Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
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Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Le vote FN a toujours été présenté par les journalistes comme étant un vote contestataire et non comme un vote d'adhésion. C'est un chose que je crois pas: comment expliquer que le vote FN concerne toujours les mêmes régions et catégories socioprofessionnelles (milieu rural et industriel)? Ce seraient toujours les même personnes qui "protestent"? Je tiens à rappeler que le FN a toujours réalisé de bons scores aux présidentielles. A l'exception des présidentielles de 1974, le FN a toujours dépassé la barre de 10%. Je pense qu'il s'agisse d'un mythe inventé par les journalistes et les politiciens pour ne pas froisser l'électorat en raison de l'image négative du FN. Pourtant, il est important de noter que l'électorat du FN n'est pas homogène bien au contraire. Tout électeur du FN ne sont pas des racistes. Bien évidemment, je n'exclue pas le fait qu'il y a des votes contestataires dans le vote FN mais je ne crois pas qu'il soit majoritaire. Qu'en pensez-vous?
Alphonse2Lamertume- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 08/02/2012
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
On peut s'étonner de l'alternative. Un vote ne peut-il être à la fois protestataire et d'adhésion?
Mais il se trouve que le vote FN dérange. Il me dérange aussi d'ailleurs.
Une manière de détourner les yeux de cette triste réalité est de la présenter comme un simple vote pour le plaisir de déranger à peu de frais, justement, et je pense qu'il y a de cela dans beaucoup de votes FN. Se sentir "courageux" sans prendre de risques, dans l'anonymat de l'isoloir.
Mais je reconnais que c'est un peu court.
Présenter le vote FN comme un simple vote de protestation a trois "vertus" idéologiques.
1) cela rappelle la distinction avantageuse entre partis de gouvernement et partis protestataires, qui exclut ceux-ci des débats "sérieux".
2) on indique par là également que les votes "protestataires" ne sont pas des votes "rationnels", ce qui induit que les votes rationnels sont exclusivement réservés aux partis de gouvernement.
3) on peut ainsi s'autoriser la récupération des votes FN, puisque l'on convient que les électeurs d'extrême-droite ne pensent pas vraiment ce qu'ils expriment, au fond ce sont de braves gens juste un peu égarés par la détresse.
Mais la réalité est que les électeurs du FN disent eux-mêmes adhérer aux idées du FN. Ce que disent moins souvent ceux qui votent pour des partis de gouvernement.
Mais il se trouve que le vote FN dérange. Il me dérange aussi d'ailleurs.
Une manière de détourner les yeux de cette triste réalité est de la présenter comme un simple vote pour le plaisir de déranger à peu de frais, justement, et je pense qu'il y a de cela dans beaucoup de votes FN. Se sentir "courageux" sans prendre de risques, dans l'anonymat de l'isoloir.
Mais je reconnais que c'est un peu court.
Présenter le vote FN comme un simple vote de protestation a trois "vertus" idéologiques.
1) cela rappelle la distinction avantageuse entre partis de gouvernement et partis protestataires, qui exclut ceux-ci des débats "sérieux".
2) on indique par là également que les votes "protestataires" ne sont pas des votes "rationnels", ce qui induit que les votes rationnels sont exclusivement réservés aux partis de gouvernement.
3) on peut ainsi s'autoriser la récupération des votes FN, puisque l'on convient que les électeurs d'extrême-droite ne pensent pas vraiment ce qu'ils expriment, au fond ce sont de braves gens juste un peu égarés par la détresse.
Mais la réalité est que les électeurs du FN disent eux-mêmes adhérer aux idées du FN. Ce que disent moins souvent ceux qui votent pour des partis de gouvernement.
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amicus plato sed magis amica veritas
euthyphron- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 01/06/2011
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Oui, absolument. Mais j'ajoute que si qualifier le vote FN de vote "protestataire" a certes un sens rhétorique, cela obéit aussi à une certaine logique.
En effet, les régimes démocratiques occidentaux sont fondés sur le principe d'une articulation entre institutions et dirigeants, qui a particulièrement été théorisé durant la Guerre Froide. L'idée est que le mécontentement populaire est inévitable. Mais dans les démocraties, où existe une offre politique diversifiée, ce mécontentement se porte sur les dirigeants, et aboutit au pire à l'alternance. Ainsi, les institutions, elles, sont préservées. Cette articulation doit permettre de canaliser le mécontentement, en lui laissant l'opportunité de s'exprimer contre les dirigeants, mais toujours dans le respect des institutions démocratiques -liberté d'expression, droit de vote, etc.
Ce qui est dérangeant avec les électeurs du FN -comme ceux de l'extrème-gauche, dans une certaine mesure- c'est que leur protestation ne porte pas (que) sur les dirigeants, mais sur le "système". C'est clair dans l'amalgame "UMPS" qu'ils réalisent. Du coup, leur protestation se déplace -ou menace de se déplacer, du point de vue des observateurs- vers les institutions elles-mêmes. C'est là le sens de la question : Le FN est-il un parti républicain (ou démocratique, biffer la mention inutile) ? En somme, et si l'on conçoit la démocratie comme une compétition pour le pouvoir régie par un ensemble de règles institutionnelles -selon la définition schumpétérienne en vogue- il peut sembler que le FN ne vise pas seulement à gagner, mais aussi à changer les règles du jeu (ou à gagner en changeant les règles du jeu). Voila en quoi, il peut être conçu, du point de vue de ceux qui sont dans le "système", comme un parti "protestataire".
Tandis que, du point de vue des électeurs du FN, il apparaît en effet que leur vote est moins une protestation qu'une adhésion. Mais une adhésion à certaines valeurs -et partant, certains types de régimes institutionnels- qui n'appartiennent pas nécessairement à la culture démocratique occidentale, ressortant de l'humanisme des Lumières. En somme, avec le FN, on en revient à mon avis, à la question déjà évoquée précédemment dans un autre sujet, à savoir : Qu'est-ce que la démocratie ?
En effet, les régimes démocratiques occidentaux sont fondés sur le principe d'une articulation entre institutions et dirigeants, qui a particulièrement été théorisé durant la Guerre Froide. L'idée est que le mécontentement populaire est inévitable. Mais dans les démocraties, où existe une offre politique diversifiée, ce mécontentement se porte sur les dirigeants, et aboutit au pire à l'alternance. Ainsi, les institutions, elles, sont préservées. Cette articulation doit permettre de canaliser le mécontentement, en lui laissant l'opportunité de s'exprimer contre les dirigeants, mais toujours dans le respect des institutions démocratiques -liberté d'expression, droit de vote, etc.
Ce qui est dérangeant avec les électeurs du FN -comme ceux de l'extrème-gauche, dans une certaine mesure- c'est que leur protestation ne porte pas (que) sur les dirigeants, mais sur le "système". C'est clair dans l'amalgame "UMPS" qu'ils réalisent. Du coup, leur protestation se déplace -ou menace de se déplacer, du point de vue des observateurs- vers les institutions elles-mêmes. C'est là le sens de la question : Le FN est-il un parti républicain (ou démocratique, biffer la mention inutile) ? En somme, et si l'on conçoit la démocratie comme une compétition pour le pouvoir régie par un ensemble de règles institutionnelles -selon la définition schumpétérienne en vogue- il peut sembler que le FN ne vise pas seulement à gagner, mais aussi à changer les règles du jeu (ou à gagner en changeant les règles du jeu). Voila en quoi, il peut être conçu, du point de vue de ceux qui sont dans le "système", comme un parti "protestataire".
Tandis que, du point de vue des électeurs du FN, il apparaît en effet que leur vote est moins une protestation qu'une adhésion. Mais une adhésion à certaines valeurs -et partant, certains types de régimes institutionnels- qui n'appartiennent pas nécessairement à la culture démocratique occidentale, ressortant de l'humanisme des Lumières. En somme, avec le FN, on en revient à mon avis, à la question déjà évoquée précédemment dans un autre sujet, à savoir : Qu'est-ce que la démocratie ?
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Les explications journalistiques ont été très bien résumées. Elles montrent surtout le besoin des politiciens de récupérer des voix parmi l'électorat pour le 2nd tour. Démagogie quand tu nous tiens! Pourquoi les vote FN seraient protestataires et pas ceux pour les Europe Ecologie?
Comme il a été dit, on ne vote généralement que pour une partie du programme des parti politiques, le FN n'échappe pas à la règle. Les véritables militants ne sont pas très nombreux car rares sont ceux qui approuvent l'intégralité d'un programme politique. L'électorat du FN qui est très hétérogène peut se reporter vers un autre parti politique présentant un programme similaire comme Sarkozy en 2007 (ce qui explique le faible score du FN cette année). L'absence de Megret et de De Villiers ont aussi profité à Le Pen.
Il est intéressant de relever les propos des journalistes à propos des élections de cette année. D'après eux, le vote FN n'est plus seulement un vote de protestation mais aussi un vote d'adhésion. Je pense qu'en réalité il s'agit du contraire. Comme en Allemagne dans les années 30, la crise crée des mouvements protestataires et profite aux extrémistes. Mais ce qui est inquiétant par rapport à 2002, c'est que le FN a réalisé un bon score avec un faible taux d'abstention...
Néanmoins, je trouve que c'est malgré tout "une bonne chose" que des partis comme le FN existent. Ils permettent de refléter l'état de la société et de nos rapports à nos institutions.
Comme il a été dit, on ne vote généralement que pour une partie du programme des parti politiques, le FN n'échappe pas à la règle. Les véritables militants ne sont pas très nombreux car rares sont ceux qui approuvent l'intégralité d'un programme politique. L'électorat du FN qui est très hétérogène peut se reporter vers un autre parti politique présentant un programme similaire comme Sarkozy en 2007 (ce qui explique le faible score du FN cette année). L'absence de Megret et de De Villiers ont aussi profité à Le Pen.
Il est intéressant de relever les propos des journalistes à propos des élections de cette année. D'après eux, le vote FN n'est plus seulement un vote de protestation mais aussi un vote d'adhésion. Je pense qu'en réalité il s'agit du contraire. Comme en Allemagne dans les années 30, la crise crée des mouvements protestataires et profite aux extrémistes. Mais ce qui est inquiétant par rapport à 2002, c'est que le FN a réalisé un bon score avec un faible taux d'abstention...
Néanmoins, je trouve que c'est malgré tout "une bonne chose" que des partis comme le FN existent. Ils permettent de refléter l'état de la société et de nos rapports à nos institutions.
Alphonse2Lamertume- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 08/02/2012
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Bergame a écrit:
Tandis que, du point de vue des électeurs du FN, il apparaît en effet que leur vote est moins une protestation qu'une adhésion. Mais une adhésion à certaines valeurs -et partant, certains types de régimes institutionnels- qui n'appartiennent pas nécessairement à la culture démocratique occidentale, ressortant de l'humanisme des Lumières. En somme, avec le FN, on en revient à mon avis, à la question déjà évoquée précédemment dans un autre sujet, à savoir : Qu'est-ce que la démocratie ?
J’habite une ville qui a voté à 32% Sarkozy, 29% Le Pen et 2% Dupont, je connais des électeurs votant FN. Le vote FN est un vote de « nantis » peureux et frustrés, je mets nantis entre guillemet car beaucoup ne sont que petitement « nantis » (30% des ouvriers se disent de droite). Tu as raison de faire remarquer que c’est à partir de 74 que Le Pen commence à se faire entendre, à partir du moment où il enfourche le thème xénophobe. Les électeurs qui votent FN adhérent à ce discours et veulent qu’il soit entendu, ils sont aussi en général sensible à l’existence d’un « leader », un vrai chef.
Où vote-t-on le plus FN ? Autour des grandes agglomérations urbaines, là où la présence étrangère est la plus forte. Mais ce qui est intéressant et contradictoire, comme l’a remarqué le sociologue Pascal Pérrineau, c’est que le vote FN diminue chez les populations les plus en contact direct avec des étrangers.
Combattre le FN dans une démocratie aurait d’abord du consister à écouter ses électeurs et non pas simplement l’instrumentaliser ni l’ostraciser pour de simples ambitions politiciennes. Le vote protestataire ne s’inscrit pas qu’en négatif il donne aussi des indications sur les souhaits des électeurs et cela ni la presse ni personne ne pouvait s’en faire l’écho parce que ce n’est pas politiquement correct.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Effectivement, si on veut combattre le FN, il faut le faire par un débat d'idées et non par la diabolisation systématique qui profite au FN car il joue toujours le rôle de la victime.
Sinon, la psychologie de l'électeur est difficile à déterminer en raison des différents comportements des individus. On peut néanmoins classer les votes en 4 catégories: le vote d'adhésion, le vote contestataire, le vote utile et le vote barrage. Mais pour le FN, je pense que le vote utile et le vote barrage sont très rares.
Sinon, il y a un fait qui diminue la portée de mes arguments précédents. Le FN a beau réaliser de bons résultats aux présidentielles, ils n'ont presque jamais d'élus aux législatives, municipales, cantonales ou régionales.
Sinon, la psychologie de l'électeur est difficile à déterminer en raison des différents comportements des individus. On peut néanmoins classer les votes en 4 catégories: le vote d'adhésion, le vote contestataire, le vote utile et le vote barrage. Mais pour le FN, je pense que le vote utile et le vote barrage sont très rares.
Sinon, il y a un fait qui diminue la portée de mes arguments précédents. Le FN a beau réaliser de bons résultats aux présidentielles, ils n'ont presque jamais d'élus aux législatives, municipales, cantonales ou régionales.
Alphonse2Lamertume- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 08/02/2012
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Alphonse2Lamertume a écrit:
Sinon, il y a un fait qui diminue la portée de mes arguments précédents. Le FN a beau réaliser de bons résultats aux présidentielles, ils n'ont presque jamais d'élus aux législatives, municipales, cantonales ou régionales.
Il y a un univers entre le militant FN et l'électeur FN, c'est en cela que le vote FN n'est qu'un vote protestataire car il n’est qu’adhésion à quelques aspects sélectifs d’un discours politiquement incorrect. La fréquentation des militants FN est franchement traumatisante celle des électeurs simplement horripilante. Je ne veux pas heurter la sensibilité de Bergame en parlant de masses mais le vote FN est l'archétype du vote contemporain. Le FN est l’image de marque d’une entreprise familiale visant à l’enrichissement de celle-ci tout en se prétendant ennemis du système qui les fait riche. Le discours du FN n’est pas un discours politique mais une propagande surfant sur la vague de la xénophobie, du rejet des élites et du désir d’être séduit et trompé. Incapable d’articuler l’ébauche d’un discours global cohérent avec la réalité il se contente d’un discours orchestrant des aspects sélectifs de cette réalité, les étrangers, le « système », l’europe…aspects qui sont à l’origine de nos craintes les plus primitives. Tout ce discours est construit en utilisant des procédés le mettant hors d’atteinte du jeu de la raison logique.
Je ne blâme personne mais je ne partage pas pour autant l’appel à l’indulgence généralisé du monde médiatique pour les électeurs du FN. Voter FN c’est être doublement dupe, dupe de ce discours stérile mais aussi doublement dupe parce que la famille qui le porte n’y croit même pas elle-même. D’un autre côté la xénophobie existe, les incertitudes dues à la crise aussi et ceux qui nient cette réalité sous quelque prétexte que ce soit conduisent à une impasse.
Pour conclure, lors des dernières cantonales, le FN avait du dans certains départements recruter des candidats par petites annonces, c'est dire l'ampleur de son implantation locale, la réalité du FN c'est de n'être qu'une marque commerciale déposée de la famille Le Pen qui a su exploiter au mieux le système tout en prétendant le combattre, le vote FN manque cruellement d'esprit critique sauf s'il est vu comme un vote protestataire.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
A mon tour, je ne peux m'empêcher de constater que, décidément, ton concept de "masse" est à géométrie variable. En tous cas, ce que tu appelles "la masse", ce n'est manifestement pas le grand nombre, ici, puisque je te rappelle que l'électorat FN n'est pas majoritaire en France.
Maintenant, repousser cet électorat dans l'irrationnel me semble tout aussi vain. Peut-être ne connais-tu pas d'électeurs du FN, baptiste, mais c'est mon cas, j'en connais quelques-uns. Je crois plusieurs choses :
D'abord, je constate une sorte de réaction à ce qui est ressenti comme une invasion. Les électeurs du FN se vivent, je crois, comme des défenseurs du sol national et de la France avec un F majuscule. Eux considèrent que cette France est menacée. Alors pourquoi ? Essentiellement, je pense, parce que, quoiqu'"officiellement", si l'on peut dire, ils se proclament "laïcs", ils partent du principe que la culture française -et occidentale- est (judéo-)chrétienne. L'arrivée d'une autre culture, portée et défendue par d'autres peuples, immigrés, leur apparaît donc comme une menace contre la culture française, une concurrence. Personnellement, je suis agnostique, et je ne pense pas que la culture française soit judéo-chrétienne, du moins pas plus qu'autre chose. Aussi je ne partage pas ce raisonnement. Mais en soi, et à partir du moment où l'on en accepte la prémisse, je suis désolé de dire qu'il n'est pas absurde : On peut vouloir défendre certaines valeurs, moi-même j'en défends certaines -pas les mêmes cependant.
Ensuite, il y a un autre raisonnement, plus pragmatique et cynique. Il est très simple : Lorsqu'on émigre, qu'on quitte sa terre, sa famille, ses amis, etc. c'est souvent pour des raisons économiques. En conséquence, les immigrés sont le plus souvent pauvres. Lorsqu'ils arrivent dans les pays occidentaux, ils entrent donc dans la catégorie de la population éligible aux divers programmes d'aide sociale. Or, on nous dit de toutes parts que l'Etat-providence est mort, et qu'il faut réduire les dépenses publiques. "Il n'y a plus d'argent dans les caisses", disait un Premier Ministre il n'y a pas si longtemps. Il n'est donc pas complètement absurde de conclure : Pourquoi continuer à accueillir des individus que nous ne sommes plus en mesure d'aider ? Je ne partage pas non plus cette analyse, parce qu'elle est de court terme. Sur de longues périodes, et pour rester dans des considérations strictement économiques sèches de coeur par définition, les mécanismes d'intégration ne marchent pas si mal que ça en France, et l'immigration finit par être une solution financièrement payante : Elle travaille, et génération après génération, s'enrichit ceteris etc. et participe financièrement à la collectivité. On a pu dire par exemple -à juste raison me semble-t-il- que la France avait besoin d'une population immigrée si elle voulait financer son système de retraites dans 20 ans. Mais cette perspective de long terme ne ravit évidemment pas ceux qui, comme vu plus haut, pensent qu'il faut défendre la culture française. Ils ont donc tendance à ne pas réfléchir aussi loin, et se borner à constater que, à instant T, les individus qui entrent sur le territoire français sont pauvres et bénéficient de prestations financées avec leurs impôts. Cela étant dit, il me semble qu'ils sont loin d'être les seuls, dans le monde qui nous entoure, à réfléchir à court terme, et ils sont loin d'être les seuls à blâmer le pauvre.
Un point essentiel dans tout cela me semble être celui de la propriété. Les électeurs du Front National me semblent attachés à cette idée qu'un territoire appartient à un peuple. Et au fond il défendent leur territoire. Je n'ai pas trouvé que c'était toujours avec de mauvaises raisons : On admet parfaitement qu'un individu transmette son patrimoine à ses enfants, qui en deviennent alors légitimes propriétaires. Ne peut-on considérer que les générations d'hommes et de femmes qui se sont battus, qui ont parfois donné leur vie, pour préserver l'intégrité du territoire français, sa culture, ses institutions, ou même tous ceux et celles qui ont travaillé et fait fructifier son potentiel économique, ne peut-on considérer qu'ils ont participé à ce qu'est la France aujourd'hui ? Et que leurs enfants (nous) en sont les dépositaires ? Que nous avons même peut-être une responsabilité vis-à-vis de cet héritage ? Ce ne sont peut-être pas de mauvaises questions -en tous cas, me semble-t-il, pas absurdes.
Maintenant, repousser cet électorat dans l'irrationnel me semble tout aussi vain. Peut-être ne connais-tu pas d'électeurs du FN, baptiste, mais c'est mon cas, j'en connais quelques-uns. Je crois plusieurs choses :
D'abord, je constate une sorte de réaction à ce qui est ressenti comme une invasion. Les électeurs du FN se vivent, je crois, comme des défenseurs du sol national et de la France avec un F majuscule. Eux considèrent que cette France est menacée. Alors pourquoi ? Essentiellement, je pense, parce que, quoiqu'"officiellement", si l'on peut dire, ils se proclament "laïcs", ils partent du principe que la culture française -et occidentale- est (judéo-)chrétienne. L'arrivée d'une autre culture, portée et défendue par d'autres peuples, immigrés, leur apparaît donc comme une menace contre la culture française, une concurrence. Personnellement, je suis agnostique, et je ne pense pas que la culture française soit judéo-chrétienne, du moins pas plus qu'autre chose. Aussi je ne partage pas ce raisonnement. Mais en soi, et à partir du moment où l'on en accepte la prémisse, je suis désolé de dire qu'il n'est pas absurde : On peut vouloir défendre certaines valeurs, moi-même j'en défends certaines -pas les mêmes cependant.
Ensuite, il y a un autre raisonnement, plus pragmatique et cynique. Il est très simple : Lorsqu'on émigre, qu'on quitte sa terre, sa famille, ses amis, etc. c'est souvent pour des raisons économiques. En conséquence, les immigrés sont le plus souvent pauvres. Lorsqu'ils arrivent dans les pays occidentaux, ils entrent donc dans la catégorie de la population éligible aux divers programmes d'aide sociale. Or, on nous dit de toutes parts que l'Etat-providence est mort, et qu'il faut réduire les dépenses publiques. "Il n'y a plus d'argent dans les caisses", disait un Premier Ministre il n'y a pas si longtemps. Il n'est donc pas complètement absurde de conclure : Pourquoi continuer à accueillir des individus que nous ne sommes plus en mesure d'aider ? Je ne partage pas non plus cette analyse, parce qu'elle est de court terme. Sur de longues périodes, et pour rester dans des considérations strictement économiques sèches de coeur par définition, les mécanismes d'intégration ne marchent pas si mal que ça en France, et l'immigration finit par être une solution financièrement payante : Elle travaille, et génération après génération, s'enrichit ceteris etc. et participe financièrement à la collectivité. On a pu dire par exemple -à juste raison me semble-t-il- que la France avait besoin d'une population immigrée si elle voulait financer son système de retraites dans 20 ans. Mais cette perspective de long terme ne ravit évidemment pas ceux qui, comme vu plus haut, pensent qu'il faut défendre la culture française. Ils ont donc tendance à ne pas réfléchir aussi loin, et se borner à constater que, à instant T, les individus qui entrent sur le territoire français sont pauvres et bénéficient de prestations financées avec leurs impôts. Cela étant dit, il me semble qu'ils sont loin d'être les seuls, dans le monde qui nous entoure, à réfléchir à court terme, et ils sont loin d'être les seuls à blâmer le pauvre.
Un point essentiel dans tout cela me semble être celui de la propriété. Les électeurs du Front National me semblent attachés à cette idée qu'un territoire appartient à un peuple. Et au fond il défendent leur territoire. Je n'ai pas trouvé que c'était toujours avec de mauvaises raisons : On admet parfaitement qu'un individu transmette son patrimoine à ses enfants, qui en deviennent alors légitimes propriétaires. Ne peut-on considérer que les générations d'hommes et de femmes qui se sont battus, qui ont parfois donné leur vie, pour préserver l'intégrité du territoire français, sa culture, ses institutions, ou même tous ceux et celles qui ont travaillé et fait fructifier son potentiel économique, ne peut-on considérer qu'ils ont participé à ce qu'est la France aujourd'hui ? Et que leurs enfants (nous) en sont les dépositaires ? Que nous avons même peut-être une responsabilité vis-à-vis de cet héritage ? Ce ne sont peut-être pas de mauvaises questions -en tous cas, me semble-t-il, pas absurdes.
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Bergame- Persona
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Date d'inscription : 03/09/2007
Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
Il y a un univers entre le militant FN et l'électeur FN, c'est en cela que le vote FN n'est qu'un vote protestataire car il n’est qu’adhésion à quelques aspects sélectifs d’un discours politiquement incorrect.
C'est ce que je pensais autrefois. Mais, je pense que cet argument montre plutôt le peu de conviction dans nos votes et que l'on ne vote généralement un candidat que pour une partie de leur programme. La plupart du temps, on ne choisit notre représentant que par défaut et faute de mieux. Pour mettre au clair cela, on peut établir un parallèle entre le vote utile et du vote barrage jouent un rôle important sur les deux tours.
Mon candidat, Bayrou, était donné vainqueur en 2007 s'il se retrouvait au second tour face à Sarkozy. Cette année, il aurait remporté face à n'importe quel candidat s'il était au 2nd tour. Encore fallait-il qu'il puisse être au 2nd tour...Le vote utile en a décidé autrement car les électeurs trouvent que Bayrou dispose trop peu de soutien pour pour mettre en place sa politique. Dans les élections intermédiaires, les taux d'abstentions sont souvent élevés et profitent aux extrémistes. Mais, je pense que c'est surtout le vote barrage au 2nd tour qui empêche le FN d'avoir des élus. D'ailleurs, on sait très bien Hollande sera élu non pas pour ses idées à cause (ou "grâce à", question de point de vue!) de l'impopularité de Sarkozy...Il s'agit plutôt d'un vote barrage plutôt qu'un vote d'adhésion. C'est le parfaite illustration du paradoxe de Condorcet ou plus globalement le théorème d'impossibilité d'Arrow.
Alphonse2Lamertume- Digressi(f/ve)
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Re: Le vote FN, un vote contestataire: mythe journalistique?
A Bergame
Un concept de masse à géométrie variable dis-tu? Plus de 6 millions d’électeurs est-ce une masse ou un groupuscule, 1 électeur sur cinq est-ce marginal ? La troisième force politique d’un pays, est ce un modeste courant de pensée ? On peut en discuter mais on ne peut pas dire comme tu le fais que ce n’est pas le grand nombre.
J’ai dit que je vivais dans une région de vieille implantation du FN, je connais beaucoup de ses électeurs puisqu’un tiers des habitants de ma commune à voté Le Pen et ici ce n’est pas un vote honteux, les gens le reconnaissent volontiers et parlent librement de leur racisme ordinaire. Je n’ai pas parlé d’irrationnel mais de « nantis », de peur et de frustration, toutes choses éminemment rationnelles. Dans le contexte actuel de mondialisation et de montée des inégalités, l'extrême droite s'impose comme principale force de contestation du consensus idéologique imposé par le modèle social ultralibéral, et ce pas uniquement en France, c’est le fruit de la « peur de la liberté ». L’étonnement de la presse avant l’élection pour « la montée » du front de gauche n’a d’égale que sa déconvenue devant le score du FN le soir du premier tour (cf Pierre Marcelle ds Liberation le 26 avril).
Je n’ai pas dit qu’il était absurde de défendre ces valeurs ( islamophobie, xénophobie, antiparlementarisme, homophobie, sexisme) simplement qu’il était naïf de voter FN, car ce faisant on ne vote pas pour la droite nationale mais pour l’entreprise personnelle de la famille Le Pen, c’est Lorrain de Saint Affrique je crois qui avait dit de Le Pen qu’il était une catastrophe pour la droite nationale.
Cette peur, cette menace ressentie est un phénomène naturel très bien exploité. Je suis profondément démocrate, mais je n’oublie pas que si la motivation de ce vote c’est la peur et la frustration le carburant lui c’est la haine. Pour moi ce vote est légitime tant qu’il reste minoritaire, s’il venait à devenir majoritaire ce serait une autre histoire puisqu’à ma connaissance le FN demeure un parti anti-républicain.
Si ces valeurs de la droite radicale prennent le pas sur les autres c’est que d’une part les autres n’ont pas réussis à faire entendre leurs valeurs, et aussi parce que l’élite politique et journalistique a préféré les instrumentaliser en les diabolisant pour satisfaire des ambitions politiciennes plutôt que d’essayer d’apporter des réponses satisfaisantes à ces préoccupations légitimes. En quelle année Fabius a dit « Le Pen pose les bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses » C’était quand ? Il y a plus de vingt ans, quelle réponse a-t-il proposé ?
A Alphonse.
Le choix est le fruit d’une multitude de raisons, le fondement de la légitimité démocratique c’est le consentement, on peut avoir raison seul contre tous mais on ne peut être démocratiquement légitime seul contre tous. Tous les promoteurs d’une sixième république Bayrou, Montebourg ou Peillon viennent de prendre un vieille claque, les électeurs ne refusent pas au président le droit de présider du moment qu’ils gardent celui de le juger et de le renvoyer. Le taux de participation à la présidentielle montre bien l’importance de ce droit pour les français et qu’ils ne sont pas prêts de l’abandonner. Les jeux électoraux les français veulent en rester l’arbitre, à tort ou à raison mais cela reste un droit légitime en démocratie dont il serait difficile désormais de les priver.
Un concept de masse à géométrie variable dis-tu? Plus de 6 millions d’électeurs est-ce une masse ou un groupuscule, 1 électeur sur cinq est-ce marginal ? La troisième force politique d’un pays, est ce un modeste courant de pensée ? On peut en discuter mais on ne peut pas dire comme tu le fais que ce n’est pas le grand nombre.
J’ai dit que je vivais dans une région de vieille implantation du FN, je connais beaucoup de ses électeurs puisqu’un tiers des habitants de ma commune à voté Le Pen et ici ce n’est pas un vote honteux, les gens le reconnaissent volontiers et parlent librement de leur racisme ordinaire. Je n’ai pas parlé d’irrationnel mais de « nantis », de peur et de frustration, toutes choses éminemment rationnelles. Dans le contexte actuel de mondialisation et de montée des inégalités, l'extrême droite s'impose comme principale force de contestation du consensus idéologique imposé par le modèle social ultralibéral, et ce pas uniquement en France, c’est le fruit de la « peur de la liberté ». L’étonnement de la presse avant l’élection pour « la montée » du front de gauche n’a d’égale que sa déconvenue devant le score du FN le soir du premier tour (cf Pierre Marcelle ds Liberation le 26 avril).
Je n’ai pas dit qu’il était absurde de défendre ces valeurs ( islamophobie, xénophobie, antiparlementarisme, homophobie, sexisme) simplement qu’il était naïf de voter FN, car ce faisant on ne vote pas pour la droite nationale mais pour l’entreprise personnelle de la famille Le Pen, c’est Lorrain de Saint Affrique je crois qui avait dit de Le Pen qu’il était une catastrophe pour la droite nationale.
Cette peur, cette menace ressentie est un phénomène naturel très bien exploité. Je suis profondément démocrate, mais je n’oublie pas que si la motivation de ce vote c’est la peur et la frustration le carburant lui c’est la haine. Pour moi ce vote est légitime tant qu’il reste minoritaire, s’il venait à devenir majoritaire ce serait une autre histoire puisqu’à ma connaissance le FN demeure un parti anti-républicain.
Si ces valeurs de la droite radicale prennent le pas sur les autres c’est que d’une part les autres n’ont pas réussis à faire entendre leurs valeurs, et aussi parce que l’élite politique et journalistique a préféré les instrumentaliser en les diabolisant pour satisfaire des ambitions politiciennes plutôt que d’essayer d’apporter des réponses satisfaisantes à ces préoccupations légitimes. En quelle année Fabius a dit « Le Pen pose les bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses » C’était quand ? Il y a plus de vingt ans, quelle réponse a-t-il proposé ?
A Alphonse.
Le choix est le fruit d’une multitude de raisons, le fondement de la légitimité démocratique c’est le consentement, on peut avoir raison seul contre tous mais on ne peut être démocratiquement légitime seul contre tous. Tous les promoteurs d’une sixième république Bayrou, Montebourg ou Peillon viennent de prendre un vieille claque, les électeurs ne refusent pas au président le droit de présider du moment qu’ils gardent celui de le juger et de le renvoyer. Le taux de participation à la présidentielle montre bien l’importance de ce droit pour les français et qu’ils ne sont pas prêts de l’abandonner. Les jeux électoraux les français veulent en rester l’arbitre, à tort ou à raison mais cela reste un droit légitime en démocratie dont il serait difficile désormais de les priver.
baptiste- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 21/03/2012
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