L'éducation à la transgression
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Re: L'éducation à la transgression
A benfifi
Vous avez écrit que, pour vous, le premier grand humaniste est Jésus et je vous ai répondu que Jésus était un humaniste au sens où il donne la prééminence à l’homme sur ses institutions (religieuses, sociales, politiques).
Je complète ma réponse en faisant appel à Joseph Comblin qui fut un acteur de la théologie de la libération au Brésil et au Chili.
Dans La liberté religieuse :
Je vois là une définition de l’humanisme chrétien : non pas un discours idéologique mais une pratique effective sur le modèle de l’action de Jésus.
C’est ce que confirme J. Comblin dans un autre passage :
Le fil L’Humanisme : le Même et l’Autre a été ouvert par ces mots :
En tant que discours idéologique, l’Humanisme peut sans doute être considéré comme une doctrine du Même.
Mais, en tant que pratique concrète, l’humanisme chrétien ne répond pas à cette définition car il vise l’homme comme Autre exclus et non comme Même intégré dans la société.
Vous avez écrit que, pour vous, le premier grand humaniste est Jésus et je vous ai répondu que Jésus était un humaniste au sens où il donne la prééminence à l’homme sur ses institutions (religieuses, sociales, politiques).
Je complète ma réponse en faisant appel à Joseph Comblin qui fut un acteur de la théologie de la libération au Brésil et au Chili.
Dans La liberté religieuse :
Joseph Comblin a écrit:Jésus ne se propose pas d’agir sur la loi et les structures, ni par la violence, ni par la persuasion ou le prestige, ni par l’entrée politique ni par l’entrée idéologique, ni par la force des armes ni par la force des idées. L’action de Jésus consiste en une ouverture aux personnes. Agir, pour Jésus, c’est aller à la rencontre du prochain, faire en sorte que le prochain existe, reconnaître sa présence, faire en sorte qu’il entre dans le monde comme personne active. Agir c’est, grâce à cette rencontre active, tirer la personne du prochain de l’inexistence, de la marginalisation. Cet acte provoque une explosion des structures établies. L’introduction des marginalisés dans le monde constitué détruit ce monde et oblige à revoir tous les systèmes et toutes les lois.
Je vois là une définition de l’humanisme chrétien : non pas un discours idéologique mais une pratique effective sur le modèle de l’action de Jésus.
C’est ce que confirme J. Comblin dans un autre passage :
Joseph Comblin a écrit:L’action chrétienne va chercher la personne oubliée, la personne qui n’entre pas dans les structures et les catégories et met cette personne au centre de l’attention. Il s’agit d’une découverte de la personne niée par la société structurée et établie. L’action de l’Église est toujours la recherche de la brebis perdue. Il s’agit de la réhabilitation publique et effective des rejetés : réhabilitation et accès au statut de personne du pécheur dans une société imbue de valeurs morales, du non-pratiquant dans une société religieuse, de l’esclave dans une société d’esclavage, du chômeur dans une société de travail, de l’homme sans capital dans une société capitaliste, de la femme dans une société de « mâles », du fou dans une société de sages, des enfants dans une société d’adultes, de toutes les sources d’insécurité dans une société basée sur la sécurité, des hérétiques dans une société d’orthodoxes, des malades dans une société d’athlètes. La libération ne consiste pas en un changement des structures sociales, ce qui aurait pour conséquence la pure substitution de certains groupes dominants à d’autres, sans changer la valeur fondamentale qui est la sécurité. Une humanité libre est une humanité qui se laisse interpeller par tous les hommes qui ne lui offrent aucun intérêt, aucune valeur, qui n’offrent aucun pouvoir nouveau, aucune garantie, mais seulement des risques et des menaces de perturbation. A partir de cette pratique commencée par Jésus, l’Esprit a inventé et suscité une histoire de la liberté dont nous connaissons seulement l’aurore et qui sera le tissu du développement du royaume de Dieu dans ce monde. (op. cit.)
Le fil L’Humanisme : le Même et l’Autre a été ouvert par ces mots :
Bergame a écrit:J'ai longtemps tourné autour de cette idée (entre autres, ici même), je crois que je suis arrivé à la formulation la plus simple. L'Humanisme est une doctrine du Même, càd qui postule que tous les hommes sont identiques au regard d'une ou plusieurs dimensions.
En tant que discours idéologique, l’Humanisme peut sans doute être considéré comme une doctrine du Même.
Mais, en tant que pratique concrète, l’humanisme chrétien ne répond pas à cette définition car il vise l’homme comme Autre exclus et non comme Même intégré dans la société.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Je suis d'accord.
Je pense que cet état d'esprit est établi dans la société tant et si bien que le recours à la pratique religieuse chrétienne s'avère inutile. Comme Monsieur Jourdain qui pratique la prose sans le savoir, le citoyen lambda pratique le christianisme sans s'en douter. Qu'on nomme humanisme ce qui explique cela. Par exemple j'estime que la laïcité s'inscrit dans l'esprit chrétien.
Je pense que cet état d'esprit est établi dans la société tant et si bien que le recours à la pratique religieuse chrétienne s'avère inutile. Comme Monsieur Jourdain qui pratique la prose sans le savoir, le citoyen lambda pratique le christianisme sans s'en douter. Qu'on nomme humanisme ce qui explique cela. Par exemple j'estime que la laïcité s'inscrit dans l'esprit chrétien.
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benfifi- Modérateur
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:Je suis d'accord.
Je pense que cet état d'esprit est établi dans la société tant et si bien que le recours à la pratique religieuse chrétienne s'avère inutile. Comme Monsieur Jourdain qui pratique la prose sans le savoir, le citoyen lambda pratique le christianisme sans s'en douter. Qu'on nomme humanisme ce qui explique cela. Par exemple j'estime que la laïcité s'inscrit dans l'esprit chrétien.
L’humanisme chrétien se pratique dans la joie de l’Évangile (Evangelii gaudium).
C’est ce qui le distingue sans doute de l’humanisme qui s’inscrit dans l’esprit chrétien mais sans se référer explicitement à l’Évangile.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
[/quote]Kercos a écrit:baptiste a écrit:Kercos a écrit:hks a écrit:à kercoz
Baptiste semble éluder le problème de la genèse de la réalité actuelle d'un comportement ....en privilégiant la responsabilité bio-génétique des comportements . ...ce qui ne me semble pas exact. Les modifications physiologiques et comportementales ont , pour moi une genèse commune et interactive. La dynamique initiale (compétition) est pour moi comportementale.
Pas du tout, je me fais donc si mal comprendre. Dans le schéma simplifié, la production d’hormone ocytocine est le fait d’une glande elle même configurée selon les instructions du génome. Maintenant j’ai dit que les stimulis qui commandent cette production d’hormone sont extérieurs.
Moi aussi apparemment, je m'explique assez mal. Je parlais de genèse, d'évolution .....Tu nous expliques brillamment ce qui se passe actuellement, à notre époque ...et je parle de l'historique d'une co-genèse . La production de cette hormone au joli nom n'est pas apparue spontanément, sauf à verser dans le créationnisme. La production de cette glande a probablement évolué, en quantité et qualité, suivant des pressions ...que je propose comportementale ....comportements eux aussi modifiés par l'évolution de cette production....Il est même fort probable que cette glande et cette hormone soient des modifications d'organes pré existants pour d'autres destinations.
Tous les êtres vivants sans exception, donc y compris les végétaux, réagissent aux stress auxquels ils sont soumis. Au fur et à mesure que l’on monte dans la chaîne les systèmes mis en jeu sont de plus en plus complexes. Les hormones mises en jeu chez les mammifères sont toutes les mêmes, de la plus petite souris en passant par l’humain jusqu’à la baleine, il n’ y a pas de différence, parce que nous descendons tous d’un ancêtre commun. Au-delà de la variation biologique de l'organe il y eut le développement des autres organes responsables des stimulis mais aussi implication de deux capacités proprement humaine : l'imagination et le langage. Génétiquement l’espèce la plus proche de nous sont les bonobos avec qui nous partageons 98,7 % du génome.
Des chercheurs ont constaté que les bonobos montraient de l'empathie pour des compagnons malheureux qu'ils réconfortaient physiquement en les embrassant, les prenant dans leurs bras ou en les caressant. Ils ont montré aussi que tous ne vivaient pas ces émotions de la même manière en fonction de leur propre passé, ceux qui avaient du subir des épisodes de violence étaient plus prévenant que les autres. Comme c’est le cas chez les humains, la sexualité des bonobos est souvent axée sur le plaisir, pas seulement sur la reproduction. Elle est utilisée pour assurer la paix sociale à l'intérieur du groupe et entre groupes différents.
Tout cela contredit directement le dogme selon lequel une organisation sociale de domination mâle, foncièrement violente, serait inhérente aux primates et ferait donc partie de notre héritage évolutionnaire. Comme le dit De Waal dans le Bonobo, Dieu et Nous « j’essaie parfois d’imaginer ce qui serait arrivé si nous avions connu les bonobos en premier, et les chimpanzés ultérieurement, voire pas du tout. Les théories sur l’évolution humaine seraient peut-être moins centrées sur la violence, la guerre et la domination masculine, et davantage sur la sexualité, l’empathie, l’entraide et la coopération. ». Les impératifs moraux, parasités par l'imaginaire, viennent s’ajouter aux impératifs biologiques et pas l’inverse.
C'est pourquoi de nombreuses personnes sans affiliation religieuse ou philosophique peuvent avoir de comportements moraux empathiques, tandis que des clercs d'une religion dites empathique peuvent se comporter comme des prédateurs. La frontière entre nature et culture en est secouée mais comme l’humain est doté d’une imagination débordante, ce n'est pas le moindre aspect du problème...alors la philosophie morale s’en ressent. Dire d’un comportement qu’il est bestial n’a-t-il pas comme objectif premier de cacher sa vrai nature qui est humaine?
« L’homme est la seule créature qui refuse d’être ce quelle est. La question est de savoir si ce refus ne peut que l’amener à la destruction des autres et de lui-même, si toute révolte doit s’achever en justification du meurtre universel, ou si au contraire, sans prétention à une impossible innocence, elle peut découvrir le principe d’une culpabilité raisonnable » Camus
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Désolé baptiste
mais il faut citer correctement
ce n'est pas hks qui a dit ce que tu attribue ci dessus à hks
mais kercoz
mais il faut citer correctement
ce n'est pas hks qui a dit ce que tu attribue ci dessus à hks
mais kercoz
par Kercos Mer 11 Jan - 12:40Kercoz a écrit:Baptiste semble éluder le problème de la genèse de la réalité actuelle d'un comportement ....en privilégiant la responsabilité bio-génétique des comportements . ...ce qui ne me semble pas exact. Les modifications physiologiques et comportementales ont , pour moi une genèse commune et interactive. La dynamique initiale (compétition) est pour moi comportementale.
Tu m'as autrefois posé une question sur ce problème de la conséquence qui pourrait anticiper la causalité. Je crois que, contrairement au processus de "feed back" proposé par la cybernétique, les systèmes non linéaires (Th. du Chaos)
hks- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Intéressant. Est-ce que tu peux approfondir ?benfifi a écrit:Par exemple j'estime que la laïcité s'inscrit dans l'esprit chrétien.
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Bergame- Persona
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Re: L'éducation à la transgression
J'utilise l'adjectif chrétien au sens premier c'est-à-dire attaché à Jésus-Christ, à ce qu'on connait de Jésus, id est à travers les Évangiles. Jésus me demande d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste. Voilà donc pour moi l'esprit chrétien.Bergame a écrit:Est-ce que tu peux approfondir ?
Dans un pays qui décide dans un premier temps d'abandonner sa religion d'État il me semble juste d'y établir dans un second temps la laïcité. Si le-dit état imposait à ses citoyens de ne pas pratiquer de religion ce ne serait pas juste, au sens chrétien du terme. De même en est-il du respect envers mon prochain qui pratique une autre religion. Ne pas lui accorder cette liberté serait également injuste. Ce ne serait donc pas chrétien. Il se trouve que, et ce n'est bien sûr pas une coïncidence mais le fruit de l'évolution, un pays sans religion d'État qui pratique la laïcité, fût jadis un pays de religion d'État... chrétienne.
Dernière édition par benfifi le Lun 16 Jan 2023 - 11:43, édité 2 fois
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benfifi- Modérateur
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:
J'utilise l'adjectif chrétien au sens premier c'est-à-dire attaché à Jésus-Christ, à ce qu'on connait de Jésus, id est à travers les Évangiles. Jésus me demande d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste. Voilà donc pour moi l'esprit chrétien.
Dans un pays qui décide dans un premier temps d'abandonner sa religion d'État il me semble juste d'y établir dans un second temps la laïcité. Si le-dit état imposait à ses citoyens de ne pas pratiquer de religion ce ne serait pas juste, au sens chrétien du terme. Ce ne serait donc pas chrétien. Il se trouve que, et ce n'est bien sûr pas une coïncidence mais le fruit de l'évolution, un pays sans religion d'État qui pratique la laïcité, fût jadis un pays de religion d'État... chrétienne.
Dans les évangiles, Jésus dit qu’il n’est pas venu pour abroger la loi qui commande « d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste » mais pour l’accomplir.
Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
L’originalité de l’enseignement de Jésus est ailleurs.
Peut-être est-elle résumée dans cette exhortation : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6, 33)
Il s’agit alors de réaliser en quoi consiste concrètement cette recherche du royaume et de la justice de Dieu.
Il est clair qu’on est ici en dehors de toute approche morale, laïque ou pas.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Vanleers, vous le dites fort bien vous-même : être chrétien consiste concrètement à aimer son prochain, ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, être juste.Vanleers, benfifi souligne, a écrit:Dans les évangiles, Jésus dit qu’il n’est pas venu pour abroger la loi qui commande « d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste » mais pour l’accomplir.
Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
L’originalité de l’enseignement de Jésus est ailleurs.
Peut-être est-elle résumée dans cette exhortation : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6, 33)
Il s’agit alors de réaliser en quoi consiste concrètement cette recherche du royaume et de la justice de Dieu.
Il est clair qu’on est ici en dehors de toute approche morale, laïque ou pas.
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benfifi- Modérateur
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:Vanleers, vous le dites fort bien vous-même : être chrétien consiste concrètement à aimer son prochain, ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, être juste.Vanleers, benfifi souligne, a écrit:Dans les évangiles, Jésus dit qu’il n’est pas venu pour abroger la loi qui commande « d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste » mais pour l’accomplir.
Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
L’originalité de l’enseignement de Jésus est ailleurs.
Peut-être est-elle résumée dans cette exhortation : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6, 33)
Il s’agit alors de réaliser en quoi consiste concrètement cette recherche du royaume et de la justice de Dieu.
Il est clair qu’on est ici en dehors de toute approche morale, laïque ou pas.
Je rapproche votre position de l’avant-dernière proposition de l’Ethique de Spinoza :
Spinoza a écrit:Même si nous ignorions que notre âme est éternelle, nous tiendrions pourtant pour primordiale la piété et la religion, et de façon générale tout ce dont nous avons montré dans la quatrième partie le rapport à la résolution et à la générosité.
Je dirais, en transposant, que même si nous ignorions le message central du Nouveau Testament, à savoir que Dieu est Père et que les hommes sont ses enfants, il faudrait tenir pour primordial d’ « aimer son prochain, ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, être juste » (je vous cite).
Je redonne une citation de Joachim Jeremias extraite de Le message central du Nouveau Testament :
Joachim Jeremias a écrit: Jésus est venu ramener à la maison du Père les enfants de Dieu égarés. Il invite à sa table les publicains, les pécheurs, les exclus, les réprouvés, il appelle au grand banquet les gens des haies et des clôtures (Luc 14, 16-24). Sans faiblir, il ne cesse de répéter précisément aux dévots que leur justice propre les coupe de Dieu. Nous, à qui l’Évangile est dès l’enfance familier, nous ne pouvons plus imaginer quelle subversion religieuse représentait pour les contemporains la prédication d’un Dieu qui veut avoir affaire aux pécheurs. Chaque page de l’Évangile montre le scandale, l’agitation, le bouleversement que Jésus provoque en opposant à toute prétention vis-à-vis de Dieu une fin de non-recevoir, et en appelant au salut précisément les pécheurs. Sans cesse, on lui a demandé raison de cette attitude incompréhensible, et sans cesse, dans ses paraboles surtout, il a donné la même réponse : ainsi est Dieu. Dieu est le père qui ouvre au fils prodigue la porte de sa maison ; il est le berger qui exulte à cause de sa brebis retrouvée, il est l’hôte qui invite à sa table les pauvres et les mendiants. Dieu éprouve plus de joie pour l’unique pécheur qui fait pénitence, que pour les quatre-vingt-dix-neuf justes. Il est le Dieu des petits et des désespérés, celui dont la bonté et la miséricorde sont sans limites. C’est ainsi qu’est Dieu.
Et Jésus ajoute : quand ce message est compris, et que les hommes bâtissent non plus sur ce qu’ils ont fait pour Dieu, mais sur sa seule grâce à lui, quand les égarés sans espoir de retour sont ramenés, quand l’amour du Père va au-devant des enfants perdus – alors le salut cesse d’être un but lointain que l’homme doit gagner par ses propres moyens, alors, ici même et dès aujourd’hui se réalise le Royaume de Dieu. Et c’est la percée de la joie. Joie des invités aux noces, joie de celui qui a trouvé la Perle précieuse, le grand Trésor : subjugué, il ne demande plus rien et sacrifie tout sans hésiter, car tout autre bien pâlit devant l’excellence de ce qu’il a vu. C’est la joie d’être enfant, la joie messianique, l’onction de l’huile sur la tête. Joie si grande que Dieu lui-même y prend part : « de la même manière, Dieu se réjouira pour un pécheur qui fait pénitence (Luc 15, 7 ; cf. 15, 10). Avec cette joie du temps du salut, l’amour va de pair dans le message de Jésus : amour des pauvres, amour des égarés et des grands coupables – amour même des ennemis...
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Bergame a écrit:Je continue ma réflexion.
Mais alors, il y a un problème. C'est que le rôle de l'éducation, de l'enseignement, est primordial dans le développement moral d'un individu. Cette éducation doit avoir enseigné à l'individu (enfant, sans doute) à respecter... des règles, des normes, les autres, etc. S'il n'y a pas de valeur intrinsèque de la vie humaine, alors le respect de la vie humaine est une questions d'éducation.
Or, est-ce ce que nous enseignons à nos enfants ? Je trouve la réponse très complexe.
Il y a ici 2 problèmes:
-Une ambiguité sur les termes éducation et enseignements. Sans vouloir faire de néologisme, je pense qu'il faut les distinguer et réserver le terme enseignement à l'apprentissage volontaire d'un domaine ou un outil. L'éducation étant réserver à la transmission culturelle du groupe.
-Pour le développement moral, l'éducation donc, ...au risque de choquer, j'aime à provoquer en disant que la culture se transmet bien plus d'enfants à enfant que d'adulte à enfants. ( Je l'ai déja fait mais je peux développer et argumenter)
Kercos- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:J'utilise l'adjectif chrétien au sens premier c'est-à-dire attaché à Jésus-Christ, à ce qu'on connait de Jésus, id est à travers les Évangiles. Jésus me demande d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste. Voilà donc pour moi l'esprit chrétien.Bergame a écrit:Est-ce que tu peux approfondir ?
Dans un pays qui décide dans un premier temps d'abandonner sa religion d'État il me semble juste d'y établir dans un second temps la laïcité. Si le-dit état imposait à ses citoyens de ne pas pratiquer de religion ce ne serait pas juste, au sens chrétien du terme. De même en est-il du respect envers mon prochain qui pratique une autre religion. Ne pas lui accorder cette liberté serait également injuste. Ce ne serait donc pas chrétien. Il se trouve que, et ce n'est bien sûr pas une coïncidence mais le fruit de l'évolution, un pays sans religion d'État qui pratique la laïcité, fût jadis un pays de religion d'État... chrétienne.
La laïcité à la française a une histoire longue et sanglante. Les guerres de religions en France ont été extrêmement violentes et longues alors qu’en Suisse elles ont duré trente ans, en France elles ont duré prés de 250 ans. La raison d’abord à un pouvoir central qui s’appuyait sur un réseau de prêtres catholiques dense pour contrôler la société, une sorte de police politique, et qui ne voulait pas se priver de cet outil. Cette forme a été imaginée pour permettre une cohabitation pacifiée entre catholiques et protestants, tous chrétiens adorant un même dieu mais prompts a s’exterminer entre voisins aussi facilement qu’aujourd’hui on s’insulte sur les réseaux sociaux. La mise en oeuvre de cette laïcité fût le fait de quelques croyants certes mais surtout de nombreux sceptiques au moment de la révolution.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Vanleers a écrit:benfifi a écrit:
J'utilise l'adjectif chrétien au sens premier c'est-à-dire attaché à Jésus-Christ, à ce qu'on connait de Jésus, id est à travers les Évangiles. Jésus me demande d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste. Voilà donc pour moi l'esprit chrétien.
Dans un pays qui décide dans un premier temps d'abandonner sa religion d'État il me semble juste d'y établir dans un second temps la laïcité. Si le-dit état imposait à ses citoyens de ne pas pratiquer de religion ce ne serait pas juste, au sens chrétien du terme. Ce ne serait donc pas chrétien. Il se trouve que, et ce n'est bien sûr pas une coïncidence mais le fruit de l'évolution, un pays sans religion d'État qui pratique la laïcité, fût jadis un pays de religion d'État... chrétienne.
Dans les évangiles, Jésus dit qu’il n’est pas venu pour abroger la loi qui commande « d'aimer mon prochain, de ne pas lui faire ce que je ne voudrais pas qu'on me fît, d'être juste » mais pour l’accomplir.
Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
L’originalité de l’enseignement de Jésus est ailleurs.
Peut-être est-elle résumée dans cette exhortation : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6, 33)
Il s’agit alors de réaliser en quoi consiste concrètement cette recherche du royaume et de la justice de Dieu.
Il est clair qu’on est ici en dehors de toute approche morale, laïque ou pas.
C’est toute l’ambiguité du christianisme depuis l’origine, une religion qui a fait cohabiter un Arnaud Amalric abbé de Citeaux auteur de cette fameuse injonction au siège de Bézier « tuez les tous Dieu reconnaîtra les siens » et un saint François d’assise fondateur d’un ordre dont la mission est d’être pauvre parmi les pauvres. Plus près de nous l’abbé Pierre fondateur d’Emmaüs et Don Escriva Ballaguer, ami de Franco et Pinochet , dont le cardinal Ratzinger , futur pape Benoit XVI, disait le « théocentrisme d'Escrivá... signifie cette confiance dans le fait que Dieu est en train de travailler maintenant et que nous ne devons que nous mettre à sa disposition.. ».
La référence possible à un autorité extérieure à l’humanité, à un Dieu, fait que s’il peut y avoir compassion ou empathie chez certains chrétiens, il y a aussi une institution sa créativité et ses inventions pour dominer l’homme. C’est ce qui fait dire qu’il est impropre de parler d’humanisme chrétien. Bergame avait parlé de la Bible Belt, lorsque les chrétiens sont majoritaires ils n’hésitent pas à imposer leurs fantasmes aux autres, voir récemment le revirement sur le droit à l’avortement.
Comme j’aime rester dans le sujet, Bergame avait aussi écrit,
« Ce qui me conduit donc à considérer que neopilina a raison : C'est d'abord et avant tout une question de psychogenèse. Ce qu'on appelle "la morale" n'est pas une doctrine -ou pas essentiellement, pas primairement. Cela a sans doute davantage trait à l'éducation, sans doute, l'influence de l'environnement -familial, social, etc.- et au développement ontologique de l'individu. »
Toute ontologie est un pari qui vaut par sa plausibilité au vu des savoirs contemporains admis et par son implication dans les développements futurs, cet aspect par ailleurs n’a jamais connu une telle importance qu’à notre époque. Alors si la psychogenèse est importante, la question des états conscients n’a certainement pas l’importance que nous lui accordons. Si elle est centrale pour celui qui questionne, dans l’ordre des choses questionnées elle n’est qu’une question locale. Il y a aussi des constantes anthropologiques qui sont de toutes époques et de toutes les civilisations et de tous les individus.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Je reviens à mon avant-dernier post dans lequel je m’interrogeais sur l’originalité de l’enseignement de Jésus, en suggérant qu’elle était peut-être résumée dans l’exhortation : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6, 33).
Mais qu’est-ce que la justice de Dieu dans l’Évangile ?
Elle paraît bien injuste par rapport à la justice des hommes.
Jésus essaie de le faire comprendre par des paraboles.
La parabole de l’enfant prodigue met en scène le fils cadet qui, après une vie de débauche, revient tout penaud chez son père qui l’accueille royalement au grand dam du fils aîné qui a toujours eu une vie moralement irréprochable.
Les ouvriers de la dernière heure sont, dans la parabole, payés autant que ceux qui ont travaillé durement toute la journée.
En écho avec le sujet de ce fil, cet enseignement paradoxal de Jésus aurait du être transmis sous forme de l'éducation à la subversion d’une morale du devoir au profit d'une éthique de la joie.
Ce ne fut pas le cas et la transmission de l’Évangile s’est faite par le moyen d’une religion nouvelle, que n’avait pas créée Jésus, qui ne fut pas avare en condamnations morales en tous genres avec persécutions physiques assorties.
Depuis la fin de la chrétienté, l’enjeu est de retrouver aujourd’hui l'originalité de l'Évangile resté largement « in-ouï » (Dominique Collin)
Mais qu’est-ce que la justice de Dieu dans l’Évangile ?
Elle paraît bien injuste par rapport à la justice des hommes.
Jésus essaie de le faire comprendre par des paraboles.
La parabole de l’enfant prodigue met en scène le fils cadet qui, après une vie de débauche, revient tout penaud chez son père qui l’accueille royalement au grand dam du fils aîné qui a toujours eu une vie moralement irréprochable.
Les ouvriers de la dernière heure sont, dans la parabole, payés autant que ceux qui ont travaillé durement toute la journée.
En écho avec le sujet de ce fil, cet enseignement paradoxal de Jésus aurait du être transmis sous forme de l'éducation à la subversion d’une morale du devoir au profit d'une éthique de la joie.
Ce ne fut pas le cas et la transmission de l’Évangile s’est faite par le moyen d’une religion nouvelle, que n’avait pas créée Jésus, qui ne fut pas avare en condamnations morales en tous genres avec persécutions physiques assorties.
Depuis la fin de la chrétienté, l’enjeu est de retrouver aujourd’hui l'originalité de l'Évangile resté largement « in-ouï » (Dominique Collin)
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Re: L'éducation à la transgression
L'apparence est trompeuse.Vanleers a écrit:Elle paraît bien injuste par rapport à la justice des hommes.
Je pense que la justice comprise par Jésus doit être appréciée sans recourir au comparatif. Car chaque relation est unique. La relation entre l'enfant prodigue et le père est différente de celle du père avec son fils ainé. La relation entre l'ouvrier de la dernière heure et le patron est différente de celle du patron avec son ouvrier de longue date. C'est la relation qu'il convient de juger. Or ni le père ni le patron n'ont dérogé à leur parole. Et seule la parole donnée compte.
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Re: L'éducation à la transgression
Je cite la parabole des ouvriers de la dernière heure :
Je signale un excellent commentaire de cette parabole en :
https://www.chretiens-en-marche.org/paroles-en-chemin/le-plus-grand-combat/parabole-des-ouvriers-de-la-derni%C3%A8re-heure/
Je cite le début de la conclusion :
Matthieu 20 :1-16, version TOB a écrit:Le Royaume des cieux est comparable, en effet, à un maître de maison qui sortit de grand matin, afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il convint avec les ouvriers d'une pièce d'argent pour la journée et les envoya à sa vigne. Sorti vers la troisième heure, il en vit d'autres qui se tenaient sur la place, sans travail, et il leur dit : « Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste » Ils y allèrent. Sorti de nouveau vers la sixième heure, puis vers la neuvième, il fit de même. Vers la onzième heure, il sortit encore, en trouva d'autres qui se tenaient là et leur dit : « Pourquoi êtes-vous restés là tout le jour, sans travail ? ». C'est que, lui disent-ils, personne ne nous a embauchés. › Il leur dit : « Allez, vous aussi, à ma vigne ». Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers, et remets à chacun son salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers ». Ceux de la onzième heure vinrent donc et reçurent chacun une pièce d'argent. Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage ; mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d'argent. En la recevant, ils murmuraient contre le maître de maison : Ces derniers venus, disaient-ils, n'ont travaillé qu'une heure, et tu les traites comme nous, qui avons supporté le poids du jour et la grosse chaleur. › Mais il répliqua à l'un d’eux : « Mon ami, je ne te fais pas de tort ; n'es-tu pas convenu avec moi d'une pièce d'argent ? Emporte ce qui est à toi et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi. Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de mon bien ? Ou alors ton œil est-il mauvais parce que je suis bon ? » Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers.
Je signale un excellent commentaire de cette parabole en :
https://www.chretiens-en-marche.org/paroles-en-chemin/le-plus-grand-combat/parabole-des-ouvriers-de-la-derni%C3%A8re-heure/
Je cite le début de la conclusion :
Jacques Eychenne a écrit:Cette parabole dévoile un coin de la nature du royaume de Dieu et de son fonctionnement. Elle met en évidence une souveraineté qui ne pourra jamais être contestée. En dehors de la question d’autorité, la raison en est simple : Dieu fonctionne avec des paradigmes différents des nôtres. Cela est mis en forme dans cette parabole par le contraste entre une justice rétributive et une justice compassionnelle. L’amour ne procède pas d’un calcul mercantile, c’est pourquoi le salut ne peut s’acheter.
La parabole fait exploser le droit au mérite. La logique du droit salarial implose sous le rapport d’une relation qui révèle bonté et compassion. Dans cette situation, peu importe le temps. Le présent nous appartient. Nos choix détermineront si nous irons œuvrer ou pas dans la vigne. Quel que soit le sombre-obscur de notre passé, rien ne peut faire obstacle à notre présent, à condition que nous décidions d’accueillir humblement ce qui nous est proposé avec amour.
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Re: L'éducation à la transgression
Universelle dans le sens où on la retrouve partout. Mais non-universelle dans le sens où à chaque fois cette loi ne s'applique qu'à la communauté qui la professe. Je dirais que c'est Jésus qui en promeut l'application... universelle.Vanleers Lun 16 Jan 2023 - 11:07 a écrit:Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
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benfifi- Modérateur
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:Universelle dans le sens où on la retrouve partout. Mais non-universelle dans le sens où à chaque fois cette loi ne s'applique qu'à la communauté qui la professe. Je dirais que c'est Jésus qui en promeut l'application... universelle.Vanleers Lun 16 Jan 2023 - 11:07 a écrit:Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
Il ne peut y avoir de morale universelle. Une morale est référée à chaque culture ...puisque constituante (sinon fondatrice) de cette culture. ....Une "morale" universelle pour notre espèce serait à rechercher dans les processus de régulation et de structuration du groupe pré-homminidé. C'est à dire les modes de gestion ethologique du groupe socialisé.
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Re: L'éducation à la transgression
J'en conviens. Il s'agit là d'un pari fou. D'où son intérêt.Kercos a écrit:Il ne peut y avoir de morale universelle.
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benfifi- Modérateur
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:J'en conviens. Il s'agit là d'un pari fou. D'où son intérêt.Kercos a écrit:Il ne peut y avoir de morale universelle.
En ce moment, sur fr. Cult. une émission qui parle de ce sujet morale et religion....morale de Jesus ..;etc ...émission des chrétiens d' Orient:
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/orthodoxie/orthodoxie-emission-du-dimanche-22-janvier-2023-4278080
Perso je suis assez imperméable ...mais y'a du grain à moudre .....
Kercos- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
On dit en effet que l’apport de Jésus a été d’appliquer à l’ensemble des hommes la loi morale qui ne concernait que les juifs.benfifi a écrit:Universelle dans le sens où on la retrouve partout. Mais non-universelle dans le sens où à chaque fois cette loi ne s'applique qu'à la communauté qui la professe. Je dirais que c'est Jésus qui en promeut l'application... universelle.Vanleers Lun 16 Jan 2023 - 11:07 a écrit:Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
En rester là serait oublier que Jésus instaure cette « universalisation » à travers une notion énigmatique : le « Royaume de Dieu » (ou Royaume des cieux).
Jésus a cherché à le faire comprendre par de nombreuses paraboles : l’enfant prodigue, les ouvriers de la dernière heure dont il a déjà été question sur le fil et, aussi, le repas de noces (Matthieu 22).
Je cite le début d’un commentaire de cette parabole en :
https://etoile.pro/en-relation-a-dieu/predications/la-joie-du-royaume
L’auteur insiste ensuite sur le désir d’être heureux et sur la joie :Louis Pernot a écrit:Qu’est-ce que le Royaume des Cieux ?
La parabole des noces en Matthieu 22 dit que le Royaume des Cieux est comme un banquet de noces. Un banquet de noces, on voit à peu près ce que c’est, mais le Royaume des Cieux (ou de Dieu), qu’est-ce donc ?
La mauvaise réponse serait de dire que c’est le lieu d’après la mort. Quand nous disons avec le Notre Père « que ton royaume (ou règne, c’est le même mot) vienne », on ne demande pas à Dieu de nous tuer !
La bonne réponse, on la trouve dans la bouche de Jésus : « le Royaume de Dieu, il est au dedans de vous » (Luc 17:24). Le Royaume de Dieu, c’est donc tout ce qui, en nous est en relation avec Dieu, pour se sentir protégé par lui et pour le servir ; c’est la foi. Ces paraboles du Royaume décrivent donc comment on peut entrer en relation avec Dieu, et ce qu’il advient pour nous quand nous nous trouvons dans la présence de Dieu. Mais on pourrait aussi lire : « Le Royaume de Dieu, il est au milieu de vous », le « vous » est alors pluriel, et on aurait une dimension communautaire du Royaume : vivre fraternellement en communion et en paix les uns avec les autres. Sans doute que ces deux lectures se complètent l’une l’autre.
Notre parabole des noces nous dit alors bien des choses essentielles. La première, c’est qu’être dans la présence de Dieu est une fête et une joie. Cela va contre les tristes intégristes qui veulent toujours terroriser, angoisser et attrister leurs fidèles par des scrupules et des culpabilisations. Non, quand on découvre Dieu et qu’on s’en approche, on trouve une source de joie, de bonheur et d’abondance extraordinaires. L’Évangile est étymologiquement une « bonne nouvelle », certes, vivre l’Évangile n’est pas toujours facile et peut demander des sacrifices, des choix difficiles, des engagements qui peuvent nous coûter, mais globalement, tout cela mène à la joie et la fête. Ce n’est pas pour rien que la prédication du Christ commence par les Béatitudes : neuf fois « heureux ».
Ensuite Dieu invite tout le monde. Il n’y a pas d’examen d’entrée, pas d’autre condition que de bien vouloir venir dans la joie du maître. La présence de Dieu est offerte à tous, il suffit d’accepter d’y aller. Chacun est bienvenu, « méchant ou bon » comme dit la parabole.
Louis Pernot a écrit:Accepter d’être heureux !
Être croyant, c’est d’abord donc croire dans la joie possible. C’est accepter d’être heureux ! Il faut oublier ses culpabilités et se tourner résolument vers la vie en en recevant avec simplicité toutes ses grâces et ses chances. On dit souvent que la foi aide dans les épreuves, sans doute, mais il ne faut pas la réduire à ça. La foi, c’est aussi être encore plus joyeux dans les bons moments, et trouver une joie encore plus grande que celle que procure le matériel.
Mais on n’a pas toujours de la chance dans la vie, et être heureux ne dépend pas ce qui nous est donné, c’est une démarche de foi, c’est un principe de vie, de choisir tant que possible de voir les choses positivement et de ne pas se laisser assombrir par le mal. Dans la parabole des talents, quand il est dit au serviteur : « entre dans la joie de ton maître », ce n’est pas une licence, ce peut être vu comme un commandement. Pour soi, c’est déjà bien agréable d’être heureux, et d’une certaine manière, ce peut-être comme une sorte de principe : choisir la joie plutôt que la tristesse, choisir de voir le meilleur plutôt que toujours me laisser détruire par le pire. Certes on n’est pas totalement maîtres de ses sentiments, mais néanmoins nous avons une part de liberté et de choix, même dans ce domaine, et on peut au moins faire ce qu’on peut. Et puis vis-à-vis des autres, la joie est un véritable devoir. Il ne faut pas embêter les autres avec ses problèmes, ils en ont eux même suffisamment, et donc le meilleur cadeau que l’on peut faire à son entourage c’est de donner de la joie. Et même dans toutes ses œuvres, ce que l’on fait sans joie perd son sens et le bien que nous ferions cesserait même en partie d’être du bien. Un chrétien triste est un triste sire. Or certes, il se peut qu’il n’y ait pas beaucoup de joie en nous, mais nos paraboles ne nous demandent pas forcément de chercher au fond de nous une joie qui ne s’y trouve pas forcément, mais d’enter dans la joie de son maître. Il y a en Dieu, en Christ une vraie joie, elle est là pour nous et nous pouvons la faire nôtre. La joie du maître est là, offerte, mais il faut y aller pour la trouver, y entrer. Il n’est pas dit : « reste sur place et profite de la joie qui va t’être donnée ». Les invités de la noce également doivent quitter leur activité, leur commerce, leurs affaires pour un temps afin d’aller au banquet.
Cette joie est donc offerte, et elle doit aussi être un idéal de vie. Mais cet idéal ne doit pas culpabiliser celui qui n’y parviendrait pas. Là encore chacun fait ce qu’il peut, le maître n’exclue pas du banquet celui qui resterait triste, mais seulement celui qui n’a pas voulu revêtir l’habit de noces offert. Rajouter un peu de joie spirituelle au dessus de ses habits de deuil est toujours faisable.
En résumé, l’obéissance à une loi morale de l’Ancien Testament s’est transformée, dans le Nouveau Testament, en un art de vivre dans la joie.
L’Évangile se présente ainsi comme une éthique eudémoniste que l’on peut rapprocher, dans l’Antiquité, d’Aristote (Ethique à Nicomaque) ou d’Epicure (Lettre à Ménécée).
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Kercos a écrit:benfifi a écrit:Universelle dans le sens où on la retrouve partout. Mais non-universelle dans le sens où à chaque fois cette loi ne s'applique qu'à la communauté qui la professe. Je dirais que c'est Jésus qui en promeut l'application... universelle.Vanleers Lun 16 Jan 2023 - 11:07 a écrit:Cette loi est une morale universelle qui n’a rien de spécifiquement judéo-chrétien.
Il ne peut y avoir de morale universelle. Une morale est référée à chaque culture ...puisque constituante (sinon fondatrice) de cette culture. ....Une "morale" universelle pour notre espèce serait à rechercher dans les processus de régulation et de structuration du groupe pré-hominidé. C'est à dire les modes de gestion ethologique du groupe socialisé.
Les sociétés humaines étant des systèmes devenus, au fil du temps, de plus en plus complexes, des lois morales universelles nouvelles ont fini par émerger, phénomène d’émergence mis en évidence par la pensée du complexe.
Merci d’avoir signalé l’émission de France Culture dans laquelle Bertrand Vergely présente son nouveau livre : Voyage en haute connaissance – Philosophie de l’enseignement du Christ.
Ce qu’il dit va tout à fait dans le sens de ce que j’exprime sur ce fil.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Certes rien de tel qu'un but commun pour orienter côte-à-côte des communautés humaines qui ont tendance à se tenir face-à-face. Et quoi de mieux qu'un but extra terrestre afin d'en empêcher l'appropriation partisane.Vanleers a écrit:En rester là serait oublier que Jésus instaure cette « universalisation » à travers une notion énigmatique : le « Royaume de Dieu » (ou Royaume des cieux).
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benfifi- Modérateur
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Re: L'éducation à la transgression
Vanleers a écrit:
Les sociétés humaines étant des systèmes devenus, au fil du temps, de plus en plus complexes, des lois morales universelles nouvelles ont fini par émerger, phénomène d’émergence mis en évidence par la pensée du complexe.
Les systèmes complexes induisent des modèles très stables. Une sociologues bordelaise a précisé que nos sociétés ne sont plus "complexes"...alors que celles des grands singes le sont restées....Le terme "compliqué" me semblerait plus approprié. Nos sociétés sont devenues "rationnelles" au sens de simplifiées et linéarisées par refus justement de la complexité ou abouti les modélisation du vivant.
Pour ces modèles du vivant, l'universalité en général et l'universalité de la morale en particulier serait catastrophique et mortifère. L'altérité, opposée à l' universalité, est le moteur du vivant. Le vivant se nourrit de ces altérités, de ces variabilité. La stabilité engendrée par les systèmes non linéaire, est bien plus forte que la stabilité statique engendrée par les modèles linéaires, rationnels. La stabilité dynamique (celle d'une toupie ou d'un vélo) possède une inertie forte.....cette stabilité est constituée d' une somme d'instabilité en correction permanente.
Les "bruits" des systèmes créés par l'humain finissent par perturber puis détruire le signal, ...alors que les bruits des systèmes naturels complexes, sont réutilisés et participent au signal .
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Re: L'éducation à la transgression
benfifi a écrit:Certes rien de tel qu'un but commun pour orienter côte-à-côte des communautés humaines qui ont tendance à se tenir face-à-face. Et quoi de mieux qu'un but extra terrestre afin d'en empêcher l'appropriation partisane.Vanleers a écrit:En rester là serait oublier que Jésus instaure cette « universalisation » à travers une notion énigmatique : le « Royaume de Dieu » (ou Royaume des cieux).
Eh non, c’est tout le contraire : le Royaume de Dieu, c’est ici et maintenant et non extra-terrestre et post mortem.
Lisez le commentaire très éclairant de Louis Pernot.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'éducation à la transgression
Oui c'est ce qu'il faut comprendre... après un certain temps. Mais pas en première instance.Vanleers a écrit:Eh non, c’est tout le contraire : le Royaume de Dieu, c’est ici et maintenant et non extra-terrestre et post mortem.
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benfifi- Modérateur
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