La religion
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La religion
S’il est une vérité que l’histoire a mise hors de doute, c’est que la religion embrasse une portion de plus en plus petite de la vie sociale. A l’origine, elle s’étend à tout ; tout ce qui est social est religieux ; les deux mots sont synonymes. Puis, peu à peu, les fonctions politiques, économiques, scientifiques s’affranchissent de la fonction religieuse, se constituent à part et prennent un caractère temporel de plus en plus accusé. Dieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui était d’abord présent à toutes les relations humaines, s’en retire progressivement, il abandonne le monde aux hommes et à leurs disputes.
Durkheim.
Que les choses soient donc bien claires : on n’annonce pas une fois de plus et pour rien la mort en quelque sorte physique des dieux et la disparition de leurs fidèles. On met en évidence le fait que la Cité vit d’ores et déjà sans eux, y compris ceux de ses membres qui continuent de croire en eux. Ils survivent ; c’est leur puissance qui meurt. Prospéreraient-ils insolemment que son vrai ressort n’en serait pas moins irrémédiablement aboli.
Gauchet.
Pour dire combien est moribonde la religion en l'état actuel. Les causes en sont multiples. Les erreurs et nombreux faits religieux ont démontré au fil du temps combien le discours religieux et les actes sont deux choses différentes. D'un côté l'on parle de bonté, de l'autre on guerroie. D'un côté on avance l'amour du prochain, de l'autre côté, le même aura vite fait de juger, d'exclure, de condamner à tout va. Et c'est encore le même qui te parlera de la vie et qui sera aussi le premier à tuer son adversaire en religion. Comment ne pas ouvrir les yeux devant cela ?
On dit que l'histoire est juge. Or dans notre histoire de la philosophie, cela fait déjà plus d'un siècle que nous avons jugé Dieu. Grâce à la philosophie des Lumières, la révolution a coupé la tête du roi, qui était, le représentant de Dieu sur Terre. Comme quoi... Et puis Nietzsche a annoncé la mort de Dieu au 19è siècle, déjà, pour dire que ce genre de croyance devait indéniablement s'affaiblir.
Regardons aujourd'hui. La science n'a plus de compte à rendre à la censure religieuse comme du temps de Galilée. La politique est séparée de la religion, nous vivons dans un état laïque. C'est donc plus de liberté, plus de progrès pour la science mais aussi l'organisation de la cité, c'est en fin de compte une époque où l'on a passé Dieu à la trappe, à l'exception de ceux qui y croient encore, et qui en ont tout-à-fait le droit...
Mais qui voudrait sérieusement revenir au temps de Moïse ou Jésus ? Celui-là ne serait qu'un malheureux, avec tout le ressentiment qu'il trimbale envers notre monde moderne. L'état islamique en est un exemple flagrant. Des réactionnaires au monde occidental moderne, qui décident de tomber dans l'extrême de leur fondamentalisme religieux.
L'état islamique est le signe de la volonté qu'a l'islam fondamentaliste de s'approprier et ordonner le monde sous son joug. Outre la diabolisation de tous les non-croyants, et l'endoctrinement interne des plus jeunes (et même des enfants), cet islam extrémiste veut s'étendre et dominer.
Dans notre histoire, nous, occidentaux, nous avons le souvenir désagréable de la toute puissance d'Hitler, qui voulait établir un "empire de 1000 ans", pour son peuple qu'il considérait comme supérieur, au détriment des autres "races dégénérés". Heureusement que cet barbarie, ayant mené des millions de juifs, d'homosexuels ou d'handicapés à une mort atroce, n'a duré qu'un temps.
Si l'on peut retenir quelque chose, c'est bien qu'alors, au début de la montée de la barbarie, l'Europe fut engluée par son idéal de paix et de justice, idéal certes très louable, mais pourtant dénotant d'une certaine veulerie. Car c'est la lâcheté, l'inaction des gens de bien qui fait se développer librement le mal.
Les philosophes modernes, et pas seulement Durhkeim ou Gauchet, mais aussi Marx ou Bakounine nous ont éclairé sur le mécanisme du phénomène religieux. Et c'est en montrant cette mécanique sous son vrai visage que l'on peut avoir la possibilité de passer à autre chose. Le but avoué et assumé de ces philosophes est l'amour de l'humanité, qui ne saurait se passer de sa liberté fondamentale. Car pour tourner la page, il faut d'abord situer ainsi que comprendre les tenants et aboutissants de la croyance.
Amoureux et jaloux de la liberté humaine, et la considérant comme la condition absolue de tout ce que nous adorons et respectons dans l'humanité, je retourne la phrase de Voltaire, et je dis : Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître.
Bakounine.
Pour Bakounine, qui est le contemporain de Marx, version plus libertaire, Dieu est le prétexte que prennent les classes dominantes pour endormir et asservir les masses. Il constitue donc un obstacle à la réalisation d'un État se basant sur des fondamentaux de liberté et d'épanouissement personnel et collectif. S'il existait, ce qui est déjà peu probable pour les philosophes de l'époque, il faudrait l'extirper du monde présent afin de libérer les hommes de son emprise. N'existant pas, il faut alors lutter contre l'église établie pour que le croyant retrouve son propre chemin de pensée, à la place de se soumettre. Ce qu'il faut faire disparaître pour Bakounine, grâce au matérialisme philosophique, c'est l'idée toute métaphysique et abstraite de Dieu, afin de libérer la pensée humaine. Il rejoint donc Marx sur le fond, lorsque Marx assure que Dieu est le prétexte suprême de la classe dominante pour maintenir une hiérarchie injuste. La différence d'avec Marx étant que Bakounine ne veut pas voir la classe ouvrière dominer, ce qui serait en fait déplacer le problème de la hiérarchie. Son espoir est plutôt de faire la révolution d'un point de vue autant individuel que collectif, par la prise de conscience que ma liberté passe aussi par la libération des autres. Plus je vis dans un monde libre, plus il doit y avoir de gens libres. Car même s'il n'y a qu'un minimum de gens aliénés, malheureux, et soumis, l'effet pervers peut se propager à l'ensemble de la société. Toute liberté est donc à défendre, à soutenir, à maintenir fermement, pour éviter l'emprise négative du ressentiment, qui est une voie royale pour toute religion.
Marx qui explique très bien le phénomène religieux et les problèmes qu'il engendre. Marx part de la situation misérable de l'homme. Pour lui, l'homme vit dans une société, un monde qui souvent l'opprime, l'empêche de réaliser sa vie du fait de conditions sociales défavorables dans la plupart des cas. Or ce monde-là crée de toute pièce la religion qui, n'étant que l'expression de la détresse de l'homme, conduit à donner à l'homme des illusions pour supporter le poids de sa vie. En fait, cette formidable somme encyclopédique de spiritualité n'est pour Marx que la réalisation en l'homme d'une conscience inversé du monde qui maintient l'homme dans l'imaginaire, apaisant ainsi ses souffrances, et qui le détourne ainsi de toute protestation.
Le fondement de la critique irréligieuse est : c'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. Certes, la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi qu'a l'homme qui ne s'est pas encore trouvé lui-même, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme, ce n'est pas un être abstrait blotti quelque part hors du monde. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, conscience inversée du monde, parce qu'ils sont eux-mêmes un monde à l'envers. La religion est la théorie générale de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa consolation et sa justification universelles. Elle est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité. Lutter contre la religion c'est donc indirectement lutter contre ce monde-là, dont la religion est l'arôme spirituel.
La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.
L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. […] La critique de la religion détruit les illusions de l'homme pour qu'il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l'âge de la raison, pour qu'il gravite autour de lui-même, c'est-à-dire de son soleil réel.
Marx.
La réalité, mot important pour Marx, qui considère ses prédécesseurs idéalistes comme penseurs bourgeois, à la solde du système. Le réalisme, c'est le contraire de l'idéalisme. Marx s'oppose par conséquent à Hegel, directement, et à Platon, indirectement. Si on y regarde bien, c'est vrai que Hegel voit le monde et l'homme comme la réalisation de ce qu'il appelle "l'Esprit absolu", sans trop concrétiser ce concept. Peut-on y voir Dieu ? Ou est-ce un avatar du monde des Idées de Platon ? En tout cas, Marx critiquant Hegel y voit l'homme qui marche à l'envers. D'où la nécessité du retournement matérialiste préconisé par la philosophie marxiste.
Dans ce contexte, la phrase "La religion [...] est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité" est compréhensible dans le cadre du réalisme marxiste.
Le fantastique, c'est la production imaginaire, et pourtant d'apparence cohérente, d'une explication transcendante, idéale, contre ce monde là-devant, et à ses phénomènes incompris. Du moins quand ce monde même résiste à l'explication, évidemment, le fantastique naissant de la stupeur, du manque de sens donné à la réalité par l'individu.
En pratique, cet individu, il ne "possède pas de réalité", il lui manque ce rapport avec le monde qui l'entoure. Marx avance que le prolétaire en est la parfaite illustration : le travail à la chaîne, qui habitue l'ouvrier à sa tâche répétitive, le réduit de fait à une machine. Ne pas posséder de réalité, c'est ne pas trouver de sens au monde, à sa vie. La vie d'esclave n'a pas de sens. Le monde devient absurde. Je dirais pour employer une expression moderne, que l'individu aliéné "décroche".
Que reste-t-il alors pour cet être aliéné ? Le rêve, l'imaginaire. La religion, comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence. La promesse d'un monde meilleur dès lors qu'il rentre en religion. Mais qui le mènera au contraire à une facile acceptation de son sort, et en définitive à être encore plus "mouton" envers tout système qui veut bien l'exploiter. Rien à gagner somme toute, si ce n'est de perdre le peu de vie qu'il lui reste sur un pari illusoire.
Durkheim.
Que les choses soient donc bien claires : on n’annonce pas une fois de plus et pour rien la mort en quelque sorte physique des dieux et la disparition de leurs fidèles. On met en évidence le fait que la Cité vit d’ores et déjà sans eux, y compris ceux de ses membres qui continuent de croire en eux. Ils survivent ; c’est leur puissance qui meurt. Prospéreraient-ils insolemment que son vrai ressort n’en serait pas moins irrémédiablement aboli.
Gauchet.
Pour dire combien est moribonde la religion en l'état actuel. Les causes en sont multiples. Les erreurs et nombreux faits religieux ont démontré au fil du temps combien le discours religieux et les actes sont deux choses différentes. D'un côté l'on parle de bonté, de l'autre on guerroie. D'un côté on avance l'amour du prochain, de l'autre côté, le même aura vite fait de juger, d'exclure, de condamner à tout va. Et c'est encore le même qui te parlera de la vie et qui sera aussi le premier à tuer son adversaire en religion. Comment ne pas ouvrir les yeux devant cela ?
On dit que l'histoire est juge. Or dans notre histoire de la philosophie, cela fait déjà plus d'un siècle que nous avons jugé Dieu. Grâce à la philosophie des Lumières, la révolution a coupé la tête du roi, qui était, le représentant de Dieu sur Terre. Comme quoi... Et puis Nietzsche a annoncé la mort de Dieu au 19è siècle, déjà, pour dire que ce genre de croyance devait indéniablement s'affaiblir.
Regardons aujourd'hui. La science n'a plus de compte à rendre à la censure religieuse comme du temps de Galilée. La politique est séparée de la religion, nous vivons dans un état laïque. C'est donc plus de liberté, plus de progrès pour la science mais aussi l'organisation de la cité, c'est en fin de compte une époque où l'on a passé Dieu à la trappe, à l'exception de ceux qui y croient encore, et qui en ont tout-à-fait le droit...
Mais qui voudrait sérieusement revenir au temps de Moïse ou Jésus ? Celui-là ne serait qu'un malheureux, avec tout le ressentiment qu'il trimbale envers notre monde moderne. L'état islamique en est un exemple flagrant. Des réactionnaires au monde occidental moderne, qui décident de tomber dans l'extrême de leur fondamentalisme religieux.
L'état islamique est le signe de la volonté qu'a l'islam fondamentaliste de s'approprier et ordonner le monde sous son joug. Outre la diabolisation de tous les non-croyants, et l'endoctrinement interne des plus jeunes (et même des enfants), cet islam extrémiste veut s'étendre et dominer.
Dans notre histoire, nous, occidentaux, nous avons le souvenir désagréable de la toute puissance d'Hitler, qui voulait établir un "empire de 1000 ans", pour son peuple qu'il considérait comme supérieur, au détriment des autres "races dégénérés". Heureusement que cet barbarie, ayant mené des millions de juifs, d'homosexuels ou d'handicapés à une mort atroce, n'a duré qu'un temps.
Si l'on peut retenir quelque chose, c'est bien qu'alors, au début de la montée de la barbarie, l'Europe fut engluée par son idéal de paix et de justice, idéal certes très louable, mais pourtant dénotant d'une certaine veulerie. Car c'est la lâcheté, l'inaction des gens de bien qui fait se développer librement le mal.
Les philosophes modernes, et pas seulement Durhkeim ou Gauchet, mais aussi Marx ou Bakounine nous ont éclairé sur le mécanisme du phénomène religieux. Et c'est en montrant cette mécanique sous son vrai visage que l'on peut avoir la possibilité de passer à autre chose. Le but avoué et assumé de ces philosophes est l'amour de l'humanité, qui ne saurait se passer de sa liberté fondamentale. Car pour tourner la page, il faut d'abord situer ainsi que comprendre les tenants et aboutissants de la croyance.
Amoureux et jaloux de la liberté humaine, et la considérant comme la condition absolue de tout ce que nous adorons et respectons dans l'humanité, je retourne la phrase de Voltaire, et je dis : Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître.
Bakounine.
Pour Bakounine, qui est le contemporain de Marx, version plus libertaire, Dieu est le prétexte que prennent les classes dominantes pour endormir et asservir les masses. Il constitue donc un obstacle à la réalisation d'un État se basant sur des fondamentaux de liberté et d'épanouissement personnel et collectif. S'il existait, ce qui est déjà peu probable pour les philosophes de l'époque, il faudrait l'extirper du monde présent afin de libérer les hommes de son emprise. N'existant pas, il faut alors lutter contre l'église établie pour que le croyant retrouve son propre chemin de pensée, à la place de se soumettre. Ce qu'il faut faire disparaître pour Bakounine, grâce au matérialisme philosophique, c'est l'idée toute métaphysique et abstraite de Dieu, afin de libérer la pensée humaine. Il rejoint donc Marx sur le fond, lorsque Marx assure que Dieu est le prétexte suprême de la classe dominante pour maintenir une hiérarchie injuste. La différence d'avec Marx étant que Bakounine ne veut pas voir la classe ouvrière dominer, ce qui serait en fait déplacer le problème de la hiérarchie. Son espoir est plutôt de faire la révolution d'un point de vue autant individuel que collectif, par la prise de conscience que ma liberté passe aussi par la libération des autres. Plus je vis dans un monde libre, plus il doit y avoir de gens libres. Car même s'il n'y a qu'un minimum de gens aliénés, malheureux, et soumis, l'effet pervers peut se propager à l'ensemble de la société. Toute liberté est donc à défendre, à soutenir, à maintenir fermement, pour éviter l'emprise négative du ressentiment, qui est une voie royale pour toute religion.
Marx qui explique très bien le phénomène religieux et les problèmes qu'il engendre. Marx part de la situation misérable de l'homme. Pour lui, l'homme vit dans une société, un monde qui souvent l'opprime, l'empêche de réaliser sa vie du fait de conditions sociales défavorables dans la plupart des cas. Or ce monde-là crée de toute pièce la religion qui, n'étant que l'expression de la détresse de l'homme, conduit à donner à l'homme des illusions pour supporter le poids de sa vie. En fait, cette formidable somme encyclopédique de spiritualité n'est pour Marx que la réalisation en l'homme d'une conscience inversé du monde qui maintient l'homme dans l'imaginaire, apaisant ainsi ses souffrances, et qui le détourne ainsi de toute protestation.
Le fondement de la critique irréligieuse est : c'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. Certes, la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi qu'a l'homme qui ne s'est pas encore trouvé lui-même, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme, ce n'est pas un être abstrait blotti quelque part hors du monde. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, conscience inversée du monde, parce qu'ils sont eux-mêmes un monde à l'envers. La religion est la théorie générale de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa consolation et sa justification universelles. Elle est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité. Lutter contre la religion c'est donc indirectement lutter contre ce monde-là, dont la religion est l'arôme spirituel.
La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.
L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. […] La critique de la religion détruit les illusions de l'homme pour qu'il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l'âge de la raison, pour qu'il gravite autour de lui-même, c'est-à-dire de son soleil réel.
Marx.
La réalité, mot important pour Marx, qui considère ses prédécesseurs idéalistes comme penseurs bourgeois, à la solde du système. Le réalisme, c'est le contraire de l'idéalisme. Marx s'oppose par conséquent à Hegel, directement, et à Platon, indirectement. Si on y regarde bien, c'est vrai que Hegel voit le monde et l'homme comme la réalisation de ce qu'il appelle "l'Esprit absolu", sans trop concrétiser ce concept. Peut-on y voir Dieu ? Ou est-ce un avatar du monde des Idées de Platon ? En tout cas, Marx critiquant Hegel y voit l'homme qui marche à l'envers. D'où la nécessité du retournement matérialiste préconisé par la philosophie marxiste.
Dans ce contexte, la phrase "La religion [...] est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que l'être humain ne possède pas de vraie réalité" est compréhensible dans le cadre du réalisme marxiste.
Le fantastique, c'est la production imaginaire, et pourtant d'apparence cohérente, d'une explication transcendante, idéale, contre ce monde là-devant, et à ses phénomènes incompris. Du moins quand ce monde même résiste à l'explication, évidemment, le fantastique naissant de la stupeur, du manque de sens donné à la réalité par l'individu.
En pratique, cet individu, il ne "possède pas de réalité", il lui manque ce rapport avec le monde qui l'entoure. Marx avance que le prolétaire en est la parfaite illustration : le travail à la chaîne, qui habitue l'ouvrier à sa tâche répétitive, le réduit de fait à une machine. Ne pas posséder de réalité, c'est ne pas trouver de sens au monde, à sa vie. La vie d'esclave n'a pas de sens. Le monde devient absurde. Je dirais pour employer une expression moderne, que l'individu aliéné "décroche".
Que reste-t-il alors pour cet être aliéné ? Le rêve, l'imaginaire. La religion, comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence. La promesse d'un monde meilleur dès lors qu'il rentre en religion. Mais qui le mènera au contraire à une facile acceptation de son sort, et en définitive à être encore plus "mouton" envers tout système qui veut bien l'exploiter. Rien à gagner somme toute, si ce n'est de perdre le peu de vie qu'il lui reste sur un pari illusoire.
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La vérité n'est que la simple découverte du monde
Re: La religion
jghislain a écrit:Pour Bakounine, qui est le contemporain de Marx, version plus libertaire, Dieu est le prétexte que prennent les classes dominantes pour endormir et asservir les masses. Il constitue donc un obstacle à la réalisation d'un État se basant sur des fondamentaux de liberté et d'épanouissement personnel et collectif.
Au vrai, pour Bakounine, tous les obstacles à la réalisation d'un Etat sont bons. Il ne vise pas du tout à réaliser un Etat, mais à le détruire.
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La religion
Sur feu " PhiloForum " on avait un fil intitulé " La mort de Dieu ", en fait, de fil en aiguille, le dit fil avait fini par catalyser, capter, toutes les discussions afférentes, et comptait plus d'une centaine de pages !
J'avais beaucoup donné sur ce fil, notamment pour constituer une base de départ consensuelle pour toute discussion à ce sujet, valable bien évidemment pour tous ceux qui sont disposés à en discuter, ce qui, nous le savons, ne va pas de soi. J'ai beaucoup perdu quant le forum à cesser d'émettre à ce sujet, il a fallu que je reprenne.
En effet, le religieux pose un problème absolument singulier : il va mobiliser quasiment toute la cohorte des sciences humaines, de psychanalyse à métaphysique.
Je te cite : " Car c'est la lâcheté, l'inaction des gens de bien qui fait se développer librement le mal ".
Autrement traduit : " L'inaction des hommes de bien suffit au triomphe du mal ". Somptueuse citation d'Edmund Burke, même si le gars fait beaucoup moins rêver.
P.S. Sinon, on a une section idoine !
J'avais beaucoup donné sur ce fil, notamment pour constituer une base de départ consensuelle pour toute discussion à ce sujet, valable bien évidemment pour tous ceux qui sont disposés à en discuter, ce qui, nous le savons, ne va pas de soi. J'ai beaucoup perdu quant le forum à cesser d'émettre à ce sujet, il a fallu que je reprenne.
En effet, le religieux pose un problème absolument singulier : il va mobiliser quasiment toute la cohorte des sciences humaines, de psychanalyse à métaphysique.
Je te cite : " Car c'est la lâcheté, l'inaction des gens de bien qui fait se développer librement le mal ".
Autrement traduit : " L'inaction des hommes de bien suffit au triomphe du mal ". Somptueuse citation d'Edmund Burke, même si le gars fait beaucoup moins rêver.
P.S. Sinon, on a une section idoine !
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La religion
neopilina a écrit:En effet, le religieux pose un problème absolument singulier : il va mobiliser quasiment toute la cohorte des sciences humaines, de psychanalyse à métaphysique.
Oui, mais il ne faut pas omettre de dire qu'il y a un cercle. Je ne sais pas si je peux le qualifier d'"herméneutique" (cercle herméneutique) ou pas, mais cercle, certainement.
Si l'on revient à la première citation de Durkheim fournie, on comprend que le religieux a été partout (dans "le social", dans l'art, dans la "science", dans la politique, etc.), mais il y a un moment où il est perçu comme étant un "domaine". Pour ne pas dire : un règne. On l'isole alors comme fait religieux.
Mais ensuite, on se surprend à découvrir que, pour parler du "fait religieux", on soit obligé de croiser les approches scientifiques, philosophiques, psychologiques, esthétiques, etc.
Je ne veux pas me montrer trop taquin, mais c'est une vraie pub pour la dialectique hégélienne, cette histoire...
Courtial- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2030
Date d'inscription : 03/07/2008
Re: La religion
"La promesse d'un monde meilleur dès lors qu'il rentre en religion"
Foot, alcool, chips, cocaïne, site porno, gras, sucre, violence, vitesse : le monde est bien meilleur aujourd'hui sans religion !
Foot, alcool, chips, cocaïne, site porno, gras, sucre, violence, vitesse : le monde est bien meilleur aujourd'hui sans religion !
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"Je cherche l'Homme"
LYCAON- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 89
Date d'inscription : 02/09/2012
Re: La religion
LYCAON a écrit:Foot, alcool, chips, cocaïne, site porno, gras, sucre, violence, vitesse : le monde est bien meilleur aujourd'hui sans religion !
Rhoo, alors ça y va fort ?
Je serais curieux d'apprendre dans quelle catégorie tu pourrais me mettre !
Bon, plus sérieusement.
D'une, oui le monde (moderne) se passe de religion. Et c'est tant mieux. Remarque qu'on s'est pas encore passé des hautes éminences grises comme toi qui ont tant de morale à revendre. Merci quand même pour ta précieuse et ô combien subtile contribution. Non, reconnaissez-le, nous avons là non pas le dernier des imbéciles qui nous aide à y voir plus clair. Remarquez que l'on peut aussi aller piocher, pour rester au niveau du caniveau, dans les feuilles de choux genre minute, ou à Télé Facho n°1 (euh ,non pas TF1). Ah ces journalistes qui se repaissent des faits divers ! Et puis un meurtre affreux par jour, ça attire toujours plus de téléspectateurs qu'une simple rubrique chiens écrasés, non ? A croire qu'inconsciemment ces journaleurs télévisés ou encore de ceux d'une certaine presse écrite, aiment voir le sang et les tripes encore chaudes, pour y verser autant, et en faire une vocation ?
PS/ J'ai répondu en prenant un de tes exemples au hasard (la violence). Tu m'en voudras pas, de refuser d'épiloguer avec le reste, hein...
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La vérité n'est que la simple découverte du monde
Re: La religion
Merci pour ta réponse, je ne vais certainement pas te reprocher de me rentrer dedans comme ça, je l'aurais fait moi-même de la même manière si je m'étais senti agressé, insulté, moqué, où je ne sais quoi.
Bon, ben, dommage, je trouvais ton sujet intéressant et l'effort consenti beaucoup plus digne de ce que j'ai jamais écrit par ici, moi-même.
Je vais juste développer un poil alors, avant d'en arrêter là :
- je reconnais n'avoir fait aucun effort pour participer au sujet de manière constructive et claire,
- je me fous de la morale à un point ! J'appelle le chaos mondial, le feu et la renaissance de mes vœux,
- j'aurais du te demander, comme cela était mon intention dans un premier temps, si tu pensais cette analyse de la religion encore d'actualité. Si finalement, cette "critique" n'était pas quelque peu surannée, puisque tant d'autres choses fantastiques (ma liste) me semblaient avoir pris la place de la religion "comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence",
- j'aurais du te dire que je pensais que, peut-être, la religion n'était pas si absente de ce monde finalement, et que nous étions bien plus Homo Religiosus que nous le pensions, peut-être ... que beaucoup s'attaquaient à la religion comme s'ils s'attaquaient à une partie honteuse d'eux-même,
- j'ai eu du mal à savoir si tu voulais seulement résumer le phénomène religieux tel que perçu par des intellectuels modernes et engagés, ou si tu souhaitais amener un débat contradictoire, éventuellement,
- je ne crois pas que tu ais besoin "d'aide pour y voir plus clair",
- je pense que beaucoup de misérables s'intéressent à des combats d'unanimité, plutôt que de s'attaquer frontalement à eux-mêmes déjà, puis à tous ceux qui pourraient leur tenir tête (ne te sens pas visé, tu sembles avoir plus de caractère que ceux auxquels je pense),
- "S’il est une vérité que l’histoire a mise hors de doute", c'est que la liberté ne se manifeste pas de facto lorsque la religion cède,
Je bois une bière à ta santé, avec des chips.
Et à jamais
Bon, ben, dommage, je trouvais ton sujet intéressant et l'effort consenti beaucoup plus digne de ce que j'ai jamais écrit par ici, moi-même.
Je vais juste développer un poil alors, avant d'en arrêter là :
- je reconnais n'avoir fait aucun effort pour participer au sujet de manière constructive et claire,
- je me fous de la morale à un point ! J'appelle le chaos mondial, le feu et la renaissance de mes vœux,
- j'aurais du te demander, comme cela était mon intention dans un premier temps, si tu pensais cette analyse de la religion encore d'actualité. Si finalement, cette "critique" n'était pas quelque peu surannée, puisque tant d'autres choses fantastiques (ma liste) me semblaient avoir pris la place de la religion "comme consolation, illusion, opium comblant le vide de l'existence",
- j'aurais du te dire que je pensais que, peut-être, la religion n'était pas si absente de ce monde finalement, et que nous étions bien plus Homo Religiosus que nous le pensions, peut-être ... que beaucoup s'attaquaient à la religion comme s'ils s'attaquaient à une partie honteuse d'eux-même,
- j'ai eu du mal à savoir si tu voulais seulement résumer le phénomène religieux tel que perçu par des intellectuels modernes et engagés, ou si tu souhaitais amener un débat contradictoire, éventuellement,
- je ne crois pas que tu ais besoin "d'aide pour y voir plus clair",
- je pense que beaucoup de misérables s'intéressent à des combats d'unanimité, plutôt que de s'attaquer frontalement à eux-mêmes déjà, puis à tous ceux qui pourraient leur tenir tête (ne te sens pas visé, tu sembles avoir plus de caractère que ceux auxquels je pense),
- "S’il est une vérité que l’histoire a mise hors de doute", c'est que la liberté ne se manifeste pas de facto lorsque la religion cède,
Je bois une bière à ta santé, avec des chips.
Et à jamais
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"Je cherche l'Homme"
LYCAON- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 89
Date d'inscription : 02/09/2012
Re: La religion
Pour détendre l'atmosphère...
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Re: La religion
jghislain a écrit:Pour détendre l'atmosphère...
Toujours sur le thème de Jesus-Christ, une étude de ses relations avec sa mère, étude qui me semble très juste et finalement très humaine :
"
Je suis la vraie Mère d’un Dieu qui est Fils
et je suis fille de Lui, bien que sa Mère.
Il est né de toute éternité, et c’est mon Fils,
Dans le temps je suis née, et pourtant je suis sa Mère.
Il est mon créateur et il est mon Fils
Je suis sa créature et je suis sa Mère.
C’est un prodige Divin que soit mon Fils
un Dieu Éternel, et de m’avoir pour Mère.
L’être est presque commun entre Mère et Fils
parce que l’être, c’est de son Fils que l’eut la Mère
joseph1- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 106
Date d'inscription : 16/07/2022
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