger.
Ici, nous ressentons le besoin de les interroger. Ce qu'on peut faire bien ou mal, avec profondeur ou avec légereté.
Mais il est fort improbable qu'une théorie des jeux donne ici quelque poids.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Alors d'un côté il y aurait les politiques professionnels de la profession qui définissent entre eux leurs propres critères de compétence, et de l'autre les électeurs, qui chacun via le scrutin ont les leurs.Courtial a écrit:Quoi qu'il en soit, c'est plutôt la nature de cette "compétence" qui est en cause et présente des problèmes de définition, que la détermination sociologique de qui sont les professionnels de la profession.
Alors comment sortir de cette indécidabilité de la compétence en politique, autrement que par une résolution sociologique, qui nous plonge dans le relativisme ?
On ne peut sans doute pas définir de manière définitive et absolue ce que seraient les compétences requises ou souhaitables de l'homme politique modèle, mais peut-on cependant trouver un terrain d'accord entre la classe politique d'une part et le reste de la population d'autre part ?
C'est à dire une définition de la compétence en politique, qui ne dépendrait pas d'un bord ou d'un autre.
Je vois plusieurs difficultés concernant cette définition.
Premièrement on pourrait arguer qu'il n'y a pas besoin d'hommes politiques, et que donc leur soi-disant compétence n'ayant pas d'utilité, elle n'en serait pas une car entièrement propre à la classe politique.
Deuxièmement, on pourrait être d'emblée en désaccord avec ce qui serait la nature même de la compétence en politique.
Une conception pourrait être de dire que c'est l'art de s'imposer et d'accéder au pouvoir, quelques soient les manières, les motivations, ou les objectifs. J'appellerais cela l'art du politicien, un art en soi qui se suffit à lui même. Cette conception de la compétence politique, pourrait être tout de même vue comme une habilité du point de vue des deux bords, même si elle ne répond pas aux attentes de certains.
Une autre conception rechercherait plus la compétence dans ce qu'elle a d'utile, de bien ou de souhaitable.
Une dernière conception serait de voir la compétence politique comme une manière d'être habile dans un domaine qui lui, appartient à une nécessité.
Déjà rien qu'avec cela, ça risque d'être compliqué.
quid- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1080
Date d'inscription : 04/08/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Il n'y a pas besoin que la compétence soit décidable pour qu'elle soit réelle. Qui d'ailleurs aurait la compétence pour décider de qui est compétent? Nous sommes dans un cercle si nous posons la question en termes (technocratiques) de décidabilité.
La compétence est une qualité, qui comme les vertus selon Aristote, relève de l'habitude. L'homme compétent n'est pas celui qui a toujours raison ou fait toujours le bon choix, mais seulement celui qui est généralement de bon conseil dans sa partie.
Par conséquent, il me semble que si l'on s'accorde sur ce qu'est la politique (pas gagné) et sur ses fins, l'on se sera accordé sur ce qu'est la compétence en politique, cela ne me semble pas faire une question supplémentaire.
Il ne me paraît en revanche pas acquis que les électeurs votent toujours pour celui qu'ils jugent le plus compétent. C'est un critère important, bien sûr, mais je ne garantirais pas qu'il soit forcément le principal. Par exemple, moi, électeur de la République, j'ai voté François Hollande dès le premier tour en 2012, mais jamais au grand jamais je n'ai pensé qu'il était le plus compétent pour exercer la fonction qui est la sienne désormais. Je ne me suis même pas posé cette question.
La compétence est une qualité, qui comme les vertus selon Aristote, relève de l'habitude. L'homme compétent n'est pas celui qui a toujours raison ou fait toujours le bon choix, mais seulement celui qui est généralement de bon conseil dans sa partie.
Par conséquent, il me semble que si l'on s'accorde sur ce qu'est la politique (pas gagné) et sur ses fins, l'on se sera accordé sur ce qu'est la compétence en politique, cela ne me semble pas faire une question supplémentaire.
Il ne me paraît en revanche pas acquis que les électeurs votent toujours pour celui qu'ils jugent le plus compétent. C'est un critère important, bien sûr, mais je ne garantirais pas qu'il soit forcément le principal. Par exemple, moi, électeur de la République, j'ai voté François Hollande dès le premier tour en 2012, mais jamais au grand jamais je n'ai pensé qu'il était le plus compétent pour exercer la fonction qui est la sienne désormais. Je ne me suis même pas posé cette question.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Courtial a écrit:baptiste a écrit:C'est un peu léger, non? Pour comprendre on peut aussi s’intéresser à la théorie des jeux de Nash.
Ne paraît pas peser plus lourd. Aucune théorie des jeux ne dit qui a raison et qui a tort.
On peut utiliser une théorie des jeux pour déterminer qui a raison ou tort (si on s'en tient un instant à ces termes), mais ceci au nom d'autres principes que ce que peux produire une théorie des jeux, quelle qu'elle soit.
On peut renvoyer à ce sujet à ce qu'en a dit Bergame (et que je ne vais pas redire plus mal) touchant à l'économie. Les jeux présupposent un certain nombre d'éléments (par exemple : la notion de gain ou de perte) qu'ils n'ont pas besoin d'interroger.
Ici, nous ressentons le besoin de les interroger. Ce qu'on peut faire bien ou mal, avec profondeur ou avec légereté.
Mais il est fort improbable qu'une théorie des jeux donne ici quelque poids.
J’ai dit « pour comprendre », j’ai parlé d’explicatif pas de normatif.
Lorsque l’initiative de l’appel au vote appartient à celui qui détient le pouvoir, l’appel s’incére dans une stratégie globale et le vote du peuple n’est censé entrer dans cette stratégie que pour lui donner une légitimité. L’énoncé de la question, l’environnement politique, économique, historique global, l’affect auront autant d’impact que les supposés choix rationnels qui échappent à la majorité d'entre nous…que le choix du peuple au soir du vote soit bon ou mauvais ce n’est qu’affaire d’opinion pas de vérité.
Dans un ensemble à 18 joueurs les règles sont fixées par l’ensemble de tous les joueurs. Lorsqu’un joueur dit à son peuple votez pour dire que vous ne voulez plus accepter les règles et ce sera sans conséquence, d’abord il nie la réalité : un joueur seul ne peut changer les règles du jeu et cela dans aucun jeu, ensuite il ment car il n’est pas en son pouvoir de décider des conséquences de l’infraction aux règles. A partir de cette négation de la réalité et de ce mensonge on se retrouve dans cette situation ou après avoir demandé un certain vote au peuple on demande aux représentants élus du même peuple de voter exactement le contraire quelques jours plus tard. Fin juin j’avais dit que « le menteur est celui qui estime qu’il n’a pas à déterminer sa conduite ou ses dires sur ce qui est en affirmant sa volonté de changer la réalité », tu m’avais répondu « qu’il était prudent d’attendre la fin de l’histoire », Tsipras vient de demander aux députés frondeurs de son parti « de s’adapter à la réalité ». Je n’invente rien. Il a aussi exclu "d'abandonner volontairement" le gouvernement où la présence de la gauche est "un bastion pour la défense des intérêts du peuple".
Ce parcours chaotique relève-t-il de l’incompétence ou bien de l’habileté politicienne suprême, après tout n’a-t-il pas fait adopter les réformes les plus impopulaires, celles qu’aucun gouvernement de droite n’avait pu faire passer avant lui, en se posant lui-même en victime ce qui lui permet de rester très populaire…chacun aura son opinion.
Si je crois au hasard dans beaucoup de domaines, je ne crois pas au « ça dépends » qui serait une sorte de hasard en matière électorale et de recours au vote…le peuple vote bien ou mal... c'est selon l'opinion de chacun, mais il vote rarement "libre de toute influence" il suffit de se rappeler que les référendums d'initiative populaire sont, à ma connaissance, l'apanage d'un seul pays occidental.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
baptiste a écrit:Dans un ensemble à 18 joueurs les règles sont fixées par l’ensemble de tous les joueurs. Lorsqu’un joueur dit à son peuple votez pour dire que vous ne voulez plus accepter les règles et ce sera sans conséquence, d’abord il nie la réalité : un joueur seul ne peut changer les règles du jeu et cela dans aucun jeu, ensuite il ment car il n’est pas en son pouvoir de décider des conséquences de l’infraction aux règles.
Il faut tenir compte de toutes les règles d'une part, et tenir compte aussi de l'ambiguité de la "réalité".
En particulier, dans le jeu dont nous parlons, tous les joueurs sont égaux, mais certains plus que les autres.
Quand on s'appelle la France, par exemple, on peut changer les règles et avoir un déficit de 4% du PIB, alors que pour les autres c'est 3%. Et on ne se fait pas virer du jeu parce qu'on est too big to fail. On ne sait si c'est inscrit dans les règles, mais c'est la réalité.
Effacer une dette, ce n'est pas très réglo non plus, mais cela se pratique très souvent.
Il faut cependant être en position de changer les règles, position qui n'est pas définie ou inscrite dans les règles elles-mêmes.
Tsipras avait d'ailleurs promis aussi de ne pas sortir de l'euro. Cet aspect, la grexit, est la forme du flingue qu'on lui a mis sur la tempe.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
En l'occurrence, c'est un jeu sans règles. Il fait partie des règles du jeu qu'il est permis de ne pas respecter les règles, comme il est permis de faire pression sur les autres joueurs pour qu'ils respectent ces mêmes règles.
Bref, la politique internationale est la continuation de la guerre par d'autres moyens.
Signalons tout de même quelques approximations gênantes dans la prose de Baptiste :
- le récent vote grec ne porte pas sur le respect des règles, mais sur l'acceptation d'une proposition.
- quand Tsipras dit qu'il faut accepter ce qu'on propose aux Grecs même s'il s'agit d'un très mauvais accord, c'est tout ce qu'on veut sauf un mensonge.
- la réponse "ça dépend" ne veut absolument pas dire que seul le hasard décide.
Bref, la politique internationale est la continuation de la guerre par d'autres moyens.
Signalons tout de même quelques approximations gênantes dans la prose de Baptiste :
- le récent vote grec ne porte pas sur le respect des règles, mais sur l'acceptation d'une proposition.
- quand Tsipras dit qu'il faut accepter ce qu'on propose aux Grecs même s'il s'agit d'un très mauvais accord, c'est tout ce qu'on veut sauf un mensonge.
- la réponse "ça dépend" ne veut absolument pas dire que seul le hasard décide.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
En l'espèce et pour rester peut-être plus proche de notre sujet, il s'agit plus de la question des promesses (tenues ou non) que d'une affaire de respecter des règles. Celui qui ne respecte pas les règles, ceci de manière ouverte (non en trichant de façon subreptice) n'a encore détruit aucune "vérité".
On peut en revanche, comme on l'a fait, s'interroger sur le fait de faire des promesses dont on sait qu'on ne pourra pas les tenir.
En rappelant d'abord que les promesses concernent l'avenir, qui est en partie incertain, c'est la raison pour laquelle j'avais indiqué, méthodologiquement, qu'il était souhaitable d'attendre la fin de la négociation. Il en va de même pour les concessions que Tsipras a faite à la Troïka et à l'Europe, dont on attend de voir s'il va les respecter. Et ou se posera aussi la question de savoir s'il le peut.
Raison pour laquelle, derechef, je pose la question : qui ment car je suis convaincu que nombre de hiérarques européens savent déjà qu'il ne pourra pas faire ce qu'il leur a promis. Pour ma part, je considère comme tout aussi menteur celui qui accepte une promesse dont il sait/croit qu'elle ne sera pas tenue.
Pour revenir aux promesses irréalistes, deux remarques :
1/ Il y a pas mal de syndicalistes dans la majorité de Tsipras. Or il n'y a pas besoin d'une expérience syndicale très développée pour savoir qu'en général, on fait toujours des promesses (ou des revendications) irréalistes. Si une augmentation de 50 euros est jugée possible, on commence par demander 200 euros - dont on sait que ce n'est pas possible, mais on mobilise là-dessus.
2/ Il y a aussi des marxistes ou des marxoïdes, dans sa bande. Or de ce point de vue, la "réalité" n'est pas quelque chose devant quoi il faudrait se coucher respectueusement, mais tout au contraire, ce qui est à transformer. Respecter les règles du jeu, rester "réaliste", cela revient seulement à entériner le système tel qu'il est.
Marx dit lui-même (à la fin du Manifeste) que les communistes ne doivent pas avoir peur de faire des propositions intenables économiquement. Par exemple la réduction du temps de travail à 10 heures - dont tous les gardiens de règle du jeu et de la "réalité" expliquaient à l'époque que c'était complètement irréel et des mensonges.
On peut comprendre au reste que certains tiennent au respect des règles d'un jeu dont ils sortent toujours gagnants.
On peut en revanche, comme on l'a fait, s'interroger sur le fait de faire des promesses dont on sait qu'on ne pourra pas les tenir.
En rappelant d'abord que les promesses concernent l'avenir, qui est en partie incertain, c'est la raison pour laquelle j'avais indiqué, méthodologiquement, qu'il était souhaitable d'attendre la fin de la négociation. Il en va de même pour les concessions que Tsipras a faite à la Troïka et à l'Europe, dont on attend de voir s'il va les respecter. Et ou se posera aussi la question de savoir s'il le peut.
Raison pour laquelle, derechef, je pose la question : qui ment car je suis convaincu que nombre de hiérarques européens savent déjà qu'il ne pourra pas faire ce qu'il leur a promis. Pour ma part, je considère comme tout aussi menteur celui qui accepte une promesse dont il sait/croit qu'elle ne sera pas tenue.
Pour revenir aux promesses irréalistes, deux remarques :
1/ Il y a pas mal de syndicalistes dans la majorité de Tsipras. Or il n'y a pas besoin d'une expérience syndicale très développée pour savoir qu'en général, on fait toujours des promesses (ou des revendications) irréalistes. Si une augmentation de 50 euros est jugée possible, on commence par demander 200 euros - dont on sait que ce n'est pas possible, mais on mobilise là-dessus.
2/ Il y a aussi des marxistes ou des marxoïdes, dans sa bande. Or de ce point de vue, la "réalité" n'est pas quelque chose devant quoi il faudrait se coucher respectueusement, mais tout au contraire, ce qui est à transformer. Respecter les règles du jeu, rester "réaliste", cela revient seulement à entériner le système tel qu'il est.
Marx dit lui-même (à la fin du Manifeste) que les communistes ne doivent pas avoir peur de faire des propositions intenables économiquement. Par exemple la réduction du temps de travail à 10 heures - dont tous les gardiens de règle du jeu et de la "réalité" expliquaient à l'époque que c'était complètement irréel et des mensonges.
On peut comprendre au reste que certains tiennent au respect des règles d'un jeu dont ils sortent toujours gagnants.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Pour s'approcher encore davantage du sujet, il me semble qu'à ce stade on peut faire la liste des différentes modalités sous lesquelles se manifeste, en politique, l'exigence de vérité. Il me semble que la discussion en a fait surgir trois, mais peut-être que j'en oublie:
1) la résistance à la démagogie et d'une manière générale aux entreprises de manipulation, voire plus modestement de "communication"
2) le refus des falsifications historiques (ou des contre-vérités factuelles)
3) la volonté que les promesses soient tenues
Bien sûr, les trois ont compatibles. Mais il me semble néanmoins qu'on gagne toujours à distinguer.
Remarquons que les deux dernières au moins ne concernent pas seulement l'attitude du pouvoir à l'égard du peuple, mais aussi les relations des citoyens entre eux, y compris en tant qu'individus.
Je plussoie par ailleurs ta remarque : exiger d'autrui une promesse dont on sait qu'il ne peut pas la tenir est une forme raffinée du mensonge, et, ajouterai-je, de l'asservissement. Or l'esclave n'est tenu à rien envers son maître, comme l'a démontré un certain Jean-Jacques Rousseau dans le Contrat social, I, 4.
1) la résistance à la démagogie et d'une manière générale aux entreprises de manipulation, voire plus modestement de "communication"
2) le refus des falsifications historiques (ou des contre-vérités factuelles)
3) la volonté que les promesses soient tenues
Bien sûr, les trois ont compatibles. Mais il me semble néanmoins qu'on gagne toujours à distinguer.
Remarquons que les deux dernières au moins ne concernent pas seulement l'attitude du pouvoir à l'égard du peuple, mais aussi les relations des citoyens entre eux, y compris en tant qu'individus.
Je plussoie par ailleurs ta remarque : exiger d'autrui une promesse dont on sait qu'il ne peut pas la tenir est une forme raffinée du mensonge, et, ajouterai-je, de l'asservissement. Or l'esclave n'est tenu à rien envers son maître, comme l'a démontré un certain Jean-Jacques Rousseau dans le Contrat social, I, 4.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
euthyphron a écrit:3) la volonté que les promesses soient tenues
Pour celles-ci, ce que Descartes appelait "une ferme et constante résolution
On ne pourra peut-être pas faire grand chose, mais on peut garder une ferme et constante résolution.
C'est ce qui dérange, chez Hollande, l'absence de fermeté et de constance.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Courtial a écrit:Pour ma part, je considère comme tout aussi menteur celui qui accepte une promesse dont il sait/croit qu'elle ne sera pas tenue.
Oui c'est un mensonge mais d'un autre côté on ne promet donc que des choses qu'on n'avait pas l'intention de réaliser en dehors de la promesse, soit parce que ce sont des choses qui ne nous concernent pas, soit parce que ce sont des choses qu'on a pu estimer trop dures à réaliser et qu'on a préféré éviter de faire jusque là. Cela dit, le trop dur n'est pas l'irréalisable, je suis d'accord, et effectivement promettre l'irréalisable (par exemple "Je promets que je ferai lever le soleil à l'Ouest) est un mensonge. Mais d'un autre côté, promettre le facilement réalisable ne mérite pas d'être promis et on trouverait même ridicule qu'il le soit. Promettre c'est s'obliger à persister dans l'application de sa volonté malgré les résistances de la réalité, les changements d'humeurs et de circonstances.euthyphron a écrit:Je plussoie par ailleurs ta remarque : exiger d'autrui une promesse dont on sait qu'il ne peut pas la tenir est une forme raffinée du mensonge, et, ajouterai-je, de l'asservissement.
Ataraxie- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 489
Date d'inscription : 18/05/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Je rajouterai que tout cela tient également beaucoup du procès d'intention.
Soit ce sont des promesse que l'on sait intenables et dans ce cas, celui qui les croit est un gogo qui a tout intérêt à se former et à se renseigner.
Soit ce sont des promesses potentiellement ouvertes qui demandent effectivement un appui populaire pour prendre de la substance et dans ce cas-là, la légitimité démocratique est un des principaux ciment de la futur construction.
Tout cela ne relève pas de la vérité ou du mensonge. Le procès d'intention et un procédé totalitaire, même si on sait objectivement qu'il peut exister. Tout en sachant qu'il existe, y recourir est un procédé totalitaire. Pourquoi ? parce qu'il permet a posteriori de juger des paris qui ont été fait a priori.
Dernière chose, et je ne sais plus où je l'ai lu, mais dans les évaluations a priori réside toujours une part de vérité, que je mets personnellement au même niveau que les lois statistiques. Quand Sarkozy nous promet le plein emploi, on peut le dénoncer a posteriori, mais pas a priori, donc au final on ne peut pas le dénoncer avec la même qualité d'argument que ce qu'il avait annoncé. De plus, même si la chance était infime, elle n'étais pas nulle de créer les conditions du plein emploi. Il ne s'agit donc pas d'un mensonge mais d'une promesse ambitieuse.
Libre à chacun d'imaginer que c'était un mensonge populiste, un vil procédé pour manipuler les électeurs, il n'en demeure pas moins que ça n'a à mon avis pas plus de relation avec la vérité que la recette de la Tête de Veau Sauce Gribiche (avec les majuscules pour ce met divin).
Soit ce sont des promesse que l'on sait intenables et dans ce cas, celui qui les croit est un gogo qui a tout intérêt à se former et à se renseigner.
Soit ce sont des promesses potentiellement ouvertes qui demandent effectivement un appui populaire pour prendre de la substance et dans ce cas-là, la légitimité démocratique est un des principaux ciment de la futur construction.
Tout cela ne relève pas de la vérité ou du mensonge. Le procès d'intention et un procédé totalitaire, même si on sait objectivement qu'il peut exister. Tout en sachant qu'il existe, y recourir est un procédé totalitaire. Pourquoi ? parce qu'il permet a posteriori de juger des paris qui ont été fait a priori.
Dernière chose, et je ne sais plus où je l'ai lu, mais dans les évaluations a priori réside toujours une part de vérité, que je mets personnellement au même niveau que les lois statistiques. Quand Sarkozy nous promet le plein emploi, on peut le dénoncer a posteriori, mais pas a priori, donc au final on ne peut pas le dénoncer avec la même qualité d'argument que ce qu'il avait annoncé. De plus, même si la chance était infime, elle n'étais pas nulle de créer les conditions du plein emploi. Il ne s'agit donc pas d'un mensonge mais d'une promesse ambitieuse.
Libre à chacun d'imaginer que c'était un mensonge populiste, un vil procédé pour manipuler les électeurs, il n'en demeure pas moins que ça n'a à mon avis pas plus de relation avec la vérité que la recette de la Tête de Veau Sauce Gribiche (avec les majuscules pour ce met divin).
_________________
Le Nord, c'est par là.
poussbois- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1616
Localisation : Petites Antilles
Date d'inscription : 18/07/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Oui, je trouve aussi très excessif de mettre en lien les "promesses non tenues" et l'asservissement.
Transposons sur le champ qui constitue depuis le début de cette discussion un point de comparaison avec le champ politique : L'économie. Lorsque le dirigeant d'une grande entreprise fixe un objectif en termes de chiffre d'affaires, de rentabilité, etc. et qu'il l'annonce publiquement, y a-t-il une différence fondamentale avec un dirigeant politique fixant un objectif en termes de chômage ou de croissance ? Dans les deux cas, on peut certes douter que l'objectif soit réaliste, et si le dirigeant ne l'atteint effectivement pas, il risque de quitter son poste, selon les procédures valides dans l'un et l'autre champ. Mais dans les deux cas, pourquoi le dirigeant prend-t-il ainsi le risque de fixer un objectif élevé -alors que, bien entendu, le futur est incertain, et qu'il serait plus raisonnable et moins risqué de fixer des objectifs peu élevés ? Parce que :
1. Dans les deux cas, les attentes, elles aussi, sont élevées, que ce soit celles des citoyens ou celles des actionnaires/marchés.
2. Dans les deux cas, les dirigeants partent du postulat qu'un objectif doit être élevé pour être motivant -pas irréaliste, cependant, mais élevé.
3. Dans les deux cas, un objectif élevé servira de justification à la mise en œuvre d'un plan stratégique qui aura nécessairement des conséquences négatives pour un certain nombre d'individus ("réorganisation", "restructuration", réduction des budgets/effectifs, etc. aussi bien pour les salariés et les clients de l'entreprise que pour les fonctionnaires et les bénéficiaires des programmes d'aide sociale).
Deux cas donc très similaires. Il me semble qu'il y a pourtant, comme bien souvent, une différence d'appréciation flagrante entre eux. C'est que, si le dirigeant d'entreprise n'atteint pas l'objectif qu'il a lui-même fixé, ce défaut s'envisagera en termes de compétences. Il aura fait, disons, une erreur, il n'aura pas été à la hauteur de sa tâche. En revanche, si le dirigeant politique n'atteint pas l'objectif qu'il a fixé, ce défaut s'envisagera en termes éthiques, en termes de faute : Il n'aura pas tenu ses promesses. Il aura menti.
Transposons sur le champ qui constitue depuis le début de cette discussion un point de comparaison avec le champ politique : L'économie. Lorsque le dirigeant d'une grande entreprise fixe un objectif en termes de chiffre d'affaires, de rentabilité, etc. et qu'il l'annonce publiquement, y a-t-il une différence fondamentale avec un dirigeant politique fixant un objectif en termes de chômage ou de croissance ? Dans les deux cas, on peut certes douter que l'objectif soit réaliste, et si le dirigeant ne l'atteint effectivement pas, il risque de quitter son poste, selon les procédures valides dans l'un et l'autre champ. Mais dans les deux cas, pourquoi le dirigeant prend-t-il ainsi le risque de fixer un objectif élevé -alors que, bien entendu, le futur est incertain, et qu'il serait plus raisonnable et moins risqué de fixer des objectifs peu élevés ? Parce que :
1. Dans les deux cas, les attentes, elles aussi, sont élevées, que ce soit celles des citoyens ou celles des actionnaires/marchés.
2. Dans les deux cas, les dirigeants partent du postulat qu'un objectif doit être élevé pour être motivant -pas irréaliste, cependant, mais élevé.
3. Dans les deux cas, un objectif élevé servira de justification à la mise en œuvre d'un plan stratégique qui aura nécessairement des conséquences négatives pour un certain nombre d'individus ("réorganisation", "restructuration", réduction des budgets/effectifs, etc. aussi bien pour les salariés et les clients de l'entreprise que pour les fonctionnaires et les bénéficiaires des programmes d'aide sociale).
Deux cas donc très similaires. Il me semble qu'il y a pourtant, comme bien souvent, une différence d'appréciation flagrante entre eux. C'est que, si le dirigeant d'entreprise n'atteint pas l'objectif qu'il a lui-même fixé, ce défaut s'envisagera en termes de compétences. Il aura fait, disons, une erreur, il n'aura pas été à la hauteur de sa tâche. En revanche, si le dirigeant politique n'atteint pas l'objectif qu'il a fixé, ce défaut s'envisagera en termes éthiques, en termes de faute : Il n'aura pas tenu ses promesses. Il aura menti.
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Il me semble que tu prends le mot "promesse" dans un sens très large, qui inclut la déclaration d'intention.
Pour reprendre ton exemple, je ne me souviens pas que Sarkozy ait promis le plein emploi, mais seulement d'en faire son objectif. En revanche, il avait bien promis de quitter la vie politique au cas où il n'aurait pas été élu en 2012. Le fait qu'on ne lui fasse plus guère le reproche d'avoir menti à ce sujet me paraît un très mauvais signe pour la démocratie.
Il semble en effet se produire un étrange renversement de valeurs, que je n'approuve pas. On reproche aux hommes politiques de ne pas tenir leurs promesses quand en fait il n'y a nulle promesse à citer, juste des espoirs déçus (il y aurait là comme un jeu de mots, car on dit de quelqu'un qu'il promet beaucoup quand sa jeunesse donne des espoirs, même s'il ne profère en réalité aucune promesse). En revanche, qu'ils mentent (au vrai sens du terme), ou qu'ils trahissent la parole donnée, semble être considéré comme bénin, de bonne guerre.
Pour me démentir, il serait intéressant de citer une promesse authentique (pas un espoir vague) et précise qui d'une part n'aurait pas été tenue, et dont d'autre part la trahison provoquerait l'indignation. On dit toujours que c'est cela qui provoque le mécontentement populaire, je me demande si c'est vraiment le cas, et si nous ne reprochons pas plutôt aux hommes politiques d'être moins séduisants une fois qu'on leur a cédé, ce qui ne leur est pourtant pas propre.
PS : je découvre le message de Bergame à l'instant, qui ne m'incite pas à modifier le mien. Mais juste une précision : je n'ai pas fait le lien entre promesse non tenue et asservissement, et personne d'autre que moi ne l'a fait non plus. Il faut lire ce qu'on prétend réfuter, c'est mieux.
Pour reprendre ton exemple, je ne me souviens pas que Sarkozy ait promis le plein emploi, mais seulement d'en faire son objectif. En revanche, il avait bien promis de quitter la vie politique au cas où il n'aurait pas été élu en 2012. Le fait qu'on ne lui fasse plus guère le reproche d'avoir menti à ce sujet me paraît un très mauvais signe pour la démocratie.
Il semble en effet se produire un étrange renversement de valeurs, que je n'approuve pas. On reproche aux hommes politiques de ne pas tenir leurs promesses quand en fait il n'y a nulle promesse à citer, juste des espoirs déçus (il y aurait là comme un jeu de mots, car on dit de quelqu'un qu'il promet beaucoup quand sa jeunesse donne des espoirs, même s'il ne profère en réalité aucune promesse). En revanche, qu'ils mentent (au vrai sens du terme), ou qu'ils trahissent la parole donnée, semble être considéré comme bénin, de bonne guerre.
Pour me démentir, il serait intéressant de citer une promesse authentique (pas un espoir vague) et précise qui d'une part n'aurait pas été tenue, et dont d'autre part la trahison provoquerait l'indignation. On dit toujours que c'est cela qui provoque le mécontentement populaire, je me demande si c'est vraiment le cas, et si nous ne reprochons pas plutôt aux hommes politiques d'être moins séduisants une fois qu'on leur a cédé, ce qui ne leur est pourtant pas propre.
PS : je découvre le message de Bergame à l'instant, qui ne m'incite pas à modifier le mien. Mais juste une précision : je n'ai pas fait le lien entre promesse non tenue et asservissement, et personne d'autre que moi ne l'a fait non plus. Il faut lire ce qu'on prétend réfuter, c'est mieux.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Il me semble que ce genre de remarque n'est pas de nature à engendrer des discussions apaisées ni fructueuses. J'ai moi aussi le sentiment, de plus en plus souvent d'ailleurs, d'être très mal lu ici, heureusement que je ne m'arrête pas à chacune des mésinterprétations, plus ou moins véridiques, que je constate. Dans ce cas, j'essaie, éventuellement, de m'expliquer et de me faire comprendre.
Tu as dit : "exiger d'autrui une promesse dont on sait qu'il ne peut pas la tenir est une forme raffinée du mensonge, et, ajouterai-je, de l'asservissement." Et de citer, de plus, Rousseau.
Donc :
1. Excuse-moi de te demander pardon, il me semble, quant à moi, en ce qui me concerne, s'il est possible d'exprimer une opinion, que le lien entre la promesse non tenue et l'asservissement est outré. J'entends bien l'idée que c'est celui qui "exige une promesse non tenue" qui s'asservit lui-même, mais ça me semble outré.
Non seulement parce que les interventions précédentes questionnent le sens même de la notion de "promesse non tenue".
Mais encore, comprends-moi, parce que, d'une manière générale, ce geste qui consiste à utiliser le concept d'"asservissement" dès lors qu'on parle de politique -et d'une politique assez commune, ici, hein, tu n'es même pas en train de faire référence à des régimes "totalitaires", tu cites Sarkozy- me semble outré.
2. De plus, il est ici question d'asservissement volontaire -ou ne comprends-je vraiment rien à ta remarque ? Or, moi, le concept de "servitude volontaire", je l'ai déjà dit, il ne m'évoque rien, ce n'est pour moi qu'on oxymoron rhétorique.
3. Accessoirement, il me semble que Rousseau pense de même, que Rousseau est lui aussi un critique du concept de "servitude volontaire", et que c'est -entre autres- ce qu'il critique dans le chapitre que tu cites.
Ceci étant sans doute anecdotique dans notre discussion. Je me permets simplement de faire remarquer ton introduction du concept d'"asservissement" dans une discussion qui porte sur la politique. Ca me semble outré, voila. Si c'est possible de l'entendre.
Tu as dit : "exiger d'autrui une promesse dont on sait qu'il ne peut pas la tenir est une forme raffinée du mensonge, et, ajouterai-je, de l'asservissement." Et de citer, de plus, Rousseau.
Donc :
1. Excuse-moi de te demander pardon, il me semble, quant à moi, en ce qui me concerne, s'il est possible d'exprimer une opinion, que le lien entre la promesse non tenue et l'asservissement est outré. J'entends bien l'idée que c'est celui qui "exige une promesse non tenue" qui s'asservit lui-même, mais ça me semble outré.
Non seulement parce que les interventions précédentes questionnent le sens même de la notion de "promesse non tenue".
Mais encore, comprends-moi, parce que, d'une manière générale, ce geste qui consiste à utiliser le concept d'"asservissement" dès lors qu'on parle de politique -et d'une politique assez commune, ici, hein, tu n'es même pas en train de faire référence à des régimes "totalitaires", tu cites Sarkozy- me semble outré.
2. De plus, il est ici question d'asservissement volontaire -ou ne comprends-je vraiment rien à ta remarque ? Or, moi, le concept de "servitude volontaire", je l'ai déjà dit, il ne m'évoque rien, ce n'est pour moi qu'on oxymoron rhétorique.
3. Accessoirement, il me semble que Rousseau pense de même, que Rousseau est lui aussi un critique du concept de "servitude volontaire", et que c'est -entre autres- ce qu'il critique dans le chapitre que tu cites.
Ceci étant sans doute anecdotique dans notre discussion. Je me permets simplement de faire remarquer ton introduction du concept d'"asservissement" dans une discussion qui porte sur la politique. Ca me semble outré, voila. Si c'est possible de l'entendre.
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
C'est bien parce que je suis d'accord que je n'accepte pas qu'on m'attribue cette outrance.Bergame a écrit:
1. Excuse-moi de te demander pardon, il me semble, quant à moi, en ce qui me concerne, s'il est possible d'exprimer une opinion, que le lien entre la promesse non tenue et l'asservissement est outré.
Non, pas du tout. Cela me semblait clair, mais ce n'est pas grave je peux l'éclaircir maintenant. C'est celui qui exige une promesse qu'on ne peut tenir qui asservit l'autre, comme le maître qui exige l'obéissance de son esclave (d'où la référence à Rousseau). Rien à voir donc avec une servitude volontaire.Bergame a écrit:J'entends bien l'idée que c'est celui qui "exige une promesse non tenue" qui s'asservit lui-même, mais ça me semble outré.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Donc j'essaie de comprendre : L'électeur, exigeant de la part du dirigeant politique une promesse que celui-ci ne peut tenir, l'asservit. Les dirigeants politiques sont donc les esclaves de leurs électeurs. Or, puisque, selon Rousseau, l'esclave n'est tenu à rien envers son maître, le dirigeant politique n'est pas engagé par cette promesse. Par conséquent, il est parfaitement en droit de se dédire.
Est-ce bien ce que tu voulais dire, cette fois ?
Est-ce bien ce que tu voulais dire, cette fois ?
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Non, puisque l'électeur, sauf situation d'exception que je n'ai pas imaginée, n'est pas en position d'exiger des candidats qu'ils fassent telle ou telle promesse insoutenable.
Je me suis exprimé en écho à ce qu'a dit Courtial à propos de la situation en Grèce, je cite : "Pour ma part, je considère comme tout aussi menteur celui qui accepte une promesse dont il sait/croit qu'elle ne sera pas tenue."
Tel Dupond, je dirais même plus : celui qui exige un engagement (une promesse) dont il sait qu'elle ne pourra être tenue trouve ainsi le moyen légal d'asservir, la soumission étant supposée compenser le non respect de la promesse.
Mais si tu tiens à ton exemple, qui se situe je le rappelle dans un tout autre contexte, en supposant un homme politique qui promet à ses électeurs ce qu'il sait ne pouvoir tenir, uniquement parce que les électeurs exigent cette promesse, il est clair que dans son esprit la situation l'autorise en effet à se dédire. Si les électeurs ne l'admettent pas, c'est parce qu'ils pensent, pour leur part, que l'homme politique s'est engagé librement.
Je me suis exprimé en écho à ce qu'a dit Courtial à propos de la situation en Grèce, je cite : "Pour ma part, je considère comme tout aussi menteur celui qui accepte une promesse dont il sait/croit qu'elle ne sera pas tenue."
Tel Dupond, je dirais même plus : celui qui exige un engagement (une promesse) dont il sait qu'elle ne pourra être tenue trouve ainsi le moyen légal d'asservir, la soumission étant supposée compenser le non respect de la promesse.
Mais si tu tiens à ton exemple, qui se situe je le rappelle dans un tout autre contexte, en supposant un homme politique qui promet à ses électeurs ce qu'il sait ne pouvoir tenir, uniquement parce que les électeurs exigent cette promesse, il est clair que dans son esprit la situation l'autorise en effet à se dédire. Si les électeurs ne l'admettent pas, c'est parce qu'ils pensent, pour leur part, que l'homme politique s'est engagé librement.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Celui qui se présente au suffrage ne fait pas seulement des promesses, il se présente en qualité de « sachant », l’électeur qui n’est pas spécialiste à toutes les raisons d’accepter son diagnostic surtout lorsque celui-ci va dans le sens de ses espérances. La question posée est donc celle de la sincérité, il existe une distance non négligeable entre une promesse non tenue parce que les circonstances ou les différentes interactions n’ont pas permit de la tenir et une promesse irréaliste qui ne pourrait en aucun cas être tenue et faites uniquement pour collecter des suffrages qui elle relève de la démagogie.
Comment peut-on dire que les électeurs exigent une promesse ? Exploiter la crédulité et la naïveté du peuple, se livrer à des excès oratoires et gesticulatoires pour capter sa confiance et acquérir une popularité afin d’accéder au pouvoir et s’y maintenir, manipuler des référendums alibis pour ensuite jouer les pompiers pyromanes, c’est tromper consciemment.
Comment peut-on dire que les électeurs exigent une promesse ? Exploiter la crédulité et la naïveté du peuple, se livrer à des excès oratoires et gesticulatoires pour capter sa confiance et acquérir une popularité afin d’accéder au pouvoir et s’y maintenir, manipuler des référendums alibis pour ensuite jouer les pompiers pyromanes, c’est tromper consciemment.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Evidemment, si tu pars du principe que "le peuple" est "naïf" et "crédule", et que les responsables politiques le manipulent en lui faisant croire des choses fausses, évidemment, ce sont des menteurs. Encore une fois, voila un beau raisonnement circulaire, dont la conclusion n'a de validité qu'en ce qu'elle découle directement du postulat.
A toi comme à Ataraxie, je crois qu'il faut donc simplement répondre : Chers amis, vous considérez-vous comme faisant partie du "peuple", ou non ?
Si oui, alors je vous propose de réaliser une petite introspection et de vous demander si vous-mêmes êtes aussi aisément manipulables que vous le théorisez. Pensez-vous qu'un politicien pourrait vous amener à massacrer des innocents au nom de la souveraineté nationale ? Pensez-vous qu'il pourrait parvenir à vous faire prendre des vessies pour des lanternes ? Êtes-vous donc idiots ?
Si non, alors qu'est-ce qui pourrait expliquer le fait que vous soyez des êtres à part ? Comment pourrait-on expliquer que vous soyez hermétiques à la "démagogie", imperméables à la "transfiguration" du mal en bien qu'opèrent les "politicopathes", tandis que, faut-il comprendre, le grand nombre de vos concitoyens menace toujours d'en être victimes ?
A toi comme à Ataraxie, je crois qu'il faut donc simplement répondre : Chers amis, vous considérez-vous comme faisant partie du "peuple", ou non ?
Si oui, alors je vous propose de réaliser une petite introspection et de vous demander si vous-mêmes êtes aussi aisément manipulables que vous le théorisez. Pensez-vous qu'un politicien pourrait vous amener à massacrer des innocents au nom de la souveraineté nationale ? Pensez-vous qu'il pourrait parvenir à vous faire prendre des vessies pour des lanternes ? Êtes-vous donc idiots ?
Si non, alors qu'est-ce qui pourrait expliquer le fait que vous soyez des êtres à part ? Comment pourrait-on expliquer que vous soyez hermétiques à la "démagogie", imperméables à la "transfiguration" du mal en bien qu'opèrent les "politicopathes", tandis que, faut-il comprendre, le grand nombre de vos concitoyens menace toujours d'en être victimes ?
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Bergame a écrit: le champ qui constitue depuis le début de cette discussion un point de comparaison avec le champ politique : L'économie. Lorsque le dirigeant d'une grande entreprise fixe un objectif en termes de chiffre d'affaires, de rentabilité, etc. et qu'il l'annonce publiquement, y a-t-il une différence fondamentale avec un dirigeant politique fixant un objectif en termes de chômage ou de croissance ? Dans les deux cas, on peut certes douter que l'objectif soit réaliste, et si le dirigeant ne l'atteint effectivement pas (...)
Tu me l'ôtes de la bouche.
Il y a en politique comme en économie un caractère auto-réalisateur qu'on ne peut méconnaître. On nous parle partout et toujours de "la confiance, la confiance" (en sautant comme un cabri), mais la "confiance" repose essentiellement sur des promesses autoréalisatrices et n'existerait pas sans elles. Avec les deux temps : la promesse comme telle, et la foi en son
caractère réalisateur aussi.
Il y a bien sûr une différence qu'il ne faut pas davantage ignorer, c'est que si en politique, le mensonge peut apparaître comme un moyen de gouvernement parfois, en économie c'est le seul régime valable, puisque l'opacité, le secret, l'intox, la manipulation, la mystification y sont absolument obligatoires, en sorte que la question du bac aurait plutôt été quelque chose comme : l'économie peut-elle échapper à l'exigence du mensonge ?
Marine Le Pen est trop politique, pas du tout économique. Dire maintenant que l'on va quitter l'euro et dévaluer immédiatement le Nouveau Franc, c'est peut-être une proposition politique possible, mais c'est débile économiquement : on n'annonce pas une dévaluation deux ans à l'avance (en admettant qu'elle gagne aux prochaines élections, dans deux ans). Les bonnes dévaluations, elles fonctionnent quand on a promis avant pendant des siècles qu'on ne dévaluerait jamais, qu'on a dit "croix de bois, croix de fer", qu'on a juré ses grands Dieux, ses grands chevaux. Ou qu'on a juré sur ses grands chevaux et que l'on est monté sur ses grands Dieux. Vouloir ne pas mentir en économie, c'est refuser l'exercice lui-même.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Arendt note qu'aucune des grandes religions ne considère le mensonge comme étant un péché mortel, la vérité n'est pas toujours bonne à entendre, d'ailleurs Bergame la publicité ne se prive pas de mentir et il n'a jamais été montré que ce n'était pas efficace de mentir au peuple. Tu ne contestera pas j'espère que le discours politique est depuis quelques décennies l'apanage des publicitaires plutôt que celui des idéologues. Depuis Jacques Seguèla qui fut le grand penseur du Mitterandisme où sont passées les idées politiques?
Quand au peuple je te ferai la réponse de Camus à Sartre, le peuple ce n'est pas pour moi une idéalité, j'en suis, j'y suis né, je vie et travaille avec la masse des anonymes. Mon voisin supot local du FN a voté Hollande au premier tour parce qu'il avait promis la retraite à 60 ans à ceux qui avaient commencé à travailler tôt, maintenant il travaille au black. HR travaille au CEA à la production des explosifs nucléaires et vote écologie, RC électeur FN "décomplexé" comme on dit aujourd'hui parce que "on ne les a pas encore essayé" MS faisait de même depuis longtemps parce qu'il ne supportait pas les beurs, il vient de quitter sa femme pour se mettre avec une beurette de 30 ans de moins que lui, maintenant il est pour l'ouverture des frontières, il n'y a là que quelques exemples pris dans mon entourage proche, mais je pourrais en proposer bien d'autres AS qui ne vote pas parce que "les politiques n'ont jamais rien fait pour elle" ou bien RS qui fait de même parce que n'importe comment "ils ne veulent se faire élire que pour s'en mettre plein les poches" .
Tu sais les électeurs qui ont lu Marx ou Tocqueville sont rares.
Si tu regardes les chiffres exacts du référendum grec, ceux sont 40% qui ont dit "rien à foutre", 36% qui ont dit non et 24% oui. Il a voté comment "le peuple"?
Quand au peuple je te ferai la réponse de Camus à Sartre, le peuple ce n'est pas pour moi une idéalité, j'en suis, j'y suis né, je vie et travaille avec la masse des anonymes. Mon voisin supot local du FN a voté Hollande au premier tour parce qu'il avait promis la retraite à 60 ans à ceux qui avaient commencé à travailler tôt, maintenant il travaille au black. HR travaille au CEA à la production des explosifs nucléaires et vote écologie, RC électeur FN "décomplexé" comme on dit aujourd'hui parce que "on ne les a pas encore essayé" MS faisait de même depuis longtemps parce qu'il ne supportait pas les beurs, il vient de quitter sa femme pour se mettre avec une beurette de 30 ans de moins que lui, maintenant il est pour l'ouverture des frontières, il n'y a là que quelques exemples pris dans mon entourage proche, mais je pourrais en proposer bien d'autres AS qui ne vote pas parce que "les politiques n'ont jamais rien fait pour elle" ou bien RS qui fait de même parce que n'importe comment "ils ne veulent se faire élire que pour s'en mettre plein les poches" .
Tu sais les électeurs qui ont lu Marx ou Tocqueville sont rares.
Si tu regardes les chiffres exacts du référendum grec, ceux sont 40% qui ont dit "rien à foutre", 36% qui ont dit non et 24% oui. Il a voté comment "le peuple"?
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Ton message suscite en moi cinq interrogations :
1) personne n'a dit "rien à foutre", cette option n'était pas proposée. On ne peut pas interpréter un silence. Si?
2) le peuple grec a voté "non" à la dernière consultation, c'est un fait, dès lors que la règle est que l'emporte la majorité des suffrages exprimés. Est-ce la règle que tu contestes?
3) ce que tu méprises (aujourd'hui le "mitterrandisme", demain ce sera autre chose) existe néanmoins, et le mépris n'est pas une analyse. Pourquoi ces jugements à l'emporte-pièce? Pour embêter qui?
4) ce que tu dis de tes voisins ne prouve strictement rien, et ne répond pas à la question de Bergame : es-tu manipulable (comme tes voisins)? et si non, comment fais-tu? (qu'est-ce qui te rend supérieur à tes voisins?)
5) le christianisme, seule religion à utiliser le concept de péché mortel, tient le mensonge pour un péché grave (et potentiellement mortel), et pour le chrétien Kant, comme chacun sait, aucun mensonge n'est excusable. Il serait donc intéressant de savoir où Hannah Arendt soutient l'invraisemblable paradoxe que tu lui attribues, pour en comprendre les motivations.
1) personne n'a dit "rien à foutre", cette option n'était pas proposée. On ne peut pas interpréter un silence. Si?
2) le peuple grec a voté "non" à la dernière consultation, c'est un fait, dès lors que la règle est que l'emporte la majorité des suffrages exprimés. Est-ce la règle que tu contestes?
3) ce que tu méprises (aujourd'hui le "mitterrandisme", demain ce sera autre chose) existe néanmoins, et le mépris n'est pas une analyse. Pourquoi ces jugements à l'emporte-pièce? Pour embêter qui?
4) ce que tu dis de tes voisins ne prouve strictement rien, et ne répond pas à la question de Bergame : es-tu manipulable (comme tes voisins)? et si non, comment fais-tu? (qu'est-ce qui te rend supérieur à tes voisins?)
5) le christianisme, seule religion à utiliser le concept de péché mortel, tient le mensonge pour un péché grave (et potentiellement mortel), et pour le chrétien Kant, comme chacun sait, aucun mensonge n'est excusable. Il serait donc intéressant de savoir où Hannah Arendt soutient l'invraisemblable paradoxe que tu lui attribues, pour en comprendre les motivations.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Lorsque l’on pose une question considérée comme de première importance, ne pas y répondre cela signifierait quoi ? Cela ne signifie pas rien à foutre de la question, mais rien à foutre d’y répondre, soit parce que l’on estime la question mal posée, soit parce qu’on la considère pour ce qu’elle est, soit parce que l’on ne sait pas répondre…peu importe, mais c’est bien une non réponse.
Il ne s’agit pas de contester le résultat d’un scrutin majoritaire, résultat dont tout le monde se moque, y compris ceux qui ont généré la question, mais ce qu’est censé avoir dit ou non dit « le peuple », le « non dit » doit aussi être pris en compte lorsque l’on cherche à comprendre. On peut lire dans les 40%, « vous vous êtes présentés à nous comme des gens compétents capable de résoudre nos problèmes, alors faites le, c’est pour cela que l’on vous a élu et ne nous demandez pas de vous servir d’alibi ».
La conjonction Mitterand/Séguéla est un temps historique, il y a eut l’avant campagne de 81 avec les 101 propositions du programme commun de gouvernement, des propositions politiques comme les nationalisations… fondées dans une rupture de la pratique en vigueur, puis celle de 88 qui est 100% celle d’un publicitaire fondée sur des slogans de vendeur de lessive, la « génération Mitterand » et depuis cette époque aucun candidat n’a échappé à cette conception marketing de la politique, on eu droit à « la fin de la fracture sociale » , « Présider autrement », « la France forte »...et bien d’autres que j’ai oublié. Mais il n’y a plus aucune référence à une quelconque idéologie.
Ce que je dis de mes voisins s’applique à tout le monde, ce n’est qu’une illustration de la sagesse du peuple, en plus voter ce n’est pas simplement supporter une couleur politique c’est parier que celui que l’on élira sera à la hauteur de la tâche, comme dans tout pari il y a nécessairement une part de subjectivité. Il se trouve simplement nous sommes sensible au discours, à la puissance du verbe, à la voix des tribuns, même s’il n’en reste plus beaucoup, au style de l’orateur, aux slogans et que certains savent mieux que d’autres manipuler ces outils pour nous mentir. Quand aux propositions concrètes elles ne concernent que ceux qui veulent bien y croire.
En ce qui concerne les religions, j’ai dit que le mensonge n’était pas considéré comme un péché mortel, je n’ai pas dit qu’il était excusé, quoique l’Islam, apparemment, prévoirait des cas où il est acceptable.
Il ne s’agit pas de contester le résultat d’un scrutin majoritaire, résultat dont tout le monde se moque, y compris ceux qui ont généré la question, mais ce qu’est censé avoir dit ou non dit « le peuple », le « non dit » doit aussi être pris en compte lorsque l’on cherche à comprendre. On peut lire dans les 40%, « vous vous êtes présentés à nous comme des gens compétents capable de résoudre nos problèmes, alors faites le, c’est pour cela que l’on vous a élu et ne nous demandez pas de vous servir d’alibi ».
La conjonction Mitterand/Séguéla est un temps historique, il y a eut l’avant campagne de 81 avec les 101 propositions du programme commun de gouvernement, des propositions politiques comme les nationalisations… fondées dans une rupture de la pratique en vigueur, puis celle de 88 qui est 100% celle d’un publicitaire fondée sur des slogans de vendeur de lessive, la « génération Mitterand » et depuis cette époque aucun candidat n’a échappé à cette conception marketing de la politique, on eu droit à « la fin de la fracture sociale » , « Présider autrement », « la France forte »...et bien d’autres que j’ai oublié. Mais il n’y a plus aucune référence à une quelconque idéologie.
Ce que je dis de mes voisins s’applique à tout le monde, ce n’est qu’une illustration de la sagesse du peuple, en plus voter ce n’est pas simplement supporter une couleur politique c’est parier que celui que l’on élira sera à la hauteur de la tâche, comme dans tout pari il y a nécessairement une part de subjectivité. Il se trouve simplement nous sommes sensible au discours, à la puissance du verbe, à la voix des tribuns, même s’il n’en reste plus beaucoup, au style de l’orateur, aux slogans et que certains savent mieux que d’autres manipuler ces outils pour nous mentir. Quand aux propositions concrètes elles ne concernent que ceux qui veulent bien y croire.
En ce qui concerne les religions, j’ai dit que le mensonge n’était pas considéré comme un péché mortel, je n’ai pas dit qu’il était excusé, quoique l’Islam, apparemment, prévoirait des cas où il est acceptable.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Merci d'avoir répondu.
Donc, nous sommes bien d'accord, ne pas voter est bien une non réponse, mais il y a d'autres raisons que l'indifférence qui puissent motiver une non réponse.
Sur le deuxième point, cela mériterait d'être creusé, car cela pose la question difficile (et hélas légèrement hors-sujet) de ce que c'est qu'un peuple. Je suis d'accord avec toi pour contester l'identification de "le résultat du vote est..." et de "le peuple pense que...". Mais Bergame va peut-être nous rétorquer qu'il n'y a pas moyen de savoir ce que pense le peuple, sinon en organisant un vote, et je lui donnerais alors raison.
Le troisième point te regarde, c'est ton ressenti. Il me semble cependant que s'il y a eu en France un inventeur du marketing politique, quelqu'un pour qui tout est affaire de com, c'est d'abord Giscard. Mais ce genre d'opinions est toujours à nuancer.
Le quatrième point revient à mon "ça dépend". Il serait intéressant de se demander ce que serait un vote de citoyen non manipulé.
Quant au cinquième point, tu ne donnes pas ta référence. J'aurais pourtant aimé savoir ce que dit Hannah Arendt, et quel est le contexte.
A part ça,
L'exemple de Marine Le Pen est intéressant. Car elle n'est pas au pouvoir, et son discours est d'abord le discours de quelqu'un qui n'est pas au pouvoir. C'est-à-dire qu'il faut pousser ton raisonnement jusqu'au bout. Que fait Marine Le Pen? Elle se pose en championne du refus de l'Europe technocratique, d'une part parce que c'est un bon créneau (nous sommes très nombreux à refuser l'Europe technocratique) d'autre part sans doute aussi par conviction, mais comme dirait l'autre c'est un détail. Il faut donc qu'elle dise ce qu'elle ferait si elle accédait au pouvoir, afin de montrer qu'il y a une alternative, que c'est possible de quitter la zone euro.
Donc, il ne faut pas dire "quand Marine Le Pen prendra le pouvoir elle dévaluera, l'andouille!" mais "Marine Le Pen envisage de dévaluer si elle accède au pouvoir, ce qui veut dire qu'elle ne le fera pas, soit parce qu'elle n'accèdera pas au pouvoir, soit parce qu'elle devra proposer tout de suite un nouveau discours".
Plutôt que voir dans ce jeu politique une série de mensonges, j'y verrais un jeu de stratégie, et cacher son jeu n'est évidemment pas tricher, puisque c'est indispensable pour gagner.
Donc, nous sommes bien d'accord, ne pas voter est bien une non réponse, mais il y a d'autres raisons que l'indifférence qui puissent motiver une non réponse.
Sur le deuxième point, cela mériterait d'être creusé, car cela pose la question difficile (et hélas légèrement hors-sujet) de ce que c'est qu'un peuple. Je suis d'accord avec toi pour contester l'identification de "le résultat du vote est..." et de "le peuple pense que...". Mais Bergame va peut-être nous rétorquer qu'il n'y a pas moyen de savoir ce que pense le peuple, sinon en organisant un vote, et je lui donnerais alors raison.
Le troisième point te regarde, c'est ton ressenti. Il me semble cependant que s'il y a eu en France un inventeur du marketing politique, quelqu'un pour qui tout est affaire de com, c'est d'abord Giscard. Mais ce genre d'opinions est toujours à nuancer.
Le quatrième point revient à mon "ça dépend". Il serait intéressant de se demander ce que serait un vote de citoyen non manipulé.
Quant au cinquième point, tu ne donnes pas ta référence. J'aurais pourtant aimé savoir ce que dit Hannah Arendt, et quel est le contexte.
A part ça,
Mais la déclaration d'intention n'est pas un mensonge ("ensemble nous ferons reculer le chômage", par exemple). Ne rien dire n'est pas mentir non plus.courtial a écrit:Il y a en politique comme en économie un caractère auto-réalisateur qu'on ne peut méconnaître. On nous parle partout et toujours de "la confiance, la confiance" (en sautant comme un cabri), mais la "confiance" repose essentiellement sur des promesses autoréalisatrices et n'existerait pas sans elles. Avec les deux temps : la promesse comme telle, et la foi ]en son
caractère réalisateur aussi.
Il y a bien sûr une différence qu'il ne faut pas davantage ignorer, c'est que si en politique, le mensonge peut apparaître comme un moyen de gouvernement parfois, en économie c'est le seul régime valable, puisque l'opacité, le secret, l'intox, la manipulation, la mystification y sont absolument obligatoires, en sorte que la question du bac aurait plutôt été quelque chose comme : l'économie peut-elle échapper à l'exigence du mensonge ?
Marine Le Pen est trop politique, pas du tout économique. Dire maintenant que l'on va quitter l'euro et dévaluer immédiatement le Nouveau Franc, c'est peut-être une proposition politique possible, mais c'est débile économiquement : on n'annonce pas une dévaluation deux ans à l'avance (en admettant qu'elle gagne aux prochaines élections, dans deux ans). Les bonnes dévaluations, elles fonctionnent quand on a promis avant pendant des siècles qu'on ne dévaluerait jamais, qu'on a dit "croix de bois, croix de fer", qu'on a juré ses grands Dieux, ses grands chevaux. Ou qu'on a juré sur ses grands chevaux et que l'on est monté sur ses grands Dieux. Vouloir ne pas mentir en économie, c'est refuser l'exercice lui-même.
L'exemple de Marine Le Pen est intéressant. Car elle n'est pas au pouvoir, et son discours est d'abord le discours de quelqu'un qui n'est pas au pouvoir. C'est-à-dire qu'il faut pousser ton raisonnement jusqu'au bout. Que fait Marine Le Pen? Elle se pose en championne du refus de l'Europe technocratique, d'une part parce que c'est un bon créneau (nous sommes très nombreux à refuser l'Europe technocratique) d'autre part sans doute aussi par conviction, mais comme dirait l'autre c'est un détail. Il faut donc qu'elle dise ce qu'elle ferait si elle accédait au pouvoir, afin de montrer qu'il y a une alternative, que c'est possible de quitter la zone euro.
Donc, il ne faut pas dire "quand Marine Le Pen prendra le pouvoir elle dévaluera, l'andouille!" mais "Marine Le Pen envisage de dévaluer si elle accède au pouvoir, ce qui veut dire qu'elle ne le fera pas, soit parce qu'elle n'accèdera pas au pouvoir, soit parce qu'elle devra proposer tout de suite un nouveau discours".
Plutôt que voir dans ce jeu politique une série de mensonges, j'y verrais un jeu de stratégie, et cacher son jeu n'est évidemment pas tricher, puisque c'est indispensable pour gagner.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
La vérité devient l’otage des particuliers ou du public (ceux sont les mots qu’Arendt emploi au lieu de celui de peuple) ; ce qu’Arendt cite dans Léviathan de Hobbes : que les hommes n’acceptent aucune vérité qui est contraire à leur pouvoir ou intérêts. Le public réclame des paroles fortes et positives et cependant il n’accorde que peu de crédit à ces paroles. Entre la mauvaise foi d’une rhétorique abusive et les bonnes intentions qui deviennent promesses non-tenues, la vérité et le mensonge s’entremêlent ; les démêler est parfois une gageure. C'est ce qui explique la différence d'audience entre les discours des partis dits de gouvernements et ceux qui se cantonnent dans l'opposition à perpétuité.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?
Mais il y a une chose que je ne comprends pas : pourquoi ne donnes-tu pas la référence précise? D'une part, cela donnerait la possibilité de voir le contexte. D'autre part, cela lèverait les ambiguïtés, car je ne vois pas ce que tu veux dire sur Arendt citant dans (?) Hobbes. Est-ce un commentaire qu'elle fait de Hobbes, ou bien une critique, ou bien s'en sert-elle pour traiter une question et si oui laquelle?
Et tu ne m'as toujours pas dit où (et à quel propos) Hannah Arendt aurait soutenu ce qui est a priori une énormité tant que du moins l'on n'en a pas l'explication, à savoir que toutes les grandes religions considèrent que le mensonge est un péché non mortel.
Et tu ne m'as toujours pas dit où (et à quel propos) Hannah Arendt aurait soutenu ce qui est a priori une énormité tant que du moins l'on n'en a pas l'explication, à savoir que toutes les grandes religions considèrent que le mensonge est un péché non mortel.
_________________
amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 1505
Date d'inscription : 01/06/2011
Page 9 sur 14 • 1 ... 6 ... 8, 9, 10 ... 14
Sujets similaires
» "La vérité se suffit à elle-même".
» La morale est-elle compatible avec la Politique ?
» Politique or not politique ?
» La philosophie est-elle, ou doit-elle être, humaniste ?
» Y a-t-il quelque chose en nous qui échappe à la culture?
» La morale est-elle compatible avec la Politique ?
» Politique or not politique ?
» La philosophie est-elle, ou doit-elle être, humaniste ?
» Y a-t-il quelque chose en nous qui échappe à la culture?
Page 9 sur 14
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum