Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:J’ai écrit que le chrétien pose la thèse, métaphysique au sens de Popper, que la consolation (la « béatitude » de Spinoza ?) vient du Dieu qui veut le bonheur de l’homme, révélé par Jésus-Christ.
Il appartient à chacun de voir par lui-même si cette thèse résout le problème de l’origine de la consolation qu’il éprouve, si elle le résout mieux que d’autres théories, si elle est simple, féconde, etc.
Pourquoi diable (si j'ose dire) aurions-nous besoin de "consolation" ?
Freud a écrit:Si l’homme en cours de croissance remarque qu’il est voué à rester toujours un enfant, qu’il ne peut se passer de protection contre les surpuissances étrangères, il confère à celles-ci les traits de la figure paternelle, il se crée des dieux dont il a peur, qu’il cherche à se gagner et auxquels il transfère néanmoins le soin de sa protection. (l’Avenir d’une Illusion, iv)
Pour bien se représenter le rôle immense de la religion, il faut envisager tout ce qu'elle entreprend de donner aux hommes : elle les éclaire sur l'origine et la formation de l'univers, leur assure, au milieu des vicissitudes de l'existence, la protection divine et la béatitude finale, enfin elle règle leurs opinions et leurs actes en appuyant ses prescriptions de toute son autorité. Ainsi remplit-elle une triple fonction. En premier lieu tout comme la science mais par d'autres procédés, elle satisfait la curiosité humaine et c'est d'ailleurs par là qu'elle entre en conflit avec la science. C'est sans doute à sa seconde mission que la religion doit la plus grande partie de son influence. La science en effet ne peut rivaliser avec elle, quand il s'agit d'apaiser la crainte de l'homme devant les dangers et les hasards de la vie ou de lui apporter quelque consolation dans les épreuves. La science enseigne, il est vrai, à éviter certains périls, à lutter victorieusement contre certains maux : impossible de nier l'aide qu'elle apporte aux humains, mais en bien des cas elle ne peut supprimer la souffrance, et doit se contenter de leur conseiller la résignation. [Voilà pourquoi] la religion n’apparaît pas comme une acquisition durable dans l’histoire de l’humanité, mais comme une névrose infantile par laquelle l’humanité doit inévitablement passer pour atteindre sa maturité. (Nouvelles Conférences sur la Psychanalyse)
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Zhongguoren a écrit:Vanleers a écrit:J’ai écrit que le chrétien pose la thèse, métaphysique au sens de Popper, que la consolation (la « béatitude » de Spinoza ?) vient du Dieu qui veut le bonheur de l’homme, révélé par Jésus-Christ.
Il appartient à chacun de voir par lui-même si cette thèse résout le problème de l’origine de la consolation qu’il éprouve, si elle le résout mieux que d’autres théories, si elle est simple, féconde, etc.
Pourquoi diable (si j'ose dire) aurions-nous besoin de "consolation" ?
Le mot « consolation » ne doit pas vous égarer.
Il s’agit de la notion qu’utilise Ignace de Loyola dans ses Exercices Spirituels.
L’un de ses commentateurs fait la remarque suivante :
Jean Gouvernaire a écrit:Cette vitalité, ce réconfort, cette vigueur, cette tonicité est souvent appelée – ainsi dans les Exercices de saint Ignace – « consolation spirituelle », mais en un sens qui déborde de beaucoup le sens ordinaire de consolation, car il y a dans la « consolation spirituelle » une stimulation, une vivification et souvent une alacrité qui vont bien au-delà du simple « soulagement d’une peine » (1)
(1) Il faudrait bannir du langage spirituel ce mot de consolation. Car, quelque précaution qu’on prenne pour mettre en garde, la plupart des gens reviennent instinctivement au sens de « consolations sensibles » : il faut éprouver quelque chose ! Mais par ailleurs le mot est tellement enraciné dans la tradition qu’on hésite à le remplacer. Il faudrait un mot qui ne soit pas entaché d’un sens banal et prenne un sens spécifique, peut-être « confortement » ?… (Mener sa vie selon l’esprit op. cit. p. 10)
C’est pour cela que j’avais fait suivre consolation de (la « béatitude » de Spinoza ?).
Sur un autre fil du forum, j’ai en effet tenté un rapprochement de la consolation d’Ignace de Loyola avec la béatitude, but de l’Ethique de Spinoza.
Bien entendu, à la consolation ignatienne, on peut préférer vivre dans la tristesse et la désolation :
Spinoza (lettre 23 à Blyenbergh) a écrit: […] si quelque homme voit qu’il peut vivre plus commodément suspendu au gibet qu’assis à sa table, il agirait en insensé en ne se pendant pas ; de même qui verrait clairement qu’il peut jouir d’une vie ou d’une essence meilleure en commettant des crimes qu’en s’attachant à la vertu, il serait insensé, lui aussi, s’il s’abstenait de commettre des crimes.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Jean Gouvernaire a écrit: Il faudrait bannir du langage spirituel ce mot de consolation. Car, quelque précaution qu’on prenne pour mettre en garde, la plupart des gens reviennent instinctivement au sens de « consolations sensibles » : il faut éprouver quelque chose ! Mais par ailleurs le mot est tellement enraciné dans la tradition qu’on hésite à le remplacer. Il faudrait un mot qui ne soit pas entaché d’un sens banal et prenne un sens spécifique, peut-être « confortement » ?… (Mener sa vie selon l’esprit op. cit. p. 10)
Dans ce cas, bannissons-le et n'en parlons plus.
Vanleers a écrit:Sur un autre fil du forum, j’ai en effet tenté un rapprochement de la consolation d’Ignace de Loyola avec la béatitude, but de l’Ethique de Spinoza.
Bien entendu, à la consolation ignatienne, on peut préférer vivre dans la tristesse et la désolation
Il n'y aurait donc pas de moyen terme entre la béatitude et l'infâmie ?! Je ne sais si telle est la position ignatienne. Ce n'est guère une attitude spinozienne en tout cas puisque joie et tristesse sont, chez Spinoza, passions susceptibles de degrés :
Spinoza a écrit:La Joie est le passage de l'homme d'une moindre perfection à une plus grande. La Tristesse est le passage de l'homme d'une plus grande perfection à une moindre.(Éthique, III, 59, déf.2 et 3)
Voilà bien le problème des pensées essentialistes : le tout ou rien.
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
La spiritualité ignatienne se résume à rendre grâce à Dieu lorsqu’on est dans la consolation et à demander à Dieu de nous y mettre lorsqu’on est dans la désolation.
Voie extraordinairement simple !
Elle met en œuvre le message de Jésus, lui aussi extraordinairement simple, exprimé métaphoriquement sous la forme : « Dieu est Père, l’homme est fils de Dieu »
La libido sciendi peut être un obstacle et, dans l’Introduction à sa traduction du Tao Te King, Claude Larre nous avertit :
Voie extraordinairement simple !
Elle met en œuvre le message de Jésus, lui aussi extraordinairement simple, exprimé métaphoriquement sous la forme : « Dieu est Père, l’homme est fils de Dieu »
La libido sciendi peut être un obstacle et, dans l’Introduction à sa traduction du Tao Te King, Claude Larre nous avertit :
Claude Larre a écrit:Que m’importent cent écoles, mille discours d’école, dix mille dénominations d’êtres sous le ciel ! Tout cela n’est que le produit d’une activité de l’intelligence qui n’est pas sans rapport avec ce qui existe, mais qui n’apprend rien non plus.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:La spiritualité ignatienne se résume à rendre grâce à Dieu lorsqu’on est dans la consolation et à demander à Dieu de nous y mettre lorsqu’on est dans la désolation.
"Tous les préjugés que j'entreprends de signaler ici dépendent d'un seul : les hommes supposent communément que toutes les choses naturelles agissent, comme eux-mêmes, en vue d'une fin, et bien plus, il considèrent comme certain que Dieu lui-même dispose tout en vue d'une certaine fin, car ils disent que Dieu a fait toutes choses en vue de l'homme, mais il a fait l'homme pour en recevoir un culte. C'est donc ce seul préjugé que je considérerai d'abord, en cherchant en premier lieu pourquoi la plupart des hommes se plaisent à ce préjugé, et pourquoi ils sont tous naturellement enclins à l'adopter. [...] Mais en voulant montrer que la Nature ne fait rien en vain (c'est-à-dire qui ne soit à l'usage des hommes), ils semblent avoir uniquement montré que la Nature et les Dieux délirent aussi bien que les hommes. Voyez, je vous prie, où cela conduit ! Parmi tant d'avantages qu'offre la Nature, ils ont dû trouver un nombre non négligeable d'inconvénients, comme les tempêtes, les tremblements de terre, les maladies, etc., et ils ont admis que ces événements avaient pour origine l'irritation des Dieux devant les offenses que leur avaient faites les hommes ou les fautes commises dans leur culte ; et quoique l'expérience s'inscrivît chaque jour en faux contre cette croyance et montrât par d'infinis exemples que les avantages et les inconvénients échoient indistinctement aux pieux et aux impies, ils n'ont pas cependant renoncé à ce préjugé invétéré : ils leur a été, en effet, plus facile de classer ce fait au rayon des choses inconnues, dont ils ignoraient l'usage, et de garder ainsi leur état actuel et inné d'ignorance, que de ruiner toute cette construction et d'en inventer une nouvelle. Ils ont donc pris pour certain que les jugements des Dieux dépassent de très loin la portée de l'intelligence humaine. [Bref], nous sommes obligés de nous réfugier dans la volonté de Dieu, cet asile de l’ignorance"(Spinoza, Éthique, I, app.)
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:A neopilina,
Selon Karl Popper, sont conjecturales les théories qui cherchent à expliquer les faits, qu’elles soient scientifiques (falsifiables) ou métaphysiques (non démontrables, non réfutables, discutables rationnellement).
Au moyen age, tout près de chez moi, comme je l'ai dit, une femme a été convaincue de sorcellerie, d'avoir jeté un sort sur les volailles du village, et elle a été brulée vive sur la minuscule place de ce minuscule hameau. Bien sûr, présentement, ça va être très dur de savoir de quoi sont morts ces animaux. Et si ça se reproduisait aujourd'hui, in extenso avec les moyens d'aujourd'hui, on pourrait dire de quoi ces animaux sont morts, et donc ainsi invalider l'alternative métaphysique de la diablerie qui avait été invoquée et validée dans ce cas. A la suite, je réponds à une question posée par Zhongguoren. Mais ça vaut pleinement pour Popper, un garçon extrêmement doué pour le sens, " LA " science. Popper est un penseur anglo-saxon, analytique, proche du Cercle de Vienne, etc., etc., et donc quant au Sens, je me passe intégralement de lui et de quelques autres. Il y a chez ces gens un excès scientiste (désolé pour le pléonasme). Pour mémoire, aujourd'hui, dans le monde anglo-saxon, les mots " métaphysique " ou encore " psychanalyse " sont des gros mots. En matière de Sens, jusqu'à nouvel ordre, je ne compte pas sur ces gens là (il y a de l'espoir, suite à l'influence de la France du XX° siècle, on commence à voir des auteurs " continentaux " en terre anglo-saxonne).
Zhongguoren a écrit:neopilina a écrit:Je respecte infiniment Popper, et, encore une fois, je lui reproche ouvertement de vouloir appliquer aux disciplines traitant du Sens, l'épistémologie qui vaut pleinement, tout à fait, aux disciplines traitant du sens.
J'avoue ne pas saisir ce que vous voulez dire. Si vous vouliez être plus explicite.
L'univers physique, le réel, la nature, etc., etc., est intégralement sensé. Dans le cas contraire, c'est la catastrophe cosmique : le ciel va nous tomber sur la tête, la connaissance est impossible, etc. Mais il y a deux types de sens, celui qui est l'objet de " LA " science, des sciences exactes, dites " dures ", etc., d'une part. Et d'autre part celui de l'intersubjectivité, générés par et signifiant pour des individus, des Sujets (philosophiquement dit), valable dans une bande de lions, dans toute société humaine, etc., entre Sujets, et pour lui, je dis le Sens, avec une majuscule pour le distinguer du premier. Dans le cas des disciplines du Sens, l'éthologie pour les espèces animales où celle-ci est pertinente, et les sciences humaines, l'objet, c'est le Sujet, les Sujets, les ensembles qu'ils peuvent former, selon une foule de points de vue qui vont former la cohorte des science humaines. On ne peut pas avoir la même épistémologie dans les deux cas. Et aujourd'hui, on a bien deux types de facultés, d'universités, de chercheurs, etc., qui illustrent de la façon la plus concrète qui soit cette différence épistémologique. L'éthologie et toutes les sciences humaines sont bien des sciences expérimentales, mais elles le sont autrement. " C'est tout ". Et c'est valable pour la métaphysique et même la théologie. Est-ce que je peux aller poser une question de visu à un Dieu ? Il me semble que non, c'est expérimentable à souhait.
Dernière édition par neopilina le Mar 19 Juil 2022 - 14:56, édité 1 fois
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Zhongguoren a écrit:Vanleers a écrit:La spiritualité ignatienne se résume à rendre grâce à Dieu lorsqu’on est dans la consolation et à demander à Dieu de nous y mettre lorsqu’on est dans la désolation.
Spinoza se propose de conduire l’homme « comme par la main, à la connaissance de l’esprit humain et de sa suprême béatitude » (Ethique, début de la partie II)
Dans la partie V, il montre que cette connaissance, qu’il appelle connaissance du troisième genre, fait que le sage « sait qu’il est en Dieu et se conçoit par Dieu » (E V 30).
Dans ses Exercices Spirituels, Ignace de Loyola ne dit pas autre chose à propos de l’homme et de sa relation au Dieu de l’Évangile.
Il invite l’exercitant à en tirer des conséquences pratiques : rendre grâce à Dieu s’il est dans la consolation et demander à Dieu de l’y mettre s’il est dans la désolation.
Il en déduit une forme d’agir, bien exprimée par Gabor Hevenesi, que l’on peut rapprocher du non agir taoïste (cf. post antérieur).
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
A neopilina
Dans votre exemple du procès de sorcellerie, la thèse selon laquelle des volailles étaient mortes à cause d’un sort jeté par une sorcière était conjecturale, ni démontrable, ni réfutable.
Les villageois qui l’ont condamnée étaient-ils en capacité de discuter rationnellement du procès, ce qui en aurait fait un problème métaphysique au sens de Popper ? J’en doute.
Par ailleurs, Popper s’est opposé à la position scientiste du Cercle de Vienne et a redonné ses lettres de noblesse aux questions qu’il a appelées « métaphysiques ».
Tous les problèmes, qu’ils soient de sens ou de Sens (avec une majuscule, pour reprendre votre terminologie) peuvent faire l’objet de théories explicatives conjecturales soit scientifiques (falsifiables), soit métaphysiques (non démontrables, non réfutables, discutables rationnellement).
N’est-ce pas l’essentiel ?
Dans votre exemple du procès de sorcellerie, la thèse selon laquelle des volailles étaient mortes à cause d’un sort jeté par une sorcière était conjecturale, ni démontrable, ni réfutable.
Les villageois qui l’ont condamnée étaient-ils en capacité de discuter rationnellement du procès, ce qui en aurait fait un problème métaphysique au sens de Popper ? J’en doute.
Par ailleurs, Popper s’est opposé à la position scientiste du Cercle de Vienne et a redonné ses lettres de noblesse aux questions qu’il a appelées « métaphysiques ».
Tous les problèmes, qu’ils soient de sens ou de Sens (avec une majuscule, pour reprendre votre terminologie) peuvent faire l’objet de théories explicatives conjecturales soit scientifiques (falsifiables), soit métaphysiques (non démontrables, non réfutables, discutables rationnellement).
N’est-ce pas l’essentiel ?
Dernière édition par Vanleers le Lun 18 Juil 2022 - 18:40, édité 1 fois
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:Dans votre exemple du procès de sorcellerie, la thèse selon laquelle des volailles étaient mortes à cause d’un sort jeté par une sorcière était conjecturale, ni démontrable, ni réfutable.
... Tellement " conjecturale ", qu'elle a été condamnée. Je souligne :
Vanleers a écrit:Les villageois qui l’ont condamnée étaient-ils en capacité de discuter rationnellement du procès, ce qui en aurait fait un problème métaphysique au sens de Popper ? J’en doute.
Par ailleurs, Popper s’est opposé à la position scientiste du Cercle de Vienne et a redonné ses lettres de noblesse aux questions qu’il a appelées « métaphysiques ».
Popper et moi nous sommes définitivement irréconciliables, pour une foule de raisons. Présentement, je vais évoqué celle-ci : quel sens accordons-nous au mot " métaphysique " ? Chez beaucoup de philosophes, les termes " philosophie " et " métaphysique " sont interchangeables. Il n'existe pas de Sujet sans Sa (cogito) métaphysique (bien et mal, valeurs, idéologie, religion, références, etc. etc., etc.), et pourtant une très petite minorité d'entre eux s'adonnent à la philosophie. Tu te souviens de ceci :
neopilina a écrit:- Où commence et où s'arrête l'ontologie ?
- Où commence et où s'arrête la dialectique ?
- Où commence et où s'arrête la philosophie ?
- Où commence et où s'arrête l'épistémologie ?
- Où commence et où s'arrête la métaphysique ?
- Où commence et où s'arrête la théologie ?
Répondre un tant soit peu, de façon satisfaisante et à titre personnel, etc., etc., tout à fait, à ces questions m'a pris une bonne vingtaine d'années. En vertu de ce questionnement et de ses résultats, je ne peux pas m'entendre avec Popper qui ne s'est jamais interrogé en ces termes, et pour cause, ils sont continentaux à souhait.
Vanleers a écrit:Tous les problèmes, qu’ils soient de sens ou de Sens (avec une majuscule, pour reprendre votre terminologie) peuvent faire l’objet de théories conjecturales soit scientifiques (falsifiables), soit métaphysiques (non démontrables, non réfutables, discutables rationnellement).
N’est-ce pas l’essentiel ?
Et donc, encore une fois, non : toutes les disciplines qui s'occupent du Sens sont aussi des sciences expérimentales.
P.S.
Vanleers a écrit:Par ailleurs, Popper s’est opposé à la position scientiste du Cercle de Vienne ...
Je sais, mais manifestement ça ne l'a pas suffisamment immunisé.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
A neopilina
Vos remarques sur la distinction entre le sens et le Sens rejoignent celle entre explication et compréhension.
Vieux débat, en particulier depuis Dilthey, dont parle aussi Popper dans La connaissance objective – Champs Flammarion 1998) :
Popper explique ensuite :
J’ajoute que, chez Spinoza, il n’y a pas lieu de distinguer science de l’Esprit et science de la Nature. La science de l’esprit est, ici, une science naturelle et Spinoza traite des affects en géomètre (« […] et je considérerai les actions et appétits humains comme s’il était question de lignes, de plans ou de corps. » - E III préface).
Vos remarques sur la distinction entre le sens et le Sens rejoignent celle entre explication et compréhension.
Vieux débat, en particulier depuis Dilthey, dont parle aussi Popper dans La connaissance objective – Champs Flammarion 1998) :
Karl Popper a écrit:Ceci m’amène au problème de la compréhension dans les humanités (Geiteswissenschaften).
Presque tous les grands spécialistes de ce problème – je ne mentionnerai que les noms de Dilthey et de Collingwood – soutiennent que les humanités diffèrent des sciences de la nature d’une manière radicale, et que la différence capitale consiste en ceci : la tâche centrale des humanités est de « comprendre », au sens où nous pouvons comprendre les hommes, et non pas la nature.
La compréhension, dit-on, repose sur notre humanité commune. Sous sa forme fondamentale, il s’agit d’une sorte d’identification intuitive avec les autres hommes, pour laquelle nous aident leurs mouvements expressifs comme leurs gestes et leurs discours. Il s’agit, en outre, d’une compréhension des actions humaines. Et il s’agit, enfin, d’une compréhension des productions de l’esprit humain. » (pp. 283-284)
Popper explique ensuite :
Karl Popper a écrit:Insister sur la différence entre la science et les humanités fut longtemps une mode ; c’est devenu une rengaine ennuyeuse. Toutes deux pratiquent la méthode de résolution des problèmes, la méthode de conjecture et réfutation. (p. 287)
J’ajoute que, chez Spinoza, il n’y a pas lieu de distinguer science de l’Esprit et science de la Nature. La science de l’esprit est, ici, une science naturelle et Spinoza traite des affects en géomètre (« […] et je considérerai les actions et appétits humains comme s’il était question de lignes, de plans ou de corps. » - E III préface).
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:Zhongguoren a écrit:Vanleers a écrit:La spiritualité ignatienne se résume à rendre grâce à Dieu lorsqu’on est dans la consolation et à demander à Dieu de nous y mettre lorsqu’on est dans la désolation.
Spinoza se propose de conduire l’homme « comme par la main, à la connaissance de l’esprit humain et de sa suprême béatitude » (Ethique, début de la partie II)
Dans la partie V, il montre que cette connaissance, qu’il appelle connaissance du troisième genre, fait que le sage « sait qu’il est en Dieu et se conçoit par Dieu » (E V 30).
Dans ses Exercices Spirituels, Ignace de Loyola ne dit pas autre chose à propos de l’homme et de sa relation au Dieu de l’Évangile.
Il invite l’exercitant à en tirer des conséquences pratiques : rendre grâce à Dieu s’il est dans la consolation et demander à Dieu de l’y mettre s’il est dans la désolation.
Il en déduit une forme d’agir, bien exprimée par Gabor Hevenesi, que l’on peut rapprocher du non agir taoïste (cf. post antérieur).
Le "Dieu" de Spinoza n'a absolument rien à voir avec celui des Evangiles (au pluriel : il y en a quatre, si je ne m'abuse).
Spinoza a écrit:"D'aucuns parlent de Dieu si improprement, lui attribuent des mains, des pieds, des yeux, des oreilles, le représentent comme un juge assis dans le ciel sur un trône royal, ayant le Christ à sa droite"(Traité Théologico-Politique, xiii)
"Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacune exprime une essence éternelle et infinie"(Éthique, I, déf.6)
"Dieu est cause immanente mais non transitive de toutes choses"(Éthique, I, 18)
Par ailleurs, on peut voir, au Jewish Museum de Londres, un portrait anonyme de Spinoza intitulé "Benedictus de Spinoza, Judaeus et Atheista.
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Zhongguoren a écrit:
Le "Dieu" de Spinoza n'a absolument rien à voir avec celui des Evangiles (au pluriel : il y en a quatre, si je ne m'abuse).
Je distingue l’Évangile (en mettant une majuscule) au sens étymologique de La Bonne Nouvelle et les évangiles (avec une minuscule) : les textes qui nous l’ont transmis : les quatre évangiles canoniques, sans compter les évangiles apocryphes.
Le Dieu-Substance de Spinoza n’est pas le Dieu de l’Évangile.
Toutefois, j’ai trouvé particulièrement fécond de les mettre en parallèle, notamment sur le fil L’Ethique de Spinoza et la spiritualité ignatienne.
La tentative n’est pas nouvelle et, par exemple, Victor Brochard a écrit un intéressant Le Dieu de Spinoza.
On peut tirer profit aussi de la lecture de Le Christ et le salut des ignorants chez Spinoza d’Alexandre Matheron, Spinoza et le problème du salut de Jean Lacroix, etc.
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
neopilina a écrit:L'univers physique, le réel, la nature, etc., etc., est intégralement sensé. Dans le cas contraire, c'est la catastrophe cosmique : le ciel va nous tomber sur la tête, la connaissance est impossible, etc. Mais il y a deux types de sens, celui qui est l'objet de " LA " science, des sciences exactes, dites " dures ", etc., d'une part. Et d'autre part celui de l'intersubjectivité, générés par et signifiant pour des individus, des Sujets (philosophiquement dit), valable dans une bande de lions, dans toute société humaine, etc., entre Sujets, et pour lui, je dis le Sens, avec une majuscule pour le distinguer du premier. Dans le cas des disciplines du Sens, l'éthologie pour les espèces animales où celle-ci est pertinente, et les sciences humaines, l'objet, c'est le Sujet, les Sujets, les ensembles qu'ils peuvent former, selon une foule de points de vue qui vont former la cohorte des science humaines. On ne peut pas avoir la même épistémologie dans les deux cas. Et aujourd'hui, on a bien deux types de facultés, d'universités, de chercheurs, etc., qui illustrent de la façon la plus concrète qui soit cette différence épistémologique. L'éthologie et toutes les sciences humaines sont bien des sciences expérimentales, mais elles le sont autrement. " C'est tout ". Et c'est valable pour la métaphysique et même la théologie. Est-ce que je peux prendre ma voiture, s'il le faut, pour aller poser une question de visu à un Dieu ? Il me semble que non, c'est expérimentable à souhait.
Dire que le réel est "doué de sens" (ou qu'il s'écrit en langage mathématique, comme le disait Galilée) implique la question : d'où tient-il ce sens ? Sont-ce les hommes qui le leur octroient (comme le pensait Kant) ? Si oui quels hommes et par quels moyens ? Est-ce un être supra-humain (autrement dit un dieu) ? Si oui, par quel "miracle" ? D'autres questions vont aussi se poser dont la plus radicale est : quel besoin avons-nous de forger une telle fiction métaphysique qui, comme toute métaphysique, nécessite un métalangage, c'est-à-dire un langage qui ressortit au savoir/pouvoir de quelques happy few (les philosophes, les linguistes, les sociologues, les prêtres, etc.). Parmi les philosophes occidentaux, Wittgenstein (inspirateur du Wiener Kreis qui deviendra ensuite son critique le plus sévère) est, à ma connaissance, l'un des rares (avec peut-être W.V.O. Quine, Clément Rosset, Jacques Bouveresse, et Vincent Descombes) à s'être penché sur ce genre de problème. La solution de Wittgenstein est : il n'y a rien de tel que le "sens" (a fortiori le Sens), il n'y a que de l'usage ("meaning is use"). Ce que disait déjà Carnap : le sens d'un énoncé, c'est sa méthode de vérification. Sauf que, pour lui et le Cercle de Vienne, si la méthode en question n'était pas un protocole expérimental scientifique validé (par qui ?), alors nulle vérification et donc nul sens n'étaient concevables. Ce qui, de facto, excluait de la sphère du sens tout énoncé non-scientifique.
Wittgenstein, bien avant Popper, a repris en en modifiant la portée, l'idée féconde qu'il fallait, une bonne fois pour toutes, démythifier le "sens". Ainsi le sens de l'énoncé "Jeanne d'Arc a entendu Saint Michel, Sainte Catherine et Sainte Marguerite lui ordonner de bouter les Saxons hors du royaume de France" est tout bonnement la manière dont on vont s'y prendre ses accusateurs pour en "démontrer" la fausseté. Il est facile de comprendre que, pour Wittgenstein, tout énoncé, en tant qu'il est le fruit d'une certaine "acculturation", est ipso facto doué de sens (n'est-ce pas là, d'ailleurs, le fond de commerce de la psychanalyse ?). Bref, le "sens" d'un énoncé, cette mystérieuse idole que l'Occident vénère depuis des millénaires, c'est le nom qu'on donne au processus qui va justifier la conclusion d'un raisonnement (aussi boiteux celui-ci fût-il, ce qui rend inopérant le critère de "démarcation de Popper puisque tout énoncé affirmatif, en tant qu'on en discute, est conjectural et, partant, "falsifiable", le seul problème étant de savoir par quel moyen on le "falsifie") portant jugement de valeur sur ledit énoncé et, le plus souvent aussi sur son auteur (-trice). Le "sens" et son terrible antagoniste, le "non-sens", ne sont donc qu'une arme de plus aux mains des savants/puissants. D'où, retour à la question initiale ; peut-on se passer d'une telle entité ? La réponse de Wittgenstein (et de Quine) est : évidemment oui puisque dire qu'un énoncé est sensé consiste à proférer une tautologie. Par des voies biens différentes, la pensée chinoise montre aussi que l'on peut se passer de la notion de "sens" et, plus encore des notions de "métaphysique" et même de "vérité".
Dernière édition par Zhongguoren le Mar 19 Juil 2022 - 9:29, édité 2 fois
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:Le Dieu-Substance de Spinoza n’est pas le Dieu de l’Évangile.
Toutefois, j’ai trouvé particulièrement fécond de les mettre en parallèle
Le propre des parallèles est de ne jamais se rejoindre.
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Zhongguoren a écrit:Dire que le réel est "doué de sens" (ou qu'il s'écrit en langage mathématique, comme le disait Galilée) ...
Sauf que depuis les théorèmes d'incomplétude de Gödel, on sait que ce n'est pas totalement, intégralement, le cas. Mais c'est tout de même extrêmement utile les mathématiques.
Zhongguoren a écrit: ... implique la question : d'où tient-il ce sens ?
La question " d'où " est idiote. Des mots tels que " où ", " dans ", " avant ", " après ", etc., ne font sens que dans cet univers physique, avec le temps et l'espace qui le constituent, le seul connu en l'état. Exemple : on sait que cet univers génère son propre espace. A partir de là, risquer " en dehors " (notion spatiale) est, comment dire, assez casse-gueule épistémologiquement. C'est user d'un concept " là " (ouille !!) où (aille !!) on ne sait pas s'il vaut. Non, moi, qui fait partie constitutivement de cet univers, je vais me contenter de penser, un peu, celui-ci. Quand aux Dieux, pas de doute, ils sont bien de ce monde, la preuve : il y a une église en face de chez moi.
Zhongguoren a écrit:La solution de Wittgenstein est : il n'y a rien de tel que le "sens" (a fortiori le Sens), il n'y a que de l'usage ("meaning is use").
Je ne lis pas Wittgenstein. Mon petit doigt me dit que ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer d'avis.
Zhongguoren a écrit:Ce que disait déjà Carnap : le sens d'un énoncé, c'est sa méthode de vérification. Sauf que, pour lui et le Cercle de Vienne, si la méthode en question n'était pas un protocole expérimental scientifique validé (par qui ?), alors nulle vérification et donc nul sens n'étaient concevables. Ce qui, de facto, excluait de la sphère du sens tout énoncé non-scientifique.
De Carnap, je ne connais que le nom, stricto-sensu. Mais si j'écoute ce monsieur, tout aspect non-scientifique, au sens où il l'entend, de la vie est inconnaissable. J'espère que ce monsieur Carnap ne fait pas trop autorité, sinon on va prendre les bulldozers pour raser les facultés de sciences humaines, etc.
Zhongguoren a écrit:Il est facile de comprendre que, pour Wittgenstein, tout énoncé, en tant qu'il est le fruit d'une certaine "acculturation", est ipso facto doué de sens (n'est-ce pas là, d'ailleurs, le fond de commerce de la psychanalyse ?).
Toute formalisation, toute verbalisation, tout discours, tout énoncé, eux-mêmes sensés (même faux, etc., " la fraise est bleue "), tentent d'énoncer du sens (le fer à l'état naturel s'oxyde au contact de l'oxygène de l'air, " ça rouille ") et/ou du Sens (cette femme est belle, et puis elle se met à causer, finalement, non). Le sens et/ou le Sens sont bien le " fonds de commerce " de tout discours.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
neopilina a écrit:Zhongguoren a écrit:Dire que le réel est "doué de sens" (ou qu'il s'écrit en langage mathématique, comme le disait Galilée) ...
Sauf que depuis les théorèmes d'incomplétude de Gödel, on sait que ce n'est pas totalement, intégralement, le cas.
Les théorèmes de Gödel ne concernent que les systèmes formels, consistants, décidables et "péaniques", ce que ne sont pas les mathématiques appliquées (aux sciences).
neopilina a écrit:Zhongguoren a écrit: ... implique la question : d'où tient-il ce sens ?
La question " d'où " est idiote. Des mots tels que " où ", " dans ", " avant ", " après ", etc., ne font sens que dans cet univers physique, avec le temps et l'espace qui le constituent, le seul connu en l'état.
Le "de" n'est pas spatial mais génitif. Comme dans la question "de qui êtes-vous le père ?". Se demander d'où (ou de quoi) le réel tient son sens, c'est se demander ce qui, dans le réel, génère le sens. Tout bêtement. A ce propos, et pour filer le champ lexical de la bêtise, Clément Rosset fait remarquer que c'est le réel lui-même qui est "idiot", étymologiquement, seul, isolé, auto-référentiel, sans correspondant possible autre que lui-même (d'où la vanité de la question du "sens" du réel).
neopilina a écrit:Zhongguoren a écrit:La solution de Wittgenstein est : il n'y a rien de tel que le "sens" (a fortiori le Sens), il n'y a que de l'usage ("meaning is use").
Je ne lis pas Wittgenstein. Mon petit doigt me dit que ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer d'avis.
A votre aise. Mais vous ne pouvez empêcher quiconque le connaît un peu d'y faire référence.
neopilina a écrit:De Carnap, je ne connais que le nom, stricto-sensu. Mais si j'écoute ce monsieur, tout aspect non-scientifique, au sens où il l'entend, de la vie est inconnaissable.
Non pas inconnaissable mais non doué de sens. Cf. supra les critiques de Wittgenstein ou de Popper.
neopilina a écrit:Zhongguoren a écrit:Il est facile de comprendre que, pour Wittgenstein, tout énoncé, en tant qu'il est le fruit d'une certaine "acculturation", est ipso facto doué de sens (n'est-ce pas là, d'ailleurs, le fond de commerce de la psychanalyse ?).
Toute formalisation, toute verbalisation, tout discours, tout énoncé, eux-mêmes sensés (même faux, etc., " la fraise est bleue "), tentent d'énoncer du sens (le fer à l'état naturel s'oxyde au contact de l'oxygène de l'air, " ça rouille ") et/ou du Sens (cette femme est belle, et puis elle se met à causer, finalement, non). Le sens et/ou le Sens sont bien le " fonds de commerce " de tout discours.
Bref, vous êtes en accord avec Wittgenstein.
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Zhongguoren a écrit:A votre aise. Mais vous ne pouvez empêcher quiconque le connaît un peu d'y faire référence.
Pas de souci. Il est plus que probable qu'un jour j'évoquerais avec toi un auteur, etc., que tu ne fréquentes pas, et c'est pour ça que les forums, c'est très bien, entres autres.
Zhongguoren a écrit:neopilina a écrit:De Carnap, je ne connais que le nom, stricto-sensu. Mais si j'écoute ce monsieur, tout aspect non-scientifique, au sens où il l'entend, de la vie est inconnaissable.
Non pas inconnaissable mais non doué de sens.
Pas loin de chez moi, il y a un abruti qui bat sa femme. Si ça n'a pas de sens, on laisse faire ?
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C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
neopilina a écrit:Pas loin de chez moi, il y a un abruti qui bat sa femme. Si ça n'a pas de sens, on laisse faire ?
"La où ça est, je dois advenir"(Lacan)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Tout au long de ses Entretiens, Lin Tsi ne cesse de morigéner les disciples qui écoutent les enseignements des maîtres :
A courir les maîtres, on finit par réaliser qu’ils n’ont rien à enseigner d’essentiel que nous ne sachions déjà.
Mieux vaut se faire confiance.
La grande Voie n’a rien de difficile,
mais il faut éviter de choisir !
Soyez libéré de la haine et de l’amour :
elle apparaîtra dans toute sa clarté !
Sin Sin Ming qu’on peut lire en :
http://www.eyeofchan.org/docs/FRENCH/SinSinMing.pdf
Lin Tsi a écrit:Adeptes, ne vous laissez pas démolir la face à l’étourdie par le sceau d’un de ces vieux maîtres qui disent : “ Je comprends le Tch’an, je comprends la Voie ”, et qui se livrent à des discussions interminables comme cascades. (§ 13e p. 78)
Lin Tsi a écrit:Si aujourd’hui les apprentis ne réussissent pas, où est leur défaut ? Leur défaut est de ne pas avoir confiance en eux-mêmes. C’est parce que vous n’avez pas confiance en vous-mêmes, que vous vous empressez tant à courir après ce qui vous est extérieur, vous laissant détourner par ces dix mille objets et que vous ne trouvez pas l’indépendance. (§ 11a p. 55)
A courir les maîtres, on finit par réaliser qu’ils n’ont rien à enseigner d’essentiel que nous ne sachions déjà.
Mieux vaut se faire confiance.
La grande Voie n’a rien de difficile,
mais il faut éviter de choisir !
Soyez libéré de la haine et de l’amour :
elle apparaîtra dans toute sa clarté !
Sin Sin Ming qu’on peut lire en :
http://www.eyeofchan.org/docs/FRENCH/SinSinMing.pdf
Vanleers- Digressi(f/ve)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:A courir les maîtres, on finit par réaliser qu’ils n’ont rien à enseigner d’essentiel que nous ne sachions déjà.
Mieux vaut se faire confiance.
Voilà bien la conception typiquement occidentale de l'autonomie : "ni Dieu, ni maître" ! Ce n'est pas celle du Tao qui ne confond justement pas enseignement et discours : "le Sage enseigne sans parler"(Lǎozǐ, Tao Te King, §2) pour la bonne raison que "l'abondance en nombre de mots est extrême pauvreté"(Lǎozǐ, Tao Te King, §5). Tout au plus,
François Jullien a écrit:le statut du propos de sagesse est[-il] celui de la remarque […]. Une remarque n'a pas pour mission de dire la vérité […] ni, non plus, d'induire ou d'illustrer […]. Elle n'expose pas une idée. Mais elle souligne ce qui pourrait échapper. Elle attire l'attention de l'intéressé. […] Sa fonction n'est pas de définir (ou de construire) mais de pointer. (un Sage est sans Idée, ou l'Autre de la Philosophie, I, iv)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Extraits de la traduction et du commentaire de Claude Larre du § 2 du Tao Te King :
Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole
En rapprochant les suivants de la Voie des suivants de l’Esprit Saint, Claude Larre nous remet au cœur du sujet de ce fil.
Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole
Claude Larre a écrit:Les Saints : Yao et Shun ; Yü le Grand, les Rois de l’antiquité. Leur légende, revue par Lao Tseu, se résume ainsi : silence, pour l’édification du peuple ; agir naturel, pour la paix des états. Les Saints, sans l’avoir voulu, sont en haut comme le Ciel, pour couvrir et animer tous les êtres ; ils se tiennent en bas, pour les porter, les nourrir et les servir.
La pensée judéo-chrétienne montre, semblablement, la Sagesse auprès de Dieu et au milieu des hommes ; elle gratifie sans dominer. L’Esprit Saint, dans la communauté des fidèles, inspire et sert.
Il vaudrait mieux que moines dans les temples et maîtres dans les écoles s’abstiennent de l’enseignement. Ce qui est n’a pas besoin d’eux pour être. Ce qu’il convient de faire se déduit de la contemplation et de la considération de ce qui est. Pour cette raison les monastères taoïstes s’appelleront des observatoires. S’il y a un Beau, ce n’est rien d’autre que ce qui est, s’il y a un bien, ce n’est rien d’autre que l’agir qui dépend de ce qui est et rien de plus. Bien entendu, on n’observe pas cette réserve : on parle, on parle, on suppute à l’infini ; le discours fait son apparition. Les discoureurs prétendent savoir. Ils décochent leurs enseignements comme autant de flèches. Pour assurer leurs coups, ils tendent leur arbalète. Le beau et le bien partent et vibrent dans l’air. Mais à chaque beau, à chaque bien s’attachent un laid et un mal comme l’ombre qui double les objets exposés au soleil. Bien plus, chacun tire à sa manière et produit son beau et son bien. Quelle tristesse ! La Voie, si belle en elle-même, est défigurée ; la Vertu, si innocente, est pervertie par ces logiciens amateurs.
En rapprochant les suivants de la Voie des suivants de l’Esprit Saint, Claude Larre nous remet au cœur du sujet de ce fil.
Dernière édition par Vanleers le Ven 22 Juil 2022 - 15:14, édité 2 fois
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:Extraits de la traduction et du commentaire de Claude Larre du § 2 du Tao Te King :
Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole
Le mot qui, dans le 道德经, dào dé jīng, est abusivement traduit par "saint" est 聖 (graphie traditionnelle) 圣 (graphie simplifiée), shèng, qui signifie "sage" (à la rigueur, "sacré", au sens de Durkheim, lorsque le terme est employé comme adjectif). Il n'y a pas de "saints" chez les Chinois pour la bonne raison qu'il n'y a pas de Dieu.
Claude Larre a écrit:Le beau et le bien partent et vibrent dans l’air. Mais à chaque beau, à chaque bien s’attachent un laid et un mal comme l’ombre qui double les objets exposés au soleil. Bien plus, chacun tire à sa manière et produit son beau et son bien. Quelle tristesse ! La Voie, si belle en elle-même, est défigurée
En supposant un "beau" et un "bien" absolus, on frise l'escroquerie intellectuelle :
老子, lǎo zǐ a écrit:Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale), alors la laideur (du vice) a paru. Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien, alors le mal a paru. C'est pourquoi l'être et le non-être naissent l'un de l'autre.
Le difficile et le facile se produisent mutuellement.
Le long et le court se donnent mutuellement leur forme.
Le haut et le bas montrent mutuellement leur inégalité.
Les tons et la voix s'accordent mutuellement.
L'antériorité et la postériorité sont la conséquence l'une de l'autre. (道德经, dào dé jīng, ch. 2, trad. Stanislas Julien)
Quant au 易经, yì jīng, le "Classique des Mutations", il s'ouvre sur la formule 一 阴 一 阳 之 为 道, yī yīn yī yáng zhī wéi dào, "un Yin, un Yang, tel est le Tao", que Marcel Granet commente de la manière suivante :
Marcel granet a écrit:« D’abord le Yin, puis le Yang, c’est là le Dao. »
« Ici le Yin, là le Yang, c’est là le Dao. »
« Un temps yin, un temps yang, c’est là le Dao. »
« Un côté Yin, un côté Yang, c’est là le Dao. »
« Tout Yin, tout Yang, voilà le Dao. » (in la Pensée Chinoise, p. 104 et 269)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
J’ai terminé mon dernier post par :
« En rapprochant les suivants de la Voie des suivants de l’Esprit Saint, Claude Larre nous remet au cœur du sujet de ce fil. »
Je poursuis.
Les Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola invitent l’exercitant à discerner les esprits (le bon et le mauvais) qui le meuvent et à suivre le bon.
Le bon esprit c’est l’Esprit Saint, l’esprit qui animait Jésus-Christ.
Le chrétien est un suivant de l’Esprit Saint, un suivant du Christ dans son esprit.
Notons que les Exercices Spirituels ne sont pas destinés à l’exercitant mais à l’accompagnant dont le rôle se borne à attirer l’attention de l’accompagné « vers son Dieu qui lui est présent : un Dieu qui lui propose d’entrer en relation avec Lui, tel qu’il est, avec ses failles et ses faiblesses » (Adrien Demoustier, op. cit. p. 13).
On retrouve cette radicale abstinence dans les Entretiens de Lin Tsi :
« En rapprochant les suivants de la Voie des suivants de l’Esprit Saint, Claude Larre nous remet au cœur du sujet de ce fil. »
Je poursuis.
Les Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola invitent l’exercitant à discerner les esprits (le bon et le mauvais) qui le meuvent et à suivre le bon.
Le bon esprit c’est l’Esprit Saint, l’esprit qui animait Jésus-Christ.
Le chrétien est un suivant de l’Esprit Saint, un suivant du Christ dans son esprit.
Notons que les Exercices Spirituels ne sont pas destinés à l’exercitant mais à l’accompagnant dont le rôle se borne à attirer l’attention de l’accompagné « vers son Dieu qui lui est présent : un Dieu qui lui propose d’entrer en relation avec Lui, tel qu’il est, avec ses failles et ses faiblesses » (Adrien Demoustier, op. cit. p. 13).
On retrouve cette radicale abstinence dans les Entretiens de Lin Tsi :
Lin Tsi a écrit:On dit de toutes parts, adeptes, qu’il y a une Voie à cultiver, une Loi à éprouver. Dites-moi donc quelle Loi à éprouver, quelle [Voie] à cultiver ? Qu’est-ce qui vous manque en votre activité actuelle ? Qu’avez-vous à compléter par la culture ? C’est parce qu’ils ne comprennent rien à rien que de petits maîtres puînés font confiance à ces renards sauvages, à ces larves malignes, et leur permettent de parler d’affaires bonnes à entortiller autrui – de la nécessité d’accorder la théorie et la pratique, de veiller sur ses triples actes pour devenir Buddha, et d’autres discours de ce genre comme crachin au printemps. Un ancien l’a dit :
« Si vous rencontrez sur la route un homme parvenu à la Voie,
Surtout ne lui parlez pas de la Voie ! »
(op. cit. p. 98)
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:J’ai terminé mon dernier post par :
« En rapprochant les suivants de la Voie des suivants de l’Esprit Saint, Claude Larre nous remet au cœur du sujet de ce fil. »
Je poursuis.
Les Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola invitent l’exercitant à discerner les esprits (le bon et le mauvais) qui le meuvent et à suivre le bon.
Le bon esprit c’est l’Esprit Saint, l’esprit qui animait Jésus-Christ.
Le chrétien est un suivant de l’Esprit Saint, un suivant du Christ dans son esprit.
Notons que les Exercices Spirituels ne sont pas destinés à l’exercitant mais à l’accompagnant dont le rôle se borne à attirer l’attention de l’accompagné « vers son Dieu qui lui est présent : un Dieu qui lui propose d’entrer en relation avec Lui, tel qu’il est, avec ses failles et ses faiblesses » (Adrien Demoustier, op. cit. p. 13).
Soit. Mais quel est le rapport avec le Tao ?
Lin Tsi a écrit:On dit de toutes parts, adeptes, qu’il y a une Voie à cultiver, une Loi à éprouver. Dites-moi donc quelle Loi à éprouver, quelle [Voie] à cultiver ? Qu’est-ce qui vous manque en votre activité actuelle ? Qu’avez-vous à compléter par la culture ? C’est parce qu’ils ne comprennent rien à rien que de petits maîtres puînés font confiance à ces renards sauvages, à ces larves malignes, et leur permettent de parler d’affaires bonnes à entortiller autrui – de la nécessité d’accorder la théorie et la pratique, de veiller sur ses triples actes pour devenir Buddha, et d’autres discours de ce genre comme crachin au printemps. Un ancien l’a dit :
« Si vous rencontrez sur la route un homme parvenu à la Voie,
Surtout ne lui parlez pas de la Voie ! »
(op. cit. p. 98)
Je serais curieux d'avoir le texte chinois sous les yeux. Parce qu'un tel passage ressemble plus à un prêche enflammé qu'à la remarque humble et bienveillante d'un Sage.
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Dans mon post précédent, j’ai cité Lin Tsi :
Paul Demiéville commente :
Il ne s’agit pas de cultiver la Voie, c’est-à-dire de tenir des discours mais de la suivre, de la pratiquer.
Il ne vient à personne l’idée, par exemple, que le psychanalyste, devrait se limiter à enseigner la pensée de Freud au patient.
Je rappelle, ici, l’extrait du § 2 du Tao Te King déjà cité :
Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole
(Duyvendak transporte la strophe au § 43 et traduit :
« C’est pourquoi le Saint se tient à la pratique du Non-agir, et professe un enseignement sans paroles »)
Le Saint n’est pas muet mais « professe un enseignement sans paroles ».
Lin Tsi a écrit:Un ancien l’a dit :
« Si vous rencontrez sur la route un homme parvenu à la Voie,
Surtout ne lui parlez pas de la Voie ! »
Paul Demiéville commente :
Paul Demiéville a écrit:Un ancien l’a dit : ces vers sont attribués à un des disciples de Houei-neng, Pen-tsing de Sseu-k’ong (667-761) :
« L’essence de la Voie n’est point à cultiver ;
C’est en ne la cultivant point qu’on s’unit à la Voie.
En qui naît la pensée de cultiver la Voie,
Cet homme-là ne comprend pas la Voie.
Si tout à coup vous rencontrez un homme parvenu à la Voie,
Surtout ne lui parlez pas de la Voie. »
Il ne s’agit pas de cultiver la Voie, c’est-à-dire de tenir des discours mais de la suivre, de la pratiquer.
Il ne vient à personne l’idée, par exemple, que le psychanalyste, devrait se limiter à enseigner la pensée de Freud au patient.
Je rappelle, ici, l’extrait du § 2 du Tao Te King déjà cité :
Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole
(Duyvendak transporte la strophe au § 43 et traduit :
« C’est pourquoi le Saint se tient à la pratique du Non-agir, et professe un enseignement sans paroles »)
Le Saint n’est pas muet mais « professe un enseignement sans paroles ».
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Re: Le Tao Te King de Claude Larre et la spiritualité ignatienne
Vanleers a écrit:Il ne s’agit pas de cultiver la Voie, c’est-à-dire de tenir des discours mais de la suivre, de la pratiquer.
Il ne vient à personne l’idée, par exemple, que le psychanalyste, devrait se limiter à enseigner la pensée de Freud au patient.
L'analogie du Tao avec la psychanalyse est pertinente. Dans les deux cas, il s'agit en effet de lutter contre les fixations, les engorgements, les scléroses, en libérant la circulation des énergies entre les pôles opposés de la vie (joie/tristesse, santé/maladie, activité/repos, agressivité/bienveillance, etc.). Mais, justement, LA Voie de libération n'existe pas. Chacun des "dix-mille êtres" se voit désigner par le Sage sa propre Voie fonction des circonstances. De même qu'en psychanalyse LA thérapie n'existe pas mais toute cure est nécessairement personnalisée par le thérapeute. On est là diamétralement opposé à la formule de l'évangile de Jean selon laquelle le Christ serait "LE chemin, LA vérrité et LA vie".
Vanleers a écrit:Je rappelle, ici, l’extrait du § 2 du Tao Te King déjà cité :
Aussi les Saints œuvraient selon le non agir
Et s’adonnaient à l’enseignement sans parole
(Duyvendak transporte la strophe au § 43 et traduit :
« C’est pourquoi le Saint se tient à la pratique du Non-agir, et professe un enseignement sans paroles »)
Le Saint n’est pas muet mais « professe un enseignement sans paroles ».
Il n'y a pas de "saint" dans la pensée chinoise (cf. supra).
Zhongguoren- Digressi(f/ve)
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