L'humanisation de l'homme
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L'humanisation de l'homme
J’ai évoqué à plusieurs reprises sur d’autres fils le processus multiséculaire de l’humanisation de l’homme même si l’histoire a souvent contredit cette tendance qui est tout sauf linéaire.
J’ouvre ce fil afin d’approfondir le sujet.
Je partirai des définitions de Spinoza.
Spinoza introduit la notion d’« humanité » (humanitas) dans le scolie de la proposition 29 de la partie III de l’Ethique.
Elle fait l’objet de la définition 43 des affects :
Humanitas seu modestia est cupiditas ea faciendi, quae hominibus placent, et omittendi, quae displicent.
« L’humanité ou modération est le désir de faire ce qui plaît aux hommes et de ne pas faire ce qui leur déplaît ». (traduction P.-F. Moreau)
A noter que modestia est rendu, selon les traducteurs, par modération, retenue, modestie, bienséance.
Dans son commentaire du scolie de la proposition 29 de la partie III :
Il développe :
Chantal Jaquet est plus nuancée car elle pose que l’ « humanité » (humanitas) est une espèce de la « générosité » (generositas), c’est-à-dire un affect qui, avec la « fermeté » (animositas), constitue la « fortitude » (fortitudo) qui n’est pas une passion, un affect passif, mais une action, un affect actif (E III 59 sc.) :
https://books.openedition.org/psorbonne/156?lang=fr
Retenons, pour le moment, que l’humanité, selon Spinoza, est une attention affable portée aux autres hommes, un sentiment de bienveillance qui, bien qu’actif et ancré dans la raison car il est une espèce de la générosité, peut être supplanté par une passion contraire plus forte.
J’ouvre ce fil afin d’approfondir le sujet.
Je partirai des définitions de Spinoza.
Spinoza introduit la notion d’« humanité » (humanitas) dans le scolie de la proposition 29 de la partie III de l’Ethique.
Elle fait l’objet de la définition 43 des affects :
Humanitas seu modestia est cupiditas ea faciendi, quae hominibus placent, et omittendi, quae displicent.
« L’humanité ou modération est le désir de faire ce qui plaît aux hommes et de ne pas faire ce qui leur déplaît ». (traduction P.-F. Moreau)
A noter que modestia est rendu, selon les traducteurs, par modération, retenue, modestie, bienséance.
Dans son commentaire du scolie de la proposition 29 de la partie III :
Pierre Macherey a écrit:Le terme humanitas correspond essentiellement au fait de présenter les caractéristiques de l’humanité en général. Il signifie en conséquence « l’humanité » au sens plus particulier des sentiments de bienveillance consacrés à autrui, en tant précisément qu’il est une chose semblable à nous, c’est-à-dire un être humain. Ces sentiments de bienveillance s’expriment à travers une affabilité de principe qui s’incarne concrètement dans les règles d’un savoir-vivre.
Il développe :
Pierre Macherey a écrit:Pourtant, si on parvient à le contrôler, le désir d’être bien vu [ambitio] se transforme en « savoir-vivre » (humanitas), qui, lui-même, est une forme de la « bienséance » (modestia), ainsi que l’explique la définition des affects 43. Cette disposition correspond proprement au « désir de faire les choses qui plaisent aux (autres) hommes, et de se retenir de faire celles qui leurs déplaisent ». Le premier scolie de la proposition 37 du de Servitute explique que agir ainsi « humainement » (humaniter) est le propre de l’homme qui, au lieu de se laisser emporter au gré d’élans affectifs incontrôlés, vit sous la conduite de la raison : celui-là « agit avec bienveillance et est mentalement au plus au point en accord avec soi-même ». Cette régularité et cette mesure s’incarnent dans des affects qui remplissent à l’égard de tous les autres un rôle modérateur : et, à ce titre, ils peuvent jouer un rôle positif dans le processus de libération. Mais, en tant qu’ils sont des affects, ils demeurent soumis aux lois générales qui commandent le développement de la vie affective, et en particulier au principe mimétique qui est à la base du désir de plaire et d’être bien vu : c’est pourquoi, selon l’explication qui suit la définition des affects 48, il demeure que « la bienséance est une espèce du désir d’être bien vu » (modestia species est ambitionis), ce qu’indique clairement d’ailleurs l’énoncé de la définition des affects 43. Sentiments de transition qui peuvent aider à la réalisation d’un certain équilibre mental, au sens de la thérapeutique des affects exposée dans la première partie du de Libertate, savoir-vivre et bienséance n’en restent pas moins enracinés dans le sol de l’affectivité qui les soumet aux mécanismes de l’imagination : de là leur caractère équivoque, qui les expose en permanence à dégénérer et à être ramenés du côté du désir de plaire et d’être bien vu dont ils sont issus.
Chantal Jaquet est plus nuancée car elle pose que l’ « humanité » (humanitas) est une espèce de la « générosité » (generositas), c’est-à-dire un affect qui, avec la « fermeté » (animositas), constitue la « fortitude » (fortitudo) qui n’est pas une passion, un affect passif, mais une action, un affect actif (E III 59 sc.) :
Chantal Jaquet a écrit:À l’instar de la fermeté, la générosité se subdivise à son tour en espèces. Spinoza en donne deux exemples, la modestie ou humanité (modestia seu humanitas), désir de faire ce qui plaît aux hommes et de s’abstenir de ce qui leur déplaît, et la clémence, puissance par laquelle l’homme modère colère et vengeance, qui s’oppose à la cruauté. Les dénominations et les spécifications s’effectuent en fonction de l’objet auquel la générosité s’applique. La modestie, c’est la générosité appliquée au plaisir et au déplaisir d’autrui. La clémence est la générosité appliquée à la colère et à la vengeance.
Fermeté et générosité possèdent des propriétés communes : premièrement, elles sont les principes premiers de la raison et le restent quand bien même nous ignorerions que notre esprit est éternel. Elles valent donc aussi bien pour l’existence actuelle présente que pour l’existence actuelle éternelle.
Deuxièmement, elles ne sont pas des contraires aux passions car elles ne sont pas du même genre, vu qu’elles sont des actions, mais elles peuvent s’opposer à elles.
https://books.openedition.org/psorbonne/156?lang=fr
Retenons, pour le moment, que l’humanité, selon Spinoza, est une attention affable portée aux autres hommes, un sentiment de bienveillance qui, bien qu’actif et ancré dans la raison car il est une espèce de la générosité, peut être supplanté par une passion contraire plus forte.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Confucius a écrit:Le Maître dit : « Il est bon d’habiter là où règne le sens de l’humanité. Pourrait-on appeler sage un homme qui choisirait de n’y point habiter ? […] L’homme honorable trouve la paix dans la vertu d’humanité (Entretiens, IV, 1-2)
A noter qu'en chinois, dans 人性 rén xìng, "humanité" (littéralement "nature humaine"), il y a 人, rén la personne humaine et que ce caractère est un homophone de 仁 rén, "bienveillance" !
De même aussi,
Sous l'inspiration de la bienveillance [kshama traduit aussi par "patience"], l'homme se comporte envers toutes les créatures animées, que ce soit en pensée, en parole ou en acte, de la même façon qu'il aimerait qu'on se comporte envers lui ; si on y ajoute un mental voué au service de l'humanité au meilleur de ses capacités, on parvient à cette bienveillance dont les connaisseurs des Vedas confirment l'importance (Jabala Darshana Upanishad)
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Exploitant le deuxième grand livre de Darwin : La Filiation de l’Homme, Patrick Tort soutient que l’humanisation de l’homme est un processus parfaitement naturel qui prend la suite de l’hominisation.
https://www.charlesdarwin.fr/perso/livres_patrick_tort.htm
Il s’explique plus en détail sur l’effet réversif de l’évolution dans cet extrait de Darwin et la philosophie – Kimé 2004
Spinoza, on l’a vu, pose l’humanité (humanitas) comme une espèce de la générosité (generositas), c’est-à-dire du désir rationnel « d’aider les autres hommes et de se les lier d’amitié » (E III 59 sc.)
Darwin soutient que le devenir humain s’est engagé naturellement « dans la voie d'une reconnaissance de l'autre et d'une morale qui condamnent toute forme d'élimination sélective ».
Les visions du monde de ces deux penseurs sont tout sauf tragiques.
Elles invitent à aller voir si d’autres visions du monde, non tragiques elles aussi, vont également dans le sens d’une humanisation de l’homme.
Patrick Tort a écrit:Ce n'est qu'en 1871 que Darwin parlera de l'évolution de l'Homme et des sociétés humaines. Dans l'intervalle, Spencer et Galton auront eu le temps de s'approprier l'application « humaine » de la théorie sélective, le premier pour favoriser le « darwinisme social » (suivant lequel rien ne doit gêner la sélection naturelle dans l'élimination des sujets sociaux les moins aptes), le second pour promouvoir l'eugénisme (qui propose de compenser l'inefficacité de la sélection naturelle en milieu de civilisation par des mesures d'exclusion reproductive des faibles et des malades).
Or Darwin, dans son grand livre sur La Filiation de l'Homme, s'oppose à ces deux applications déviantes de sa théorie, et explique que dans l'univers de la civilisation, la sélection naturelle n'est plus la force directrice de l'évolution, car, en sélectionnant conjointement le développement des instincts sociaux, des sentiments affectifs et de la rationalité, elle a engagé le devenir humain dans la voie d'une reconnaissance de l'autre et d'une morale qui condamnent toute forme d'élimination sélective.
Ainsi, la sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s'oppose à la sélection naturelle.
https://www.charlesdarwin.fr/perso/livres_patrick_tort.htm
Il s’explique plus en détail sur l’effet réversif de l’évolution dans cet extrait de Darwin et la philosophie – Kimé 2004
Patrick Tort a écrit: Ce que j’ai expliqué, d’après Darwin, c’est que la sélection naturelle, principe de l’évolution et réalité en évolution, se soumet elle-même à sa propre loi (éliminatoire), produisant tendanciellement, du fait du privilège des instincts sociaux et des facultés associées, l’élimination tendancielle de l’élimination. La sélection naturelle se soumettant à sa propre loi produit alors, sans discontinuité de principe, une évolution différente, où l’avantage sélectionné n’est plus d’ordre individuel ou biologique, mais essentiellement et effectivement social. Le social devient ainsi une propriété émergente du biologique, tout en manifestant un renversement tendanciel par rapport au biologique. L’unité de la théorie, enfin, est respectée, car le modèle qui s’applique (et qui s’applique à la sélection naturelle elle-même considérée comme mécanisme en évolution) demeure celui, fondamentalement darwinien, de la divergence sélectionnée et du dépérissement de l’ancienne forme.
Ce concept, qui rend compte, sans rupture, de la production d’un effet de rupture entre nature et civilisation, exclut de l’évolution humaine toute transcendance institutrice de la société et de la morale comme ordres essentiellement distincts de celui de la nature. Mais il appelle la reconnaissance d’un passage progressif au revers de la loi sélective. Il réconcilie et différencie en même temps les sciences biologiques et les sciences sociales en interdisant définitivement leur confusion aussi bien que leur divorce. Car rien de ce qui constitue « le propre de l’homme » n’est généalogiquement étranger à l’ordre de la nature, ni n’est toutefois actuellement réductible à ce qui a permis son avènement. Cela renvoie le réductionnisme sociobiologique à sa posture d’interprétation fragmentaire et idéologique de la théorie darwinienne, et rend possible enfin un matérialisme intégral qui n’achoppe plus sur la question des sources de la morale, et qui, par sa puissance explicative ainsi démontrée, indique sa profonde nécessité méthodologique en science. (pp. 63-64)
Spinoza, on l’a vu, pose l’humanité (humanitas) comme une espèce de la générosité (generositas), c’est-à-dire du désir rationnel « d’aider les autres hommes et de se les lier d’amitié » (E III 59 sc.)
Darwin soutient que le devenir humain s’est engagé naturellement « dans la voie d'une reconnaissance de l'autre et d'une morale qui condamnent toute forme d'élimination sélective ».
Les visions du monde de ces deux penseurs sont tout sauf tragiques.
Elles invitent à aller voir si d’autres visions du monde, non tragiques elles aussi, vont également dans le sens d’une humanisation de l’homme.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
\"Patrick Tort a écrit:Cela renvoie le réductionnisme sociobiologique à sa posture d’interprétation fragmentaire et idéologique de la théorie darwinienne, et rend possible enfin un matérialisme intégral qui n’achoppe plus sur la question des sources de la morale, et qui, par sa puissance explicative ainsi démontrée, indique sa profonde nécessité méthodologique en science. (pp. 63-64)
Il ne faut pas confondre ce qui est possible avec ce qui est certain. De plus, d'un point de vue strictement biologique la théorie darwinienne n'est plus considérée comme pertinente depuis quelques décennies déjà, je ne sais pas quand ce texte a été écrit. En science on parle aujourd'hui de théorie scientifique de l'évolution, certes dérivée des travaux de Darwin, mais qui s'en distingue.
Soutenir qu'un mécanisme est parfaitement naturel, qu'est ce que cela signifie?
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
baptiste a écrit:
Il ne faut pas confondre ce qui est possible avec ce qui est certain. De plus, d'un point de vue strictement biologique la théorie darwinienne n'est plus considérée comme pertinente depuis quelques décennies déjà, je ne sais pas quand ce texte a été écrit. En science on parle aujourd'hui de théorie scientifique de l'évolution, certes dérivée des travaux de Darwin, mais qui s'en distingue.
Soutenir qu'un mécanisme est parfaitement naturel, qu'est ce que cela signifie?
1) Sur la distinction entre possible et certain, il y a longtemps maintenant que je me suis rallié au faillibilisme de Karl Popper.
Le faillibilisme pose que toute théorie scientifique est conjecturale : nous ne pouvons jamais avoir la certitude qu’elle est vraie mais nous pouvons avoir la certitude qu’elle est fausse quand une expérience falsifie la théorie.
Le faillibilisme est lui-même conjectural : on ne peut avoir la certitude qu’il est vrai : on ne peut le poser que comme un postulat pratique et j’assume cette position.
2) J’ai rapporté la position de Patrick Tort à propos de Darwin dans son livre paru en 2004.
Soutenir qu’un mécanisme est parfaitement naturel signifie, ici, que, selon Darwin, l’humanisation est dans le prolongement du mécanisme d’évolution des espèces qui, entre autres, a vu l’apparition de l’homme. Il me semble que cette affirmation est toujours pertinente aujourd’hui.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Vanleers a écrit:En science on parle aujourd'hui de théorie scientifique de l'évolution, certes dérivée des travaux de Darwin, mais qui s'en distingue.
Le néo-darwinisme, c'est le darwinisme plus la génétique.
Vanleers a écrit:Le faillibilisme pose que toute théorie scientifique est conjecturale : nous ne pouvons jamais avoir la certitude qu’elle est vraie mais nous pouvons avoir la certitude qu’elle est fausse quand une expérience falsifie la théorie.
"Réfute". To falsify = réfuter. "Falsifier", en français, a un autre usage.
Vanleers a écrit:Le faillibilisme est lui-même conjectural : on ne peut avoir la certitude qu’il est vrai : on ne peut le poser que comme un postulat pratique et j’assume cette position.
Les théories sont conjecturales. Or, nous dit Popper, le darwinisme n'est pas une théorie mais "un programme métaphysique de recherches". Les thèses métaphysiques (les règles de grammaire, dirait Wittgenstein) ne peuvent donc être conjecturales. Elles sont ce par quoi il peut y avoir de la conjecture (elles sont transcendantales au sens kantien de ce terme).
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 23/06/2022
Re: L'humanisation de l'homme
Oui, et donc elles ne sont pas scientifiques -selon Popper, toujours. Raison pour laquelle il convient de distinguer darwinisme et "théorie scientifique de l'évolution".
D'ailleurs, personnellement, et quoique non-spécialiste, je parlerais plutôt d'un paradigme de l'évolution au sein duquel des théories sont en compétition.
Mais ce qui m'intrigue surtout, Vanleers, c'est pourquoi lorsque tu abordes une thématique séculaire et déjà longuement labourée comme la Civilisation, tu tentes d'en passer par Darwin. Il me semble que ce n'est pas le chemin le plus évident ni le plus aisément praticable -comme tendraient d'ailleurs à le montrer les objections ?
D'ailleurs, personnellement, et quoique non-spécialiste, je parlerais plutôt d'un paradigme de l'évolution au sein duquel des théories sont en compétition.
Mais ce qui m'intrigue surtout, Vanleers, c'est pourquoi lorsque tu abordes une thématique séculaire et déjà longuement labourée comme la Civilisation, tu tentes d'en passer par Darwin. Il me semble que ce n'est pas le chemin le plus évident ni le plus aisément praticable -comme tendraient d'ailleurs à le montrer les objections ?
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Bergame- Persona
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Re: L'humanisation de l'homme
Vanleers a écrit:Patrick Tort a écrit:Patrick Tort a écrit:
Ce que j’ai expliqué, d’après Darwin, c’est que la sélection naturelle, principe de l’évolution et réalité en évolution, se soumet elle-même à sa propre loi (éliminatoire), produisant tendanciellement, du fait du privilège des instincts sociaux et des facultés associées, l’élimination tendancielle de l’élimination. La sélection naturelle se soumettant à sa propre loi produit alors, sans discontinuité de principe, une évolution différente, où l’avantage sélectionné n’est plus d’ordre individuel ou biologique, mais essentiellement et effectivement social. Le social devient ainsi une propriété émergente du biologique, tout en manifestant un renversement tendanciel par rapport au biologique. L’unité de la théorie, enfin, est respectée, car le modèle qui s’applique (et qui s’applique à la sélection naturelle elle-même considérée comme mécanisme en évolution) demeure celui, fondamentalement darwinien, de la divergence sélectionnée et du dépérissement de l’ancienne forme.
Ce concept, qui rend compte, sans rupture, de la production d’un effet de rupture entre nature et civilisation, exclut de l’évolution humaine toute transcendance institutrice de la société et de la morale comme ordres essentiellement distincts de celui de la nature. Mais il appelle la reconnaissance d’un passage progressif au revers de la loi sélective. Il réconcilie et différencie en même temps les sciences biologiques et les sciences sociales en interdisant définitivement leur confusion aussi bien que leur divorce. Car rien de ce qui constitue « le propre de l’homme » n’est généalogiquement étranger à l’ordre de la nature, ni n’est toutefois actuellement réductible à ce qui a permis son avènement. Cela renvoie le réductionnisme sociobiologique à sa posture d’interprétation fragmentaire et idéologique de la théorie darwinienne, et rend possible enfin un matérialisme intégral qui n’achoppe plus sur la question des sources de la morale, et qui, par sa puissance explicative ainsi démontrée, indique sa profonde nécessité méthodologique en science. (pp. 63-64)
J'aime bien, mais Tort reste au milieu du gué, de ce fait, même si c'est malgré lui, la Position reste scientiste. Souvenez-vous ! :
neopilina a écrit:" De l'émergence phylogénétique, scientifique, du Sujet, dialectiquement, philosophiquement, dit ".
Message par neopilina Ven 24 Mai 2013 - 16:49
IV - De l'émergence phylogénétique, scientifique, du Sujet, dialectiquement, philosophiquement, dit.
Il n'y a qu'une différence de degré et non de "Nature" entre les sociétés, les cultures humaines, et les autres sociétés, cultures animales, quand bien même ce serait la plus importante. L'homme n'est pas un animal comme les autres, mais c'est tout de même un animal parmi les autres (pour leur plus grand malheur). Toute société animale développe ses propres codes constitutifs. Mais donc beaucoup s'obstinent toujours à refuser de parler d'institutions imaginaires. C'est un combat d'arrière garde manifeste. Le moineau domestique, Passer domesticus, est l'espèce la plus grégaire qui fréquente ma propriété. Les individus de cette espèce qui a "choisi" la grégarité y trouvent certainement leur compte. Mais cette proximité est aussi une promiscuité qui génère d'innombrables problèmes, conflits, rapports de force, hiérarchies. En fait, dès le moment où on admet qu'il y a des sociétés animales, ce qui est scientifiquement prouvé, nous vivons à une époque où il n'est plus possible de le nier, on admet l'existence de règles, de codes, et j'en passe. Ainsi une brèche qui ne peut plus être refermée est ouverte : la transgression, la non-transgression, la duplicité, par l'individu, le Sujet, le Bien et le Mal, la Culpabilité, le dilemme, donc le référent, l'institution, le dieu, la culture, peuvent advenir. L'apparition de règles présuppose celles de rapports de force entre individus de la même espèce, on peut ainsi régresser jusqu'à l'apparition de la vie, à laquelle se superpose de façon concomitante l'apparition et le développement du Sens, du Sujet, dialectiquement dit cette fois.
J'aimerais également m'insurger contre une véritable ineptie, aberration, même s'il faut bien comprendre que même les sciences n'échappent pas à l'esprit de chapelle. Plus l'espèce est évoluée, le Sujet significativement tel, moins l'écologie comportementale, inaugurée par la sociobiologie, est pertinente. Par exemple, l'infanticide des lionceaux du rival fraîchement évincé par le nouveau mâle dominant n'a pas d'autre intérêt que d'entraîner le changement hormonal qui fera retomber les femelles en chaleur. Le nouveau chef, mâle, dominant, Sujet s'il en est, n'est pas disposé à partager quoi que ce soit, et non pas comme je l'ai lu, ne veut pas "courir le risque d'être bouté hors de la troupe par un rival avant même d'avoir pu assurer une quelconque descendance". L'opposition entre éthologie et écologie comportementale est contre-productive, elles sont complémentaires. Le lion ne tue pas ses petits, pratique l'homosexualité et donc la sodomie, une femelle chacal peut nourrir ses petits avec ceux de la voisine, les dauphins tuent pour jouer (par exemple des marsouins), pratiquent le viol, quinze pour cent des couples de cygnes sont homosexuels, et cette espèce, herbivore, pratique le meurtre aussi bien intra qu'interspécifique, une femelle crocodile peut dévorer ses petits après les avoir protégés au péril de sa vie lors de leurs premières semaines, quant aux chimpanzés, n'en parlons pas : on découvre que les Romains et les dynasties royales n'ont rien inventé, etc. Les pertinences respectives de ces deux approches dépendent du rameau de la vie, du niveau d'évolution observé, de l'ampleur du Sujet considéré. La sociobiologie s'est même risquée à appliquer des raisonnements darwiniens aux comportements humains, programme que la "psychologie évolutionniste" (!) s'est risquée à appliquer aux fonctions supérieures de la cognition ! Là, on frise le délire. Alors que Darwin lui-même, et très honnêtement il le dira explicitement, éprouvera les limites de sa théorie très précisément lorsqu'il se penchera sur la sélection sexuelle. Il y avait effectivement anguille sous roche : l'émergence phylogénétique progressive du Sujet en tant que tel, biologiquement, puis philosophiquement dit.
Le Grand Tournant dans l'histoire de la vie, c'est l'apparition du Sujet, et donc du Sens qu'il produit en tant que tel. Alors on entérine cette différence épistémologique entre sens et Sens, et donc forcément, c'est une autre épistémologie, façon de penser, de faire.
Le saviez-vous ? Notre espèce n'a pas l'apanage du Personnage du " Gros Con " !! Chez le sanglier, chez les trois espèces d'éléphants, chez certaines espèces de cétacés (mammifères marins), etc., le mâle adulte n'a aucune vie sociale : il est solitaire, agressif, brutal, et tue régulièrement des congénères (de la même espèce). Quand une femelle adulte est en chaleur, elle fait ce que son organisme la pousse à faire, elle va voir un des ces " Messieurs ", une fois fécondée, elle repart aussi vite. Chez des espèces de dauphins, le groupe peut décider un bannissement ou la mise à mort d'un violeur multi-récidiviste, etc.
P.S. Pas inutile, je mets un " truc " aussi bref que possible :
Futura a écrit:La théorie de l'évolution permet d'expliquer la diversité des formes de vie rencontrées dans la nature, en partant du principe que chaque espèce vivante se transforme progressivement au cours des générations, tant sur un plan morphologique que génétique. Or, l'évolution, un terme pour la première fois employé par Charles Darwin en 1859, peut amener à l'apparition de nouvelles espèces.
Malgré son nom, il ne s'agit pas d'une théorie, et donc d'une hypothèse, mais bien d'un concept aujourd'hui scientifiquement établi.
Dernière édition par neopilina le Mar 27 Sep 2022 - 18:27, édité 3 fois
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Re: L'humanisation de l'homme
Bergame a écrit:Oui, et donc elles ne sont pas scientifiques -selon Popper, toujours. Raison pour laquelle il convient de distinguer darwinisme et "théorie scientifique de l'évolution".
D'ailleurs, personnellement, et quoique non-spécialiste, je parlerais plutôt d'un paradigme de l'évolution au sein duquel des théories sont en compétition.
Wittgenstein dit a peu près la même chose : pour que le darwinisme fût une théorie scientifique, il eût fallu pouvoir mener des observations sur des individus vivants non-adaptés ou des espèces vivantes non-évoluées. Ce qui, du point de vue darwinien, est une contradiction dans les termes. Là est la différence avec le néo-darwinisme qui, lui, est réellement scientifique en ce qu'il est en mesure de mener des recherches expérimentales sur des génomes artificiellement modifiés avant de les inoculer a des individus vivants.
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Re: L'humanisation de l'homme
Zhongguoren a écrit:Bergame a écrit:Oui, et donc elles ne sont pas scientifiques -selon Popper, toujours. Raison pour laquelle il convient de distinguer darwinisme et "théorie scientifique de l'évolution".
D'ailleurs, personnellement, et quoique non-spécialiste, je parlerais plutôt d'un paradigme de l'évolution au sein duquel des théories sont en compétition.
Wittgenstein dit a peu près la même chose : pour que le darwinisme fût une théorie scientifique, il eût fallu pouvoir mener des observations sur des individus vivants non-adaptés ou des espèces vivantes non-évoluées. Ce qui, du point de vue darwinien, est une contradiction dans les termes. Là est la différence avec le néo-darwinisme qui, lui, est réellement scientifique en ce qu'il est en mesure de mener des recherches expérimentales sur des génomes artificiellement modifiés avant de les inoculer a des individus vivants.
Moui. Wittgenstein a " simplement " oublié que Darwin ne connaît pas la génétique.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Re: L'humanisation de l'homme
neopilina a écrit:Zhongguoren a écrit:Bergame a écrit:Oui, et donc elles ne sont pas scientifiques -selon Popper, toujours. Raison pour laquelle il convient de distinguer darwinisme et "théorie scientifique de l'évolution".
D'ailleurs, personnellement, et quoique non-spécialiste, je parlerais plutôt d'un paradigme de l'évolution au sein duquel des théories sont en compétition.
Wittgenstein dit a peu près la même chose : pour que le darwinisme fût une théorie scientifique, il eût fallu pouvoir mener des observations sur des individus vivants non-adaptés ou des espèces vivantes non-évoluées. Ce qui, du point de vue darwinien, est une contradiction dans les termes. Là est la différence avec le néo-darwinisme qui, lui, est réellement scientifique en ce qu'il est en mesure de mener des recherches expérimentales sur des génomes artificiellement modifiés avant de les inoculer a des individus vivants.
Moui. Wittgenstein a " simplement " oublié que Darwin ne connaît pas la génétique.
C'est exactement ce qu'il dit ! ( Cette manie de défoncer les portes ouvertes ...)
Wittgenstein a écrit: Certaines explications (par exemple en psychanalyse) ne sont pas conformes à l’expérience mais sont simplement satisfaisantes [dans le sens où] certaines explications exercent, à un moment donné, une attraction irrésistible. [De même] quelqu’un a-t-il pu expérimenter le processus d’évolution dont parle Darwin (Leçons sur l’Esthétique, III)
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Vanleers a écrit:
2) J’ai rapporté la position de Patrick Tort à propos de Darwin dans son livre paru en 2004.
Soutenir qu’un mécanisme est parfaitement naturel signifie, ici, que, selon Darwin, l’humanisation est dans le prolongement du mécanisme d’évolution des espèces qui, entre autres, a vu l’apparition de l’homme. Il me semble que cette affirmation est toujours pertinente aujourd’hui.
Darwin a proposé l’idée que dans l’espèce existent des variations et que c’est la compétition entre les individus de la même espèce qui produit la sélection au cours du temps. Les généticiens aujourd’hui disent que ce qui est sélectionné, ce sur quoi la sélection agit c’est exclusivement l’information génétique, pas les individus. Ce qui se reproduit et ce sur quoi la sélection peut agir c’est exclusivement l’information génétique. Cette information tant qu’il y a reproduction du patrimoine génétique, même si les individus sont des variantes, n’implique pas nécessairement une sélection par la compétition. Une évolution n’implique donc pas la disparition de la lignée dont elle est issue, de plus même si les variantes dont elle est issue disparaissent tant que des individus descendant de cette lignée existent, l’information est transmise. Si la compétition peut justifier la disparition d’une variante, beaucoup d’autres mécanismes peuvent aussi être à l’origine de la disparition d’une espèce, comme celui que nous vivons d’un réchauffement climatique accéléré plus rapide que les capacités de l’évolution à s’adapter aux conditions nouvelles. La différence entre néo-darwinisme ou théorie scientifique de l'évolution et darwinisme c'est qu'il n’y a pas de lien automatique entre variation et sélection, la variation n'oblige pas la sélection et la sélection peut survenir sans variation.
« Toute notre dignité consiste à bien penser... » « l’homme est visiblement fait pour penser. C’est toute sa dignité et tout son mérite ; et tout son devoir est de penser comme il faut. » Pascal
L’introduction de cette capacité de penser a transformé l’humanité en une force géologique capable de modifier les grands cycles naturels à l’échelle de la planète. L’humanité est devenue une espèce technicienne dont la survie, dans un premier temps, a dépendu de ses capacités d’innovations technologiques, mais ces capacités sont devenues au fil des siècles des instruments de dérégulation. Une condition pour qu’il y ait un futur passe par une reconsidération des fins de cette capacité qui relève fondamentalement de considérations philosophiques puis politiques.
Notre histoire récente nous enseigne qu’il n’y a aucune automaticité naturelle dans l’évolution des considérations politiques, le XX siècle a été le pire anti-humaniste dans l’histoire de l’humanité, c’est à l’homme et à lui seul de poser les valeurs et les lois. Il se trouve souvent, mais pas toujours, que celles débattues en public sont en général plus pertinentes que celles émanant d’un seul cerveau surtout lorsque celui-ci manque des qualités premières qui gèrent les relations à l'intérieur du groupe comme l'empathie, l'amour...
« Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l'homme, le respect des autres êtres avant l'amour-propre. »
Levi-Strauss
Dernière édition par baptiste le Mer 28 Sep 2022 - 8:01, édité 1 fois
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
baptiste a écrit:Darwin a proposé l’idée que dans l’espèce existent des variations et que c’est la compétition entre les individus de la même espèce qui produit la sélection au cours du temps
Non, ça c'est Malthus. On oublie un peu vite que Darwin s'est inspiré de la thèse malthusienne de l'utilité de la misère dans la population anglaise pour éliminer les plus faibles et sélectionner les plus forts. Bref, c'est le développement du capitalisme lors de la première révolution industrielle qui a fourni le modèle du struggle for life : Darwin a donc été le premier à émettre l'hypothèse que les bêtes se comporteraient comme des hommes ! Voilà qui jette un regard intéressant sur le processus d'"humanisation" (en tout cas depuis l'avènement du capitalisme).
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Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Zhongguoren a écrit:baptiste a écrit:Darwin a proposé l’idée que dans l’espèce existent des variations et que c’est la compétition entre les individus de la même espèce qui produit la sélection au cours du temps
Non, ça c'est Malthus. On oublie un peu vite que Darwin s'est inspiré de la thèse malthusienne de l'utilité de la misère dans la population anglaise pour éliminer les faibles et sélectionner les forts. Bref, c'est le fonctionnement du capitalisme qui a fourni le modèle du struggle for life !
Le fait que le mot sélection soit utilisé par les deux ne suffit pas à justifier qu'il y ait communauté de pensée, de plus je n'ai pas écrit "c'est le premier à avoir dit" n'est ce pas! Darwin à écrit un livre qui porte sur « l'évolution biologique des espèces par la sélection naturelle et la concurrence vitale ». Darwin
Si tu as des éléments objectifs qui montreraient cette filiation...fait nous les connaître. Ceci étant dit, quelle importance doit t-on apporter à ta remarque? Qu'est ce que cela change au déroulé de la discussion actuelle?
baptiste- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
baptiste a écrit:
L’introduction de cette capacité de penser a transformé l’humanité en une force géologique capable de modifier les grands cycles naturels à l’échelle de la planète.
...............................................;
« Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l'homme, le respect des autres êtres avant l'amour-propre. »
Levi-Strauss
1) Je rapproche l’idée de la transformation de « l’humanité en une force géologique » de ce qu’écrit Patrick Tort :
Patrick Tort a écrit:Car rien de ce qui constitue « le propre de l’homme » n’est généalogiquement étranger à l’ordre de la nature, ni n’est toutefois actuellement réductible à ce qui a permis son avènement.
2) Je suis pleinement d’accord avec votre citation de Lévi-Strauss, ce que j’aborde dans le post suivant qui replace la discussion dans le sujet du fil.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
baptiste a écrit:Le fait que le mot sélection soit utilisé par les deux ne suffit pas à justifier qu'il y ait communauté de pensée, de plus je n'ai pas écrit "c'est le premier à avoir dit" n'est ce pas!
Que le suspect ressemble au portrait robot de l'assassin ne suffit pas à le faire condamner. Juste à ouvrir une enquête.
baptiste a écrit:Si tu as des éléments objectifs qui montreraient cette filiation...fait nous les connaître.
https://www.cairn.info/revue-bulletin-d-histoire-et-d-epistemologie-des-sciences-de-la-vie-2013-2-page-171.htm
baptiste a écrit:Ceci étant dit, quelle importance doit t-on apporter à ta remarque? Qu'est ce que cela change au déroulé de la discussion actuelle?
Tout. Déjà, les religions du Livre ont toujours eu, dans leur arsenal conceptuel, la notion, certes mythique et fantasmée, mais extrêmement significative, de Chute (cf. Pascal, tiens justement) comme objection possible à l'idée d'humanisation comme progrès nécessaire de l'humanité vers un mieux. De très nombreux écrivains, dont Dostoïevski dans les Frères Karamazov ou Camus, dans le Mythe de Sisyphe ont mis en scène cette idée. Pour ne rien dire de Barbusse, Céline, Cendrars, Chevallier, Dorgelès, Genevoix, Giono, Guilloux, Jünger, Proust, Remarque, Wittgenstein, Woolf, Styron, Levi, Rousset, Grossmann, Wiesel et, d'une manière générale, tous ceux qui ont écrit sur l'une des deux guerres mondiales et/ou sur la Shoah.
L'idée d'"humanisation" est une abstraction métaphysique occidentale (une de plus !) que l'Inde ou la Chine, pour ne prendre que ces deux exemples, ne connaissent pas. Chez eux, il est question, non d'humanisation mais d'humanité, non d'un progrès mais de la situation de l'espèce humaine dans le flux continu du changement universel.
Dernière édition par Zhongguoren le Mer 28 Sep 2022 - 9:30, édité 1 fois
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Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Je reviens à la définition de l’humanité selon Spinoza :
Agir humainement vis-à-vis des autres hommes, être véritablement humain, c’est, tout simplement, être affable.
On est loin des grands discours sur l’homme et je parlerais même, ici, d’une « banalité du bien ».
Être affable, porter une attention bienveillante à l’autre, se décentrer de soi-même et ne plus souffrir d’« égobésité », comment est-ce possible ?
Une condition nécessaire me paraît être d’éprouver un sentiment de sécurité intérieure.
A mon sens, c’est le but de l’éducation de donner à l’enfant un sentiment de sécurité intérieure et l’on voit, dans les cours d’assises, que beaucoup de criminels ont souffert des carences des parents qui n’ont pas réussi à développer suffisamment ce sentiment chez eux.
C’est également le but des religions et des spiritualités que de donner aux suivants de ces voies la sécurité intérieure qui les rendra capables d’être plus affables, c’est-à-dire véritablement humains.
L’humanisation de l’homme, puisque c’est le sujet de ce fil, empruntera donc, même si ce n’est pas exclusif, la voie des spiritualités que l’on jugera à leur capacité de rendre les hommes plus humains.
Spinoza a écrit:Humanitas seu modestia est cupiditas ea faciendi, quae hominibus placent, et omittendi, quae displicent.
« L’humanité ou modération est le désir de faire ce qui plaît aux hommes et de ne pas faire ce qui leur déplaît »
Agir humainement vis-à-vis des autres hommes, être véritablement humain, c’est, tout simplement, être affable.
On est loin des grands discours sur l’homme et je parlerais même, ici, d’une « banalité du bien ».
Être affable, porter une attention bienveillante à l’autre, se décentrer de soi-même et ne plus souffrir d’« égobésité », comment est-ce possible ?
Une condition nécessaire me paraît être d’éprouver un sentiment de sécurité intérieure.
A mon sens, c’est le but de l’éducation de donner à l’enfant un sentiment de sécurité intérieure et l’on voit, dans les cours d’assises, que beaucoup de criminels ont souffert des carences des parents qui n’ont pas réussi à développer suffisamment ce sentiment chez eux.
C’est également le but des religions et des spiritualités que de donner aux suivants de ces voies la sécurité intérieure qui les rendra capables d’être plus affables, c’est-à-dire véritablement humains.
L’humanisation de l’homme, puisque c’est le sujet de ce fil, empruntera donc, même si ce n’est pas exclusif, la voie des spiritualités que l’on jugera à leur capacité de rendre les hommes plus humains.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Vanleers a écrit:C’est également le but des religions et des spiritualités que de donner aux suivants de ces voies la sécurité intérieure qui les rendra capables d’être plus affables, c’est-à-dire véritablement humains.
L’humanisation de l’homme, puisque c’est le sujet de ce fil, empruntera donc, même si ce n’est pas exclusif, la voie des spiritualités que l’on jugera à leur capacité de rendre les hommes plus humains.
Il n'y a pas d'eschatologie des religions. Les religions ne visent à rien. Elles sont le reflet des hommes et de leur temps.
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Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
(
Je m'autorise une petite digression ! Pendant des siècles, on s'est demandé d'où venaient les peuples romanis : la génétique a tranché, du Nord de l'Inde. Mais pourquoi donc quitter à ce point sa propre culture ? Parce que celle-ci, via le brahmanisme, vous a concocté une condition sociale parfaitement inhumaine, celle de parias, d'intouchables. Quand la vie chez soi est tellement dure qu'on taille la route.
)
Zhongguoren a écrit:
L'idée d'"humanisation" est une abstraction métaphysique occidentale (une de plus !) que l'Inde ou la Chine, pour ne prendre que ces deux exemples, ne connaissent pas. Chez eux, il est question, non d'humanisation mais d'humanité, non d'un progrès mais de la situation de l'espèce humaine dans le flux continu du changement universel.
Je m'autorise une petite digression ! Pendant des siècles, on s'est demandé d'où venaient les peuples romanis : la génétique a tranché, du Nord de l'Inde. Mais pourquoi donc quitter à ce point sa propre culture ? Parce que celle-ci, via le brahmanisme, vous a concocté une condition sociale parfaitement inhumaine, celle de parias, d'intouchables. Quand la vie chez soi est tellement dure qu'on taille la route.
)
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
neopilina a écrit:(Zhongguoren a écrit:
L'idée d'"humanisation" est une abstraction métaphysique occidentale (une de plus !) que l'Inde ou la Chine, pour ne prendre que ces deux exemples, ne connaissent pas. Chez eux, il est question, non d'humanisation mais d'humanité, non d'un progrès mais de la situation de l'espèce humaine dans le flux continu du changement universel.
Je m'autorise une petite digression ! Pendant des siècles, on s'est demandé d'où venaient les peuples romanis : la génétique a tranché, du Nord de l'Inde. Mais pourquoi donc quitter à ce point sa propre culture ? Parce que celle-ci, via le brahmanisme, vous a concocté une condition sociale parfaitement inhumaine, celle de parias, d'intouchables. Quand la vie chez soi est tellement dure qu'on taille la route.
)
Emigrer ne consiste pas à quitter une culture (ça, c'est le discours favori des neo-cons américains : "franchement, vous n'avez pas honte d'abandonner ce qui constitue votre identité ?" sous-entendu "croupissez dans votre marigot et ne venez pas polluer notre beau pays !") mais à fuir une contrée incompatible avec la continuation de la vie. C'est ce qu'ont fait les Juifs hors d'Egypte (et autres lieux de persécution), les Irlandais hors d'Irlande, les Arméniens hors d'Arménie, les Russes (blancs) hors de Russie, les Palestiniens hors de Palestine, les Rwandais (Tutsis) hors du Rwanda, les Erythréens hors d'Erythrée, les Syriens hors de Syrie, les Ukrainiens hors d'Ukraine, etc. Depuis la nuit des temps, l'histoire de l'humanité est marquée par des flux migratoires incessants. C'est que les populations humaines, comme toutes les populations vivantes, ont banalement tendance à fuir des biotopes qui leur sont nuisibles pour en investir d'autres qu'ils présument plus favorables et les féconder de leur présence et de leurs particularités tant ethniques que culturelles. Dites-moi en quoi l'"humanisation" de l'humanité va changer quoi que ce soit à cet état de fait.
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
Zhongguoren a écrit:Emigrer ne consiste pas à quitter une culture (ça, c'est le discours favori des neo-cons américains : "franchement, vous n'avez pas honte d'abandonner ce qui constitue votre identité" ?) mais à fuir une contrée incompatible avec la continuation de la vie. C'est ce qu'ont fait les Juifs hors d'Egypte (et autres lieux de persécution), les Irlandais hors d'Irlande, les Russes hors de Russie, les Palestiniens hors de Palestine, les Erythréens hors d'Erythrée, les Syriens hors de Syrie, les Ukrainiens hors d'Ukraine, etc. Depuis la nuit des temps, l'histoire de l'humanité est marquée par des flux migratoires incessants. C'est que les populations humaines, comme toutes les populations vivantes, ont banalement tendance à fuir des biotopes qui leur sont nuisibles pour en investir d'autres qu'ils présument plus favorables et les féconder de leur présence et de leurs particularités tant ethniques que culturelles. Dites-moi en quoi l'"humanisation" de l'humanité va changer quoi que ce soit à cet état de fait.
- 1, en passant, à moi, à qui on a demandé de décrire le plus précisément qui soit certains biotopes (lors des inventaires botaniques, je déprimais, pour la faune, je renaissais, chacun son truc), je récuse ton usage de ce terme, à la limite, vaguement métaphorique.
- 2, dans tous les exemples que tu as cité, d'où qu'il vienne, c'est bien un manque d'humanité insupportable qui a motivé ces gens, on est complétement dans le cadre du fil.
- 3, aucun des exemples que tu fournis ne peux être comparé à celui de l'Inde. Une culture, une métaphysique, une religion, une nation, etc., qui réservent un tel sort à une part importante de sa propre population. A ce titre, l'Inde pouvait et devait être montrée du doigt. Les peuples romanis ont bien quitté leur culture en tant que telle et ce à cause de celle-ci. La génétique date les plus anciens départs au V° après J.C. Ensuite, pour les suivre, c'est un travail de bénédictins, c'est plus ou moins continu, avec des grosses vagues notoires, régulières, dont certaines très anciennes, et puis des péripéties, en Europe orientale et centrale, de grands groupes s'installent, et puis, après plusieurs générations, où ils ont beaucoup empruntés aux locaux, ils sont de nouveaux chassés, la Guerre de Trente Ans occasionne d'importants redéplacements, etc., que ça soit au X°, XI°, XII°, siècle, ou pendant la Guerre de Trente Ans, ces nouveaux déplacements se font vers l'Ouest. A l'échelle de l'histoire, ils arrivent assez tardivement en Europe occidentale. Louis XIV avait réglé le problème manu militari : tous les individus mâles aux galères.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: L'humanisation de l'homme
neopilina a écrit:Zhongguoren a écrit:Emigrer ne consiste pas à quitter une culture (ça, c'est le discours favori des neo-cons américains : "franchement, vous n'avez pas honte d'abandonner ce qui constitue votre identité" ?) mais à fuir une contrée incompatible avec la continuation de la vie. C'est ce qu'ont fait les Juifs hors d'Egypte (et autres lieux de persécution), les Irlandais hors d'Irlande, les Russes hors de Russie, les Palestiniens hors de Palestine, les Erythréens hors d'Erythrée, les Syriens hors de Syrie, les Ukrainiens hors d'Ukraine, etc. Depuis la nuit des temps, l'histoire de l'humanité est marquée par des flux migratoires incessants. C'est que les populations humaines, comme toutes les populations vivantes, ont banalement tendance à fuir des biotopes qui leur sont nuisibles pour en investir d'autres qu'ils présument plus favorables et les féconder de leur présence et de leurs particularités tant ethniques que culturelles. Dites-moi en quoi l'"humanisation" de l'humanité va changer quoi que ce soit à cet état de fait.
- 1, en passant, à moi, à qui on a demandé de décrire le plus précisément qui soit certains biotopes (lors des inventaires botaniques, je déprimais, pour la faune, je renaissais, chacun son truc), je récuse ton usage de ce terme, à la limite, vaguement métaphorique.
- 2, dans tous les exemples que tu as cité, d'où qu'il vienne, c'est bien un manque d'humanité insupportable qui a motivé ces gens, on est complétement dans le cadre du fil.
- 3, aucun des exemples que tu fournis ne peux être comparé à celui de l'Inde. Une culture, une métaphysique, une religion, une nation, etc., qui réservent un tel sort à une part importante de sa propre population. A ce titre, l'Inde pouvait et devait être montrée du doigt. Les peuples romanis ont bien quitté leur culture en tant que telle et ce à cause de celle-ci. La génétique date les plus anciens départs au V° après J.C. Ensuite, pour les suivre, c'est un travail de bénédictins, c'est plus ou moins continu, avec des grosses vagues notoires, régulières, dont certaines très anciennes, et puis des péripéties, en Europe orientale et centrale, de grands groupes s'installent, et puis, après plusieurs générations, où ils ont beaucoup empruntés aux locaux, ils sont de nouveaux chassés, la Guerre de Trente Ans occasionne d'importants redéplacements, etc., que ça soit au X°, XI°, XII°, siècle, ou pendant la Guerre de Trente Ans, ces nouveaux déplacements se font vers l'Ouest. A l'échelle de l'histoire, ils arrivent assez tardivement en Europe occidentale. Louis XIV avait réglé le problème manu militari : tous les individus mâles aux galères.
Oui ... bon, c'est le discours moralisateur standard de la bonne conscience occidentale droit-de-l'hommiste dominatrice et sûre d'elle.
PS : oui, je sais, je fais un usage analytique du terme "biotope", tandis que le vôtre, forcément, est continental pur jus ... euh ... votre disque commence à être rayé.
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 23/06/2022
Re: L'humanisation de l'homme
Zgren a écrit:pour en investir d'autres qu'ils présument plus favorables
comme dirait ma boulangère
Ils vont vers des lieux présumés plus humanisés.
disons un peu moins inhumains
on n'a pas encore vu de coréens du sud fuir vers la Corée du Nord... ni de finlandais fuir vers la Russie
ça c'est factuel.
Ce n'est pas de la morale standard.
Votre "différentialisme culturel" vous bouche la vue sur le factuel.
hks- Digressi(f/ve)
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Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 04/10/2007
Re: L'humanisation de l'homme
Zhongguoren a écrit:PS : oui, je sais, je fais un usage analytique du terme "biotope", tandis que le vôtre, forcément, est continental pur jus ... euh ... votre disque commence à être rayé.
Non mais là, faut envisager un maraboutage, de la magie, et noire : ne pas avoir de bol à ce point, faut s'inquiéter. Biotope, biocénose et écosystème, c'est scientifique, pur sucre, et c'est tout.
____________________________________
P.S.
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C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: L'humanisation de l'homme
Sur le processus d'humanisation, il existe une hypothèse peu explorée:
L'adaptation évolutive, se sert en général de l'altérité génétique afin de s'adapter à une altérité conjoncturelle exogène. L'altérité génétique est autorisée par l'hybridation entre des sous espèces proches.
L'espèce humaine a perdu ce potentiel il y a peu (voir Hublin J J. l' humain une espece solitaire au collège de france).
Il me semble que l'altérité culturelle s'est substituée à l'altérité génétique pour palier à cette nécessité adaptative.
Le développement cognitif qui accompagne ce processus ne serait qu'un dégât collatéral du processus.
Lévi Strauss évoque ce processus ds "Race et Histoire", tout en niant absolument la corrélation entre l'évolution génétique et évolution culturelle.
L'adaptation évolutive, se sert en général de l'altérité génétique afin de s'adapter à une altérité conjoncturelle exogène. L'altérité génétique est autorisée par l'hybridation entre des sous espèces proches.
L'espèce humaine a perdu ce potentiel il y a peu (voir Hublin J J. l' humain une espece solitaire au collège de france).
Il me semble que l'altérité culturelle s'est substituée à l'altérité génétique pour palier à cette nécessité adaptative.
Le développement cognitif qui accompagne ce processus ne serait qu'un dégât collatéral du processus.
Lévi Strauss évoque ce processus ds "Race et Histoire", tout en niant absolument la corrélation entre l'évolution génétique et évolution culturelle.
Kercos- Digressi(f/ve)
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