Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Je ne vais pas revenir, Bergame, sur la question qui nous avait opposée - et sur laquelle chacun pourra se faire son avis, nous en avons parlé assez je crois.
Pour résumer, je croyais pouvoir soutenir, à l'instar de Rousseau, que le peuple n'est vraiment peuple et sa parole celle du peuple, qu'à condition qu'il soit éclairé.
Sur ce plan, l'expérience de 2005 et ses suites m'a traumatisée. J'étais pour voter "oui" (et c'est ce que j'ai fait) au réferendum européen.
J'ai été frappé par le fait que pour la première fois depuis longtemps, il y avait un intérêt réel pour la question, qu'il y a eu beaucoup d'émissions de TV, que les gens en parlaient au boulot, au café, sur les stades, que l'on a entendu beaucoup de gens très divers expliquer leur position, que c'était en général beaucoup plus intelligent qu'une présidentielle (où ce ne sont que des pouliches représentant des bataillons plus ou moins godillots, non-pensants, des militaires), bref, les Français s'y sont intéressés. Le "pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" n'était pas de mise.
Résultat : une branlée pour mon camp. 55% en France, qui n'est pas l'Ukraine, cela veut dire une branlée.
Résultat ? Deux ans plus tard, on s'en tape et l'on fait voter cela à l'immense majorité des Représentants du Peuple.
C'est cela qui m'a profondément dérangé : je veux bien me croire plus intelligent que la plupart des Français, mais si c'est minoritaire, il faut quand même que cela le reste, tout en rappelant que les gens ont été, à mon avis, très bien informés sur cette affaire. (Le traité avait été envoyé à tous les Français, les gens qui le critiquaient citaient précisément les articles auxquels ils s'opposaient, etc.)
Lorsque l'on conchie tout cela en disant qu'on est plus démocratique encore parce que Sarko et Bruxelles sont plus intelligents, y a quand même un très gros souci...
Pour résumer, je croyais pouvoir soutenir, à l'instar de Rousseau, que le peuple n'est vraiment peuple et sa parole celle du peuple, qu'à condition qu'il soit éclairé.
Sur ce plan, l'expérience de 2005 et ses suites m'a traumatisée. J'étais pour voter "oui" (et c'est ce que j'ai fait) au réferendum européen.
J'ai été frappé par le fait que pour la première fois depuis longtemps, il y avait un intérêt réel pour la question, qu'il y a eu beaucoup d'émissions de TV, que les gens en parlaient au boulot, au café, sur les stades, que l'on a entendu beaucoup de gens très divers expliquer leur position, que c'était en général beaucoup plus intelligent qu'une présidentielle (où ce ne sont que des pouliches représentant des bataillons plus ou moins godillots, non-pensants, des militaires), bref, les Français s'y sont intéressés. Le "pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" n'était pas de mise.
Résultat : une branlée pour mon camp. 55% en France, qui n'est pas l'Ukraine, cela veut dire une branlée.
Résultat ? Deux ans plus tard, on s'en tape et l'on fait voter cela à l'immense majorité des Représentants du Peuple.
C'est cela qui m'a profondément dérangé : je veux bien me croire plus intelligent que la plupart des Français, mais si c'est minoritaire, il faut quand même que cela le reste, tout en rappelant que les gens ont été, à mon avis, très bien informés sur cette affaire. (Le traité avait été envoyé à tous les Français, les gens qui le critiquaient citaient précisément les articles auxquels ils s'opposaient, etc.)
Lorsque l'on conchie tout cela en disant qu'on est plus démocratique encore parce que Sarko et Bruxelles sont plus intelligents, y a quand même un très gros souci...
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Je remarque aussi que depuis, on ne nous a plus vraiment demandé quoique ce soit, sinon lors des élections de représentants, où comme par enchantement, là, tout le monde veut notre avis et nous convaincre avec plein de choses à nous dire.Courtial a écrit:Résultat ? Deux ans plus tard, on s'en tape et l'on fait voter cela à l'immense majorité des Représentants du Peuple.
C'est cela qui m'a profondément dérangé : je veux bien me croire plus intelligent que la plupart des Français, mais si c'est minoritaire, il faut quand même que cela le reste, tout en rappelant que les gens ont été, à mon avis, très bien informés sur cette affaire.
Lorsque l'on conchie tout cela en disant qu'on est plus démocratique encore parce que Sarko et Bruxelles sont plus intelligents, y a quand même un très gros souci...
Comme s'il ne fallait plus prendre ce risque. Et que finalement l'on prenait 2005 comme l'acceptation définitive par le peuple qu'il désirait qu'on le laisse en paix une fois pour toute avec ces anneries. Une mise sous tutelle en quelque sorte :
"Oui c'est triste...vous savez il n'a plus toute sa tête ce pauvre peuple...Oui, qu'il signe là...Non non, je me charge du reste...Je vous en prie...On se dit rendez-vous dans...Voyons voir Huumm...Ah et bien dans 5 ans!...Voilà c'est noté...Oui c'est cà...Moi de même ...Au r...Ne vous inquiétez pas, ce sera fait...Au revoir."
Je pense qu'il y a un traumatisme, et qu'il faut s'atteler à recréer de la confiance, et de l'intéressement, mais ce n'est pas gagné, il y a également certainement beaucoup d'ambitieux côté représentants ou futurs représentants, mais également des gens dépolitisés, qui ne voient pas spécialement pourquoi çà devrait changer.
quid- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Il y a eu un traumatisme, certainement. Mais je crois que ce sont ceux qu'on appelle abusivement les élites qui ont été traumatisés.
En effet, le référendum sur l'Europe n'avait pas vocation à demander leur avis aux Français. Pour une raison bien simple : cet avis était connu, tous les sondages garantissaient une confortable majorité au "oui". Il était donc de bon goût, politiquement, de prendre cette occasion de gagner, avec le soutien de l'opposition, en plus.
Ce qui s'est passé et qui n'a pas du tout été prévu, c'est que ça a intéressé les gens, et en plus ils ont eu du temps. Le temps, entre autres, de s'apercevoir qu'on ne les prenait pas trop au sérieux. On leur a dit qu'il fallait voter pour une constitution européenne, puis ensuite que non, que ce n'était pas une constitution mais qu'il fallait que l'Europe avance. Je me souviens avoir entendu deux spots de campagne successifs, l'un disant qu'il fallait voter "oui" afin de pouvoir être ferme face à la Turquie et refuser si besoin son entrée, puis le second expliquant qu'il fallait que l'Europe s'ouvre, que la Turquie entre dans la communauté et que c'est pour cela qu'il fallait voter oui. Il y a d'autres exemples de contradiction que j'ai oubliés, dont un savoureux sur la laïcité (émission télé de Chirac) mais je ne me souviens plus des détails.
Ce qui est remarquable, c'est la leçon qui en a été tirée, à savoir que si le "non" a gagné c'est parce que les gens sont cons et de mauvaise humeur, je veux dire "protestataires" (pour une fois qu'ils réfléchissaient en commun et discutaient politique!). Et donc que pour gagner les élections il faut avoir les cons avec soi, ce qui est la grande spécialité de Sarkozy.
En effet, le référendum sur l'Europe n'avait pas vocation à demander leur avis aux Français. Pour une raison bien simple : cet avis était connu, tous les sondages garantissaient une confortable majorité au "oui". Il était donc de bon goût, politiquement, de prendre cette occasion de gagner, avec le soutien de l'opposition, en plus.
Ce qui s'est passé et qui n'a pas du tout été prévu, c'est que ça a intéressé les gens, et en plus ils ont eu du temps. Le temps, entre autres, de s'apercevoir qu'on ne les prenait pas trop au sérieux. On leur a dit qu'il fallait voter pour une constitution européenne, puis ensuite que non, que ce n'était pas une constitution mais qu'il fallait que l'Europe avance. Je me souviens avoir entendu deux spots de campagne successifs, l'un disant qu'il fallait voter "oui" afin de pouvoir être ferme face à la Turquie et refuser si besoin son entrée, puis le second expliquant qu'il fallait que l'Europe s'ouvre, que la Turquie entre dans la communauté et que c'est pour cela qu'il fallait voter oui. Il y a d'autres exemples de contradiction que j'ai oubliés, dont un savoureux sur la laïcité (émission télé de Chirac) mais je ne me souviens plus des détails.
Ce qui est remarquable, c'est la leçon qui en a été tirée, à savoir que si le "non" a gagné c'est parce que les gens sont cons et de mauvaise humeur, je veux dire "protestataires" (pour une fois qu'ils réfléchissaient en commun et discutaient politique!). Et donc que pour gagner les élections il faut avoir les cons avec soi, ce qui est la grande spécialité de Sarkozy.
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euthyphron- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/06/2011
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Ca y est, je ne me souvenais plus que si j'avais voté "oui", c'est justement à cause de cela.euthyphron a écrit:On leur a dit qu'il fallait voter pour une constitution européenne, puis ensuite que non, que ce n'était pas une constitution mais qu'il fallait que l'Europe avance.
On nous présentait une supra-constitution, et pour moi une constitution renferme des principes fondamentaux et des valeurs acceptées. Elle doit être a-politique en quelque sorte.
Or, non seulement elle débordait de notre propre constitution, mais pourquoi pas, cela demandait réflexion, après tout on ne construit pas l'Europe tout seul, mais en plus elle comprenait un certain nombre d'articles relatifs à un volet économique, qui pour moi n'avaient rien à faire dans une constitution, car étant orientés politiquement du fait que le mode de gestion économique faisait encore parti du débat politique. Sinon, étant plutôt favorable à une constitution européenne fondatrice, cela ne me dérangeait pas plus, et j'aurais pu adhérer sans problème.
Du coup cela a été requalifié autrement qu'une constitution, mais plutôt comme un genre de traité, cela perdait son côté fondateur, mais les articles sur les aspects économiques passaient alors plus pour une concession pouvant être pourquoi pas, revisité au grès de la construction politique de l'Europe. Je ne me souviens plus si ces articles avaient été enlevé ou non.
En tout cas, ce n'est peut-être qu'illusoire, car un traité reste engageant, mais cela passait mieux.
Traditionnellement les référendums sont reconnus comme confortant ou affaiblissant la légitimité du pouvoir en place, en fonction du résultat, suivant qu'ils sont en accord ou en désaccord avec les préconisations du pouvoirs, en tout cas dans les esprits.euthyphron a écrit:En effet, le référendum sur l'Europe n'avait pas vocation à demander leur avis aux Français. Pour une raison bien simple : cet avis était connu, tous les sondages garantissaient une confortable majorité au "oui". Il était donc de bon goût, politiquement, de prendre cette occasion de gagner, avec le soutien de l'opposition, en plus.
C'est pourquoi lorsqu'il y a toutes sorte d'élections, les partis d'opposition, y voient un désaveux du pouvoir en place et demandent une réorientation de la politique, voire des démissions, avant la fin du mandat courant.
Pour moi c'est ridicule, le mandat c'est la règle, et à part des faits gravissimes, ou une contestation populaire généralisée, il n'y a pas lieu. C'est juste un processus d'intimidation et de pression. Je ne vois pas ce qu'il y aurait de déshonorant à demander l'avis du peuple sur certains sujets et à suivre le résultat, qu'il soit ou non conforme aux attentes du pouvoir.
Alors je comprend que des résultat qui paralysent ou vont à l'encontre de l'action politique en cours, sont problématiques, mais uniquement considérer qu'il a été voté jaune alors que vous êtes les rouges est problématique, est abusif.
C'est pourquoi, je ne vois pas pourquoi sur certains sujets on ne désolidariserait pas cela du pouvoir en place. Cela permettrait qu'il se concentre sur des problèmes d'un autre ordre.
Par exemple, et ce n'est qu'un exemple, le traitement de la loi sur le mariage pour tous aurait très bien pu être mené dans des institutions parallèles et proposé directement au vote des citoyens. Ca ne sert à rien d'avoir des manifestations anti-pouvoir là dessus. Et je trouve que çà fait léger comme trophée dans le bilan politique d'un mandat, voire çà n'a peut-être rien à y faire.
quid- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
euthyphron a écrit: Et donc que pour gagner les élections il faut avoir les cons avec soi, ce qui est la grande spécialité de Sarkozy.
Ou, bien être le premier menteur, la vrai question n'est-elle pas de savoir pourquoi le mensonge est obligatoire en politique, pourquoi le maire de mon patelin a été réélu à plus de 60% au premier tour alors qu'il est mis en examen pour s'être vendu des bien communaux à un prix d'ami...l'honnéteté paie-t-elle en politique et les électeurs ne sont-ils pas responsables?
Petit détail sur le référendum européen, les espagnols avant nous avaient voté OUI à 77%...? Comment résoudre cette question, comme en musique: un FRANCAIS vaut 2 espagnols...C'était un référendum européen pas français...il n'y avait qu'une différence entre le référendum et le traité de Lisbonne le premier prévoyait l'adoption à l'unanimité et le second à la majorité simple. C'est à dire que le traité adopté par les autres et refusé par les français n'aurait pas empêché l'adoption, alors fallait-il prendre le risque? Qu'aurait-il fallu faire, sortir de la communauté ou accepter de rester sur un strapontin, peut-on leur reprocher d'avoir pour une fois su prévoir ?
baptiste- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Baptiste, ce que tu dis là est extrêmement curieux et une fois de plus, je ne vois pas bien où tu veux en venir à part tenter de détourner le discours par des circonvolutions proches de la manipulation.
Tout d'abord pour être clair sur la procédure : si l'un des pays membres ne ratifiait pas le traité, ce dernier était annulé et devait être renégocié.
L'Espagne avait ratifié ? Grand bien leur face ! Il se trouve que les Pays-Bas et l'Irlande avaient également rejeté le traité et qu'un paquet de référendum avaient par la suite était suspendus dans d'autres pays puisque la procédure était de fait annulée. Ton calcul devient donc complexe : un Français + un Hollandais + un Irlandais = combien de Polonais/Espagnol/Portugais/etc. ?
Et même si la France avait été seule à ne pas ratifier le traité, je ne vois pas ce que cela aurait changé. Ta petite manipulation consistant à dire qu'il s'agissait d'un référendum européen est assez creuse : il s'agissait bien d'un référendum français, organisé par l'Etat français, voté par les électeurs français sur un projet de loi français qui consistait à intégrer dans la loi française le projet de constitution européenne. Le contexte était européen, le référendum était national.
Et c'est le principe même du vote : je n'ai jusqu'à maintenant jamais demandé à mon voisin ce qu'il allait voter pour faire comme lui au risque qu'il y ait trop de divergence entre nos votes. Je ne vois pas ce que le contexte européen aurait dû changer au principe même du vote.
Alors, fallait-il prendre le risque ? Le risque de quoi ? La procédure était claire, décidée dès le départ et elle a été respectée de bout en bout.
Enfin, prévoir quoi ? Tu laisses planer cela comme une terrible menace. Sortir de l'Europe ? Je ne crois pas que cela ait été évoqué par qui que ce soit excepté les extrêmes.
Par contre, ce qu'on constate, et ça ce n'est pas de la politique fiction, ce sont les dégâts dans l'opinion suite à l'annulation de fait du référendum et la ratification du nouveau traité sous les ors de Versailles s'il vous plait, et effectivement une montée des extrêmes et de l'europhobie. Courtial a parfaitement résumé le contexte. Je rajouterai la tendance régalienne décomplexée qui est de plus en plus présente chez nos élites politiques... le château de Versailles ! Il y avait même le banquet au champagne pour faire oublier à nos représentants qu'ils piétinaient un vote national.
Tout d'abord pour être clair sur la procédure : si l'un des pays membres ne ratifiait pas le traité, ce dernier était annulé et devait être renégocié.
L'Espagne avait ratifié ? Grand bien leur face ! Il se trouve que les Pays-Bas et l'Irlande avaient également rejeté le traité et qu'un paquet de référendum avaient par la suite était suspendus dans d'autres pays puisque la procédure était de fait annulée. Ton calcul devient donc complexe : un Français + un Hollandais + un Irlandais = combien de Polonais/Espagnol/Portugais/etc. ?
Et même si la France avait été seule à ne pas ratifier le traité, je ne vois pas ce que cela aurait changé. Ta petite manipulation consistant à dire qu'il s'agissait d'un référendum européen est assez creuse : il s'agissait bien d'un référendum français, organisé par l'Etat français, voté par les électeurs français sur un projet de loi français qui consistait à intégrer dans la loi française le projet de constitution européenne. Le contexte était européen, le référendum était national.
Et c'est le principe même du vote : je n'ai jusqu'à maintenant jamais demandé à mon voisin ce qu'il allait voter pour faire comme lui au risque qu'il y ait trop de divergence entre nos votes. Je ne vois pas ce que le contexte européen aurait dû changer au principe même du vote.
Alors, fallait-il prendre le risque ? Le risque de quoi ? La procédure était claire, décidée dès le départ et elle a été respectée de bout en bout.
Enfin, prévoir quoi ? Tu laisses planer cela comme une terrible menace. Sortir de l'Europe ? Je ne crois pas que cela ait été évoqué par qui que ce soit excepté les extrêmes.
Par contre, ce qu'on constate, et ça ce n'est pas de la politique fiction, ce sont les dégâts dans l'opinion suite à l'annulation de fait du référendum et la ratification du nouveau traité sous les ors de Versailles s'il vous plait, et effectivement une montée des extrêmes et de l'europhobie. Courtial a parfaitement résumé le contexte. Je rajouterai la tendance régalienne décomplexée qui est de plus en plus présente chez nos élites politiques... le château de Versailles ! Il y avait même le banquet au champagne pour faire oublier à nos représentants qu'ils piétinaient un vote national.
Dernière édition par poussbois le Sam 2 Aoû 2014 - 14:14, édité 1 fois
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Le Nord, c'est par là.
poussbois- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 18/07/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
quid a écrit:Traditionnellement les référendums sont reconnus comme confortant ou affaiblissant la légitimité du pouvoir en place, en fonction du résultat, suivant qu'ils sont en accord ou en désaccord avec les préconisations du pouvoirs, en tout cas dans les esprits.
C'est pourquoi lorsqu'il y a toutes sorte d'élections, les partis d'opposition, y voient un désaveux du pouvoir en place et demandent une réorientation de la politique, voire des démissions, avant la fin du mandat courant.
Certainement, c'est pourquoi d'ailleurs la procédure référendaire est très suspecte : c'est connu, on y répond à tout sauf la question posée.
Mais ce qui est plus cruel encore dans cette affaire, c'est que cette fois-là, cela ne pouvait pas être le cas. Au demeurant, l'opposition de gauche était d'accord avec la droite classique (qui représentent, bon an mal an les deux tiers de l'électorat) pour appeler à voter oui.
A l'instar d'Euthyphron, je crois que l'impression d'être pris pour des buses a joué dans l'esprit des Français, un rôle essentiel dans la victoire du "Non". Le Traité avait été présenté comme une proposition corleonesque (vous savez, les propositions qu'on ne peut pas refuser) ; les soutiens du "oui" n'avaient à leur disposition un principal argument, apparemment imparable mais qui s'est révélé hautement toxique : si vous votez non, l'Europe s'écroulera, le Monde disparaîtra dans les Ténèbres, l'Antéchrist reviendra pour instaurer pour 1000 ans son Royaume de Destruction et de Mort, etc. Bref on passait de Barroso à Bruxelles à Jean à Pathmos. Les gens ont légitimement considéré qu'on les prenait pour des chnoques.
Courtial- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 03/07/2008
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
poussbois a écrit:Baptiste, ce que tu dis là est extrêmement curieux et une fois de plus, je ne vois pas bien où tu veux en venir à part tenter de détourner le discours par des circonvolutions proches de la manipulation.
Enfin, prévoir quoi ? Tu laisses planer cela comme une terrible menace. Sortir de l'Europe ? Je ne crois pas que cela ait été évoqué par qui que ce soit excepté les extrêmes.
Par contre, ce qu'on constate, et ça ce n'est pas de la politique fiction, ce sont les dégâts dans l'opinion suite à l'annulation de fait du référendum et la ratification du nouveau traité sous les ors de Versailles s'il vous plait, et effectivement une montée des extrêmes et de l'europhobie. Courtial a parfaitement résumé le contexte. Je rajouterai la tendance régalienne décomplexée qui est de plus en plus présente chez nos élites politiques... le château de Versailles ! Il y avait même le banquet au champagne pour faire oublier à nos représentants qu'ils piétinaient un vote national.
Pourquoi ces accusations systématiques de manipulations, nous parlons factuel.
Le premier traité prévoyait l'unanimité à partir du moment ou un pays le refusait il tombait à l'eau c'est ce qui s'est passé. L' Europe est à 28, le second traité ne prévoyait plus l'unanimité, c'est tout, et le traité adopté par une majorité s'appliquait.
La décision de ne pas recourir au référendum a été clairement exposée, inutile de fantasmer. En cas de vote négatif, il y avait deux options soit sortir pour respecter le vote populaire soit rester mais sur un strapontin car les représentants français au conseil auraient perdu toute crédibilité. Voila, c'est du réalisme pur et dur, ils ne voulaient pas prendre le risque de vérifier si cet adage qui veut que les français ne répondent jamais à la question posée est vrai ou faux. La question de la vertu et de la nécessité du mensonge en politique sont à mon sens plus pertinentes.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
poussbois a écrit:
Enfin, prévoir quoi ? Tu laisses planer cela comme une terrible menace. Sortir de l'Europe ? Je ne crois pas que cela ait été évoqué par qui que ce soit excepté les extrêmes.
Je ne me considère pas comme un extrême ....mais suis fermement convaincu de la perversité de la dynamique globalisatrice . Les gains de productivité intuitivement perçus par la rationalité du centralisme est un leurre . Seuls les systèmes morcelés , auto-organisés survivent chez les systèmes naturels . C'est un principe physique ou/et mathématique que seul l' espèce humaine a l' arrogance de vouloir concurrencer .....sans même se pencher sur la pertinence de cette tentative et ce , malgrès les dégâts et l' échec évident de celle ci.
Cette dynamique centralisatrice est pernicieuse parce qu'auto-alimentée : chaque " gain de productivité" entraine a moyen terme des dégats non perçus au départs comme importants. Dégats qui ne sont compensables que par un processus supplémentaire centralisateur , qui lui même occasionnera à terme ...etc.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 4784
Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Ok, mais je n'ai pas l'impression qu'on soit opposé, sur cette question. Et j'ai même l'impression qu'à part baptiste, nous disons tous peu ou prou la même chose : Le fait que le peuple français ait été convié à s'exprimer, qu'il se soit effectivement exprimé dans un sens qui n'était pas du tout celui des élites, et que cette opinion majoritaire ait été purement et simplement bafouée par l'instauration, sans consultation populaire cette fois, d'un traité quasi-similaire est choquant et questionne nettement la nature "démocratique" des régimes sous lesquels nous vivons. Est-ce bien ce que nous disons ?Courtial a écrit:Je ne vais pas revenir, Bergame, sur la question qui nous avait opposée - et sur laquelle chacun pourra se faire son avis, nous en avons parlé assez je crois.
Pour résumer, je croyais pouvoir soutenir, à l'instar de Rousseau, que le peuple n'est vraiment peuple et sa parole celle du peuple, qu'à condition qu'il soit éclairé.
Sur ce plan, l'expérience de 2005 et ses suites m'a traumatisée. J'étais pour voter "oui" (et c'est ce que j'ai fait) au réferendum européen.
J'ai été frappé par le fait que pour la première fois depuis longtemps, il y avait un intérêt réel pour la question, qu'il y a eu beaucoup d'émissions de TV, que les gens en parlaient au boulot, au café, sur les stades, que l'on a entendu beaucoup de gens très divers expliquer leur position, que c'était en général beaucoup plus intelligent qu'une présidentielle (où ce ne sont que des pouliches représentant des bataillons plus ou moins godillots, non-pensants, des militaires), bref, les Français s'y sont intéressés. Le "pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" n'était pas de mise.
Résultat : une branlée pour mon camp. 55% en France, qui n'est pas l'Ukraine, cela veut dire une branlée.
Résultat ? Deux ans plus tard, on s'en tape et l'on fait voter cela à l'immense majorité des Représentants du Peuple.
C'est cela qui m'a profondément dérangé : je veux bien me croire plus intelligent que la plupart des Français, mais si c'est minoritaire, il faut quand même que cela le reste, tout en rappelant que les gens ont été, à mon avis, très bien informés sur cette affaire. (Le traité avait été envoyé à tous les Français, les gens qui le critiquaient citaient précisément les articles auxquels ils s'opposaient, etc.)
Lorsque l'on conchie tout cela en disant qu'on est plus démocratique encore parce que Sarko et Bruxelles sont plus intelligents, y a quand même un très gros souci...
Parce que effectivement, cette fois, impossible de faire appel à l'argument récurrent et si pratique de l'ignorance des masses : Les citoyens français se sont passionnés pour ce référendum et -je l'ai déjà dit- un certain nombre d'éditeurs très spécialisés en droit et/ou en science politique, qui n'ont pas franchement l'habitude de sortir des best-sellers, se rappellent encore de cette période bénie avec émotion.
Non, les Français n'ont pas voté comme il fallait, donc leur vote a été ignoré, point. Et -pour faire le lien avec une intervention précédente- personnellement, qu'on me dise, après cela, que l'Union Européenne expérimente de nouvelles formes de démocratie, qui s'écartent des formes "majoritaires" et "populistes", et s'appuie davantage sur des éléments de démocratie "délibérative" bla-bla, moi j'ai l'impression qu'on me prend, mais alors vraiment et dans les grandes largeurs, pour un crétin.
-ce qui ne vise personne ici, hein, je fais référence à une (large, hélas) part de la littérature académique et à certains "livres blancs" de la Commission Européenne.
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...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
C'est surestimer beaucoup les citoyens français que de penser qu'ils ont compris le traité et ce qui y était inscrit, beaucoup de politiques n'y comprenaient rien eux-mêmes.
C'est également penser que chaque livre acheté est lu, Thomas Piketty vend beaucoup, mais de l'aveu d'acheteurs lors de microtrottoirs ils ne le lisent pas.
Et c'est aussi penser que ce traité avait une importance particulière alors que tout est en branle depuis Maastricht, traité qui avait l'assentiment du peuple français de l'époque.
Doit on assumer les consentements de la population passée ?
C'est également penser que chaque livre acheté est lu, Thomas Piketty vend beaucoup, mais de l'aveu d'acheteurs lors de microtrottoirs ils ne le lisent pas.
Et c'est aussi penser que ce traité avait une importance particulière alors que tout est en branle depuis Maastricht, traité qui avait l'assentiment du peuple français de l'époque.
Doit on assumer les consentements de la population passée ?
Dewey- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 16/02/2013
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Bergame a écrit:Non, ce n'est pas utopiste, c'est au contraire "ce qui se passe". Ce qui m'ennuie dans ton discours, c'est que -vu de ma fenêtre- tu te fais le chantre de "ce qui se passe", justement, et ce qui se passe c'est l'avènement de la gouvernance. Et tu le fais avec les mêmes arguments que les thuriféraires de la gouvernance, disons (un peu brutalement) : en masquant le progrès technocratique que constitue cet avènement derrière un simulacre de démocratie délibérative / démocratie directe. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de discuter de ce que recouvre exactement le vocable "démocratie délibérative" -parce qu'il recouvre des chose très très différentes.Ataraxie a écrit:Je n'ai pas de conception établie de la politique qui envisagerait toute l'organisation d'une société de fond en combles mais j'ai déjà exprimé mes préférences pour une démocratie directe, délibérative et normative où il s'agirait de se donner des moyens contraignants pour être les plus raisonnables possibles et de faire coopérer savants, professionnels et citoyens et de faire disparaître le statut d'élus. Je ne vais pas me répéter, j'ai déjà suffisamment écrit et je suis déjà suffisamment passé pour un utopiste.
Si de mon côté, je défends le principe de l'élection, c'est parce que, précisément, il est en train de s'évanouir. On nous dit que c'est au profit d'une démocratie plus directe, plus participative, plus délibérative, je réponds : Foutaises ! Nous n'allons pas vers plus de démocratie, nous allons vers moins de démocratie, et pour moi, il s'agit de défendre ce qui nous reste encore -un peu.
C'est là que naît notre divergence de point de vue : Une différence d'analyse.
D'abord la manipulation n'est pas une objection. Ce n'est parce que certaines personnes font un usage hypocrite de la délibération et de la démocratie directe que cela rend ces notions indésirables ou impossibles. Ensuite, si tu veux vraiment le fond de ma pensée, pour ce qui d'employer un idéal politique dans le but de masquer des projets peu reluisants, je crois que l'idéal électoral devrait balayer devant sa porte avant de donner des leçons d'authenticité.
Pour ce qui est de la technocratie, ce que j'ai dit du mot "populiste" s'applique de la même façon au mot "technocrate". J'avais dit "comment s'opposer au système politique sans se faire piéger par le mot "populiste" ?" La transposition donne "comment se fier à des spécialistes (pour leur connaissance et leur savoir-faire bien sûr) sans se faire piéger par le mot "technocrate" ?"
Tu me reproches d'encourager la technocratie. Soit. Je rappelle que la technocratie c'est un système dans lequel la politique se résume à de la gestion économique et administrative et où les décisions sont prises par une minorité de spécialistes. Malheureusement, l'ironie de l'histoire veut que hks et Aldo m'aient reproché d'avoir encouragé exactement l'inverse, c'est à dire un système dans lequel le pouvoir serait confié à "n'importe qui", des non-spécialistes et des non-professionnels. Dans ces conditions, je considère que ma participation à cette discussion devient grotesque. Je ne peux pas avoir dit deux choses aussi opposées. Du coup la meilleure réponse que je peux faire à ta critique sur la technocratie c'est précisément que j'ai commencé par essuyer la critique inverse.
Quant aux "arguments thuriféraires" que tu me prêtes, si le problème c'est leur degré d'élogiosité, je te réponds, comme avec la manipulation, que ce n'est pas objection. D'ailleurs tu ne les cites pas ces arguments donc je me demande si ce ne sont des arguments que tu imagines que j'aurais pu dire, des arguments que tu as lu chez d'autres et que tu projettes sur moi. Enfin pour ce qui est de savoir ce que recouvre la démocratie délibérative, j'ai écrit un pavé sur le sujet, sur Habermas, Rawls et la recherche d'une théorie normative de la démocratie.
Ils se débrouillent très bien tout seul pour que personne n'ait besoin de nous mettre ces idées dans le crâne. J'ai déjà exprimé mon avis sur le sujet, à savoir que la représentativité et l'éléctoralisme rendent malhonnêtes, exagérément prometteurs, hypocrites, machinalement opposés et idéologiquement soumis des politiciens qui ne l'auraient pas été dans un autre système. Sur ce, j'ajoute que les discussions politiques m'ont vraiment fatigué, j'ai l'impression de calmer des allergies plutôt qu'autre chose.Bergame a écrit:
Et si tu veux que je te dise, à propos de ce qu'on nous met dans le crane : Moi je crois qu'on nous met dans le crane qu'en effet, les dirigeants politiques sont des vendus, des incapables, des voleurs, des inutiles, des parasites, et vivement le gouvernement dans lequel coopéreront les "professionnels" et les citoyens ! -directement, cela va sans dire.
Ataraxie- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Où ça ? J'ai du le rater, à moins que ce ne soit l'intervention à laquelle j'ai répondu ? Dis-moi où, si tu veux bien, ça m'intéresse.Ataraxie a écrit:Enfin pour ce qui est de savoir ce que recouvre la démocratie délibérative, j'ai écrit un pavé sur le sujet, sur Habermas, Rawls et la recherche d'une théorie normative de la démocratie.
D'autant que pour moi, Habermas et Rawls disent des choses très différentes -qu'ils ont d'ailleurs confrontées eux-mêmes, en fait.
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Bergame- Persona
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Bergame a écrit:Où ça ? J'ai du le rater, à moins que ce ne soit l'intervention à laquelle j'ai répondu ? Dis-moi où, si tu veux bien, ça m'intéresse.Ataraxie a écrit:Enfin pour ce qui est de savoir ce que recouvre la démocratie délibérative, j'ai écrit un pavé sur le sujet, sur Habermas, Rawls et la recherche d'une théorie normative de la démocratie.
D'autant que pour moi, Habermas et Rawls disent des choses très différentes -qu'ils ont d'ailleurs confrontées eux-mêmes, en fait.
Oh, mais Bergame, ne nous lirais-tu pas en diagonale ?
Ataraxie a précisé sa vision d'une démocratie délibérative ici dans une réponse à Aldo :
https://digression.forum-actif.net/t942p60-faut-il-en-finir-avec-lideologie-democratique#15917
Et pour préciser sa base de réflexion s'appuyant sur Habermas et Rawls, c'est un peu après :
https://digression.forum-actif.net/t942p165-faut-il-en-finir-avec-lideologie-democratique#16921
Sinon, après il a été pas mal débattu sur le sujet.
quid- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Bergame a écrit:
Ok, mais je n'ai pas l'impression qu'on soit opposé, sur cette question. Et j'ai même l'impression qu'à part baptiste, nous disons tous peu ou prou la même chose : Le fait que le peuple français ait été convié à s'exprimer, qu'il se soit effectivement exprimé dans un sens qui n'était pas du tout celui des élites, et que cette opinion majoritaire ait été purement et simplement bafouée par l'instauration, sans consultation populaire cette fois, d'un traité quasi-similaire est choquant et questionne nettement la nature "démocratique" des régimes sous lesquels nous vivons. Est-ce bien ce que nous disons ?
Je ne prétends rien de tel, je suis simplement trop au fait des pratiques et réalité du pouvoir pour m’en offusquer.
Le discours politique relève de la propagande et la propagande c’est le mensonge. Le désaveu pour la démocratie représentative est-il lié à une prise de conscience du rôle du mensonge, au sentiment qu’ont certains électeurs manifesté sur ce forum d’être pris pour des cons? On est en droit de poser la question.
Le vote donne la représentation de l’opinion publique fruit du mensonge, opinion qui sera commentée pour fournir d'autres arguments au mensonge, l’opinion publique n’est pas sacrée, depuis la chute de la république romaine et l’avènement de César nous savons le rôle qu’a joué l’opinion publique dans la chute de tous les régimes démocratiques. Changer la dénomination de l’opinion publique en volonté du peuple ne relève-t-il pas justement de la propagande, du mensonge? Le vote est un instrument de mesure, un outil pas un artefact politique.
La démocratie depuis la Grèce antique en passant par Rome est liée à l’existence de la citoyenneté, c'est-à-dire la capacité d’agir.
« Le citoyen est un être éminemment politique (la cité) qui exprime non pas son intérêt individuel mais l'intérêt général. Cet intérêt général ne se résume pas à la somme des volontés particulières mais la dépasse. »(Rousseau).
On pourrait aussi avantageusement parler de la condition humaine et beaucoup d’autres choses.
Les théoriciens politiques sous la monarchie annonçaient la démocratie comme l’avènement de la vertu, Arendt pour sa part soutenait que l’on ne pouvait réfléchir qu’en partant du réel. Je te propose donc du vécu, cette histoire commence le 31 août 2006, lorsque des agents de la DGCCRF ont débarqué chez un paysagiste accompagnés de gendarmes pour confisquer ses ordinateurs puis pour faire bonne mesure le menacer de 75 000 euros d'amende et deux ans de prison. La loi d'Orientation agricole votée en janvier de la même année avait criminalisé la diffusion du savoir faire des préparations biologiques faites maison utilisées depuis des lustres comme substitut aux pesticides pour protéger l'agriculture, savoir-faire que notre homme répandait à tout vent tel madame Larousse soufflant sur la fleur de pissenlit en graine.
Cette action avait été rendue possible grâce au vote par nos élus du peuple d’un article en Janvier de la même année qui interdisait « Toute publicité commerciale et toute recommandation pour les produits définis à l’article L 253-1 du code rural (produits phytopharmaceutiques) ne peuvent porter que sur des produits bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché et sur les conditions d’emploi fixées dans ces autorisation » (article L 253-7 du code rural).
Cet article, voté à l’initiative d’un groupe de fonctionnaires zélés du ministère de l’agriculture, adeptes d’une religion sciento/productiviste avait le soutient plein et entier des multinationales de l'agrobusiness qui voulaient verrouiller le secteur, les députés ayant voté massivement « pour » affirmèrent ultérieurement qu’on leur avait certifié qu’il s’agissait de se mettre en conformité avec les règlements CE, mensonge d’état ; le règlement européen permet ces pratiques mais lors de sa transcription en droit français les dispositifs permettant ces homologations ont été volontairement supprimés, c’était donc bien la volonté de l’administration française qui était en cause.
2008 a lieu le Grenelle de l’environnement, événement médiatique, coup de bluff ou de génie ?...C’est un autre débat. Bref pendant cette négociation diverses associations se fédèrent et engagent plusieurs discussions, une étrange avec d’un côté les tenant d’un droit naturel et la tradition et de l’autre un pouvoir politique qui se contente de répéter le mensonge de l’administration. Au-delà s’engage un encore plus étrange manège, conséquence de la guerre ouverte que se livrent deux administrations celle de l’agriculture et celle de l’environnement, pendant que le grenelle de l’environnement annonce un objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides, le ministère de l’agriculture oeuvrait à Bruxelles pour faire modifier la directive existante dans le sens restrictif de la transcription française qui interdisait la commercialisation des alternatives aux pesticides, fallait oser tout de même. Le prétexte, justifié, était que la directive en vigueur insuffisamment rigoureuse offrait diverses possibilités de détournement, donc la demande devait donner plus de « garanties aux consommateurs », tellement de garanties que la concurrence serait éliminée, mais ce n’était pas l’objectif, bien entendu, juste un dommage collatéral non voulu.
Une discussion s’engage au parlement européen, les députés ne peuvent pas ne pas accéder à une demande qui « concours à la protection » des consommateurs qui sont leurs électeurs. Le détail problématique c’est que cette demande en exigeant des investissements colossaux pour satisfaire aux conditions d'homologations donne un monopole total aux multinationales du secteur. Il n’y a pas eu recherche de compromis, il n’y a pas eu de cadeaux, il y a eu des mensonges et des coups tordus, mais aux questions posées aucune administration ou parti ne pouvait manipuler les réponses compte tenu de la trop grande diversité des intervenants, avantage insoupçonné de la biodiversité , ceux sont les associations et les mouvements citoyens par les interpellations mais aussi les informations qu’ils ont apportées au débat qui ont eu raison des mensonges des multinationales. Ils ont fini par avoir le dernier mot en obtenant la création d’une catégorie hors directive dites de produits de bases, le premier produit vient de recevoir son feu vert le 4 juillet 2014. Désormais ces substances seront utilisables sans autorisations de mise sur le marché, défaite totale pour les géants de l’agrobusiness et le ministère français de l’agriculture qui avait été leur cheval de Troie. Huit ans, quasiment jour pour jour, ce serait long s’il s’était agi d’une simple recherche de compromis ! Il a fallu huit ans pour que soit apporté une réponse à la question hautement complexe suivante : comment se fait-il que le vinaigre soit interdit en usage agricole et autorisé dans la vinaigrette ?
La démocratie c’est la citoyenneté, c’est la capacité d’agir pour le bien commun pour prévenir l'accaparement du pouvoir par une petit nombre, le danger démagogique avait été signalé dès l’origine, la démocratie mérite un investissement qui va au-delà du simple bulletin de vote déposé dans l’urne, il ne faut pas confondre l’exercice citoyen avec un sondage d’opinion.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Ben non, c'est simplement que je n'avais pas lu. Désolé, il y a sans doute pas mal de discussions ou de pages de discussion qui m'échappent, maintenant :)Oh, mais Bergame, ne nous lirais-tu pas en diagonale ?
Bon, la contribution d'Ataraxie est plutôt pas mal informée, il y a quelques approximations à mon avis, mais dans l'ensemble c'est ok. Après, il s'agit d'être d'accord ou non, ce qui est un autre niveau d'analyse. J'y reviendrai peut-être.
Je sais bien, j'ai bien précisé : "à part baptiste".baptiste a écrit:Je ne prétends rien de tel, je suis simplement trop au fait des pratiques et réalité du pouvoir pour m’en offusquer.
1. A quoi s'oppose le petit nombre si ce n'est le grand nombre ?La démocratie c’est la citoyenneté, c’est la capacité d’agir pour le bien commun pour prévenir l'accaparement du pouvoir par une petit nombre, le danger démagogique avait été signalé dès l’origine, la démocratie mérite un investissement qui va au-delà du simple bulletin de vote déposé dans l’urne,
2. Supposons qu'il y ait un petit nombre qui cherche en effet à accaparer la démocratie, faut-il comprendre de ce que tu écris que la démocratie, c'est le grand nombre ?
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Bergame a écrit:Je sais bien, j'ai bien précisé : "à part baptiste".baptiste a écrit:Je ne prétends rien de tel, je suis simplement trop au fait des pratiques et réalité du pouvoir pour m’en offusquer.1. A quoi s'oppose le petit nombre si ce n'est le grand nombre ?La démocratie c’est la citoyenneté, c’est la capacité d’agir pour le bien commun pour prévenir l'accaparement du pouvoir par une petit nombre, le danger démagogique avait été signalé dès l’origine, la démocratie mérite un investissement qui va au-delà du simple bulletin de vote déposé dans l’urne,
2. Supposons qu'il y ait un petit nombre qui cherche en effet à accaparer la démocratie, faut-il comprendre de ce que tu écris que la démocratie, c'est le grand nombre ?
Donc si je comprends bien ton argumentation sur le vote volé n'est que discours de propagande, je ne l'aurais jamais imaginé
Nous savons ton goût professionnel pour les statistiques, mais j'ai dit qui s'opposait au grand nombre, pas l'électeur mais le citoyen et ceci après beaucoup d'autres que l'on nomme grands:
« Le citoyen est un être éminemment politique (la cité) qui exprime non pas son intérêt individuel mais l'intérêt général. Cet intérêt général ne se résume pas à la somme des volontés particulières mais la dépasse. »(Rousseau).
Si tu veux j'en ai une autre douzaine à ta disposition, depuis Aristote jusqu'à nos contemporains, la démocratie n'existe que par la citoyenneté et la citoyenneté exige l'engagement, verser son bulletin de vote dans l'urne pour défendre ses intérêts n'est pas un engagement, c'est un sondage d'opinion formel et une grand messe nécessaire pour fixer les heures de la république et mettre un terme provisoire au débat. Ce sondage d'opinion peut servir d'outil à la démagogie, l'histoire fourmilles d'exemple, pour devenir le fossoyeur des démocraties.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Avec toi, la rhétorique bât toujours son plein. D'un côté, tu adhères à la thèse anthropologiste typiquement libérale selon laquelle l'action de l'individu est systématiquement orientée par son intérêt personnel, tu l'as déjà dit ; de l'autre, tu affirmes que, puisque les individus ne sont orientés que d'après leur intérêt personnel, il ne peut y avoir d'intérêt général, et donc il ne peut y avoir de démocratie. En n'hésitant pas à citer Rousseau, qui est pourtant la bête noire des libéraux -justement parce que Rousseau affirme, lui, que les hommes ne sont pas orientés que d'après leur intérêt personnel, mais cela, tu le passes sous silence
Et de fait, rien ne justifie la thèse selon laquelle les hommes ne sont orientés que d'après leur intérêt personnel et sont inaccessibles à l'intérêt général, si ce n'est que c'est ce que les libéraux disent, répètent, martèlent.
Pour ma part, par exemple, je ne pense pas que les hommes ne sont orientés que d'après leur intérêt personnel, j'en vois des preuves tous les jours, je pense donc que les individus sont parfaitement accessibles à quelque chose qu'on peut appeler l'intérêt général, et donc, que la démocratie est possible et légitime.
Et de fait, rien ne justifie la thèse selon laquelle les hommes ne sont orientés que d'après leur intérêt personnel et sont inaccessibles à l'intérêt général, si ce n'est que c'est ce que les libéraux disent, répètent, martèlent.
Pour ma part, par exemple, je ne pense pas que les hommes ne sont orientés que d'après leur intérêt personnel, j'en vois des preuves tous les jours, je pense donc que les individus sont parfaitement accessibles à quelque chose qu'on peut appeler l'intérêt général, et donc, que la démocratie est possible et légitime.
Qu'est-ce que c'est encore que cette distinction capillotractée ? L'électeur et le citoyen seraient donc deux entités différentes ? Substantiver des rôles sociopolitiques me semble une grave erreur, baptiste. Dans le régime politique que nous connaissons aujourd'hui en France, un citoyen est électeur, et un électeur ne peut être que citoyen. Parce que c'est la loi qui les constitue ainsi -et rien d'autre.baptiste a écrit:j'ai dit qui s'opposait au grand nombre, pas l'électeur mais le citoyen
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Bergame a écrit:Avec toi, la rhétorique bât toujours son plein.
J’aime bien tes accusations d’abus de rhétoriques, venant d’un expert comme toi je prends cela pour un compliment. Jacqueline de Romilly nous a parlé de la critique de la démocratie faite par le messager thébain chez Euripide, elle reprend l’accusation fondamentale déjà formulée chez Hérodote, l’incompétence de la masse qui n’a pas reçu d’instruction et l’existence de ceux qui, en exaltant et flattant la foule par leurs discours, la tournent en tout sens pour servir non pas l’intérêt de l’État, mais leur intérêt personnel. C’est à cette époque-là qu’apparaît le terme démagogos, litt. « le conducteur du peuple », terme qui a pris très vite le sens péjoratif que le mot « démagogue » a conservé en français. Il n’est pas anodin de constater que le vocabulaire politique de la démocratie naît en ce cinquième siècle. JdR fait remarquer cependant que tous les mots ne naissent pas nécessairement au même moment : alors que le mot démocratie fait son apparition chez l’historien Hérodote, le mot démagogue n’apparaît que plus tard chez l’historien Thucydide, justement à propos de Cléon : la démagogie, postérieure à Périclès, est une forme déviée de la démocratie, Cléon premier démagogue et premier fossoyeur d’une démocratie. Rien de nouveau sous le soleil…tu nous a suffisamment vanté les mérites de la démocratie poutiniene pour que nous puissions voir autre chose, effectivement, qu’un exercice rhétorique dans ton perpétuel rappel au peuple à travers le référendum européen.
Quid, non, Bergame ne lit pas en diagonale ! Non, il lit selon les règles de la catoptique. Un exemple : je cite une idée, celle de la citoyenneté et une période historique qui débute avec Aristote et De la politique Livre II Chapitre IV, cette idée de citoyenneté née avec la démocratie qui s’était développée, même si différemment, à Rome pour disparaître avec l’avènement du christianisme puis revenir avec Rousseau, s’épanouir comme un point d’orgue avec les révolutionnaires de 89 pour être finalement supplantée. Bergame lui voit dans cette observation une thèse" anthropologiste typiquement libérale". Bergame ne cherche ni la discussion, ni la disputation, à la mode des inquisiteurs il cherche le côté cylindrique du miroir de l’âme, celui que l’on attribuait traditionnellement au démon, le démon s’étant, pour Bergame, incarné dans l’idée libérale, le voila investi d’une mission : extirper le mal libéral de ton âme. Mais bon, tu verras, à la longue on s’habitue.
Ataraxie, je ne suis pas loin de partager ce que tu dis, mais je suis trop vieux pour participer à une utopie même si encore trop jeune pour me résigner. Le monde est ce qu’il est et je ne le changerais pas, par contre je peux contribuer à faire changer ce qui dépends de moi, c’est ce à quoi j’essaye de m’employer modestement, trop peut-être. Faire bouger les lignes ne serait-ce que d’un pouce nécessite un investissement considérable mais force est de constater que se développe un peu partout ce que l’on nomme « activisme citoyen », certains politologues y voient un espoir de reconquête démocratique face aux lobbies, quelques unes plus grandes victoires démocratiques de ces dernières décennies ne sont-elles pas à mettre au crédit de cet « activisme citoyen ». Il est peu vraisemblable que cet activisme débouche sur la constitution de groupes politiques puissanst, mais en avons-nous vraiment besoin ?
« Ce qui constitue donc proprement le citoyen, sa qualité vraiment caractéristique, c'est le droit de suffrage dans les Assemblées et de participation à l'exercice de la puissance publique dans sa patrie. (...) Celui-là est « citoyen » qui, dans le pays qu'il habite, est admis à la juridiction et à la délibération. »
Aristote, La Politique, L. II, ch. IV. Trad. M. Prélot, Ed. Gonthier
Si démocratie et citoyenneté sont liées, si l'activisme citoyen est perçu comme une réponse possible, je me posais juste la question qui doit être posée en premier, qu’est ce qui fait le citoyen ? A partir d’Aristote et en en remontant l’histoire, à la manière d’Aristote, exactement à sa manière mais en incluant nos 2500 ans d’histoire supplémentaires comment définir le citoyen, bien sûr il s’agit pas de définir le citoyen face à l’étranger, mais de définir le citoyen dans la cité, c'est-à-dire face à l’autorité d’une part et au pouvoir de l’autre.
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
A - Rousseau dit " l'homme est bon ".
B - Sade rétorque " je n'en suis pas si sûr ".
C - Exit l'utopie libérale, et gaffe à la démagogie ! Voire pire.
( Désolé, je relis Aristote ! )
B - Sade rétorque " je n'en suis pas si sûr ".
C - Exit l'utopie libérale, et gaffe à la démagogie ! Voire pire.
( Désolé, je relis Aristote ! )
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
@Bergame et Baptiste : je ne veux pas vous couper dans les réflexions que vous tenez chacun en tête et qu'il peut être intéressant de voir poursuivi, mais cela devient un peu trop ad hominem pour que, "nous autres", lecteurs de passage ou bien acteurs collatéraux à vos parties de jambe en l'air philosophico-bi-uni-jambistes puissions vraiment tous en profiter.
http://video.lefigaro.fr/figaro/video/un-danseur-de-claquettes-unijambiste-bien-talentueux.../2628447534001/
Respirez un bon coup, souriez de vous-mêmes, et repartez à l'assaut :)
Sinon, tant pis, moi, je suis un peu mateur à mes heures perdues. Je peux sortir les pop-corn et apprécier aussi la façon dont cela se passe.
http://video.lefigaro.fr/figaro/video/un-danseur-de-claquettes-unijambiste-bien-talentueux.../2628447534001/
Respirez un bon coup, souriez de vous-mêmes, et repartez à l'assaut :)
Sinon, tant pis, moi, je suis un peu mateur à mes heures perdues. Je peux sortir les pop-corn et apprécier aussi la façon dont cela se passe.
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L'effet dévore la cause, la fin en a absorbé le moyen.
Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Encore une fois, Aristote n'était pas un démocrate, baptiste, c'était un aristocrate. Tu ne peux pas l'ignorer, et tu ne peux pas continuer à le passer sous silence. Donc merci de qualifier ta théorie comme il convient, et de préciser entre autres choses que le "citoyen" dont tu parles est un possédant et un puissant.
En aparté, je maintiens que, pour l'instant, et à mon avis, Poutine agit conformément à l'intérêt général de son peuple -qui est le peuple russe et non pas le peuple français, ça ne t'a pas échappé. Que c'est bien qu'il le fasse, parce que c'est pour cela qu'un dirigeant est élu, et qu'il y a donc de bonnes raisons à ce que sa côte de popularité soit au plus haut dans son pays -pas en France, c'est certain.
En aparté, je maintiens que, pour l'instant, et à mon avis, Poutine agit conformément à l'intérêt général de son peuple -qui est le peuple russe et non pas le peuple français, ça ne t'a pas échappé. Que c'est bien qu'il le fasse, parce que c'est pour cela qu'un dirigeant est élu, et qu'il y a donc de bonnes raisons à ce que sa côte de popularité soit au plus haut dans son pays -pas en France, c'est certain.
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Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Effectivement, plus aristocratiques que les Grecs, tu meurs. Sans parler des " façons " de leurs penseurs, Platon, auteur de merveilleux " Dialogues " littéraires, où il est le seul à parler, qui fait avaler son chapeau à un Etranger d'Elée, qui pond une physique aussi bien néo-pythagoricienne que néo-atomiste, sans que le nom de Démocrite apparaisse une seule fois dans son oeuvre, et Aristote en tête. Le talent avec lequel il se pare sans jamais le dire des dépouilles du type qu'il a en toute " innocence " littéralement assassiné, ravalé au rang d'avorton préhistorique de la pensée, trois lignes au-dessus me laisse toujours sans voix. Je m'égare. Aristocrate, oui, viscéralement, mais a contrario, pas de quoi rejeter son apport, aussi surement.
Sinon, il y a plusieurs façons de penser les intérêts de son pays au sein du monde. Tout le monde, même Poutine, a compris que ce qui se passe aux confins Est de l'Ukraine est un cul de sac. Mais même la vision d'un cul de sac peut différer de façon significative, tellement significative que ça fait des morts, ceux du M.H. 17 et les autres. Il sait qu'il a perdu, que l'Ukraine ne sera plus une Biélorussie bis. Alors il annexe la Crimée, et se passe les nerfs en jetant de l'essence dans le cul de sac. Depuis 1945 et les chapeaux atomiques, tout le monde sait qu'une guerre se gagne économiquement. La bourse russe est atomisée, le rouble a chuté, le pays et en récession.
Le chantage au gaz ? Ca serait une déclaration de guerre. Les européens dépendants trouveront des solutions, des alternatives, et lui il aura scié sa plus grosse branche, alors pour donner le change à son opinion publique désinformée par une authentique propagande, il anathèmise ... les pommes !
Sinon, il y a plusieurs façons de penser les intérêts de son pays au sein du monde. Tout le monde, même Poutine, a compris que ce qui se passe aux confins Est de l'Ukraine est un cul de sac. Mais même la vision d'un cul de sac peut différer de façon significative, tellement significative que ça fait des morts, ceux du M.H. 17 et les autres. Il sait qu'il a perdu, que l'Ukraine ne sera plus une Biélorussie bis. Alors il annexe la Crimée, et se passe les nerfs en jetant de l'essence dans le cul de sac. Depuis 1945 et les chapeaux atomiques, tout le monde sait qu'une guerre se gagne économiquement. La bourse russe est atomisée, le rouble a chuté, le pays et en récession.
Le chantage au gaz ? Ca serait une déclaration de guerre. Les européens dépendants trouveront des solutions, des alternatives, et lui il aura scié sa plus grosse branche, alors pour donner le change à son opinion publique désinformée par une authentique propagande, il anathèmise ... les pommes !
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Je reviens maintenant, avec un peu plus de temps devant moi, sur les contributions (très intéressantes, je répète) d'Ataraxie.
Plusieurs remarques au débotté.
1. Il y a, à mon avis, un présupposé important dans tes contributions, Ataraxie, ou peut-être plus exactement, et puisque tu revendiques -à juste titre me semble-t-il- de forger une théorie normative, un espoir : Celui de la disparition du pouvoir au profit de l'autonomie.
Par exemple cette phrase :
Et il me semble que toi-même hésite beaucoup sur cette question. Par exemple :
Donc d'abord, s'il faut forcer les hommes à quelque chose, c'est que cela ne leur est pas... naturel. Ainsi, si l'on suit ton raisonnement, il faut conclure que, quoique tu affirmes ailleurs croire au contraire, les hommes ne sont pas naturellement autonomes.
Ensuite, il y a ici une très intéressante et signifiante contradiction dans les termes : Contraindre l'individu à être autonome, la belle injonction paradoxale !
Enfin, il me semble quant à moi que cette injonction paradoxale a déjà engendré quelques catastrophes, au siècle dernier.
De fait, tu en es conscient, puisque tu reconnais qu'une critique qu'on peut te faire, c'est de vouloir instaurer une "dictature de la raison". Mais je te propose d'aller plus loin encore dans la prise de conscience, et de mesurer la facilité avec laquelle tu passes subrepticement du couple conceptuel "autonomie/démocratie" à celui de "raison/dictature".
Alors tu me diras peut-être : "Mais l'autonomie est une antienne de la démocratie !" Et je répondrais qu'à mon avis, il y a là un hiatus important, très important, que les remarques précédentes ont pour objectif d'éclairer rapidement, et qui pourrait se résumer par : La démocratie ne présuppose pas la disparition du pouvoir, ce qui présuppose la disparition du pouvoir, c'est l'anarchie. Et c'est pas la même chose.
2. Tu reconnais proposer une théorie normative de la démocratie. Et c'est bien de le reconnaître : Faute avouée est à moitié pardonnée
Mais qu'est-ce qu'une théorie normative ? Tu maitrises ton sujet, donc permets-moi de brûler quelques étapes : Disons que c'est une théorie qui peut ou doit (nuance déjà importante) servir d'idéal, de référent auquel comparer les régimes "réellement existants". Un ensemble de critères d'évaluation, en somme. A peu près d'accord avec cette définition ?
Donc on est tout à fait en droit, bien sûr, d'évaluer les régimes politiques existants au regard de quelques critères déterminés a priori.
Le problème, évidemment, c'est : Qui établit la liste des critères ? Autrement dit : Quelles sont les valeurs qui doivent présider à l'élaboration de la théorie normative, et qui les choisit ?
Alors bien entendu, derrière ces question ultra-classiques, des bibliothèques entières. Il faudrait par exemple déjà déterminer si oui ou non il y a des valeurs universelles. Il faudrait ensuite discuter du fait que ces valeurs soient ou non antagonistes, en dernier ressort. Evidemment, si on prend le parti qu'au final, les valeurs se subsument toutes sous une valeur dominante (voire, mieux, universelle), alors la question du choix des valeurs disparaît, et avec elle la question du choix des critères auxquels comparer les régimes politiques existants : Au fond d'eux, tout au fond, les hommes, dans leur ensemble, savent bien, quel est le type de régime idéal qu'il leur faut, et seules les passions les empêchent de voir clairement en eux-mêmes. Alors la politique se réduit à la pédagogie pour adultes, et il s'agit d'éduquer les masses à la Raison.
Outre que cette option théorétique a pour horizon la disparition du politique, c'est-à-dire du choix des grandes orientations stratégiques, du choix des valeurs d'après lesquelles nous voulons vivre, elle n'est surtout qu'une option théorétique parmi d'autres. Parce que, par exemple, on peut au contraire défendre l'idée qu'il n'y a pas de valeurs universelles, mais uniquement culturelles. Ou on peut défendre l'idée que les valeurs sont, irréductiblement, antagonistes (exemple classique : La liberté et l'égalité). Etc.
Par conséquent -et c'est là un paradoxe fort intéressant- choisir l'option "valeur dominante et universelle", à l'exception des autres options théorétiques, c'est déjà... choisir.
En d'autres termes, lorsque tu proposes une théorie normative de la démocratie, que fais-tu si ce n'est proposer ta théorie ? Ta ou tes valeur(s) ? Je lis :
Et donc, bien évidemment, ta théorie normative et à prétention universelle, elle devient vite poreuse à tes préjugés et tes préférences. Par exemple, rapidement :
En bref, à quelle condition une théorie normative diffère-t-elle d'une simple opinion subjective quoiqu'argumentée ? A la condition de croire, préalablement, qu'il existe des valeurs universelles, accessibles à la Raison. C'est-à-dire que ta théorie normative présuppose sa condition de possibilité. C'est sûr que si on commence par être d'accord avec tes présupposés, on risque d'être d'accord avec tes conclusions. Mais en revanche, le fait que tout le monde ne soit pas d'accord avec tes présupposés constitue une réfutation de ta conclusion.
A moins bien sûr que tes contradicteurs ne soient qu'aveuglés par leurs passions et inaccessibles à ton discours raisonnable. C'est l'avantage des théories circulaires, elles peuvent tout justifier.
3. Alors bien entendu, tu vas trouver que j'exagère, que je te lis mal, que je polémique, etc. etc. Parce que, bien évidemment, tu n'as jamais dit vouloir instaurer un régime politique orienté d'après tes valeurs, non, tu as dit vouloir instaurer un régime délibératif. Dans lequel les citoyens discutent des options.
Certes. Mais il y a là un problème important, au cœur de la théorie de la "démocratie délibérative", et c'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut bien prendre garde à ce qui est placé sous ce vocable. Encore une fois, Rawls et Habermas ne disent pas la même chose, et leur différence repose sur ce point très précis : Rawls fait effectivement référence à une norme supposée universelle de justice afin de juger des choix et des options politiques. Par conséquent, s'il y a délibération chez Rawls -ou disons, s'il y a possibilité de dériver une théorie de la démocratie délibérative à partir des travaux de Rawls- c'est une délibération de type aristotélicien, qui ne nécessite pas Autrui. Avec Rawls, on peut "délibérer en soi-même". On peut, parce qu'il est présupposé que tout individu est rationnel / raisonnable / bla-bla, et que, donc, il n'a besoin de personne pour parvenir à un jugement juste, équitable et à prétention universelle.
D'ailleurs, tu en donnes toi-même un très bon exemple :
Ce n'est pas qu'une boutade, c'est un problème très intéressant de la théorie de la délibération. Parce que si on part du principe que tous les individus sont ra/ra/bla-bla, qu'ils sont, au fond, tout au fond, orientés par la même norme de justice-équité-etc., alors à quoi sert la délibération ? Ils n'ont qu'à peine besoin de discuter entre eux pour parvenir à un accord, ils sont déjà d'accord sur les critères de valeur qui vont permettre de juger du bien-fondé d'une décision. Simplement, et comme précédemment, la délibération ne servira qu'à apprendre à écarter ces satanées passions qui les empêchent de voir clair en eux-mêmes.
Et allons plus loin : Avec l'apprentissage et l'éducation, ne peut-on pas espérer que, peu à peu, l'individu apprenne à maitriser ses passions, et à écouter la Raison en lui ? Qu'est-ce qui caractérise l'homme éduqué si ce n'est qu'il n'a plus besoin de personne d'autre que lui-même pour délibérer, et ainsi parvenir à un jugement à prétention universelle ? Si, en plus, il a un peu de pouvoir politique, on appellera ça un despote éclairé.
Mais, tout comme précédemment, et pour les mêmes... raisons, nous aboutissions à la disparition du politique, ici l'horizon de notre option théorétique, paradoxalement, c'est la disparition de la délibération. Du moins aussi longtemps qu'on comprend le processus de délibération comme une situation de discussion entre individus.
Et de fait, Habermas, lui, a parfaitement identifié ce problème, et c'est ce qui l'oppose à Rawls : Si l'on commence par présupposer l'homme rationnel -au sens de la rationalité substantive- c'est-à-dire si tous les hommes savent, au fond, ce qui est bien, bon, juste, etc. à quoi sert la discussion ? Faisons ce qui est bien, bon, juste, et ils finiront bien, dans l'ensemble, peut-être avec le temps, par le reconnaître. Ce n'est pas franchement la démocratie qui se profile là.
La théorie de Habermas est donc différente, et peu de ses utilisateurs, à mon avis, s'en rendent compte : Elle pose que la discussion porte, non pas sur les décisions politiques, mais sur les valeurs. Elle repose sur la théorie wébérienne de l'antagonisme des valeurs ultimes -elle-même théorétiquement possible uniquement à condition de ne pas présupposer l'homme rationnel au sens de la rationalité substantive- et essaie de définir une rationalité procédurale et uniquement procédurale. Qu'elle y parvienne reste toutefois une question... ouverte -c'est-à-dire qu'il reste à discuter
Mais encore une fois, le postulat de l'homme rationnel, il rend les choses tellement plus simples, théoriquement parlant :
- J'élabore une théorie du régime politique idéal, ce que je crois être le mieux pour les hommes.
- J'affirme que ce régime politique idéal est celui qui convient à l'homme rationnel.
- Je présuppose tous les hommes rationnels.
- J'en déduis que mon régime politique est effectivement le meilleur pour les hommes en général, et que s'ils ne le savent pas encore, c'est parce que leur esprit est obscurci par les passions.
- Je conclue par la recommandation d'un moyen d'écarter ces passions : La pédagogie, la délibération avec des êtres éduqués et éclairés, l'introspection (le voile d'ignorance), etc. Un jour, les hommes s'éveilleront à la vraie lumière -la mienne.
Ou pas, d'ailleurs : Je peux aussi conclure à l'impossibilité d'éduquer les masses stupides et, par conséquent, à l'impossibilité de la démocratie. Comme le dit baptiste lui-même, il n'est au fond pas très éloigné de ce que tu proposes.
En bref, car je suis déjà si long : Il n'y a que deux constructions théoriques.
Il y a celle qui affirme que Ego sait ce qui est bien (bon, juste, légitime, désirable, etc.) pour les hommes. Et les bibliothèques sont remplies d'écrits d'égotiques prétendant savoir ce qui est le meilleur pour les hommes, et proposant les moyens pratiques de l'instaurer.
Et il y a celle qui affirme que chaque homme est le meilleur juge de ce qui est bien pour lui-même. J'affirme que seule la seconde est la base théorique pour un régime qu'on puisse proprement qualifier de démocratique. Et c'est d'ailleurs à peu près tout ce que j'affirme.
Anecdotiquement, tu cites un passage comme s'il s'agissait d'Habermas, mais sans préciser. Tu confirmes que c'est bien de Habermas ? Je serais curieux d'avoir une référence, et de retrouver ce passage :
Plusieurs remarques au débotté.
1. Il y a, à mon avis, un présupposé important dans tes contributions, Ataraxie, ou peut-être plus exactement, et puisque tu revendiques -à juste titre me semble-t-il- de forger une théorie normative, un espoir : Celui de la disparition du pouvoir au profit de l'autonomie.
Par exemple cette phrase :
Or, peut-on envisager raisonnablement (donc) une société humaine sans pouvoir ? A mon sens, la réponse est également non.Ataraxie a écrit:sommes-nous dignes de vouloir la démocratie si on ne croit pas en notre capacité à nous gouverner nous-mêmes de façon rationnelle, juste et libre ? La réponse est non.
Et il me semble que toi-même hésite beaucoup sur cette question. Par exemple :
Ensuite, il y a le problème du pouvoir rhétorique parce que la délibération est typiquement le genre d'organisation où le meilleur parleur pourra l'emporter. Là je ne sais pas.
En somme, il me semble que tu es bien conscient que l'irréductibilité du pouvoir constitue une objection forte à tes propositions, et ta solution pour résoudre ce problème théorique, c'est : Il faut créer les conditions institutionnelles qui vont contraindre les hommes à être autonomes.Après, il y a aussi le risque que les "experts" prennent le pouvoir parce qu'on va auditionner des savants à propos de sujets sur lesquels on n'est pas instruits. Donc ils pourront peut-être nous manipuler. D'où la nécessité d'un débat contradictoire [...] Si jamais, il semble de prime abord que nous sommes tous d'accord pour dire oui, il faudra se forcer à entendre quelqu'un nous présenter les arguments du non
Donc d'abord, s'il faut forcer les hommes à quelque chose, c'est que cela ne leur est pas... naturel. Ainsi, si l'on suit ton raisonnement, il faut conclure que, quoique tu affirmes ailleurs croire au contraire, les hommes ne sont pas naturellement autonomes.
Ensuite, il y a ici une très intéressante et signifiante contradiction dans les termes : Contraindre l'individu à être autonome, la belle injonction paradoxale !
Enfin, il me semble quant à moi que cette injonction paradoxale a déjà engendré quelques catastrophes, au siècle dernier.
De fait, tu en es conscient, puisque tu reconnais qu'une critique qu'on peut te faire, c'est de vouloir instaurer une "dictature de la raison". Mais je te propose d'aller plus loin encore dans la prise de conscience, et de mesurer la facilité avec laquelle tu passes subrepticement du couple conceptuel "autonomie/démocratie" à celui de "raison/dictature".
Alors tu me diras peut-être : "Mais l'autonomie est une antienne de la démocratie !" Et je répondrais qu'à mon avis, il y a là un hiatus important, très important, que les remarques précédentes ont pour objectif d'éclairer rapidement, et qui pourrait se résumer par : La démocratie ne présuppose pas la disparition du pouvoir, ce qui présuppose la disparition du pouvoir, c'est l'anarchie. Et c'est pas la même chose.
2. Tu reconnais proposer une théorie normative de la démocratie. Et c'est bien de le reconnaître : Faute avouée est à moitié pardonnée
Mais qu'est-ce qu'une théorie normative ? Tu maitrises ton sujet, donc permets-moi de brûler quelques étapes : Disons que c'est une théorie qui peut ou doit (nuance déjà importante) servir d'idéal, de référent auquel comparer les régimes "réellement existants". Un ensemble de critères d'évaluation, en somme. A peu près d'accord avec cette définition ?
Donc on est tout à fait en droit, bien sûr, d'évaluer les régimes politiques existants au regard de quelques critères déterminés a priori.
Le problème, évidemment, c'est : Qui établit la liste des critères ? Autrement dit : Quelles sont les valeurs qui doivent présider à l'élaboration de la théorie normative, et qui les choisit ?
Alors bien entendu, derrière ces question ultra-classiques, des bibliothèques entières. Il faudrait par exemple déjà déterminer si oui ou non il y a des valeurs universelles. Il faudrait ensuite discuter du fait que ces valeurs soient ou non antagonistes, en dernier ressort. Evidemment, si on prend le parti qu'au final, les valeurs se subsument toutes sous une valeur dominante (voire, mieux, universelle), alors la question du choix des valeurs disparaît, et avec elle la question du choix des critères auxquels comparer les régimes politiques existants : Au fond d'eux, tout au fond, les hommes, dans leur ensemble, savent bien, quel est le type de régime idéal qu'il leur faut, et seules les passions les empêchent de voir clairement en eux-mêmes. Alors la politique se réduit à la pédagogie pour adultes, et il s'agit d'éduquer les masses à la Raison.
Outre que cette option théorétique a pour horizon la disparition du politique, c'est-à-dire du choix des grandes orientations stratégiques, du choix des valeurs d'après lesquelles nous voulons vivre, elle n'est surtout qu'une option théorétique parmi d'autres. Parce que, par exemple, on peut au contraire défendre l'idée qu'il n'y a pas de valeurs universelles, mais uniquement culturelles. Ou on peut défendre l'idée que les valeurs sont, irréductiblement, antagonistes (exemple classique : La liberté et l'égalité). Etc.
Par conséquent -et c'est là un paradoxe fort intéressant- choisir l'option "valeur dominante et universelle", à l'exception des autres options théorétiques, c'est déjà... choisir.
En d'autres termes, lorsque tu proposes une théorie normative de la démocratie, que fais-tu si ce n'est proposer ta théorie ? Ta ou tes valeur(s) ? Je lis :
La belle affaire ! Imaginons qu'un jour, tu acquiers le pouvoir de réaliser effectivement ce que tu proposes ici théoriquement et encore vaguement, Ataraxie. Comment qualifiera-t-on ce régime ? Un régime politique orienté d'après des valeurs qui, irréductiblement, sont les tiennes, et dont, par conséquent, tu reconnais bien volontiers qu'elles n'auront pas été établies démocratiquement ?! Il faudra appeler ça "démocratie" ?Ataraxie a écrit:On cherche une théorie normative de la démocratie, c'est-à-dire une façon pénible, disciplinée, réglementée mais surtout idéale d’exercer la souveraineté. Il se peut que certains y soient opposés car les normes en question reposeront, très probablement, sur un système de valeurs extérieur et indépendant de la démocratie, c'est-à-dire des valeurs qui ne seront pas établies démocratiquement (ni même politiquement)
Et donc, bien évidemment, ta théorie normative et à prétention universelle, elle devient vite poreuse à tes préjugés et tes préférences. Par exemple, rapidement :
Ataraxie a écrit:les cinglés qui se font élire et réélire de Poutine à Le Pen !
Tu es parfaitement en droit de le penser, mais je suppose que tu peux reconnaître ceci comme des jugements subjectifs ?face aux organismes supranationaux considérés à tort comme des ennemis
En bref, à quelle condition une théorie normative diffère-t-elle d'une simple opinion subjective quoiqu'argumentée ? A la condition de croire, préalablement, qu'il existe des valeurs universelles, accessibles à la Raison. C'est-à-dire que ta théorie normative présuppose sa condition de possibilité. C'est sûr que si on commence par être d'accord avec tes présupposés, on risque d'être d'accord avec tes conclusions. Mais en revanche, le fait que tout le monde ne soit pas d'accord avec tes présupposés constitue une réfutation de ta conclusion.
A moins bien sûr que tes contradicteurs ne soient qu'aveuglés par leurs passions et inaccessibles à ton discours raisonnable. C'est l'avantage des théories circulaires, elles peuvent tout justifier.
3. Alors bien entendu, tu vas trouver que j'exagère, que je te lis mal, que je polémique, etc. etc. Parce que, bien évidemment, tu n'as jamais dit vouloir instaurer un régime politique orienté d'après tes valeurs, non, tu as dit vouloir instaurer un régime délibératif. Dans lequel les citoyens discutent des options.
Certes. Mais il y a là un problème important, au cœur de la théorie de la "démocratie délibérative", et c'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut bien prendre garde à ce qui est placé sous ce vocable. Encore une fois, Rawls et Habermas ne disent pas la même chose, et leur différence repose sur ce point très précis : Rawls fait effectivement référence à une norme supposée universelle de justice afin de juger des choix et des options politiques. Par conséquent, s'il y a délibération chez Rawls -ou disons, s'il y a possibilité de dériver une théorie de la démocratie délibérative à partir des travaux de Rawls- c'est une délibération de type aristotélicien, qui ne nécessite pas Autrui. Avec Rawls, on peut "délibérer en soi-même". On peut, parce qu'il est présupposé que tout individu est rationnel / raisonnable / bla-bla, et que, donc, il n'a besoin de personne pour parvenir à un jugement juste, équitable et à prétention universelle.
D'ailleurs, tu en donnes toi-même un très bon exemple :
Hé oui, parce que c'est effectivement plus aisé d'être d'accord avec soi-même qu'avec Autrui.Ataraxie a écrit:J’ai donc fait une délibération en moi-même et je me suis dit que le vote doit malgré tout être conservé comme procédé d’arbitrage.
Ce n'est pas qu'une boutade, c'est un problème très intéressant de la théorie de la délibération. Parce que si on part du principe que tous les individus sont ra/ra/bla-bla, qu'ils sont, au fond, tout au fond, orientés par la même norme de justice-équité-etc., alors à quoi sert la délibération ? Ils n'ont qu'à peine besoin de discuter entre eux pour parvenir à un accord, ils sont déjà d'accord sur les critères de valeur qui vont permettre de juger du bien-fondé d'une décision. Simplement, et comme précédemment, la délibération ne servira qu'à apprendre à écarter ces satanées passions qui les empêchent de voir clair en eux-mêmes.
Et allons plus loin : Avec l'apprentissage et l'éducation, ne peut-on pas espérer que, peu à peu, l'individu apprenne à maitriser ses passions, et à écouter la Raison en lui ? Qu'est-ce qui caractérise l'homme éduqué si ce n'est qu'il n'a plus besoin de personne d'autre que lui-même pour délibérer, et ainsi parvenir à un jugement à prétention universelle ? Si, en plus, il a un peu de pouvoir politique, on appellera ça un despote éclairé.
Mais, tout comme précédemment, et pour les mêmes... raisons, nous aboutissions à la disparition du politique, ici l'horizon de notre option théorétique, paradoxalement, c'est la disparition de la délibération. Du moins aussi longtemps qu'on comprend le processus de délibération comme une situation de discussion entre individus.
Et de fait, Habermas, lui, a parfaitement identifié ce problème, et c'est ce qui l'oppose à Rawls : Si l'on commence par présupposer l'homme rationnel -au sens de la rationalité substantive- c'est-à-dire si tous les hommes savent, au fond, ce qui est bien, bon, juste, etc. à quoi sert la discussion ? Faisons ce qui est bien, bon, juste, et ils finiront bien, dans l'ensemble, peut-être avec le temps, par le reconnaître. Ce n'est pas franchement la démocratie qui se profile là.
La théorie de Habermas est donc différente, et peu de ses utilisateurs, à mon avis, s'en rendent compte : Elle pose que la discussion porte, non pas sur les décisions politiques, mais sur les valeurs. Elle repose sur la théorie wébérienne de l'antagonisme des valeurs ultimes -elle-même théorétiquement possible uniquement à condition de ne pas présupposer l'homme rationnel au sens de la rationalité substantive- et essaie de définir une rationalité procédurale et uniquement procédurale. Qu'elle y parvienne reste toutefois une question... ouverte -c'est-à-dire qu'il reste à discuter
Mais encore une fois, le postulat de l'homme rationnel, il rend les choses tellement plus simples, théoriquement parlant :
- J'élabore une théorie du régime politique idéal, ce que je crois être le mieux pour les hommes.
- J'affirme que ce régime politique idéal est celui qui convient à l'homme rationnel.
- Je présuppose tous les hommes rationnels.
- J'en déduis que mon régime politique est effectivement le meilleur pour les hommes en général, et que s'ils ne le savent pas encore, c'est parce que leur esprit est obscurci par les passions.
- Je conclue par la recommandation d'un moyen d'écarter ces passions : La pédagogie, la délibération avec des êtres éduqués et éclairés, l'introspection (le voile d'ignorance), etc. Un jour, les hommes s'éveilleront à la vraie lumière -la mienne.
Ou pas, d'ailleurs : Je peux aussi conclure à l'impossibilité d'éduquer les masses stupides et, par conséquent, à l'impossibilité de la démocratie. Comme le dit baptiste lui-même, il n'est au fond pas très éloigné de ce que tu proposes.
En bref, car je suis déjà si long : Il n'y a que deux constructions théoriques.
Il y a celle qui affirme que Ego sait ce qui est bien (bon, juste, légitime, désirable, etc.) pour les hommes. Et les bibliothèques sont remplies d'écrits d'égotiques prétendant savoir ce qui est le meilleur pour les hommes, et proposant les moyens pratiques de l'instaurer.
Et il y a celle qui affirme que chaque homme est le meilleur juge de ce qui est bien pour lui-même. J'affirme que seule la seconde est la base théorique pour un régime qu'on puisse proprement qualifier de démocratique. Et c'est d'ailleurs à peu près tout ce que j'affirme.
Anecdotiquement, tu cites un passage comme s'il s'agissait d'Habermas, mais sans préciser. Tu confirmes que c'est bien de Habermas ? Je serais curieux d'avoir une référence, et de retrouver ce passage :
Ataraxie a écrit:Le principe d’universalisation, qui retravaille l’impératif catégorique, n’est pas une norme mais la condition universelle à laquelle doivent obéir les normes-candidates pour devenir des normes validées. Il dit ceci : « les conséquences et les effets secondaires qui (de manière prévisible) proviennent du fait que la norme a été universellement observée dans l’intention de satisfaire les intérêts de tout un chacun peuvent être acceptés par toutes les personnes concernées (et préférés aux répercussions des autres possibilités connues de règlement). »
_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...
Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
(
Aristote ne dit jamais cela : à plusieurs reprises, dans la " Métaphysique " ( Où d'ailleurs il distingue les deux formes de dialogues possibles, celle avec soi-même et celle avec autrui. ), dans la Politique, les Ethiques, il dira l'inverse.
En clair, le dialogue avec soi-même n'est pas " une délibération de type aristotélicien, qui ne nécessite pas Autrui ", mais une forme de délibération qu'Aristote identifie parfaitement, et forcément puisque c'est avec soi-même, ce n'est pas l'autre possibilité, celle avec autrui, qu'il aborde sous de nombreux angles. Tu as raison si on précise expressément que chez Aristote, le dialogue avec soi est censé préparer au mieux le dialogue avec autrui qui est la finalité et l'épreuve de vérité. On ne s'avance pas à la Lisière, en tongs ! )
Bergame a écrit: On peut, parce qu'il est présupposé que tout individu est rationnel / raisonnable / bla-bla, et que, donc, il n'a besoin de personne pour parvenir à un jugement juste, équitable et à prétention universelle.
Aristote ne dit jamais cela : à plusieurs reprises, dans la " Métaphysique " ( Où d'ailleurs il distingue les deux formes de dialogues possibles, celle avec soi-même et celle avec autrui. ), dans la Politique, les Ethiques, il dira l'inverse.
En clair, le dialogue avec soi-même n'est pas " une délibération de type aristotélicien, qui ne nécessite pas Autrui ", mais une forme de délibération qu'Aristote identifie parfaitement, et forcément puisque c'est avec soi-même, ce n'est pas l'autre possibilité, celle avec autrui, qu'il aborde sous de nombreux angles. Tu as raison si on précise expressément que chez Aristote, le dialogue avec soi est censé préparer au mieux le dialogue avec autrui qui est la finalité et l'épreuve de vérité. On ne s'avance pas à la Lisière, en tongs ! )
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Bergame a écrit:Encore une fois, Aristote n'était pas un démocrate, baptiste, c'était un aristocrate. Tu ne peux pas l'ignorer, et tu ne peux pas continuer à le passer sous silence. Donc merci de qualifier ta théorie comme il convient, et de préciser entre autres choses que le "citoyen" dont tu parles est un possédant et un puissant.
Peu importe son immense importance dans la philosophie occidentale, irrecevable, l'idée de faire partir une réflexion depuis de « De la Politique » d’Aristote est irrecevable, et pourquoi est-ce irrecevable mon bon monsieur ? Parce qu’Aristote est un aristocrate, Ethique à Nicomaque : « La communauté politique la meilleure est celle que constitue la classe moyenne (…) son apport fait pencher la balance et empêche l'apparition des excès contraires » … ? Nous sommes donc tous des aristos. Bon, ça va, je m’incline et disparaît.
"C'est seulement depuis les hauteurs de l'infinie bonne humeur que tu peux observer au-dessus de toi l'éternelle bêtise des hommes et en rire" La fête de l’insignifiance, Kundera
baptiste- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 3117
Date d'inscription : 21/03/2012
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