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Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne

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Message par Zhongguoren Sam 23 Juil 2022 - 12:56

Vanleers a écrit:Il ne s’agit pas de cultiver la Voie, c’est-à-dire de tenir des discours mais de la suivre, de la pratiquer.
Il ne vient à personne l’idée, par exemple, que le psychanalyste, devrait se limiter à enseigner la pensée de Freud au patient.

L'analogie du Tao avec la psychanalyse est pertinente. Dans les deux cas, il s'agit en effet de lutter contre les fixations, les engorgements, les scléroses, en libérant la circulation des énergies entre les pôles opposés de la vie (joie/tristesse, santé/maladie, activité/repos, agressivité/bienveillance, etc.). Mais, justement, LA Voie de libération n'existe pas. Chacun des "dix-mille êtres" se voit désigner par le Sage sa propre Voie fonction des circonstances. De même qu'en psychanalyse LA thérapie n'existe pas mais toute cure est nécessairement personnalisée par le thérapeute. On est là diamétralement opposé à la formule de l'évangile de Jean selon laquelle le Christ serait "LE chemin, LA vérrité et LA vie".

Vanleers a écrit:Je rappelle, ici, l’extrait du § 2 du Tao Te King déjà cité :

Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole


(Duyvendak transporte la strophe au § 43 et traduit :

« C’est pourquoi le Saint se tient à la pratique du Non-agir, et professe un enseignement sans paroles »)

Le Saint n’est pas muet mais « professe un enseignement sans paroles ».

Il n'y a pas de "saint" dans la pensée chinoise (cf. supra).

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Message par Vanleers Sam 23 Juil 2022 - 17:19

Le parallèle que Claude Larre établit entre le suivant de la Voie et le suivant de l’Esprit Saint a un écho significatif dans la spiritualité ignatienne (c’est normal : C. Larre était un jésuite).
Cette spiritualité se fonde, au plan pratique, sur le discernement des esprits et, au plan « théorique », sur la thèse que Dieu veut le bonheur de l’homme :  « présupposé de base du discernement » (Adrien Demoustier – op. cit. p. 69).
Cette spiritualité s’appuie sur Jésus-Christ – voir plus loin.

Dans son commentaire du § 34 35 :

Claude Larre a écrit:Au-dessus de tous et au plus profond des êtres se tiennent la Voie et sa Vertu. Par cette habitation essentielle, elles meuvent vers elles ceux qu’elles possèdent.
Les notions très occidentales de transcendance et d’immanence sont familières à l’esprit taoïste. Il comprend, sans s’en étonner, que ce qui est au-dessus de tout soit aussi plus intime que lui-même à chacun des êtres.
« Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif » [Jean 4, 14]

Certes, le Tao Te King, ce n’est pas l’Évangile et C. Larre le souligne dans son commentaire du § 44 :

Claude Larre a écrit:La vie spirituelle est toujours, comparée à la vie des sens, une partie de qui perd gagne. L’extériorité assaille le principe intérieur de la vie authentique.
Les principes de la vie spirituelle chrétienne sont semblables. Mais, en raison de la révélation de Dieu en Jésus-Christ, tout l’effort spirituel s’appuie sur Jésus-Christ, est uni à celui de Jésus-Christ, s’identifie à celui de Jésus-Christ et est finalisé pour aboutir à une incorporation totale à Jésus-Christ. Ceci entendu, les aspects humains de l’ascèse et de la mystique sont si proches qu’on pourra trouver bien des formulations semblables dans le Lao Tseu et dans le Nouveau Testament.
Le Taoïsme ignore le salut en Jésus-Christ, il ne le contredit nulle part.

C. Larre, dans ce passage, insiste sur l’importance de Jésus-Christ dans la spiritualité chrétienne.
L’ascèse ignatienne (du grec askêsis, « exercice ») propose essentiellement à l’exercitant, mais aussi à tout homme, croyant ou pas, de discerner les esprits qui le meuvent (le bon et le mauvais) afin qu’il trouve son propre chemin de vie, celui que lui « souffle », à ce moment, le bon esprit, l’Esprit Saint.
Le chrétien pose que l’Esprit Saint est l’esprit qui animait Jésus de façon essentielle, aussi trouve-t-on dans l’évangile de Jean 14, 6, cette parole qui lui est attribuée :

« Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. »

Venir au Père, c’est venir à la Vie (Zôê), à la Source, à la Voie, être pleinement vivant.

EDIT :c’est le commentaire du § 35 et non du § 34 que je cite.


Dernière édition par Vanleers le Sam 23 Juil 2022 - 20:58, édité 1 fois

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Message par Zhongguoren Sam 23 Juil 2022 - 18:28

Claude Larre a écrit:Au-dessus de tous et au plus profond des êtres se tiennent la Voie et sa Vertu. Par cette habitation essentielle, elles meuvent vers elles ceux qu’elles possèdent.
Les notions très occidentales de transcendance et d’immanence sont familières à l’esprit taoïste.

Il n'y a pas, dans la langue, donc dans la pensée chinoise, les notions d'immanence versus transcendance, donc pas de métaphysique et, en particulier, pas de théologie.

Cf. la traduction d'Arthur Waley du ch. 34 du Tao Te King

Waley a écrit: Great Tao is like a boat that drifts;
It can go this way; it can go that.
The ten thousand creatures owe their existence to it and it does not disown them;
Yet having produced them, it does not take possession of them.
Makes no claim to be master over them,
(And asks for nothing from them.)

Therefore it may be called the Lowly.
The ten thousand creatures obey it,
Though they know not that they have a master;
Therefore it is called the Great.
So too the Sage just because he never at any time makes a show of greatness in fact achieves greatness.
(souligné par moi)

Belle métaphore que celle du bateau à la dérive, qui contredit absolument l'idée d'un chemin pré-tracé. Les Jésuites, en revanche, n'ont trouvé dans le taoïsme rien de plus que ce qu'ils y ont introduit, en l'occurrence, leurs propres dogmes.

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Message par hks Sam 23 Juil 2022 - 22:49

https://www.persee.fr/docAsPDF/oroc_0754-5010_1985_num_6_6_917.pdf

Texte de Leon Vandermeersch

Le texte traite du confusianime et puis, par probité intellectuelle,
du moïsme

Leon Vandermeersh a écrit:Mais alors, si tel est le moïsme, ne voilà-t-il pas au moins
un fait démentant que le discours théologique soit resté étranger
à la tradition chinoise ?
Question ?
S'en suit l'historique  du moïsme

J'en arrive à la fin de l'article

Leon V a écrit:Cependant, le renouveau
confucianiste fait progressivement perdre le souffle, après les Tang,
à la spéculation savante hétérodoxe. Les deux religions taoîque
et bouddhique
, confortées au cours d'une longue période de
prospérité, resteront néanmoins très vivantes au niveau des pratiques
populaires, et même imprégneront de leur marque le neoconfucianisme, en communiquant à celui-ci une dimension
métaphysique qu'avait complètement ignoré le confucianisme ancien.


lien  https://fr.wikipedia.org/wiki/Mozi

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Message par Zhongguoren Dim 24 Juil 2022 - 8:51

hks a écrit:https://www.persee.fr/docAsPDF/oroc_0754-5010_1985_num_6_6_917.pdf

Texte de Leon Vandermeersch

Le texte traite du confucianisme et puis, par probité intellectuelle,
du moïsme

Merci pour cette référence à l'un des grands sinologues français du XX° siècle qui, comme de nombreux autres, n'a eu de cesse de combattre l'influence désastreuse que l'ethno-centrisme occidental et, tout particulièrement, la dogmatique chrétienne (des premiers franciscains au XIII° siècle aux Jésuites modernes) ont malheureusement imposée à la sinologie, au point même de retarder jusqu'à la fin du XX° siècle (1979) l'adoption d'une méthode internationale de translittération de la langue chinoise (le pinyin).

Marc Lebranchu a écrit:Ces lectures européocentrées du taoïsme se sont faites au prisme et au fil des débats et du rapport au religieux en Occident. Les Jésuites instrumentalisent les religions chinoises dans un cadre apologétique : il leur faut justifier leur méthode d’évangélisation et se défendre dans la Querelle des rites. Les Protestants s’inscrivent dans cette lecture chrétienne mais y ajoutent deux dimensions spécifiques : une vision individualiste anticatholique et anticléricale. A l’instar du catholicisme, le taoïsme devient alors, sous l’autorité de son Pape, le Maître céleste, un exemple de dévoiement clérical. Et la primauté accordée aux textes : le Dàodéjīng devient donc la Bible du taoïsme, ouvrage canonique fondateur qui reflète la pureté initiale de sa philosophie. [...]
Ces textes deviennent objets de science pour l’Occident qui les classe, les compare et les évalue, le plus souvent détachés de leurs contextes, à l’aulne de ses propres catégories : philosophie, sagesse, religion, superstition, théisme, athéisme, panthéisme, nihilisme, rationalisme, matérialisme, ou des interrogations théologiques chrétiennes : et Dieu dans tout ça ! quel principe premier, quel ouvrage fondateur, quelle eschatologie, quelle sotériologie ? [...]
En quatre siècles de réceptions européennes, de Matteo Ricci [missionaire jésuite] à Karine Martin [blogueuse de langue française], le taoïsme chinois est donc passé en Occident de l’ignorance à l’attrait, du mépris à l’intérêt, de la condamnation à la fascination et dans certains cas à l’adhésion, mais aussi du statut de superstition diabolique, objet de curiosité exotique, à celui de boîte à outils, ressources conceptuelles et pratiques, mobilisables à peu de frais par des Occidentaux en quête de bien-être et de santé, de développement de soi et de réalisation spirituelle. Il y a gagné une dénomination occidentale univoque et des adeptes, une connaissance savante et des représentations populaires qui en font un symbole de LA spiritualité chinoise. (in les Fabriques du Taoïsme en Occident, thèse de III° cycle, pp. 622-625)

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Message par Vanleers Dim 24 Juil 2022 - 9:38

Zhongguoren a écrit:
Belle métaphore que celle du bateau à la dérive, qui contredit absolument l'idée d'un chemin pré-tracé. Les Jésuites, en revanche, n'ont trouvé dans le taoïsme rien de plus que ce qu'ils y ont introduit, en l'occurrence, leurs propres dogmes.

Claude Larre traduit le début du § 44 du Tao Te King :

La Grand Voie c’est l’inondation
Droite ou gauche peu lui importe


Stanislas Julien traduit :

Le Tao s’étend partout ; il peut aller à gauche comme à droite

En note :

Stanislas Julien a écrit:Le mot fan 汎 (littéral. « flotter » ) veut dire ici que le Tao coule (s’étend) partout sans être arrêté par aucun obstacle.
Le commentateur C a pris de même le mot fan 汎 dans le sens de fan-lan 汎泛 « inundare. » Le Tao déborde partout, il n’y a pas de lieu où il n’arrive. B : Il coule partout, dans le ciel et la terre et dans le sein des dix mille êtres ; il est à droite, il est à gauche ; il n’a point de corps, point de nom déterminés.

https://fr.wikisource.org/wiki/Tao_Te_King_(Stanislas_Julien)/Texte_entier

On pense ici à la surabondance de Dieu dans l’Évangile

évangile de Matthieu (5, 45) a écrit:afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.

ou encore, dans L’Abandon à la Providence divine :

auteur inconnu a écrit:L’action divine inonde l’univers, elle pénètre toutes les créatures, elle les surnage. Partout où elles sont, elle y est. Elle les devance, elle les accompagne, elle les suit. Il n’y a qu’à se laisser emporter à ses ondes. (p. 37)

La spiritualité ignatienne se caractérise par son optimisme et sa largeur de vues.
Sa boussole est la consolation divine comme la beatitudo (animi acquiescentia) est celle de Spinoza.
Les jésuites sont des champions de l’inculturation et Matteo Ricci, jésuite missionnaire envoyé en Chine en est un exemple éminent, cf. « La méthode Ricci » en :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Matteo_Ricci

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Message par Zhongguoren Dim 24 Juil 2022 - 15:33

Vanleers a écrit:On pense ici à la surabondance de Dieu dans l'Évangile [...] ou encore, dans L’Abandon à la Providence divine
.

Sauf que la "surabondance" en question est celle de la Grâce de Dieu. Or il n'y a, dans la pensée chinoise, pas plus de notions de "grâce" que de "providence" (divines). Même en s'obstinant à traduire par "Dieu" ce que les Chinois désignent par "la Voie" ou "le Ciel", pour autant l'influence qui en émanerait ne serait nullement, pour parler comme Spinoza, transitive mais immanente aux dix-mille êtres.

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Message par Vanleers Dim 24 Juil 2022 - 16:56

La comparaison de Claude Larre : La Grand Voie c’est l’inondation (cf. mon post précédent) évoque pour moi La crue d’Automne, extrait du ch. 17 du Tchouang Tseu et cité dans Le sens du Tao – éditions Le Mail 1985, ouvrage collectif.
Le texte est rapporté avec les notes suivantes :
(1) d’après la traduction de Léon Wieger. Les Belles Lettres 1950
(2) Dans ce conte, le Génie de la mer est taoïste. Le Génie du fleuve est confucéiste, et va être converti au taoïsme.

Tchouang Tseu a écrit:C’était le temps de la crue d’Automne. Cent rivières gonflées déversaient leurs eaux dans le Fleuve Jaune, dont le lit s’était tellement élargi que, d’un bord à l’autre, on ne pouvait pas distinguer un bœuf d’un cheval.
Cette vue mit en joie le Génie du Fleuve, qui se dit qu’il n’y avait au monde rien de mieux que son domaine. Suivant le flot, il descendit jusqu’à la mer du Nord. A la vue de ses eaux, qui s’étendaient vers l’Est sans limites, il constata qu’il y avait mieux que son domaine, et dit en soupirant au Génie de la mer : « L’adage " qui sait peu, se croit grand ", s’applique à ma personne. J’ai bien ouï dire qu’il y avait mieux que Confucius et ses héros, mais je ne l’ai pas cru. Maintenant que j’ai vu l’étendue de votre empire ; je commence à croire aussi que votre doctrine est supérieure à celle de Confucius. J’ai bien fait de venir me faire instruire, autrement les vrais savants auraient fini par rire de moi. »
– « Soyez le bienvenu, dit le Génie de la mer. Oui, la grenouille qui vit au fond d’un puits, n’a pas l’idée de ce que peut être la mer ; elle ne connaît que son trou. L’éphémère éclos et mort en été, ne sait pas ce que c’est que la glace ; il n’a connu qu’une saison. Un lettré borné comme Confucius, ne sait rien de la science supérieure du Tao, abruti qu’il est par les préjugés de sa caste. Sorti de votre lit étroit, vous avez vu l’océan sans limites. Convaincu maintenant de votre imperfection, vous êtes devenu capable de la science supérieure. Écoutez donc !... »

Comme le Génie de la mer, le Génie du christianisme annonce qu’il y a autre chose que vivre au fond d’un puits sans avoir l’idée de ce que peut être une plénitude de vie.
C’est ça la Bonne Nouvelle (euangelion), le salut :

Michel Maret a écrit:Le terme sôteria grec ne signifie pas seulement le contraire de la perdition. Le terme contient une certaine idée de perfection, de plénitude: le salut, c’est l’intégrité, la santé parfaite du corps et de l’âme, l’immunité de tout défaut et de toute maladie. Le salut, c’est donc la plénitude de vie. Jésus a dit: «Je suis venu pour que vous ayez la vie, et que vous l’ayez en abondance» (Jn 10, 10). Le salut, c’est donc cette vie en abondance que Jésus veut nous donner.

https://cenaclesauges.files.wordpress.com/2020/10/25lavieeternelle.pdf

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Message par Zhongguoren Lun 25 Juil 2022 - 9:25

Vanleers a écrit:Le texte est rapporté avec les notes suivantes :
(1) d’après la traduction de Léon Wieger. Les Belles Lettres 1950
(2) Dans ce conte, le Génie de la mer est taoïste. Le Génie du fleuve est confucéiste, et va être converti au taoïsme.  

1) ... encore un Jésuite !
2) il n'y a pas plus, dans le taoïsme, de notion de "conversion" que de prosélytisme, de guerre sainte ou de casuistique.

Le seul "commandement" (d'ailleurs implicite) du Tao, c'est, à l'opposé des trois monothéismes, 要养生 (yào yǎng shēng, "il faut nourrir ta vie"). Il s'agit donc toujours d'oeuvrer   ad majorem vitae (non Dei) gloriam !

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Message par Vanleers Lun 25 Juil 2022 - 12:09

J’ai déjà donné, plusieurs fois sur un autre fil (L’Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne) des extraits de  Ressources du christianisme Mais sans y entrer par la foi - L’Herne 2018, dans lequel François Jullien étudie les textes de Saint Jean.
J’en donne un nouvel extrait, en rapport avec le sujet du fil :

François Jullien a écrit:[…] la pensée chinoise dont l’un des principaux enjeux est de penser comment « nourrir [sa] vie » (yang sheng). Car nourrir la vie, tel que le comprennent les Chinois, n’est pas nourrir restrictivement son « corps », ni non plus ce qui serait son « âme », au sens figuré et métaphorique de ce « nourrir », mais nourrir son potentiel vital, c’est-à-dire, de façon plus essentielle ou plutôt quintessentielle, son souffle et sa capacité d’énergie (yang qi). S’y défait ainsi, d’emblée, le dualisme de l’âme et du corps auquel on en veut tant aujourd’hui […]. Or l’intérêt justement de Jean est que, en écartant de l’être-en-vie (de la psuchè) l’originairement, absolument vivant (de la zôê), il peut éviter, en se tenant ainsi dans la seule pensée de la vie, de se laisser prendre au piège de ce vieux dualisme – de l’« âme » et du « corps » – dans lequel est tombé le christianisme platonisé […]. Par là Jean peut-il redonner une tenue et une intelligence à la question, tendue entre le vital et l’idéal, de penser comment promouvoir en soi la vie – « vie » qui, pour n’être plus proprement biologique, n’en est pas davantage, au figuré, métaphorique, mais serait la vie même en tant que vie. (pp. 59-60)

Comme l’écrit Michel Maret (cf. mon post précédent), le seul but de l’Évangile est de promouvoir en l’homme la vraie vie, la vie absolument vivante (zôê).
J’y reviendrai.

PS : A Zhongguoren

Je lis, après coup, la dernière version de votre post.
Compte tenu de ce qui précède, le jésuite Claude Larre aurait très bien pu prendre comme devise : Ad majorem vitae gloriam.
La pasteure protestante et théologienne  Lytta Basset propose d’autres noms pour le Dieu de la Bible : la Source, le Vivant, etc. (La Source que je cherche)
Par ailleurs Bruno Giuliani a traduit l’Ethique en remplaçant Dieu par Vie, en s’autorisant de Spinoza :

Bruno Giuliani a écrit: Cette appellation de Dieu-nature comme « vie » pourra paraître abusive à certains mais elle a été approuvée par Spinoza lui-même dans ses Pensées métaphysiques : « Nous entendons donc par “ vie ” la force par laquelle les choses persévèrent dans leur être et, comme cette force est distincte des choses elles-mêmes, nous disons à juste titre que les choses elles-mêmes ont la vie. Mais la force par laquelle Dieu persévère dans son être n’est rien d’autre que son essence : ceux-là parlent donc très bien, qui appellent Dieu “ la vie ” » (Pensées Métaphysiques II 6)

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Message par Zhongguoren Lun 25 Juil 2022 - 16:29

Vanleers a écrit:J’ai déjà donné, plusieurs fois sur un autre fil (L’Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne) des extraits de  Ressources du christianisme Mais sans y entrer par la foi - L’Herne 2018, dans lequel François Jullien étudie les textes de Saint Jean.
J’en donne un nouvel extrait, en rapport avec le sujet du fil :

François Jullien a écrit:[…] la pensée chinoise dont l’un des principaux enjeux est de penser comment « nourrir [sa] vie » (yang sheng). Car nourrir la vie, tel que le comprennent les Chinois, n’est pas nourrir restrictivement son « corps », ni non plus ce qui serait son « âme », au sens figuré et métaphorique de ce « nourrir », mais nourrir son potentiel vital, c’est-à-dire, de façon plus essentielle ou plutôt quintessentielle, son souffle et sa capacité d’énergie (yang qi). S’y défait ainsi, d’emblée, le dualisme de l’âme et du corps auquel on en veut tant aujourd’hui […]. Or l’intérêt justement de Jean est que, en écartant de l’être-en-vie (de la psuchè) l’originairement, absolument vivant (de la zôê), il peut éviter, en se tenant ainsi dans la seule pensée de la vie, de se laisser prendre au piège de ce vieux dualisme – de l’« âme » et du « corps » – dans lequel est tombé le christianisme platonisé […]. Par là Jean peut-il redonner une tenue et une intelligence à la question, tendue entre le vital et l’idéal, de penser comment promouvoir en soi la vie – « vie » qui, pour n’être plus proprement biologique, n’en est pas davantage, au figuré, métaphorique, mais serait la vie même en tant que vie. (pp. 59-60)

Je reviens incessamment sur la notion de "vie" chez les Chinois. Cela nécessite un long développement.

Vanleers a écrit:La pasteure protestante et théologienne  Lytta Basset propose d’autres noms pour le Dieu de la Bible : la Source, le Vivant, etc. (La Source que je cherche).
Par ailleurs Bruno Giuliani a traduit l’Ethique en remplaçant Dieu par Vie, en s’autorisant de Spinoza


Problème de logique élémentaire. Tous les noms que l'on inventera pour dire "Dieu" sont et seront à jamais des noms DE Dieu. Chez les Musulmans, العزيز Al-‘Aziz est l'une des 99 dénominations pour "Dieu". Il reste que, lorsqu'une femme appelle son chéri العزيز, littéralement "chéri", elle ne le confond pas avec Dieu ! Que B, C, D, etc. soient des dénominations (on pourrait dire "des surnoms" ou "des pseudonymes") pour X ne rend pas A, B,C,D, ... X synonymes pour autant. Bref, accolez autant d'étiquettes que vous voudrez à Dieu, Dieu EST Dieu (comme le disent encore les Musulmans).

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Message par Vanleers Mer 27 Juil 2022 - 9:54

Afin de revenir à l’article de Michel Maret : La vie éternelle est au dedans de vous, signalé dans un post antérieur, je donne un extrait de Le vrai classique du vide parfait – traduit par Benedykt Grynpas, Gallimard/UNESCO 1961.

Lie-tseu a écrit:Yang Tchou dit : « La longévité a pour limite cent ans. Pas un entre mille qui y atteigne. Admettons pourtant qu’un homme y soit parvenu. Le temps de l’enfance qu’il faut protéger, le temps de la vieillesse confuse et impotente qu’il faut aider occupent la moitié des cent ans de vie. La nuit passée en sommeil, le temps de veille qui s’écoule inutilement, prennent une nouvelle moitié. La souffrance et les maladies, les deuils et les chagrins, les pertes et les échecs, la tristesse et les soucis enlèvent une partie de ce qui reste. Et le laps d’une dizaine d’années qui reste, et au cours duquel on devrait pouvoir jouir de la vie librement, si on compte le temps pur de tout souci, il se réduit finalement à un espace d’une heure.
Que reste-t-il de la vie d’un homme ? Hélas ! Où est ma joie ? » (pp. 146-147)

Le chrétien fait le même constat que Yang Tchou : aussi loin qu’il remonte, il réalise qu’il n’a pas vraiment vécu, vécu d’une vraie vie, ou si peu.
Mais, ayant pris conscience de cette médiocre non-vie, il a réalisé, en même temps, qu’une plénitude de vie, un salut lui était offert.

Michel Maret a écrit:Le salut, c’est l’être humain vivant pleinement de la vie de Dieu, l’homme parfaite image et ressemblance de Dieu, l’être humain pleinement en communion avec ses frères et sœurs et avec Dieu.

etc. etc.

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Message par Zhongguoren Jeu 28 Juil 2022 - 7:35

Vanleers a écrit:Le chrétien fait le même constat que Yang Tchou : aussi loin qu’il remonte, il réalise qu’il n’a pas vraiment vécu, vécu d’une vraie vie, ou si peu.
Mais, ayant pris conscience de cette médiocre non-vie, il a réalisé, en même temps, qu’une plénitude de vie, un salut lui était offert.

Bref, le (la) chrétien (-ne) serait tiraillé(e) entre une vie réelle réputée (par la théologie) n'avoir pas de valeur et une vie pleinement heureuse mais fantasmée (par la théologie) ! D'où la névrose obsessionnelle dont parle Freud.

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Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne - Page 3 Empty Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne

Message par Vanleers Jeu 28 Juil 2022 - 12:39

Avant de poursuivre, je donne des extraits de  Ressources du christianisme Mais sans y entrer par la foi - L’Herne 2018, de François Jullien.
Ces extraits, déjà cités pour la plupart mais regroupés et complétés, constituent le début du chapitre Qu’est-ce qu’être vivant ?
F. Jullien y définit ce qu’il faut entendre par « vie » dans l’évangile de Jean et, à travers lui, dans l’Évangile.

François Jullien a écrit:
Que l’événementiel se révèle en vie, ou que la possibilité de l’évènement soit – à travers la médiation du « Christ » – ce dont résulte la vie, place la vie au cœur de la réflexion de Jean, de même que cela en constitue, d’un bout à l’autre, la perspective. La vie est bien au départ de sa pensée (au début du prologue). L’événement en tant qu’avènement est vie. Car la vie est l’évènement constamment nouveau dont est gros le devenir quand celui-ci n’est plus pensé, sur le mode grec, en perte d’Être et, traversé par le non-être, voué à l’inconsistance. Elle en est aussi l’aboutissement et constitue le dernier mot : « pour que vous veniez à croire que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, et que, croyant, vous possédiez la vie en son nom » (Jean 20, la suite du texte étant tenue pour un ajout). La vie est légitimement le dernier mot de la pensée de Jean dès lors que, s’il faut avoir la foi, c’est pour « avoir en soi la vie ». Car avoir en soi la vie est ce qui définit Dieu même, aussi bien que son Fils, et les lie l’un à l’autre : « Comme le Père a en soi la vie, de même il donne au Fils d’avoir en soi la vie » (Jean 5). L’un et l’autre « font [rendent] vivant » (zôopoiein) ; et c’est là, de même, le seul but donné, en destination, aux hommes : « afin que vous ayez en vous la vie ». La vie n’est pas seulement condition, en effet, celle d’être en vie ; mais elle constitue l’absolue valeur. Il n’y a rien, constate en effet Jean, au-delà de la vie ; ou rien ne peut renvoyer à rien d’autre qu’elle. Tout prend sens en rapport à la vie, mais la vie ne prend sens qu’en rapport à elle-même. Quelle distinction faire, dès lors, entre ce minimal être en vie et avoir en soi la vie ? C’est-à-dire quelle séparation introduire dans ce terme le plus élémentaire, dans ce terme de « vie », pour que, de condition, il puisse s’élever en vocation, et même en vocation dernière ?
Les Grecs avaient déjà distingué deux sens de « vie » auxquels ils ont donné deux noms différents. d’une part, la vie qualifiée( la vie « bonne »), la vie éthique et politique, celle qui se promeut dans le cadre de la Cité et qui peut donner à choisir entre divers types de vie, la vie qu’ils ont appelée bios. D’autre part, la vie en tant simplement qu’être en vie, celle qui fait de nous (du Dieu d’Aristote également) des vivants (la vie qu’ils ont appelée zôê). Or l’Évangile ne prend pas en compte la vie éthiquement et politiquement qualifiée (en tant que bios) et envisage d’un autre point de vue la séparation à introduire au sein de la vie pour pouvoir penser la vie, à quoi tient sa nouveauté. Jean distingue, d’une part, la vie en tant simplement qu’être en vie, être animé, parce que gardant en soi le souffle vital : ce qu’il appelle psuché (en rapport avec le nephesh hébreu ; mais dans Homère aussi, les guerriers qui meurent sous les murs de Troie laissent échapper leur psuché, qui est leur souffle vital). De l’autre, Jean nomme vie, zôê, le fait d’avoir en soi la vie dans sa plénitude. La distinction en est faite au milieu de son Évangile (10, 10-11) ; elle en est le cœur.
Car, d’une part, le bon berger « dépose sa vie » (sacrifie sa vie) pour ses brebis, psuché, il est prêt à mourir pour elles. Mais, de l’autre, s’il le fait, c’est « pour que » les autres, ses brebis, « aient la vie [qu’il nomme alors zôê] et même qu’’ils l’aient en surabondance ». « En surabondance » plutôt qu’en abondance ( la traduction ordinaire, perisson disant, de même que dans Paul, le dépassement de la mesure, le débordement et l’excédent). La vie est surabondance comme la multiplication des pains est surabondante (il en reste encore, après le repas, des paniers). Or cette distinction capitale, autour de laquelle se construit la pensée de Jean, s’efface dès l’abord dans la traduction qui rend toujours uniformément par « vie » ce que Jean pense en deux termes séparés. Être vivant signifie en effet deux choses : peut signifier seulement être en vie, c’est-à-dire ne pas être mort, à titre de condition ; et avoir en soi surabondamment la vie, c’est-à-dire en tant qu’elle est vivante et, par suite, ne peut mourir : à titre de vocation. Tout l’effort de Jean sera, du moins dans un premier temps, d’écarter le plus possible, en étendant le champ du pensable, ce second sens du premier.
Tel est l’écart ouvert désormais entre ces termes que, dans une des grandes formules de Jean, ils peuvent même être conduits à se repousser l’un l’autre : « qui aime », c’est-à-dire est attaché à sa « vie » (psuché) : l’être en vie), « la perd » ; et « qui hait sa vie en ce monde » (psuché toujours), c’est-à-dire sait s’en détacher, ne pas y coller, « la gardera pour en faire une vie (zôê) qui ne meurt pas » (12, 25). C’est-à-dire que qui reste dans l’adhérence à son être-en-vie, et s’enlise en lui, perd sa capacité d’être pleinement, c’est-à-dire surabondamment vivant. Mais qui sait se libérer de cette dépendance à l’égard du seul souci de sa vie peut déployer celle-ci en vie effectivement vivante et telle qu’elle ne pourra mourir. Ce déploiement et dépassement de psuché en zôê, de l’être vital au pouvoir d’être pleinement, c’est-à-dire surabondamment vivant, est propre à Jean, comme on le vérifie par écart d’avec les trois autres évangélistes qui en restent au vital, psuché, et n’en détachent pas le vivant, zôê ; « Qui veut en effet sauver sa vie (psuché) la perdra, mais celui qui perd sa vie (psuché) à cause de moi et de l’Évangile la sauvera » (Marc 8,35 ; cf. Matthieu 10,39 et Luc 17, 33). De même Paul oppose au corps comme vitalité (corps « psychique ») le corps comme spiritualité (corps « pneumatique » : « on sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel », 1 Corinthiens) ; mais ne dégage pas la vie purement, proprement vivante de la vie seulement vitale. Telle est donc, après qu’il a pensé la possibilité de l’évènement, et dans la suite, la seconde ressource que fournit Jean et qui se traduit en question principale, et même unique, de la vie : qu’est-ce qu’«  être vivant », ou comment puis-je être pleinement, c’est-à-dire effectivement vivant, ce qui est la seule aspiration possible – la moins abstraite, construite, artificielle – de l’être-en-vie que je suis ? C’est-à-dire comment puis-je ne pas en rester au vital – étale – de mon être-en-vie, mais déployer la vie en moi dans son essor, jaillissante et surabondante, c’est-à-dire source de vie ?
Or c’est la question que, pensant dans les termes de l’Être et par suite de la connaissance, les Grecs ne se sont pas posée ; par suite qu’a laissée de côté la philosophie. Les Grecs se demandent, en effet, quelle est la vie bonne, en termes de bios, comment peut-on le mieux vivre, mais non pas, plus radicalement, qu’est-ce qu’être effectivement vivant. Aussi cette question est-elle bêtement tombée aujourd’hui, par retrait contemporain du religieux, sous la coupe de ce qu’on appelle le « Développement personnel » mêlant des conseils d’hygiène à de la spiritualité à bon marché et faisant commerce de ce qui n’est plus ni l’un ni l’autre. Mais si le D. P. connaît ce succès qu’on sait, au point de recouvrir la philosophie sous des non-livres, c’est bien que la question, quant à elle, reste pendante. Ou bien celle-ci se laisse-t-elle aborder plus sérieusement, quand ce n’est pas exotiquement, à partir de la pensée chinoise dont l’un des principaux enjeux est de penser comment « nourrir [sa] vie » (yang sheng). Car nourrir la vie, tel que le comprennent les Chinois, n’est pas nourrir restrictivement son « corps », ni non plus ce qui serait son « âme », au sens figuré et métaphorique de ce « nourrir », mais nourrir son potentiel vital, c’est-à-dire, de façon plus essentielle ou plutôt quintessentielle, son souffle et sa capacité d’énergie (yang qi). S’y défait ainsi, d’emblée, le dualisme de l’âme et du corps auquel on en veut tant aujourd’hui […]. Or l’intérêt justement de Jean est que, en écartant de l’être-en-vie (de la psuchè) l’originairement, absolument vivant (de la zôê), il peut éviter, en se tenant ainsi dans la seule pensée de la vie, de se laisser prendre au piège de ce vieux dualisme – de l’« âme » et du « corps » – dans lequel est tombé le christianisme platonisé […]. Par là Jean peut-il redonner une tenue et une intelligence à la question, tendue entre le vital et l’idéal, de penser comment promouvoir en soi la vie – « vie » qui, pour n’être plus proprement biologique, n’en est pas davantage, au figuré, métaphorique, mais serait la vie même en tant que vie. (pp. 53-60)

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Message par Zhongguoren Jeu 28 Juil 2022 - 15:07

Vanleers a écrit:Avant de poursuivre, je donne des extraits de  Ressources du christianisme Mais sans y entrer par la foi - L’Herne 2018, de François Jullien.
Ces extraits, déjà cités pour la plupart mais regroupés et complétés, constituent le début du chapitre Qu’est-ce qu’être vivant ?
F. Jullien y définit ce qu’il faut entendre par « vie » dans l’évangile de Jean et, à travers lui, dans l’Évangile.

Pour connaître un peu son auteur, j'attire votre attention sur le titre de l'ouvrage dont est extraite la citation ci-dessus : "Ressources (et non pas vérité !) du Christianisme sans y entrer par la Foi (en la résurrection !)". François Jullien s'intéresse, comme par hasard, au plus poétique des Evangiles (celui de Jean) pour y explorer la beauté et la profondeur lexicales (F. Jullien est helléniste de formation) dans le cadre d'un possible réenchantement religieux (et non pas théologique) de la vie humaine.

Cf. à la Résurrection près, Ressources du Christianisme et croire ou ne pas croire : une Question Obsolète ?.


Dernière édition par Zhongguoren le Jeu 28 Juil 2022 - 15:39, édité 2 fois

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Message par hks Mer 3 Aoû 2022 - 18:00

https://www.pauljorion.com/blog/2017/01/22/compte-rendu-de-claude-larre-mao-et-la-vieille-chine-paris-epi-1972/

On remonte le temps...encore que Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne - Page 3 4221839403

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