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Réflexions sur Locke

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Message par Bergame Lun 8 Fév 2010 - 16:22

Le fondement de la doctrine de Locke, c’est : Ma vie est ma propriété. C’est à partir de ce postulat que Locke déroule une théorie du droit de propriété comme droit naturel, articulée avec la liberté individuelle : Puisque ma vie est ma propriété, j’ai le droit, naturel et légitime, de la conserver et de la défendre. Et tous les moyens que je puis posséder pour ce faire doivent m’être reconnus comme ma propriété, inaliénable. Un gouvernement qui ne me reconnaîtrait pas ce droit et au contraire, considèrerait, dans le cas extrême, que toute propriété, en dernier ressort, lui est redevable, serait un gouvernement qui considèrerait que ma vie lui appartient.
Or, celui dont la vie appartient à autrui, c’est l’esclave. L’esclave est en effet celui qui a eu le choix entre l’asservissement ou la mort, et qui a volontairement choisi de vivre asservi. Contradictoirement, celui dont la vie lui appartient en propre est l’homme libre.

Une doctrine philosophique est une représentation du monde et de l’existence. L’articulation typiquement lockéenne entre propriété et liberté témoigne d’une représentation du monde qui repose sur un implicite : Je suis ce que je possède. Autrement dit : Être, c’est avoir. Il n’est sans doute pas nécessaire de disserter longuement sur l’importance de ce credo pour la civilisation moderne et capitaliste qui est la notre. Nous évoluons dans une civilisation dont le système de valeur est tout entier fondé sur cette assimilation de l’être à l’avoir.

On peut pourtant se demander : N’est-ce pas un credo de toutes les civilisations et de toutes les époques historiques ? N’est-ce pas un phénomène social, au sens le plus large du terme ? Toute possession confère du prestige, et plus elle est rare et plus elle confère de prestige. Socialement parlant, celui qui occupe une place éminente, aux yeux des autres, a toujours été celui qui possède quelque chose qui 1. le distingue des autres, et 2. lui soit utile à obtenir d’autres choses.

Le problème tient donc à cette notion d’ « utilité » : Qu’est-ce qui détermine ce qu’il est utile de posséder dans une civilisation donnée ? La réponse est difficile, mais on pourra noter ceci : Ce qu’il est utile de posséder aujourd’hui, ce sont des choses matérielles, en tant que moyens –et Locke est bien le fondateur, ou le théoricien le plus conséquent de cette doctrine. A d’autres époques historiques, ce qu’il était utile de posséder consistait d’abord en des qualités personnelles.

On pourra considérer néanmoins que ce sont deux doctrines, deux représentations du monde et de l’existence, qui se confrontent et s’affrontent, dans notre civilisation moderne comme à d’autres époques historiques. Les théories de l’entrepreneur, par exemple, sont des théories qui justifient l’acquisition matérielle par la possession de qualités personnelles, de même que toutes les thèses qui expliquent la réussite sociale par le travail, l’intelligence, le capital culturel, la pratique religieuse, etc.

Mais la tendance générale de notre civilisation n’est-elle pas de reléguer les qualités personnelles au second plan ? "Pourquoi pas moi ?" Tout le monde peut réussir, il suffit de le vouloir. Il faut vouloir être.

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Message par cedric Mer 10 Fév 2010 - 9:01

Tiens c'est marrant je travaillais justement récemment sur la définition de la propriété privée par Locke fondée au sein du cadre du droit naturel. Et j'avais également été surpris du fait que l'homme est propriétaire de sa propre personne, de parler de l'homme dans son rapport à lui comme un "propriétaire". Bon, c'est simplement il me semble que cette pensée est d'emblée orientée vers la justice et le droit.

Pour Locke, selon le droit naturel, l'homme est d'abord propriétaire de sa propre personne ( qu'entend exactement Locke par sa propre personne ? le corps, et la pensée, ou juste le corps ) ? et par extension il est également propriétaire des objets naturels que son propre corps travaille et transforme. Cette définition de la propriété privée ne peut plus fonctionner de nos jours car nous ne sommes pas, ou plus dans un état de nature qui est nécessairement présupposé afin de penser un droit naturel, du reste Locke prend ce fait en compte et pose dans sa définition de la propriété privée la condition selon laquelle cette définition ne peut s'appliquer que s'il existe des "matières premières" en aussi grande et bonne qualité pour tous.

Ce rapport entre l'être et l'avoir que tu soulignes, à juste titre, me semble issu d'une approche pragmatique de l'humain qui d'emblée ne s'interroge pas tant à un niveau éthique qu'à un niveau juridique. On définit l'homme et son "identité" dans le même temps qu'on cherche à fonder la loi et la justice. Encore, l'"identité de l'homme" est pensée d'emblée dans une dimension juridique pragmatique.


Cette vision qui tend à poser un lien d'équivalence entre l'être et l'avoir me semble, de prime abord, un geste tout de même assez anglo-saxon. Bon, à la base cette histoire comme quoi la terre et toutes les créatures sont donnés en partage au homme, sous entendu qu'ils en fassent ce qu'ils veulent et que ça leur serve pour prospérer et étendre la race de yavhé, ça vient quand même de l'ancien testament. Alors pourquoi, je ne sais pas, mais il me semble que les anglo-saxon ont été particulièrement réceptif à cette conception du rapport de l'homme à la nature, vision selon laquelle l'homme s'oppose à la nature et en dispose. Faudrait voir ce que ça devient dans le protestantisme cette histoire, là je pose juste des idées de prime abord, pas des thèses.

Je fais un parallèle avec Arendt, qui il me semble s'est inspirée de Locke, notamment en ce qu'elle conserve et poursuit sa distinction entre le travail du corps / et l'oeuvre des mains, c'est à dire une distinction très tranchée entre la nature et la culture, et le fait de souligner que le monde de l'homme n'est pas le monde de la nature mais le monde de la culture. Il y a tout de même un opposition très tranchée entre nature et culture chez Arendt, ce qui du reste peut constituer une faiblesse dans sa pensée. Je veux dire si le monde de l'homme s'oppose foncièrement au monde de la nature, on a qu'à construire un carré de béton géant, tous vivre dedans et c'est le pied. Il faut réinjecter un concept de "nature" dans la philosophie d'Arendt il me semble, et sans doute cela permettrait de rendre moins tranchée la vision de la nature selon laquelle on peut en faire ce qu'on veut. Bon c'est une petite digression.

Pour revenir à ta question finale, peut-être que le problème vient du fait qu'on considère les qualités personnelles dans leur capacité à servir de manière fonctionnelle. On se demande plutôt, à quelle fonction correspond ces qualités personnelles ? en fait non, plutôt il me semble que le problème c'est que les qualités personnelles débordent toujours ce à quoi on destine l'individu. Les qualités personnelles n'ont leur place au sein de la société que si elles se conforment aux visées sociétales. Sans quoi on leur demande de s'exprimer autre part, dans le temps libre, et parfois ces qualités peuvent même s'opposer à ce qu'on leur demande de faire en terme de travail.

La "schizophrénie" vient peut-être du fait qu'on demande implicitement à chaque individu de scinder ce qu'il est, ses valeurs, entre vie publique et vie privée. Sa vie publique demandant un abandon non seulement de soi mais de ses convictions au profit du fonctionnel, qu'il pourra retrouver au sein de sa vie privée. C'est l'inversion des valeurs entre vie privée et vie publique que diagnostiquait Arendt. On ne parle plus en publique parce que le domaine publique n'est plus le lieu où on parle mais le lieu où on fonctionne, où on se déplace pour aller au travail ou pour flaner en privé avec ses proches ainsi que pour consommer.

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Message par hks Jeu 13 Mar 2014 - 9:07

je cite  et je souligne

LOCKE ET LE FONDEMENT DU DROIT DE PROPRIÉTÉ
Christian Lazzeri


   Il va de soi que Locke préfère la figure du capitaliste frugal capable de contribuer à l’enrichissement collectif, à la figure du propriétaire terrien qui pratique une politique de consommation ostentatoire susceptible d’entraîner une telle crise. Simplement, dans ses opuscules sur la monnaie, il n’ira pas plus loin.

Cependant, il apparaît tout de même assez clairement qu’il s’est posé, peut-être involontairement, un problème à lui-même et ce problème est le suivant : dans de telles circonstances où la crise économique fait son apparition et où le comportement des travailleurs tend vers la révolte, que devra faire exactement le gouvernement ?

   Devra-t-il ordonner aux rebelles de respecter le droit de propriété et la sécurité individuelle et devra-t-il les y contraindre puisque c’est en principe pour cela qu’il est institué ? Cependant, d’un autre côté, les travailleurs ne sont-ils pas habilités, en vertu même de la loi naturelle, à soustraire aux riches le surplus de propriétés dont ils ont besoin pour assurer leur propre conservation dès lors qu’ils ne peuvent le faire autrement? Et dans ces conditions, ne seraient-ils pas fondés à résister à un gouvernement qui les empêcherait d’assurer leur propre conservation ?

D’un autre côté, si le gouvernement soustrait un surplus de propriété aux possédants en vue d’une redistribution, les propriétaires ne pourront-ils pas légitimement soutenir que leur propriété est fondée dans le droit naturel et qu’il est impossible de leur en soustraire une partie sans leur propre consentement ? Et, dans ces conditions, ne seraient-ils pas fondés à exercer, eux aussi, un droit de résistance à l’encontre du gouvernement ?

On voit que ce type de situation est particulièrement intéressant puisqu’il fonctionne comme une sorte de «test» ou de «révélateur» concernant la cohérence de la théorie lockienne de la propriété. La question essentielle à laquelle Locke devrait répondre, ou plus exactement à laquelle sa théorie devrait pouvoir répondre consiste à savoir si l’on doit prioritairement protéger la propriété des possédants, où si l’on doit au contraire garantir un accès à des ressources à ceux qui en sont dépourvus.

Or, en théorie, la réponse ne devrait pas faire de problème : si l’on interprète correctement la théorie lockienne de la loi naturelle, si l’on interprète correctement le principe fondamental de cette loi qui est la conservation de l’humanité ; si l’on interprète correctement le devoir de se conserver pour chacun et le droit d’exiger de s’approprier tout surplus de propriété nécessaire à sa propre conservation dès lors que l’on ne peut assurer sa subsistance autrement, alors on peut soutenir que la conservation de chacun prime légitimement sur le maintien de l’intégralité de la propriété individuelle. On peut donc soutenir que la théorie lockienne comporte sur ce point une solution à la difficulté soulevée.

  Il n’en reste pas moins qu’une telle solution met en relief une seconde difficulté qui se trouve très exactement à l’origine du problème que Locke cherche à résoudre. Il est en effet évident, conformément à la loi naturelle, que le propriétaire, et pour nous ici le propriétaire terrien, dispose de la liberté d’utiliser ses propriétés comme il l’entend. La loi naturelle n’autorise pas le gouvernement à lui imposer de se conduire comme un capitaliste frugal ou comme un propriétaire dépensier. Dans ces conditions, on peut dire que la loi naturelle n’offre pas de protection contre un comportement économique déviant qui risque de provoquer périodiquement des crises économiques, à part imposer une obligation au for interne aux agents économiques de la respecter: le comportement des agents économiques dépend finalement de leur propre décision, avec les inconvénients qui résultent des mauvaises décisions qu’ils peuvent prendre et des conséquences négatives qui peuvent en découler.

De ce point de vue, on pourrait être tenté de conclure que Locke a involontairement posé un problème général auquel le libéralisme économique contemporain n’a semble-t-il toujours pas trouvé de réponse.""""""""""""""""
hks
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