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Une promenade chez Spinoza

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Vanleers
Grégor
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Message par Grégor Mar 15 Nov 2022 - 9:09


La prétention est un sentiment fort, car en tant que sentiment exagéré de sa propre puissance il est, pour ainsi dire, encouragé par notre propre nature, qui s’efforce autant qu’elle peut d’affirmer sa puissance.
Voilà pourquoi nous sommes si sensibles aux louanges des flatteurs, qui, même si ce n’est que sur un plan imaginaire, nous donne l’illusion de notre puissance.
Or, cette illusion est néfaste car nous sommes entravés par les causes réelles de notre impuissance, que nous ne voyons pas, aveuglés par les illusions de notre toute-puissance. Par exemple, si quelqu’un s’imagine qu’il est très bon au tennis, au lieu d’essayer de s’améliorer, parce qu’il verrait les limites de son jeu, pensera qu’il peut affronter n’importe qui et perdra. Mais sans doute imaginera-t-il, s’il est vraiment prétentieux, d’autres causes à sa défaite, que la supériorité de son adversaire : la météo, un défaut de sa raquette, un arbitrage partial etc.
La prétention, si elle est néfaste individuellement, ne l’est pas moins collectivement, car les prétentieux ont tendance à rabaisser les autres afin de se croire exceptionnels. Une telle société, où chacun, pour des causes imaginaires, essaie de dévaloriser les autres, devient vite un enfer sur terre.
Un sentiment qui se rattache à la prétention est celui de la vaine gloire. En effet, nous sommes poussés par mimétisme à adopter les sentiments des autres. Ainsi, si quelqu’un se réjouit de l’une de nos actions, nous nous réjouirons également de cette action, qui ayant nous-mêmes comme cause, flattera notre amour propre.
Voyez dans quelle situation nous sommes : nous recherchons l’approbation, même futile, de ceux qui ne recherchent pas moins une telle approbation pour eux-mêmes, avec toujours comme arrière-pensée de se hisser au-dessus des autres.
Cette vaine gloire s’oppose à la véritable gloire, que nous obtenons quand nous sommes reconnus pour nos justes mérites. Or, notre nature n’est pas constituée de telle sorte qu’elle soit cause d’elle-même, mais nous ne sommes qu’une partie de la nature, limités par bien des causes qui nous façonnent et nous permettent d’accomplir des actions plus ou moins méritantes. Aucun de nos mérites ne saurait nous revenir entièrement mais à travers notre personne c’est une longue série de causes qui se réalisent. Si cette série de causes permet d’accroître le bonheur des hommes et, au sein de ce milieu, d’accroître notre propre puissance, nous sommes dans le vrai et nous accomplissons notre nature.
Encore faudrait-il se demander quelle est notre nature et comment celle-ci se manifeste pour nous à travers la conscience que nous avons de nos affects.

Des affects chez Spinoza

L’idée des affections de notre corps enveloppe en partie la connaissance de notre corps et en partie la connaissance des corps extérieurs qui nous affectent. Ainsi par l’intermédiaire des affects nous ne connaissons ni notre corps ni les corps extérieurs et nous avons des idées mutilées et confuses.
Mais tous les corps conviennent en certaines idées, qui ne sont plus seulement l’effet de notre corps ou d’un corps extérieur, sans que l’on sache précisément quel corps en est la cause, mais qui leur sont communes. Plus nous multiplieront ces idées communes et plus nous auront des idées claires et distinctes des phénomènes : plus nos idées seront adéquates. Car, par ce moyen, peu à peu, nous saurons démêler ce qui n’est causé que par notre corps, ce qui n’est causé que par d’autres corps et enfin leurs manières d’interagir.

En outre, nos corps ne sont pas de purs réceptacles de sensations, ils agissent en vue de leur intérêt, tel est le sens du conatus.
On pourrait dire qu’ils persévèrent dans leur être, mais en réalité, les gènes cherchent également à se reproduire, ce n’est donc pas la seule persévérance du corps qu’ils « recherchent » mais également la reproduction de ce corps dans un autre qui les continuera. Le terme « rechercher » est impropre car les gènes n’ont pas de volonté, c’est seulement que ceux qui ont été sélectionnés par l’évolution possédaient ces propriétés.
Je remets donc en question la doctrine de l’essence du corps telle que la pense Spinoza, qui n’est, selon moi, pas éternelle et ne cherche pas à persévérer éternellement dans son être.

De ce fait, ayant conscience de nos appétits, ce que nous désirons, nous l’appelons bon, parce que nous estimons qu’il augmente notre puissance d’agir et donc notre joie.
Mais si nous estimons que la chose qui réprime notre puissance d’agir est libre, donc, que nous lui attribuons l’ensemble de la causalité de l’affect qui nous brime, alors nous la haïssons au maximum de ce qu’un tel affect nous lèse. Or, rien dans la nature n’est libre, à savoir : cause de soi ; donc une telle haine est toujours injuste. Et cela, nous le comprenons d’autant mieux que nous saisissons à quel point chaque chose, y compris la plus infime, est une expression de l’infini. Mais si nous ne voulons pas « sauter » immédiatement vers l’infini, il nous suffit de concevoir combien chaque chose est déterminée par de multiples autres choses et combien d’implications en implications : tout est impliqué dans tout.
Ainsi si nous concevions la véritable nature de la cause qui nous lèse, nous devrions tellement diviser cette haine entre tous les différents acteurs, qu’il n’en resterait pas suffisamment pour l’un d’entre eux et qu’il faudrait en définitive nous révolter contre l’ordre universel des choses, ce qui est absurde.
Une autre manière de conjurer la haine est de considérer que rien n’est censé être fait pour nous : croire que le monde a été conçu en vue de notre propre fin est un enfantillage. De ce fait, que nous soyons lésés n’est ni improbable ni injuste. Les choses agissant selon leur propre nature n’ont pas en vue notre intérêt, donc on ne peut pas leur faire grief de diminuer notre puissance.

Affectuum definitiones
I. Cupiditas est ipsa hominis essentia (…)
I. « Le désir est l’essence même de l’homme (…) »

Diximus (…) Cupiditatem esse appetitum cum ejusdem conscientiâ; appetitum autem esse ipsam hominis essentiam, quatenus determinate est ad agendum, quae ipsius conservationi interviunt.

« Nous avons dit que le Désir est l’appétit avec la conscience de l’appétit ; et que l’appétit est l’essence même de l’homme, en tant qu’elle est déterminée à faire ce qui sert à sa conservation. »

Nous voyons que nous sommes très proches de Spinoza, sauf sur le fait que la nature de l’homme soit seulement déterminée à conserver l’homme. Nous devons comprendre cette « conservation » dans un sens plus large, où les gènes, qui se répliquent, conservent tout en évoluant de façon aléatoire, une certaine forme, qui, selon la faculté qu’elle aura de s’adapter à son environnement, sera ou non en capacité de se reproduire et donc de conserver une grande partie (celle qui n’aura pas muté par erreur de copie) de cette forme, à la génération suivante. Notons au passage que dans la reproduction sexuée, deux êtres humains s’associent pour en former un autre, ce n’est donc pas d’un seul individu qu’un autre individu naît mais de deux : une forme naît de deux. Ce n’est donc qu’une moitié de sa forme qu’un être humain peut espérer reproduire, du moins en tant que corps.

Je cite Pierre Macherey :

« En effet Spinoza ne cesse de répéter, c’est même l’un des thèmes majeurs de son Éthique, que l’âme ne trouve rien en soi qui la conduise à penser à la mort, car de sa nature se tirent seulement des raisons d’être qui ne peuvent être déterminées négativement : le de Libertate expliquera que c’est précisément en cultivant, par l’intermédiaire de ses affects actifs, cette disposition affirmative essentielle que l’âme découvre en soi-même une part irréductible d’éternité, révélation qui jusqu’à un certain point le détache de l’existence du corp, sinon de son essence. On comprend en conséquence que le souci purement conservatoire de la survie, qui amène à cataloguer les choses comme bonnes ou mauvaises selon qu’elles différent ce souci ou l’alimentent, concerne prioritairement l’existence du corps et n’intéresse l’âme que de manière dérivée et par contrecoup, sans qu’elle y mette directement du sien, tant elle est naturellement éloignée de ce type de préoccupation, à moins qu’elle ne se trouve dans une situation pathologique qui la contraint à y prêter attention. »

Nous voyons qu’en tant que corps, l’essence de l’être humain est essentiellement limitée, elle n’est qu’une partie du tout. Mais en tant qu’esprit, son essence se rapproche de celle de Dieu, c’est-à-dire du tout. Pourtant la puissance limitée de cette essence corporelle peut se démultiplier lorsque les hommes s’associent. Voilà pourquoi la vie en société, qui n’est du reste pas un choix de vie que nous ferions mais qui fait partie de notre nature, est si favorable à l’homme.

Nous pourrions penser que la véritable essence de l’homme est le tout, l’Absolu.
Mais d’un autre côté diverses essences, dans le cadre du vivant, entre en conflit et s’affrontent sur un terrain, qui certes, peut être envisagé d’un un point de vue plus élevé (celui de l’essence absolue), mais qui prouve tout de même que des essences particulières s’efforcent de persévérer dans leur être et de perpétuer leur essence.
Ces essences particulières méritent bien leur nom et vivent et agissent selon les lois de leur nature, leur conatus.

Pour ce qui est de l’essence de l’esprit humain, je voudrais parler des idées adéquates.
Il me semble, c’est du moins mon interprétation du fameux parallélisme entre l’esprit et le corps chez Spinoza, que ce n’est qu’en tant qu’idées adéquates que les idées sont séparées du corps. En tant qu’affections elles sont les idées des affections de notre corps, en tant qu’il est affecté par des corps étrangers. Je parle ici de mon point de vue, car pour moi, il est évident que notre corps est sensible et touché par d’autres corps et que ces contacts sont traduits en pensées. Pourtant il est tout aussi indubitable que notre pensée n’influence pas le monde extérieur directement et l’exemple des cent thalers de Kant le montre assez clairement. De même, je conçois, avec Spinoza qu’une idée vraie soit sa propre norme. Ainsi l’exemple de la définition du cercle utilisé par Spinoza, comme l’ensemble des points situés à égale distance d’un point fixe, est parfaitement adéquate. Une idée adéquate est donc telle qu’elle doit définir tous les éléments qu’elle décrit d’après la seule norme de la pensée et non en se référant à un objet extérieur qui viendrait la corroborer. La définition du cercle, qui suppose celle du point et de distance, n’étant donc pas parfaitement adéquate. Or, la définition du point est extrêmement problématique en géométrie, puisqu’il ne contient aucune partie de l’étendue, il ne correspond à rien de réel et pourtant il pose une limite entre ce qui est, par exemple dans notre exemple, en dehors ou à l’intérieur du cercle. De même, la notion de distance suppose que l’on puisse limiter l’espace par des points, qui eux-mêmes ne mesurent rien, et ne sont là que pour indiquer le début et la fin d’une mesure. Mais de quoi est composé ce qui sépare un point d’un autre ? Il n’est pas composé de points, qui en eux-mêmes ne mesurent rien. L’espace n’est donc pas vide mais plein, les point eux sont vides, de pures limites entre du plein.
Pour en revenir aux idées adéquates, elles sont formées sur ce modèle, où tout en elles doit être déterminé par la pensée et rien d’autre.
Mais en relisant la cinquième partie de l’Éthique, je me suis aperçu que la théorie de Spinoza contient peut-être un élément que j’ai omis. En effet, l’ordre et la connexion des choses corporelles et des pensées étant le même, le fait de pouvoir avoir des idées adéquates et d’ordonner et clarifier sa pensée, ordonne simultanément les actions de notre corps en le rendant plus puissant et plus actif.
Cette idée est intéressante et je ne connais pas assez bien le fonctionnement du cerveau pour pouvoir être en accord ou en désaccord avec elle.
Cependant l’idée que je m’en suis fait pourrait avoir quelque lien avec cette théorie de Spinoza.
La pensée correspond à ce que j’ai nommé souvent la conscience et qui n’est pas le maître absolu du corps, comme le supposerait la théorie du libre arbitre. Et que je sache, à ce jour, rien dans le cerveau n’a été trouvé qui correspondrait à l’organe du libre arbitre. Le cerveau est plutôt le résultat du travail de différents modules qui coopèrent. Or, nous avons conscience de certains de ces résultats. Mais quel est le rôle de la conscience dans tout ce fonctionnement global du cerveau ?
Spinoza dit que nous pouvons ordonner nos idées et les rendre claires et distinctes, c’est-à-dire, adéquates. Or, de telles idées sont puissantes, elles sont pleinement causes des conséquences qu’elles impliquent et sont donc nécessaires, à la différence des idées mutilées et confuses qui n’impliquent pas les conséquences qu’on leur prête.
Je me demande donc comment il est possible, sans action de la conscience, que le fait d’avoir des idées adéquates et nécessaires puissent permettre au corps d’agir en connaissance de cause et de devenir plus puissant.
Dans la théorie de la conscience que je me suis forgé, cela peut s’expliquer par le fait que la conscience n’est qu’un reflet de l’activité de notre cerveau, qui sans avoir forcément d’action directe, peut avoir accès à certains des résultats de ses calculs qui eux, exercent une influence sur l’activité du corps. Mais je ne suis pas tout à fait certain que la conscience ne soit qu’un reflet passif et il me semble que la théorie de Spinoza est dans le vrai et que l’on peut agir sur notre pensée mais d’une manière qu’il m’est difficile de cerner.
Si j’essaie de me prendre comme exemple, il me semble que le fait d’avoir des idées adéquates peut effectivement rendre plus actif. Cependant j’ignore à quel moment et comment notre conscience peut influencer l’activité de notre cerveau.
Ou pour le dire autrement j’ignore où se situe notre liberté (au sens du libre arbitre).
J’ai cru trouver une solution, qui même si je n’ai pas les moyens de la prouver, peut être considérée comme assez équilibrée, dans le sens où elle ne choisit pas pour ou contre la liberté et la volonté au détriment du déterminisme. En ne s’interdisant pas de faire des efforts (peut-être volontaires) pour essayer de comprendre la nature des phénomènes, nous ne nous interdisons pas non plus de nous considérer comme déterminés par des causes naturelles, que sans cet effort de compréhension nous ne pourrions pas adéquatement accomplir.
Or nous voyons que nous croyons agir (peut-être illusoirement) lorsque nous nous efforçons de comprendre ou d’agir.
Spinoza semble cantonner le pouvoir de l’esprit à sa seule faculté de comprendre et le corps agirait uniquement parce que d’une certaine manière (parce que l’attribut de l’étendue et de la pensée sont l’expression d’une seule et même substance) l’ordre des idées est le même que celui des corps. J’avoue que je ne vois pas bien le lien entre ces deux attributs. Pour moi, il est évident que la pensée est corporelle. Ce que nous, nous appelons pensée n’est d’ailleurs qu’une partie, consciente, de la pensée en général, qui est une information que le cerveau envoie aux parties du corps afin de coordonner les opérations de celui-ci : des signaux électriques entre des synapses, qui circulent dans les nerfs etc. Nous ne pensons d’ailleurs pas uniquement avec des mots, la théorie du mentalais est assez intéressante à ce sujet : nous traduisons une sorte de langage pré-verbal, le mentalais (dont nous avons en partie conscience, lorsque par exemple nous cherchons des mots pour exprimer une idée), en phrases verbales. Que ces phrases verbales n’aient aucune influence directe sur le corps, c’est possible. L’exemple du somnambule, que prend Spinoza est assez intéressant. En effet, nous voyons que même sans conscience le corps peut (tout seul) accomplir des choses prodigieuses. Donc, s’il est capable de le faire sans la conscience, la conscience n’est pas une cause nécessaire des agissements du corps. De là à dire que la conscience n’influence en rien les actions du corps, c’est une autre question. Mais devant cette impasse pour nous, nous choisissons une voie médiane, qui n’exclut aucune des deux hypothèses : si nous pouvons influencer librement notre vie, ne nous l’interdisons pas (mais une telle restriction serait vraiment étonnante), et si nous ne sommes absolument pas libres et totalement déterminés, essayons de comprendre ce qui nous détermine, par pur plaisir contemplatif, puisque même cette pure contemplation désintéressée n’aura aucune influence sur nos actions. Spinoza lui-même ne semble pas suivre une telle alternative et il semblerait que chez lui, grâce à la mystérieuse corrélation des attributs de la substance, comprendre et avoir des idées adéquates se répercute positivement sur nos vies.
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Message par Vanleers Mer 16 Nov 2022 - 10:24

gregorirlande@hotmail.fr a écrit:
Ou pour le dire autrement j’ignore où se situe notre liberté (au sens du libre arbitre).
J’ai cru trouver une solution, qui même si je n’ai pas les moyens de la prouver, peut être considérée comme assez équilibrée, dans le sens où elle ne choisit pas pour ou contre la liberté et la volonté au détriment du déterminisme.

Je rappelle la définition de Spinoza :

Spinoza a écrit:Est dite libre, la chose qui existe par la seule nécessité de sa nature et se détermine par soi seule à agir ; et nécessaire, ou plutôt contrainte, celle qu’autre chose détermine à exister et à opérer de façon précise et déterminée.

Avec cette définition, seul Dieu qui est cause de soi et n’est contraint par aucune cause extérieure peut être dit libre.
Toutefois, un homme pourra être dit libre, non pas au sens du libre arbitre mais au sens d’être actif lorsque ce qu’il fait peut être compris clairement et distinctement par lui seul.
C’est ce qu’explique Pascal Sévérac dans Spinoza Union et désunion p. 149 – Vrin 2011) :

Pascal Sévérac a écrit: Comment est-il dès lors possible, pour un esprit comme pour un corps, de devenir actif ? Comment une chose finie peut-elle être à la fois contrainte et active ? Ce ne peut être que parce que la causalité de la cause extérieure par laquelle cette chose est contrainte n’est pas différente de la causalité par laquelle cette chose produit activement son effet : certes, la cause extérieure existe bel et bien, et détermine la chose finie à opérer, c’est-à-dire ici à agir (c’est là la leçon de la proposition 28 d’Ethique I) ; mais l’effet qu’est déterminée à produire cette chose finie n’en demeure pas moins compréhensible par les lois de sa seule nature, et c’est pourquoi elle est active (ce sont là les définitions 1 et 2 de la partie III). La définition de l’agir dit bien, se fondant sur celle de la causalité adéquate : est active une chose dont l’effet « peut être compris clairement et distinctement par elle seule ». Ce qui signifie non pas qu’un tel effet ne puisse pas être compris aussi par une cause extérieure (dont la causalité serait commune avec celle de la chose active), mais qu’il suffit de prendre en considération la seule nature de la chose productive pour avoir la causalité totale de l’effet produit. C’est pourquoi un esprit fini jamais ne s’autodétermine seul à former une idée, au sens où il ne serait déterminé par rien d’autre ; mais s’il est déterminé à produire son idée par une autre idée, suivant une causalité qui ne se distingue pas des lois de sa propre nature, suivant une causalité commune à sa nature et à celle de sa cause extérieure, en somme suivant une propriété commune, alors son effet peut s’expliquer par lui seul : en ce sens, il est extérieurement déterminé à s’autodéterminer.

Pour être libres, c’est-à-dire actifs, nous devons comprendre ce qu’il y a de commun entre nous et les causes extérieures qui nous déterminent.
Cette compréhension, c’est la connaissance par notions communes que Spinoza appelle « raison » (E II 40 sc. 2).
Selon Spinoza, c’est donc la raison qui nous libère, c’est-à-dire nous rend actifs : devenir actif est le projet d’une éthique déterministe qui nie le libre arbitre.

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Message par Grégor Ven 18 Nov 2022 - 9:32

Bonjour Vanleers,
J'avoue que cette question du libre arbitre me taraude.
Je ne comprends pas bien la position de Spinoza, mais c'est qu'en réalité cette question est redoutablement complexe. J'ai acheté un livre qui essaie d'éclairer la question de la conscience humaine à la lumière des neurosciences. J'ai à peine commencé, car j'aimerais finir l'Éthique avant. Mais je peux déjà tirer quelques éléments de mon commencement de lecture. Tout d'abord, les noms propres : je n'en connais quasiment aucun. C'est donc un domaine que j'ignore complètement (ou presque). Ensuite, la complexité : je pense que le livre ne répondra pas à ma question, mais qu'il va juste me montrer combien la question est difficile.
Donc, il faudra bien choisir et pour l'instant ma solution médiane me paraît pas mal.
Comprendre les déterminismes et agir au mieux (comme si on avait la liberté de bien agir).
Cordialement
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Message par Bergame Ven 1 Déc 2023 - 13:40

Je pense à une chose.
Tu prétends, Vanleers, que la doctrine de Spinoza est pragmatique et eudémoniste, qu'elle vise au bonheur.

Par ailleurs, tu rappelles la définition de la liberté selon Spinoza :
Est dite libre, la chose qui existe par la seule nécessité de sa nature et se détermine par soi seule à agir ; et nécessaire, ou plutôt contrainte, celle qu’autre chose détermine à exister et à opérer de façon précise et déterminée.

Je réfléchis donc à l'articulation entre liberté en ce sens, et bonheur.

Si toute chose devient libre en agissant selon la seule nécessité de sa nature, et si le bonheur est effectivement la finalité de cette action, alors cela implique -sauf erreur- qu'un homme ne trouve le bonheur qu'en agissant selon la nécessité de sa nature.

A partir de là, deux options :
- Soit tous les hommes ont une même nature, et par conséquent, ils ne peuvent trouvent le bonheur qu'au terme des mêmes actions.
- Soit chaque homme a une nature différente, et par conséquent, il revient à chacun de découvrir sa nature propre afin de parvenir au bonheur (bonheur qui sera donc lui-même différencié d'un individu à l'autre).

Quelle est l'option de Spinoza ?

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Message par Kercos Ven 1 Déc 2023 - 18:09

Bergame a écrit:
Par ailleurs, tu rappelles la définition de la liberté selon Spinoza :
Est dite libre, la chose qui existe par la seule nécessité de sa nature et se détermine par soi seule à agir ; et nécessaire, ou plutôt contrainte, celle qu’autre chose détermine à exister et à opérer de façon précise et déterminée.


Cette définition interdit toute liberté aux individus d'une espèce sociale.

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Message par Saint-Ex Ven 1 Déc 2023 - 19:35

gregorirlande a écrit: [...]

Je suis sensible à ton rapprochement entre la science et la philosophie.

J'ai un préjugé extrêmement favorable envers l'idée de multiples passerelles sélectionnées en conséquence pour permettre de relier certains domaines chosis dans la science a certains autres domaines choisis eux aussi, mais dans la philosophie.

Je complète cependant mon préjugé par une introduction de l'art pour constituer une triade, pour ne pas dire une trinité «Art, Science et Philosophie» (ainsi soit-il) ...

Ce n'est pas la première fois que je te lis attentivement et suis d'accord avec toi, ce que te prie de ne pas considérer comme la première flatterie venue, j'en suis incapable.

.


Dernière édition par Saint-Ex le Sam 2 Déc 2023 - 0:53, édité 1 fois
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Message par Vanleers Ven 1 Déc 2023 - 21:33

Bergame a écrit:

A partir de là, deux options :
- Soit tous les hommes ont une même nature, et par conséquent, ils ne peuvent trouvent le bonheur qu'au terme des mêmes actions.
- Soit chaque homme a une nature différente, et par conséquent, il revient à chacun de découvrir sa nature propre afin de parvenir au bonheur (bonheur qui sera donc lui-même différencié d'un individu à l'autre).

Quelle est l'option de Spinoza ?

La seconde

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Message par hks Sam 2 Déc 2023 - 1:21

ou bien

Soit tous les hommes ont une même nature et par conséquent, il revient à chacun de découvrir cette nature afin de parvenir au bonheur
car je ne vois pas où Spinoza exclurait certains hommes de la possibilité de découvrir cette nature.

Spinoza a écrit:Il suit de là qu’il y a certaines idées ou notions qui sont communes à tous les hommes, car (Lemme II) tous les corps conviennent en certaines choses qui (Prop. préc.) doivent être perçues par tous adéquatement, c’est-à-dire clairement et distinctement.
prop 38 /part 2

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Message par Vanleers Sam 2 Déc 2023 - 10:04

Dire que les hommes ont une même nature, c’est dire qu’ils ont une même essence.
Or, jamais Spinoza ne donne une définition de l’essence de l’homme dans l’Ethique.
En conclusion d’une étude sur La raison et l’essence de l’homme,

Julien Busse a écrit:Si donc Spinoza ne définit pas l’essence de l’homme, c’est, d’une part, qu’il pensait qu’une telle définition était sans fondement ontologique et physique, et, d’autre part, que, quand bien même on aurait pu s’efforcer d’en donner une approximation, cela eût été inutile, voire nuisible, au projet de libération morale qui est, comme l’indique assez le titre de l’ouvrage, le dessein de l’Éthique.

https://books.openedition.org/psorbonne/285?lang=fr

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Message par hks Sam 2 Déc 2023 - 13:00

Julien Busse a écrit:Si donc Spinoza ne définit pas l’essence de l’homme,


Ce qui est dit là est  discutable

Spinoza a écrit:PROPOSITION X/pars 2
L’être de la substance n’appartient pas à l’essence de l’homme, autrement dit ce n’est pas une substance qui constitue la forme de l’homme.
Spinoza a écrit:Il suit de là que l’essence de l’homme est constituée par certaines modifications des attributs de Dieu. Car l’être de la substance (Prop. précédente) n’appartient pas à l’essence de l’homme. Elle est donc quelque chose (Prop. 15, p. I) qui est en Dieu, et qui sans Dieu ne peut ni être, ni être conçu, autrement dit (Coroll. de la Prop. 25, p. I) une affection ou un mode qui exprime la nature de Dieu d’une manière certaine et déterminée.
.................................................................................................................
revenons sur essence chez Spinoza

Spinoza a écrit:j’ai dit que cela constitue nécessairement l’essence d’une chose, qu’il suffit qui soit donné, pour que la chose soit posée, et qu’il suffit qui soit ôté, pour que la chose soit ôtée ; ou encore ce sans quoi la chose ne peut ni être, ni être conçue, et qui vice versa sans la chose ne peut ni être, ni être conçu.
Scolie de prop 10 pars 2

Immediatement prop 11 on à l âme (ou esprit)

Spinoza a écrit:L’essence de l’homme (Coroll. de la Prop. préc.) est constituée par certains modes des attributs de Dieu ; savoir (Ax. 2) par des modes du penser ; de tous ces modes (Ax. 3) l’idée est de sa nature le premier et, quand elle est donnée, les autres modes (ceux auxquels l’idée est antérieure de sa nature) doivent se trouver dans cet individu (même Axiome) ; ce qui constitue en premier l’être d’une Âme humaine, est donc une idée. Non cependant l’idée d’une chose non existante. Car autrement cette idée  ne pourrait être dite exister ; ce sera donc l’idée d’une chose existant en acte. Non, toutefois, d’une chose infinie ; car une chose infinie (Prop. 21 et 22, p. I) doit toujours exister nécessairement. Or cela est absurde (Ax. 1) ; donc ce qui constitue en premier l’être actuel de l’Âme humaine, est l’idée d’une chose singulière existant en acte.

Donc on a  1 L’essence de l’homme  constituée par certains modes
2)l’idée d’une chose singulière existant en acte.

Ce qui veut dire (pour moi) que l'homme a conscience de soi
ce" soi "c'est l’idée d’une chose singulière existant en acte.
Ce qui existe en acte c'est le corps, un certain mode de l’étendue.

Ce qui est spécifique de Spinoza et c'est drastique


Spinoza a écrit:Si maintenant, outre le Corps, il y avait un autre objet de l’Âme, comme (Prop. 36, p. I) il n’existe rien d’où ne suive quelque effet, il devrait y avoir nécessairement dans notre Âme (Prop. 11) une idée de cet effet ; or (Ax. 5) nulle idée n’en est donnée. Donc l’objet de notre Âme est le Corps existant et n’est rien d’autre. C. Q. F. D.
....................................................................................................................
cela dit  cette idée de l'âme est inadequate.
toutes les fois qu’elle est déterminée du dehors, par la rencontre fortuite des choses, à considérer ceci ou cela, et non toutes les fois qu’elle est déterminée du dedans, à savoir, parce qu’elle considère à la fois plusieurs choses, à connaître les conformités qui sont entre elles, leurs différences et leurs oppositions ;

que certains hommes soient inapte à considère à la fois plusieurs choses, inaptes à connaître les conformités qui sont entre elles, leurs différences et leurs oppositions ;
pourrait effectivement introduire un coin dans l'universalisme de Spinoza .

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Message par Bergame Sam 2 Déc 2023 - 13:12

Vanleers a écrit:Dire que les hommes ont une même nature, c’est dire qu’ils ont une même essence.
Or, jamais Spinoza ne donne une définition de l’essence de l’homme dans l’Ethique.
En conclusion d’une étude sur La raison et l’essence de l’homme,

Julien Busse a écrit:Si donc Spinoza ne définit pas l’essence de l’homme, c’est, d’une part, qu’il pensait qu’une telle définition était sans fondement ontologique et physique, et, d’autre part, que, quand bien même on aurait pu s’efforcer d’en donner une approximation, cela eût été inutile, voire nuisible, au projet de libération morale qui est, comme l’indique assez le titre de l’ouvrage, le dessein de l’Éthique.

https://books.openedition.org/psorbonne/285?lang=fr
Non mais Vanleers, Spinoza ne définit pas l'essence de l'homme, parce que l'homme n'a pas de substance propre. L'homme n'est pas "un empire dans un empire", chaque humain est un mode de la substance, une et indivisible. "Deus sive Natura", quoi.

Ah je ne pensais pas poser une colle, là ! lol

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Message par Vanleers Sam 2 Déc 2023 - 17:04

A hks

De la définition de l’essence d’une chose que vous rappelez, je déduis que, pour Spinoza, il n’y a d’essence que d’une chose singulière.
Il n’y a pas d’essence de l’homme : il y a l’essence de Pierre, l’essence de Paul…
L’essence de l’homme n’est pas un être réel mais un être de raison qui entre dans la catégorie des universaux.
Quand Spinoza parle de l’essence de l’homme, j’entends « essence de tel homme ».

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Message par hks Dim 3 Déc 2023 - 0:35

vanleers a écrit:je déduis que, pour Spinoza, il n’y a d’essence que d’une chose singulière.
Certes,
mais remarquez bien que l'idée d'essence n'est pas pour autant évacuée.  
Pour singulière qu'elle soit une chose a une essence.

exemple:  il suffit qui soit donné un corps , pour que la chose soit posée, et qu’il suffit qui soit ôté un corps , pour que la chose soit ôtée ; ou encore ce corps ce sans quoi la chose ne peut ni être, ni être conçue,

Or les corps se ressemblent et donc les âmes /esprits se ressemblent.

Et tant que Spinoza peut parler au singulier et dans la plus grande généralité, parler donc de l'esprit et du corps ... sous entendu de l'homme.

Car
En dépit de toutes les préventions sur l'imagination de propriétés communes, celle qui conduirait à des universaux plus ou moins fantasmés, il reste que :


Spinoza a écrit:3° enfin, de ce que nous avons des notions communes et des idées adéquates des propriétés des choses (voir Coroll. de la Prop. 38, Prop. 39 avec son Coroll. et Prop. 40), j’appellerai ce mode Raison et Connaissance du deuxième genre.
scolie 2 prop 40 pars 2

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Message par Vanleers Dim 3 Déc 2023 - 10:10

hks a écrit:
vanleers a écrit:je déduis que, pour Spinoza, il n’y a d’essence que d’une chose singulière.
Certes,
mais remarquez bien que l'idée d'essence n'est pas pour autant évacuée.  
Pour singulière qu'elle soit une chose a une essence.

exemple:  il suffit qui soit donné un corps , pour que la chose soit posée, et qu’il suffit qui soit ôté un corps , pour que la chose soit ôtée ; ou encore ce corps ce sans quoi la chose ne peut ni être, ni être conçue,

Or les corps se ressemblent et donc les âmes /esprits se ressemblent.

Et tant que Spinoza peut parler au singulier et dans la plus grande généralité, parler donc de l'esprit et du corps ... sous entendu de l'homme.

Car
En dépit de toutes les préventions sur l'imagination de propriétés communes, celle qui conduirait à des universaux plus ou moins fantasmés, il reste que :


Spinoza a écrit:3° enfin, de ce que nous avons des notions communes et des idées adéquates des propriétés des choses (voir Coroll. de la Prop. 38, Prop. 39 avec son Coroll. et Prop. 40), j’appellerai ce mode Raison et Connaissance du deuxième genre.
scolie 2 prop 40 pars 2

Bien que l’essence de Pierre ne soit pas l’essence de Paul, il y a entre Pierre et Paul un « air de famille », pour reprendre Wittgenstein.
C’est encore plus vrai dans la spiritualité chrétienne où tous les hommes sont considérés comme des enfants d’un même Père.
Cet « air de famille » ou ce statut de « fils de Dieu » rend possible des relations entre les hommes au niveau profond de leurs personnalités singulières, idiosyncrasiques.
Spinoza jette la base d’un personnalisme dans lequel les hommes sont vus comme des choses singulières (des personnes) qui dépendent de Dieu, comme il l’écrit à la fin du scolie d’E V 36 :

Spinoza a écrit: Ensuite, parce que l’essence de notre Esprit consiste dans la seule connaissance, dont le principe et le fondement est Dieu (par E I 15 et E II 47 sc.), par là s’éclaire pour nous comment et de quelle façon notre esprit suit de la nature divine selon l’essence et l’existence et dépend continuellement de Dieu ; et j’ai pensé qu’il valait la peine de le noter ici pour montrer par cet exemple toute la force de la connaissance des choses singulières que j’ai appelée intuitive ou du troisième genre (voir E II 40 sc. 2), et combien elle est préférable à la connaissance universelle que j’ai dite du deuxième genre. Car, quoique j’aie montré de manière générale dans la Première Partie que tout (et par conséquent l’Esprit humain aussi) dépend de Dieu selon l’essence et selon l’existence, pourtant cette démonstration, quoiqu’elle soit légitime et sans risque de doute, n’affecte pourtant pas autant notre Esprit que lorsqu’on tire cette conclusion de l’essence même d’une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu.
Le personnalisme chrétien est homothétique à ce personnalisme spinozien, le Dieu de Jésus-Christ prenant la place du Dieu-Substance de Spinoza.

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Message par hks Dim 3 Déc 2023 - 17:16

à Vanleers

La configuration de l'homothétie est quand même à votre charge Une promenade chez Spinoza 3438808084

En notre for intérieur bien des rapprochements sont possibles entre telle et telle doctrine.
Nous faisons des liens, nous voyons des ressemblances, parfois inédites, et tant que nous ne saurions dire si elles sont partagées ailleurs.  
Nous ne prendrions le risque d'en parler que dans un cercle d'intimité.

Si je comprends votre homothétie, je ne suis pas certain
qu'elles soit majoritairement comprise chez les chrétiens, d'une part, ni par les spinozistes d'autre part.
Dommage, car votre figure homothétique
ne manque pas d'intérêt,
ne serait -ce qu'en vertu d'une vertu trop souvent dépréciée par le sens commun,
à savoir: la curiosité.

hks
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Message par Vanleers Lun 4 Déc 2023 - 10:02

hks a écrit:à Vanleers

La configuration de l'homothétie est quand même à votre charge Une promenade chez Spinoza 3438808084

En notre for intérieur bien des rapprochements sont possibles entre telle et telle doctrine.
Nous faisons des liens, nous voyons des ressemblances, parfois inédites, et tant que nous ne saurions dire si elles sont partagées ailleurs.  
Nous ne prendrions le risque d'en parler que dans un cercle d'intimité.

Si je comprends votre homothétie, je ne suis pas certain
qu'elles soit majoritairement comprise chez les chrétiens, d'une part, ni par les spinozistes d'autre part.
Dommage, car votre figure homothétique
ne manque pas d'intérêt,
ne serait -ce qu'en vertu d'une vertu trop souvent dépréciée par le sens commun,
à savoir: la curiosité.

Ma thèse de l’« homothétie » entre le personnalisme chrétien et le personnalisme spinozien s’appuie sur une conception de l’Ethique et de la spiritualité d’Ignace de Loyola que j’ai développée sur un autre fil.

D’une part, je tiens que Spinoza a construit un modèle hypothétique du réel, ni démontrable, ni réfutable.
D’autre part, je considère que la spiritualité ignatienne part de l’hypothèse d’un Dieu qui veut le bonheur de l’homme.

Je compare l’hypothèse de Dieu à l’hypothèse de l’inconscient chez Freud, telle que la comprend Jean-François Noël dans Thérapie psychanalytique et accompagnement spirituel. Collaboration efficace ou empoisonnement mutuel ?

Selon cet auteur, l’hypothèse de l’inconscient, chez Freud, « reste une hypothèse C’est une hypothèse dynamique et non pas une hypothèse dogmatique. »

Jean-François Noel a écrit:En ce qui concerne l’inconscient, la position de Freud est très intéressante. Il a élaboré l’hypothèse de l’inconscient pour qu’elle reste une hypothèse. C’est une hypothèse dynamique et non pas une hypothèse dogmatique. Alors les caricatures ont été par exemple d’en faire des dogmes, comme de dire : tout est sexuel. Freud est très ennuyé sur la métapsychologie, sur la manière dont il va essayer sur le plan théorique de glisser hors du cabinet pour découvrir comment fonctionne le psychisme humain, se défendant lui-même en se disant que c’est provisoire. Il faut relire toutes les précautions que Freud essaye de prendre pour passer de cette parole singulière de la clinique à la métapsychologie.

Lorsque j’ai commencé mon propre travail et qu’enfin j’ai pu mettre un mot sur ce qu’expérimentalement je ne pouvais pas cerner et qui sans arrêt m’échappait, et en moi-même et dans certaines relations, alors par cette expérience, j’ai mieux compris ce que Freud essayait de mettre sous ce registre de l’inconscient. Pour moi, l’inconscient, ce n’est pas une chose personnelle, c’est ce qui entre en interaction avec l’autre et dont je ne sais rien à l’avance. Je ne pense pas que je puisse dire mon inconscient, ce serait plutôt la manière dont je suis avec l’autre. Par exemple, mon inconscient d’aujourd’hui face à vous ne serait pas le même que lorsque je suis face à quelqu’un d’autre. Et donc, il y a pour chacun de nous des expériences qui nous font pressentir quelque chose de non familier. L’approche de la vérité peut provoquer le sentiment de la survenue de quelque chose qui se passe dans l’homme et qui lui demeure étranger, troublant, inquiétant. Et quand on m’a donné ce mot pour me dire cette expérience, c’est comme quand on désigne une chose à un enfant : ce que tu vois, c’est un volcan, ce que tu ressens, c’est la peur, c’est ceci, c’est cela. Donc c’est quelque chose, on peut le désigner. Mais il est vrai qu’il le maintient comme une hypothèse.

https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2003-3-page-17.htm

De même, l’hypothèse de Dieu, que ce soit chez Spinoza ou chez Ignace, reste une hypothèse et son intérêt est uniquement dynamique et non dogmatique.
Ici, aucune vérité à défendre unguibus et rostro mais une expérience à proposer.
Sur ce forum, depuis le début, j’invite le lecteur, si cela lui chante, à faire cette hypothèse et voir ce que cela donne.
Est-ce que cela le rend plus heureux, plus joyeux ?
Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux, pour lui, aller voir ailleurs.

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Message par hks Lun 4 Déc 2023 - 14:45

à Vanleers

Je ne suis pas du tout certain que Spinoza appréciait le vertu du trouble.
Ni qu'on y soit dans l'hypothétique (idem de Ignace de Loyola)

Pour moi l’hypothèse de Dieu ne peut fonctionner comme la thèse.
L'une des deux reste provisoire.

Vous n'êtes pas dans le pari (Pascal ), lequel pari promet dans le ciel, vous vous promettez qu'ici bas, il vaut le coup de parier.
La récompense se rapproche mais elle reste le fruit d'un pari.

Ce à quoi on veut bien vous croire sur parole.
Dit vulgairement: vous avez gagné
 mais est- ce que moi jouant, je vais gagner ?

Vous me dites qu'il n'y a pas de risques à jouer.
Pour moi il y a un risque énorme de passer de l'hypothèse à la thèse.
Il faut bien voir que je m'annihile en annihilant l'hypothèse.
Cela ne peut se faire lentement, au gré de l'engrangement des bienfaits.

(je me réfère plus à Kierkegaard qu'à Spinoza sur cette question)

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Message par Vanleers Lun 4 Déc 2023 - 16:52

A hks

Je fais une lecture sceptique de Spinoza et d’Ignace de Loyola, convaincu  qu’il est impossible, et d’ailleurs inutile, d’avoir une certitude absolue de la vérité des thèses qu’ils défendent pour éprouver la joie qu’ils proposent.
A mon point de vue, ils invitent le lecteur à faire une expérience et, comme je l’ai déjà écrit, à chacun de voir si ça marche ou pas.

Je ne vois pas à quel risque d’annihilation vous faites allusion.

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Message par Saint-Ex Lun 4 Déc 2023 - 20:16

Vanleers a écrit:Le personnalisme chrétien est homothétique à ce personnalisme spinozien, le Dieu de Jésus-Christ prenant la place du Dieu-Substance de Spinoza.

«La pensée démocritéenne est homothétique à la pensée spinozienne, la pensée démocriténne prenant la place de la substance spinozienne.»

C'est une démonstration comme une autre de l'art et de la manière jésuite créée sur terre grâce à Dieu et ses Anges.

Dieu te garde, Vanleers, Dieu te garde.

Je pense que ton combat est bon face à l'Islam et son djihad par le verbe et l'épée.

En Bérbérie, aujourd'hui, les Arabo-Musulmans se re-convertissent à leur christianisme du temps d'Augustin d'Hippone.

«Est vrai ce qui est» Saint Augustin

Cathédrale Saint Augustin d'Annaba (Bône, du temps des Français)

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Message par Saint-Ex Lun 4 Déc 2023 - 20:28

Vanleers a écrit:
Je fais une lecture sceptique de Spinoza et d’Ignace de Loyola, convaincu  qu’il est impossible, et d’ailleurs inutile, d’avoir une certitude absolue de la vérité des thèses qu’ils défendent pour éprouver la joie qu’ils proposent.
A mon point de vue, ils invitent le lecteur à faire une expérience et, comme je l’ai déjà écrit, à chacun de voir si ça marche ou pas.
.

Tu as raison, Vanleers, et d'ailleurs, en ce qui me concerne, je fais une lecture exclusivement matérialiste et scientifique de tous les points de vue possibles et imaginables se proposant à mon modeste entendement, ce qui me permet de voir scientifiquement et matériellement que la joie et les plaisirs se confondent parfaitement en une seule et même chose au sein du bonheur parfait ...

.
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Message par hks Mar 5 Déc 2023 - 22:57

à Vanleers

Sur le thème de la foi
J'ai un certaine réticence à m'expliquer plus sur ce forum.



Ainsi comment définir la foi autrement que tel un saut dans le vide, un saut irrationnel dans l’Absolu : « plonger en Dieu », dit Kierkegaard. La part de rationnel que conservait le pari pascalien est évacuée de cette attitude fidéiste. À l’image d’Abraham, qui obéit sans comprendre lorsque Dieu lui demande de sacrifier son fils, le croyant sait que la transcendance à laquelle il confronte sa propre subjectivité est inintelligible aux catégories humaines. Comprendre est « le rapport de l’homme à l’homme », tandis que croire est « le rapport de l’homme au divin ». Le philosophe danois montre alors combien cette foi est une croyance de type particulier, puisque la croyance religieuse et la foi sont inséparables de l’angoisse. Kierkegaard se révèle en ce sens l’héritier de Tertullien, ce Père de l’Église qui affirmait : « Credo quia absurdum », c’est-à-dire « je crois parce que c’est absurde ». Tel est le « paradoxe absolu » qui fait de la foi une passion scandaleuse, irréductible à toute autre attitude humaine. De plus, Kierkegaard souligne combien la foi ne saurait relever de la raison, incapable celle-ci de remplacer la foi car précisément parce que ce qui est cru du point de vue de la raison est absurde.
[url= http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/05/13/foi-et-angoisse-note-sur-kierkegaard-3149422.html]http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/05/13/foi-et-angoisse-note-sur-kierkegaard-3149422.html[/url]

Je suis annihilé! oui c'est le ressenti
Le Dieu de mon exigence ( si vous voulez ) est tel que j'y perds mon individualité.

Je n'ai pas l'image d'un Dieu paternel, je n'ai pas d'images du tout.

Angoisse, désespoir, ces affects sont forts chez Kierkegaard
à contrario la rationalité de Spinoza ou l archi-quiétude du bouddhisme.

Mais je n' ai jamais pu congédier Kierkegaard. Toujours il me reconvoque.

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Message par Vanleers Mer 6 Déc 2023 - 15:53

hks a écrit:à Vanleers

Sur le thème de la foi
J'ai un certaine réticence à m'expliquer plus sur ce forum.



Ainsi comment définir la foi autrement que tel un saut dans le vide, un saut irrationnel dans l’Absolu : « plonger en Dieu », dit Kierkegaard. La part de rationnel que conservait le pari pascalien est évacuée de cette attitude fidéiste. À l’image d’Abraham, qui obéit sans comprendre lorsque Dieu lui demande de sacrifier son fils, le croyant sait que la transcendance à laquelle il confronte sa propre subjectivité est inintelligible aux catégories humaines. Comprendre est « le rapport de l’homme à l’homme », tandis que croire est « le rapport de l’homme au divin ». Le philosophe danois montre alors combien cette foi est une croyance de type particulier, puisque la croyance religieuse et la foi sont inséparables de l’angoisse. Kierkegaard se révèle en ce sens l’héritier de Tertullien, ce Père de l’Église qui affirmait : « Credo quia absurdum », c’est-à-dire « je crois parce que c’est absurde ». Tel est le « paradoxe absolu » qui fait de la foi une passion scandaleuse, irréductible à toute autre attitude humaine. De plus, Kierkegaard souligne combien la foi ne saurait relever de la raison, incapable celle-ci de remplacer la foi car précisément parce que ce qui est cru du point de vue de la raison est absurde.
[url= http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/05/13/foi-et-angoisse-note-sur-kierkegaard-3149422.html]http://marcalpozzo.blogspirit.com/archive/2020/05/13/foi-et-angoisse-note-sur-kierkegaard-3149422.html[/url]

Je suis annihilé! oui c'est le ressenti
Le Dieu de mon exigence ( si vous voulez ) est tel que j'y perds mon individualité.

Je n'ai pas l'image d'un Dieu paternel, je n'ai pas d'images du tout.

Angoisse, désespoir, ces affects sont forts chez Kierkegaard
à contrario la rationalité de Spinoza ou l archi-quiétude du bouddhisme.

Mais je n' ai jamais pu congédier Kierkegaard. Toujours il me reconvoque.

Le christianisme invite l’homme à vivre en seigneur sur le modèle du seigneur Jésus-Christ, modèle de liberté et d’autorité.
Avoir la foi, c’est-à-dire faire confiance à ce modèle d’homme debout, écarte l’angoisse et le désespoir.

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Message par Saint-Ex Mer 6 Déc 2023 - 17:08

Vanleers a écrit:Le christianisme invite l’homme à vivre en seigneur sur le modèle du seigneur Jésus-Christ, modèle de liberté et d’autorité.
Avoir la foi, c’est-à-dire faire confiance à ce modèle d’homme debout, écarte l’angoisse et le désespoir.
Je comprends bien ta foi, ton engagement, ton prosélytisme, mais je t'assure qu'à l'âge de huit ou dix ans, à l'église Saint Simon et Saint Jude de l'église de ma petit ville, lorsque je levais les yeux sur le Jésus hyper réaliste bien crucifié grandeur nature avec tout l'incroyable volume de sang qui s'échappait de la tête, des mains, des pieds et du flanc pour couler jusqu'en bas du bois de la croix, je ne t'en dirais pas plus sur l'athéisme qui se préparait en moi ...

Il y a eu certainement avec ce christ quelque chose de dégoûtant qui ne m'a certainement pas donné envie de faire confiance en cet homme «debout».

Pourtant j'aimais bien ses paraboles, à ce bonhomme.

Et d'ailleurs je pense que si les églises sont vides, aujourd'hui, c'est en grande partie parce que l'Église ne s'est pas contentée des seules paraboles de ce bien sympathique personnage.

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Message par hks Mer 6 Déc 2023 - 23:51

Vanlers a écrit:Avoir la foi, c’est-à-dire faire confiance à ce modèle d’homme debout, écarte l’angoisse et le désespoir.
Position respectable mais hétérodoxe
Mais bref.

Pour moi avoir la foi se rapporte au sens /avoir du sens /signifier.

Avoir du sens, c'est l'opposé de la stupidité qui nous laisse sans voix, incapable de répondre. L'absurde si l'on veut.
Avoir une foi religieuse se rapporte au sens mais pas au sens des réalités empiriques ordinaires lesquelles se renvoient l'une à l'autre dans des relation qui donnent du sens.

La foi religieuse établit un rapport,
et s'il y a "foi",
un rapport à l''infini, un rapport qui nous laisse sans voix mais qui n'est pourtant pas sans "le sens ".
Le mystique a peut être perdu la voix, comme le disait Wittgenstein, mais il n'a pas perdu le sens.
Ce sens recolore en retour tous les évènements empiriques.

Je vous dis pas que j'ai la foi,
j'essaie juste d'éclaircir une question que votre eudémonisme inclinerait à éviter.
(on peut l'avoir, l'avoir eu, l'avoir par moment enfin
bref
à ces conditions là on peut en parler).

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Message par Saint-Ex Jeu 7 Déc 2023 - 0:12

hks a écrit:
Vanlers a écrit:au sens des réalités empiriques ordinaires lesquelles se renvoient l'une à l'autre dans des relation qui donnent du sens.

Je remanierais cette remarque comme suit :

Au sens des réalités empiriques lesquelles se renvoient l'une à l'autre dans des relations visant à éclairer les êtres ordinaires.

J'exprime ainsi la chose car j'ai pour projet de pondre avant de passer outre une œuvre théâtrale reprenant le sujet de cette phrase.

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