Liberté...
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Re: Liberté...
Lekhan peux-tu m'expliquer la Grâce stp? (désolé je n'ai pas encore compris )
J'ai l'intuition (car je n'ai pas compris, ça ne peut être qu'une intuition) que c'est ce qui réfute le mieux la définition de la liberté comme un choix.
J'ai l'intuition (car je n'ai pas compris, ça ne peut être qu'une intuition) que c'est ce qui réfute le mieux la définition de la liberté comme un choix.
Moi- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Pierre Rivière a écrit:Came a écrit:Puis-je me permettre de spécifier que Kant, avec ses concepts fondamentaux soit les catégories, n'appréhendait que les phénomènes, c'est-à-dire que les objets de nos sens, nos sensations. Dit moi où exactement dans la critique il fait de la causalité une condition de possibilité de nos actions. Je crois que tu fais fausse route lorsque tu confonds l’action humaine et le phénomène. Bien entendu la causalité fait souvent œuvre de justification, mais tout cela n’est que méprise.
Je n'ai jamais voulu proposer une interprétation de Kant. À partir de Kant, j'ai seulement montré comment se dévoilait le concept de nécessité. Le reste, au sujet de la liberté, n'est aucunement lié à Kant. Nul part Kant ne fait de la causalité une condition de possibilité de nos actions, ni moi d'ailleurs. Ce qui se rapproche le plus de l'idée que j'ai voulu exposer au sujet de la liberté serait dans la distinction que fait Heidegger entre l'homme créateur de monde et l'animal pauvre en monde. Peut-être que je n'étais pas clair en utilisant un exemple de choix politiques (bien que c'était évidemment un contre-exemple), mais les systèmes de relations ne sont pas nécessairement de nouvelles possibilités de choix. J'y voyais plutôt la possibilité d'une connaissance "intellectuelle" du monde et de la faculté de créativité qui lui est co-extensive. Je place la liberté du côté de la créativité.
L'objection de Came me semble mal formulée -et d'ailleurs, mon dieu que je discuterais bien sa conclusion, mais il faut bien faire des choix :) - mais elle touche quelque chose de juste, qui est à mon sens ceci : Chez Kant, l'action, justement, est un acte créateur. Au moment où il agit, le sujet marque une rupture dans l'enchainement des causes et des conséquences. Cette rupture s'origine d'un moment en quelque sorte suspendu dans le temps et dans l'espace puisqu'il prend sa source, irréductibement, dans le monde archétypal. En aucun cas tu ne peux donc dire que, chez Kant, l'action est un choix entre plusieurs possibles. L'action au sens kantien est la résultante d'une volonté libre, càd absolument indéterminée. Absolument. [edit : Il faut lire "absolument inconditionnée" et non "absolument indéterminée". Mea maxima culpa et toute mes excuses]
To be sure, il n'y a aucun moyen, chez Kant, d'anticiper d'une quelconque manière la résultante d'une action, et en particulier, le cheminement des causes et des conséquences auquel elle donnera elle-même lieu -au passage, c'est l'une des raisons essentielles pour lesquelles l'annexion de Kant par les anglo-saxons de la TCR est, selon moi, une ignominie : Aucun moyen, chez Kant, de prédire quoique ce soit en ce qui concerne le résultat de l'action, et par conséquent, aucun critère d'utilité, marginale ou non. Aussitôt que la volonté libre donne naissance à une action, celle-ci appartient déjà au monde physique, et ce qu'elle devient échappe à toute volonté humaine.
L'arbre des causes et des conséquences n'est appréhendable que rétrospectivement, par la régression causale, ce que l'on peut rapprocher de l'objection de Came lorsqu'il dit que la nécessité n'est aucunement appréhendable par la raison pratique -mais uniquement par la raison théorique.
Je note bien ta rectification à la suite de l'objection de Came, Pierre Rivière. Mais je réagis sur le fait, ne serait-ce même que de citer Kant à l'appui de ta thèse, car la pensée de la liberté, chez Kant, se caractérise justement par une radicalité tout à fait remarquable en ce qui concerne l'indétermination de la volonté [bis repetita : La volonté libre, chez Kant, est déterminée, mais elle n'est pas et ne peut être déterminée de manière sensible, "pathologique" ; elle est donc strictement inconditionnée]
Dernière édition par Bergame le Lun 12 Mai 2008 - 12:43, édité 1 fois
Bergame- Persona
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Re: Liberté...
Plus prosaïquement, je proposerais deux définitions de la liberté, qui me semblent un peu les modèles archétypaux de ce concept -ou deux de ces modèles, la liste n'est pas restrictive- dans l'histoire des idées.
Il y a la liberté comme capacité. Elle repose globalement sur l'idée que "être libre", ça veut dire "avoir la capacité de faire ce qu'on veut". On l'appelle aussi conception aristocratique de la liberté. Elle repose implicitement sur une conception hiérarchique (/pyramidale) de la société, et pose que, plus on est placé à un niveau élevé de cette hiérarchie, et moins on est dépendant d'autrui, donc plus on est libre. Avec l'horizon que la liberté, si elle existe, est à trouver au sommet. Car au sommet on est seul, donc on est libre ; mais en même temps, on n'est pas isolé, et notre survie n'est pas en danger : Les autres, placés plus bas dans la hiérarchie, subviennent à nos besoins fondamentaux et sociaux.
Et il y a la liberté comme autonomie. Elle repose globalement sur l'idée que "être libre", ça veut dire "être auto-suffisant". C'est la liberté de l'ascète -ou du marginal. Elle repose implicitement sur une conception uniforme de la société et pose que, à partir du moment où l'on est inclus dans le réseau de relations qui la constitue, on est élément d'un système de dépendances. Il ne s'agit alors pas forcément d'être au-dessus, mais bien plutôt en-dehors, car l'ascète considère non seulement que, même si l'aristocrate parvient un jour au sommet, il restera toujours dépendant au moins de ceux qui sont en-dessous de lui, mais bien plus, que le sommet, en fait, est un leurre, et que quelque soit la vitesse à laquelle on monte, on ne reste jamais qu'un maillon entre ceux qui sont au-dessus et ceux qui sont au-dessous.
A l'inverse, l'aristocrate considère que la nature de l'homme est celle d'un être social, et que par conséquent, c'est l'autarcie qui est un leurre ; que l'ascète, en se mettant en-dehors de la société, met sa survie en danger ; et qu'il devra bien, tôt ou tard, revenir se placer au sein du réseau de dépendances que constitue la communauté sociale. Seulement il le fera alors à son plus grand désavantage.
Il y a la liberté comme capacité. Elle repose globalement sur l'idée que "être libre", ça veut dire "avoir la capacité de faire ce qu'on veut". On l'appelle aussi conception aristocratique de la liberté. Elle repose implicitement sur une conception hiérarchique (/pyramidale) de la société, et pose que, plus on est placé à un niveau élevé de cette hiérarchie, et moins on est dépendant d'autrui, donc plus on est libre. Avec l'horizon que la liberté, si elle existe, est à trouver au sommet. Car au sommet on est seul, donc on est libre ; mais en même temps, on n'est pas isolé, et notre survie n'est pas en danger : Les autres, placés plus bas dans la hiérarchie, subviennent à nos besoins fondamentaux et sociaux.
Et il y a la liberté comme autonomie. Elle repose globalement sur l'idée que "être libre", ça veut dire "être auto-suffisant". C'est la liberté de l'ascète -ou du marginal. Elle repose implicitement sur une conception uniforme de la société et pose que, à partir du moment où l'on est inclus dans le réseau de relations qui la constitue, on est élément d'un système de dépendances. Il ne s'agit alors pas forcément d'être au-dessus, mais bien plutôt en-dehors, car l'ascète considère non seulement que, même si l'aristocrate parvient un jour au sommet, il restera toujours dépendant au moins de ceux qui sont en-dessous de lui, mais bien plus, que le sommet, en fait, est un leurre, et que quelque soit la vitesse à laquelle on monte, on ne reste jamais qu'un maillon entre ceux qui sont au-dessus et ceux qui sont au-dessous.
A l'inverse, l'aristocrate considère que la nature de l'homme est celle d'un être social, et que par conséquent, c'est l'autarcie qui est un leurre ; que l'ascète, en se mettant en-dehors de la société, met sa survie en danger ; et qu'il devra bien, tôt ou tard, revenir se placer au sein du réseau de dépendances que constitue la communauté sociale. Seulement il le fera alors à son plus grand désavantage.
Bergame- Persona
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Re: Liberté...
Je voudrais revenir sur la question "L'homme est-il libre?".
Il me semble que l'on peut répondre par l'affirmative. En effet, le fait même de penser n'est-il pas une preuve de cette liberté? Ou plutôt l'acte de réfléchir sur soi. Je veux dire que quand je nous vois réfléchir à propos de notre liberté, j'ai le sentiment immédiat que cette réflexion est le fruit de notre liberté.
Je dirais donc que c'est notre capacité de penser simplement qui nous définit comme étant libres.
Il me semble que l'on peut répondre par l'affirmative. En effet, le fait même de penser n'est-il pas une preuve de cette liberté? Ou plutôt l'acte de réfléchir sur soi. Je veux dire que quand je nous vois réfléchir à propos de notre liberté, j'ai le sentiment immédiat que cette réflexion est le fruit de notre liberté.
Je dirais donc que c'est notre capacité de penser simplement qui nous définit comme étant libres.
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Moi- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Pourtant, cette "pensée" représentée, cette pensée que tu penses, elle est conditionnée par l'agencement et l'activité de ton cerveau ; la performance et le développement de tes connexions neuronales ; la qualité du sang qui l'irrigue ; l'air, l'eau, la nourriture qu'il a fallu absorber pour parvenir à cette activité.
Sur le plan psychologique, c'est une affirmation rendue possible par un certain état.
Sur un autre plan, cette pensée est déterminée par un certain contexte historico-politique, un hic et nunc qui donne la condition de possibilité d'une telle pensée.
Sur un autre plan encore, cette pensée est rendue possible par toute une généalogie intellectuelle, par l'ensemble d'expériences, de pensées préalables, de lectures qui ont permis d'envisager cette pensée comme possible, de lui donner de la valeur.
J'arrête là.
Sur le plan psychologique, c'est une affirmation rendue possible par un certain état.
Sur un autre plan, cette pensée est déterminée par un certain contexte historico-politique, un hic et nunc qui donne la condition de possibilité d'une telle pensée.
Sur un autre plan encore, cette pensée est rendue possible par toute une généalogie intellectuelle, par l'ensemble d'expériences, de pensées préalables, de lectures qui ont permis d'envisager cette pensée comme possible, de lui donner de la valeur.
J'arrête là.
Plus Oultre- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Mais tu ne parles là que de modalités et non de la capacité profonde en elle-même.
Oui, je peux penser grâce à mon cerveau. Et donc l'état de mon cerveau influe sur ma pensée. Mais j'ai toujours la possibilité de le faire. Je n'ai pas dis que tout le monde pense de la même manière, ou plutôt a une intensité de pensée égale. Mais chaque individu peut penser, à son niveau. Le cerveau n'est que l'outil.
Oui, je peux penser grâce à mon cerveau. Et donc l'état de mon cerveau influe sur ma pensée. Mais j'ai toujours la possibilité de le faire. Je n'ai pas dis que tout le monde pense de la même manière, ou plutôt a une intensité de pensée égale. Mais chaque individu peut penser, à son niveau. Le cerveau n'est que l'outil.
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Moi- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Je disais ça parce que j'avais l'impression que tu établissais l'équation pensée = liberté.
La pensée comme acte souverain, auto-fondateur, sans limite.
Le truc répugnant au possible quoi.
Tout au plus la pensée est-elle une minuscule et dérisoire émanation du corps. Quand elle se mire avec cette admiration narcissique et qu'elle ose se dire qu'elle est libre, elle est un peu comme ces sales mômes qui insultent fièrement leur mère en oubliant qu'ils lui doivent le gîte et le couvert - éventuellement l'existence.
La pensée comme acte souverain, auto-fondateur, sans limite.
Le truc répugnant au possible quoi.
Tout au plus la pensée est-elle une minuscule et dérisoire émanation du corps. Quand elle se mire avec cette admiration narcissique et qu'elle ose se dire qu'elle est libre, elle est un peu comme ces sales mômes qui insultent fièrement leur mère en oubliant qu'ils lui doivent le gîte et le couvert - éventuellement l'existence.
Plus Oultre- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Ainsi la pensée insulterait le corps comme ces enfants insultent leur mère?
Si l'on continue avec cette comparaison, ne peut-on pas dire que les enfants peuvent dépasser leur mère? La pensée, tout en étant inscrite dans le corps, tout en étant un produit du corps, ne peut-elle pas avoir une tout autre dimension?
D'ailleurs, il y a la formule de pascal qui définit l'homme comme un "roseau pensant". C'est la pensée qui fait de l'homme un être à part.
De plus je souhaiterais une précision. La pensée comme acte auto-fondateur, n'est-ce pas le principe du "je pense donc je suis"?
Si l'on continue avec cette comparaison, ne peut-on pas dire que les enfants peuvent dépasser leur mère? La pensée, tout en étant inscrite dans le corps, tout en étant un produit du corps, ne peut-elle pas avoir une tout autre dimension?
D'ailleurs, il y a la formule de pascal qui définit l'homme comme un "roseau pensant". C'est la pensée qui fait de l'homme un être à part.
De plus je souhaiterais une précision. La pensée comme acte auto-fondateur, n'est-ce pas le principe du "je pense donc je suis"?
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Moi- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Moi a écrit:Ainsi la pensée insulterait le corps comme ces enfants insultent leur mère?
C'était une image... et je l'avais mise en contexte. Une pensée qui célèbre sa propre puissance, ou sa propre "liberté", c'est une pensée qui s'ignore comme étant physiquement déterminée (au moins). C'est donc une pensée qui ignore les conditions de possibilité mêmes de son existence (d'où la métaphore du gosse ingrat).
Moi a écrit:Si l'on continue avec cette comparaison, ne peut-on pas dire que les enfants peuvent dépasser leur mère? La pensée, tout en étant inscrite dans le corps, tout en étant un produit du corps, ne peut-elle pas avoir une tout autre dimension?
Ca, libre à toi d'y croire, comme moi je crois le contraire
Moi a écrit:D'ailleurs, il y a la formule de pascal qui définit l'homme comme un "roseau pensant". C'est la pensée qui fait de l'homme un être à part.
Oui, un être à part, tellement à part... - une anomalie ?
De plus je souhaiterais une précision. La pensée comme acte auto-fondateur, n'est-ce pas le principe du "je pense donc je suis"?
Précisément. Le substrat cartésien d'une tradition pluri-séculaire d'orgueil philosophique et de célébration du sujet souverain, en tout cas.
Disons que sur ce coup là je suis foucaldien.
D'ailleurs ça tourne vinaigre, je glisse vers le nietzschéisme et je n'aime pas ça. Je m'arrête là, cette fois pour de bon.
Plus Oultre- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
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Re: Liberté...
Il me semble d'ailleurs qu'à la question : Qu'est-ce qui est auto-fondateur dans le "je pense donc je suis", il y a eu plusieurs réponses proposées : Est-ce le "je", est-ce le "pense", voire même, pourquoi pas, est-ce le "donc" ?
Mais puisqu'il a été un peu question de Sartre et de sa conception de la liberté, je propose la critique qu'en fait Merleau-Ponty, puisqu'il me semble qu'elle peut constituer un éclairage à la présente discussion. Le problème, avec la conception sartrienne de la liberté, c'est son aspect "tout ou rien". Sartre dit en effet dans la Critique de la Raison Dialectique que la liberté est soit totale, soit totalement aliénée.
Or, explique Merleau-Ponty, cette dichotomie se comprend à partir du moment où Sartre appréhende la liberté à partir de la seule subjectivité de l'homme, et que sur la base de cette expérience subjective, il bâtit une pensée qui tend à l'objectivité -comment pourrait-il en être autrement ? Le problème étant que, chez Sartre, toute objectivité est aliénante. Il se retrouve donc enfermé dans une alternative logique qui ne découle que de ses postulats. Je cite un extrait de la Phénoménologie de la Perception :
Dès lors, toute liberté est relative, c'est une liberté en situation. Et il est vain de vouloir chercher à démêler ce qui est de l'ordre de la liberté et ce qui est de l'ordre du déterminisme, ou des conditions de la liberté, car c'est revenir à une dichotomie du type dedans / dehors. Croire que l'on peut, par la raison réflexive, appréhender objectivement la subjectivité, voila l'erreur -selon Merleau-Ponty, bien sûr.
Toujours est-il que, de ce point de vue au moins, il me semble qu'on peut dire que la phénoménologie est bien un "retour à Kant", en l'occurence à sa troisième antinomie de la raison pure théorique.
Plus prosaïquement, il me semble en tous cas que la discussion entre Merleau-Ponty et Sartre met le doigt sur (ce qui me semble) l'ambiguïté fondamentale du concept de liberté. Elle est à peu près celle-ci : Subjectivement, on ne peut pas faire autrement que de se sentir libre. En tous cas, c'est une question que je te poserais bien, Plus Oultre, par exemple : Si tu te lances dans un examen de toi-même, peux-tu dire autre chose que : "Je me sens libre. Je me sens libre de prendre mes décisions, quitte à devoir les assumer ensuite, d'aimer ce que j'aime, de ne pas aimer ce que je n'aime pas (et qui ou quoi pourrait m'imposer d'aimer ce que je n'aime pas ?), de penser ce que je pense (et rien ni personne ne peut entrer dans ma tête et penser à ma place, ou modifier l'ordre de mes pensées), bref, je suis libre."
En revanche, il me semble qu'on a beaucoup plus de facilité à envisager que l'autre n'est pas libre. Par exemple, l'autre est souvent le jouet des idées du temps, il est empreint de croyances et d'idées, morales, politiques : bien souvent, il n'est pas difficile de repérer quel est son positionnement idéologique. Et tous ces pauvres gens manipulés par les médias, victimes de la société de consommation qui leur dit quoi manger, quoi boire, quoi faire de leurs journées, et ça c'est bien et ça c'est mal, et tous ces gentils petits agneaux, élevés dans des doctrines d'un autre âge, antimodernes par excellence, obscurantistes par atavisme, rendus sourds et aveugles aux bienfaits du progrès -mais que ça n'empêche aucunement de grever le budget de la Sécu dès qu'ils ont un pet de travers- ou encore tous ceux, et ils sont nombreux, qui vouent un culte à l'Etat, pauvres moutons qui se font tondre la laine sur le dos et, monstruosité suprême, s'en vont la déposer eux-mêmes, "volontairement" comme l'on dit, sur l'autel du Dieu moderne, tous ces pauvres pantins que sont nos contemporains, on a envie de leur dire, de leur hurler : "Mais émancipe-toi, imbécile, cesse de suivre bêtement le troupeau, ne vois-tu pas qu'on abuse de toi, ne vois-tu pas qu'on t'esclavagise ? Ouvre les yeux, prend conscience de ces chaines qui t'entravent, et libère-toi ! Bref : Fais comme moi."
C'est là encore, je crois, une caractéristique de la pensée humaine, un "biais cognitif" comme disent les psychologues, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une mutitude d'expériences : On considère toujours que l'on est soi-même beaucoup plus libre que ne l'est l'autre.
-évidemment, inutile de dire que je ne m'exclue absolument pas du lot, bien au contraire -mais ça va quand même mieux en le disant.
Mais puisqu'il a été un peu question de Sartre et de sa conception de la liberté, je propose la critique qu'en fait Merleau-Ponty, puisqu'il me semble qu'elle peut constituer un éclairage à la présente discussion. Le problème, avec la conception sartrienne de la liberté, c'est son aspect "tout ou rien". Sartre dit en effet dans la Critique de la Raison Dialectique que la liberté est soit totale, soit totalement aliénée.
Or, explique Merleau-Ponty, cette dichotomie se comprend à partir du moment où Sartre appréhende la liberté à partir de la seule subjectivité de l'homme, et que sur la base de cette expérience subjective, il bâtit une pensée qui tend à l'objectivité -comment pourrait-il en être autrement ? Le problème étant que, chez Sartre, toute objectivité est aliénante. Il se retrouve donc enfermé dans une alternative logique qui ne découle que de ses postulats. Je cite un extrait de la Phénoménologie de la Perception :
- Ce dilemme est celui de la pensée objective et de l'analyse réflexive, sa complice. Si, en effet, nous nous plaçons dans l'être, il faut nécessairement que nos actions viennent du dehors, si nous revenons à la conscience constituante, il faut qu'elles viennent de dedans. Mais nous avons justement appris à reconnaître l'ordre des phénomènes. Nous sommes mêlés au monde et aux autres dans une confusion inextricable. L'idée de situation exclut la liberté absolue à l'origine de nos engagements.
Dès lors, toute liberté est relative, c'est une liberté en situation. Et il est vain de vouloir chercher à démêler ce qui est de l'ordre de la liberté et ce qui est de l'ordre du déterminisme, ou des conditions de la liberté, car c'est revenir à une dichotomie du type dedans / dehors. Croire que l'on peut, par la raison réflexive, appréhender objectivement la subjectivité, voila l'erreur -selon Merleau-Ponty, bien sûr.
Toujours est-il que, de ce point de vue au moins, il me semble qu'on peut dire que la phénoménologie est bien un "retour à Kant", en l'occurence à sa troisième antinomie de la raison pure théorique.
Plus prosaïquement, il me semble en tous cas que la discussion entre Merleau-Ponty et Sartre met le doigt sur (ce qui me semble) l'ambiguïté fondamentale du concept de liberté. Elle est à peu près celle-ci : Subjectivement, on ne peut pas faire autrement que de se sentir libre. En tous cas, c'est une question que je te poserais bien, Plus Oultre, par exemple : Si tu te lances dans un examen de toi-même, peux-tu dire autre chose que : "Je me sens libre. Je me sens libre de prendre mes décisions, quitte à devoir les assumer ensuite, d'aimer ce que j'aime, de ne pas aimer ce que je n'aime pas (et qui ou quoi pourrait m'imposer d'aimer ce que je n'aime pas ?), de penser ce que je pense (et rien ni personne ne peut entrer dans ma tête et penser à ma place, ou modifier l'ordre de mes pensées), bref, je suis libre."
En revanche, il me semble qu'on a beaucoup plus de facilité à envisager que l'autre n'est pas libre. Par exemple, l'autre est souvent le jouet des idées du temps, il est empreint de croyances et d'idées, morales, politiques : bien souvent, il n'est pas difficile de repérer quel est son positionnement idéologique. Et tous ces pauvres gens manipulés par les médias, victimes de la société de consommation qui leur dit quoi manger, quoi boire, quoi faire de leurs journées, et ça c'est bien et ça c'est mal, et tous ces gentils petits agneaux, élevés dans des doctrines d'un autre âge, antimodernes par excellence, obscurantistes par atavisme, rendus sourds et aveugles aux bienfaits du progrès -mais que ça n'empêche aucunement de grever le budget de la Sécu dès qu'ils ont un pet de travers- ou encore tous ceux, et ils sont nombreux, qui vouent un culte à l'Etat, pauvres moutons qui se font tondre la laine sur le dos et, monstruosité suprême, s'en vont la déposer eux-mêmes, "volontairement" comme l'on dit, sur l'autel du Dieu moderne, tous ces pauvres pantins que sont nos contemporains, on a envie de leur dire, de leur hurler : "Mais émancipe-toi, imbécile, cesse de suivre bêtement le troupeau, ne vois-tu pas qu'on abuse de toi, ne vois-tu pas qu'on t'esclavagise ? Ouvre les yeux, prend conscience de ces chaines qui t'entravent, et libère-toi ! Bref : Fais comme moi."
C'est là encore, je crois, une caractéristique de la pensée humaine, un "biais cognitif" comme disent les psychologues, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une mutitude d'expériences : On considère toujours que l'on est soi-même beaucoup plus libre que ne l'est l'autre.
-évidemment, inutile de dire que je ne m'exclue absolument pas du lot, bien au contraire -mais ça va quand même mieux en le disant.
Bergame- Persona
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Re: Liberté...
Je commencais de lire " Le commencement de bien vivre c’est de bien écouter",et Plutarque m'informe que
qui me propose ,puisqu'il cherche avec pertinence,
Peut-être que ça ne fait marrer que moi ?
Se profile l'errance.La danse creuse.
Je retourne voir Plutarque.....
et aussitôt ça m'arrête,et je me dis :" tiens ça me fait penser quelque chose ?!",et je me retrouve sur ce post de liberté.Alors je le relis et je m'arrête à nouveau sur un commentaire de Vargas"persuadez-vous bien que, pour les esprits sensés, le passage
de l'enfance à l'âge viril est moins l'affranchissement de
toute autorité que ce n'est un changement de maîtres."
,et donc j'entrevois à ce moment la possibilité d'inscrire cette phrase dans le post du même Vargas concernant les avatarsignatures.Je me mets en quête de références et fait appel à Google"Une puissance qui ne s'exprime pas s'évide"
qui me propose ,puisqu'il cherche avec pertinence,
Là franchement,je me dit :"tiens!c'est marrant ça !"Une puissance qui ne s'exprime pas s'évade
Peut-être que ça ne fait marrer que moi ?
Se profile l'errance.La danse creuse.
Je retourne voir Plutarque.....
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Soyez patient envers tout ce qui n'est pas résolu dans votre cœur et essayez d'aimer les questions elles-mêmes
lanK- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Désolé je n'ai pas saisi
Oh Liberté tu existes ! Ce n'est pas un frein physique de l'homme qui peut t'en empêcher !
Tu es là, en nous ! Le nier est idiot !
Je suis libre
tu es libre
il/elle/on est libre
nous sommes libres
vous êtes libres
ils/elles sont libres !!!
Quelle merveilleuse conjugaison !!!!
La pensée nous libère. On dit qu'elle nous différencie de l'animal, ce n'est peut être pas vrai; Mais alors l'animal est libre lui-aussi!!!
Liberté, toi qui nous es imposée, impose toi dans nos cœurs et nos esprits!
Oh Liberté tu existes ! Ce n'est pas un frein physique de l'homme qui peut t'en empêcher !
Tu es là, en nous ! Le nier est idiot !
Je suis libre
tu es libre
il/elle/on est libre
nous sommes libres
vous êtes libres
ils/elles sont libres !!!
Quelle merveilleuse conjugaison !!!!
La pensée nous libère. On dit qu'elle nous différencie de l'animal, ce n'est peut être pas vrai; Mais alors l'animal est libre lui-aussi!!!
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Moi- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Aujourd'hui,rappel d'une bonne interrogation:
Est-il si évident que les mariages coup de foudre soit de meilleure qualités que les mariages arrangés ?
Je laisse ça à votre appréciation .
Est-il si évident que les mariages coup de foudre soit de meilleure qualités que les mariages arrangés ?
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Re: Liberté...
Et peut-on arranger un coup de foudre?
Pierre Rivière- Digressi(f/ve)
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Re: Liberté...
Of course,sir Peter !
Parait que la biologie met en pièce l'idéal de l'éclair.
Et est organisée à sa façon,l'intérêt naturel.
Aussi,d'un point de vue social,les rencontres sont de mêmes milieux.(quoique)
C'est un africain, qui posait la question en riant.
Parait que la biologie met en pièce l'idéal de l'éclair.
Et est organisée à sa façon,l'intérêt naturel.
Aussi,d'un point de vue social,les rencontres sont de mêmes milieux.(quoique)
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