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Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion

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Message par euthyphron Lun 21 Avr 2014 - 11:34

Le but du jeu que je propose ici n'est pas de faire un cours sur Feuerbach, mais plutôt de réfléchir sur la question qui l'a rendu célèbre, avec cette particularité d'être considéré par à peu près tout le monde comme un philosophe mineur, mais néanmoins décisif dans l'histoire de l'athéisme.
Posons à titre d'hypothèse, sans préjuger de sa vérité, que les croyances religieuses sont aberrantes. Comment en convaincre alors l'immense partie de la population qui s'y laisse prendre?
La première piste qui viendrait à l'esprit serait de dénoncer le caractère irrationnel de ces croyances. Or, en procédant ainsi, nous en apprenons beaucoup sur la raison et son extraordinaire plasticité, mais nous nous heurtons à la rigueur impitoyable de la théologie. Aucune faute de logique ne peut être mise en exergue. C'est au bon sens que les croyances religieuses adressent parfois un défi, pas au principe de non-contradiction.
Ce serait donc dans  la mesure où la folie serait non pas la perte de la raison mais la perte de la capacité de juger avec bon sens que les croyances religieuses seraient folles. Une deuxième piste serait d'expliquer les croyances religieuses par les passions, comme on disait, essentiellement la crainte. Mais, en dehors du fait qu'on ne voit pas trop, hors moments de persécution, le courage qu'il faut pour être athée, expliquer des bibliothèques d'ouvrages théoriques, pour me limiter à cela, par la peur de mourir, paraît un peu grossier! Le croyant ne peut guère être troublé par une accusation aussi générale, voire gratuite.
La piste feuerbachienne est autrement plus crédible. La méthode de Feuerbach est non pas de dénoncer ce que la religion a de faux, mais d'interpréter correctement ce qu'elle dit, et qui est vrai, une fois qu'on a compris qu'elle ne parle en réalité pas de Dieu, puisqu'il n'y a pas de dieu, mais de l'homme. D'où l'intérêt porté au christianisme. Le christianisme affirme que Dieu s'est fait homme en Jésus-Christ. Il dit vrai, pourvu qu'on se souvienne qu'il n'y a pas de Dieu, et donc qu'il faut lire qu'à partir de Jésus-Christ l'humanité a pu prendre conscience de ce qu'elle était sa propre divinité.
La vérité de la religion est en effet la vérité de la conscience, qui est à la fois conscience de soi en tant qu'individu et conscience de son être générique, conscience d'être humain et de porter en germes tous les attributs de l'humanité. Traduisons alors "Dieu est omniscient" pour prendre cet exemple. Cela veut dire que l'intelligence est infinie, et en effet on ne peut limiter l'intelligence humaine, et donc l'intelligence est divine. Le retournement de "l'intelligence est divine", proposition vraie, en "Dieu est toute intelligence", simple inversion du sujet et du prédicat, constitue l'aliénation religieuse.

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Message par quid Lun 21 Avr 2014 - 20:02

C'est un peu le principe des conversions ou des assimilations ?
Plutôt que de combattre les traditions, on essaye de les intégrer au nouveau système de pensée : Voir la christianisation des peuples. On garde le substrat, mais on le redéfini, on change l'habillage. Un genre de compromis "sans douleur".
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Message par lanK Lun 21 Avr 2014 - 22:10


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trop balèze comme question !!
est-ce du coté de l'illusion amoureuse que tu nous orientes ?

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Message par Aldo Lun 21 Avr 2014 - 23:46

1/ En préambule, je trouve rapide de dire que la croyance religieuse serait plus irrationnelle que par exemple l'investissement que chacun met à travers ce qu'il considère comme le savoir, ou plutôt la connaissance... et plus précisément l'identification implacable à laquelle on peut se soumettre vis-à-vis de notre propre discours, de nos mots, du système imagé et discursif à travers lequel on se représente le monde. Système qui relève pour ce que j'en pense exactement du même processus de soumission que celle envers une idole censée (philosophiquement) cristalliser un état idéal d'achèvement, de modèle ou de perfection de l'aventure humaine : Dieu en l'occurrence.
Les croyances voire les peurs primitives se sont-elles cristallisées et socialisées à travers les mots, bien avant l'apparition des religions ? Je me demande...

2/ Ainsi j'aurais préféré qu'on évite de mettre en exergue le message christique (qui a sans doute ses qualités et ses défauts) et que le problème tourne plus généralement autour de la question de savoir si l'on peut considérer les religions comme des philosophies.

3/ En guise de début de réponse (d'hypothèse en fait), il me semble que les religions se contentent de poursuivre la place du chaman, des anciens, ancêtres, etc, des sociétés primitives, en l'élargissant pour l'adapter à une échelle sociale infiniment plus grande, et ce grâce à la production d'un système de croyances élaboré qui préserve et garantisse au mieux la continuité d'une pouvoir de type politique par un récit (ou système de récits) légendaire qui marque les esprits en répondant à leurs questions les plus intimes.
(on peut alors facilement s'amuser à comparer le message christique avec les récits de deux autres grandes religions : l'hindouisme et l'islam, qui répondent elles aussi à cette définition en tant que créatrices d'une structure sociale pérenne pour le moins efficace)
Les religions seraient issues d'une volonté stratégique de manipulation du peuple qui biaiseraient à partir des savoirs des chamans (ancêtres, etc) et des pouvoirs qui leur sont reconnus, afin de régner sur les esprits et d'institutionnaliser ces rapports de pouvoir à travers l'apparition progressive des sociétés à grande échelle et autres États.

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Message par poussbois Mar 22 Avr 2014 - 0:37

Réponse rapide :

1/ C'est rapidement dit par Euthyphron, mais développé par Feuerbach. Je te conseille son texte sur "La religion".

2/ là encore, c'est une discussion lancée par Euthyphron sur Feuerbach, hors, Feuerbach se base principalement sur la religion catholique et protestante, donc sur le nouveau testament. Ce qui est intéressant d'ailleurs, car Spinoza avait déjà envisagé une déconstruction de l'ancien testament mais personne ne s'était réellement attaqué au nouveau avant Feuerbach. La mise en exergue me semble difficile et d'ailleurs pourquoi serait-elle souhaitable ?

3/ les religions monothéistes ne prolongent pas le paganisme, elles en sont l'opposé, en tout cas, c'est ce que propose Feuerbach. Je n'ai pas eu à chercher bien loin, c'est en introduction de son livre :

Le paganisme classique avait pour caractère l'unité; dualisme, scission, désaccord en toutes choses sont le caractère du christianisme. On trouve bien, il est vrai, dans le paganisme, des contrastes nombreux, — où ne pourrait-on pas d'ailleurs en trouver ? — et à leur suite mille maux, mille combats, mille douleurs; mais ces contrastes étaient nécessaires, ces combats organiquement fondés, ces douleurs et ces maux naturels et inévitables. Le christianisme unit à ces maux inévitables des maux superflus, aux luttes nécessaires
et immanentes des luttes transcendantes qui brisaient les esprits, aux souffrances corporelles des souffrances de l'âme, aux contrastes naturels des contrastes contre nature ; la scission entre Dieu et le monde, entre le ciel et la terre, la grâce et la nature, l'esprit et la chair, la foi et la raison.

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Message par Aldo Mar 22 Avr 2014 - 2:00

poussbois a écrit:c'est une discussion lancée par Euthyphron sur Feuerbach
... une discussion sur Feurbach ET la sortie de la religion, si je lis bien.
Disons que ce qui m'a interpellé dans le texte d'Euthryphon est plus la spécificité d'une parole christique qui, d'après ce que je comprends de son texte, serait en quelque sorte une voie de sortie de la religion.
Admettons... sauf que la parole christique en question, c'est bien le christianisme qui nous la transmet. Du coup, une fois prise la précaution bien élémentaire de refuser les oripeaux habituels de toute religion, on retombe sur l'idée que le christianisme aurait en lui de façon plus ou moins inhérente (disons ses récits) cette capacité de faire sortir de la religion : la religion qui ferait sortir de la religion. Et ça ça me gêne, pour avoir déjà entendu ce type de discours autour du progrès (il y a un mot savant je crois, pour dire cette idée d'un progrès linéaire) qui, en fin de compte, peut finir par vanter les mérites de telle religion plutôt qu'une autre, voire d'une civilisation plutôt qu'une autre (c'est pourquoi j'ai évoqué les qualités et défauts de toute religion).
Ceci dit, je conçois qu'on puisse me taxer d'interprétation... si j'ai été un peu vite sur ce coup, qu'Euthryphon me pardonne.

poussbois a écrit:les religions monothéistes ne prolongent pas le paganisme, elles en sont l'opposé, en tout cas, c'est ce que propose Feuerbach.
Paganisme je sais pas. Les païens, ce sont ceux que les religieux considèrent comme plus ou moins hérétiques, non ?
Je faisais pour ma part référence aux animistes (et leur chamans), voire aux divers reliquats du culte des ancêtres encore assez présent dans pas mal de coins (que je rapproche naturellement des civilisations qui traditionnellement vouent un respect marqué aux "anciens" - aux vieux on va dire).
L'animisme qui était semble-t-il présent à peu près partout dans toutes sortes de "tribus" (dites "sauvages") et au delà... organisé autour du chef et du sorcier (ou chaman) : un pouvoir concret, politique, doublé d'un autre, mental ou spirituel (voire un savoir).
La société indienne par exemple reprend très précisément ces types d'organisation avec ses deux castes supérieures. C'est pas un hasard et ça marche depuis 4000 ans ! Et chez nous le pouvoir politico-spirituel des religieux qui a perduré si longtemps, relève à peu près du même type d'organisation sociale.
Donc de l'animisme au polythéisme et du polythéisme au monothéisme, il n'y a qu'un pas on dirait, socialement en tous cas. Et si le monothéisme (voire certain monothéisme), semble peut-être porteur d'un progrès psychologique collectif (en terme de conscience, dans un face-à-face avec Dieu ?), c'est le genre de "progrès" dont je me méfie comme de la peste... d'autant que le monothéisme efface sans vergogne les qualités propres au polythéisme, et me semble de plus bien plus intransigeant.

poussbois a écrit: Je te conseille son texte sur "La religion".
J'essaierai de trouver un lien...

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Message par euthyphron Mar 22 Avr 2014 - 10:36

quid a écrit:C'est un peu le principe des conversions ou des assimilations ?
Plutôt que de combattre les traditions, on essaye de les intégrer au nouveau système de pensée : Voir la christianisation des peuples. On garde le substrat, mais on le redéfini, on change l'habillage. Un genre de compromis "sans douleur".
A un "détail" près. Il est clair que chez Feuerbach il ne s'agit pas d'un compromis du tout, mais du seul moyen d'éliminer la religion. Je ne vois pas de compromis possible.

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Message par euthyphron Mar 22 Avr 2014 - 11:00

Aldo a écrit:1/ En préambule, je trouve rapide de dire que la croyance religieuse serait plus irrationnelle que par exemple l'investissement que chacun met à travers ce qu'il considère comme le savoir, ou plutôt la connaissance... et plus précisément l'identification implacable à laquelle on peut se soumettre vis-à-vis de notre propre discours, de nos mots, du système imagé et discursif à travers lequel on se représente le monde.
Les croyances religieuses ne sont pas irrationnelles, elles sont absurdes. Elles témoignent de l'aliénation naturelle de la conscience. Feuerbach est donc un chaînon essentiel dans l'histoire de la pensée et de son cheminement jusqu'aux thèses "anti-rationnelles" que tu sembles évoquer.
Et donc, s'il y a de l'irrationnel dans notre croyance au vrai, c'est par la compréhension de l'aliénation religieuse que nous parviendrons à le déceler.
Aldo a écrit: Ainsi j'aurais préféré qu'on évite de mettre en exergue le message christique (qui a sans doute ses qualités et ses défauts) et que le problème tourne plus généralement autour de la question de savoir si l'on peut considérer les religions comme des philosophies.
Tu peux ouvrir un autre sujet.
Mais s'il est question de Feuerbach, on ne peut pas passer sous silence la particularité du christianisme, qui ne tient pas du tout au "message", mais au dogme de l'incarnation.
Aldo a écrit:En guise de début de réponse (d'hypothèse en fait), il me semble que les religions se contentent de poursuivre la place du chaman, des anciens, ancêtres, etc, des sociétés primitives, en l'élargissant pour l'adapter à une échelle sociale infiniment plus grande, et ce grâce à la production d'un système de croyances élaboré qui préserve et garantisse au mieux la continuité d'une pouvoir de type politique par un récit (ou système de récits) légendaire qui marque les esprits en répondant à leurs questions les plus intimes.
(on peut alors facilement s'amuser à comparer le message christique avec les récits de deux autres grandes religions : l'hindouisme et l'islam, qui répondent elles aussi à cette définition en tant que créatrices d'une structure sociale pérenne pour le moins efficace)
Les religions seraient issues d'une volonté stratégique de manipulation du peuple qui biaiseraient à partir des savoirs des chamans (ancêtres, etc) et des pouvoirs qui leur sont reconnus, afin de régner sur les esprits et d'institutionnaliser ces rapports de pouvoir à travers l'apparition progressive des sociétés à grande échelle et autres États.
Dans la préface à l'édition Tel de l'Essence du Christianisme, Jean-Pierre Osier dit qu'on n'a le choix qu'entre Spinoza et Feuerbach.
Je traduis : ou bien des thèses qui expliquent la religion comme le résultat d'un processus (la peur du tonnerre a fabriqué Zeus) ou bien des thèses qui tentent une interprétation rectificatrice. L'intérêt de Feuerbach est de fournir le modèle de cette deuxième voie, qui me paraît ô combien plus intéressante.
Dire (je ne dis pas que c'est ce que tu dis) que tout s'explique par une stratégie de manipulation est en effet gratuit et paresseux. Comment expliquer que les manipulateurs y aient cru eux-mêmes, que les manipulés y aient trouvé du sens, et que toute une vie culturelle, avec sa part de discussions techniques, de conceptualisations, de pensée en un mot, soit sortie toute armée d'une simple volonté de dominer? C'est celui qui le dit qui y est.
Ce qui est donc à expliquer, c'est que les croyances religieuses, en dépit de leur absurdité, aient pu faire sens. Au passage, une raison non contingente de s'intéresser au christianisme est que c'est la religion la plus absurde (un homme-Dieu né d'une vierge qui ressuscite, pour résumer l'histoire), et pourtant la plus en avance, car levant le lièvre pour la première fois : Dieu n'est que l'homme.
La question des techniques  utilisées par les religions en tant qu'institutions de pouvoir est intéressante, mais c'est encore un autre sujet à ouvrir. Pour ma part, je ne pense pas qu'il y ait à ce niveau une différence fondamentale entre institutions religieuses et institutions laïques.

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Message par euthyphron Mar 22 Avr 2014 - 11:10

Aldo a écrit:ce qui m'a interpellé dans le texte d'Euthryphon est plus la spécificité d'une parole christique qui, d'après ce que je comprends de son texte, serait en quelque sorte une voie de sortie de la religion.
Non, on ne peut pas dire ça. Le christianisme, et non une parole christique, conduit à la sortie de la religion mais à condition de le renverser. Il ne s'agit pas de l'intégrer à un processus hegelien, il s'agit de le réinterpréter, de telle sorte qu'il disparaisse, au profit d'ailleurs d'une sorte de paganisme matérialiste et humaniste que Feuerbach appelait de ses voeux, en disant par exemple avec humour qu'il faudrait supprimer le baptême mais en garder l'intérêt, à savoir prendre des bains.


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Message par hks Mar 22 Avr 2014 - 13:08

à euthyphron

Mais s'il est question de Feuerbach, on ne peut pas passer sous silence la particularité du christianisme, qui ne tient pas du tout au "message", mais au dogme de l'incarnation.

 Il me semble  que ce qui fait  la particularité du christianisme( pas l'essence ) c' est la résurrection. Non que  cette croyance n'ai pas existé dans d'autre religion mais que la résurrection le point d' ancrage de la preuve ( de la preuve de l'incarnation ). Et pas une résurrection simple mais dans un corps glorieux.
Sinon effectivement on a le christianisme dans l'interprétation de  Spinoza.
Quant à celle de Feuerbach ...je ne connais hélas cet auteur que par commentaires, je ne vois donc que partiellement le modèle de cette deuxième voie.

Mais ce que tu en dis  ne me semble pas si éloigné de ce que pensait Spinoza ( pas opposé en tout cas )

je te cite
La piste feuerbachienne est autrement plus crédible. La méthode de Feuerbach est non pas de dénoncer ce que la religion a de faux, mais d'interpréter correctement ce qu'elle dit, et qui est vrai, une fois qu'on a compris qu'elle ne parle en réalité pas de Dieu, puisqu'il n'y a pas de dieu, mais de l'homme. D'où l'intérêt porté au christianisme. Le christianisme affirme que Dieu s'est fait homme en Jésus-Christ. Il dit vrai, pourvu qu'on se souvienne qu'il n'y a pas de Dieu, et donc qu'il faut lire qu'à partir de Jésus-Christ l'humanité a pu prendre conscience de ce qu'elle était sa propre divinité.
La vérité de la religion est en effet la vérité de la conscience, qui est à la fois conscience de soi en tant qu'individu et conscience de son être générique, conscience d'être humain et de porter en germes tous les attributs de l'humanité. Traduisons alors "Dieu est omniscient" pour prendre cet exemple. Cela veut dire que l'intelligence est infinie, et en effet on ne peut limiter l'intelligence humaine, et donc l'intelligence est divine. Le retournement de "l'intelligence est divine", proposition vraie, en "Dieu est toute intelligence", simple inversion du sujet et du prédicat, constitue l'aliénation religieuse.

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Message par Aldo Mar 22 Avr 2014 - 13:29

euthyphron a écrit:
Aldo a écrit:En guise de début de réponse (d'hypothèse en fait), il me semble que les religions se contentent de poursuivre la place du chaman, des anciens, ancêtres, etc, des sociétés primitives, en l'élargissant pour l'adapter à une échelle sociale infiniment plus grande, et ce grâce à la production d'un système de croyances élaboré qui préserve et garantisse au mieux la continuité d'une pouvoir de type politique par un récit (ou système de récits) légendaire qui marque les esprits en répondant à leurs questions les plus intimes.
(...)
Les religions seraient issues d'une volonté stratégique de manipulation du peuple qui biaiseraient à partir des savoirs des chamans (ancêtres, etc) et des pouvoirs qui leur sont reconnus, afin de régner sur les esprits et d'institutionnaliser ces rapports de pouvoir à travers l'apparition progressive des sociétés à grande échelle et autres États.

Dire (je ne dis pas que c'est ce que tu dis) que tout s'explique par une stratégie de manipulation est en effet gratuit et paresseux. Comment expliquer que les manipulateurs y aient cru eux-mêmes, que les manipulés y aient trouvé du sens, et que toute une vie culturelle, avec sa part de discussions techniques, de conceptualisations, de pensée en un mot, soit sortie toute armée d'une simple volonté de dominer? C'est celui qui le dit qui y est.
Ce qui est donc à expliquer, c'est que les croyances religieuses, en dépit de leur absurdité, aient pu faire sens. Au passage, une raison non contingente de s'intéresser au christianisme est que c'est la religion la plus absurde (un homme-Dieu né d'une vierge qui ressuscite, pour résumer l'histoire), et pourtant la plus en avance, car levant le lièvre pour la première fois : Dieu n'est que l'homme.

Ne mélangeons pas les choses. Il n'est pas question d'expliquer l'origine de la croyance par une quelconque stratégie de pouvoir. C'est bien (pour ce que j'en pense) la croyance qui est au cœur de la problématique religieuse ( d'où mon préambule comme quoi les croyances pourraient passer par la verbalisation de récits supposés répondre aux questions induites par des peurs originelles partagées, communes).
C'était l'art du chaman que de répondre à toutes sortes de maux, physiques bien sûr mais aussi forcément autres... il prodiguait souvent ses soins au sein d'un rituel (censé j'imagine faire participer activement l'esprit du "malade"). Il avait donc ainsi un réel pouvoir sur le commun des mortels. Or ne dévoilant jamais le pourquoi de ces rituels, on n'était pas en mesure d'en comprendre les raisons. Il était donc auréolé de pouvoirs plus ou moins mystérieux par la quasi totalité de la tribu.
L'art et le savoir du chaman se transmettait (oralement) d'un individu à l'autre. À partir de là, on peut imaginer que certains étaient des braves types et d'autres abusaient un poil de leur situation (il suffit pour s'en convaincre d'observer le rapport moyen des médecins actuels au pouvoir)

Mon hypothèse (ce n'est qu'une idée), c'est qu'à un moment donné, certains chefs de tribus (devenus clans etc) sont devenues tellement puissants et ivres de puissance qu'ils se sont engagé dans des conquêtes territoriales (voir les incas par exemple) à une échelle a priori totalement improbable. En plus d'organiser un mode de gouvernement local qui tienne la route, il était besoin, me semble-t-il, de pérenniser le pouvoir spirituel (à l'origine donc chamanique) sur n'importe quel territoire conquis, où récits et légendes étaient forcément divers. C'est là je me demande si la solution trouvée n'a pas été d'élaborer une sorte de récit global susceptible d'agréer à la très grande majorité des individus.
Bon, vous me pratiquez tous vaguement et vous imaginez que je n'ai pas dévalisé les bibliothèques pour savoir si, historiquement, cette hypothèse tient la route... simplement elle cadre je trouve parfaitement avec les différents modèles religieux – ultérieurs donc – qu'on peut donc trouver en Inde comme dans l'Europe chrétienne, voire ailleurs. Et ça, c'est un fait !


Le problème du sens que tu évoques :
Euthryphon a écrit:"Ce qui est donc à expliquer, c'est que les croyances religieuses, en dépit de leur absurdité, aient pu faire sens"
ne me chagrine pas beaucoup. L'homme me semble prêt à croire à n'importe quelle connerie, du moment qu'elle soit partagée par la majorité. Moi je crois qu'aujourd'hui on croit aux mots avec exactement la même absence de recul et la même soumission qu'on peut croire en l'immaculée conception, aux fantômes ou en Dieu, sans que ça n'interroge personne plus que ça.
Cette croyance-là me semble effectivement partagée par tout le monde ou presque, indépendamment du niveau de culture, de l'échelle sociale etc : on se bat dans l'espace d'abstraction des mots et des idées sans même s'en apercevoir... comme si tout ça devait forcément coller pile-poil avec le réel. Soit dans un espace de savoir et non dans un espace de réflexion !!!
C'est invraisemblable, ahurissant pour ce que j'en pense, et pourtant, c'est comme ça.
Qu'ajouter...

Maintenant si les récits post-chamaniques et donc religieux ont pu faire sens pour tant de gens, c'est assurément et tout simplement parce qu'ils en avaient !
Ils en avaient, mais à l'intérieur d'un certain contexte, d'une certaine vision du monde : les fantômes ou l'esprit des morts s'inscrivent parfaitement dans l'expérience de vie de certaines cultures à travers les mystères des savoirs qu'elles pouvaient prêter aux "anciens", et les questions résiduelles restées en suspens que ces derniers avaient suscitées... et qui continuaient forcément après leur mort à faire leur chemin (sans évoquer ici d'autres liens affectifs structurels).

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Message par hks Mar 22 Avr 2014 - 13:57

à aldo

ne me chagrine pas beaucoup. L'homme me semble prêt à croire à n'importe quelle connerie, du moment qu'elle soit partagée par la majorité.

 Après avoir fait une réduction à la manipulation, tu fais maintenant une réduction à l'instinct grégaire.

Le christianisme est une religion très particulière ( Feuerbach traite  du christianisme! ) ce a tel point que René Girard y voit tout autre chose qu'un ensemble de superstitions.
Pour René Girard le sens du christianisme est  la révélation d' un processus social.
Je doute que Feuerbach se soit aperçu du phénomène du bouc- émissaire,  néanmoins son explication semble aller aussi dans un sens "anthropologique"  au sens où  Jesus c'est d'abord l' homme.

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Message par euthyphron Mar 22 Avr 2014 - 14:16

Aldo a écrit: L'homme me semble prêt à croire à n'importe quelle connerie, du moment qu'elle soit partagée par la majorité. Moi je crois qu'aujourd'hui on croit aux mots avec exactement la même absence de recul et la même soumission qu'on peut croire en l'immaculée conception, aux fantômes ou en Dieu, sans que ça n'interroge personne plus que ça.
Ne mélangeons pas tout. C'est à juste titre que tu mentionnes la crédulité humaine, et l'on peut gloser à l'infini sur les égarements invraisemblables qu'elle produit, en remarquant ce que chacun sait : "les hommes aiment tellement la vérité qu'ils voudraient que ce qu'ils aiment soit vrai", disait Spinoza, et donc ils sont prêts à n'importe quoi pour maintenir une croyance qui est elle-même déjà n'importe quoi, ou pas d'ailleurs. Ceci ne doit jamais être oublié, j'en conviens. Mais cela n'explique pas le pouvoir de faire sens dont je parle.
Deux exemples simples, empruntés aux croyances obligatoires du christianisme : 1) le miracle de la résurrection de Lazare. Il suffit, si l'invraisemblance du fait n'a pas déjà tranché la question, de se demander pourquoi ce pauvre Lazare a été condamné à mourir à nouveau pour ne plus croire à ce fait. N'y croiront que ceux qui ont reconnu l'obligation de croire à tout ce que l'Eglise enseigne. Etrangement, cela fait du monde, je suis d'accord. Mais qui suis-je pour juger? Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion 2577518336 
2) le dogme de la Trinité. Ici, il ne s'agit plus de croire  en un fait invraisemblable, mais de recevoir une représentation du divin comme vraie, et éclairante. Or, il y a des livres de réflexion sur la trinité, à commencer naturellement par Augustin. Absence de recul ou soumission ne peuvent produire la pensée augustinienne, par exemple.
Aldo a écrit: Maintenant si les récits post-chamaniques et donc religieux ont pu faire sens pour tant de gens, c'est assurément et tout simplement parce qu'ils en avaient !
Exactement, nous sommes d'accord. Mais s'ils n'en ont plus pour nous, de quel droit juger ce que nous ne comprenons pas?

Hks,
à ma connaissance Spinoza n'a pas essayé d'interpréter le christianisme pour en donner le véritable sens, mais seulement de l'expliquer par ses causes de production. Mais je n'ai pas lu depuis longtemps le Traité théologico-politique. Aurais-tu un extrait qui irait dans un autre sens?
D'autre part, je suis d'accord avec toi pour dire que René Girard, lui aussi, réinterprète le christianisme. La grande différence avec Feuerbach c'est que Girard est chrétien! Son oeuvre peut se lire comme une tentative pour justifier la foi chrétienne aujourd'hui, à la condition de l'avoir expurgée de son caractère sacrificiel (la folie de penser que Dieu a pu décidé de sacrifier son fils unique dans un marché avec le démon).

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Message par Aldo Mar 22 Avr 2014 - 15:48

hks a écrit:à aldo

ne me chagrine pas beaucoup. L'homme me semble prêt à croire à n'importe quelle connerie, du moment qu'elle soit partagée par la majorité.

 Après avoir fait une réduction à la manipulation, tu fais maintenant une réduction à l'instinct grégaire.

Libre à toi de traiter la "manipulation" en question de réduction... sauf que je viens de développer clairement le pourquoi de l'apparition de la-dite manipulation dans un contexte précis... ce dont tu ne tiens aucun compte ! Puisque ça ne t'intéresse pas, autant s'arrêter là.
Quant à ta réduction à l'instinct grégaire, je suis plutôt étonné de la part d'un lecteur de Krishnamurti qui ne dit pas à mon sens autre chose (mais il est vrai que c'est Krishnamurti et non un vulgaire internaute anonyme) que ce décalage des mots propre à l'humanité (et particulièrement à l'Occident, si j'ose me permettre de rajouter une ligne à ses textes sacrés).

...

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Message par Aldo Mar 22 Avr 2014 - 16:25

à Euthryphon,

On est peut-être sur un malentendu. Il me semble à moi que la façon dont tu traites le sens vient surtout de ton incapacité à imaginer croire aux fantômes...
Je dis simplement que ça fait effectivement sens pour certains, au sein de cultures particulières, sans le moindre jugement de valeurs... et donc, dans cet esprit, sens il y a !
... et il me semble que là, on se rejoint, puisqu'il est question de ne pas juger de ce que l'on ne connaît pas, comme tu le dis (encore que d'accepter l'idée des fantômes comme porteuse de sens est déjà me semble-t-il une façon de ne pas rien comprendre à la croyance de l'autre).

Un mot sur la résurrection. Ok vu d'ici, ça fait rigoler (et moi avec).
N'empêche que si on re-contextualise le truc au sein de sociétés qui par exemple croient en la réincarnation (l'Inde par exemple), la capacité de croire à la résurrection me semble réellement relativisée, et peut apparaître quasi rationnelle (disons "normale", histoire de pas me faire engueuler).
... enfin il me semble. J'ai évidemment un mal fou à me mettre à la place de gens qui croient au sein d'une société profondément religieuse. Ce que j'en sais (par expérience), c'est que ces gens n'arrivent pas à imaginer un monde sans dieu : ça n'a pour eux aucun sens.


Dernière édition par Aldo le Mar 22 Avr 2014 - 20:57, édité 2 fois

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Message par euthyphron Mar 22 Avr 2014 - 16:53

J'ai évoqué précisément la résurrection de Lazare. Pourquoi celle-ci, en dehors de la petite allusion à Dostoievski?
Parce qu'elle fait partie des miracles reconnus du Christ. Ce qui veut dire qu'un chrétien doit y croire. Or, il existe encore des chrétiens; le christianisme, de fait, ne semble pas incompatible avec la culture moderne, il n'y a qu'à prendre l'exemple des Etats-Unis.
Mais la culture moderne interdit de croire en la résurrection de Lazare (je dis bien de Lazare, je ne parle pas du cas particulier de la résurrection de Jésus).
Donc, il est pour un chrétien d'aujourd'hui à la fois obligatoire et interdit de croire en la résurrection de Lazare. Qu'on ne s'étonne donc pas des problèmes psychologiques que les chrétiens rencontrent.

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Message par hks Mar 22 Avr 2014 - 19:36

à Euthryphon

Oui j'aurai des extraits qui iraient dans le sens d'une explication par l'esprit du christ***.

Il y a un débat récent sur Spinoza et la relgiion sur le site "Spinoza et nous" et particulièrement sur Spinoza et sa compréhension de Jésus.http://www.spinozaetnous.org/forum/viewtopic.php?f=14&t=1339&p=20383#p20383

En revanche je suis mal informé de Feuerbach pour juger de la remarque du préfacier "choisir entre Spinoza et Feuerbach". Comme ça, à vue, je les vois proches.

***je vais rechercher.

  Sur Girard.  Son anthropologie précède sa théorie du christianisme. ( ou concomitante  en son esprit peut -être mais pas dans l'ordre des textes édités ).
Dans son premier livre il explique ses idées à partir d oeuvres littéraires et puis dans le second il se réfère à des mythes antérieurau christianisme  ... et ailleurs encore à Shakespeare.
Disons que son anthropologie serait universelle et qu'il se trouve une religion qui l'a révelée  avant Girard lui même, bien que ce soit Girard qui  révèle cette révélation là.

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Message par hks Mar 22 Avr 2014 - 19:52

à Aldo
Feuerbach traite du christianisme et toi de la religion en général. Moi je veux bien qu'on traite du chamanisme, de la superstition, des croyances  au surnaturel et puis du pouvoirs des prêtres, de l'instinct grégaire ...mais là c'est si vaste...
J'essayais seulement de recentrer.

Tu as lu Krishnamurti ?... non mais je demande. Car en ce cas je ne te vois pas en avoir retiré le "calme de l'esprit". Tu prends systématiquement la mouche.  (En conséquence je ne répondrai plus sur ce fil ).

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Message par euthyphron Mar 22 Avr 2014 - 19:56

Voici ce que j'ai trouvé sur ton lien dont je te remercie:
Jacqueline Lagrée, commentant Spinoza a écrit:La foi [en Dieu], on le sait, n’est pas le dernier mot de la connaissance de la nature divine. Elle est dépassée par la connaissance démonstrative de la nature et des attributs de Dieu (au double sens d’attribut), puis par la science intuitive.
On est à des années-lumière de Feuerbach, pour au moins deux raisons.
1) Pas de dieu chez Feuerbach
2) La vérité du discours religieux apparaît si l'on applique la bonne herméneutique, et non par la démonstration.

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Message par Aldo Mar 22 Avr 2014 - 20:41

à Euthyphron,

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il existe deux types de croyants. Ceux pour qui Lazare est ressuscité, un point c'est tout ; et ceux pour qui c'est un récit légendaire qui doit être pris comme tel, destiné à faire sens quelque part. Pour les seconds, il est devenu difficile de comprendre comment ils perçoivent leur croyance. Si on leur pose la question, on a généralement affaire à un discours autour de la foi, celle-ci s'appuyant sur une sorte de relation à l'infini de plus en plus indicible au fur et à mesure qu'on s'en approche (c'est vague)... mais la croyance persiste, quoi qu'il en soit : fin du discours. Les premiers, eux (et comme déjà dit), sont encore plus inaccessibles à notre entendement : ils ne comprennent pas qu'on ne croit pas, point.
(j'ignore pour ma part si ça perturbe tant que ça les chrétiens occidentaux)

Mais encore une fois, tout ça c'est notre culture vue depuis notre culture, au jour d'aujourd'hui.

Si l'on voulait envisager une théorie sur le processus chronologiques des religions, il faudrait être capable de prendre en compte une vision depuis longtemps caduque en Occident : celle de ce que j'appelle une religion vivante, cad une religion qui soit considérée non comme une part de la sphère privée mais bien comme un bien collectif, partagé, commun, une vision du monde en fait... d'où mes allusions à une philosophie.
C'est le cas en Inde (d'où mon insistance, vu que je connais pas mal ce pays).
Donc, sauf intérêt pour cette part du débat que j'essaie d'introduire, je m'en tiendrai à mon désaccord sur ce que je pense être un défaut de contextualisation d'un point de vue strictement occidental : le type qui ne pense la résurrection de Lazare qu'en terme symbolique, voire philosophique, n'existe à peu près pas en Inde, ou dans des proportion infimes.

Les religions me semblent impliquer des mouvements structurels psychologiques infiniment lents en même temps que puissants. Et je maintiens que, vu de la croyance en la réincarnation, la résurrection me semble quasiment un épiphénomène qui devait passer à une époque comme une lettre à la poste...

Ceci étant (re)dit, je n'insisterai pas et vous laisse discuter de Feuerbach et de son analyse sur le retournement de la croyance en dieu vers celle en les hommes à travers le christianisme, qui me paraît intéressante sans que j'ai plus à dire que ça, ne me sentant pas vraiment très concerné par le sujet... ou peut-être ne sachant pas par quel bout le prendre.

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Message par Aldo Mar 22 Avr 2014 - 20:53

hks a écrit:Tu as lu Krishnamurti ?... non mais je demande. Car en ce cas je ne te vois pas en avoir retiré le "calme de l'esprit". Tu prends systématiquement la mouche
Oui ce genre de réponse m'agace d'autant plus que venant de toi, avec qui on a eu des échanges agréables et courtois. D'où la sécheresse de ma réponse.
Je ne vais pas la refaire.. si ? Donc voilà : je venais d'expliquer pas à pas le processus de passage des croyances tribales à la religion, et j'attendais en commentaire autre chose que : "c'est une réduction", sans plus de commentaire (et je parle pas d'argument).

Feuerbach traite du christianisme, j'entends bien et n'ai rien contre recentrer si nécessaire. Simplement il me semble que contextualiser les faits (religieux) n'est pas inutile dans ce genre de débat. Peu importe... j'ai dit ce que je voulais dire, ce que cette question m'évoquait.

Quant à Krishnamurti, je l'ai très attentivement lu (ça en fait au moins un  Feuerbach ou comment se débarrasser de la religion 2577518336 ), et comme tu vois, il ne m'a pas apporté la sérénité que tout toubab blanc est censé atteindre après en avoir extrait la substantifique moelle.
Va savoir pourquoi...

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Message par poussbois Mar 22 Avr 2014 - 21:25

Aldo a écrit:à Euthyphron,

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il existe deux types de croyants. Ceux pour qui Lazare est ressuscité, un point c'est tout ; et ceux pour qui c'est un récit légendaire qui doit être pris comme tel, destiné à faire sens quelque part.

La deuxième option, c'est celle de Maïmonide et Spinoza explique sans équivoque l'égarement qu'il y a à essayer d'interpréter la Bible vers autre chose que ce qui y est écrit. Lazare est rescucité, point. Il ne s'agit pas d'une métaphore, il est écrit ce en quoi les rédacteurs de la Bible croyaient au moment de l'écriture. Libre à chacun ensuite de croire ou non à cet épisode, d'y apporter un crédit personnel ou pas, mais il est néfaste voire illusoire de vouloir apporter sa raison pour réinterpréter ces écrits. Je ne me souviens plus bien, mais il semble me rappeler que que Spinoza classe les histoires de la Bible en différents types, selon qu'il s'agit de l'apparition d'une expression divine (à confronter à sa propre foi) de ce qui est l'expression des prophètes qui visent à contrôler et rendre obéissants un peuple turbulents d'esclaves peu instruits et superstitieux. Lazare est l'expression de la divinité de Jésus, il n'est pas utile de chercher plus loin. Ce n'est pas un message prophétique faisant appel à la raison ; c'est une action de grâce qui ne renvoie qu'à la foi. D'après Spinoza.

Mais on s'éloigne de Feuerbach qui est loin de discuter de l'intérêt de ses légendes du point de vue de la foi qu'il n'a pas, mais applique sa raison pleine et entière sur les mécanismes de construction et de succès du nouveau testament. Avec en arrière-plan une démonstration maintenant passée dans les idées communes de l'inutilité, voire de la nocivité, de l'apport chrétien de la désincarnation, de la transcendance, de l'opposition outrancière "de l'esprit & de la chair".


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Message par hks Mar 22 Avr 2014 - 22:23

à aldo

bon on passe sur l'incident
Je regrette le mot "réduction". mea culpa

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Message par hks Mar 22 Avr 2014 - 23:19

à euthyphron
Sur "spinoza et nous" le texte de Lagrée arrive en fin de parcours et n'est pas représentatif du débat  encore que ce qu'elle écrive ne soit pas sans intérêt.

Le Dieu de Spinoza n'est pas le Dieu qui n'est pas chez Feuerbach.
Là n'est pas le problème.

Il est donc dans  l'herméneutique.
Ce n' est  pas Feuerbach que je défends mais Spinoza quand on lui on attribue  une manière démonstrative d' expliquer le christianisme.
La distinction qu'il propose entre les prophètes et jésus se résume en ce que les prophètes avaient de l'imagination mais que jésus avait une âme plus parfaite.
c'est d'âme à âme que Jésus-Christ communiquait avec Dieu.
On est au coeur de la question de ' herméneutique car Jésus n' interprète pas ( herméneutique au sens d' exègèse).
Il y a  immanence, pas d' exègèse.
Ce qui n'empêche pas Spinoza de faire de l'exégèse par ailleurs .

C'est pourquoi j' ai senti comme une analogie avec ce que tu dis de Feuerbach
Je te recite

La vérité de la religion est en effet la vérité de la conscience, qui est à la fois conscience de soi en tant qu'individu et conscience de son être générique, conscience d'être humain et de porter en germes tous les attributs de l'humanité. Traduisons alors "Dieu est omniscient" pour prendre cet exemple. Cela veut dire que l'intelligence est infinie, et en effet on ne peut limiter l'intelligence humaine, et donc l'intelligence est divine. Le retournement de "l'intelligence est divine", proposition vraie, en "Dieu est toute intelligence", simple inversion du sujet et du prédicat, constitue l'aliénation religieuse.
Pour Spinoza l' intelligence de Jésus est divine.
............................

Reste  "Dieu est toute intelligence" qui serait l' aliénation religieuse .

Mais Spinoza écrit aussi ( TTP)

Spinoza a écrit:quoique l'âme de Dieu et ses éternels desseins soient gravés aussi dans notre âme, et que nous percevions en ce sens l'âme de Dieu (pour parler comme l'Écriture), cependant, comme la connaissance naturelle est commune à tous les hommes, elle a moins de prix à leurs yeux, ainsi que nous l'avons déjà expliqué ; surtout aux yeux des Hébreux, qui se vantaient d'être au-dessus du reste des mortels, et méprisaient, en conséquence, les autres hommes et la science qui leur était commune avec eux.

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Message par hks Mer 23 Avr 2014 - 0:03

à poussbois

La deuxième option, c'est celle de Maïmonide et Spinoza explique sans équivoque l'égarement qu'il y a à essayer d'interpréter la Bible vers autre chose que ce qui y est écrit. Lazare est rescucité, point. Il ne s'agit pas d'une métaphore, il est écrit ce en quoi les rédacteurs de la Bible croyaient au moment de l'écriture.
Spinoza  cherchait cependant à savoir ce qui était écrit. Il était hébraÏsant et fait une analyse du mot ruagh
Le mot "résurrection" ( de Lazarre par exemple ) quel est son sens ? Non pas son sens actuel, mais le sens de l'époque à laquelle sont rédigées les évangiles?

 Spinoza répond ceci ( lettre 10 à Oldenburg)


Je conclus donc que la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts est au fond une résurrection toute spirituelle, révélée aux seuls fidèles selon la portée de leur esprit ; par où j’entends que Jésus-Christ fut appelé de la vie à l’éternité, et qu’après sa passion il s’éleva du sein des morts (en prenant ce mot dans le même sens où Jésus-Christ a dit
: Laissez les morts ensevelir leurs morts), comme il s’était
élevé par sa vie et par sa mort en donnant l’exemple d’une sainteté sans égale.

Dans ce même sens, il ressuscite ses disciples d’entre les morts, en tant qu’ils suivent l’exemple de sa mort et de sa vie. Et je ne crois pas qu’il fût difficile d’expliquer toute la doctrine de l’Évangile à l’aide de ce système d’interprétation.
- J’irai plus loin : il n’y a, selon moi, que ce système qui puisse donner un sens au chap. XV de l’Épître I aux Corinthiens et faire comprendre les arguments de Paul, qui dans le système communément reçu paraissent bien faibles et bien aisés à réfuter. Et je ne veux même pas insister ici sur ce que les chrétiens ont pris au sens spirituel tout ce que les Juifs entendaient charnellement.

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