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Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion

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Message par euthyphron Mar 29 Avr 2014 - 15:00

Trois facultés fondamentales : raison, amour et volonté. Nous pensons, aimons et voulons. L'accomplissement de chacune de ces facultés est une fin en soi :
Feuerbach a écrit:Nous connaissons pour connaître, nous aimons pour aimer, nous voulons pour vouloir, c'est-à-dire pour être libres. Un être véritable est pensant, aimant, voulant. Vrai, parfait, divin est seulement ce qui n'existe que pour soi-même. Tels sont l'amour, la raison, la volonté. Dans l'homme, au-dessus de l'homme individuel, la divine trinité est l'unité de la raison, de l'amour et de la volonté.
Les chrétiens ont appris qu'il ne fallait pas prendre l'amour humain pour l'amour véritable, ni les pensées humaines pour la vérité impénétrable, ni vouloir faire sa volonté plutôt que celle de Dieu. Ils ont raison. Mais voici comment Feuerbach dit cela, et qui répond aux interrogations sur l'infini de la conscience :
Feuerbach a écrit:Toute limitation de la raison ou généralement de l'essence humaine repose sur une illusion, une erreur. L'individu humain - et c'est là sa différence d'avec l'animal - peut bien et même doit se sentir et se connaître comme limité, mais il ne peut prendre conscience de ses limites, de sa finitude qu'en ayant pour objet la perfection, l'infinité du genre, que ce soit comme objet du sentiment, de conscience morale ou de la conscience pensante.
Nous avons idée de l'Infini, donc Dieu existe, disait Descartes (preuve de la 3e Méditation). Nous avons idée de l'infini, donc l'infini est une idée, répond Feuerbach. De quoi est-elle l'idée? Du genre humain, idée que chacun porte en sa conscience.

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Message par hks Mar 29 Avr 2014 - 19:41

à Aldo
J'ai envie de le poser autrement qu'hks
Effectivement tu poses en deça. C'est à dire en présence de néant et d' être.

Je ne pense pas que l'affirmation de l'infini provienne de la conscience d' un manque. Elle part d' un plein (positif) indéfini ( la conscience d' exister) et excède Jusqu' à l'absolument plein. On est bien quelque part infini.
Il faut qu'il y ait en nous un pont vers l'infini, que l'infini ne soit pas l' absolument tout autre, ce avec quoi nous n'aurions aucunes relations possibles.
Il n'y a pas de néant ( pas de non être )
si ce n'est le néant comme une activité d' évidement. Un néant dynamique ; Un dynamisme qui ne plonge par le passé ou l' avenir dans le non- être.

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Message par hks Mar 29 Avr 2014 - 20:00

à euthyphron

Nous avons idée de l'infini, donc l'infini est une idée, répond Feuerbach.

ce n'est pas si évident . L'infini comme idée  est plutôt l'idée du non fini ( du non limité ). Nier le fini est assez facile , mais ce n'est pas avoir  l'idée positive de l'infini.
On voit toute la difficulté que nous avons à penser l' espace infini (ou le temps ), infini comme infiniment  grand en expansion (et de même pour l'infiniment petit).
On se raccroche à un au delà toujours toujours repoussé, un au delà d' une limite.
J' ai conscience de l'infini mais je ne sais pas trop si j' en ai l'idée.

De là à passer à l'idée du genre Humain ... Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion - Page 4 4221839403 

Je ne nie pas que l' intention soit généreuse, encore que chez Feuerbach le sujet soit un peu oublié ... mais  je crois que là,  je vais avoir du mal a emprunter ce chemin .

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Message par Aldo Mar 29 Avr 2014 - 23:27

Je sais pas, c'est peut-être le terme "infini" qui me rebute... c'est vrai qu'avec "absolu" ou "perfection", la démonstration de Feuerbach me semble plus convaincante (même si j'émets les mêmes doutes quant à la nécessité de passer par la case Dieu pour envisager nos limites).

PS : j'ignore pourquoi j'ai parlé de manque ce matin, en référence au texte d'hks, j'ai du mal le lire. Pour le reste, je m'en tiens à l'idée que le néant (ou l'idée de néant, si tu préfères, hks) donne seul une idée d'infini.

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Message par hks Mer 30 Avr 2014 - 0:52

(ou l'idée de néant, si tu préfères, hks)

J'avais bien compris et par précaution j' ai dit  " tu poses en deça".
Alors que je pensais  que tu poses à l'inverse .
Je dois faire une allergie au concept de néant ( du moins comme négation de l'être). Je veux bien l'idée mais je ne comprends pas comme négativité (pas au sens d 'anéantissement , le sens usuel = tout sort du néant et y retourne)

La démonstration de Feuerbach me semble passer à côté de l'expérience de l'infinitude ( voire de celle de l' éternité) .. expérience subjective qui ne me semble pas relever de la conscience de notre humanité sociétale.
Moi individu je fais une expérience subjective de l'infinitude, mon voisin ne fait peut- être pas cette expérience.

Je ne dis pas que l'amour du prochain n' élève pas le coeur et l'esprit mais pourquoi pas aussi  l' amour des animaux ? Auquel cas l' amour de la nature toute entière?
Mais on tombe dans la tautologie: l' amour de Dieu c'est ce qui cause l' amour de Dieu. On n'a guère avancé.

Quand  Feuerbach est devenu matérialiste ( ce qu'il n'a pas toujours été ) il ferme le jeu autour de la conscience  humaine à usage humain, le reste est matière.
Mais comme  à vrai dire je n'avance sur  Feuerbach que des approximations, je vais en rester là. Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion - Page 4 2838363678 

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Message par quid Mer 30 Avr 2014 - 1:41

à euthyphron.

Qu'est-ce qui fait donc qu'une autre personne soit également un sujet et non pas l'objet d'un autre sujet ? Du fait qu'ils communiquent ; que le sujet se figure (s'illusionne ?) que cet objet est un autre ; une autre conscience. Or, il n'y a que lui-même qui peut acter de cette autre conscience. Il tire cette conclusion du rapport qu'il entretien avec cette autre personne. Le sujet se figurait-il qu'il n'est pas seul alors qu'il l'est ?
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Message par Aldo Mer 30 Avr 2014 - 1:54

Hks, c'est peut-être parce que tu raisonnes en terme d'être et de conscience que tu es allergique au mot "néant". Le néant c'est la mort, c'est ce qui ne vit pas - simple.
Mon expérience mystique parle d'une conscience de vie, mais pas particulièrement au niveau humain (les animaux, les rochers, la mer : "tout vit" dit cette conscience, sans être distraite par quoi que ce soit d'autre). Le néant c'est simplement l'inverse, ce qui n'est pas, donc le négatif de la vie (comment le dire autrement ?)

(sinon, "en deçà", "à l'inverse"... là c'est moi qui ne comprends pas. Je suis plutôt en accord avec ton texte d'hier (10:42), juste que j'avais envie d'envisager un autre point de vue sur la notion l'infini et que ça m'a rappelé cette histoire)

D'accord avec toi sur le côté subjectif d'éventuelles expériences de ce type.
Pour Feuerbach, même si ce qu'en dit Euthyphron tient la route, j'ai une réticence aussi. Je l'ai un peu développé au début (quant à une idée d'évolution linéaire qui passerait par le message christique). On m'a répondu mais je ne suis pas vraiment convaincu. Et ce d'autant que je ne vois pas une telle différence entre polythéisme et monothéisme (comme évoqué dans l'autre fil)... donc a fortiori quant à une telle spécificité du message christique/chrétien.

(maintenant il est clair que je n'avance sur Feuerbach que dans les mêmes approximations que toi. Voyons ce qu'en dira Euthyphron)

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Message par poussbois Mer 30 Avr 2014 - 3:27

Vous allez tous trop vite. Je vous lis en diagonale pendant que je suis en train de me colter avec Feuerbach, et c’est plus complexe que prévu (normal, dirait Courtial, c’est de la philo, ça ne se laisse pas démonter comme ça…).


Et je suis du côté de Maïmonide, Aristote et Thomas d'Aquin contre Spinoza
Ca, Euthyporhon, et pour une fois, je suis d'accord avec Courtial (enfin, non, pour une fois, je comprends ce qu'il dit) c’est uniquement parce que tu ne te rappelles pas bien de ce que dit Spinoza et que ça fait longtemps que tu ne l’as pas lu. Je fais comme toi, tu as vu : je pars du principe que quand quelqu'un dit un connerie, c'est soit que j'ai mal lu et pas compris, soit quand c'est définitivement une connerie (ce qui est le cas) c'est que c'est lui qui a raté une marche...  lol! 

Les évangiles ainsi que les livres de la bible sont des choses bien trop importantes pour qu’on y calque des interprétations personnelles. Maimonide est un théosophe talentueux, mais il ne propose que des interprétations d’un texte sacré, il ne met dans son travail qu'un sujet au prise avec un objet philosophique qui le dépasse et donc des interprétations qui n’ont rien de sacré et tout d’une manipulation.
Spinoza n’interprète pas, il lit, dans le texte. Un feu divin, dans le langage employé, c’est un grand feu, un feu hors du commun. Voir à ce sujet la digression sur le mot « Ruagh » dans le TTP : Spinoza n’interprète pas, il retourne à la source. Que valent les mots (ça devrait plaire à Aldo), quelle est leur valeur dans le contexte de l’époque où ils étaient employés ?
Dieu est la cause ultime de tout l’inconnu, de tout l’extraordinaire, le hors du commun. Ce n’est pas divin, c’est rattaché au divin et donc tout à fait Feuerbach compatible.

Feuerbach in « essence du christianisme » a écrit:Sans objet l’homme n’est rien.[…] mais lorsqu’un sujet, l’homme par exemple, est lié à un objet par des rapports nécessaires, essentiels, cet objet est la révélation, la manifestation de l’être même du sujet.
D’un point de vue strictement spinoziste, je vois à peu près quels sont les enjeux. D’un point de vue feuerbachien, j’ai plus de mal – c.-à-d. je n’y comprends rien et j'ai bien l'impression qu'il y a un background hégelien qui me dépasse.  Comment se fait-il que la révélation renvoie au sujet, qu’elle en soit la manifestation ? A mon avis, c’est là qu’est le divorce entre Feuerbach et Spinoza. Mais malheureusement, si je comprends (à peu près) la partie spinoziste de la proposition (la relation entre révélation et sujet), j’ai du mal à comprendre la relation entre sujet et objet.

Et j’ai bien l’impression qu’Euthyphron a essayé de l’introduire, mais pas de façon aussi formelle et claire qu’il ne l’a laissé entendre.
Je me perds dans des discussions byzantines ou c’est effectivement un point dur ?

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Message par hks Mer 30 Avr 2014 - 10:16

à poussbois

c’est de la philo, ça ne se laisse pas démonter comme ça
certainement d'autant plus que Feuerbach a beaucoup évolué sur le long terme.( donc là avec  l 'essence du christianisme on le prend à une étape de son évolution ... son ouvrage antérieur sur la mort est proprement  religieux)

J' insiste sur son  objectivisme( hegelien). Pas de sujet qui ne soit essentiellement constitué de relations avec le monde objectif ( et particulièrement la société des hommes ). Pas d' expérience subjective  propre au sujet en tant que tel.
 Le SUJET est évacué ( comme chez Hegel)

Donc pas d' expérience religieuse ( cf Maitre Eckhart ou Pascal ou Kierkegaard ... enfin bref  le religieux .. ) .
Le religieux est  passé dans le rapport non à l'infinitude mais à la société ( amour infini de la société ou de l' humain en général ).

 Il y a un background hégelien et très puissant. Il n'y  a pas de sujet propre  hors de l'extérieur objectif qui le constitue . Il y a certes une dialectique,  mais le sujet humain est perdu dans l' Esprit absolu. Le sujet est comme épongé  Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion - Page 4 177519025. ( dur dur de résumer Hegel en trois mots) ... donc essayer d' apprivoiser un peu Hegel pour comprendre Feuerbach ...même dans les grandes lignes.
Je sais bien qu' Hegel nous prend à contre pied, qu'il n'est pas du tout évident, qu'il est très différent de notre pensée spinoziste...mais  le marxisme  qui l' inverse  parle  dans les même catégories logique. Il y a un accès possible de ce côté là.
Je veux dire que si on veut comprendre toute la suite que Hegel a influencée on est obligé de comprendre un peu Hegel . Cela dit on peut, comme Deleuze l'a fait, rejeter toute cette tradition ( idéalisme allemand et sa suite matérialiste )
Chez Spinoza il y a un sujet du conatus .


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Message par hks Mer 30 Avr 2014 - 10:22

à Aldo

Je ne distingue pas absolument la vie de la non- vie (supposée non vie du monde supposé non -vivant). Il y a une scission radicale que je ne comprend pas vraiment.
Aussi grave et problématique que celle du coprs et de l'esprit.

sinon, "en deçà", "à l'inverse"... là c'est moi qui ne comprends pas
Mais tu peux rectifier toutes mes erreurs de lecture ...ce que tu fais très bien.
Tu parles d' expérience mystique (disons religieuse alors, pour tout un chacun qui peut ne pas se sentir mystique au sens fort , mais simplement en relation avec une infinitude).
Feuerbach la dit causée par notre sociabilité, ce dont je doute.
Et d'autant plus quand je vois que les grands mystiques ne sont pas particulièrement enclins à la vie en société.
C' est pour le coup lors d'un retrait de la vie sociale que se produit l' expérience religieuse.

Je finis par voir la question tout à l'envers de Feuerbach.

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Message par Courtial Mer 30 Avr 2014 - 13:15

hks a écrit:Il y a un background hégelien et très puissant. Il n'y  a pas de sujet propre  hors de l'extérieur objectif qui le constitue . Il y a certes une dialectique,  mais le sujet humain est perdu dans l' Esprit absolu. Le sujet est comme épongé  . ( dur dur de résumer Hegel en trois mots) ... donc essayer d' apprivoiser un peu Hegel pour comprendre Feuerbach ...même dans les grandes lignes.
Je sais bien qu' Hegel nous prend à contre pied, qu'il n'est pas du tout évident, qu'il est très différent de notre pensée spinoziste...mais  le marxisme  qui l' inverse  parle  dans les même catégories logique. Il y a un accès possible de ce côté là.
Je veux dire que si on veut comprendre toute la suite que Hegel a influencée on est obligé de comprendre un peu Hegel . Cela dit on peut, comme Deleuze l'a fait, rejeter toute cette tradition ( idéalisme allemand et sa suite matérialiste )

Ce n'est pas un petit chouia plus compliqué, tu crois ? Je comprends bien que l'on cherche à s'exprimer de façon résumée, qu'il y ait des exigences de clarté, etc.
Mais il y a un moment où faut considérer un peu les textes,tu crois pas ?

Hegel a écrit, dans un de ses textes les plus connus, la proposition suivante :

Hegel, la phénoménologie de l'Esprit a écrit: Il ressort de ma façon de voir, qui ne devra être justifiée que dans la Présentation du Système lui-même,  que tout dépend de ce point  : appréhender le Vrai, non comme Substance, mais précisément aussi comme Sujet

(Es kommt nach meiner Einsicht, welche sich nur durch die Darstellung des Systems selbst rechtfertigen muss, alles darauf an, das Wahre nicht als Substanz, sondern eben so sehr als Subjekt aufzufassen und auszudrücken)

Ce qui est vrai ne peut pas être une chose, ni quoi que ce soit de subsistant sur le mode de la chose.
Si tu veux, mon cher Hks, donner un tour "intuitionniste" à cette idée, tu observeras que Hegel parle d'Einsicht (littéralement : une vue dedans ; il ne dit pas : ma démonstration, mais "mon Einsicht", mon regard dedans). Je concéderais volontiers à Bergson que s'il croit justifier (rechtfertigen) son intuition avec ses preuves, on peut discuter, mais nous y reviendrons.
Et la vision de l'intérieur de la chose lui apprend que l'absolu, c'est quelque chose de spirituel. Et il n'y a pas d'autre objet, pour la philosophie, que viser la Chose même, et celle-ci est la Vérité. S'il est question d'autre chose que de la compréhension et de l'appréhension du Vrai, cela ne mérite pas une minute de peine et ne peut pas susciter l'attention de Hegel. J'ai cité dans d'autres fils son Discours du Rectorat à lui, où il dit que s'il est question seulement de faire dans l'Aufklärung, de déclarer que le Vrai n'existe pas, etc. , faudra pas compter sur lui.
Cela veut dire quoi ? C'est quoi, l'Einsicht ?
L'Einsicht, c'est la subjectivité. C'est-à-dire ce qui se rapporte à soi et qui n'a d'existence qu'en tant que rapport à soi. Ce que l'on nomme d'habitude l'Esprit, parce que l'Esprit se rapporte d'abord à lui-même., ou, si tu préfères, qu'il est pour soi. Qu'il n'existe qu'en tant que se rapporter à soi (de réfléchir, si tu préfères).

Hegel a fait des déclarations sans ambiguité sur Descartes ou Spinoza.

Il a salué Descartes comme l'annonceur (le héraut : certains ont été trompés par l'homophonie et cru que Hegel prenait Descartes pour un "héros", mais c'est Heerrufer, "héraut", et pas "héros", c'est l'annonciateur, le porte-voix, pas le martyr) de la vraie philosophie (la sienne, je l'ai dit). Pourquoi ? Parce que Descartes a compris le vrai principe de la philosophie, et qui est la subjectivité. Hegel pense qu'il l'a fort mal traité et que sa philosophie est pauvre. Mais l'idée de départ est toute la philosophie moderne : la vérité, c'est la subjectivité.
Pour Spinoza, il a dit que sa philosophie était celle de Spinoza ("Ma philosophie, c'est Spinoza plus le temps") avec d'autres considérations en plus (le statut de l'historicité, etc. dont on ne peut pas dire que Spinoza se préoccupe plus que cela. ).


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Message par Aldo Mer 30 Avr 2014 - 13:37

Hks, tu ne distingues pas absolument la vie de la non-vie ?
Ben euh... moi non plus d'habitude. C'est pour ça que je parle d'expérience mystique. Je tiens à "mystique" parce que pour moi "religieuse" serait une interprétation, une mise en relation de l'expérience avec quelque chose de transcendant, or je n'ai strictement jamais rien interprété de cette histoire. Par contre sa mémoire est restée vive et j'ai par exemple du mal à imaginer qu'un arbre fasse partie du monde des "objets" (avec les animaux c'est pire). Ce truc m'a impressionné. Mais je n'en ai rien tiré pendant près de quarante ans... jusqu'à en faire le récit ici en fait !
Et ce que j'en tire aujourd'hui, c'est que si certes d'autres types ont forcément fait le même genre d'expérience et ont du eux interpréter ça de façon religieuse, il y a bien plus que ça : rien n'interdit de penser (d'imaginer) que l'homme ait un jour perçu la nature un peu de cette façon...
Ce qui contribue d'autant à me faire relativiser la portée d'un "savoir" immuable sur l'homme : il est clair que si l'on a en nous des capacités à ce type d'état de conscience, il devient d'autant plus délicat d'affirmer que la religion ou les croyances en général seraient issues de tel ou tel système de raisonnement, de tel ou tel processus de savoir (qui plus est linéaire).
Voilà ce que ça m'inspire (c'est tout frais et bien sûr, on pourra dire que ça va dans mon sens, moi je le livre tel quel).


Ce que je lis ce matin me passionne. Il est dit en gros que Feuerbach parle de la religion comme "d'un rapport non à l'infinitude mais à la société", et c'est tout à fait comme ça que le conçois, pour ce que j'en comprends.
Mes hindous une fois sortis du temple n'évoluent pas plus dans un monde magique ou enchanté que toi et moi, simplement ils ont tous dans la tête une mémoire où Dieu fait partie intégrante de la vie, de celle de leur représentation du monde en tous cas... et cette mémoire est prégnante.
Des mots plaqués sur une croyance, une croyance en les mots ?
Un mystère autour de la croyance en tous cas.

Parce que si pour moi le passage du polythéisme au monothéisme est presque anecdotique ; l'apparition de la religion me semble être au moment où la croyance a succédé à l'interrogation (à la peur aussi, peut-être) ; où des récits - voire un seul - ont supplanté ce que l'Occident appelle aujourd'hui des superstitions, elles-même certes fortement confuses et empêtrées de croyances, mais laissant une toute autre place au doute.
(Krishnamurti dit que l'Inde a une grande tradition de doute, contrairement à l'Occident... ce que je n'avais jamais compris. Et sur ce point effectivement, le polythéisme serait plus proche de l'animisme, comme le défend Neo)
Je ne dis pas que ce soit mieux, je dis que ça laisse plus de portes ouvertes à la réflexion que le cadre strictement religieux (et plus de place au délire, c'est certain :les bourreaux rwandais avaient tous la pauvre explication que "des forces maléfiques les avaient pris"... tu parles d'une réflexion).

Moi il y a quelque chose que j'aime bien avec l'animisme, c'est d'entrevoir le monde comme peuplé de forces, sauf que pour moi, c'est complètement au niveau de la représentation que ça m'intéresse, mes peurs ou ma bêtise ne devraient théoriquement pas rentrer dans cette réflexion-là.
L'animisme, c'est une appréhension directe, puissamment subjective, qui n'est pas encore tombé dans le piège des mots. Ça doit avoir un rapport avec mon amour pour Deleuze et sa bande, qui préfèrent partir de la conjonction de forces a priori altères que de présupposer un cadre objectif (de type sujet/objet) à partir duquel tout devrait rentrer.

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Message par euthyphron Mer 30 Avr 2014 - 17:32

Revenons au sujet, qui n'est pas directement concerné par les lectures sociologiques du phénomène religieux.
Pour ce faire, je tenterai une définition de la religion, en trois points. Une religion est 1) une institution chargée d'enseigner et de régler 2) l'expression symbolique 3) de l'Essentiel. J'ai coupé ma définition en trois parce que cela fait trois angles d'attaque possibles.
Commençons par Spinoza. Je précise que je suis en train de relire l'Ethique et que le mot qui me vient à l'esprit est "enthousiasmant". Pas "vrai", non, "enthousiasmant". Ma critique n'a donc rien à voir avec une quelconque mésestime. Spinoza attaque le point 2. Il n'a rien contre le point 1, et quand il écrit l'Ethique c'est une tentative pour énoncer l'essentiel (donc il admet le point 3), mais en évitant soigneusement de recourir à l'imagination et à ses rejetons que sont le mythe et le symbole (donc il rejette le point 2), les modes d'expression religieux par excellence. La raison en est qu'il faut couper tout lien entre l'imagination et l'entendement afin de supprimer les préjugés. Le fond de l'affaire, c'est donc une opposition diamétrale à Aristote pour qui on ne peut penser sans images. C'est le seul point, je crois, à propos duquel j'ai exprimé mon opinion, en faveur d'Aristote contre Spinoza. J'ajouterai, surtout par rapport à ce qu'a dit Poussbois, que l'avantage de la Bible (sachant que l'écriture est loin d'être le seul mode d'expression du religieux) est qu'on peut lui faire dire ce qu'on veut, sans que ce soit n'importe quoi. C'est l'avantage des mythes...
Le bilan est que Spinoza récuse le discours religieux, et donc ne le réfute pas, tout dialogue étant impossible sur cette base.
Feuerbach, lui, s'attaque à l'Essentiel. Qu'est-il? Le discours religieux en a fait Dieu, un sujet omniscient, omnipotent et suprêmement bienveillant. Ces propriétés découlent naturellement de la définition de l'Essentiel comme parfait, ou absolu, ou infini. Ces trois termes ne sont pas strictement synonymes mais se rejoignent au point de vue où je me place. Je me connais en effet comme imparfait (ignorant, impuissant, haineux, ce que vous voulez). L'on peut dire aussi comme fini, mais en remarquant ce qu'avait vu Descartes, à savoir que ma finitude est une négation de l'infini, elle signifie que toutes mes capacités sont relatives, et suppose une idée préalable de l'infini par rapport auquel je me trouve fini. On reconnaîtra la preuve de l'existence de Dieu de la 3e Méditation, celle que Kant a soigneusement évitée. Si l'infini n'existait pas on n'aurait pu l'inventer.
Donc, Dieu existe? Il faudrait cependant comprendre ce que ça veut dire "exister" pour un être infini. Où y a-t-il de l'infini? Par exemple, mon intelligence est limitée, mais l'Intelligence, elle, ne l'est pas. Il ne sert à rien d'ajouter "de Dieu" à Intelligence. Bon, où est donc l'Intelligence avec sa majuscule? Elle est dans la conscience humaine à titre d'aspiration et nulle part ailleurs. Dieu est une visée, et rien d'autre. Laquelle? Celle de l'accomplissement de toutes les potentialités humaines. Mais si l'on veut épanouir celles-ci, il faut d'abord se libérer de l'illusion qui consiste à situer l'infini dans la nébulosité d'un créateur. Voilà mon résumé de Feuerbach.

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Message par hks Mer 30 Avr 2014 - 18:23

à courtial

Je connais quand même un peu Hegel.
Qu'il parte de son regard du dedans, certes, comment pourrait -t- il faire autrement ? Il part de la conscience qu'il a de la conscience( de le sienne en l'occurrence ). Hegel est bien un sujet qui s'oppose à l' objectivité de la chose. Un sujet qui trouve l 'absolu dans et par sa pensée. Je veux dire que c'est une thèse qui n'est vraiment pas inédite .
Ce qui est quand même très très loin de constituer le système. Le système, il ne part plus de Hegel en tant que sujet incarné. Ce qui est sa situation subjective il la transporte dans l' être en général, me semble- t- il .( à lire sa grande logique c'est ce qu'il me semble )
A supposer même qu'il ait fait une analyse correcte de sa situation singulière, il est excessif de la transférer analogiquement à une autre réalité que la sienne propre.
Bien sûr qu'il me noie en tant que sujet. le système m' absorbe et m'éponge Il est l'objet de ma détestation.

Affirmer que Dieu et conscient tel que l' homme est conscient c'est très excessif. C'est une analogie anthropomorphiste. Je suis conscient (la belle affaire !!!) Il se trouve que l' homme est conscient.
Et voila qu 'à nature en totalité est attribué ce phénomène circonstanciel qui est la conscience. Autant prétendre que la nature apparait avec la conscience humaine ce qui est un peu hasardeux comme point de vue.


Les hégèliens ont cet argument très fort selon eux qui consiste à dire que si on est pas convaincu c'est qu'on ne l'a pas compris. Je vois pourtant dans l' histoire de la philosophie des lecteurs assidus et de son époque qui pour l'avoir bien lu n' admettaient pas ce système idéaliste là. je n entre pas dans sa manière de penser, pas dans celle de Fichte non plus et pas du tout dans la dialectique.
Car c'est une manière de penser. C'est une logique particulière et ce n'est pas ma logique. Pour moi cette logique hégelienne est une manière de dire qui fait prendre les choses pour cette manière de les dire .

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Message par hks Mer 30 Avr 2014 - 18:27

Aldo ....
...sur ce coup de sang ( au sujet de l'objet de ma détestation)
je vais aller faire une petite sieste ...car j ai beaucoup travaillé corporellement aujourd' hui...mais je reviendrai sur ton long message . Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion - Page 4 2101236583 

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Message par Courtial Mer 30 Avr 2014 - 20:22

J
hks a écrit:e connais quand même un peu Hegel.
Qu'il parte de son regard du dedans, certes, comment pourrait -t- il faire autrement ? Il part de la conscience qu'il a de la conscience( de le sienne en l'occurrence ). Hegel est bien un sujet qui s'oppose à l' objectivité de la chose. Un sujet qui trouve l 'absolu dans et par sa pensée. Je veux dire que c'est une thèse qui n'est vraiment pas inédite .
Ce qui est quand même très très loin de constituer le système. Le système, il ne part plus de Hegel en tant que sujet incarné. Ce qui est sa situation subjective il la transporte dans l' être en général, me semble- t- il .( à lire sa grande logique c'est ce qu'il me semble )
A supposer même qu'il ait fait une analyse correcte de sa situation singulière, il est excessif de la transférer analogiquement à une autre réalité que la sienne propre.
Bien sûr qu'il me noie en tant que sujet. le système m' absorbe et m'éponge Il est l'objet de ma détestation.

Tu es en droit de détester ce que tu veux.
Il résulte seulement de ton premier paragraphe que Hegel a une opinion, et toi une autre.
A mes yeux, ce n'est pas intéressant.
Quand il y aura un argument, on verra.
On n'a pas besoin d'aimer ou de détester Hegel, Hegel, c'est Hegel. C'est déjà assez difficile à comprendre, est-ce que j'ai besoin de m'occuper que tu détestes ?
Sur la proposition que je rappelle, tu ne dis rien de centré.
C'est seulement ramené à son néant, qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Tu as des humeurs, avec Hegel ? Mais il ne faut pas avoir d'humeurs, ce n'est pas par là qu'on le prend.
Ce n'est pas cela, Hegel, pas des questions d'humeurs.

Tu te sens tout chose, comme Bob l'Eponge, qui éponge et qui s'absorbe ? Mais faut pas lire Hegel dans l'absorption et l'épongeage. Ca relève d'un autre genre de sport.

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Message par Courtial Jeu 1 Mai 2014 - 0:24

En revanche, il y a aussi des philosophes à humeurs.
Je me souviens d'un 15 août très lourd, très orageux, où après le départ de mes invités, je m'emmerdais ferme, et cela n'allait pas bien parce que je m'étais fait piquer par une guèpe, en plus.
Que faire ? J'avais du mal à me trouver une occupation.
J'ai opté pour une expérience bergsonienne : me préparer un verre d'eau sucrée ; je ne sais plus si c'est dans Matière et mémoire ou la Pensée et le mouvant, mais peu importe : juste une soi-disant expérience complètement truquée, une petite fabrique d'illusion, mais dans le style sous-proustien (ben oui, j'étais un peu déprimé), et là, j'ai vécu l'expérience de la durée. Je me suis fait encore plus chier, mais avec le bergsonisme.

Ce qui n'a pas trop duré : le lendemain, je me suis remis à la Phénoménologie de l'esprit.

Moralité ? Si vous vous faîtes chier et que vous voulez aller au bout de cette expérience existentielle, et que vous aimez, dans ces moments, la littérature infra-proustienne, vous êtes parfaitement dans l'humeur pour lire Matière et mémoire.

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Message par poussbois Jeu 1 Mai 2014 - 14:02

quid a écrit:à euthyphron.

Qu'est-ce qui fait donc qu'une autre personne soit également un sujet et non pas l'objet d'un autre sujet ? Du fait qu'ils communiquent ; que le sujet se figure (s'illusionne ?) que cet objet est un autre ; une autre conscience. Or, il n'y a que lui-même qui peut acter de cette autre conscience. Il tire cette conclusion du rapport qu'il entretien avec cette autre personne. Le sujet se figurait-il qu'il n'est pas seul alors qu'il l'est ?

Feuerbach dépasse très largement ce cadre un peu limité. Pour lui, il est acté que les grands mammifères ont conscience d'eux-mêmes. Je ne détaille pas, les travaux en éthologie ont bien démontré que de nombreuses espèces sont capables de se penser en tant qu'individu. C'est le test du miroir qui est le plus connu (et cité par Feuerbach de mémoire) mais pas le seul.

Feuerbach va plus loin : ce qui distingue l'Homme, qui le fait se distinguer absolument de l'ensemble des espèces animales, c'est sa capacité à se voir en tant qu'espèce justement, en tant que société, culture. Bon, on pourrait en reparler, ce n'est pas si évident que ça, notamment avec les derniers travaux sur les sociétés animales et la "culture" animale, mais peu importe ça n'enlève rien à l'argumentaire, ça le complète éventuellement.
C'est cette notion d'appartenir à une espèce qui lui donne accès à l'omnipotence, l'omniscience, l'immortalité (je ne me souviens plus s'il parle d'éternité et je ne le crois pas), l'ubiquité. Globalement, si je ne le sais pas, collectivement nous sommes capables de le savoir ; si je ne suis pas là, un autre homme peut y être ; si je meurs un autre homme prendra ma place ; si je ne le peux, d'autres le pourront. Ce dernier § c'est plutôt une interprétation personnelle de la relation entre une pensée "omni" et société humaine.
La transcendance divine récupérée par les clergés de toute nature est un sentiment intime de l'espèce humaine de sa propre divinité et du hiatus qu'il y a entre nos capacités individuelles et collectives ; sur ce hiatus, on plaque alors un concept extérieur : Dieu.

Notre religion, notre "lien" (si tant est que cette étymologie soit juste ce qui n'est absolument pas garantie), c'est nous-même, notre société humaine. Au jeu des miroirs, notre accès à la transcendance nous renvoie notre propre image collective, sentiment qui à mon avis peut être particulièrement angoissant : miroir contre miroir, notre image à l'infini. Angoisse qui constitue un terreau favorable à la construction de toutes les fantasmagories.
Alors que notre seule divinité est collective avec notre réelle trilogie citée par Euthyphron : la raison, l'amour et la volonté (d'où notre capacité naturelle à être libre).

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Message par euthyphron Jeu 1 Mai 2014 - 14:25

Je ne vois rien à reprendre à ton exposé.
J'ajoute quand même un petit grain de sel, d'abord en précisant que la trilogie raison, amour, volonté exprimée aussi raison, volonté, coeur n'est pas de moi, mais de Feuerbach lui-même. Elle n'a rien d'original, mais c'est une bonne catégorisation des principales facultés humaines, ce qui est utile pour la réflexion.
Ensuite, sur la conscience de soi comme différence entre l'homme et l'animal, elle est avant tout capacité de parler à soi-même, dédoublement, par conséquent, d'un Je et d'un Tu. Tu peux te dire "tu". Qui parle à qui dans cette situation? Qu'est-ce que cela veut dire de se parler à soi-même en se tutoyant (je ne connais personne pour utiliser le voussoiement!)? Je crois qu'il faut prendre le temps de méditer cela, donc peut-être de se le dire à soi-même, pour comprendre Feuerbach.
Enfin j'ajouterai que la conscience d'être homme n'est pas la même chose que la conscience d'appartenir à une société ou d'avoir une culture. Là encore, c'est un point qu'il faut prendre le temps de bien comprendre. Une société reste définissable par ses bornes, donc ses limites. L'appartenance au genre humain se manifeste dans la conscience comme effectivité, certes, puisque je suis bien un être humain, mais aussi et surtout comme virtualité. Comme disait je crois Térence, "je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger". Par conséquent, virtuellement, je peux comprendre tout ce qui se comprend, tout ce qu'un homme quel qu'il soit comprendra un jour, et ceci est infini, comme l'entendement divin.

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Message par quid Jeu 1 Mai 2014 - 16:59

J'avoue que j'ai du mal à saisir toute cette logique.
On parle de science ? D'essence ? De chose extérieures et d'autres non ? De l'absence d'extériorité ?

Ce que je saisis de Feuerbach et de cette discussion et qui est faux a priori, car Feuerbach semble bel et bien être un réaliste, c'est qu'il n'y a pas d'extériorité pour lui. L'essence de l'homme est son horizon indépassable. Son essence lui est propre et il en est tributaire. D'où les fameuses tautologies ou facultés fondamentales : raison, amour et volonté.
Dans ce contexte, il est dans une considération immanente de l'existence. L'essence de l'homme forme un continuum indépassable.
L'immanence, il partage cela avec certains matérialistes. Pas de finalité, sinon des finalités déjà données qui sont plus des processus ou un cadre. Il a de plus une vision un peu scientifique également, en ne créditant rien qui ne soit créditable. Ainsi il ne porte pas de crédit à l'extériorité, car inaccessible, donc informulable. La connaissance est son propre objet.
Pour autant il reste dans l'idéalisme. Le monde de l'homme est propre à son essence. Je n'ai pas vu dans les quelques extraits cités (sinon celle de Courtial) qu'il ait fait référence à la matière, et ses facultés fondamentales n'y font pas référence.
Cette considération immanente de l'homme est peut-être ce qui l'a fait basculer peu à peu dans une pensée matérialiste.
Enfin je trouve un peu curieuse cette approche d'affirmer que Dieu est un l'horizon qui est en fait l'essence de l'homme, donc d'essentialiser l'homme, de le confiner à une essence propre, et ainsi donner le statut d'illusion au concept de Dieu. Donc de parler de Dieu comme d'une intériorité qui n'est qu'en fait l'homme. Alors je veux bien, mais d'où resurgirait alors une extériorité qui serait connaissable ? Alors on est peut-être dans la démarche scientifique, qui refuse de statuer sur l'extériorité avant toute validation ; démarche qui est finalement sans fin, mais la démarche scientifique n'est pas là pour servir de faire-valoir au cadre significatif de l'homme et de son extérieur, ni de situer l'homme dans son aspect essentiel et existentiel.

Bref, je mis perd un peu.
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Message par euthyphron Jeu 1 Mai 2014 - 17:30

quid a écrit:Ce que je saisis de Feuerbach et de cette discussion et qui est faux a priori, car Feuerbach semble bel et bien être un réaliste, c'est qu'il n'y a pas d'extériorité pour lui.
Je ne vois pas ce qui te fait dire cela. Comment pourrait-il ne pas y avoir d'extériorité, qu'est-ce que cela veut dire? Comment passes-tu de "pas de Dieu" à "pas d'extériorité"? Je ne sais pas moi, les steak-frites existent, et ils sont extérieurs à moi, la preuve c'est que je les mange, où est le problème?  
quid a écrit:Cette considération immanente de l'homme est peut-être ce qui l'a fait basculer peu à peu dans une pensée matérialiste.
Oui, sans doute. Je rappelle qu'il se définit à l'époque de l'Essence du Christianisme comme un naturaliste spirituel. Pas besoin de croire en une sur-nature pour affirmer l'esprit.
quid a écrit:Bref, je mis perd un peu.
Je ne sais pas, mais commence peut-être par abandonner l'idée que si quelque chose existe, alors Dieu existe, sauf pour les scientifiques. C'est Dieu qui n'existe pas, pas le monde ni toi ni moi ni les arbres ni les oiseaux. Et la démarche de Feuerbach a le mérite justement de ne pas feindre d'être scientifique (grand avantage sur Spinoza). Je dirai même que c'est une démarche de théologien (Feuerbach a reçu une formation de théologie protestante). Sa pensée est que si l'on suit la voie du Christ jusqu'au bout on cesse de croire en lui et en Dieu. L'histoire semble lui donner raison, puisque après tout c'est en milieu chrétien que l'athéisme est né et s'est développé.
Je me permets aussi de réitérer amicalement le conseil que je t'ai déjà donné implicitement, de dire les choses comme tu les penses. Tout laisse à penser que tu veux défendre l'idée que Dieu existe. Est-ce cela? Ou bien souhaites-tu que d'autres continuent à y croire par souci de préserver les espèces culturelles menacées? Ou bien as-tu des raisons d'être athées qui sont diamétralement opposées à celles de Feuerbach?

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Message par poussbois Jeu 1 Mai 2014 - 17:34

Quid, moi aussi je me perds dans ce que tu dis, d'autant que je ne suis à l'aise ni en ontologie ni en transcendance...

Disons que dans ce que tu annonces, j'ai l'impression que des contradictions bloquent la progression effectivement. Cette notion d'horizon par exemple, et d'horizon fini et indépassable. Si l'humanité est onmi-tout comme le Dieu construit à notre image, elle n'est ni une horizon ni indépassable.

Euthyphron a écrit:la trilogie raison, amour, volonté exprimée aussi raison, volonté, coeur n'est pas de moi, mais de Feuerbach lui-même.
ouioui, j'avais bien vu ça dans Feuerbach, c'était bien une citation de ta part. Rien de nouveau bien entendu, mais ça m'a fait sourire quand je l'ai lu et, surtout, dans mon texte précédent, ce n'est pas trilogie que je voulais dire, mais trinité. Une nouvelle sainte trinité athée et anthropocentrée.

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Message par quid Jeu 1 Mai 2014 - 20:11

D'accord, donc la démarche ne feint pas d'être scientifique et extériorité il y a.

La conscience est personnelle. Je n'ai pas accès à vos consciences propres. Je dis donc qu'il n'y a que moi pour acter d'une autre conscience que la mienne. La conscience autre ne peut se prouver.
Donc demander de prouver l'existence de Dieu en tant que sujet revient à demander une chose de toute manière impossible.
De plus, si je conclue personnellement et que par ailleurs j'adhère à un discours bien répandu que tous les êtres humains sont doués de conscience, c'est que je me suis moi même convaincu. Il n'y a pas d'essence humaine qui prévale.
Hors, je peux bien être porté à conclure de la sorte pour diverses raisons, qui sont les rapports que j'entretiens personnellement et qui sont mon histoire personnelle. L'une de ses raisons est que j'ai pu identifier des corrélations de similitude entre les hommes ; je n'ai pas attendu l'expérience du miroir. Si j'ai pu me construire une idée de l'homme, qui est en fait une idée générique et non pas une essence à laquelle j'associe la propriété de conscience, c'est la multiplicité des expériences qui m'ont permis de construire ce modèle humain et de lui attribuer une généricité.
Or le problème de Dieu, c'est qu'il est sa propre généricité, il est singulier et hors gabarit du fait de son omni-présence. On ne peut donc demander d'appuyer son existence sur un aspect générique, qui est par ailleurs quelque peu similaire à la démarche scientifique.
Du coup, l'aspect intuitif de la présence de Dieu est lié à sa propre expérience et ne peut être réduit à une illusion de la conscience, car en l'absence de cette justification pseudo-scientifique de généricité alliée à une admission majoritaire, toutes les idées entrent potentiellement dans le cadre de l'illusion et seule la conviction personnelle permet de lever l'illusion en dehors de toute considération scientifique, même si les sources qui permettront à cette conclusion seront diverses. Reste donc pour Dieu, la preuve de l'adhésion des hommes qui est liée à leur propre intuition personnelle.
Les hommes prennent en compte l'évolution des données qui se présentent à eux et qui remettent ou non en doute leurs convictions. Cela améliorera soit leur compréhension propre, soit, sans forcément remettre en cause leur intuition profonde, ils effectueront un glissement, une sorte d'ajustement de leurs idées, soit parfois ils changeront complètement de perspective. Je ne conteste pas que l'existence de Dieu est une croyance, mais pas au sens d'une illusion, et il faut bien voir que la foi n'attend pas la preuve mais la conviction.

En fait je défend la possibilité de l'existence de Dieu parce-qu'il y a possibilité d'y croire. Mais je conçoit que certains choisissent de ne pas y croire. Je ne pense pas que les croyants cherchent forcément à convaincre les autres de croire, ils cherchent juste à ce qu'on ne leur restreigne pas cette possibilité arbitrairement, même s'ils n'ont effectivement que leur foi comme preuve pour éventuellement convaincre. Or l'athée peut ne pas croire, a-t-il besoin de preuves supplémentaires pour ne pas croire, ou ces preuves sont destinées à d'autres ?
Q'implique la recherche de la vérité ? D'envisager que Dieu puisse ne pas exister ou d'envisager qu'il le puisse ?

Je serais incapable de vous dire si je suis croyant ou non, au sens d'adepte d'une religion, même si ma religion éducative est chrétienne. Par contre me reste ce sentiment que l'existence a un sens, que le monde est existence et non pas qu'un objet, que l'incarnation de cette existence n'est pas restreinte à l'homme même si nous y participons.
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Message par poussbois Ven 2 Mai 2014 - 0:40

A mon sens, toute démarche philosophique vise à se débarrasser des idées fausses, à éviter les impasses conceptuelles, à avoir un esprit suffisamment aiguiser pour s'adapter à toute situation en ne se concentrant que sur l'essentiel et en évitant de pleurer sur le superflu, ou tout du moins à engager notre existence sur du "risqué".  

En l'occurrence, ce problème de l'existence de Dieu peut faire partie, en première analyse, de ces éléments risqués auxquels il est bon d'apporter des éléments de réponse un peu fermes pour diriger sa vie. Ou non !

Par exemple, si tu admets qu'on puisse croire ou ne pas croire, tu es tout simplement dans un fonctionnement de type agnostique : ce problème de l'existence ou de la non-existence de Dieu ne peut être tranché, à partir de là, il te faut construire un système qui tient compte de cette éventualité sans compter dessus. Bon, très bien.
Feuerbach, lui, propose une philosophie strictement athée, ou si on cherche dans les détails peut-être une religion de l'humanité, mais ce terme ne me convient guère et en plus, je n'ai pas fini son livre. Dans ces conditions, il faut chercher à comprendre son mode de fonctionnement, pas à calquer nos propres systèmes sur le sien. Dans le cas présent, Feuerbach passe un peu de temps à expliquer pourquoi on peut estimer que notre conscience collective en tant qu'espèce humaine est relativement fiable, de même que tout ce qui en découle. On peut être d'accord ou pas, mais l'intérêt est plus à mon avis de chercher les points de faiblesses de son raisonnement, ce qui est considérablement difficile et délicat.

De ce que tu dis à la fin, tu aurais sans doute moins de problème avec Spinoza je pense.

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Message par euthyphron Ven 2 Mai 2014 - 10:51

Je suis d'accord pour dire que la possibilité de croire en l'existence de Dieu n'est pas abolie. Feuerbach ne cherche pas à démontrer l'inexistence de Dieu, mais à trouver la genèse de l'aliénation religieuse. D'où vient que les hommes ont cru à de telles absurdités, ou si le mot choque, à tant de choses incroyables?
L'intérêt n'est pas tellement à mon sens de se frotter à lui pour trouver l'erreur que de comprendre par lui où en est notre culture, dite scientifique d'ailleurs, ce qui explique que quid ait cru trouver en Feuerbach un excès de scientisme. En particulier comprendre pourquoi, alors que, comme le dit quid, la possibilité de l'existence de Dieu est toujours là, dans les faits elle se réduit à un "choix", c'est-à-dire à quelque chose qui ne puisse convaincre, mais seulement toucher. Bref, sauf exceptions, dont je ne moque pas, il n'y a plus de chrétiens qui croient vraiment en ce qu'ils sont censés croire. Et comme je l'ai dit, c'est en milieu chrétien que s'est formé et développé l'athéisme.
Qu'est-ce qui a changé? Je redis ce que j'ai dit plus haut : la charge de la preuve a changé de camp. Ce n'est plus aux athées de justifier leurs étonnants "paradoxes", c'est aux croyants qu'il revient de justifier leur foi, puisqu'il est établi que si Dieu n'existait pas on l'aurait inventé quand même.
Quels sont les lieux où la question peut se décider? Je reviens là aussi sur ce que j'ai déjà évoqué, qui fait la différence entre la foi chrétienne et ce qu'aurait pu être la religion de l'humanité si la sauce avait pris.
1) Y a-t-il une vie après la mort, qui récompense les justes?
2) La prière est-elle un moyen de communiquer avec le divin, qui peut répondre s'il le souhaite?
J'ajoute ce qui me paraît le plus fondamental :
3) Y a-t-il une Providence, c'est-à-dire Dieu intervient-il dans la vie des hommes pour que tout tourne au bien?
Un chrétien répond trois fois oui, un disciple de Feuerbach répond trois fois non. Il me semble qu'à l'examen de ces trois questions on voit bien qu'effectivement la charge de la preuve incombe au croyant.

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Message par poussbois Ven 2 Mai 2014 - 11:36

Ou alors, on peut également acter ce que propose Spinoza dans son chapitre 15 du traité thélogico-politique, à savoir un divorce assumé entre la foi et la raison : cette option feuerbachienne peut ne pas empêcher la foi, par contre, elle permet une analyse des textes bibliques.

Feuerbach propose dans la lignée de Spinoza une étude quasi ethnographique de la construction du Dieu judéo-chrétien avec le renversement que l'on sait. Mais je ne suis pas sûr qu'il réponde aussi clairement à ta troisième question. Dans son traité, Spinoza pose une question plus technique : Dieu agit-il par essence ou par volonté ? On voit bien que cette réflexion va directement renvoyer à ce qu'il traite dans l'éthique. Avec Feuerbach, on peut effectivement répondre à cette question : pas de volonté divine autre qu'anthropique. Mais de l'existence d'une providence, d'un bien qui s'appliquerait par essence (et non pas "agirait par volonté") est-ce que Feuerbach est si utile que cela pour répondre à cette question ?

J'ai plus l'impression qu'il s'agit vraiment d'une question de centrage, ce que j'avais déjà évoqué au début de ce sujet : Deus sive natura ne serait ainsi pas incompatible avec Feuerbach, mais alors que Spinoza propose un naturocentrisme intégral, Feuerbach est plus du côté de l'anthropocentrisme, d'une nature strictement humaine, sans pour autant se dégager totalement d'une nouvelle foi. Cette foi, ce serait celle qui prévaut aujourd'hui et qui a été reprise par les économistes : la toute puissance de la volonté humaine opposée aux contraintes naturelles.

Bon, comme déjà dit, je n'ai toujours pas fini le livre de Feuerbach, ce ne sont en l'état que des opinions réfutables.

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