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Qu'est ce que la philosophie ; Qu'est ce qu'un concept

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Message par Crosswind Lun 15 Déc 2014 - 15:21

Pour me changer les idées après m'être plongé dans l'indicible bonheur des idées de Husserl, Schrödinger et Bitbol, j'ai acheté auprès de mon revendeur de came à idées le petit bouquin de Deleuze et Guattari, Qu'est ce que la philosophie ?. Je ne connais pas Deleuze, mais j'ai pu comprendre au gré de quelques lectures sans prétentions sur le net qu'il est considéré par certains comme une sorte de visionnaire incompris. Le moins que l'on puisse dire est que la lecture de son premier chapitre sur les concepts me dresse pour l'heur un portrait complexe. C'est pas très clair...

Je m'attends, au vu du titre, à terminer le chapitre  avec en main une définition relativement précise de ce que les auteurs entendent par "concept". Hors, là, à la fin du chapitre je n'y suis pas. Après relecture non plus. Ou plutôt si, après relecture je me demande s'ils n'expliquent pas de manière plutôt compliquée quelque chose de très banal : la conscience réflexive. Je suis conscient de voir "une table", "dans" "une"  "pièce", "construite" en "bois", "vendu" par un "magasin" en échange de mon "argent"... Tout les mots entre guillemets sont, si j'ai plus ou moins bien compris, des concepts. Mouais. Si c'est leur vocabulaire, why not ? Plutôt que mon exemple propre( qui n'est au demeurant peut-être pas bon), ils présentent un exemple complexe: le concept "d'autrui".

Deleuze/Guattari a écrit:Dans quelles conditions un concept est-il premier, non pas absolument, mais par rapport à un autre ? Par exemple, autrui est-il nécessairement second par rapport à un moi ? S'il l'est, c'est dans la mesure où son concept est celui d'un autre-sujet qui se présente comme un objet -spécial par rapport au moi : ce sont deux composantes. En effet, si nous l'identifions à un objet spécial, autrui n'est déjà plus que l'autre sujet tel qu'il m'apparaît à moi ; et si nous l'identifions à un autre sujet, c'est moi qui suis autrui tel que je lui apparaîs. Tout concept renvoie à un problème, à des problèmes sans lesquels il n'aurait pas de sens, et qui ne peuvent eux-mêmes être dégagés ou compris qu'au fur et à mesure de leur solution
J'ignore ce qu'ils fument, ou plutôt ont fumé  Qu'est ce que la philosophie ; Qu'est ce qu'un concept 4017359721 , mais c'est de la bonne. La dernière phrase est d'ailleurs magique : un problème ne peut être compris qu'au fur et à mesure de sa solution... Bref. Donc, comme je le comprends vaille que vaille, les ou certains concepts peuvent être ordonnés (dans quel sens, pour quelle raison ça je l'ignore - et le concept de dénombrement où le place-t-on ?). Ainsi (le concept) d'Autrui peut être "second" par rapport au (concept du) moi dans la mesure où le (concept du) moi le considère, conceptuellement, comme "autre-sujet objet-spécial" ? Mais, semble-t-il, dans le même temps il semble possible que "moi" l'identifie soit comme "objet-spécial" soit comme "autre-sujet"... Et dans ce cas quid de l'ordre ?

Je n'y comprends RIEN !

Si une bonne âme pouvait donc, dans les grandes lignes, m'expliquer ce qu'ils entendent par "concept", ainsi que leur exemple, ce serait top.


Dernière édition par Crosswind le Lun 15 Déc 2014 - 16:17, édité 3 fois
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Message par neopilina Lun 15 Déc 2014 - 15:24

( Je crois que ton message aurait pu faire suite à des fils existants, le livre dont tu parles a déjà fait l'objet de débats. Aldo pourrait te dire où ça se passe. )

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Message par Crosswind Lun 15 Déc 2014 - 15:27

Oui, j'ai fouillé mais honnêtement tout ce qui concerne Deleuze est complètement imperméable à ma compréhension. J'ai donc décidé de tenter d'éclaircir les choses de cette manière.

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Message par neopilina Lun 15 Déc 2014 - 15:34

Si Aldo passe par là, il devrait t'arranger ça nickel-chrome !

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Message par Aldo Mar 16 Déc 2014 - 7:35

Salut Crosswind.
Puisque tu es nouveau, je vais préciser que ce qui suit doit être précédé à chaque fois d'un "je pense que", un "selon moi" etc, qu'il serait fastidieux de répéter à chaque fois... (on va faire comme ça).

La philosophie de la représentation pose le monde en terme de sujets et d'objets, ce qui pose un problème à Deleuze (et à moi) dans la mesure où il ne croit pas aux objets qu'elle lui propose, objets qui sont censés expliciter le monde ; il ne croit pas aux concepts traditionnels en forme d'images fixes qui prétendent faire sens, et s'arranger entre eux pour organiser encore du sens. Il ne croit pas aux essences, ou en tous cas refuse qu'on en fasse des a priori susceptibles de modifier notre regard sur les choses.
Deleuze tente une philosophie hors représentation, à partir d'un plan métaphysique de pensée.
Il ne croit donc pas à ces objets identitaires immuables, lourdement porteurs de transcendance. Il se méfie. Pour lui, le monde est en mouvement et c'est depuis le mouvement des choses qu'il faut partir : les concepts se doivent d'épouser le mouvement de la vie s'ils veulent nous sortir de la schizophrénie de la représentation. Ils doivent être fonctionnels, un point c'est tout. C'est à dire capable d'agir : tout concept est supposé répondre à un problème concret (et il ne s'agit plus d'attendre que le cher génie humain parvienne à la vérité de la connaissance en étendant les concepts jusqu'à l'universel : il y a plus urgent et plus intéressant- à faire que ces enfantillages).
Les problèmes humains sont reliés entre eux, chaque concept déborde donc forcément le problème spécifique auquel il s'attaque. Chaque concept trace son propre plan, sa propre portion de plan plutôt, son "environnement" on va dire, en référence au problème qui l'occupe. Son seul impératif est de faire sens, en même temps que l'ensemble des concepts se doit de former un tout cohérent (c'est pourquoi il s'agit bien de créer les concepts, et rien d'autre).
Deleuze se méfie donc des choses, il traque tout préjugé. Il pense ainsi par différenciation et non à partir des images identitaires de la représentation. C'est en différenciant les choses depuis le chaos du non-sens qu'on a une chance de s'y retrouver. Il part donc du divers dont il tire des singularités : un problème est toujours le fruit de l'interaction d'une multiplicité de choses ; c'est pourquoi il débute son chapitre sur le concept en parlant de ses "composantes". Un exemple pour faire comprendre : le concept de croyance couvre certes un champ de type religieux, mais aussi "fonctionne" avec l'idée de confiance. Dans notre pensée, l'idée de croyance nous vient comme un survol de la mémoire (donc de la religion à la confiance) qui suivrait les trajets, les processus que notre pensée a pu s'en faire... et qui font que le concept de croyance fait sens pour nous.
Un concept articule donc une multiplicité en interaction.
L'extrait en question illustre que le concept/sens varie selon la perspective qu'on en a, qu'il ne suffit pas d'avoir le même concept pour parler de la même chose (Deleuze différencie clairement les concepts du plan sur lequel ils se recoupent). Pour dire vite, Autrui est un objet depuis l'Être-machin, quand il est un sujet dès que l'être (moi) est rendu à sa position d'inconnu de l'équation. Ça veut pas dire que le point de vue du moi serait second (ni même égal) à celui d'autrui, mais que chaque philosophe construit son regard sur le monde à partir de ses propres problèmes, rêves, blessures, visions etc. Deleuze en profite pour caser à cet endroit sa jolie définition d'autrui (révélatrice de sa philosophie) : "autrui est l'expression d'un monde possible".
Il s'agit donc de bien faire comprendre que quand bien même le concept d'Autrui serait le même depuis l'Être-machin et le type normal, la place que le concept occupe dans le plan de pensée de chacun peut amener à des visions quasi incompatibles. Deleuze veut clairement différencier les concept du plan sur lequel ils se recoupent. Ainsi la pensée peut aller au bout de chaque problème, selon le propre plan qu'il trace et la manière que ce plan a de repositionner les autres plans conceptuels. Le plan d'immanence est la recoupe de ces plans ; il ne peut se référer qu'à un absolu mais est profondément subjectif (il est l'absolu du relatif).
La dernière phrase veut dire qu'il faut trouver les problèmes, les définir le plus clairement possible, ce qui n'est pas une mince affaire dans la mesure où ceux-ci ne sont pas donnés... ce qui rejoint donc l'idée que chaque philosophe trace son propre plan à partir de sa propre vision des choses, des problèmes qu'il rencontre etc.

Bon. J'ignore si tout ça va t'avancer ou pas. Sinon, pour aborder Deleuze, il y a bien sûr l'abécédaire (accessible sur le net) qui donne une très bonne idée de quel genre de type c'est et ce qu'il a dans la tête. Il y a aussi des livres plus accessibles qui donnent une assez bonne vision d'ensemble, comme Dialogues avec Claire Parnet, voire Pourparlers, ou d'autres gros recueils dans lesquels on peut piocher comme L'île Déserte ou Deux Régimes de Fous. Qu'est-ce que la philosophie a une vocation explicative qui aide à comprendre l'ensemble de la philosophie de Deleuze, mais c'est pas pour autant qu'on peut l'aborder directement à partir de là : tu vas hurler quand tu arriveras aux chapitres sur la logique ou les sciences... et là, pas sûr que je pourrais t'aider tant que ça (...)

PS : oublie le "visionnaire incompris" et autres fariboles du net, il y a même des types ici qui croient que l'empirisme s'oppose à la raison : internet, c'est comme à la Samaritaine, on trouve de tout !

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Message par Crosswind Mer 17 Déc 2014 - 12:03

Merci beaucoup Aldo. Après lecture de ton message, je conclus qu'ils souhaitent mettre en évidence le fait même de la subjectivité ? C-à-d que ma vision du Monde et mon entendement ne seront pas nécessairement identiques à mon voisin ?Que l'interprétation que tout un chacun aura sur un concept variera d'une personne à l'autre ?

Suis-je dans le bon si je retiens qu'ils postulent le concept de multiplicité des entendements, des sujets ?

Est-ce que tout l'apparaître peut-être assimilé à un concept potentiel ? "chien" est-il un concept ?

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Message par poussbois Mer 17 Déc 2014 - 22:56

C'est un peu dommage, dans le cadre d'un concept, de considérer qu'il faut considérer la multiplicité, la polysémie, et globalement, l'impossibilité d'avoir un langage commun qui nous permette de parler en même temps de la même chose.

Je croyais que le concept, c'était précisément l'inverse...

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Message par Aldo Jeu 18 Déc 2014 - 4:54

poussbois a écrit:C'est un peu dommage, dans le cadre d'un concept, de considérer qu'il faut considérer la multiplicité, la polysémie, et globalement, l'impossibilité d'avoir un langage commun qui nous permette de parler en même temps de la même chose.

Je croyais que le concept, c'était précisément l'inverse...
Pourtant c'est exactement ce qu'il se passe avec le concept de croyance que j'ai pris comme exemple et que toi et moi on emploie sans cesse (en parlant sauf erreur de la même chose, ou en tous cas en se comprenant).
La croyance a le même sens dans le sens où toi et moi on l'a intégré comme une entité (on sait de quoi on parle quand on dit : "je crois") : c'est un repère commun.
Par contre, on peut facilement différencier la croyance de type aveugle et la croyance en tant que mesure des choses (j'avais parlé de confiance qui est un truc plutôt gradué). Donc il y a des intensités dans la croyance qui font que, si la sensation de croyance est commune, l'idée de croyance est variable. La croyance est donc un concept relatif à des multiplicités.
C'est bien un des pièges de la communication que de croire (ben si) qu'on ait un langage commun (d'où la difficulté de communiquer). C'est-à-dire que c'est pas au niveau de l'individualité de chaque mot qu'on se comprend (ou qu'on essaie de le faire) mais à travers le sens des phrases... bref, d'une certaine logique théoriquement commune.
Les concepts sont donc fait pour dire au mieux les choses, les approcher au plus près, en affiner le sens, et chaque nouveau concept doit être pensé et compris. Et si c'est vrai que c'est pas si simple d'intégrer des concepts de mouvement, ça vaut le coup dès qu'on voit qu'ils ont leur utilité, dès qu'on s'aperçoit qu'on ne peut plus utiliser certains vieux concept qui ne font plus tellement de sens... mais il en a toujours été ainsi, sauf erreur ! Le truc est d'arriver à se faire une image cohérente des choses à partir de ces nouveaux concepts (sinon ça devient effectivement un peu compliqué). De toutes façons, la philosophie, c'est pas de la communication !

Pour finir, je cite Villani dans son livre sur Deleuze : "Il est essentiel et souhaitable qu'il y ait des sujets, des institutions, des territorialisations. À la condition de leur laisser toujours une rugosité, en les définissant légèrement au delà d'eux-mêmes. Sans cela les formes meurent et sèment la mort. Le mal métaphysique; c'est le transcendant. En fixant la forme une fois pour toutes, il bloque le jeu de l'univocité et de la virtualité".
C'est valable pour les concepts...


Dernière édition par Aldo le Jeu 18 Déc 2014 - 5:21, édité 3 fois

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Message par Aldo Jeu 18 Déc 2014 - 5:09

Crosswind a écrit:Merci beaucoup Aldo. Après lecture de ton message, je conclus qu'ils souhaitent mettre en évidence le fait même de la subjectivité ? C-à-d que ma vision du Monde et mon entendement ne seront pas nécessairement identiques à mon voisin ?Que l'interprétation que tout un chacun aura sur un concept variera d'une personne à l'autre ?
Oui, dans le sens où chacun a son propre plan de pensée ; avec donc un certain ordre dans les concepts susceptible de faire varier le sens de ceux-ci : j'ai lu le fil "Sujets et objets chez Kant" et ça correspond très bien à la façon dont tu refuses que le sujet soit avant l'apparaître.
Par contre, je suis pas très sûr de ce que tu veux dire avec : "mettre en évidence le fait même de la subjectivité". Disons que le sens de la pensée est théoriquement d'aller depuis le subjectif vers l'objectif, mais c'est juste une direction, ça veut pas dire qu'on atteindra une quelconque objectivité.

Crosswind a écrit:Suis-je dans le bon si je retiens qu'ils postulent le concept de multiplicité des entendements, des sujets ?
Sans doute, mais je précise à tout hasard que Deleuze n'est pas subjectiviste, et pour lui les choses ne sont pas égales...

Crosswind a écrit:Est-ce que tout l'apparaître peut-être assimilé à un concept potentiel ? "chien" est-il un concept ?
Chien euh... ben il y a un concept de chien oui, mais là on désigne du concret, c'est-à-dire qu'on n'a pas tellement besoin de créer un nouveau concept de chien Qu'est ce que la philosophie ; Qu'est ce qu'un concept 4017359721
Pour l'apparaître, si j'en ai compris assez pour suivre la conversation, il faudrait que tu le définisses clairement ce que tu entends par là pour que je puisse (essayer de) te répondre.

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Message par kercoz Jeu 18 Déc 2014 - 8:15

Aldo a écrit:
Crosswind a écrit:Merci beaucoup Aldo. Après lecture de ton message, je conclus qu'ils souhaitent mettre en évidence le fait même de la subjectivité ? C-à-d que ma vision du Monde et mon entendement ne seront pas nécessairement identiques à mon voisin ?Que l'interprétation que tout un chacun aura sur un concept variera d'une personne à l'autre ?
Oui, dans le sens où chacun a son propre plan de pensée ;

Ce serait bien trop facile !
La sociologie montre qu'en plus , ma vision du monde et mon entendement n' est pas une position fixe , loin de là! elle va varier suivant bien des critères exogènes et endogènes . ( "" la mise en scène de la vie quotidienne") ...l' exemple le plus caractéristique est le jeu ( je) je vais jouer avec mon enfant , différent de celui que mets en scène avec ma compagne , et l' obligation ou je me trouve d'executer une prestation "moyenne" lors d' une rencontre à 3 ...prestation qui peut être perçue comme une trahison par les protagoniste et induire de rétortions qui vont fausser l' interaction ...

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Message par Aldo Jeu 18 Déc 2014 - 8:56

à Kercoz,
Je ne vois pas où est le problème (encore moins la facilité). Bien sûr que notre vision du monde varie (avec l'âge déjà). Pour le reste, tu parles des façons d'être qu'on adopte suivant les personnes qu'on côtoie, et là je vois carrément pas le rapport. En tous cas, moi j'essaie de de répondre à Crosswind par rapport à son interrogation (et c'était pour moi une surprise que de voir la rapport à la subjectivité mis en exergue), ce que tu pourrais comprendre puisque tu parles toi-même des façons de faire suivant qui est en face (...)
De toutes façons, si tu as bien lu, il est question avec Deleuze de se dégager de la représentation sujet/objets (en posant le sujet comme l'objet en tant qu'inconnus), donc je ne vois pas de position fixe là-dedans !

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Message par kercoz Jeu 18 Déc 2014 - 11:02

@Aldo:
C'est difficile de communiquer ..pourtant je fais des efforts . Pour accéder à ce genre de truc , je m' envoie "la Claudine" :
http://www.franceculture.fr/emission-l-eloge-du-savoir-metaphysique-des-especes-naturelles-1214-2014-12-18
j' en suis au 11e cours ...mais il va me falloir réécouter ....C'est du lourd , mais c'est du clair ...obscur . ça me parle bien. mais je décroche souvent.

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Message par Bergame Jeu 18 Déc 2014 - 11:23

Si vous me permettez, je crois qu'il faudrait déjà essayer de s'entendre à peu près sur ce que recouvre le terme "concept". Evidemment, si l'on croit à la singularité absolue des représentations du monde, on n'éprouve peut-être pas cette nécessité d'en passer par l'accord sur les définitions avant d'échanger, mais c'est néanmoins souvent ce qu'on fait quand on se pique de discuter philosophie.

Donc la définition même du "concept" est déjà une question en soi, qui oriente la doctrine, cela est certain, mais ce qu'on peut en dire, me semble-t-il, c'est que le terme charrie avec lui une... idée de généralité. Un concept, au plus simple, c'est une idée générale.
Disons -je tente une synthèse- que c'est un objet qui se définit selon trois dimensions :
- Le référent, la chose qu'il désigne, qu'on peut appeler signifié, dénotation ou intension.
- Le terme, le signifiant
- L'ensemble des connotations qu'il peut recouvrir ou l'extension.

Ceci posé, il me semble -toujours- que ce qui est général est le référent. Lorsque j'écris le mot "liberté", il s'agit d'un concept. Or, lorsque j'utilise ce concept, chacun a une idée à peu près commune de ce que j'entends par là. La preuve : On peut discuter de la liberté.
Bien entendu, la discussion fera apparaître des divergences d'appréhension, de définition du concept. C'est que nous ne mettrons pas tous exactement les mêmes choses derrière ce concept. En d'autres termes, ce qui est relativement singulier, c'est l'extension, l'ensemble des connotations.

La démonstration est plus claire avec des concepts référant à des objets physiques. Admettons que "chien" soit un concept.
D'abord, il désigne un objet abstrait, une catégorie : L'ensemble des mammifères à quatre pattes, dérivés du loup, et qui aboient. Et cette catégorie est à peu près commune à tout individu : Si je prononce le mot "chien" dans la langue idoine, mon interlocuteur aura en tête peu ou prou le même objet que moi.
Mais ensuite, il désigne aussi un vaste ensemble d'objets singuliers : L'ensemble des chiens vivant en ce monde, et même l'ensemble des chiens ayant vécu en ce monde (ceci sous réserve, bien sûr, d'accorder du sens aux termes "vie" et "mort" qui sont eux-mêmes des concepts -et qui, à ce titre, s'analysent exactement de la même manière que le concept "chien"). Or, chacun de ces chiens est effectivement singulier.
Entre ces deux dimensions, toute une gamme de degrés qui correspond à une structure d'ensembles au sens mathématique : Espèce, race, pedigree, etc. qui est l'objet de la zoologie et qu'à l'évidence, je ne maitrise pas.

Donc aborder le concept dans une perspective strictement subjectiviste me semble aberrant. Le concept est justement une idée générale. C'est sans doute extraordinaire -pour certains, pour d'autres c'est une évidence- que nous ayons des idées générales, c'est sans doute extraordinaire que nous soyons capables de parler des mêmes choses, même s'il s'agit d'idées abstraites, c'est sans doute extraordinaire que nous soyons capables de nous comprendre (à peu près), mais c'est quand même comme ça -chacun peut en faire l'expérience- et c'est précisément ce qu'il y a penser.

Là-dedans, Deleuze, si je le comprends à peu près, considère que la philosophie est cette discipline particulière dont le rôle, la finalité, et la spécificité est de créer les concepts. Je le comprends ainsi : C'est la discipline qui cherche à donner du sens à ce qui est vécu.

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Message par Crosswind Jeu 18 Déc 2014 - 12:08

Mais peut-on vraiment parler de concept pour un chien ou un visage ?

Je répugne (hou, quel mot fort !) à parler ainsi, mais je vais tout de même m'y essayer.

J'assimilerais le concept à un objet de pensée créé par une subjectivité donnée, un Ego (ne tergiversons pas sur les détails de vocabulaire) et partagé puis compris d'une manière ou d'une autre par d'autres sujets, d'autres Ego. Je prends en entier la définition de Bergame que je trouve équilibrée.

Un chien, par contre, est un objet de l'expérience compréhensible sans création préalable par un sujet. Le sujet naît, grandit et naturellement, de manière innée, place l'objet chien dans un entendement logique, propre à sa nature. Mais il ne crée pas le concept de chien.

Entre les deux, je l'accorde volontiers, la frontière est floue. Car où placer le moment charnière entre inné et créé ?

Deleuze ne tente-t-il pas de résoudre le problème en affirmant que tout est créé ? Que rien ne serait inné (excepté la capacité de créer des concepts ) ?
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Message par Ataraxie Jeu 18 Déc 2014 - 17:03

Crosswind a écrit:Mais peut-on vraiment parler de concept pour un chien ou un visage ?
Un phénomène particulier se produit lorsque les enfants apprennent à parler. Le mot "wafwaf" (donc un chien) va être utilisé par l'enfant (avec geste de pointage à l'appui) pour  désigner non seulement un chien mais aussi un cheval, une vache, un chat, un cochon, etc. En fait, l'enfant est en train d'apprendre à catégoriser et il commet ses premières erreurs. L'erreur en question ici s'appelle une "sur-extension" de la catégorie. Elle se produit parce que l'enfant considère que s'appelle "waf waf" tout ce qui a quatre pattes. De ce fait, avec ce seul critère, la catégorie embrasse trop large et il va y intégrer trop de choses. On peut trouver d'autres exemples encore. Il va appeler "ballon" la lune, une orange, une bague, ou encore il va appeler "lune" tout ce qui brille ou qui fait de la lumière comme une ampoule, un bijou, etc. Le phénomène inverse, celui de sous-extension, se produit également et on verra, par exemple, l'enfant n'appeler "eau" QUE l'eau de son bain et refuser d'appeler "eau" celle qui se trouve dans son verre par exemple ; ou bien il va appeler "chaussure" uniquement une paire précise et refuser d'utiliser ce mot les autres. Ici, l'enfant a associé au mot un objet singulier ou très précis et résiste à l'idée qu'il faut étendre la catégorie.

Ces erreurs de catégorisation sont banales et normales, les enfants les corrigent assez rapidement grâce à l'étayage des adultes. Même si l'acquisition du langage confirme que les enfants sont pourvus d'une logique innée, les catégories, elles, restent des choses acquises et, au moins partiellement, conventionnelles. L'objectif des enfants  - si on peut parler d'objectif - est bien sûr de se conformer à la catégorisation standard des locuteurs adultes d'une langue donnée. Compte tenu des efforts pénibles et constants que l'enfant accomplit pour parler non pas comme il veut mais comme il se doit, on peut considérer qu'il a compris qu'en matière de langage sa volonté individuelle et sa singularité ont très peu, sinon aucune, autorité : l'essentiel est l'intercompréhension.

Ce qu'on voit aussi avec ces phénomènes de sur et sous-extension, c'est le problème du mode de catégorisation. Les théories classiques considèrent que les membres d’une catégorie partagent des propriétés communes et que l’appartenance d’un objet à cette catégorie est déterminée par la possession de ces propriétés. Ces propriétés sont posées comme des conditions nécessaires et suffisantes : pour qu’un objet appartienne à une catégorie il faut et il suffit qu’il présente les propriétés communes à cette catégorie. La question est encore de savoir si ces conditions sont données par les choses ou par le nom de la catégorie. Cette approche, développée par Russell, a été qualifiée de descriptiviste car elle considère qu’il existe des conditions pour appliquer un nom à un référent et que ces conditions peuvent être représentées par des concepts ou par la formulation d’une description. Cette théorie a été largement critiquée (Putnam, Kripke, Donellan, etc.). Elle a tendance à rigidifier les propriétés et étanchéiser les frontières entre les catégories. En suivant ces conditions, je ne pourrais pas, par exemple, appeler "chaise" une chaise qui n'aura que trois pieds (parce que l'une des conditions, c'est d'avoir quatre pieds). Et puis c'est une théorie qui donne une illusion d'homogénéité entre les membres d'une catégorie, comme si toutes les chaises étaient des chaises de la même façon et comme si elles étaient toute également et parfaitement adéquates les conditions de la catégorie "chaise".

Puis est apparue l'analyse componentielle ou l'analyse sémique qui veut qu'un "signifié" (non pas une catégorie) s'analyse en atomes sémantiques discrets, les "sèmes" ou "components". Par exemple, "femme" s'analyse en {/+humain/, /-mâle/, /+adulte/}. Cette approche pose deux problèmes. D'abord, elle se veut une analyse du signifié mais, de fait, elle est une analyse (voire une description) de la chose, autrement dit, contrairement à ce qu'elle prétend, elle ne fait pas de la sémantique structurale mais de la sémantique référentielle. Ensuite, elle fonctionne sur un mode binaire "+/- ", c'est à dire présence ou absence du trait (du sème) ; par conséquent elle ne permet pas le continu, les degrés de présence ou absence du trait ni la hiérarchisation entre les traits (certains peuvent être plus décisifs que d'autres pour une catégorie). Enfin, il reste que les sèmes en question nécessiteraient eux aussi une analyse sémantique... mais dans ce cas on s'enfoncera dans une régression à l'infini de l'analyse. Le seul moyen serait de postuler des primitifs sémantiques immédiats, inanalysables mais intuitivement connus. L'objectif de cette théorie est de dégager des unités distinctives de sens, c'est à dire des unités (les fameux sèmes) qui permettent de distinguer des mots selon qu'elles sont présentes ou absentes. Par exemple, si dans ma formule de "femme" je remplace le sème /+adulte/ par le sème /-adulte/ j'obtiens "fille".

Plus tard, est apparue la sémantique du prototype, une autre théorie qui voulait remplacer le critère de nécessité par celui de typicité. Selon elle, on range dans une même catégorie, tous les référents qui ressemblent au meilleur représentant, au représentant typique, de cette catégorie. Par exemple, le représentant typique de la catégorie "oiseau" serait le pigeon, donc pour déterminer si un référent-candidat peut intégrer ou non la catégorie "oiseau", on va le comparer au pigeon. S'il lui rassemble "assez", il pourra intégrer la catégorie, sinon il sera exclu ou considéré comme un membre marginal. Avec la théorie du prototype, on peut donc invoquer des degrés de ressemblances. Ainsi le pingouin fait partie de le catégorie des oiseaux mais moins que le perroquet, par exemple. Autrement dit, il n'y aurait pas d'égalité d'appartenance entre les membres. Bien au contraire, il y aura des degrés d'appartenance à une catégorie, certains membres seraient des représentants plus typiques. Le problème de cette théorie, c'est d'abord son manque de précision (c'est le prix à payer si on veut faire dans la nuance des "degrés") et puis c'est une théorie qui hésite sur le statut ontologique du meilleur représentant. Est-ce qu'il s'agit d'un exemplaire réel, empirique, attesté ou bien s'agit-il d'un modèle idéal, intellectuellement construit et qui ne se rencontre jamais dans la réalité ? Si c'est la seconde possibilité (ce qui semble être l'option choisie) alors cette théorie répète celle des conditions nécessaires et suffisantes.

Et puis, il y a la théorie du stéréotype inspiré des travaux de Putnam et c'est une théorie qui prend une orientation nettement sociolinguistique. Elle considère qu'une catégorie consiste en « la description d’un membre normal » d'une classe. Les propriétés de ce membre "normal" peuvent être des croyances, des représentations culturelles, des normes imaginaires, peu importe car on ne s’intéresse pas à leur véracité ou à leur fausseté mais à leur normalité. Putnam propose l’exemple du citron dont le stéréotype comprendrait les traits « peau jaune », « goût acide » et autres et qui ne tiendrait donc pas compte des citrons verts. Même s’il y a des citrons verts qui contredisent le trait « peau jaune », ce n’est pas important car le stéréotype est une idée conventionnelle qui correspond à une image sociale partagée par une communauté à propos d’un mot. Sa pertinence et sa valeur sont purement sociales. Et Putnam constate, au sujet de ces stéréotypes (sociaux), qu’ils s’opposent régulièrement aux connaissances des spécialistes. Celles d’un botaniste, par exemple, sur les arbres et leurs fruits s’opposent aux stéréotypes du citron jaune. Putnam parle alors d’une « division sociale du travail linguistique ». On peut se demander si la théorie du stéréotype et celle du prototype ne sont pas la même théorie. Pour moi, c'est vite vu : c'est la même théorie même si la première à des prétentions sociologiques alors que la seconde incline vers le cognitivisme. Quoi qu'il en soit, stéréotype et le prototype coïncident souvent. Généralement, les définitions des dictionnaires sont stéréotypiques. Dans le TLF, on voit très précisément l'opposition entre le langage des spécialistes et le langage courant stéréotypique :
CHAT
ZOOL. Genre de mammifères carnivores de la famille des Félidés comprenant le lion, le tigre, la panthère, le lynx, etc. Nom sc. felis. Lang. cour. Petit animal domestique carnassier, à pelage de couleur variée souvent noir ou gris, se nourrissant de souris, de petites proies, et de la nourriture servie par ses maîtres.


Je termine par un texte de Nietzsche dans lequel on trouvait déjà une bonne partie de ce vient d'être dit :
"Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu'il ne doit pas servir justement pour l'expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c'est-à-dire comme souvenir, mais qu'il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c'est-à-dire, à strictement parler, jamais identiques, et ne doit donc convenir qu'à des cas différents. Tout concept naît de l'identification du non-identique. Aussi certainement qu'une feuille n'est jamais tout à fait identique à une autre, aussi certainement le concept feuille a été formé grâce à l'abandon délibéré de ces différences individuelles, grâce à un oubli des caractéristiques, et il éveille alors la représentation, comme s'il y avait dans la nature, en dehors des feuilles, quelque chose qui serait "la feuille", une sorte de forme originelle selon laquelle toutes les feuilles seraient plissées, dessinées, cernées, colorées, crêpées, peintes, mais par des mains malhabiles au point qu'aucun exemplaire n'aurait été réussi correctement et sûrement comme la copie fidèle de la forme originelle." (Vérité et mensonge au sens extra-moral)
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Message par hks Jeu 18 Déc 2014 - 22:18

ataraxie a écrit:Un phénomène particulier se produit lorsque les enfants apprennent à parler. Le mot "wafwaf" (donc un chien) va être utilisé par l'enfant (avec geste de pointage à l'appui) pour  désigner non seulement un chien mais aussi un cheval, une vache, un chat, un cochon, etc. En fait, l'enfant est en train d'apprendre à catégoriser et il commet ses premières erreurs. L'erreur en question ici s'appelle une "sur-extension" de la catégorie.

Je ne comprends pas bien cela. Un enfant peut dit waff waff  tout en distinguant par ailleurs différents genres d'animaux. Il y a un manque de vocabulaire pas de concept. Supposons un enfant qui dit joujou pour tous ses jouets mais qui  donne le biberon à sa poupée et pas à une petite voiture.

Ces erreurs de catégorisation sont banales et normales, les enfants les corrigent assez rapidement grâce à l'étayage des adultes.
OUI mais quoi?
Leur langage ou les concepts ?
.........................................................................

Le texte de Nietzsche est quand même assez surprenant
Nietzsche a écrit: Tout concept naît de l'identification du non-identique.

C'est peut être la poule et l oeuf mais il me parait étrange de savoir vois des différences entre des feuilles ( tiens pourquoi entre des feuilles? ) si je n'ai pas préalablement identifié la forme "feuille".

Car pourquoi entre des feuilles précisément si je n'ai le concept de feuilles. Pourquoi est- ce que je m'attache à la différence entre deux feuilles plutôt qu'à la  différence entre une feuille et n'importe quoi dans l'environnement ?

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Message par poussbois Jeu 18 Déc 2014 - 23:31

Pas sûr d'avoir tout compris, mais le concept de Nietzsche me semble assez clair. Le problème, c'est justement de comprendre comment, après avoir acquis le concept "feuille" à partir d'un frêne, je suis tout de même capable d'appliquer ce même concept aux flamboyants ou aux mahoganys. C'est le cauchemar des cybernéticiens.

On est bien là dans une identification (catégorisation sous un même concept) du non-identique (des feuilles totalement différentes).

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Message par neopilina Ven 19 Déc 2014 - 2:05

Sinon, il y a cette solution : si un Sujet quel qu'il soit perçoit d'une façon ou d'une autre un chien, il va générer, via " perception-réduction Idéalisante ", un ou des  Étants " Chiens ".


Dernière édition par neopilina le Sam 20 Déc 2014 - 15:29, édité 1 fois

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Message par Aldo Ven 19 Déc 2014 - 4:50

Bergame a écrit:Le concept est justement une idée générale.
Laissons la parole à Deleuze :
Deleuze a écrit:"Les idées ne sont associables que comme images, et ne sont ordinables que comme abstractions ; pour atteindre les concepts, il faut que nous dépassions les unes comme les autres, et que nous atteignions le plus vite possible à des objets mentaux déterminables comme êtres réels" (Qu'est-ce que la Philosophie)

C'est là qu'il est question de mémoire : il s'agit de mettre un truc consistant dans la mémoire, qui puisse servir pour de bon. Les idées générales, c'est bien, ça fait des repères, ce sont de vrais entités dont on peut certes se servir, mais surtout au niveau social. Au niveau individuel, c'est plus du tout aussi simple.

C'est quoi les idées générales (disons la liberté, l'amour, le bonheur, la justice etc) ? De l'imagination, des rêves, des buts, des projets dans le meilleur des cas. au niveau individuel, c'est de l'imagination. Alors oui on voudrait tendre vers le bonheur la liberté tout ça, mais à la différence de la croyance par exemple, il n'y a rien de concret là-dedans : la croyance, chacun peut l'éprouver, l'expérimenter. Comment tu fais pour expérimenter la liberté ; comment tu fais pour te souvenir du bonheur ; ça devient quoi comme matériel à disposition pour penser, tout ça ? De l'abstraction. (on avait déjà eu cette discussion à propos de l'injustice et de la justice, où je soutenais que seul on éprouvait l'injustice). Alors on va d'abstraction en abstraction et on se détache du réel... on est dans les mots. Non décidément, la philosophie, c'est pas de la communication (bis).

Alors au niveau social oui : on peut penser la justice et la liberté, essayer d'améliorer les choses. Mais au niveau humain, individuel, la liberté c'est quoi en dehors de la libération (de telle et telle contrainte), qui elle, peut être éprouvée ? Ça peut servir à faire des constats : je ne suis pas libre dans tel ou tel domaine de ma vie affective par exemple, à critiquer aussi... mais on affirme quoi avec la liberté ? Rien.
Le concept, il doit expliquer, alors que l'idée n'explique rien : tu ne peux rien expliquer avec l'idée/concept de liberté (sauf qu'on n'est pas libre). Tu n'avances à rien. C'est au contraire l'idée de liberté qui doit être expliquée. On est en plein dans la transcendance : la liberté transcende, ça c'est sûr ! Mais quoi ? Ce que tu entends comme "extension" ou "connotations" ? Ben déjà c'est pas de "l'être réel" comme dit Deleuze, puisque c'est pas immédiat dans le concept de liberté, ça vient pas immédiatement à la conscience (où alors il faut ajouter autre chose de son crû). Bref, la liberté transcende la contrainte comme la pensée transcende la bêtise... si on veut. Ça transcende des valeurs négatives que tu n'expliqueras pas plus (où alors il faudrait s'y mettre sérieusement à expliquer la bêtise – ou l'illusion). Et voilà le travail : on a coupé le problème à un endroit indéterminable (pensée/bêtise), et on n'est pas plus avancé. On a juste dit : "moi, je préfère la pensée à la bêtise", c'est bien, c'est enrichissant.

Les concepts, c'est le contraire des idées générales ; ça doit au contraire être très précis si ça veut faire sens, si on veut l'utiliser de façon concrète, c'est-à-dire dans des situations concrètes. Il faut que ça reste accessible dans la mémoire, et pour ça, il faut que ça ait une consistance, que ça parle aux sens, au corps. La croyance ça parle au sens, on peut instantanément se mettre en position de conscience où l'on croit, où l'on adhère ; la croyance, c'est un état de conscience, un truc qu'on éprouve physiquement. La liberté, c'est de l'abstrait

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Message par Aldo Ven 19 Déc 2014 - 4:54

Crosswind a écrit:Deleuze ne tente-t-il pas de résoudre le problème en affirmant que tout est créé ? Que rien ne serait inné (excepté la capacité de créer des concepts ) ?
C'est pas une histoire d'inné et de créé. C'est pas l'inné et le créé la préoccupation de Deleuze (c'est peut-être la tienne, je l'ignore). Deleuze prend les choses par le milieu, depuis le regard qu'il en a, qu'on peut en avoir, depuis l'actualité qu'elles proposent au jour d'aujourd'hui. Déterminer l'acquis et l'inné ne peut qu'être une source de préjugés divers (d'autant que dans un processus de vie envisagé en tant que mouvement, tout ça perd forcément de son sens). Maintenant (et si je puis me permettre), je trouve que ce serait mieux que tu essaies de lire les trois quatre premiers chapitres de Qu'est-ce que la Philosophie avant de supputer ceci et cela. De toutes façons, tu vas pas comprendre Deleuze en une semaine (même avec un aussi bon prof que moi  Qu'est ce que la philosophie ; Qu'est ce qu'un concept 4017359721 )

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Message par kercoz Ven 19 Déc 2014 - 7:54

Sans vouloir vexer personne, le problème des définitions du concept ou même des especes m' est bien mieux compréhensible chez Claudine Tiercelin...pendant un moment , elle évoque le fait qu' un concept ou un objet est bien mieux défini par ses interactions que par son contour .
http://www.franceculture.fr/emission-l-eloge-du-savoir-metaphysique-des-especes-naturelles-1214-2014-12-18

Pour le chien , j' ai dans ma boutique un livre entièrement consacré au fait qu'un lévrier , bien qu'étant un canidé, n' est pas un chien . Il serait de loin nettement antérieur aux chiens .Effectivement, dans l' imagerie primitive, on ne voit que des lévriers , et l' on remarque que si l' homme qui l' accompagne porte une gazelle et un lièvre , il ne porte aucune arme .
(L' émission d'aujourd' hui devrait être consacrée à l' espece humaine)

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Message par Aldo Ven 19 Déc 2014 - 9:45

C'est quand même bizarre de chercher à donner LA définition d'un concept. Comme si un concept était un objet concret, donné, dont il suffisait de tirer la VRAIE définition venue du Tout-Puissant (désolé, je m'y fais pas).

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Message par hks Ven 19 Déc 2014 - 11:35

à poussbois
poussbois a écrit:Pas sûr d'avoir tout compris, mais le concept de Nietzsche me semble assez clair. Le problème, c'est justement de comprendre comment, après avoir acquis le concept "feuille" à partir d'un frêne, je suis tout de même capable d'appliquer ce même concept aux flamboyants ou aux mahoganys. C'est le cauchemar des cybernéticiens.

Le problème, c'est de comprendre avoir le concept
car pourquoi avoir acquis ?.

Et Nietzsche inverse l' explication en partant du mot pas du concept.
Nietzsche a écrit:Tout mot devient immédiatement concept
Alors que pour moi  c'est le concept qui induit  des mots.

Soit L'idée de feuille !! Pourquoi l'idée de feuilles ?
Car ce n'est pas en partant de différences entre ce dont j' ai préalablement le concept ( celui de feuilles ) que je vais extraire le concept que j' ai déjà.

Nietzsche est empiriste mais pour moi ça ne peut fonctionner ainsi.

Quand Nietzsche dit ceci
Nietzshe a écrit:et il éveille alors la représentation, comme s'il y avait dans la nature, en dehors des feuilles, quelque chose qui serait "la feuille", une sorte de forme originelle selon laquelle toutes les feuilles seraient plissées, dessinées, cernées, colorées, crêpées, peintes, mais par des mains malhabiles au point qu'aucun
exemplaire n'aurait été réussi correctement et sûrement comme la copie fidèle de la forme originelle."
Je pense non seulement qu'il y a réellement dans ma nature des forme  mais aussi dans l'esprit ... et peut- être  innées.

Et que quand Descartes parle d' idées innées il n'a pas tout à fait tors.

 ou bien Leibniz:
Leibniz a écrit:" Pourquoi cela ne pourrait-il avoir encore une autre cause, telle que serait celle-ci, que l'âme peut avoir cette chose en elle-même sans qu'on s'en soit aperçu ? car puisqu'une connaissance acquise peut être cachée par la mémoire, comme vous en convenez, pourquoi la nature ne pourrait-elle pas y avoir aussi caché quelque connaissance originale ? Faut-il que tout ce qui est naturel à une substance qui se connaît s'y connaisse d'abord actuellement ? " (NE, I, i, 5)

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Message par hks Ven 19 Déc 2014 - 11:46

aldo a écrit:Déterminer l'acquis et l'inné ne peut qu'être une source de préjugés divers (d'autant que dans un processus de vie envisagé en tant que mouvement, tout ça perd forcément de son sens).

En général on dit source de préjugés mais aussi influencé par des préjugés.

Ce qui n'est pas un motif suffisant pour refuser de regarder le problème.
Si la question est qu est- ce qu'un concept ?
on ne peut évacuer la  généalogie de ce qu'on cherche à comprendre, c' est à dire d'où vient ( le concept ) s'il est innée ou acquis.

Il est évident que si Deleuze évite la question, il évite le fait qu'ils peuvent être innée et la place est libre pour  parler de création de concept .

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Message par hks Ven 19 Déc 2014 - 11:50

aldo a écrit:Les concepts, c'est le contraire des idées générales ; ça doit au contraire être très précis si ça veut faire sens, si on veut l'utiliser de façon concrète, c'est-à-dire dans des situations concrètes.


et quoi par exemple.

Est- ce -que les concept de "rhizome" ou de corps "sans organes" sont précis et utilisables.

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