Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Salut baptiste.
Ce que je comprend dans ta critique de la démocratie représentative, c'est son incapacité qui te semble avérée.
Cette incapacité serait une conséquence de :
Or effectivement ce n'est pas ce qu'on semble attendre du pouvoir représentatif et de l'Etat.
Ce qu'on en attend serait plus une efficacité accrue par la mise en commun de nos ressources et de nos volontés au travers de compétences. La démocratie élective étant le levier supplémentaire permettant de légitimer l'action qui peut alors se développer pleinement.
La désaffection citoyenne pour ses représentants met à mal cette grande aspiration, elle affaiblit la légitimité et l'action politique qui pourrait en sortir.
Mais peut-être qu'également cette désaffection est renforcée par l'impérieuse considération du manque d'efficacité, de fréquence ou de justesse de l'action commune venant de l'Etat, et que d'ailleurs ce soit en regard de ses intérêts privés ou non.
Cela est le signe que la confiance en la démocratie représentative, mais aussi élective, n'est pas acquise. Il faut tout de même voir que cette confiance n'est pas donnée d'emblée, et que chaque individu doit l'éprouver. Le bel idéal du bien commun et de la fédération des volontés des individus, formant le peuple, institutionnalisé par la république n'est plus si évident lorsqu'il ne doit plus être que des mots.
La désaffection pour la citoyenneté institutionnelle, la république, est peut-être le signe d'un individualisme croissant, mais pas forcément, des solidarités et des aspirations communes parallèles existent peut-être également.
Alors la démocratie représentative et en échec ?
Son objectif est d'agir là où elle pense que la démocratie n'agit pas assez ou est bloquée, en tout cas pas dans son sens. Et en tant qu'action politique, elle envisage de décider pour tous ; que ses décisions et ses aspirations se déploie dans la sphère commune, sous la forme de lois.
Ce genre d'action me semble un peu celui de ceux qui ne veulent pas s'en laisser imposer tout simplement, pour qui le processus électif ne convient pas. On sort en quelque sorte d'une démarche démocratique bien que peut-être cela reste une démarche citoyenne.
Alors est-ce que le constat d'échec est justifié ? Est-ce que l'action démocratique est en panne dans sa forme représentative ?
Il faudrait déjà identifier les modes d'action de la démocratie représentative. Certains de ces modes ne lui étant peut-être pas exclusif :
Les moyens économiques sont la condition de l'action publique. Cela je pense que tout le monde en est plutôt conscient, mais la critique que l'on entend le plus souvent c'est que les moyens économiques collectés ne sont pas utilisés à bon escient. On retombe sur la critique de la délégation de décision légitimée par le processus électif.
Pour ma part, je l'ai déjà dis, je pense que un peu plus de démocratie directe serait profitable pour renouer avec l'implication citoyenne.
PS: Je pense que certaines considérations rejoignent un peu la réponse que t'a faite hks.
Ce que je comprend dans ta critique de la démocratie représentative, c'est son incapacité qui te semble avérée.
Cette incapacité serait une conséquence de :
- Une course au pouvoir ; c'est à dire, dans nos démocraties, un élitisme.
- Ce même élitisme conduit à ne pas remplir ses missions comme les citoyens l'attendent, un manque d'engagement et de courage politique.
- Une perte de vue de la citoyenneté par les individus, un individualisme qui n'est plus à même de motiver les représentants.
- Au final un Etat devenu gestionnaire faute de mieux.
Or effectivement ce n'est pas ce qu'on semble attendre du pouvoir représentatif et de l'Etat.
Ce qu'on en attend serait plus une efficacité accrue par la mise en commun de nos ressources et de nos volontés au travers de compétences. La démocratie élective étant le levier supplémentaire permettant de légitimer l'action qui peut alors se développer pleinement.
La désaffection citoyenne pour ses représentants met à mal cette grande aspiration, elle affaiblit la légitimité et l'action politique qui pourrait en sortir.
Maintenant, la cause de la désaffection n'est pas forcément triviale.baptiste a écrit:Dans la démocratie moderne, le bien commun ne peut devenir commun au sens du monde commun ; il reste strictement privé. Il n’y a aujourd’hui de commun que le gouvernement nommé pour protéger les uns des autres les hommes dans leur lutte pour les jouissances matérielles. L’évidente contradiction de cette conception moderne du gouvernement dans laquelle les hommes n’ont plus en commun que leurs intérêts privés, le public devenu une fonction du privé et le privé devenu la seule et unique préoccupation commune ne permet pas à la démocratie représentative de prendre les dispositions nécessaires pour la sauvegarde du bien commun.
Elle pourrait venir d'un d'individualisme se renforçant. Cet individualisme étant peut-être la considération à titre individuel, d'un affaiblissement de l'impact, pour son intérêt privé, de l'action commune en considération de l'action individuelle.baptiste a écrit:L'individualisme brise la communauté, le désengagement laisse le terrain libre à l'administration, aux intérêts des puissants et ouvre donc la voie à une certaine forme de despotisme.
Mais peut-être qu'également cette désaffection est renforcée par l'impérieuse considération du manque d'efficacité, de fréquence ou de justesse de l'action commune venant de l'Etat, et que d'ailleurs ce soit en regard de ses intérêts privés ou non.
Cela est le signe que la confiance en la démocratie représentative, mais aussi élective, n'est pas acquise. Il faut tout de même voir que cette confiance n'est pas donnée d'emblée, et que chaque individu doit l'éprouver. Le bel idéal du bien commun et de la fédération des volontés des individus, formant le peuple, institutionnalisé par la république n'est plus si évident lorsqu'il ne doit plus être que des mots.
La désaffection pour la citoyenneté institutionnelle, la république, est peut-être le signe d'un individualisme croissant, mais pas forcément, des solidarités et des aspirations communes parallèles existent peut-être également.
Quoiqu'il en soit, cette apparente désaffection semble conduire à un enrayement du système. L'Etat n'assure plus qu'un rôle de gestionnaire, concernant des missions sociétales bien en place, un conservatisme semble s'installer, les actions politiques visent à regagner la confiance des citoyens dans les institutions politiques, elles sont peu ambitieuses et à courte échéance, cela peut être interprété comme un élitisme oligarchique clientéliste, ou comme la conséquence de la perte de moyens d'actions du fait d'une perte de légitimité et de la nécessité de regagner la confiance, c'est selon.baptiste a écrit:La démocratie est devenue conservatisme simplement parce que la majorité craint d'avoir plus à perdre qu'à gagner dans une évolution quelconque.
Alors la démocratie représentative et en échec ?
Si on le croit, on peut être tenté par l'action directe, sans intermédiaire. Mais l'action directe est déjà possible au travers du monde associatif, alors de qu'elle action parle-t-on ? De l'action politique. L'action directe politique est une action qui s'affranchit du choix démocratique, et pas uniquement représentatif, mais électif.baptiste a écrit:
Ce n’est pas le mode d’agir qui est en cause, simplement l’absence d’agir, quitter le mode douillet de la vie privé pour se lancer dans la vie publique n’est pas le fait de tout le monde lorsque le geste minimum d’aller voter n’est pas accompli, lorsque les partis politiques voient leurs effectifs fondre comme neige au soleil, si la démocratie continue tout de même d’exister, c’est à sa créativité quelle doit sa capacité à générer ses propres contrepoisons.
Son objectif est d'agir là où elle pense que la démocratie n'agit pas assez ou est bloquée, en tout cas pas dans son sens. Et en tant qu'action politique, elle envisage de décider pour tous ; que ses décisions et ses aspirations se déploie dans la sphère commune, sous la forme de lois.
Ce genre d'action me semble un peu celui de ceux qui ne veulent pas s'en laisser imposer tout simplement, pour qui le processus électif ne convient pas. On sort en quelque sorte d'une démarche démocratique bien que peut-être cela reste une démarche citoyenne.
Il y également dans ce court-circuitage, l'allusion que l'action politique serait neutralisé par le système en place, que cela n'irait pas assez vite, pas comme cela devrait. Or, les représentants ne font pas que ce qu'ils veulent, ils ont des contraintes, et des engagements, on ne leurs a pas donné carte blanche et ils devront choisir des priorités.baptiste a écrit:Le système représentatif est insuffisant à prendre en compte le bien commun alors que la question de celui-ci devient brûlante, si nul ne peut démocratiquement forcer les citoyens transformés en consommateurs insatisfaits à participer, la démocratie permet à ceux qui croient en l’action citoyenne d’agir.
Alors est-ce que le constat d'échec est justifié ? Est-ce que l'action démocratique est en panne dans sa forme représentative ?
Il faudrait déjà identifier les modes d'action de la démocratie représentative. Certains de ces modes ne lui étant peut-être pas exclusif :
- Il y a d'abord les lois. En promulguant des lois, cela oriente et cadre la volonté politique.
- Ensuite il y a les institutions, pour faire appliquer les lois.
- Et ces institutions pour fonctionner ont besoin d'être administrées.
- Enfin la collecte de l'impôt permet le fonctionnement des institutions à la hauteur de ce qu'on en attend.
- Il y a également les actions par procuration par le financement d'actions citoyennes non politiques, ou de délégation de services public.
Les moyens économiques sont la condition de l'action publique. Cela je pense que tout le monde en est plutôt conscient, mais la critique que l'on entend le plus souvent c'est que les moyens économiques collectés ne sont pas utilisés à bon escient. On retombe sur la critique de la délégation de décision légitimée par le processus électif.
Je ne sais toujours pas si ta vision de la réforme démocratique penche vers l'action politique engagée mais unilatérale, au sens qu'elle tente de s'affranchir du verrou électif, ou plutôt vers un engagement citoyen s'en remettant in fine à la décision souveraine du vote populaire (se pose également la question de la pertinence de la soumission des propositions, au vote).baptiste a écrit:La démocratie est une activité collective dont la fonction essentielle est de « faire société », la démocratie représentative ne semble plus à même de remplir cette mission, élitiste elle ne représente plus la réalité du corps social mais le plus grave c’est qu’elle paraisse incapable de s’auto réformer et intégrer une vision du long terme.
Pour ma part, je l'ai déjà dis, je pense que un peu plus de démocratie directe serait profitable pour renouer avec l'implication citoyenne.
Je crois plutôt que le symptôme de la désaffection commence à mettre en évidence que l'abandon par les individus de leur propre souveraineté n'est pas si triviale que cela. On entre peut-être dans l'âge adulte de la démocratie, la sortie d'un idéal et la considération d'un système ayant quand même besoin d'un peu d'huile dans ses rouages.baptiste a écrit:Ce que nous appelons démocraties ne sont en réalité que des oligarchies électives. Ce qu’illustre parfaitement la célèbre formule de Rousseau dans le Contrat Social : « à prendre le terme à la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie et il n’en existera jamais ».
PS: Je pense que certaines considérations rejoignent un peu la réponse que t'a faite hks.
quid- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Un intervenant espagnol disait justement à la radio, que les occidentaux qui n' avaient que le mot "Démocratie" à la bouche , vivaient 80% de leur vie dans des lieux et des situations démocratiques.....;Aussi surprenant que ça paraisse c'est tout à fait exact.
Autre point factuel : La Démocratie n' a existé qu'avec des esclaves humains ou virtuels ( KW/indiv....Jancovici parle de 120 à 150 Kw dispo par indiv en permanence )...Quid de la pénurie d'abondance et d'énergie bon marché ?
@Baptiste :
Votre exposé est brillant , mais je ne pense pas que les rétroactions que vous suggérez puissent faire autre chose que de permettre à un système qui se délite de durer un peu plus .
La dynamique globalisatrice potentielle depuis le néolithique et boostée par l' énergie, dynamique, a mon sens à l' origine de tous les effondrements de civilisations, semble inéluctable ( "Du Pouvoir , une histoire de sa croissance " de B. de Jouvenel le montre assez bien.
Le risque essentiel, a mon avis, c'est que malgré la fin de l'énergie gratuite, il y aura un "effet de collage" au modèle consumériste antérieur. Et cet effet sera plus traumatisant que la déplétion économique elle même, en implication sociétales.
Autre point factuel : La Démocratie n' a existé qu'avec des esclaves humains ou virtuels ( KW/indiv....Jancovici parle de 120 à 150 Kw dispo par indiv en permanence )...Quid de la pénurie d'abondance et d'énergie bon marché ?
@Baptiste :
Votre exposé est brillant , mais je ne pense pas que les rétroactions que vous suggérez puissent faire autre chose que de permettre à un système qui se délite de durer un peu plus .
La dynamique globalisatrice potentielle depuis le néolithique et boostée par l' énergie, dynamique, a mon sens à l' origine de tous les effondrements de civilisations, semble inéluctable ( "Du Pouvoir , une histoire de sa croissance " de B. de Jouvenel le montre assez bien.
Le risque essentiel, a mon avis, c'est que malgré la fin de l'énergie gratuite, il y aura un "effet de collage" au modèle consumériste antérieur. Et cet effet sera plus traumatisant que la déplétion économique elle même, en implication sociétales.
kercoz- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Sur l’état d’esprit démocratique et la fin de la politique
« N’importe qui » ? N’importe qui ce sont les citoyens. Si c’est la durée le problème, on peut l’allonger. Le système d’ « alternance » actuelle ne brille pas non plus par sa continuité : en matière de politique fiscale, pénale, de santé, ça passe son temps à faire, défaire, refaire, redéfaire…
Alors que nous sommes les tenants de notre démocratie, tu me dis que nous ne pouvons rien espérer de nous-mêmes. Je vous pose la question : sommes-nous dignes de vouloir la démocratie si on ne croit pas en notre capacité à nous gouverner nous-mêmes de façon rationnelle, juste et libre ? La réponse est non. Nous ne pouvons pas prétendre à l’avènement d’une démocratie meilleure si nous n’avons pas, préalablement, la prétention à pouvoir être meilleurs nous-mêmes. C’est une question de présupposé logique. Mais surtout, je pense que tu n’as pas compris de quoi je parle. La suite montre que tu fais un contre-sens.
J’ai peur que la démocratie représentative ne soit en train de tuer la politique en générant deux écueils : d’un côté, l’anti-politisme (vote populiste et rejet du système sans vote populiste), de l’autre l’apolitisme (abstention 1er parti de France). Je maintiens que les deux tendances convergent vers une fin hypothétique de la politique et je maintiens aussi que les responsables ne sont ni véritablement les citoyens ni même les politiciens mais l’électoralisme et la représentativité. Aussi faut-il cesser de réanimer le cadavre de la démocratie représentative. Ca ne fait que rendre son trépas interminable. Devenue une sous-démocratie qui favorise les mensonges et les conflits pour finalement faire naître amertume et déception, j’opte pour son euthanasie en douceur plutôt que l’acharnement électoral. Il rend malhonnêtes des politiciens qui, en d’autres circonstances, ne le seraient pas et il ensauvage des populations excédées qui, en d’autres circonstances, seraient raisonnables. La question est : réussira-t-on à s’autoriser à penser que ce modèle est devenu obsolète ? Car il faut être particulièrement mal avisé pourquoi croire qu'un modèle politique est fait pour l’éternité et qu’il n'est jamais remplacé.
Alors soyons clairs : il ne s’agit pas tant de protéger la démocratie que de sauver plus généralement la politique d’une dégradation ininterrompue. A quoi sert la politique aujourd’hui ? Le nombre de ceux qui répondent « à rien » ne cessent de progresser. Et les habillages de leurs réponses sont diverses : populisme et abstention je l’ai déjà dit, mais aussi impuissance face à la mondialisation, face au règne de la finance, face aux organismes supranationaux considérés à tort comme des ennemis, etc. Ce à quoi il faudra faire face demain ne sera pas une idéologie mais un état d’esprit. Et cet état d’esprit s’appellera – s’appelle déjà – la résignation. Résignation à laquelle certains d’entre vous donnent les airs de je ne sais quelle sagesse du fond des âges à laquelle j’aurais tort de ne pas me ranger. La vérité c’est qu’on est devenu des démocrates de canapé avec autant d’imagination politique qu’une assiette de petits pois.... Surtout ne bougeons pas, le progrès politique va tomber comme un fruit mûr.
Sur une théorie normative de la démocratie : un système politique peut-il forcer ses citoyens à être raisonnables ?
Au lieu d’insulter l’avenir et la raison, je me dis que rien ne changera si on ne se prend pas en charge. Il faut créer un nouveau système dont les conditions d’exercice assureront le discernement politique et l’expression de la raison. Aux dernières nouvelles, ni l’un ni l’autre n’était l’apanage des élus politiques – et surtout pas en ce moment – mais potentiellement présents en chacun de nous : tout homme est doué de raison, au système de faire en sorte qu’il s’en serve. La souveraineté populaire et la raison politique ne se combineront peut-être pas spontanément, mais nous pouvons obtenir cette combinaison par l’établissement d’un système contraignant. Par conséquent, me dire que la démocratie délibérative et directe mènera au bordel n’est pas un argument valable – si tant que la peur soit un argument – si on omet de dire que la réussite de ce système n’est pas attendue sous une forme spontanée mais sous la pression de normes contraignantes. Critiquez-moi si vous voulez mais faites au moins les bonnes critiques. Reprochez-moi de vouloir instaurer une dictature de la raison, vous aurez au moins l’air d’avoir compris quelque chose. A la question « peut-on forcer quelqu’un à être raisonnable ? » (dans les affaires publiques), je réponds non. En revanche, dans une situation où on a le choix entre un système qui fait en sorte que les citoyens s’y contraignent par décision autonome et un autre qui fait en sorte qu’ils ne se contraignent à rien, je dis qu’il est possible et obligatoire de choisir le premier. Or la démocratie représentative correspond exactement au second, c'est-à-dire un système qui considère que l’irresponabilité générale est organisable et gérable politiquement et que l’autonomie est une pénibilité inutile dans la sphère publique car elle prive le peuple du bonheur de se soulager sans barrière; en conséquence de quoi, si cette autonomie a de la valeur, c'est uniquement pour les questions privées.
On cherche une théorie normative de la démocratie, c'est-à-dire une façon pénible, disciplinée, réglementée mais surtout idéale d’exercer la souveraineté. Il se peut que certains y soient opposés car les normes en question reposeront, très probablement, sur un système de valeurs extérieur et indépendant de la démocratie, c'est-à-dire des valeurs qui ne seront pas établies démocratiquement (ni même politiquement) mais qui auront la prétention d’être universelles. Le but n’est pas que les gens ne désapprouvent pas ces normes, il est que les gens ne puissent pas les trouver déraisonnables. La démocratie purement agrégative, celle qui est juste comptable et qui permet d’envoyer Poutine au pouvoir à vie, exige pour son propre fonctionnement que le système soit indifférent aux choix politiques qu’il génère. Or, depuis longtemps déjà dans les démocraties occidentales, l’idée d’un système démocratique indifférent à ses propres résultats est devenue inacceptable. C’est l’un des problèmes auxquels veut répondre toute théorie normative, en particulier celle de la démocratie délibérative.
Sur Habermas, Rawls et la démocratie délibérative
Comme l'a dit Bergame, la théorie délibérative s’inscrit dans la lignée des travaux de Habermas et de Rawls, considérés comme ses pères fondateurs. Elle veut que la décision émerge d’une délibération collective, argumentée, libre et équitable. Il s’agit de penser un modèle démocratique qui pourra éliminer, par ses propres principes de fonctionnement, les propositions épistémiquement ou moralement contestables pour ne conserver que celles qui passeront avec succès l’épreuve de la raison. En ce sens, les deux auteurs ne conçoivent pas la démocratie autrement que comme un idéal subordonné à des conditions d’acceptabilité. Ils tentent de ce fait de corriger l’indifférence du modèle actuel face à ses propres fruits et poursuivent un objectif de résolution des conflits dans des sociétés pourtant pluralistes.
Le premier problème est que, quel que soit l’angle sous lequel on aborde une théorie normative de la démocratie, on retombe toujours sur la question de la légitimité. Habermas a voulu court-circuiter cet obstacle avec son principe d’universalisation et son éthique de la discussion. Il voudrait que le moment de l’arbitrage n’existe plus, que sur les questions pratiques (morales) un consensus raisonnable émerge à l’issue d’une discussion argumentée et normée. Evidemment, s’il n’y a plus rien à arbitrer, ledit problème de légitimité ne se pose plus.
Le principe d’universalisation, qui retravaille l’impératif catégorique, n’est pas une norme mais la condition universelle à laquelle doivent obéir les normes-candidates pour devenir des normes validées. Il dit ceci : « les conséquences et les effets secondaires qui (de manière prévisible) proviennent du fait que la norme a été universellement observée dans l’intention de satisfaire les intérêts de tout un chacun peuvent être acceptés par toutes les personnes concernées (et préférés aux répercussions des autres possibilités connues de règlement). »
Quant à son éthique de la discussion, elle reprend une idée qui n’est pas de lui mais de Karl-Otto Apel selon laquelle les co-sujets d’une discussion présupposent nécessairement, avant de communiquer, un déroulement idéal de leur discussion. Habermas écrit « Je développerai la thèse selon laquelle tout acteur communicationnel qui accomplit un acte de parole quelconque est forcé d’exprimer des prétentions universelles à la validité et de supposer qu’il est possible de les honorer. Pour autant qu’il veut d’une façon générale participer à un processus d’intercompréhension, il ne peut éviter d’émettre les prétentions universelles suivantes et précisément celles-là : s’exprimer de façon intelligible, donner quelque chose à entendre, se faire comprendre et s’entendre l’un l’autre. (…) Le but de l’intercompréhension est de parvenir à un accord (Einverständnis) qui conduise à la communauté intersubjective de la compréhension réciproque, du savoir partagé, de la confiance réciproque et de la convergence des vues. A ces quatre dimensions de la communauté intersubjective correspondent quatre prétentions à la validité qui sont l’intelligibilité, la vérité, la sincérité et la justesse, et sur lesquelles l’accord repose. »
Plutôt que de se fonder sur l’expérience, il faut s’appuyer sur nos présupposés et nos prétentions qui seraient inévitablement tournées vers une éthique universelle. D’ailleurs, il cite Apel selon qui l’éthique de la discussion ne consiste pas à observer la réalité des comportements mais à réfléchir aux « conditions de possibilités normatives de l’intercompréhension que nous devons nécessairement toujours présupposer, chez nous-mêmes et chez d’autres, et que nous avons nécessairement toujours déjà acceptées ». Habermas parle de « situation idéale de parole » à laquelle on accède seulement par un effort d’abstraction et dans laquelle le citoyen est indemne de toute influence et de toute pression sociale. L’égalité de parole reste pour Habermas la première des égalités nécessaires à la fondation d’une société juste car elle permet la libre d’expression de chacun. Il est conscient que sa théorie concerne une communauté idéale. Sur ce point, il insiste sur le besoin d’ « institutionnaliser les discussions ».
Rawls est présenté comme un contractualiste, un libéral et un kantien comme Habermas. Sa réflexion tourne autour d’une théorie de la justice définie comme équité, conditionnée à l’autonomie des individus et considérée en soi comme une théorie politique. En vérité, on ne sait pas trop s’il parle de politique ou de morale.
Il cherche une situation d’autonomie où des individus libres et égaux décideraient rationnellement de leur propre loi et se reposeraient sur des principes permettant la résolution des conflits au bénéfice de tous. Je précise que Rawls tient absolument à ce que sa théorie soit réalisable et applicable. Il recourt au concept du « voile d’ignorance », utilisé par Kant, Hobbes et d’autres, pour poser l’égalité des droits de chaque individu comme un impératif catégorique. Le « voile d’ignorance » est l’équivalent de la « situation idéale de parole » chez Habermas, deux positions originelles de la pensée qui n’a pas encore composée avec les circonstances sociales et historiques. Mais comme il a un souci de faisabilité, il va pondérer sa position en considérant que les inégalités sont justes tant qu’une égalité des chances est garantie à tous et qu’il existe une redistribution à l’intention des moins aisés. Aussi il va chercher des règles de co-existence et de coopération équitables dans une situation d’inégalités justes.
Il veut démontrer qu’ « il est rationnel d’être raisonnable ». Pour ce faire, il entend prouver la compatibilité du juste et du bien. Les citoyens d’une société bien ordonnée veulent ce qui est juste parce qu’ainsi ils réalisent leur bien le plus important. Aussi, il serait irrationnel pour eux d’être déraisonnable car ils s’empêcheraient alors de réaliser leur bien. Il écrit : « le désir agir de manière juste et celui exprimer notre nature comme personnes morales libres s'avèrent en pratique être le même désir. »
Rawls développe le concept de « raison publique » comme un principe régulateur et érige la Cour suprême américaine comme le modèle prototypique où s’exercerait le mieux une raison publique libre. Il semble vouloir dire qu’un juge décide mieux de la politique qu’un politicien. La définition qu’il donne est la suivante « dans une société démocratique la raison publique est la raison des citoyens égaux qui en tant que corps collectif exercent le pouvoir politique et coercitif ultime les uns sur les autres en édictant des lois et en amendant la Constitution ». C’est quoi exactement « la raison des citoyens égaux » ? On apprend que cette raison publique est un principe de base qui exige d’un citoyen qu’il justifie publiquement ses choix politiques par des arguments raisonnables dont il pense qu’ils seront acceptables pour d’autres citoyens raisonnables. On voit que cette raison publique va aboutir à une norme de réciprocité des arguments que je vulgarise en « ce que je dis, est-ce que je l’accepterais si c’était autrui qui me le disais ? ». Encore une fois, même si Rawls dit chercher une organisation idéale et réalisable de la société, on peut franchement se demander s’il fait de la philosophie politique ou de la morale.
Quoi qu’il en soit, il va se rendre compte de plusieurs écueils dans sa théorie et va les réviser. L’un d’entre eux est que sa théorie implique forcément de l’intolérance. En effet, la raison publique interdit de tolérer les conceptions et les arguments qui seraient déraisonnables. Or, il est inconcevable pour le libéralisme, dont Rawls se réclame, d’être intolérant. Ce serait le monde à l’envers. Les individus libres et égaux produisent une société pluraliste. Il le sait. Il va donc introduire une distinction entre pluralisme raisonnable et pluralisme tout court qui rend non nécessaire la recherche d’un accord avec tout système de valeurs qui serait hostile à l’idée même d’accord (par exemple le fondamentalisme religieux).
Habermas et Rawls n’ont jamais imaginé de fond en comble comment fonctionnerait une démocratie délibérative et ce que j’ai écrit sur eux est vraiment pauvre. Il y a des choses importantes que je n’ai pas abordées et les deux auteurs ne sont pas forcément d'accord entre eux sur tout. C’est surtout pour donner le ton. En tout cas, leurs positions sont tombées sur le coup de critiques de certains auteurs. « Ces critiques remettent en cause la prétention de ce modèle, dans sa version rawlsienne comme dans sa version habermassienne, à faire prévaloir : la rationalité dans le processus d’échange argumentatif ; la réciprocité des arguments, au sens où les raisons avancées dans la discussion seraient susceptibles d’être acceptables par tous ; l’impartialité des participants auxquels s’imposerait l’obligation de mettre à distance leurs préjugés et d’être capables de s’ouvrir aux autres sans parti pris ; l’universalité d’un accord final, susceptible de transcender les points de vue particuliers. » (Blondiaux)
Parmi l’avant-garde des détracteurs, on peut citer la philosophe politique Chantal Mouffe qui s’insurge contre toute forme de pacification dans la pratique politique et défend, au contraire, les bienfaits d’une démocratie de conflits. Elle épingle au passage le caractère non pas politique mais moral de la démocratie délibérative, ainsi que son inspiration purement libéral. Elle considère la démocratie délibérative comme un signe de la fin de la politique puisqu’elle définit la politique par son essence nécessairement conflictuelle et passionnelle. Pour Rawls, le fond moral de sa théorie ne me surprend pas. A partir du moment où il adosse la politique à « une théorie de la justice », c’est couru d’avance qu'il va faire de la morale. La justice ne peut pas être autre chose qu’un idéal moral et, par définition, elle n’est pas censée être idéologique. Par conséquent cette théorie de la justice ne peut pas faire autrement qu’achever la politique dans sa forme actuelle fondée sur le stratégisme électoral, le carriérisme, le charisme personnel et la recherche d’un ennemi. De son côté, Iris Young, autre théoricienne politique, a voulu montrer aux tenants de la démocratie délibérative à quel point les discussions institutionnalisées excluent les groupes déjà marginalisés. Elle a dénoncé le caractère discriminatoire, élitiste et intolérant de la démocratie délibérative et a milité pour l’acceptation de formes d’échanges moins académiques (« moins civiles », dit-elle) dont le conflit.
Jon Elster, philosophe norvégien, avait noté que la démocratie délibérative est davantage une procédure de transformation des citoyens qu’une procédure de prise de décision, autrement dit que sa visée est de rendre les citoyens plus vertueux, plus respectueux, plus ouverts d’esprit, etc. Certains critiques ont alors souligné que la démocratie délibérative ne peut pas rendre les citoyens vertueux car son bon fonctionnement présuppose qu’ils le soient déjà. Malgré tout, cette dimension transformatrice reste une sérieuse prétention de la délibération. Plutôt que de parler de « transformation », je dirais que la démocratie délibérative se donne les moyens d’actualiser des aspects raisonnables et des idéaux présupposés déjà présents chez les citoyens.
Dans l’ensemble, la démocratie délibérative est très attaquée sur ses prétentions à résoudre les conflits, son projet d’établir des normes universelles extra-politiques (donc non-démocratiques) ainsi que celui de s’émanciper du vote comme solution d’arbitrage ultime. Sa réussite est jugée soit impossible soit nocive. Elle est devenue emblématique d’un irénisme démocratique dans des sociétés de plus en plus mal à l’aise avec la violence. On lui reproche d’être un délire d’universitaires qui s’imaginent que les discussions entre citoyens vont et doivent ressembler à des soutenances de thèses. Suite à ces critiques sur la toute-puissance d’une éthique libérale raisonnable, toute une littérature contemporaine a commencé à pulluler sur le caractère désirable ou non des passions dans le renouveau démocratique. Les auteurs sont partis du constat que la délibération était intolérante aux passions politiques jugées toujours déraisonnables, donc indignes d’être exprimées dans les affaires publiques.
Habermas et Rawls tentent un tour de force : faire qu’un modèle normatif soit aussi un modèle descriptif. A partir du moment où les idéaux implicites et présupposés sont considérés comme réellement présents chez les êtres physiques que nous sommes, ils peuvent faire comme si leur théorie « décrivait » une part certaine de notre fonctionnement réel ou, plus exactement, ils décrivent des idéaux que, réellement, nous présupposons toujours. Ce faisant, ils considèrent que leurs théories remplissent une condition majeure de comptabilité avec la réalité.
Sur la coopération avec l'élite instruite, la responsabilisation des citoyens et le vote
Mais de quel « bon sens populaire » tu me parles ?! Encore ces convulsions de populistes et d’anti-populistes… Je vais être clair : je refuse le cadre de discussion qui veut que de la lutte entre les populistes et les anti-populistes dépende le progrès politique. On ne combat pas le populisme par l’anti-populisme mais par une organisation politique différente qui retire à cette opposition tout son sens. Le « bon sens populaire » ne correspond absolument à rien ni à personne mais ta méfiance à son égard offre au populisme l’effet de contraste dont il a besoin pour faire émerger ses prétendues vérités.
Dans mon esquisse, je pensais avoir été clair : tout repose sur la coopération constante entre les citoyens (le « nous » dont le sens mystérieux t’échappes) et l’élite instruite (savants, experts, professionnels, ONG de toute sorte qui connaissent les sujets et qui ont des idées). Cette solidarité est la condition sine qua none de la démocratie directe. La répartition des rôles est simple : les savants proposent, les citoyens disent oui, non ou à amender. L’idée est de mettre en place une délibération normée entre savants et experts qui serait auditionnée par les citoyens. Si les « délibérateurs » parviennent à un accord qui respecte les normes de délibération, comme je l’ai dit, ils le soumettent à la décision populaire par vote. Sachant que cet accord aura réussi à synthétiser une pluralité de points de vue initialement divergents, il y a de forte chance qu’il soit validé. S’ils ne parviennent à aucun accord, ils soumettent des projets différents aux citoyens qui trancheront par vote mais, à ce moment-là, ils auront eu tout le loisir d’auditionner les arguments des uns et des autres et seront donc instruits sur le sujet. Donc il ne s’agit de laisser n’importe qui décider de n’importe quoi mais de laisser, au contraire, des spécialistes réfléchir entre eux et proposer leurs projets et leurs solutions aux citoyens.
Cette répartition des rôles aurait pour intérêt de préserver la souveraineté populaire puisque les citoyens conservent le pouvoir de décision ultime. Toutefois, comme le pouvoir de proposition est la prérogative de délibérateurs soumis à des normes, on peut penser que les projets seront raisonnablement débattus par des connaisseurs avant d’être présentés. L’autre intérêt c’est avoir des citoyens de plus en plus instruits et éclairés à propos de réalités qu’ils ignorent ou sur lesquels ils ont des préjugés. J’estime, en effet, que le système ne peut pas ne pas avoir un pouvoir positif de transformation sur les participants, délibérateurs et citoyens. Par ailleurs, ce modèle n’est pas incompatible avec le maintien d’un gouvernement exécutif. Ce gouvernement qui a toujours la prétention d’agir pour le bien des citoyens cette fois-ci ne pourra pas dire que ce n’est pas le cas puisqu’il devra faire appliquer leur décision directe. Ce modèle est aussi parfaitement compatible avec le maintien d’une cour constitutionnel, c’est même hautement souhaitable.
Je termine avec la question du vote. Je ne suis pas fan du vote et, comme je l’ai dit, dans la démocratie délibérative il n’est plus censé y avoir de vote car on n’est pas censé en avoir besoin. Même si j’affectionne la démocratie délibérative parce que je la trouve « inspirée » et en phase avec les besoins politiques de son époque, je n’ai jamais été un « puriste » d’un quelconque modèle (c’est peut-être justement ce qui explique que j’incline vers le délibératif). J’ai donc fait une délibération en moi-même et je me suis dit que le vote doit malgré tout être conservé comme procédé d’arbitrage. Si ce vote est précédé par des normes d’acceptabilité qui régulent l’argumentation, je me dis que son résultat est sécurisé, qu’il aura tendance à se rapprocher d’une position raisonnable bien plus que sans ces normes. Si on est assuré d’être toujours au moins dans une « approximation du raisonnable », je considérerais qu’on a réussi.
Quand je parle de vote, je parle de vote de décision directe, pas de vote électoral bien sûr. Je l’ai déjà dit ici, je pense qu’il est vital pour une démocratie que les citoyens soient et se sentent responsables de l’état de leur pays. Chose totalement impossible dans la démocratie de l’irresponsabilité collective, j’ai nommé la démocratie représentative. Cette démocratie représentative exonère les citoyens de tout. C’est elle qui permet aux partis populistes de pouvoir innocenter le peuple de tout, de le considérer comme l’éternelle victime responsable de rien. C’est elle qui, directement, nourrit un mythe du peuple plein de vertus ordinaires (travailleur, honnête, digne, bla bla) et jamais égoïste, jamais désuni, jamais cynique. Cette mythification du peuple est permise par son éternelle mise à distance de l’exercice du pouvoir. C’est désormais officiel : la démocratie représentative a besoin, pour fonctionner, d’un mythe « virginal » du peuple jamais entaché par rien. Or il est indispensable que ce « peuple », au lieu d’être courtisé et adulé comme le saint qu’il n’est pas, soit justiciable, au moins théoriquement, du mauvais état de son pays. Et cela n’est possible que si le « peuple » prend la charge politique sur ses épaules. Le plus important est qu’il exerce sa souveraineté dans une organisation où il ne peut pas faire autrement que s’en vouloir si jamais il produit un mal politique.
L’amélioration politique ne se produira pas tant que le peuple ne se rendra pas compte qu’il est pour lui-même son principal problème et sa principale punition. Or, la démocratie représentative rend impossible cette prise de conscience et entrave tous les idéaux (présupposés ou implicites) de citoyenneté qui voudraient se réaliser suite à une telle prise de conscience. En conséquence de quoi, la représentativité se dresse comme une barrière agréable face au perfectionnement des citoyens : il rend inutile d'être meilleurs. Il tient rigueur à ces citoyens pour leurs défaillances politiques alors que c’est son propre fonctionnement qui fait persister et dégénérer ces défaillances chez eux.
Aldo a écrit:Sérieusement, je ne pense pas que ce soit réaliste de filer le pouvoir à n'importe qui tous les quatre mois et d'imaginer que ça puisse marcher, il faut un minimum de continuité dans une politique, et même clairement de simple responsabilité que, tout comme hks, je ne suis pas prêt à accorder à n'importe qui, c'est comme ça. Sincèrement, je préfère carrément le merdier actuel !
« N’importe qui » ? N’importe qui ce sont les citoyens. Si c’est la durée le problème, on peut l’allonger. Le système d’ « alternance » actuelle ne brille pas non plus par sa continuité : en matière de politique fiscale, pénale, de santé, ça passe son temps à faire, défaire, refaire, redéfaire…
Alors que nous sommes les tenants de notre démocratie, tu me dis que nous ne pouvons rien espérer de nous-mêmes. Je vous pose la question : sommes-nous dignes de vouloir la démocratie si on ne croit pas en notre capacité à nous gouverner nous-mêmes de façon rationnelle, juste et libre ? La réponse est non. Nous ne pouvons pas prétendre à l’avènement d’une démocratie meilleure si nous n’avons pas, préalablement, la prétention à pouvoir être meilleurs nous-mêmes. C’est une question de présupposé logique. Mais surtout, je pense que tu n’as pas compris de quoi je parle. La suite montre que tu fais un contre-sens.
J’ai peur que la démocratie représentative ne soit en train de tuer la politique en générant deux écueils : d’un côté, l’anti-politisme (vote populiste et rejet du système sans vote populiste), de l’autre l’apolitisme (abstention 1er parti de France). Je maintiens que les deux tendances convergent vers une fin hypothétique de la politique et je maintiens aussi que les responsables ne sont ni véritablement les citoyens ni même les politiciens mais l’électoralisme et la représentativité. Aussi faut-il cesser de réanimer le cadavre de la démocratie représentative. Ca ne fait que rendre son trépas interminable. Devenue une sous-démocratie qui favorise les mensonges et les conflits pour finalement faire naître amertume et déception, j’opte pour son euthanasie en douceur plutôt que l’acharnement électoral. Il rend malhonnêtes des politiciens qui, en d’autres circonstances, ne le seraient pas et il ensauvage des populations excédées qui, en d’autres circonstances, seraient raisonnables. La question est : réussira-t-on à s’autoriser à penser que ce modèle est devenu obsolète ? Car il faut être particulièrement mal avisé pourquoi croire qu'un modèle politique est fait pour l’éternité et qu’il n'est jamais remplacé.
Alors soyons clairs : il ne s’agit pas tant de protéger la démocratie que de sauver plus généralement la politique d’une dégradation ininterrompue. A quoi sert la politique aujourd’hui ? Le nombre de ceux qui répondent « à rien » ne cessent de progresser. Et les habillages de leurs réponses sont diverses : populisme et abstention je l’ai déjà dit, mais aussi impuissance face à la mondialisation, face au règne de la finance, face aux organismes supranationaux considérés à tort comme des ennemis, etc. Ce à quoi il faudra faire face demain ne sera pas une idéologie mais un état d’esprit. Et cet état d’esprit s’appellera – s’appelle déjà – la résignation. Résignation à laquelle certains d’entre vous donnent les airs de je ne sais quelle sagesse du fond des âges à laquelle j’aurais tort de ne pas me ranger. La vérité c’est qu’on est devenu des démocrates de canapé avec autant d’imagination politique qu’une assiette de petits pois.... Surtout ne bougeons pas, le progrès politique va tomber comme un fruit mûr.
Sur une théorie normative de la démocratie : un système politique peut-il forcer ses citoyens à être raisonnables ?
Au lieu d’insulter l’avenir et la raison, je me dis que rien ne changera si on ne se prend pas en charge. Il faut créer un nouveau système dont les conditions d’exercice assureront le discernement politique et l’expression de la raison. Aux dernières nouvelles, ni l’un ni l’autre n’était l’apanage des élus politiques – et surtout pas en ce moment – mais potentiellement présents en chacun de nous : tout homme est doué de raison, au système de faire en sorte qu’il s’en serve. La souveraineté populaire et la raison politique ne se combineront peut-être pas spontanément, mais nous pouvons obtenir cette combinaison par l’établissement d’un système contraignant. Par conséquent, me dire que la démocratie délibérative et directe mènera au bordel n’est pas un argument valable – si tant que la peur soit un argument – si on omet de dire que la réussite de ce système n’est pas attendue sous une forme spontanée mais sous la pression de normes contraignantes. Critiquez-moi si vous voulez mais faites au moins les bonnes critiques. Reprochez-moi de vouloir instaurer une dictature de la raison, vous aurez au moins l’air d’avoir compris quelque chose. A la question « peut-on forcer quelqu’un à être raisonnable ? » (dans les affaires publiques), je réponds non. En revanche, dans une situation où on a le choix entre un système qui fait en sorte que les citoyens s’y contraignent par décision autonome et un autre qui fait en sorte qu’ils ne se contraignent à rien, je dis qu’il est possible et obligatoire de choisir le premier. Or la démocratie représentative correspond exactement au second, c'est-à-dire un système qui considère que l’irresponabilité générale est organisable et gérable politiquement et que l’autonomie est une pénibilité inutile dans la sphère publique car elle prive le peuple du bonheur de se soulager sans barrière; en conséquence de quoi, si cette autonomie a de la valeur, c'est uniquement pour les questions privées.
On cherche une théorie normative de la démocratie, c'est-à-dire une façon pénible, disciplinée, réglementée mais surtout idéale d’exercer la souveraineté. Il se peut que certains y soient opposés car les normes en question reposeront, très probablement, sur un système de valeurs extérieur et indépendant de la démocratie, c'est-à-dire des valeurs qui ne seront pas établies démocratiquement (ni même politiquement) mais qui auront la prétention d’être universelles. Le but n’est pas que les gens ne désapprouvent pas ces normes, il est que les gens ne puissent pas les trouver déraisonnables. La démocratie purement agrégative, celle qui est juste comptable et qui permet d’envoyer Poutine au pouvoir à vie, exige pour son propre fonctionnement que le système soit indifférent aux choix politiques qu’il génère. Or, depuis longtemps déjà dans les démocraties occidentales, l’idée d’un système démocratique indifférent à ses propres résultats est devenue inacceptable. C’est l’un des problèmes auxquels veut répondre toute théorie normative, en particulier celle de la démocratie délibérative.
Sur Habermas, Rawls et la démocratie délibérative
Comme l'a dit Bergame, la théorie délibérative s’inscrit dans la lignée des travaux de Habermas et de Rawls, considérés comme ses pères fondateurs. Elle veut que la décision émerge d’une délibération collective, argumentée, libre et équitable. Il s’agit de penser un modèle démocratique qui pourra éliminer, par ses propres principes de fonctionnement, les propositions épistémiquement ou moralement contestables pour ne conserver que celles qui passeront avec succès l’épreuve de la raison. En ce sens, les deux auteurs ne conçoivent pas la démocratie autrement que comme un idéal subordonné à des conditions d’acceptabilité. Ils tentent de ce fait de corriger l’indifférence du modèle actuel face à ses propres fruits et poursuivent un objectif de résolution des conflits dans des sociétés pourtant pluralistes.
Le premier problème est que, quel que soit l’angle sous lequel on aborde une théorie normative de la démocratie, on retombe toujours sur la question de la légitimité. Habermas a voulu court-circuiter cet obstacle avec son principe d’universalisation et son éthique de la discussion. Il voudrait que le moment de l’arbitrage n’existe plus, que sur les questions pratiques (morales) un consensus raisonnable émerge à l’issue d’une discussion argumentée et normée. Evidemment, s’il n’y a plus rien à arbitrer, ledit problème de légitimité ne se pose plus.
Le principe d’universalisation, qui retravaille l’impératif catégorique, n’est pas une norme mais la condition universelle à laquelle doivent obéir les normes-candidates pour devenir des normes validées. Il dit ceci : « les conséquences et les effets secondaires qui (de manière prévisible) proviennent du fait que la norme a été universellement observée dans l’intention de satisfaire les intérêts de tout un chacun peuvent être acceptés par toutes les personnes concernées (et préférés aux répercussions des autres possibilités connues de règlement). »
Quant à son éthique de la discussion, elle reprend une idée qui n’est pas de lui mais de Karl-Otto Apel selon laquelle les co-sujets d’une discussion présupposent nécessairement, avant de communiquer, un déroulement idéal de leur discussion. Habermas écrit « Je développerai la thèse selon laquelle tout acteur communicationnel qui accomplit un acte de parole quelconque est forcé d’exprimer des prétentions universelles à la validité et de supposer qu’il est possible de les honorer. Pour autant qu’il veut d’une façon générale participer à un processus d’intercompréhension, il ne peut éviter d’émettre les prétentions universelles suivantes et précisément celles-là : s’exprimer de façon intelligible, donner quelque chose à entendre, se faire comprendre et s’entendre l’un l’autre. (…) Le but de l’intercompréhension est de parvenir à un accord (Einverständnis) qui conduise à la communauté intersubjective de la compréhension réciproque, du savoir partagé, de la confiance réciproque et de la convergence des vues. A ces quatre dimensions de la communauté intersubjective correspondent quatre prétentions à la validité qui sont l’intelligibilité, la vérité, la sincérité et la justesse, et sur lesquelles l’accord repose. »
Plutôt que de se fonder sur l’expérience, il faut s’appuyer sur nos présupposés et nos prétentions qui seraient inévitablement tournées vers une éthique universelle. D’ailleurs, il cite Apel selon qui l’éthique de la discussion ne consiste pas à observer la réalité des comportements mais à réfléchir aux « conditions de possibilités normatives de l’intercompréhension que nous devons nécessairement toujours présupposer, chez nous-mêmes et chez d’autres, et que nous avons nécessairement toujours déjà acceptées ». Habermas parle de « situation idéale de parole » à laquelle on accède seulement par un effort d’abstraction et dans laquelle le citoyen est indemne de toute influence et de toute pression sociale. L’égalité de parole reste pour Habermas la première des égalités nécessaires à la fondation d’une société juste car elle permet la libre d’expression de chacun. Il est conscient que sa théorie concerne une communauté idéale. Sur ce point, il insiste sur le besoin d’ « institutionnaliser les discussions ».
Rawls est présenté comme un contractualiste, un libéral et un kantien comme Habermas. Sa réflexion tourne autour d’une théorie de la justice définie comme équité, conditionnée à l’autonomie des individus et considérée en soi comme une théorie politique. En vérité, on ne sait pas trop s’il parle de politique ou de morale.
Il cherche une situation d’autonomie où des individus libres et égaux décideraient rationnellement de leur propre loi et se reposeraient sur des principes permettant la résolution des conflits au bénéfice de tous. Je précise que Rawls tient absolument à ce que sa théorie soit réalisable et applicable. Il recourt au concept du « voile d’ignorance », utilisé par Kant, Hobbes et d’autres, pour poser l’égalité des droits de chaque individu comme un impératif catégorique. Le « voile d’ignorance » est l’équivalent de la « situation idéale de parole » chez Habermas, deux positions originelles de la pensée qui n’a pas encore composée avec les circonstances sociales et historiques. Mais comme il a un souci de faisabilité, il va pondérer sa position en considérant que les inégalités sont justes tant qu’une égalité des chances est garantie à tous et qu’il existe une redistribution à l’intention des moins aisés. Aussi il va chercher des règles de co-existence et de coopération équitables dans une situation d’inégalités justes.
Il veut démontrer qu’ « il est rationnel d’être raisonnable ». Pour ce faire, il entend prouver la compatibilité du juste et du bien. Les citoyens d’une société bien ordonnée veulent ce qui est juste parce qu’ainsi ils réalisent leur bien le plus important. Aussi, il serait irrationnel pour eux d’être déraisonnable car ils s’empêcheraient alors de réaliser leur bien. Il écrit : « le désir agir de manière juste et celui exprimer notre nature comme personnes morales libres s'avèrent en pratique être le même désir. »
Rawls développe le concept de « raison publique » comme un principe régulateur et érige la Cour suprême américaine comme le modèle prototypique où s’exercerait le mieux une raison publique libre. Il semble vouloir dire qu’un juge décide mieux de la politique qu’un politicien. La définition qu’il donne est la suivante « dans une société démocratique la raison publique est la raison des citoyens égaux qui en tant que corps collectif exercent le pouvoir politique et coercitif ultime les uns sur les autres en édictant des lois et en amendant la Constitution ». C’est quoi exactement « la raison des citoyens égaux » ? On apprend que cette raison publique est un principe de base qui exige d’un citoyen qu’il justifie publiquement ses choix politiques par des arguments raisonnables dont il pense qu’ils seront acceptables pour d’autres citoyens raisonnables. On voit que cette raison publique va aboutir à une norme de réciprocité des arguments que je vulgarise en « ce que je dis, est-ce que je l’accepterais si c’était autrui qui me le disais ? ». Encore une fois, même si Rawls dit chercher une organisation idéale et réalisable de la société, on peut franchement se demander s’il fait de la philosophie politique ou de la morale.
Quoi qu’il en soit, il va se rendre compte de plusieurs écueils dans sa théorie et va les réviser. L’un d’entre eux est que sa théorie implique forcément de l’intolérance. En effet, la raison publique interdit de tolérer les conceptions et les arguments qui seraient déraisonnables. Or, il est inconcevable pour le libéralisme, dont Rawls se réclame, d’être intolérant. Ce serait le monde à l’envers. Les individus libres et égaux produisent une société pluraliste. Il le sait. Il va donc introduire une distinction entre pluralisme raisonnable et pluralisme tout court qui rend non nécessaire la recherche d’un accord avec tout système de valeurs qui serait hostile à l’idée même d’accord (par exemple le fondamentalisme religieux).
Habermas et Rawls n’ont jamais imaginé de fond en comble comment fonctionnerait une démocratie délibérative et ce que j’ai écrit sur eux est vraiment pauvre. Il y a des choses importantes que je n’ai pas abordées et les deux auteurs ne sont pas forcément d'accord entre eux sur tout. C’est surtout pour donner le ton. En tout cas, leurs positions sont tombées sur le coup de critiques de certains auteurs. « Ces critiques remettent en cause la prétention de ce modèle, dans sa version rawlsienne comme dans sa version habermassienne, à faire prévaloir : la rationalité dans le processus d’échange argumentatif ; la réciprocité des arguments, au sens où les raisons avancées dans la discussion seraient susceptibles d’être acceptables par tous ; l’impartialité des participants auxquels s’imposerait l’obligation de mettre à distance leurs préjugés et d’être capables de s’ouvrir aux autres sans parti pris ; l’universalité d’un accord final, susceptible de transcender les points de vue particuliers. » (Blondiaux)
Parmi l’avant-garde des détracteurs, on peut citer la philosophe politique Chantal Mouffe qui s’insurge contre toute forme de pacification dans la pratique politique et défend, au contraire, les bienfaits d’une démocratie de conflits. Elle épingle au passage le caractère non pas politique mais moral de la démocratie délibérative, ainsi que son inspiration purement libéral. Elle considère la démocratie délibérative comme un signe de la fin de la politique puisqu’elle définit la politique par son essence nécessairement conflictuelle et passionnelle. Pour Rawls, le fond moral de sa théorie ne me surprend pas. A partir du moment où il adosse la politique à « une théorie de la justice », c’est couru d’avance qu'il va faire de la morale. La justice ne peut pas être autre chose qu’un idéal moral et, par définition, elle n’est pas censée être idéologique. Par conséquent cette théorie de la justice ne peut pas faire autrement qu’achever la politique dans sa forme actuelle fondée sur le stratégisme électoral, le carriérisme, le charisme personnel et la recherche d’un ennemi. De son côté, Iris Young, autre théoricienne politique, a voulu montrer aux tenants de la démocratie délibérative à quel point les discussions institutionnalisées excluent les groupes déjà marginalisés. Elle a dénoncé le caractère discriminatoire, élitiste et intolérant de la démocratie délibérative et a milité pour l’acceptation de formes d’échanges moins académiques (« moins civiles », dit-elle) dont le conflit.
Jon Elster, philosophe norvégien, avait noté que la démocratie délibérative est davantage une procédure de transformation des citoyens qu’une procédure de prise de décision, autrement dit que sa visée est de rendre les citoyens plus vertueux, plus respectueux, plus ouverts d’esprit, etc. Certains critiques ont alors souligné que la démocratie délibérative ne peut pas rendre les citoyens vertueux car son bon fonctionnement présuppose qu’ils le soient déjà. Malgré tout, cette dimension transformatrice reste une sérieuse prétention de la délibération. Plutôt que de parler de « transformation », je dirais que la démocratie délibérative se donne les moyens d’actualiser des aspects raisonnables et des idéaux présupposés déjà présents chez les citoyens.
Dans l’ensemble, la démocratie délibérative est très attaquée sur ses prétentions à résoudre les conflits, son projet d’établir des normes universelles extra-politiques (donc non-démocratiques) ainsi que celui de s’émanciper du vote comme solution d’arbitrage ultime. Sa réussite est jugée soit impossible soit nocive. Elle est devenue emblématique d’un irénisme démocratique dans des sociétés de plus en plus mal à l’aise avec la violence. On lui reproche d’être un délire d’universitaires qui s’imaginent que les discussions entre citoyens vont et doivent ressembler à des soutenances de thèses. Suite à ces critiques sur la toute-puissance d’une éthique libérale raisonnable, toute une littérature contemporaine a commencé à pulluler sur le caractère désirable ou non des passions dans le renouveau démocratique. Les auteurs sont partis du constat que la délibération était intolérante aux passions politiques jugées toujours déraisonnables, donc indignes d’être exprimées dans les affaires publiques.
Habermas et Rawls tentent un tour de force : faire qu’un modèle normatif soit aussi un modèle descriptif. A partir du moment où les idéaux implicites et présupposés sont considérés comme réellement présents chez les êtres physiques que nous sommes, ils peuvent faire comme si leur théorie « décrivait » une part certaine de notre fonctionnement réel ou, plus exactement, ils décrivent des idéaux que, réellement, nous présupposons toujours. Ce faisant, ils considèrent que leurs théories remplissent une condition majeure de comptabilité avec la réalité.
Sur la coopération avec l'élite instruite, la responsabilisation des citoyens et le vote
Aldo a écrit:Bref, je n'ai clairement pas la moindre confiance au soi-disant "bon sens populaire" (ni à je-ne-sais quel "nous" que tu emploies). Ma confiance dans le peuple se limite à des sujets très particuliers, pas à sa capacité de réflexion sur tout et n'importe quoi
Mais de quel « bon sens populaire » tu me parles ?! Encore ces convulsions de populistes et d’anti-populistes… Je vais être clair : je refuse le cadre de discussion qui veut que de la lutte entre les populistes et les anti-populistes dépende le progrès politique. On ne combat pas le populisme par l’anti-populisme mais par une organisation politique différente qui retire à cette opposition tout son sens. Le « bon sens populaire » ne correspond absolument à rien ni à personne mais ta méfiance à son égard offre au populisme l’effet de contraste dont il a besoin pour faire émerger ses prétendues vérités.
Dans mon esquisse, je pensais avoir été clair : tout repose sur la coopération constante entre les citoyens (le « nous » dont le sens mystérieux t’échappes) et l’élite instruite (savants, experts, professionnels, ONG de toute sorte qui connaissent les sujets et qui ont des idées). Cette solidarité est la condition sine qua none de la démocratie directe. La répartition des rôles est simple : les savants proposent, les citoyens disent oui, non ou à amender. L’idée est de mettre en place une délibération normée entre savants et experts qui serait auditionnée par les citoyens. Si les « délibérateurs » parviennent à un accord qui respecte les normes de délibération, comme je l’ai dit, ils le soumettent à la décision populaire par vote. Sachant que cet accord aura réussi à synthétiser une pluralité de points de vue initialement divergents, il y a de forte chance qu’il soit validé. S’ils ne parviennent à aucun accord, ils soumettent des projets différents aux citoyens qui trancheront par vote mais, à ce moment-là, ils auront eu tout le loisir d’auditionner les arguments des uns et des autres et seront donc instruits sur le sujet. Donc il ne s’agit de laisser n’importe qui décider de n’importe quoi mais de laisser, au contraire, des spécialistes réfléchir entre eux et proposer leurs projets et leurs solutions aux citoyens.
Cette répartition des rôles aurait pour intérêt de préserver la souveraineté populaire puisque les citoyens conservent le pouvoir de décision ultime. Toutefois, comme le pouvoir de proposition est la prérogative de délibérateurs soumis à des normes, on peut penser que les projets seront raisonnablement débattus par des connaisseurs avant d’être présentés. L’autre intérêt c’est avoir des citoyens de plus en plus instruits et éclairés à propos de réalités qu’ils ignorent ou sur lesquels ils ont des préjugés. J’estime, en effet, que le système ne peut pas ne pas avoir un pouvoir positif de transformation sur les participants, délibérateurs et citoyens. Par ailleurs, ce modèle n’est pas incompatible avec le maintien d’un gouvernement exécutif. Ce gouvernement qui a toujours la prétention d’agir pour le bien des citoyens cette fois-ci ne pourra pas dire que ce n’est pas le cas puisqu’il devra faire appliquer leur décision directe. Ce modèle est aussi parfaitement compatible avec le maintien d’une cour constitutionnel, c’est même hautement souhaitable.
Je termine avec la question du vote. Je ne suis pas fan du vote et, comme je l’ai dit, dans la démocratie délibérative il n’est plus censé y avoir de vote car on n’est pas censé en avoir besoin. Même si j’affectionne la démocratie délibérative parce que je la trouve « inspirée » et en phase avec les besoins politiques de son époque, je n’ai jamais été un « puriste » d’un quelconque modèle (c’est peut-être justement ce qui explique que j’incline vers le délibératif). J’ai donc fait une délibération en moi-même et je me suis dit que le vote doit malgré tout être conservé comme procédé d’arbitrage. Si ce vote est précédé par des normes d’acceptabilité qui régulent l’argumentation, je me dis que son résultat est sécurisé, qu’il aura tendance à se rapprocher d’une position raisonnable bien plus que sans ces normes. Si on est assuré d’être toujours au moins dans une « approximation du raisonnable », je considérerais qu’on a réussi.
Quand je parle de vote, je parle de vote de décision directe, pas de vote électoral bien sûr. Je l’ai déjà dit ici, je pense qu’il est vital pour une démocratie que les citoyens soient et se sentent responsables de l’état de leur pays. Chose totalement impossible dans la démocratie de l’irresponsabilité collective, j’ai nommé la démocratie représentative. Cette démocratie représentative exonère les citoyens de tout. C’est elle qui permet aux partis populistes de pouvoir innocenter le peuple de tout, de le considérer comme l’éternelle victime responsable de rien. C’est elle qui, directement, nourrit un mythe du peuple plein de vertus ordinaires (travailleur, honnête, digne, bla bla) et jamais égoïste, jamais désuni, jamais cynique. Cette mythification du peuple est permise par son éternelle mise à distance de l’exercice du pouvoir. C’est désormais officiel : la démocratie représentative a besoin, pour fonctionner, d’un mythe « virginal » du peuple jamais entaché par rien. Or il est indispensable que ce « peuple », au lieu d’être courtisé et adulé comme le saint qu’il n’est pas, soit justiciable, au moins théoriquement, du mauvais état de son pays. Et cela n’est possible que si le « peuple » prend la charge politique sur ses épaules. Le plus important est qu’il exerce sa souveraineté dans une organisation où il ne peut pas faire autrement que s’en vouloir si jamais il produit un mal politique.
L’amélioration politique ne se produira pas tant que le peuple ne se rendra pas compte qu’il est pour lui-même son principal problème et sa principale punition. Or, la démocratie représentative rend impossible cette prise de conscience et entrave tous les idéaux (présupposés ou implicites) de citoyenneté qui voudraient se réaliser suite à une telle prise de conscience. En conséquence de quoi, la représentativité se dresse comme une barrière agréable face au perfectionnement des citoyens : il rend inutile d'être meilleurs. Il tient rigueur à ces citoyens pour leurs défaillances politiques alors que c’est son propre fonctionnement qui fait persister et dégénérer ces défaillances chez eux.
Dernière édition par Ataraxie le Jeu 3 Juil 2014 - 0:21, édité 1 fois
Ataraxie- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 18/05/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
à Ataraxie
Peut-être, mais ils ne seront pas devenus des spécialistes pour autant . A mon avis pour bien juger des options présentées par les spécialistes il faut être soi même spécialiste.
Ce qu'on peu espérer d' un représentant c'est un certain professionnalisme. Ça ne fait certes pas de lui un expert mais disons que de la chose politique il est mieux apte, par formation, à juger que le citoyen lambda. Ce n'est pas à la mode, certes, tout le monde se pense apte à bien juger. ( je défends les politiciens... désolé )
Que font les médias actuellement ? C'est très simple...
Sarkozy parle ( par exemple ), on va voir immédiatement ce qu'en disent les réseaux sociaux .( et le pire= twitter ) Le stade ultime de la politique par sondage. Dévoiement de la politique par sondage, laquelle n'était déjà pas si acceptable.
* c'est dit dans" le droit des gens 1996" me semble- t -il
ils auront eu tout le loisir d’auditionner les arguments des uns et des autres et seront donc instruits sur le sujet.
Peut-être, mais ils ne seront pas devenus des spécialistes pour autant . A mon avis pour bien juger des options présentées par les spécialistes il faut être soi même spécialiste.
Ce qu'on peu espérer d' un représentant c'est un certain professionnalisme. Ça ne fait certes pas de lui un expert mais disons que de la chose politique il est mieux apte, par formation, à juger que le citoyen lambda. Ce n'est pas à la mode, certes, tout le monde se pense apte à bien juger. ( je défends les politiciens... désolé )
Que font les médias actuellement ? C'est très simple...
Sarkozy parle ( par exemple ), on va voir immédiatement ce qu'en disent les réseaux sociaux .( et le pire= twitter ) Le stade ultime de la politique par sondage. Dévoiement de la politique par sondage, laquelle n'était déjà pas si acceptable.
Rawls* table sur un possibilité d accord . Et même avec des régimes théocratiques ( disons modérés ) ... effectivement avec des régimes extrêmement belliqueux il n y a pas d'accord possible.( mais de ça tout le monde en convient )En effet, la raison publique interdit de tolérer les conceptions et les arguments qui seraient déraisonnables. Or, il est inconcevable pour le libéralisme, dont Rawls se réclame, d’être intolérant. Ce serait le monde à l’envers. Les individus libres et égaux produisent une société pluraliste. Il le sait. Il va donc introduire une distinction entre pluralisme raisonnable et pluralisme tout court qui rend non nécessaire la recherche d’un accord avec tout système de valeurs qui serait hostile à l’idée même d’accord (par exemple le fondamentalisme religieux).
* c'est dit dans" le droit des gens 1996" me semble- t -il
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Ataraxie,
Deux réponses rapides :
Oui les citoyens sont dignes de la démocratie même si on ne croit pas que... etc !
... et non, je ne crois pas à une quelconque capacité citoyenne de se gouverner de façon "rationnelle, juste et libre". Pas en l'état actuel de la psychologie humaine (je développe un peu, plus bas).
Oui je maintiens qu'il existe un "bon sens populaire" particulièrement débilitant (ne serait-ce que l'exemple récurrent de juger de tout et de n'importe quoi sur un seul plan moral, sans seulement prendre le temps de rechercher les problématiques en cause... et de ne réfléchir qu'ensuite, mais ce dans la simple perspective de se justifier après coup de son jugement).
Reste à voir ce qu'il adviendrait de ce genre de comportement dans ton optique où l'individu-citoyen serait responsabilisé par des points de vue divers, et où lui serait restitué une part de dignité dans la mesure où il est écouté (ça se discute donc).
... et non, je ne suis pas d'accord sur l'idée que je placerais ainsi le débat entre populistes et anti-populistes, je me fous de ces histoires. Ce qui me préoccupe va au delà de ces épiphénomènes politiciens : ça concerne la normalisation des esprits qui se met en place à travers des sociétés qui contrôleront (contrôlent ?) jusque nos pensées (celles d'une majorité stable et large suffisant amplement), qui pourrait bien produire un fascisme particulièrement effrayant, parce qu'adoubé (et la question est de savoir s'il n'est pas désiré) voire contrôlé par le peuple, comme étant "de bon sens" ou "normal".
Pour moi, là et là seul est la vraie actualité politique. Tant mieux si on améliore les règles du jeu démocratique (c'est d'ailleurs peut-être le meilleur procédé). Il n'empêche que si l'on n'est pas conscient en ce faisant du processus global (voire mondialisant) de normalisation de la pensée, ce type de mesures pourrait être juste bon à amuser la galerie.
PS : j'essaierai de lire la partie Habermas
Deux réponses rapides :
Oui les citoyens sont dignes de la démocratie même si on ne croit pas que... etc !
... et non, je ne crois pas à une quelconque capacité citoyenne de se gouverner de façon "rationnelle, juste et libre". Pas en l'état actuel de la psychologie humaine (je développe un peu, plus bas).
Oui je maintiens qu'il existe un "bon sens populaire" particulièrement débilitant (ne serait-ce que l'exemple récurrent de juger de tout et de n'importe quoi sur un seul plan moral, sans seulement prendre le temps de rechercher les problématiques en cause... et de ne réfléchir qu'ensuite, mais ce dans la simple perspective de se justifier après coup de son jugement).
Reste à voir ce qu'il adviendrait de ce genre de comportement dans ton optique où l'individu-citoyen serait responsabilisé par des points de vue divers, et où lui serait restitué une part de dignité dans la mesure où il est écouté (ça se discute donc).
... et non, je ne suis pas d'accord sur l'idée que je placerais ainsi le débat entre populistes et anti-populistes, je me fous de ces histoires. Ce qui me préoccupe va au delà de ces épiphénomènes politiciens : ça concerne la normalisation des esprits qui se met en place à travers des sociétés qui contrôleront (contrôlent ?) jusque nos pensées (celles d'une majorité stable et large suffisant amplement), qui pourrait bien produire un fascisme particulièrement effrayant, parce qu'adoubé (et la question est de savoir s'il n'est pas désiré) voire contrôlé par le peuple, comme étant "de bon sens" ou "normal".
Pour moi, là et là seul est la vraie actualité politique. Tant mieux si on améliore les règles du jeu démocratique (c'est d'ailleurs peut-être le meilleur procédé). Il n'empêche que si l'on n'est pas conscient en ce faisant du processus global (voire mondialisant) de normalisation de la pensée, ce type de mesures pourrait être juste bon à amuser la galerie.
PS : j'essaierai de lire la partie Habermas
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Aldo- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
hks a écrit:à Ataraxieils auront eu tout le loisir d’auditionner les arguments des uns et des autres et seront donc instruits sur le sujet.
Peut-être, mais ils ne seront pas devenus des spécialistes pour autant . A mon avis pour bien juger des options présentées par les spécialistes il faut être soi même spécialiste.
"Bien juger" aura déjà été fait par lesdits spécialistes. Ce qu'il faut ensuite c'est que les personnes concernées par le choix choisissent.
hks a écrit:Ce qu'on peu espérer d' un représentant c'est un certain professionnalisme. Ça ne fait certes pas de lui un expert mais disons que de la chose politique il est mieux apte, par formation, à juger que le citoyen lambda. Ce n'est pas à la mode, certes, tout le monde se pense apte à bien juger. ( je défends les politiciens... désolé )
Que font les médias actuellement ? C'est très simple...
Sarkozy parle ( par exemple ), on va voir immédiatement ce qu'en disent les réseaux sociaux .( et le pire= twitter ) Le stade ultime de la politique par sondage. Dévoiement de la politique par sondage, laquelle n'était déjà pas si acceptable.
Il ne s'agit pas de juger, il s'agit de choisir.
Quand tu dis que "tout le monde se sent apte à juger", je réponds deux choses :
-il existe déjà dans les démocraties des jurys populaires qui rendent un verdict (parois irréversible) dans les procès, un échantillon de citoyens qui rend la justice au nom de tous. Ils sont censés être convaincus par des arguments probants et, en France, des magistrats les encadrent lors du délibéré, ce qui n'est pas très loin de ce qu je décrit. Alors, on fait quoi ? On supprime le principe du jury populaire ?
-le recours à des spécialistes est en soi un aveu d'inaptitude des citoyens à bien exercer leur pouvoir de décision. Seuls des gens qui reconnaissent "qu'ils ne savent pas quoi faire" peuvent demander l'assistance d'un spécialiste. A la limite, on pourrait dire qu'il s'agit d'une souveraineté assistée : les citoyens conservent leur pouvoir de décision mais, connaissant leur nature faillible, ils refusent de l'exercer en dehors des options proposées et argumentées par une élite instruite.
Quant au cas Sarkozy, c'est le pire exemple que tu pouvais choisir.
D'une, sur 7 affaires, 5 (Bettencourt, Khadafi, Karachi, Bygmalion et Azibert) concernent in fine le financement de campagnes électorales. Autrement dit, ça nourrit ma critique contre les effets nocifs de l'électoralisme.
De deux, Nicolas Sarkozy prend lui-même à témoin l'opinion publique en demandant à être jugé d'elle et, ce faisant, il est un artisan actif de la démocratie d'opinion dont il espère largement en tirer un salut.
De trois, Nicolas Sarkozy et les "politiciens" se sont beaucoup appliqués à insulter les juges. Et tant pis s'ils souillaient par la même occasion le principe de justice lui-même car le plus important était de sauver leurs intérêts. C'est très grave : on ne peut pas insulter la justice de la sorte en permanence. Je pourrais adresser une critique comparable aux magistrats pour leur "mur des cons". Mais de toute façon ces travers ne s'arrangeront pas tant que la justice restera liée à la politique.
Tu dis "je défends les politiciens... désolé". Tu n'as pas être "désolé". Je trouve que la figure du politicien souffre beaucoup et que c'est un beau gâchis. Je suis preneur de tout projet qui pourrait la réhabiliter mais je pense que tant que "politicien" sera synonyme d' "élu" ou de "représentant élu" on ne progressera pas.
Ataraxie- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
à Ataraxie
http://droitscisoc.hypotheses.org/129]http://droitscisoc.hypotheses.org/129]http://droitscisoc.hypotheses.org/129]http://droitscisoc.hypotheses.org/129
On va retrouver dans tous les domaines cette résistance des experts face au verdict populaire.
Il y a un équilibre à trouver entre les experts et l' opinion.
Là tu parles contre toi même. Contre l'intervention du verdict populaire.
Il y a une résistance du corps des juristes. Et s'il y a un corps qui sait se défendre c'est bien celui là .Alors, on fait quoi ? On supprime le principe du jury populaire ?
http://droitscisoc.hypotheses.org/129]http://droitscisoc.hypotheses.org/129]http://droitscisoc.hypotheses.org/129]http://droitscisoc.hypotheses.org/129
On va retrouver dans tous les domaines cette résistance des experts face au verdict populaire.
Il y a un équilibre à trouver entre les experts et l' opinion.
mais je pense que tant que "politicien" sera synonyme d' "élu" ou de "représentant élu" on ne progressera pas.
Là tu parles contre toi même. Contre l'intervention du verdict populaire.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
PS j' ai pris l' exemple du jour.
Mais chaque jour a un nouvel exemple de thème sur lequel on fait immédiatement appel aux réseaux sociaux.
sur France infos* ...
mais pas sur France culture
ah bon !! On voit déjà un clivage.
*"France infos" respectable par ailleurs ... mais il y a une tendance. Une une tendance "populaire".
et pas seulement il y a aussi une tendance immédiateté
Mais chaque jour a un nouvel exemple de thème sur lequel on fait immédiatement appel aux réseaux sociaux.
sur France infos* ...
mais pas sur France culture
ah bon !! On voit déjà un clivage.
*"France infos" respectable par ailleurs ... mais il y a une tendance. Une une tendance "populaire".
et pas seulement il y a aussi une tendance immédiateté
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Pour ce que j'en pense, les jurys des procès ont surtout l'intérêt de diluer la responsabilité du verdict dans l'anonymat d'une majorité. Sans eux, les juges seraient soumis à des problèmes de conscience insolubles à force de trancher dans des situations souvent affreusement complexes. De plus, grâce aux jurés, les accusés auront une chance de ne pas être jugés selon les seules opinions de tel ou tel juge ; et ainsi les juges capables d'exercer leur fonction ne seront pas ceux-là seuls susceptibles de condamner à répétition sans le moindre scrupule... voire d'autres finissant par acquitter de la même façon, par culpabilité cette fois. Les jurés d'assises permettent de "désubjectiviser" (autant que faire se peut) une situation où juger est en quelque sorte toujours une affaire "trop grande" pour être celle d'un (seul) homme. Ils sont donc une très bonne chose d'un point de vue pragmatique.Ataraxie a écrit:il existe déjà dans les démocraties des jurys populaires qui rendent un verdict (parois irréversible) dans les procès, un échantillon de citoyens qui rend la justice au nom de tous. Ils sont censés être convaincus par des arguments probants et, en France, des magistrats les encadrent lors du délibéré, ce qui n'est pas très loin de ce qu je décrit. Alors, on fait quoi ? On supprime le principe du jury populaire ?
C'est donc un cas très particulier, où d'ailleurs on peut estimer que la gravité du choix sur lequel ils doivent se prononcer, allié au caractère exceptionnel de cette mise en situation à laquelle on les oblige, est cela même qui les rend aussi concernés, et en cela en quelque sorte "efficaces" : le côté rare, exceptionnel de la situation.
C'est d'ailleurs pourquoi ils n'ont aucun intérêt dans les "petites affaires" (civiles et non pénales) où, vu le caractère nettement moins culpabilisant d'avoir à décider de peines courtes, il pourrait être plutôt question de faire valoir ses seuls "points de vue" et autres "opinions" quant à tel ou tel problème, voire telle ou telle conception de la justice... sans plus se soucier de l'accusé, de sa spécificité, et de celle de l'affaire en question. Ce qui bien évidemment n'aurait plus rien à voir avec une justice digne de ce nom !
Dernière édition par Aldo le Ven 4 Juil 2014 - 9:02, édité 3 fois
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Aldo- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Ataraxie a écrit:. Habermas parle de « situation idéale de parole » à laquelle on accède seulement par un effort d’abstraction et dans laquelle le citoyen est indemne de toute influence et de toute pression sociale. L’égalité de parole reste pour Habermas la première des égalités nécessaires à la fondation d’une société juste car elle permet la libre d’expression de chacun. Il est conscient que sa théorie concerne une communauté idéale. Sur ce point, il insiste sur le besoin d’ « institutionnaliser les discussions ».
Rawls est présenté comme un contractualiste, un libéral et un kantien comme Habermas. Sa réflexion tourne autour d’une théorie de la justice définie comme équité, conditionnée à l’autonomie des individus et considérée en soi comme une théorie politique. En vérité, on ne sait pas trop s’il parle de politique ou de morale.
Il cherche une situation d’autonomie où des individus libres et égaux décideraient rationnellement de leur propre loi et se reposeraient sur des principes permettant la résolution des conflits au bénéfice de tous. Je précise que Rawls tient absolument à ce que sa théorie soit réalisable et applicable. Il recourt au concept du « voile d’ignorance », utilisé par Kant, Hobbes et d’autres, pour poser l’égalité des droits de chaque individu comme un impératif catégorique. Le « voile d’ignorance » est l’équivalent de la « situation idéale de parole » chez Habermas, deux positions originelles de la pensée qui n’a pas encore composée avec les circonstances sociales et historiques. Mais comme il a un souci de faisabilité, il va pondérer sa position en considérant que les inégalités sont justes tant qu’une égalité des chances est garantie à tous et qu’il existe une redistribution à l’intention des moins aisés. Aussi il va chercher des règles de co-existence et de coopération équitables dans une situation d’inégalités justes.
Il veut démontrer qu’ « il est rationnel d’être raisonnable ». Pour ce faire, il entend prouver la compatibilité du juste et du bien.
Les intellectuels, ne l'oublions pas, ont bien intégré l'idée qu'il faut que les choses paraissent compliquées. Sinon, à quoi servent-ils ?
La Doctrine des bonnes intentions - Chomsky.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Rawls s' emploie justement à ce qu'elles ne paraissent pas compliquées du tout . Derrière le voile d'ignorance c'est bien d ignorance dont il s'agit.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
C'est curieux ce va et viens entre égalité et équité .....séparés par un filet de "voile d'ignorance" ....On dirait un saut conceptuel irréductible que l' on tente de rafistoler par des règles écrites qui se substitueraient a des règle non écrites ( morale ou droit "naturel").......Ca fait penser a une sorte de réductionnisme, la contrainte de passer d' un modèle "complexe" ( aux rétroactions courtes et multiples) à un modèle simplifié linéaire , seule possibilité accessible à la "raison" .
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
C'est curieux ce va et viens entre égalité et équité .....séparés par un filet de "voile d'ignorance" ....On dirait un saut conceptuel irréductible que l' on tente de rafistoler par des règles écrites qui se substitueraient a des règle non écrites ( morale ou droit "naturel").......Ca fait penser a une sorte de réductionnisme, la contrainte de passer d' un modèle "complexe" ( aux rétroactions courtes et multiples) à un modèle simplifié linéaire , seule possibilité accessible à la "raison"
Est- ce que tu pense à Rawls là?
Mais sans vouloir de fâcher... est- ce que tu as étudié Rawls?
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
hks a écrit:Rawls s' emploie justement à ce qu'elles ne paraissent pas compliquées du tout . Derrière le voile d'ignorance c'est bien d ignorance dont il s'agit.
Le domaine de la politique c’est celui des appartenances, des opinions, des rapports de force, des conflits d’intérêts et de la propagande c'est-à-dire du mensonge, permets moi de m’étonner que l’on puisse prétendre ce qui était soutenu et souligné dans la citation.
A partir d’un « citoyen indemne de toute influence et de toute pression sociale » trouver « une situation d’autonomie où des individus libres et égaux décideraient rationnellement de leur propre loi et se reposeraient sur des principes permettant la résolution des conflits au bénéfice de tous » tout en précisant que « Rawls tient absolument à ce que sa théorie soit réalisable et applicable ». Comment peut-il exister une « pensée qui n’a pas encore composée avec les circonstances sociales et historiques. » ?
C'est qui cet eunuque coupé de ses racines historique, psychologique et sociologique à partir duquel est censé se fonder une réflexion purement rationnelle, comment pourrait-il exister?
«Le vrai trésor de l’homme, c’est le trésor de ses erreurs , Nietzsche définit pour cela l’homme supérieur comme l’être «à la plus longue mémoire». Rompre la continuité avec le passé, vouloir commencer de nouveau, c’est aspirer à descendre et plagier l’orang-outang» OyG La révolte des masses.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
hks a écrit:C'est curieux ce va et viens entre égalité et équité .....séparés par un filet de "voile d'ignorance" ....On dirait un saut conceptuel irréductible que l' on tente de rafistoler par des règles écrites qui se substitueraient a des règle non écrites ( morale ou droit "naturel").......Ca fait penser a une sorte de réductionnisme, la contrainte de passer d' un modèle "complexe" ( aux rétroactions courtes et multiples) à un modèle simplifié linéaire , seule possibilité accessible à la "raison"
Est- ce que tu pense à Rawls là?
Mais sans vouloir de fâcher... est- ce que tu as étudié Rawls?
Je ne connais pas Rawls ( à mettre sur la pile a lire ).
Je commente le texte cité par Ataraxie ...et juste m' interroge sur les phrases ...Elles peuvent bien sur mal inerpréter sa pensée ou être hors contexte ...Il reste cette opposition entre équité et égalité qui m' intéresse .
/////////////
Rawls est présenté comme un contractualiste,...... Sa réflexion tourne autour d’une théorie de la justice définie comme équité, conditionnée à l’autonomie des individus et considérée en soi comme une théorie politique. En vérité, on ne sait pas trop s’il parle de politique ou de morale.
////////////
L' autonomie des individus est une utopie contre nature ..l' individu n' existe pas sans son groupe ( cf les enfants sauvages). La plus petite unité en tant qu'entité d' une espèce sociale n'EST PLUS l' individu, mais l' individu ET son groupe ( et pas n' importe quel groupe).....Il s'ensuit effectivement qu'il ne peut y avoir d'égalité , mais d'équité entre individus .
Personnellement je ne fais pas de différence entre Politique et Morale . La politique étant une morale écrite . La morale étant une verbalisation de "Rites" anciens. Tous étant chargés de gérer , contraindre le comportement des individus pour qu'ils assurent la survie du groupe , de la civilisation ( groupe historique) et de l' espèce.
On retombe inéluctablement sur l' antagonisme entre nature et "raison" , entre les "traditions, les rites .." et le rationnel.
La "Raison" étant par trop opportuniste et voulant favoriser les intérets de l' individu au détriment des autres intéressés par les actes de cet individus, n'est plus équilibrée par une force aussi prégnante ...La victoire de la "raison" sur les "rites" ( pourtant mémoire des galères passées)menace la survie de notre espèce) .
Je me découvre de plus en plus réactionnaire en vieillissant .....je m' en sors en argumentant que je ne défend pas l' acquis des progressistes précédents.
kercoz- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
à baptiste
Bien sur qu'il n'existe pas . Rawls fait un expérience de pensée ( il imagine ).
Si les hommes ne savaient pas leur destin qu'est ce qu'ils pourraient souhaiter de la justice?
je cite
""""Dans cette position, chacun chercherait encore rationnellement à promouvoir son intérêt individuel, mais, comme il ignorerait sa situation réelle, il se trouverait forcé d’adopter un point de vue impartial et universel. Dans la position originelle, la poursuite de l’intérêt
personnel se confond avec la poursuite de l’intérêt général, puisqu’on est obligé de se mettre à la place des autres en prévoyant toutes les situations réelles dans lesquelles on pourrait se trouver""""""
http://www.cvm.qc.ca/jlaberge/jxx/Textes/T10_Rawls.pdf
C'est qui cet eunuque coupé de ses racines historique, psychologique et sociologique à partir duquel est censé se fonder une réflexion purement rationnelle, comment pourrait-il exister?
Bien sur qu'il n'existe pas . Rawls fait un expérience de pensée ( il imagine ).
Si les hommes ne savaient pas leur destin qu'est ce qu'ils pourraient souhaiter de la justice?
je cite
""""Dans cette position, chacun chercherait encore rationnellement à promouvoir son intérêt individuel, mais, comme il ignorerait sa situation réelle, il se trouverait forcé d’adopter un point de vue impartial et universel. Dans la position originelle, la poursuite de l’intérêt
personnel se confond avec la poursuite de l’intérêt général, puisqu’on est obligé de se mettre à la place des autres en prévoyant toutes les situations réelles dans lesquelles on pourrait se trouver""""""
http://www.cvm.qc.ca/jlaberge/jxx/Textes/T10_Rawls.pdf
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
à kercoz
Certes....et plutôt le texte d' Ataraxie.Je commente le texte cité par Ataraxie .
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
hks a écrit:à baptisteC'est qui cet eunuque coupé de ses racines historique, psychologique et sociologique à partir duquel est censé se fonder une réflexion purement rationnelle, comment pourrait-il exister?
Bien sur qu'il n'existe pas . Rawls fait un expérience de pensée ( il imagine ).
Si les hommes ne savaient pas leur destin qu'est ce qu'ils pourraient souhaiter de la justice?
je cite
""""Dans cette position, chacun chercherait encore rationnellement à promouvoir son intérêt individuel, mais, comme il ignorerait sa situation réelle, il se trouverait forcé d’adopter un point de vue impartial et universel. Dans la position originelle, la poursuite de l’intérêt
personnel se confond avec la poursuite de l’intérêt général, puisqu’on est obligé de se mettre à la place des autres en prévoyant toutes les situations réelles dans lesquelles on pourrait se trouver""""""
http://www.cvm.qc.ca/jlaberge/jxx/Textes/T10_Rawls.pdf
J'étais en train d'y réfléchir lorsque je vous ai lu toi et baptiste :
Ne peut-on penser que lors de ses choix et de ses réflexions, chacun ne regardera pas quand même un peu son nombril et les désagréments que cela pourrait lui occasionner ? Peut-onAtaraxie a écrit:
Plutôt que de se fonder sur l’expérience, il faut s’appuyer sur nos présupposés et nos prétentions qui seraient inévitablement tournées vers une éthique universelle.
quid- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Je profite de ce propos d'Ataraxie, pour préciser ou corriger le terme "électif" que j'ai utilisé dans une réponse précédent à baptiste. Je n'avais pas édité pensant que cela serait compris, "électif" faisant appel au choix par suffrage, mais pas forcément concernant des représentants élus, j'aurais plutôt dû parler de "vote" pour qu'il n'y ait pas de confusion :Ataraxie a écrit:Quand je parle de vote, je parle de vote de décision directe, pas de vote électoral bien sûr. Je l’ai déjà dit ici, je pense qu’il est vital pour une démocratie que les citoyens soient et se sentent responsables de l’état de leur pays. Chose totalement impossible dans la démocratie de l’irresponsabilité collective, j’ai nommé la démocratie représentative. Cette démocratie représentative exonère les citoyens de tout.
quid a écrit:
...
Cela est le signe que la confiance en la démocratie représentative, mais aussi élective, n'est pas acquise.
...
L'action directe politique est une action qui s'affranchit du choix démocratique, et pas uniquement représentatif, mais électif.
...
Ce genre d'action me semble un peu celui de ceux qui ne veulent pas s'en laisser imposer tout simplement, pour qui le processus électif ne convient pas. On sort en quelque sorte d'une démarche démocratique bien que peut-être cela reste une démarche citoyenne.
...
Les moyens économiques sont la condition de l'action publique. Cela je pense que tout le monde en est plutôt conscient, mais la critique que l'on entend le plus souvent c'est que les moyens économiques collectés ne sont pas utilisés à bon escient. On retombe sur la critique de la délégation de décision légitimée par le processus électif.
...
Je ne sais toujours pas si ta vision de la réforme démocratique penche vers l'action politique engagée mais unilatérale, au sens qu'elle tente de s'affranchir du verrou électif, ou plutôt vers un engagement citoyen s'en remettant in fine à la décision souveraine du vote populaire (se pose également la question de la pertinence de la soumission des propositions, au vote).
Ceci dit, mes propos étaient de signifier que peut-être, quel que soit la manière dont une proposition, que ce soit pour choisir des élus ou voter des textes, arrive à devoir être choisie par scrutin, le résultat du fait de l'arbitrage majoritaire sera toujours sujet à discussion. Cela me semble symptomatique de la difficulté à cautionner le résultat lorsqu'on n'y est soi-même pas favorable.
Il va de soi qu'un processus qui ne passerait pas par l'arbitrage du vote, mais aboutirait à une adhésion unanime, serait extraordinaire. Et qu'entre cette voie et le vote direct non éclairé et soumis aux passions, il y a des degrés.Ataraxie a écrit:La démocratie purement agrégative, celle qui est juste comptable et qui permet d’envoyer Poutine au pouvoir à vie, exige pour son propre fonctionnement que le système soit indifférent aux choix politiques qu’il génère. Or, depuis longtemps déjà dans les démocraties occidentales, l’idée d’un système démocratique indifférent à ses propres résultats est devenue inacceptable. C’est l’un des problèmes auxquels veut répondre toute théorie normative, en particulier celle de la démocratie délibérative.
Ainsi les constitutions, exprimant un certain nombre de principes fondamentaux sont sensées être un premier rempart aux dérives, tout en devant rester ouvertes à la diversité des possibilités.
Donc un scrutin qui a été bien éclairé, débattu et présenté acquiert plus de légitimité qu'un autre ayant été organisé sur le pouce dans un climat passionné avec des moyens mal adaptés.
Il n'en reste pas moins, que même dans ces circonstances, qu'à son échéance, et suivant le sujet, rien n'assure qu'une position très majoritaire faisant plutôt consensus émerge nécessairement, et que le résultat ne soit pas au contraire très clivé ou éparpillé.
Et dans ce cas là, on en revient au possible désaveu de ceux qui seraient sortis "perdant" du scrutin et de la question du poids légitime de la décision retenue, en tout cas du point de vue des "perdants".
Maintenant, est-ce qu'une assemblée délibérative pourrait accentuer le poids de légitimité ?
Bien que débattus d'une manière optimale, les sujets pourront rester clivant, les experts ne garantissant en rien le choix qui sera retenu. Et l'assemblée aura beau expliquer que le choix fait était le plus raisonnable, comment ceux n'ayant pas fait parti des délibérations pourront croire qu'uniquement des considérations rationnelles auront pu amener à une décision unanime ? Et si au final un vote avait eu lieu au sein de l'assemblée délibérative afin de trancher, ce vote aura la même problématique qu'un vote en dehors de l'assemblée, c'est à dire qu'il pourra potentiellement être clivé ou éparpillé.
Le problème est de pouvoir accepter une décision qui n'aurait pas été la sienne et qui le concerne. Pour cela, la décision devra avoir le poids de la légitimité.
Il me semble qu'on ne peut se passer du vote général, et tout intermédiaire, que ce soit en aval par la délégation du pouvoir de décision suite à un vote ou en amont par la délégation de la décision à une assemblée délibérative, affaibli le sentiment de légitimité.
D'un côté on aurait le vote, sans regard sur les délibérations qui n'en sont pas réellement car confiées à l'appréciation des représentants et de l'autre des délibérations optimale mais sans vote général.
De plus, le résultat d'un vote clivé ou éparpillé, même s'il est majoritaire, affaibli le sentiment de légitimité.
Ainsi pour que les décisions communes tendent vers un poids de légitimité fort, elles devraient pour cela rassembler à la fois des délibérations et des débats éclairés, un vote général avec une participation forte, un résultat fortement majoritaire.
Une transition vers ce type de procédé décisionnel pourrait déjà être mis en place en France en parallèle du système par représentant actuel. C'est un peu le principe des votations en Suisse. Le seul bémol que j'y introduirais, c'est que les résultats clivant ou éparpillant, ne devraient pas voir leur projet mis en application, même s'il est majoritaire.
quid- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
HKS,une expérience de pensée est une tentative de régler une difficulté en partant d’une situation supposée, pas en faisant abstraction du réel.
Quid, les sujets clivant seront toujours clivant le but du vote ce n’est que de marquer un terme à une discussion, pas de réduire ce qui est clivant, réduire ce qui est clivant c’est le rôle de la discussion qui précède. Il me semble que le problème est celui de la « représentativité ». Outre que l’assemblée représentative ne l’est pas d’un point de vue sociologique, se pose le problème de la compétence. Nous ne sommes plus à l’époque de Platon ou une minorité éduquée faisait face à une majorité illettrée ou presque. Pour chaque question posée à un député il existe un grand nombre de citoyens mieux à même d’apporter une réponse pertinente que les dits « représentants », la meilleure solution est-elle de laisser le dernier mot à des représentants non représentatifs, nécessairement incompétents puisque nul ne peut-être omniscient, et soumis à l’impératif démagogique?
Quid, les sujets clivant seront toujours clivant le but du vote ce n’est que de marquer un terme à une discussion, pas de réduire ce qui est clivant, réduire ce qui est clivant c’est le rôle de la discussion qui précède. Il me semble que le problème est celui de la « représentativité ». Outre que l’assemblée représentative ne l’est pas d’un point de vue sociologique, se pose le problème de la compétence. Nous ne sommes plus à l’époque de Platon ou une minorité éduquée faisait face à une majorité illettrée ou presque. Pour chaque question posée à un député il existe un grand nombre de citoyens mieux à même d’apporter une réponse pertinente que les dits « représentants », la meilleure solution est-elle de laisser le dernier mot à des représentants non représentatifs, nécessairement incompétents puisque nul ne peut-être omniscient, et soumis à l’impératif démagogique?
baptiste- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
quid a écrit:Ne peut-on penser que lors de ses choix et de ses réflexions, chacun ne regardera pas quand même un peu son nombril et les désagréments que cela pourrait lui occasionner ?Ataraxie a écrit:
Plutôt que de se fonder sur l’expérience, il faut s’appuyer sur nos présupposés et nos prétentions qui seraient inévitablement tournées vers une éthique universelle.
Quid pose sa supposition sur le fait que l' "expérience" va se baser sur la "raison" qui effectivement privilégie les intérêts du raisonneur.
Mais Ataraxie me semble plus pertinent , du fait que, nos présupposés sont une "mémoire ancienne" qui contrebalance la raison donc l' intérêt individuel.
Dans un groupe restreint même actuel ( cordée d'escalade ...menuiserie traditionnelle...) Nul ne songe a voter pour connaitre celui qui décidera de la méthode, du chemin, du financement, du renoncement, du menu de midi ....y'a que pour la vaisselle qu'on vote !
Je veux dire que dans un "économie" naturelle , il n' y a pas une hierarchie mais DES hiérarchies "naturelles" admise et voulues .
Le problème revient toujours à la structure puisque notre modèle exige de "singer" la nature en réduisant des choix naturels complexes ( au sens math) par un outil linéaire simplificateur sinon simpliste.
On peut remarquer que sur un modèle ou les hiérarchies sont multiples et croisées, la hiérarchie "globale" devient virtuelle. Son sommet est aussi virtuel et peut /doit évoluer en fonction ds conjonctures , saisons , politiques ...Ce "centre de gravité " est , comme celui de la chaise , hors de la chaise .....
Aucun modèle politique ne pourra approcher celà ...mais devrait du moins s'en inspirer.
kercoz- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/07/2014
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Le vote effectivement, c'est ce qui tranche, c'est pour cela, et je pense que l'on est d'accord la dessus, que le consensus n'est pas acquis, et je ne sais franchement pas dans quelle circonstance il pourrait l'être, que ce soit au sein d'une assemblée restreinte, ou non. Il y aura donc au terme des discussions, une évaluation des avis.baptiste a écrit:Quid, les sujets clivant seront toujours clivant le but du vote ce n’est que de marquer un terme à une discussion, pas de réduire ce qui est clivant, réduire ce qui est clivant c’est le rôle de la discussion qui précède. Il me semble que le problème est celui de la « représentativité ». Outre que l’assemblée représentative ne l’est pas d’un point de vue sociologique, se pose le problème de la compétence. Nous ne sommes plus à l’époque de Platon ou une minorité éduquée faisait face à une majorité illettrée ou presque. Pour chaque question posée à un député il existe un grand nombre de citoyens mieux à même d’apporter une réponse pertinente que les dits « représentants », la meilleure solution est-elle de laisser le dernier mot à des représentants non représentatifs, nécessairement incompétents puisque nul ne peut-être omniscient, et soumis à l’impératif démagogique?
La question est de savoir quoi faire de cette évaluation. On peut opter pour une résolution à la majorité stricte, ou suspendre la décision, ou opter pour une résolution à une majorité importante.
Au final, du moment qu'il y a ce couperet, ceux qui sont exclus de l'évaluation, pourront vouloir remettre en cause l'application de la résolution, c'est ce que j'appelle un déficit de légitimité du point de vue des exclus. Ce déficit peut à mon avis, être relevé par une adoption à une large majorité non partisane.
Par contre, cette assemblée délibérative ne suffit pas, et c'est là qu'il faut bien distinguer l'action politique et sa légitimité.
En effet, l'assemblée délibérative ou le vote sont là pour légitimer l'action au yeux des citoyens concernés, mais l'action ne vient pas d'elle-même. Les actions politiques sont la conséquence de propositions, et ces propositions viennent comme solutions ou initiatives de la part d'acteurs du terrain qui sont tout un chacun, je pense que cela rejoint ta conception de la politique.
Donc ces actions politiques ne sont pas déconnectées de la réalité, ce ne sont pas juste des mesures technocratiques, elles doivent respecter une certaines cohérence avec d'autres réalités. Lorsque ces cohérences sont respectées, elles s'intègrent dans un projet politique.
Or il se peut que ces cohérences puissent être tributaire d'une certaine vision globale de la situation, des priorités et des objectifs que tout le monde ne partage pas. Cela, aucune assemblée ne pourra rationnellement venir à bout de cette problématique.
La représentativité, n'est en définitive pas incarnée par des individus, mais par des partis, et a la prétention d'assurer une cohérence politique, ce qu'une assemblée citoyenne n'a pas la prétention de faire. De ce fait, il y a fort à parier que les clivages seront plus prononcés au sein de l'assemblée citoyenne, amenant à peu ou pas de cohérence politique. L'assemblée délibérative est sans doute un bon moyen pour la validation de projets d'une manière a-politique, mais les projets sous-entendant une orientation politique produiront toujours des clivages.
Ainsi, la représentativité a la fonction d'assurer une certaine affirmation politique, ce n'est pas pour cela qu'elle va être à l'initiative de tout projet, politique ou non, mais elle va cautionner ou non les projets, en aidant ou non à leur réalisation. Et de la même manière qu'une assemblée de citoyens, elle demandera des rapports et des expertises, afin de pouvoir juger des situations.
La représentativité a certainement des tares, notamment celle de ne pas forcément agir politiquement, mais parfois par électoralisme, mais du moment que des projets politiques peuvent voir le jour, elle reste une option. Car rien ne dit qu'une assemblée délibérative sera plus apte à proposer ou trouver des solutions, cela n'étant pas non plus son rôle, car a-politisée.
Au final, la question du modèle représentatif est de savoir s'il est trop sclérosé, « corrompu » et enraillé, ou si les difficultés d'efficacité qu'il rencontre, un système démocratique alternatif ne les rencontrerait pas également. Ainsi dans ce contexte, il s'agit de regarder les avantages et les inconvénients de chaque système et peut-être de voir si une certaine mixité n'est pas possible ou souhaitable.
Je persiste en disant qu'on ne peut se passer d'une validation légitime des projets et actions politiques, même si ceux-ci sont tout aussi importants en tant que force de proposition par leurs initiatives. La représentativité, c'est un peu cette alliance permettant de mettre en œuvre des projets par validation anticipée, mais sanctionnables électoralement. Une visibilité et une lisibilité de ces projets est primordial, ce qui n'est pas toujours le cas, ou alors sous le jour d'une opposition, du journalisme, ou de collectifs.
Une question qui n'a pas été abordée est celle de la possibilité d'assumer une responsabilité de la part d'une assemblée délibérative de citoyens quant aux décisions qu'elle peut prendre.
quid- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
( quid sait avec quelle attention je le lis ! On comprend facilement qu'un acquis métaphysique tel que " Tout Etant est à la fois Donné ET Suspect, parce que Mien " fonde, justifie, commande, etc, une culture du doute, de la prudence, et donc a contrario du dialogue, du débat contradictoire, de la connaissance, etc, en clair, politiquement, la démocratie. Ce qu'induit ma métaphysique, en philosophie, en éthique, en écologie, etc, ne me pose pas de problèmes, je veux dire, je noircis facilement les pages. Mais pas en politique. Quelle démocratie, comment, etc, etc, je reste sec. Une authentique tare. En France, de tels débats au plus haut niveau, ont été interrompus par le coup de force de Robespierre et de sa bande. Et présentement, on est face à un marasme, un déficit, tels, qu'ils doivent reprendre. Il me semble avoir bien compris que le Capital, la finance, devait être mis au pas, politiquement et mondialement, mais à part ça, je n'ai pas d'idée ! Politiquement nul, affirmatif ! . )
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
à néo.
Tu sais, sur la politique, je ne suis pas spécialement engagé, car je vois les difficultés qu'ont les hommes politiques à convaincre, et je suis toujours étonné des partisans, sûrs de leurs analyses et de leurs méthodes. C'est vrai qu'il est plus simple de pointer les défauts de leur discours, mais au final, on en reviendra toujours aux questions de quoi faire et comment le faire, et eux ont au moins la prétention de proposer des directions. Et puis, la politique, cela impact tout de même nos vies, on en vient quand même à au moins essayer de savoir si cela sert à quelque chose, et dans quelles limites. Il semble bien que certaines problématiques que nous rencontrons à l'échelle collective ne puissent se régler que par des choix et des actions politiques.
Concernant la démocratie, pour moi, toute la difficulté est d'avoir un système démocratique où les gens se sentent à la fois impliqué positivement, mais avec une certaine cohérence, afin que la démocratie reflète aussi une envie commune au travers de projets de sociétés. Ou « comment une multitude peut agir ensemble ? ».
Cet ensemble pour devenir un acteur, a besoin de se structurer autour des hommes, car l'action volontaire vient d'eux, il n'y en a pas en dehors d'eux. Ainsi le dogmatisme idéologique, l'aristocratie ou la technocratie, vide cet ensemble de sa substance.
Sinon, j'ai noté ce qui pourrait être compris comme une contradiction dans mes propos.
A un endroit je dis :
En gros il faut comprendre que la représentativité en politique prétend assumer le côté nécessairement politisé des relations citoyennes, alors qu'une assemblée délibérative aurait la prétention d'être a-politique. Or, il me semble que les relations citoyennes sont politisées d'emblée, car chacun a des considérations pour l'ensemble des citoyens, qui peuvent différer notablement. Et la rationalité s'avérera limitée là-dessus. De ce fait, soit l'assemblée délibérative se cantonne à des sujets réellement a-politiques, soit, et c'est ce que je pense, des considérations politiques entreront en jeu dans les débats de cette assemblée, et pour moi, cela ne va pas dans le sens de la démocratie que ces débats politiques se déroulent, voire s'achèvent, dans l'espace de cette assemblée.
A partir du moment ou le fait politique est incontournable, il doit se dérouler dans l'espace publique.
Tu sais, sur la politique, je ne suis pas spécialement engagé, car je vois les difficultés qu'ont les hommes politiques à convaincre, et je suis toujours étonné des partisans, sûrs de leurs analyses et de leurs méthodes. C'est vrai qu'il est plus simple de pointer les défauts de leur discours, mais au final, on en reviendra toujours aux questions de quoi faire et comment le faire, et eux ont au moins la prétention de proposer des directions. Et puis, la politique, cela impact tout de même nos vies, on en vient quand même à au moins essayer de savoir si cela sert à quelque chose, et dans quelles limites. Il semble bien que certaines problématiques que nous rencontrons à l'échelle collective ne puissent se régler que par des choix et des actions politiques.
Concernant la démocratie, pour moi, toute la difficulté est d'avoir un système démocratique où les gens se sentent à la fois impliqué positivement, mais avec une certaine cohérence, afin que la démocratie reflète aussi une envie commune au travers de projets de sociétés. Ou « comment une multitude peut agir ensemble ? ».
Cet ensemble pour devenir un acteur, a besoin de se structurer autour des hommes, car l'action volontaire vient d'eux, il n'y en a pas en dehors d'eux. Ainsi le dogmatisme idéologique, l'aristocratie ou la technocratie, vide cet ensemble de sa substance.
Sinon, j'ai noté ce qui pourrait être compris comme une contradiction dans mes propos.
A un endroit je dis :
Et après je dis :L'assemblée délibérative n'est-elle pas d'emblée politisée ? Que le débat revête une rationalité ne veut pas dire que des idéologies ou des considérations privées ne sont pas sous-jacentes.
En fait il faut rapprocher ce dernier propos de ce que je dis quelques lignes plus haut :Car rien ne dit qu'une assemblée délibérative sera plus apte à proposer ou à trouver des solutions, cela n'étant pas non plus son rôle, car a-politisée.
La représentativité, n'est en définitive pas incarnée par des individus, mais par des partis, et a la prétention d'assurer une cohérence politique, ce qu'une assemblée citoyenne n'a pas la prétention de faire.[...]L'assemblée délibérative est sans doute un bon moyen pour la validation de projets d'une manière a-politique, mais les projets sous-entendant une orientation politique produiront toujours des clivages.
En gros il faut comprendre que la représentativité en politique prétend assumer le côté nécessairement politisé des relations citoyennes, alors qu'une assemblée délibérative aurait la prétention d'être a-politique. Or, il me semble que les relations citoyennes sont politisées d'emblée, car chacun a des considérations pour l'ensemble des citoyens, qui peuvent différer notablement. Et la rationalité s'avérera limitée là-dessus. De ce fait, soit l'assemblée délibérative se cantonne à des sujets réellement a-politiques, soit, et c'est ce que je pense, des considérations politiques entreront en jeu dans les débats de cette assemblée, et pour moi, cela ne va pas dans le sens de la démocratie que ces débats politiques se déroulent, voire s'achèvent, dans l'espace de cette assemblée.
A partir du moment ou le fait politique est incontournable, il doit se dérouler dans l'espace publique.
quid- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/08/2012
Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
quid a écrit:
Au final, la question du modèle représentatif est de savoir s'il est trop sclérosé, « corrompu » et enraillé, ou si les difficultés d'efficacité qu'il rencontre, un système démocratique alternatif ne les rencontrerait pas également. Ainsi dans ce contexte, il s'agit de regarder les avantages et les inconvénients de chaque système et peut-être de voir si une certaine mixité n'est pas possible ou souhaitable.
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Une question qui n'a pas été abordée est celle de la possibilité d'assumer une responsabilité de la part d'une assemblée délibérative de citoyens quant aux décisions qu'elle peut prendre.
Il ne s’agit pas de dire la démocratie représentative n’est pas une forme acceptable, mais de relever que nos démocraties moderne n’ont de représentativité que le nom.
La représentativité implique la confiance dans l’élu, ce qui pose le problème des partis différemment de ce que tu soutiens, Rousseau à ce propos prétendait les interdire. La discipline de parti peut entrer en contradiction avec l’intention de l’électeur.
La représentativité implique une composition sociologique qui ne serait pas sous représentation de certaines catégories. Elle implique aussi une composition qui serait représentatives des compétences de la société, on ne compte plus les lois stupides et parfaitement inapplicables.
Enfin la confiance implique une certaine sincérité, hors la propagande c’est nécessairement le mensonge. Les idéologies qui ont dominés la vie politique apparaissent désormais pour ce quelle ne sont, une sorte de masque de la réalité dont usent les acteurs politiques toujours en quête d’idées simples pour convaincre leurs électeurs. Si les politiciens ont eu recours à ce mensonge, c’est parce qu’ils étaient convaincus de sa rentabilité. Et pourquoi le mensonge est-il rentable ? Tout simplement parce que l’électeur l’a toujours récompensé, car en fin de compte, c’est toujours le meilleur menteur qui a gagné. Les électeurs savent-ils qu’on leur ment ?
Ils le savent fort bien, c’est pourquoi certains s’abstiennent mais arrive une nouvelle figure, un nouveau programme et une partie reprend espoir et tombe dans le piège pour la millième fois. Bergame a dit que le taux d’abstention était la condamnation des partis de gouvernement, le seul problème c’est que les partis extrémistes ont eux aussi connu la même érosion.
La circonscription géographique serait-elle la seule manière de fabriquer une représentativité ? On sait que le scrutin proportionnel est une fausse bonne réponse puisqu’il abandonne encore plus le pouvoir aux partis qui décident qui sera en position d’éligibilité. Courtial avait proposé le tirage au sort, c’est faire peu de cas de la « volonté » du peuple. Il est certain que la représentativité actuelle est trop bancale pour que l’on puisse parler de représentativité réelle.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: Faut-il mettre fin à l'idéologie démocratique ?
Ce qui nous fait agir c'est le "pouvoir" au sens du "qu' est ce qui nous meut" de Jouvenel . Et le pouvoir n'est pas dans l' idéologie ni autre volonté ou assemblée de volontés ...A mon sens le pouvoir qui nous meut, avec si peu de forces coercitives, est dans la structure de nos groupe.baptiste a écrit:
La circonscription géographique serait-elle la seule manière de fabriquer une représentativité ?
"Démocratie" n' est qu' un mot sous lequel on met ce que l' on veut .
Le modèle électif qui parle d'égalité pour éviter l' équité est sensé être basé sur la subsidiarité ....Le problème c'est qu'il y a 2 sortes de subsidiarité ...montante ou descendante .et que les deux sont complètement antagonistes .
Pour revenir à ta phrase sur la localisation liée a la représentativité....c'est , a mon sens le fait d'avoir quitté l' unité de lieu pour regrouper les individus par affinités ou corporatismes qui cause les dégats que l' on constate . Les rétroactions doivent s'effectuer localement sinon , comme en économie on acqiere un "gain de productivité" immédiat et trompeur qui va cacher des désastres ultérieurs que de rétroactions tardives et "construites" ne pourront pas correctement atténuer.
Dernière édition par kercoz le Jeu 24 Juil 2014 - 14:11, édité 1 fois
kercoz- Digressi(f/ve)
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