L'évangile selon saint Pasolini
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L'évangile selon saint Pasolini
Ai vu aujourd'hui l'un des chefs-d'oeuvre du maître italien Pasolini, soit Il vangelo secondo Matteo (1964) en VOSTFR.
C'est bien évidemment très réussi, vu les moyens de l'époque, et ça a déjà été largement commenté, donc je passe outre les bidules. Juste d'abord que, même si c'est très réussi, ça détonne par rapport à un Hitchcock qui réalisait synchroniquement (Pas de printemps pour Marnie – pourquoi ne pas avoir gardé « Marnie » tout court de la VO ? – est sorti la même année). Chez Hitchcock c'est vraiment à l'américaine, je veux dire avec une caméra qui filme stablement, avec des plans-séquences agréables, sans misérabilisme et avec des prouesses techniques telles qu'on les connaît. En revanche, chez Pasolini tel que j'ai pu le voir avec ledit film, on a un côté misérabiliste net, quoique je ne le pense pas volontaire mais dû au cadre de la production : ce sont des Italiens, et le film a été tourné en Italie du Sud (on remarquera au demeurant la ressemblance des paysages sud-italiens et de l'ethnie sud-italienne avec l'ambiance judaïque, comme ça colle bien – même si les décors médiévaux sont par trop évidents). Alors, en étant pourtant sûr que Pasolini devait être à la pointe, l'évangile selon saint Matthieu a un caractère franchement misérable, les acteurs étant de surcroît de vrais amateurs. Or, détrompez-vous, ça n'est pas une critique : je trouve le film presque parfait, mieux d'ailleurs que La Passion du Christ de Gibson (2004), cela étant le fait du cadre de la production. Car voyez-vous, les acteurs qui lâchent leurs lignes sans passion, au détour d'une scène, presque (on a l'impression) au débotté, c'est juste magnifique par comparaison avec le film de Gibson qui, certes plus réaliste au niveau des décors, en fait des caisses avec ses moyens de production largement supérieurs. Le film de Pasolini, lui, c'est presqu'au fond s'il avait été tourné par des Biélorusses d'aujourd'hui, des Biélorusses sans le sous mais pleins de détermination et de bonne volonté et qui, par la grâce du saint Esprit, connaissent la sacrée chance des débutants. Pour vous dire, je trouve que la mise en scène, les acteurs et la façon dont Jésus sort les grandes maximes comme ça, presqu'au pif donc, comme une caissière de Carrefour qui (se) force le bonjour, ça révèle combien Jésus était insignifiant (le Jésus de Pasolini) en faisant exploser par contre le Christ (c'est-à-dire le résultat des semonces christiques). Voilà le problème de Gibson : son film est un film chrétien tandis que le film de Pasolini est christique. Il y a un saut qualitatif énorme. Le film de Gibson a été imprégné de la doctrine chrétienne et a été fait avec une perspective chrétienne, comme si, au fond (et c'est le cas), le christianisme avait déjà eu lieu. Or, justement non ! Pour que ce soit réaliste au carré, encore faut-il faire « comme si », à savoir « comme si » ça n'avait jamais eu lieu. Ce procédé ne laisse-t-il pas le loisir au regardeur de concevoir la portée desdites maximes, et de passer de son propre chef de Jésus au Christ ?
(Sans compter les musiques ! Les musiques sont totalement incongrues, c'est génial ! Gibson fait, de son côté, dans le Hans Zimmer epicness.)
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