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L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne

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Message par alain Sam 27 Jan 2024 - 11:16

Malisse a écrit:
alain a écrit:
Saint-Ex a écrit:
alain a écrit:
Vanleers a écrit:Dans le prolongement de mon post précédent je cite un extrait de  la préface de l'édition française de Le Dieu inconscient, Psychothérapie et religion de Victor Frankl.

Victor Frankl a écrit: Dans une interview pour le magazine américain Times, la journaliste chargée du reportage me demanda si, à mon avis, l'état d'esprit actuel éloignait de la religion. Je lui répondis que cet état d'esprit n'éloignait pas de la religion comme telle, mais bien de diverses confessions qui n'avaient apparemment rien d'autre à faire qu'à se combattre les unes les autres et à entretenir chez leurs fidèles une hostilité réciproque. La journaliste me demanda alors si cela signifiait que nous aboutirions tôt ou tard à une religion universelle. Je déniai cette éventualité : au contraire, lui répondis-je, nous n'allons pas vers une religion universelle, mais plutôt vers une religion personnelle - une religion personnalisée, une religiosité qui permette à chacun de trouver son langage propre, son langage personnel, le langage qui n'appartient qu'à lui, quand il s'adresse à Dieu.
Ceci n'exclut pas, évidemment, des rituels et des symboles communs. L'humanité ne connaît-elle pas une pluralité de langues - dont beaucoup, pourtant, utilisent le même alphabet ?
D'une façon ou d'une autre les religions, dans leur diversité, ressemblent aux différentes langues : nul de saurait prétendre sa langue supérieure aux autres - toute langue, quelle qu'elle soit, permet à l'homme d'accéder à la vérité, à l'unique vérité, comme elle lui permet aussi de se tromper, voire de mentir. Toute religion peut, de même, lui permettre de trouver le chemin de Dieu - de l'unique Dieu.
Je suis d’accord avec l’auteur lorsqu’il parle d’« une religion personnalisée, une religiosité qui permette à chacun de trouver son langage propre, son langage personnel, le langage qui n'appartient qu'à lui, quand il s'adresse à Dieu. »

C' est ça exactement.
Pour moi - et d' autres personnes que je connais - le processus est déjà en place. On " parle " a" Dieu " ( si on veut, bien sûr, aucune obligation ) avec ses mots, dans le silence et la méditation.
C' est à dire - peut être - comme dans les " derniers instants "  lorsqu' on sera face à la mort.

Ton «parle à Dieu» est étonnant de conformité précise avec l'on «parle à soi» du silence de la méditation, ce qui n'est pas étonnant de la part du créateur de Dieu à son image.

.

Pas à mon image puisque pour moi " Dieu "  me dépasse absolument.
L' univers matériel aussi, en fait.

Je ne sais pas du tout comment le définir d'ailleurs.
Je pourrais dire que Dieu est ce qui donne la réalité.

Le problème est que cet univers matériel ne me suffit pas ...il y manque l' essentiel : le Sens.

Avec " Dieu " je trouve un sens au monde et même à mon histoire.

Tu dis :

"Le problème est que cet univers matériel ne me suffit pas ...il y manque l' essentiel : le Sens."

C'est tout à fait ça, on a été à la même école ... le Chemin, lla Vie, a Vérité, Dieu, c'est ce qui donne le Sens à tout ce qui est, en essence !  L'Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne - Page 5 3438808084

Mais, il se peut que, déjà, la sensibilité, qui induit à apprécier ou pas, à faire des choix, à notre échelle, donne du Sens à ce qui est vécu, non !?  pc

Oui, il faudrait détailler ce qu' est la sensibilité et voir ensuite en quoi celle ci se rapporte à ce que entend, nous humains, par " sens ".
Mais, partant du principe qu' il y a une relation entre tout ce qui existe, on peut imaginer un " début ", une " origine " à tout.

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Message par Vanleers Dim 28 Jan 2024 - 9:30

Comme indiqué dans mon post précédent, la joie est la « disposition affective fondamentale » du chrétien.
On est aux antipodes de
Philippe Cabestan a écrit:[…] la conception heideggérienne qui tient l’angoisse pour une disposition affective fondamentale (Grundstimmung), qui révèle au Dasein son mode d’être et dont l’analyse phénoménologique occupe un rôle décisif dans l’économie de l’ontologie fondamentale [...]

https://journals.openedition.org/alter/1897?lang=fr

Une critique philosophique de Heidegger ne portera pas sur son adhésion au parti nazi mais sur le fait que l’angoisse (Angst) est la pierre d’angle sur laquelle il bâtit son ontologie fondamentale.

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Message par Vanleers Mar 30 Jan 2024 - 16:55

La spiritualité chrétienne distingue le « vieil homme » et l’« homme nouveau », l’ego et la personne. Elle a un équivalent dans la spiritualité bouddhiste :

La revue Dharma a écrit:Le comportement égotique habituel est une attitude fermée, de protection et de défense, d’une part, de possessivité et de captation, d’autre part. Elle consiste à toujours prendre et garder pour soi ce qui est jugé bon, à exclure ce qui est jugé mauvais. Cette attitude repose sur les craintes de l’ego qui lutte continuellement pour se défendre. Dans son attitude de peur, il se replie sur lui-même, enfermé dans son cocon égotique.

Pour nous engager sur la voie du bodhisattva, nous avons besoin d’avoir confiance en la possibilité de vivre, de travailler, d’aimer, d’être, autrement que dans une attitude de défense, de protection, de peur et de possessivité. Il nous faut être confiant en la possibilité de nous ouvrir largement à la vie, aux autres, et au monde ; de sortir du cocon de notre ego. Pour cet ego, ce peut être une perspective terrifiante mais c’est cela même qu’ont fait tous les bodhisattvas.
Il est extrêmement important de savoir que c’est possible. C’est fondamentalement possible, parce qu’au-delà de notre ego, nous avons déjà, en nous, la nature de bouddha. C’est en nous ouvrant à l’autre, en dépassant l’expérience de notre territoire égotique et ses systèmes de protection que nous nous libérons du carcan de notre ego et finalement accédons à notre nature de bouddha.

http://www.buddhawiki.fr/bwiki/bin/view/RevuesDharma/D37-D38A1

(le site, accessible il y a quelques années, paraît ne plus l’être aujourd’hui)

Ici, la « nature de bouddha » remplace la « personne »mise en valeur par l’Évangile.
Dans les deux cas, c’est l’ego qui est critiqué.
Le comportement égotiste est réifiant : pour se protéger et se défendre, ego réduit les autres à des objets :

Pascal Couderc a écrit:Le narcissisme malveillant apparaît lorsque le besoin excessif d'exister auprès des autres est couplé d'un manque d'empathie envers eux, voire de sadisme. Dans un processus de réification, les individus sont ainsi réduits au rôle d'objet servant à alimenter l'ego défaillant du pervers manipulateur.

https://www.pervers-narcissique.com/sommes-nous-tous-narcissiques/

La personnalité narcissique a un besoin vital de réifier l’autre, de le réduire à un objet, et trouve des alliés dans le matérialisme, l’athéisme et le scientisme dans la mesure où ces idéologies nient l’émergence de la personne en l’homme.

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Message par Saint-Ex Mar 30 Jan 2024 - 22:46

Vanleers a écrit:Une critique philosophique de Heidegger ne portera pas sur son adhésion au parti nazi mais sur le fait que l’angoisse (Angst) est la pierre d’angle sur laquelle il bâtit son ontologie fondamentale.

Comme ça on oublira avec la joie adéquate non seulement son adhésion au partie nazi, mais aussi le nazisme inscrit dans la teneur des ses pensée les mieux élaborées sur le plan d'une métaphysique de l'emberlificotage des plus adroites.

Ah, comme elle était étante et bien ontologique, l'angoisse des voyageurs ferroviaires de Paris à Dachau ...

.
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Message par Saint-Ex Mar 30 Jan 2024 - 22:50

Vanleers a écrit:
La personnalité narcissique a un besoin vital de réifier l’autre, de le réduire à un objet, et trouve des alliés dans le matérialisme, l’athéisme et le scientisme dans la mesure où ces idéologies nient l’émergence de la personne en l’homme.

Je suis l'antéchrist qui nie ton émergence ... lol!

Tain de Dieu, qu'est-ce qu'on rigole !

.


Dernière édition par Saint-Ex le Mer 31 Jan 2024 - 14:05, édité 1 fois (Raison : LA RIGOLADE FAIT COMMETRE D'IMPARDONABLES FAUTE DE FRANÇAIS ...)
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Message par Vanleers Mer 31 Jan 2024 - 11:34

La réification dont je parle dans mon post précédent, la réduction de l’autre à un objet, s’étend aussi à Dieu comme le note Maurice Zundel :

Maurice Zundel a écrit:La misère des pseudo-philosophes et des pseudo-théologiens est d’avoir défini Dieu comme un objet au lieu de dévoiler le visage d’une Personne. On ne connaît le vrai Dieu que lorsqu’on s’engage dans ce dialogue où se trouve la liberté, lorsqu’on refuse d’être un réceptacle et de se laisser conduire par des forces obscures, lorsqu’on est passé de l’homme réel à l’homme possible, lorsqu’on est vraiment soi-même une source, une ori­gine, un commencement. Dieu est intimité pure et on ne peut pas Le reconnaître tant qu’on n’est pas soi-même au-dedans.

« Tard je t’ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t’ai aimée ! Mais quoi ? Tu étais au-dedans de moi et j’étais, moi, en dehors de moi-même, et c’est en dehors que je Te cherchais. Je me ruais, dans ma laideur, sur la grâce de tes créatures. Tu étais avec moi et je n’étais pas avec Toi, retenu loin de Toi par ces choses qui ne seraient point si elles n’étaient en toi !  » (Saint Augustin. Confessions. livre X, 38)

https://mauricezundel.com/26-01-09-levangile-nous-revele-le-dieu-interieur/

L’Évangile révèle le Dieu intérieur qui nous fait passer du vieil homme à l’homme nouveau, de l’homme réel à l’homme possible (Zundel), de l’homme-objet à l’homme-personne.

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Message par Saint-Ex Mer 31 Jan 2024 - 14:10

Vanleers a écrit:

L’Évangile révèle le Dieu intérieur qui nous fait passer du vieil homme à l’homme nouveau, de l’homme réel à l’homme possible (Zundel), de l’homme-objet à l’homme-personne.

Tel que tu me vois, Vanleers, je suis le vieil homme qui va passer dans pas longtemps à l'homme nouveau, mais mort ...

lol!

.


Dernière édition par Saint-Ex le Dim 4 Fév 2024 - 18:20, édité 1 fois (Raison : J'avais écrit «le vieil nomme». Quel con suis-je ! ...)
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Message par Vanleers Mer 31 Jan 2024 - 15:58

Le christianisme se présente comme la religion basée sur la révélation par Jésus-Christ de Dieu comme Amour.
Amour au sens de agapé (caritas en latin), amour oblatif qui donne et ne prend pas, amor benevolentiae et non amor concupiscentiae.

Or, Spinoza caractérise l’amour comme une joie et je dirai donc, dans la perspective de l’Ethique, que l’agapé est une joie oblative.
C’est une joie active et non passive (réactive) qui suit du désir d’aider autrui à vivre en plénitude (cf. la définition de la generositas en Ethique III 59 sc.)
Le christianisme est un eudémonisme caractérisé par la joie oblative, un art de vivre dans cette joie, ce à quoi invite la spiritualité ignatienne.

Toutefois, il ne faut pas se faire d’illusions : l’art de vivre dans la joie oblative est très difficile et Spinoza le dit dans les dernières lignes de l’Ethique.
C’est également ce qu'écrit Lytta Basset dans Faire face à la perversion :

Lytta Basset a écrit:L’Évangile dérange parce qu’il ne dégouline pas d’amour aveugle. On n’y trouve aucune idéologie de l’amour, mais bien le constat qu’aimer en vérité dans le respect absolu de l’altérité d’autrui n’est pas chose aisée. Il est si difficile de parvenir à un amour non perverti – non entaché de manipulation, emprise, hypocrisie, etc. – que le mot agapé  (l’amour inconditionnel) n’apparaît qu’une fois chez Matthieu et chez Luc… et pas une seule fois chez Marc, l’évangile le plus ancien. (op. cit. pp. 11-12)

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Message par Vanleers Ven 2 Fév 2024 - 16:41

Au début du scolie d’Ethique V 36 :

Spinoza a écrit:Nous comprenons par là clairement en quoi consiste pour nous le salut, ou la béatitude, ou la liberté : en un amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit en l’amour de Dieu envers les hommes. C’est cet amour ou béatitude qui est appelé gloire dans les saintes Écritures, et à très juste titre. Car cet amour, qu’on le rapporte à Dieu ou à l’âme, peut correctement s’appeler satisfaction intérieure, laquelle en réalité ne se distingue pas vraiment de la gloire (en vertu des définitions 25 et 30 des affects)
Spinoza pose l’équivalence du salut, de la béatitude et de la liberté et regroupe ces trois termes sous le nom de gloire.
L’expérience visée ici par Spinoza est à la fois la libération de nos peurs, la félicité et le sentiment de liberté qui les accompagne.
Expérience de la gloire : gloire de Dieu et gloire de l’âme.

Cette expérience est celle de la « consolation » chez Ignace de Loyola : allégresse libératrice donnée par l’Esprit-Saint dans ses motions (cf. E. S. 329).

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Message par Vanleers Sam 3 Fév 2024 - 16:07

Selon la célèbre formule d’Irénée de Lyon, évêque du II° siècle : « La gloire de Dieu est l’homme vivant ».
Ajoutons, avec Ignace de Loyola, que l’homme vivant vit pour la gloire de Dieu :

Ignace de Loyola a écrit:L’homme est créé pour louer, révérer et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre, sont créées pour l’homme, et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé.

Cette perspective est formulée dans la devise reprise par Ignace : « Ad majorem Dei gloriam ».

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Message par Vanleers Dim 4 Fév 2024 - 17:07

Dans l’Évangile, Dieu est la Parole de la Vie, celle qui fait vivre l’homme de la vie véritable : Zôê.
On comprend donc qu’Irénée de Lyon ait dit que « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu ».
La vie de l’homme, c’est la vision de la Vie, la vie qui prend la Vie (Dieu) pour boussole.
La vie de l’homme est alors la vraie vie, la vie qui rejette tout ce qui veut mourir comme l’écrit Nietzsche ;
Nietzsche (Gai savoir 26) a écrit:Que signifie vivre. — Vivre — cela signifie : repousser sans cesse quelque chose qui veut mourir. Vivre — cela signifie : être cruel et implacable contre tout ce qui, en nous, devient faible et vieux, et pas seulement en nous. Vivre cela signifierait donc : être sans pitié pour les agonisants, les misérables, les vieillards ? Être sans cesse assassin ? — Et pourtant le vieux Moïse a dit : « Tu ne tueras point ! »

Il appartient au chrétien, et à tout un chacun aussi, de discerner, dans ce qu’il fait et pense, ce qui est inspiré par la Vie et ce qui est inspiré par ce qui veut mourir.
Discernement des esprits, à la base des Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola.

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Message par Vanleers Dim 4 Fév 2024 - 21:32

J’ai qualifié plus haut l’agapé d’« amour oblatif ».
A la réflexion, les mots « inconditionné » ou « désintéressé » me paraissent mieux convenir que « oblatif » pour caractériser l’agapé dans le Nouveau Testament.

Dans un article Qu'est-ce que l'agapè ? De l'exégèse à une synthèse anthropologique en passant par la théologie (Revue du Mauss), Olivier Robineau propose d’appeler « dilection » la « conjonction de l’intérêt pour autrui pur (agapè) et de la liberté pure (grâce) ».
Olivier Bobineau a écrit:Arrivé au terme de cet article, il nous est possible de proposer une synthèse qui croise les apports de l’exégèse, de l’histoire des premières communautés, de la théologie en intégrant l’approche tétralogique du don (intérêt pour autrui, intérêt pour soi, liberté, obligation).

Il existe un mot de la langue française qui recouvre à la fois l’agapè (dimension horizontale de l’amour inconditionné) et la grâce (dimension verticale de l’amour inconditionné), ce terme peu usité est « dilection ». Étymologiquement, « dilection » est un sentiment, un amour tendre, une « affection profonde », « un amour spirituel que l’on porte à l’être choisi ou préféré », homme ou dieu ; il se dit dilectio en latin.
Dès lors, nous proposons de considérer la dilection comme composante associant spécifiquement l’agapè et la grâce : la dilection est une conjonction de l’intérêt pour autrui pur (agapè) et de la liberté pure (grâce), avec euphémisation de l’intérêt pour soi et de l’obligation, jusqu’à leur extinction. Autrement dit, la dilection radicalise l’idée même de l’intérêt pour autrui en prétendant le débarrasser de toute composante d’intérêt pour soi pour la faire équivaloir à une pure agapè, et elle radicalise l’idée même de liberté en prétendant la débarrasser de toute dimension d’obligation pour la faire équivaloir à la grâce . [...]

Ceci nous permet de proposer une définition anthropologique, dans une perspective maussienne, de l’incarnation à partir d’un vocable théologique. L’incarnation, clé de voûte du christianisme, peut s’entendre in fine comme « le télescopage de la grâce et de l’agapè » (Alain Caillé) dans l’histoire de l’humanité. Elle est la radicalisation de la liberté conjointe à la radicalisation de l’intérêt pour autrui en un homme, Jésus.

https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-293.htm

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Message par Vanleers Mer 7 Fév 2024 - 12:13

Dans un post antérieur, j’ai cité Irénée de Lyon à propos de la gloire chez Spinoza et Ignace de Loyola.
Dans La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant – Éditions du Cerf 1994, Jean Comby et Donna Singles ont choisi et présenté des textes d’Irénée.

Comby et Singles a écrit:Irénée naquit sans doute à Smyrne, aujourd’hui Izmir, en Asie Mineure, à une date que nous ignorons mais que beaucoup situent entre 130 et 140. Dans une lettre à son ami Florinus, Irénée évoque des souvenirs d’enfance communs : ils ont entendu Polycarpe, l’évêque de Smyrne, « rapporter ses relations avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur ». De là, on peut supposer qu’Irénée a été baptisé enfant. Le « Jean » dont il est question ne peut être que l’Apôtre. Ce qui reste le plus émouvant, c’est que, à la fin du II° siècle, à travers la tradition orale, par l’intermédiaire de Polycarpe, Irénée remontait jusqu’à Jésus. Irénée donnait une importance capitale à ce lien des chrétiens avec les apôtres compagnons de Jésus, qu’il prenne la forme de la transmission orale de personne à personne ou du texte des Écritures (pp. 11-12)

Irénée écrit avant les premiers conciles qui fixèrent les dogmes de la foi chrétienne, d’où son intérêt.

Comby et Singles a écrit:Retenons que certains aspects de la pensée d’Irénée gardent toute leur fraîcheur et restent d’une étonnante actualité. Sans mettre entre parenthèses dix-huit siècles de christianisme, il nous est bon de revenir vers ceux qui lisaient la parole de Dieu quelques générations après la mort du Christ. Cela peut renouveler notre manière de la lire.

Nous avons été souvent marqués par une conception dramatique de l’histoire du salut : l’homme créé bon et parfait à l’origine, promis à l’immortalité, a péché. Tout s’est écroulé dans la mort. Pour se réconcilier avec Dieu, il lui fallait expier, mais il était incapable de le faire par lui-même. Alors Dieu envoie son Fils qui se fait homme en Jésus-Christ. Celui-ci verse son sang en sacrifice expiatoire et apaise ainsi le courroux de son Père. En privilégiant certains passages de l’épître aux Romains, une partie de la tradition chrétienne, de saint Augustin jusqu’aux réformateurs et aux jansénistes s’est complu dans cette vision catastrophique. C’est pourquoi nous en voulons à Adam et plus encore à Eve d’avoir gâché définitivement l’existence de leurs descendants.

Au II° siècle, Irénée proposait une lecture de l’Écriture assez différente, moins dramatique et beaucoup plus optimiste. Pour Irénée, indépendamment du péché, c’était dans la logique de la création que le Verbe devienne homme. Il n’y a pas eu à l’origine un homme parfait brusquement déchu, mais un être imparfait capable de progresser sans cesse et de s’accomplir avec l’aide du Verbe. (pp. 20-21)

La pensée de Teilhard de Chardin se place dans cette perspective irénique.

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Message par Vanleers Jeu 8 Fév 2024 - 10:44

Dans un post antérieur, j’ai donné une citation de Lytta Basset qui, elle-même, cite Viktor Frankl :
Viktor Frankl a écrit:Nous n’allons pas vers une religion universelle mais bien plutôt vers une religiosité personnelle, personnalisée au plus profond de l’individu, une religiosité à partir de laquelle chacun retrouvera son propre langage personnel, originel en lui-même, quand il se tournera vers Dieu ».
Cette citation est extraite de Le dieu inconscient. Psychothérapie et religion – InterEditions Dunod 2020. (page 101)
Plus loin, V. Frankl donne une définition opérationnelle de la religion :

Viktor Frankl a écrit:Ne parlais-je pas d’une religion à partir de laquelle chacun trouve son langage personnel quand il s’adresse à Dieu ? En fait, la relation entre le « je » et le « tu », en laquelle, comme on sait, Martin Buber voit l’essence même de de la vie spirituelle, culmine dans la prière, et particulièrement dans sa structure dialoguée. Nous devons seulement tenir compte d’une chose : un parler interpersonnel n’est pas le seul qui existe. Il y a aussi un parler intra-personnel, c’est-à-dire un dialogue avec soi-même, l’entretien avec soi-même. Et en allant dans cette direction, j’en suis revenu récemment à cette définition que, si je me souviens bien, j’avais développée dès l’âge de quinze ans, mais dont je ne voudrais pas vous priver : une définition de Dieu et une définition opérationnelle. La voici : Dieu est le partenaire des entretiens les plus intimes avec nous-mêmes. Cela veut dire pratiquement ceci : à quelque moment que nous soyons entièrement seuls avec nous-mêmes, à quelque moment que nous dialoguions dans la sincérité la plus parfaite avec nous-mêmes, il est légitime d’appeler Dieu le partenaire de tels entretiens avec nous-mêmes, que nous nous tenions pour athées ou pour croyants. Pareille distinction n’aurait précisément aucun sens dans le cadre d’une définition opérationnelle. Notre définition s’établit sur le terrain qui précède la bifurcation vers la vision athée ou théiste du monde. Une différence se remarque seulement quand un parti insiste sur le fait qu’il s’agit d’entretiens avec soi-même et rien qu’avec soi-même, et que l’autre parti croit savoir que l’homme, qu’il en ait ou non conscience, mène justement un dialogue avec quelqu’un, et quelqu’un d’autre que lui-même. (pp. 102-103)

Il est clair que le chrétien croit, c’est-à-dire fait l’hypothèse, qu’il dialogue avec un Autre qu’il appelle Dieu.
Plus précisément, dans le cadre de la spiritualité ignatienne, chaque homme est invité à se mettre en prière pour « chercher et trouver Dieu en toute chose », fort de la confiance que Dieu veut le bonheur de l’homme, la joie étant la boussole qui l’oriente dans sa recherche de la volonté de Dieu.

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Message par alain Jeu 8 Fév 2024 - 11:07

Même si je me dis " croyant " , je n' arrive pas à " dialoguer avec " Dieu.
C' est trop abstrait pour moi.
Par défaut, je dialogue avec l' autre ( les autres êtres humains en relation avec moi ) qui est pour moi une " image " de Dieu.
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Message par Vanleers Jeu 8 Fév 2024 - 16:01

alain a écrit:Même si je me dis " croyant " , je n' arrive pas à " dialoguer avec " Dieu.
C' est trop abstrait pour moi.
Par défaut, je dialogue avec l' autre ( les autres êtres humains  en relation avec moi ) qui est pour moi une " image " de Dieu.

Si, dans un « parler intra-personnel », pour reprendre les mots de Viktor Frankl, vous considérez tel autre comme une « image » de Dieu, vous dialoguez avec Dieu.

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Message par Vanleers Sam 10 Fév 2024 - 10:50

J’ai déjà signalé sur un autre fil, une conférence de Maurice Zundel : Révélation de Dieu comme Présence intérieure en :

https://mauricezundel.com/04-15-06-2017-conference-revelation-de-dieu-comme-presence-interieure/

M. Zundel montre que Jésus a essayé de communiquer son expérience de Dieu comme Présence intérieure (le Père), sans aucun succès de son vivant.
Il donne une grille de lecture de la Bible et de l’Évangile qui peut nous aider à réaliser en quoi consiste cette expérience de Dieu faite par Jésus.
J’en donne quelques extraits :

Maurice Zundel a écrit:Nous ne pouvons lire la Bible sainement qu’en recherchant, sous le texte, cette Présence qui se fait jour difficilement, douloureusement, sous ce vêtement de pauvreté qui est le langage humain d’une époque donnée, où les lumières humaines sont des ténèbres par rapport à ce qu’on apprendra plus tard d’une révélation plus parfaite.

Il y a dans l’Évangile des limites, des choses qui nous choquent, parce qu’elles ne sont plus dans la perspective que le Christ nous a ouverte…, et que nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de la nouveauté du visage de Dieu, révélé dans la personne et dans la vie du Christ.

Nous ne pouvons lire les Évangiles qu’en rejoignant nous-même la solitude du Christ… L’Évangile, au maximum, est Quelqu’un, est une Personne, une Présence qu’il nous faut constamment découvrir, et non pas un livre, un enseignement, un système du monde.

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Message par alain Sam 10 Fév 2024 - 11:58

Vanleers a écrit:J’ai déjà signalé sur un autre fil, une conférence de Maurice Zundel : Révélation de Dieu comme Présence intérieure en :

https://mauricezundel.com/04-15-06-2017-conference-revelation-de-dieu-comme-presence-interieure/

M. Zundel montre que Jésus a essayé de communiquer son expérience de Dieu comme Présence intérieure (le Père), sans aucun succès de son vivant.
Il donne une grille de lecture de la Bible et de l’Évangile qui peut nous aider à réaliser en quoi consiste cette expérience de Dieu faite par Jésus.
J’en donne quelques extraits :

Maurice Zundel a écrit:Nous ne pouvons lire la Bible sainement qu’en recherchant, sous le texte, cette Présence qui se fait jour difficilement, douloureusement, sous ce vêtement de pauvreté qui est le langage humain d’une époque donnée, où les lumières humaines sont des ténèbres par rapport à ce qu’on apprendra plus tard d’une révélation plus parfaite.

Il y a dans l’Évangile des limites, des choses qui nous choquent, parce qu’elles ne sont plus dans la perspective que le Christ nous a ouverte…, et que nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de la nouveauté du visage de Dieu, révélé dans la personne et dans la vie du Christ.

Nous ne pouvons lire les Évangiles qu’en rejoignant nous-même la solitude du Christ… L’Évangile, au maximum, est Quelqu’un, est une Personne, une Présence qu’il nous faut constamment découvrir, et non pas un livre, un enseignement, un système du monde.

Je viens de lire ( Wikisource ) l' ouvrage principal de Pascal ( je crois ) : Les pensées.
La première partie c' est l' humain, observé vraiment sans concessions et très finement observé.
La seconde partie c' est la religion Chrétienne.
Ce qui m' à marqué dans cette seconde partie c' est la façon dont Pascal parvient à faire sentir le rapprochement entre le Christ et l' homme en le rendant vulnérable, aussi faible que fort et parfois en proie au doute.
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Message par Vanleers Sam 10 Fév 2024 - 12:34

alain a écrit:

Je viens de lire ( Wikisource ) l' ouvrage principal de Pascal ( je crois ) : Les pensées.
La première partie c' est l' humain, observé vraiment sans concessions et très finement observé.
La seconde partie c' est la religion Chrétienne.
Ce qui m' à marqué dans cette seconde partie c' est la façon dont Pascal parvient à faire sentir le rapprochement entre le Christ et l' homme en le rendant vulnérable, aussi faible que fort et parfois en proie au doute.

Vous trouverez peut-être un écho de la faiblesse et de la vulnérabilité du Christ que vous avez notées chez Pascal dans ces nouveaux extraits de la conférence signalée ci-dessus.

Maurice Zundel a écrit:L’esprit est source, jaillissement, origine, liberté, mais il l’est uniquement en fonction de cette relation à un autre où il se vide de soi ; et c’est ce que Jésus-Christ va nous transmettre en rendant témoignage à l’expérience qui est la sienne.

Le témoignage de Jésus-Christ, nous amène… à une humilité qui n’est plus une humiliation. Il ne s’agit pas de s’humilier, mais de se désapproprier dans l’amour d’un autre et pour lui ; de se désapproprier parce que c’est là toute la grandeur, toute la richesse et toute la beauté de l’amour.

le Dieu que Jésus-Christ nous communique, n’est plus un Dieu qui est le maître… mais un Dieu qui est en état de démission infinie, qui n’est Dieu qu’en raison de cette désappropriation ; … chacune des personnes à l’intérieur de la divinité, n’a d’autre propriété que la désappropriation qui la constitue.

Cherchons le visage intérieur de la pauvreté divine où nous ne rencontrerons jamais de limites,… où nous apprendrons que la suprême grandeur c’est de se dépouiller, de se démettre de soi, de faire de soi un don illimité et d’être au service de l’homme dans l’agenouillement du Lavement des pieds.

Dieu est Dieu parce qu’il n’a rien, Dieu se vide éternellement de lui-même, la création jaillit de cette pauvreté sur-essentielle et nous appelle nous-même à être ce qu’il est, non pas dans une exaltation paranoïaque, mais dans un don silencieux.

Regarder Dieu en nous demandant ce qui lui arrivera, parce que tout est là : Dieu est d’une fragilité infinie, infinie. Il est pure intériorité, puisque seule notre intériorité peut alors l’accueillir et le situer dans notre histoire.

C’est dans la mesure où nous sommes nous-même une Présence réelle de Dieu, que Dieu devient une réalité pour les hommes d’aujourd’hui.

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Message par neopilina Sam 10 Fév 2024 - 15:53

C'est moi qui souligne dans les citations de Zundel par Vanleers :

Vanleers a écrit:J’ai déjà signalé sur un autre fil, une conférence de Maurice Zundel : " Révélation de Dieu comme présence intérieure ", Conférence de Maurice Zundel au Cénacle de Paris le 28 janvier 1967. Publié dans « Au miroir de l’Évangile »

M. Zundel montre que Jésus a essayé de communiquer son expérience de Dieu comme Présence intérieure (le Père), sans aucun succès de son vivant.
Il donne une grille de lecture de la Bible et de l’Évangile qui peut nous aider à réaliser en quoi consiste cette expérience de Dieu faite par Jésus.
J’en donne quelques extraits :

Maurice Zundel a écrit:Nous ne pouvons lire la Bible sainement qu’en recherchant, sous le texte, cette Présence qui se fait jour difficilement, douloureusement, sous ce vêtement de pauvreté qui est le langage humain d’une époque donnée, où les lumières humaines sont des ténèbres par rapport à ce qu’on apprendra plus tard d’une révélation plus parfaite.

Il y a dans l’Évangile des limites, des choses qui nous choquent, parce qu’elles ne sont plus dans la perspective que le Christ nous a ouverte …, et que nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de la nouveauté du visage de Dieu, révélé dans la personne et dans la vie du Christ.

Nous ne pouvons lire les Évangiles qu’en rejoignant nous-même la solitude du Christ … L’Évangile, au maximum, est Quelqu’un, est une Personne, une Présence qu’il nous faut constamment découvrir, et non pas un livre, un enseignement, un système du monde.

C'est bien ce que j'ai dit sur un autre fil, l'Ancien Testament, ou, la Bible, l'Ancien Testament plus le Nouveau, les Évangiles, le personnage syncrétique et historique (fruit de l'histoire) de Jésus-Christ, sont des Médiateurs, parmi tous les autres. C'est de bonne et stricte méthode : le théologien doit se coltiner, conscience de Soi, Ses Dieux, Son Dieu et/ou Consorts, et ceux d'autrui. Bien sûr qu'il est tenté, constitutivement, de donner l'avantage à ce qu'il vit lui-même, mais donc il luttera contre cette tentation quand il se livre à ce type de recherche. Afin de pouvoir passer du plus particulier, singulier, unique, ce qui est Sien, au plus général, dans ce domaine. Ce pourquoi, par exemple, j'ai été conduit à dire le Dieu. Ensuite, ici ou là, chez bidule ou machin, on a effectivement ceci ou cela. Une telle attitude est radicalement antidogmatique, antireligieuse ? Tout à fait.

_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par Vanleers Dim 11 Fév 2024 - 10:17

neopilina a écrit:

C'est bien ce que j'ai dit sur un autre fil, l'Ancien Testament, ou, la Bible, l'Ancien Testament plus le Nouveau, les Évangiles, le personnage syncrétique et historique (fruit de l'histoire) de Jésus-Christ, sont des Médiateurs, parmi tous les autres. C'est de bonne et stricte méthode : le théologien doit se coltiner, conscience de Soi, Ses Dieux, Son Dieu et/ou Consorts, et ceux d'autrui. Bien sûr qu'il est tenté, constitutivement, de donner l'avantage à ce qu'il vit lui-même, mais donc il luttera contre cette tentation quand il se livre à ce type de recherche. Afin de pouvoir passer du plus particulier, singulier, unique, ce qui est Sien, au plus général, dans ce domaine. Ce pourquoi, par exemple, j'ai été conduit à dire le Dieu. Ensuite, ici ou là, chez bidule ou machin, on a effectivement ceci ou cela. Une telle attitude est radicalement antidogmatique, antireligieuse ? Tout à fait.

Tant mieux si Zundel vous parle et vous fait avancer sur votre propre chemin.
Vous savez que vous êtes sur la bonne voie si cela vous donne de la joie, vous rend plus vivant. (« La gloire de Dieu est l’homme vivant » – Irénée de Lyon)
C’est à chacun d’inventer sa religion, c’est-à-dire une éthique, un art de vivre.
Pour ce faire, il nomme Dieu à sa façon.
Zundel le nomme « la Présence infinie intérieure » mais cite aussi Jean de la Croix qui l’appelle « la Musique silencieuse »
Pour ma part, je l’appelle « le Souffle de joie ».
Il s’agit, dans tous les cas, de donner une définition « opérationnelle » de Dieu, pour reprendre le mot de Viktor Frankl rapporté plus haut, qui donne sa définition :
« Dieu est le partenaire des entretiens les plus intimes avec nous-mêmes »
Je dirais donc que Dieu est l’Esprit de joie qui inspire certains des entretiens les plus intimes avec nous-mêmes.
Il s’agit d'être libérés de l’esprit de tristesse qui, lui aussi, inspire certaines pensées intérieures, de noyer nos chagrins dans l’allégresse selon le principe de Saint Paul : « là où le péché abonde, que la grâce surabonde » (Romains 5,20)
On retrouve l’idée de cette « noyade » dans le scolie d’Ethique V 20 :

Spinoza a écrit:[…] d’où suit que pâtit le plus l’Esprit dont les idées inadéquates constituent la plus grande part […] ; et au contraire qu’agit le plus celui dont les idées adéquates constituent la plus grande part […]

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Message par Vanleers Mer 21 Fév 2024 - 15:54

Dans L’Évangile inouï – Salvator 2019, Dominique Collin montre que l’Évangile appelle à une conversion ayant deux aspects imbriqués : Se convertir à la joie ! et Se convertir à la Vie !

Dominique Collin a écrit:A l’écoute de l’inouï qui communique la joie d’exister, on ne peut rester comme avant et ce que l’on peut « faire » pour que la vie vécue puisse exprimer cette nouvelle tonalité qui « transperce » la forteresse du « moi » consiste essentiellement à entrer dans une pensée tout autre, une pensée agissante. Une pensée de la Vie (sens possible de logos tès Zôês), une pensée partagée par la Vie et qui, comme toute pensée, est toujours dilatation et libération. (p. 130)
[…]
Toute la nouveauté de l’inouï de l’Évangile est dans cette résonance : Choisis la Vie car la Vie t’a élu.

La joie se redouble quand, pour avoir entendu cette « heureuse annonce », on la partage aux autres. C’est ainsi qu’après l’avoir entendue de l’inouï lui-même (d’où la métaphore des cieux qui se déchirent, d’une voix qui vient d’ailleurs pour être entendue ici – l’opération même de la métaphore), Jésus désire la communiquer au tout venant : [Après l'arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l'Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l'Évangile » – Marc 1, 14-15)] (p. 132)

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Message par neopilina Jeu 29 Fév 2024 - 2:01

à Vanleers,

Depuis ton inscription, nous avons toujours été d'accord sur un point (et bien sûr, d'autres) : oui, Jésus-Christ (ou autres au sein du christianisme), le personnage syncrétique, historique dans ce sens, peut constituer un Médiateur entre un Sujet et le Dieu. Mais donc également, le plus souvent, ce qui est arrivé, pour les chrétiens, les fidèles, le Médiateur se fut et c'est encore l'Église. Je sais bien que tu connais la formule qui valu à Loisy son excommunication, mais pas tout le monde : " Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue ".

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Message par alain Jeu 29 Fév 2024 - 11:53

L' église est un royaume, comme beaucoup d' autres, bâti par les hommes.
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Message par Saint-Ex Jeu 29 Fév 2024 - 16:15

.

Pourquoi le fond de la pensée de Jésus a-t-il charmé et charme encore tant de milliards d'êtres humains, y compris les musulmans, qui considère Jésus comme un prophète des plus respectables ? Pourquoi ?

Réponse : Parce que le fond de la pensée de Jésus est inscrit en toutes lettres  dans l'ADN de chaque être humain depuis que cet être existe sur la planète. Jésus a été le crystallisateur d'une pensée qui ne demandait qu'à s'exprimer depuis la nuit des temps. Aujourd'hui, ce que la science constate grâce aux travaux de Steven Pinker, c'est que contrairement à ce que nous rabâche aujourd'hui les médias sur les guerres d'Ukraine et de Palestine, jamais le monde n'a été si facile à vivre pour la plupart des humains. Aujourd'hui, les puérilités du catéchisme peuvent disparaître avec le supplice de la crucifixion. La volonté de vivre en paix gagne le monde sans nécessité religieuse, car cette volonté est inscrite dans l'ADN de chacun.

Sauf que le judaïsme collectionneur de prix Nobel a compris ce phénomène avant tout le monde.

Je crois qu'au fond de moi, je suis un Juif athée comme je suis un «foromeur» athée, un artiste athée et un aviateur athée (un peu en fin de course, cela dit, ce qui ne me fait ni chaud ni froid, car la musique a une fin, mais la fin de la musique, ce n'est pas la musique).

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Message par Bergame Jeu 29 Fév 2024 - 19:17

Ah oui ? Que devient la musique lorsque les instruments cessent de jouer ?

_________________
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