Et le progrès ? II
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Re: Et le progrès ? II
Kercoz J’avais souhaité que le débat ne s’enlise pas dans un naturalisme archaïsant. Depuis bientôt 20 ans mon quotidien professionnel est centré sur l’innovation en matière agronomique, plus exactement, l’extraction de molécules naturelles actives utilisables en agriculture ou dans le biomédical à partir de déchets de l’industrie agro-alimentaires. Je connais bien les tenant et les aboutissants de l’innovation de même que la puissance respective des différents intervenant dans ce jeu, et je connais aussi les limites de certaines voies d’innovation, je pourrais être intarissable sur cette question. Ce n’est pas ce qui est marginal qui fonde le rapport entre le concept de progrès et celui d’innovation dont nous parlons ici mais au contraire ce qui relève des effets de masse.
Néo, loin de moi l’idée de remettre en cause l’intérêt de l’étude des textes anciens mais si nous appartenons à la même lignée qu’Aristote nous ne vivons pas sur la même planète et il nous faut à notre tour trouver des réponses. L’empreinte que les générations qui nous séparent ont laissées dans la nature physique du monde ainsi que la différence en la connaissance que nous en avons nous obligent à penser différemment. "Faire avec" comme tu dis, à l'époque d'Aristote comme à la notre c'est trouver des réponses adaptées.
Pour étendre cette remarque à d’autres sujets qui nous séparent, l’identité d’une époque n’a aucun lien avec une essence éternelle, elle se situe entre deux pôles: le passé et le futur, notre passé connu n’est pas celui connu à l’époque d’Aristote et notre futur encore moins, le monde dont nous pouvons parler est celui dont nous avons connaissance et cette connaissance a profondément évolué. Le point de départ conceptuel à partir duquel une pensée peut se mettre en place aujourd’hui est celui de la rupture entre être et pensée, rupture autour de laquelle tournent d’ailleurs la majorité des philosophies contemporaines depuis Kant. L’humain est pris dans un monde désormais dépourvu de sens et où aucun principe fondateur ne permet de structurer l'unité d'un quelconque cosmos. L’humain est en rupture avec l’ordre du monde non humain tout en y restant cependant soumis.
Jean, j’ai pris quelques minutes seulement pour mettre à jour mes connaissances sur la mer intérieure du Sahara que ma mémoire avait quelque peu transformé. Il apparaît selon les publications récentes que cet asséchement eut lieu sur une période comprise entre un et deux siècles pour certains et maximum 3000 ans pour ceux qui annoncent les périodes les plus longues, ce qui a l’échelle de l’évolution, c’est à dire plus de 3 milliards d’années, relève du temps extrêmement court, à titre de référence entre Lucy et nous il s’est écoulé plus de 3 millions d’années tout de même et sans bouleversement majeur. Question: avais tu pris soin de vérifier tes sources avant d’avancer cet argument définitif qui aurait voulu qu’en un temps aussi bref des animaux aquatiques auraient pu se transformer en animaux terrestre s'ils n'avaient pas atteint les limites de leur capacité d'évolution?
Néo, loin de moi l’idée de remettre en cause l’intérêt de l’étude des textes anciens mais si nous appartenons à la même lignée qu’Aristote nous ne vivons pas sur la même planète et il nous faut à notre tour trouver des réponses. L’empreinte que les générations qui nous séparent ont laissées dans la nature physique du monde ainsi que la différence en la connaissance que nous en avons nous obligent à penser différemment. "Faire avec" comme tu dis, à l'époque d'Aristote comme à la notre c'est trouver des réponses adaptées.
Pour étendre cette remarque à d’autres sujets qui nous séparent, l’identité d’une époque n’a aucun lien avec une essence éternelle, elle se situe entre deux pôles: le passé et le futur, notre passé connu n’est pas celui connu à l’époque d’Aristote et notre futur encore moins, le monde dont nous pouvons parler est celui dont nous avons connaissance et cette connaissance a profondément évolué. Le point de départ conceptuel à partir duquel une pensée peut se mettre en place aujourd’hui est celui de la rupture entre être et pensée, rupture autour de laquelle tournent d’ailleurs la majorité des philosophies contemporaines depuis Kant. L’humain est pris dans un monde désormais dépourvu de sens et où aucun principe fondateur ne permet de structurer l'unité d'un quelconque cosmos. L’humain est en rupture avec l’ordre du monde non humain tout en y restant cependant soumis.
Jean, j’ai pris quelques minutes seulement pour mettre à jour mes connaissances sur la mer intérieure du Sahara que ma mémoire avait quelque peu transformé. Il apparaît selon les publications récentes que cet asséchement eut lieu sur une période comprise entre un et deux siècles pour certains et maximum 3000 ans pour ceux qui annoncent les périodes les plus longues, ce qui a l’échelle de l’évolution, c’est à dire plus de 3 milliards d’années, relève du temps extrêmement court, à titre de référence entre Lucy et nous il s’est écoulé plus de 3 millions d’années tout de même et sans bouleversement majeur. Question: avais tu pris soin de vérifier tes sources avant d’avancer cet argument définitif qui aurait voulu qu’en un temps aussi bref des animaux aquatiques auraient pu se transformer en animaux terrestre s'ils n'avaient pas atteint les limites de leur capacité d'évolution?
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
Explique- nous ce que tu sous entends par cette affirmation.baptiste a écrit:Le point de départ conceptuel à partir duquel une pensée peut se mettre en place aujourd’hui est celui de la rupture entre être et pensée,
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
Baptiste a écrit:ce qui a l’échelle de l’évolution,
C'est bon Baptiste, tout le monde en a marre, de ce sujet....
jean tardieu- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
baptiste a écrit:Néo, loin de moi l’idée de remettre en cause l’intérêt de l’étude des textes anciens mais si nous appartenons à la même lignée qu’Aristote nous ne vivons pas sur la même planète et il nous faut à notre tour trouver des réponses. L’empreinte que les générations qui nous séparent ont laissées dans la nature physique du monde ainsi que la différence en la connaissance que nous en avons nous obligent à penser différemment. "Faire avec" comme tu dis, à l'époque d'Aristote comme à la notre, c'est trouver des réponses adaptées.
Réponse en deux points.
- Sur, je cite : " L’empreinte que les générations qui nous séparent ont laissées dans la nature physique du monde ainsi que la différence en la connaissance que nous en avons nous obligent à penser différemment ". A propos de cette " empreinte ", impact, de l'homme sur la planète. Dés qu'homo sapiens arrive dans une région du monde, on voit qu'il modifie son environnement, c'est un phénomène continu. Avec des événements plus importants que les autres : cas emblématique, la révolution industrielle. En 1900, la population sur Terre est comprise entre 1,550 à 1,762 milliards d'individus. Aujourd'hui, elle est de 7 milliards et demi avec un prévisionnel très fiable de 10 milliards en 2050. En clair, si on modélise la dite " empreinte ", elle a la tête d'une courbe exponentielle. Alors oui, en matière " d'empreinte " et de population, et pas mal d'autres critères, nous ne sommes plus à l'époque d'Aristote.
- Mais ! Effectivement, ici et là, et puis ici, etc., les hommes étaient et sont encore très différents (même si très manifestement on va vers un lissage avec la mondialisation). Mais il y a tout de même des constantes, et Aristote dans sa " Politique " en identifie une très bien, capitale pour la nature du sujet traité, inhérente à la nature humaine, et universelle quelle que soit la culture : l'appât du gain, la cupidité, la vénalité, la course au profit, à l'argent, l'exploitation de l'homme par l'homme, la richesse, l'extractivisme, etc. Et il se trouve que le modèle macro-économique en vigueur aujourd'hui, le capitalisme, le libéralisme économique, le culte du profit, dernier avatar en date de l'extractivisme, de la dérive oligarchique, est, toujours, le moteur du monde. Et c'était déjà le cas dans l'antiquité. Il a parfaitement compris que ce trait serait toujours un frein puissant, le plus puissant, a tout progrès politique, c'est la malédiction de la dérive oligarchique, à laquelle aucun régime (ce que constate Aristote), et, on l'a vu plus tard, aussi " rouge " soit-il n'a échappé, etc.
Conclusion : " C'est bien un même système qui exploite l'être humain et qui détruit la planète ". Et il n'est pas neuf, il n'a fait que monter en puissance grâce aux progrès scientifiques et technologiques, utilisés à mauvais escient, par notre caractéristique la plus fondamentale, l'hybris, très bien identifiée par les Grecs, comme dit l'autre, " c'est l'intention qui compte ". Je ne suis pas contre le libéralisme économique, je suis contre le libéralisme " économique " comme incarnation légalisée, organisée, de la vénalité, de l'extractivisme, et c'est ce qu'il est aujourd'hui.
Un peu de grain à moudre :
- " La délinquance en col blanc (2-9) ", https://blogs.mediapart.fr/marcuss/blog/100820/la-delinquance-en-col-blanc-2-9
- " Le Monde de la Finance et la TTF ", https://blogs.mediapart.fr/christian-belisson/blog/131220/le-monde-de-la-finance-et-la-ttf
- " La cause des pauvres en France ", https://blogs.mediapart.fr/christophe-patillon/blog/171220/la-cause-des-pauvres-en-france
- " Vous prendrez bien un peu plus de dette ? ", https://blogs.mediapart.fr/anice-lajnef/blog/231220/vous-prendrez-bien-un-peu-plus-de-dette
- " Lettre ouverte à Homo sapiens : la rage, encore la rage, toujours la rage ", https://blogs.mediapart.fr/vowl/blog/121020/lettre-ouverte-homo-sapiens-la-rage-encore-la-rage-toujours-la-rage
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
Si je puis me permettre, je trouve l'échange extrêmement intéressant, à maints égards. Quitte à développer plus avant plus tard, au moins cet élément pour l'instant :
Baptiste dit en somme : Aristote, c'est bien joli, mais ce n'est pas notre contemporain.
D'abord, nos connaissances ont considérablement évoluées depuis (assertion qui nous ramène à la thématique du Progrès).
Ensuite, notre monde n'est plus le sien : Le nôtre est caractérisé par une rupture, qui est au moins la rupture avec le monde non-humain "tout en y restant cependant soumis."
Enfin, se manifeste, dans les propos de baptiste, une sorte d'exigence, éthique ou cognitive, à penser différemment :
Or, à toutes ces ruptures et ces changements / évolutions, néo répond par la permanence, la permanence de la "nature humaine"
Mais une fois qu'on s'est engagé sur le terrain que tu abordes, néo, se présente une foule de problèmes. Comme par exemple :
- Qu'est-ce précisément que cette "nature humaine" ? Si on la réduit par exemple à la "vénalité" ou la "cupidité", faut-il en conclure que cette caractéristique est présente en tout homme ?
- Comment comprendre l'articulation entre une "nature humaine" immuable et une connaissance humaine qui, elle, progresse ?
- Comment comprendre l'articulation entre une "nature humaine" qui tend à "détruire la planète" et un milieu naturel non-humain ?
- Comment, à cette aune, comprendre l'assertion de baptiste -qui semble aussi vraie- selon laquelle l'homme est en rupture avec le monde naturel non-humain tout en y restant soumis ?
Baptiste dit en somme : Aristote, c'est bien joli, mais ce n'est pas notre contemporain.
D'abord, nos connaissances ont considérablement évoluées depuis (assertion qui nous ramène à la thématique du Progrès).
Ensuite, notre monde n'est plus le sien : Le nôtre est caractérisé par une rupture, qui est au moins la rupture avec le monde non-humain "tout en y restant cependant soumis."
Enfin, se manifeste, dans les propos de baptiste, une sorte d'exigence, éthique ou cognitive, à penser différemment :
L’empreinte que les générations qui nous séparent ont laissées dans la nature physique du monde ainsi que la différence en la connaissance que nous en avons nous obligent à penser différemment.
Or, à toutes ces ruptures et ces changements / évolutions, néo répond par la permanence, la permanence de la "nature humaine"
Anecdotiquement, je trouve intéressant que tu développes aujourd'hui cette idée, néo, parce que jusqu'à présent, je te lisais surtout incriminer le système économique capitaliste d'aujourd'hui : Le Marché, Wall Street, etc. -et je trouvais précisément que cette critique était myope.néopilina a écrit: Mais il y a tout de même des constantes, et Aristote dans sa " Politique " en identifie une très bien, capitale pour la nature du sujet traité, inhérente à la nature humaine, et universelle quelle que soit la culture : l'appât du gain, la cupidité, la vénalité, la course au profit, à l'argent, l'exploitation de l'homme par l'homme, la richesse, l'extractivisme, etc.
Mais une fois qu'on s'est engagé sur le terrain que tu abordes, néo, se présente une foule de problèmes. Comme par exemple :
- Qu'est-ce précisément que cette "nature humaine" ? Si on la réduit par exemple à la "vénalité" ou la "cupidité", faut-il en conclure que cette caractéristique est présente en tout homme ?
- Comment comprendre l'articulation entre une "nature humaine" immuable et une connaissance humaine qui, elle, progresse ?
- Comment comprendre l'articulation entre une "nature humaine" qui tend à "détruire la planète" et un milieu naturel non-humain ?
- Comment, à cette aune, comprendre l'assertion de baptiste -qui semble aussi vraie- selon laquelle l'homme est en rupture avec le monde naturel non-humain tout en y restant soumis ?
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Re: Et le progrès ? II
Le sujet en effet est intéressant, mais il reste sur la surface des choses lorsque Neopilina écrit
En effet, c'est le fonds de "l'éternel humain". Mais il ne sort pas de nulle part.
J'évoquais quelque part (ou ailleurs) mon expérience : lorsque je fais un semis de tomates, j'en attends une levée en 15 jours. Mais aussitôt s'allume derrière ma tête : "Et si j'obtenais une levée en 8 jours...? Avantage concurrentiel, dont je n'ai que faire, mais il en va de même avec la question : "Et si j'obtenais 3 récoltes ?"
L'esprit humain ne peut s'empêcher de conjecturer, depuis la pierre taillée, un plus ou un moins qui lui procurerait un avantage.
Et c'est où je voulais en venir : il se crée en permanence par conjecture inconsciente une frustration inextinguible, irraisonnée, de même lorsqu'il observe les espaces infinis : la frustration de ne pas savoir, d'être limité, en tout et pour tout.
D'où le constat de Neopilina :
Même la plus pesante des coercitions n'y peut rien. Seule la culture aurait une chance minime de le faire entendre.
Mais il y a tout de même des constantes, et Aristote dans sa " Politique " en identifie une très bien, capitale pour la nature du sujet traité, inhérente à la nature humaine, et universelle quelle que soit la culture : l'appât du gain, la cupidité, la vénalité, la course au profit, à l'argent, l'exploitation de l'homme par l'homme, la richesse, l'extractivisme, etc.
En effet, c'est le fonds de "l'éternel humain". Mais il ne sort pas de nulle part.
J'évoquais quelque part (ou ailleurs) mon expérience : lorsque je fais un semis de tomates, j'en attends une levée en 15 jours. Mais aussitôt s'allume derrière ma tête : "Et si j'obtenais une levée en 8 jours...? Avantage concurrentiel, dont je n'ai que faire, mais il en va de même avec la question : "Et si j'obtenais 3 récoltes ?"
L'esprit humain ne peut s'empêcher de conjecturer, depuis la pierre taillée, un plus ou un moins qui lui procurerait un avantage.
Et c'est où je voulais en venir : il se crée en permanence par conjecture inconsciente une frustration inextinguible, irraisonnée, de même lorsqu'il observe les espaces infinis : la frustration de ne pas savoir, d'être limité, en tout et pour tout.
D'où le constat de Neopilina :
Mais il y a tout de même des constantes, et Aristote dans sa " Politique " en identifie une très bien, capitale pour la nature du sujet traité, inhérente à la nature humaine, et universelle quelle que soit la culture : l'appât du gain, la cupidité, la vénalité, la course au profit, à l'argent, l'exploitation de l'homme par l'homme, la richesse, l'extractivisme, etc.
Même la plus pesante des coercitions n'y peut rien. Seule la culture aurait une chance minime de le faire entendre.
jean tardieu- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 26/09/2020
Re: Et le progrès ? II
HKS Il me semble que lorsque Aristote parle de ce qui est proprement humain dans ses manifestations ordinaires il nous parle de même qu’il le faisait à ses contemporains. Juste un exemple, la « faculté » rhétorique, celle qui permet à l’homme de découvrir ce qui est propre à persuader. Dans la nature de cette faculté, on trouve chez Aristote une dimension sensorielle, intellectuelle et heuristique. Ces domaines de l’activité humaine que certains ont pris depuis la mauvaise habitude de dissocier sont chez lui conçus et pensés ensembles, c’est remarquable. (Rhét., I, 1, 1355a) « De plus, il faut être apte à persuader le contraire de sa thèse, comme dans les syllogismes dialectiques, non certes pour faire indifféremment les deux choses (car il ne faut rien persuader d’immoral), mais afin de n’ignorer point comment se posent les questions, et, si un autre argumente contre la justice, d’être à même de le réfuter ». En effet, dans un environnement contingent et complexe, comment être toujours sûr a priori de ce qui est juste en soi ? Dans notre société actuelle ce modèle de raisonnement se révèle d’une grande utilité. Des tests récents ont montré que si on demandait à quelqu’un sûr de son opinion de défendre une thèse contraire à la sienne, par exemple défendre la peine de mort lorsque l’on est contre ou l’inverse, cet exercice conduit celui qui s’y soumet à toujours relativiser son point de vue.
Maintenant lorsqu’il s’agit du concept de l’Être « au sens premier, est ce qu'est la chose, notion qui exprime la substance. Les autres choses ne sont des êtres que parce qu'elles sont quelques déterminations de l'être (quantité, qualité, etc.). Il y a, sous chacune d'elles, un sujet réel et déterminé : la substance et l'individu qui se manifeste dans une catégorie, ce sans quoi les autres catégories n'existent pas. Ainsi, l'être absolument parlant, c'est la substance. » il en va autrement. L’idée de substance avait déjà pris un sérieux coup de vieux avec Kant mais l'idée d'une permanence statique du monde nécessaire à celle de substance et donc d'esprit depuis toutes les connaissances accumulées pose la question philosophique autrement.
La rupture entre Être et pensée signifie que la pensée s’est affranchie du discours sur l’Être tel qu’il fut élaboré en d’autres temps basés sur d’autres connaissances. Un autre point de départ possible, une autre ontologie c’est par exemple penser l’existence humaine par rapport à son insertion dans la réalité du monde qui l’entoure, mais un point de départ ce n’est pas un point d’arrivée, n’est ce pas, et peut-être n’y a-t-il pas de point d’arrivée, dans tous les cas il faut accepter que ce soit possible et sans employer de joker, comme le Dieu de Spinoza par exemple.
Néo Le capitalisme, dopé à l'ivresse néolibérale et consumériste, est sans nul doute une des causes de tous les dérapages puisque c’est le système dominant, c’est un constat que peu de gens contrediront.
On peut s’éloigner du progrès et aborder la question du mal, aussi celle de l’origine du mal, alors c’est vrai on en revient effectivement toujours à l’humain comme source du mal. Le mal est donc bien constitutif de l’esprit humain alternativement l’âme pour certains, concepts que je préfère ici à celui de nature car je doute que l’on puisse dire de celle-ci, et à condition d’avoir donné un contenu précis à ce concept, qu’elle soit douée de la faculté de jugement.
En ce qui concerne le progrès politique, peut-être aurait-il fallu ranger depuis longtemps au rayon des illusions cette idée des Lumières « ce progrès qui pourra suivre une marche…continue et jamais rétrograde… » avait dit Condorcet qui pensait aussi « que la perfectibilité des hommes réunis en société était indéfinie ». Il fut une des premières victimes de ces hommes qui avaient renversé l’oligarchie et s’étaient réunis en société pour construire cette société fondée dans le progrès et lui ont immédiatement coupé la tête. Le crime impardonnable de Condorcet avait été de s’opposer à la peine de mort « Je crois la peine de mort injuste… La suppression de la peine de mort sera un des moyens les plus efficaces de perfectionner l’espèce humaine, en détruisant le penchant à la férocité qui l’a longtemps déshonorée… Des peines qui permettent la correction et le repentir, sont les seules qui puissent convenir à l’espèce humaine régénérée. » l’idée de progrès en politique comme ailleurs n’est en rien celle d’un mouvement linéaire.
Réformer au profit du bien commun et de la justice sociale est parfaitement envisageable, de même qu'il est permis de repenser nos institutions afin de les rendre démocratiquement "durables". Pour aller vers le progrès je crois en la participation du plus grand nombre mais je crains moins d’une oligarchie compétente respectueuse d’une constitution contraignante avec des citoyens actifs qui participent que d’une chienlit simplement mue par le seul ressentiment de quelques individus.
Jean la culture n'a jamais empêché les pires atrocités contre l'esprit. Le nombre d'agrégés de philosophies, d'intellectuels, de prix Nobel, d'artistes activement antisémites à lui seul peut en témoigner.
Maintenant lorsqu’il s’agit du concept de l’Être « au sens premier, est ce qu'est la chose, notion qui exprime la substance. Les autres choses ne sont des êtres que parce qu'elles sont quelques déterminations de l'être (quantité, qualité, etc.). Il y a, sous chacune d'elles, un sujet réel et déterminé : la substance et l'individu qui se manifeste dans une catégorie, ce sans quoi les autres catégories n'existent pas. Ainsi, l'être absolument parlant, c'est la substance. » il en va autrement. L’idée de substance avait déjà pris un sérieux coup de vieux avec Kant mais l'idée d'une permanence statique du monde nécessaire à celle de substance et donc d'esprit depuis toutes les connaissances accumulées pose la question philosophique autrement.
La rupture entre Être et pensée signifie que la pensée s’est affranchie du discours sur l’Être tel qu’il fut élaboré en d’autres temps basés sur d’autres connaissances. Un autre point de départ possible, une autre ontologie c’est par exemple penser l’existence humaine par rapport à son insertion dans la réalité du monde qui l’entoure, mais un point de départ ce n’est pas un point d’arrivée, n’est ce pas, et peut-être n’y a-t-il pas de point d’arrivée, dans tous les cas il faut accepter que ce soit possible et sans employer de joker, comme le Dieu de Spinoza par exemple.
Néo Le capitalisme, dopé à l'ivresse néolibérale et consumériste, est sans nul doute une des causes de tous les dérapages puisque c’est le système dominant, c’est un constat que peu de gens contrediront.
On peut s’éloigner du progrès et aborder la question du mal, aussi celle de l’origine du mal, alors c’est vrai on en revient effectivement toujours à l’humain comme source du mal. Le mal est donc bien constitutif de l’esprit humain alternativement l’âme pour certains, concepts que je préfère ici à celui de nature car je doute que l’on puisse dire de celle-ci, et à condition d’avoir donné un contenu précis à ce concept, qu’elle soit douée de la faculté de jugement.
En ce qui concerne le progrès politique, peut-être aurait-il fallu ranger depuis longtemps au rayon des illusions cette idée des Lumières « ce progrès qui pourra suivre une marche…continue et jamais rétrograde… » avait dit Condorcet qui pensait aussi « que la perfectibilité des hommes réunis en société était indéfinie ». Il fut une des premières victimes de ces hommes qui avaient renversé l’oligarchie et s’étaient réunis en société pour construire cette société fondée dans le progrès et lui ont immédiatement coupé la tête. Le crime impardonnable de Condorcet avait été de s’opposer à la peine de mort « Je crois la peine de mort injuste… La suppression de la peine de mort sera un des moyens les plus efficaces de perfectionner l’espèce humaine, en détruisant le penchant à la férocité qui l’a longtemps déshonorée… Des peines qui permettent la correction et le repentir, sont les seules qui puissent convenir à l’espèce humaine régénérée. » l’idée de progrès en politique comme ailleurs n’est en rien celle d’un mouvement linéaire.
Réformer au profit du bien commun et de la justice sociale est parfaitement envisageable, de même qu'il est permis de repenser nos institutions afin de les rendre démocratiquement "durables". Pour aller vers le progrès je crois en la participation du plus grand nombre mais je crains moins d’une oligarchie compétente respectueuse d’une constitution contraignante avec des citoyens actifs qui participent que d’une chienlit simplement mue par le seul ressentiment de quelques individus.
Jean la culture n'a jamais empêché les pires atrocités contre l'esprit. Le nombre d'agrégés de philosophies, d'intellectuels, de prix Nobel, d'artistes activement antisémites à lui seul peut en témoigner.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
Baptiste a écrit:la culture n'a jamais empêché les pires atrocités contre l'esprit
Sans doute mais elle est le seul remède, et tout le monde n'est pas prix Nobel.
Le capitalisme, dopé à l'ivresse néolibérale et consumériste, est sans nul doute une des causes de tous les dérapages puisque c’est le système dominant, c’est un constat que peu de gens contrediront.
Le capitalisme est un pur produit de la frustration humaine : je ne connais guère de grand gagnant du loto qui ait distribué l'intégralité de sa fortune, je ne connais guère de déshérité qui ne souhaiterait hériter et le socialisme est un capitalisme avec l'argent des autres.
La suppression de la peine de mort sera un des moyens les plus efficaces de perfectionner l’espèce humaine,
La suppression de la peine de mort a consisté à lui substituer une peine plus dure encore : l'enfermement à perpétuité c'est à dire une mort à petit feu, un emmurage vivant. Mais ce que je conteste, c'est le fait que les suppresseurs de la peine capitale se soient octroyé à peu de frais des brevets de belles consciences : la peine de mort, sans souffrance, est un acte de charité envers le criminel qui souvent la demande afin de n'avoir pas à subir une souffrance nerveuse et psychique de chaque minute de ce qui lui reste à vivre.
En effet, et la seule peine qui permette la correction et le repentir, c'est le travail quinze heures par jour sept jours sur sept : celui qui travaille ne souffre pas, il travaille.Des peines qui permettent la correction et le repentir, sont les seules qui puissent convenir à l’espèce humaine régénérée.
jean tardieu- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
à baptiste
Tu exprimes tant de certitudes et avec une telle conviction que je ne me sens pas le courage d'argumenter contre.
Désolé
Je ne dis pas que ce soit mal argumenté.
C'est sur le fond. Tu n'es pas vraiment en dialogue avec ce qui précède Kant alors que moi je le suis.
Tu es du côté des modernes (versus les anciens).
Tu exprimes tant de certitudes et avec une telle conviction que je ne me sens pas le courage d'argumenter contre.
Désolé
Je ne dis pas que ce soit mal argumenté.
C'est sur le fond. Tu n'es pas vraiment en dialogue avec ce qui précède Kant alors que moi je le suis.
Tu es du côté des modernes (versus les anciens).
Dernière édition par hks le Sam 6 Mar 2021 - 11:44, édité 1 fois
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
Le progrès n'est un progrès que pour ceux qui n'en bénéficient pas. Il faut avoir remonté des seaux d'eau sur 300m depuis la fontaine pour apprécier l'eau sous pression au robinet. Ceux qui aujourd'hui utilisent ce "progrès" n'en sont pas conscient. Pour eux ce n'est pas un "plus", mais une donnée comme l'air à tous les étages. A quoi sert un "progrès" s' il n'est pas ressenti comme tel ?
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Et le progrès ? II
kercoz a écrit:Le progrès n'est un progrès que pour ceux qui n'en bénéficient pas. Il faut avoir remonté des seaux d'eau sur 300m depuis la fontaine pour apprécier l'eau sous pression au robinet. Ceux qui aujourd'hui utilisent ce "progrès" n'en sont pas conscient. Pour eux ce n'est pas un "plus", mais une donnée comme l'air à tous les étages. A quoi sert un "progrès" s' il n'est pas ressenti comme tel ?
Oui.
Malheureusement quand on bénéficie de quelque chose sans trop de mal, on oublie l' avantage que cela procure.
Il en va de même pour tout : si nous sommes en bonne santé on oublie l' avantage de ne pas être malade.
Si nous pouvions ne pas " oublier " , on en deviendrait plus modeste et plus tolérant , je pense.
Ce serait un pas en avant pour la conscience humaine si nous étions capables de conserver le recul du " progrès ressenti ".
Re: Et le progrès ? II
Désolé c'est un peu long.
La mention de Condorcet n’avait d’autres objectifs que de resituer, à partir de l’espérance de Néo de la chute des oligarchies, la question du progrès politique confrontée à la réalité historique et au discours philosophique. Condorcet philosophe des Lumières, oligarque anti-oligarchie mais aussi acteur politique majeur de la révolution, écrivit un opuscule malheureusement trop peu connu « Esquisse d’un tableau historique des progrès humains » juste avant de tomber victime, non pas du progrès mais des risques inhérents au progrès qu’il avait contribué à construire. Ce rapprochement m’a donné l’idée de le relire ainsi que ses écrits sur l’instruction publique, ce qui ne m’avait pas paru si exceptionnel autrefois après l’avènement des réseaux sociaux et de la pensée 2.0 prend aujourd’hui un tout autre relief.
Pour lui s'il n'est pas constamment devancé, prévenu et forcé vers l'avant, le progrès se retourne contre ceux qui l'ont suscité, écrase ceux qui ne l'ont pas maîtrisé, et engendre la pire des décadences. Il distingue deux types de progrès un mécaniste qui s’apparente à ce que l’on nommerait je pense aujourd’hui « l’innovation » et un besoin de force intellectuelle croissante pour en jouir sans se faire écraser. .
Il y parle aussi, longtemps avant l’invention du mot, du complotisme plus exactement d’une notion qu’on pourrait appeler un oxymore, une forme de « savoir obscurantiste » car l'obscurité peut être aussi de principe ou de méthode. Un savoir obscurantiste par méthode néglige l'appropriation séquentielle des connaissances. Un savoir non-méthodique considère comme équivalentes toutes les propositions.
Condorcet expose la loi implacable qui lie le progrès et la décadence, et qui vaut pour toute forme de progrès, qu'il soit scientifique, économique, social ou juridique. La loi du progrès selon Condorcet pourrait donc se résumer ainsi : plus la masse des vérités augmente, ce qui est inévitable compte tenu de la curiosité humaine et la mise à disposition de moyens d’investigations de plus en plus performants, plus l'humanité a besoin de force intellectuelle pour la faire fructifier et pour en jouir, sous peine de se voir écrasée par elle.
Dans cette course de vitesse avec le progrès, le choix du dispositif intellectuel est décisif. En effet, s'il s'agit de répandre les lumières afin d'éviter de subir le progrès aveugle des choses, tout savoir n'est pas nécessairement libérateur et ne répond pas à l'exigence de maîtrise du progrès. Il existe des formes de savoir qui, au lieu de soulever la masse des vérités, l'utilisent au contraire comme un levier où se forme une relation d'autorité par laquelle un homme ou un groupe d'hommes se rend le maître des autres.
Un savoir non-méthodique considère comme équivalentes toutes les propositions, il procède par accumulation ou par classification extérieure : bibliothèque ou banque de données, c'est le stockage du savoir qui se donne pour connaissance, l'information qui se substitue à l'instruction. Il va de soi que cette obscurité de méthode affecte plus particulièrement les domaines où les vérités de fait dominent.
Un « savoir obscurantiste » par principe se fonde sur autre chose que sur la raison et sur l'expérience raisonnée. Il traite aussi des trois figures de l’argument d’autorité : le prêtre, l'orateur, l'empiriste vulgaire.
La figure du prêtre – l'esprit religieux – fait appel à la révélation, à un "crois-moi sur parole". C'est avant tout pour des motifs épistémologiques que Condorcet écarte toute référence à l'esprit religieux dans l'Instruction publique. Cette proscription s'étend même à ce que les philosophes appelaient "religion naturelle" car comme les autres elle recourt à un moment de foi.
L'orateur, qui pour convaincre s'appuie sur les passions, réveille une source puissante de croyance : l'enthousiasme. Vouloir le susciter n'est pas une faute lorsque la raison d'autrui est parallèlement sollicitée, c'en est une lorsque le prestige se substitue à l'argument. Condorcet s'élève vivement contre le recours à l'enthousiasme et généralement aux passions comme méthode d'enseignement. Une pédagogie qui fait de l'affectivité son moteur essentiel est obscurantiste par principe : l'émotion est une donnée avec laquelle il faut compter et non sur laquelle on doit compter ; il est dangereux et avilissant de la placer en position principielle.
La figure de l’empiriste vulgaire, enfin, qui énonce des recettes et qui réduit le savoir à ses applications pratiques sans se soucier d'en exhiber les fondements intelligibles, penche vers un obscurantisme pragmatiste : qu'importent les théories si les pratiques sont efficaces ?
On peut trouver dans ces propos matière à réflexion lorsqu’il s’agit d’interpréter beaucoup d’événements qui ont jalonné la vie politique depuis cette époque mais aussi beaucoup d’arguments propres à éclairer d’un regard nouveau certaines questions d’actualité. L’apparition des réseaux sociaux et leur impact dans la vie politique, les raisons du succès de cette innovation dans le développement du complotisme, et autres mouvements d’opinion comme, pour ne citer que les plus récents, le Raoultisme, le Trumpisme, le Gilet Jaunisme...ou le triomphe d’une forme de ce qu’il appelle le « savoir obscurantiste ».
La mention de Condorcet n’avait d’autres objectifs que de resituer, à partir de l’espérance de Néo de la chute des oligarchies, la question du progrès politique confrontée à la réalité historique et au discours philosophique. Condorcet philosophe des Lumières, oligarque anti-oligarchie mais aussi acteur politique majeur de la révolution, écrivit un opuscule malheureusement trop peu connu « Esquisse d’un tableau historique des progrès humains » juste avant de tomber victime, non pas du progrès mais des risques inhérents au progrès qu’il avait contribué à construire. Ce rapprochement m’a donné l’idée de le relire ainsi que ses écrits sur l’instruction publique, ce qui ne m’avait pas paru si exceptionnel autrefois après l’avènement des réseaux sociaux et de la pensée 2.0 prend aujourd’hui un tout autre relief.
Pour lui s'il n'est pas constamment devancé, prévenu et forcé vers l'avant, le progrès se retourne contre ceux qui l'ont suscité, écrase ceux qui ne l'ont pas maîtrisé, et engendre la pire des décadences. Il distingue deux types de progrès un mécaniste qui s’apparente à ce que l’on nommerait je pense aujourd’hui « l’innovation » et un besoin de force intellectuelle croissante pour en jouir sans se faire écraser. .
Il y parle aussi, longtemps avant l’invention du mot, du complotisme plus exactement d’une notion qu’on pourrait appeler un oxymore, une forme de « savoir obscurantiste » car l'obscurité peut être aussi de principe ou de méthode. Un savoir obscurantiste par méthode néglige l'appropriation séquentielle des connaissances. Un savoir non-méthodique considère comme équivalentes toutes les propositions.
Condorcet expose la loi implacable qui lie le progrès et la décadence, et qui vaut pour toute forme de progrès, qu'il soit scientifique, économique, social ou juridique. La loi du progrès selon Condorcet pourrait donc se résumer ainsi : plus la masse des vérités augmente, ce qui est inévitable compte tenu de la curiosité humaine et la mise à disposition de moyens d’investigations de plus en plus performants, plus l'humanité a besoin de force intellectuelle pour la faire fructifier et pour en jouir, sous peine de se voir écrasée par elle.
Dans cette course de vitesse avec le progrès, le choix du dispositif intellectuel est décisif. En effet, s'il s'agit de répandre les lumières afin d'éviter de subir le progrès aveugle des choses, tout savoir n'est pas nécessairement libérateur et ne répond pas à l'exigence de maîtrise du progrès. Il existe des formes de savoir qui, au lieu de soulever la masse des vérités, l'utilisent au contraire comme un levier où se forme une relation d'autorité par laquelle un homme ou un groupe d'hommes se rend le maître des autres.
Un savoir non-méthodique considère comme équivalentes toutes les propositions, il procède par accumulation ou par classification extérieure : bibliothèque ou banque de données, c'est le stockage du savoir qui se donne pour connaissance, l'information qui se substitue à l'instruction. Il va de soi que cette obscurité de méthode affecte plus particulièrement les domaines où les vérités de fait dominent.
Un « savoir obscurantiste » par principe se fonde sur autre chose que sur la raison et sur l'expérience raisonnée. Il traite aussi des trois figures de l’argument d’autorité : le prêtre, l'orateur, l'empiriste vulgaire.
La figure du prêtre – l'esprit religieux – fait appel à la révélation, à un "crois-moi sur parole". C'est avant tout pour des motifs épistémologiques que Condorcet écarte toute référence à l'esprit religieux dans l'Instruction publique. Cette proscription s'étend même à ce que les philosophes appelaient "religion naturelle" car comme les autres elle recourt à un moment de foi.
L'orateur, qui pour convaincre s'appuie sur les passions, réveille une source puissante de croyance : l'enthousiasme. Vouloir le susciter n'est pas une faute lorsque la raison d'autrui est parallèlement sollicitée, c'en est une lorsque le prestige se substitue à l'argument. Condorcet s'élève vivement contre le recours à l'enthousiasme et généralement aux passions comme méthode d'enseignement. Une pédagogie qui fait de l'affectivité son moteur essentiel est obscurantiste par principe : l'émotion est une donnée avec laquelle il faut compter et non sur laquelle on doit compter ; il est dangereux et avilissant de la placer en position principielle.
La figure de l’empiriste vulgaire, enfin, qui énonce des recettes et qui réduit le savoir à ses applications pratiques sans se soucier d'en exhiber les fondements intelligibles, penche vers un obscurantisme pragmatiste : qu'importent les théories si les pratiques sont efficaces ?
On peut trouver dans ces propos matière à réflexion lorsqu’il s’agit d’interpréter beaucoup d’événements qui ont jalonné la vie politique depuis cette époque mais aussi beaucoup d’arguments propres à éclairer d’un regard nouveau certaines questions d’actualité. L’apparition des réseaux sociaux et leur impact dans la vie politique, les raisons du succès de cette innovation dans le développement du complotisme, et autres mouvements d’opinion comme, pour ne citer que les plus récents, le Raoultisme, le Trumpisme, le Gilet Jaunisme...ou le triomphe d’une forme de ce qu’il appelle le « savoir obscurantiste ».
baptiste- Digressi(f/ve)
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