"Dieu est mort" : histoire d'une expression
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"Dieu est mort" : histoire d'une expression
C'était une petite interrogation personnelle et, après quelques recherches, c'est devenu ça :
Dieu est mort
« Gott ist tot » : on attribue souvent cette grande annonce, si consubstantielle à notre « modernité », à Friedrich Nietzsche.
Chez lui, en effet, la mort de Dieu, entendue non comme mort du divus, mais comme vacillement des valeurs chrétiennes et de leur fondement, devient un terme prégnant dès le Gai Savoir (1882) :
Par « Dieu est mort » donc, Nietzsche entend signifier un changement dans l’ordre des valeurs et des représentations, un tournant et un vertige – annoncés en Allemagne par les œuvres philosophico-théologiques d’un Feuerbach ou d’un David Friedrich Strauss (on sait que c’est la Vie de Jésus (1835) de ce dernier, qui avait eu un impact considérable jusqu’en France où il avait été rapidement traduit par Emile Littré, qui avait mis le jeune Nietzsche sur les rails de l’athéisme).
Cette acception nietzschéenne de la formule, comme caractéristique fondamentale de notre modernité, est celle qui a couru tout le long du XXème siècle.
Mais l’expression, indépendamment de son sens profond, a aussi une histoire : Nietzsche ne l’a pas inventée, comme il est pourtant souvent dit.
La première occurrence dans le canon philosophique revient semble-t-il à Hegel, dans Foi et Savoir (Glauben und Wissen, 1802). Elle est reprise dans la Phénoménologie de l’Esprit (1807), où elle apparaît comme le lot de la conscience de soi malheureuse : l’angoisse et l’effroi, « la douleur qui s’énonce comme la dure parole que Dieu est mort (§ « Die Religion », souligné par Hegel).
Selon un article de Eric von der Luft dans le Journal of the History of Ideas (« Sources of Nietzsche’s ‘God is dead !’ and its meaning for Heidegger », vol. 45, n°2, avril 1984), l’expression renvoie à un topos médiéval, qui donnera ses fruits jusqu’à Kierkegaard et Tillich, et qui semble partagé plus généralement par les philosophies existentielles mettant l’accent sur l’angoisse : ce topos, c'est celui de la solitude et de l’angoisse de l’homme sans Dieu.
« Dieu est mort » a alors une signification strictement individuelle : c’est le cri de désespoir de l’homme face au sentiment d’être abandonné à lui-même.
Topos médiéval ou prophétie moderne, drame individuel ou vacillement collectif – et irrémédiable ? –, l’expression ou l’idée a donc traversé l’histoire avec des sens variables.
Mais qui, et quand, fixe précisément cette formule si violemment antithétique, cet oxymore absolu ?
Une première piste nous est donnée par les traducteurs, chez Ga llimard, de la Phénoménologie de l’Esprit, G. Jarczyk et P.-J. Labarrière : « Gott ist tot », passage d’un cantique du XVIIème siècle très connu en Allemagne, aurait fait sa première apparition dans un hymne… de Luther.
Faux, intervient von der Luft dans son article, qui retrace la fixation de cette légende :
« Ever since J.B. Baillie, who published his translation of the Phänomenologie in 1910, told us that Hegel’s use of ‘God is dead’ derives from one of Martin Luther’s hymns, many fine scholars have been misled by this false association »
(« Depuis que J.B. Baillie, auteur d’une traduction de la Phénoménologie en 1910, y a déclaré que l’utilisation par Hegel de ‘Dieu est mort’ se fondait sur l’un des hymnes de Martin Luther, bien des chercheurs ont été égarés par cette fausse association. »)
L’érudit nous donne le fin mot de l’histoire : l’hymne en question n’est tout simplement pas l’œuvre de Luther, mais d’un pasteur luthérien, Johann Rist (1607-1667).
Voici donc, pour conclure, la complainte de notre luthérien :
Dieu est mort
« Gott ist tot » : on attribue souvent cette grande annonce, si consubstantielle à notre « modernité », à Friedrich Nietzsche.
Chez lui, en effet, la mort de Dieu, entendue non comme mort du divus, mais comme vacillement des valeurs chrétiennes et de leur fondement, devient un terme prégnant dès le Gai Savoir (1882) :
« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »
Le Gai Savoir, § 125, « L’insensé »
Par « Dieu est mort » donc, Nietzsche entend signifier un changement dans l’ordre des valeurs et des représentations, un tournant et un vertige – annoncés en Allemagne par les œuvres philosophico-théologiques d’un Feuerbach ou d’un David Friedrich Strauss (on sait que c’est la Vie de Jésus (1835) de ce dernier, qui avait eu un impact considérable jusqu’en France où il avait été rapidement traduit par Emile Littré, qui avait mis le jeune Nietzsche sur les rails de l’athéisme).
Cette acception nietzschéenne de la formule, comme caractéristique fondamentale de notre modernité, est celle qui a couru tout le long du XXème siècle.
Mais l’expression, indépendamment de son sens profond, a aussi une histoire : Nietzsche ne l’a pas inventée, comme il est pourtant souvent dit.
La première occurrence dans le canon philosophique revient semble-t-il à Hegel, dans Foi et Savoir (Glauben und Wissen, 1802). Elle est reprise dans la Phénoménologie de l’Esprit (1807), où elle apparaît comme le lot de la conscience de soi malheureuse : l’angoisse et l’effroi, « la douleur qui s’énonce comme la dure parole que Dieu est mort (§ « Die Religion », souligné par Hegel).
Selon un article de Eric von der Luft dans le Journal of the History of Ideas (« Sources of Nietzsche’s ‘God is dead !’ and its meaning for Heidegger », vol. 45, n°2, avril 1984), l’expression renvoie à un topos médiéval, qui donnera ses fruits jusqu’à Kierkegaard et Tillich, et qui semble partagé plus généralement par les philosophies existentielles mettant l’accent sur l’angoisse : ce topos, c'est celui de la solitude et de l’angoisse de l’homme sans Dieu.
« Dieu est mort » a alors une signification strictement individuelle : c’est le cri de désespoir de l’homme face au sentiment d’être abandonné à lui-même.
Topos médiéval ou prophétie moderne, drame individuel ou vacillement collectif – et irrémédiable ? –, l’expression ou l’idée a donc traversé l’histoire avec des sens variables.
Mais qui, et quand, fixe précisément cette formule si violemment antithétique, cet oxymore absolu ?
Une première piste nous est donnée par les traducteurs, chez Ga llimard, de la Phénoménologie de l’Esprit, G. Jarczyk et P.-J. Labarrière : « Gott ist tot », passage d’un cantique du XVIIème siècle très connu en Allemagne, aurait fait sa première apparition dans un hymne… de Luther.
Faux, intervient von der Luft dans son article, qui retrace la fixation de cette légende :
« Ever since J.B. Baillie, who published his translation of the Phänomenologie in 1910, told us that Hegel’s use of ‘God is dead’ derives from one of Martin Luther’s hymns, many fine scholars have been misled by this false association »
(« Depuis que J.B. Baillie, auteur d’une traduction de la Phénoménologie en 1910, y a déclaré que l’utilisation par Hegel de ‘Dieu est mort’ se fondait sur l’un des hymnes de Martin Luther, bien des chercheurs ont été égarés par cette fausse association. »)
L’érudit nous donne le fin mot de l’histoire : l’hymne en question n’est tout simplement pas l’œuvre de Luther, mais d’un pasteur luthérien, Johann Rist (1607-1667).
Voici donc, pour conclure, la complainte de notre luthérien :
Johann Rist, Dichtungen, § 215 : « Ein trauriger Grabgesansg » [« Chanson triste de la tombe », traduit par moi]O grosse Not !
Gott selbst liegt tot,
Am Kreuz ist er gestorben,
Hat dadurch das Himmelreich
Uns aus Lieb erworben.
O, quelle détresse !
Dieu lui-même est mort,
Sur la croix il a succombé,
Et nous a acquis par son amour
Le royaume des Cieux.
Plus Oultre- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 11/02/2008
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Est-ce que nous avons déjà pensé à te souhaiter la bienvenue, Plus Oultre ? :) Merci pour cette contribution passionnante !
Bon, donc, là où Rist évoque la mort du Christ, Nietzsche, lui, parle de la mort de Dieu.
D'ailleurs, c'est un peu étrange, cette utilisation du terme Gott pour évoquer le Christ chez un luthérien, me semble-t-il. Non ? Ca n'étonne personne à part moi ?
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Bon, donc, là où Rist évoque la mort du Christ, Nietzsche, lui, parle de la mort de Dieu.
D'ailleurs, c'est un peu étrange, cette utilisation du terme Gott pour évoquer le Christ chez un luthérien, me semble-t-il. Non ? Ca n'étonne personne à part moi ?
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Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Justement, j'aurais dû préciser dès le début : quand on dit "Dieu est mort", on parle bien de Dieu, donc communément (dans "l'imaginaire collectif") du Père, du Créateur, pas de Jésus.
La mort de Jésus est dans l'Ecriture, comme sacrifice/condition de la Résurrection, très bien ; la mort de Dieu, c'est tout simplement de l'hérésie, ou quelque chose d'impensable d'un point de vue chrétien.
Donc il est bien question de la mort de Dieu le Père, et Rist est justement le premier à employer la formule Gott ist tot.
En lisant l'hymne j'ai eu la même réaction. En regard de la suite, en tout cas, c'est sujet à discussion.
Mais alors pourquoi utiliser "Gott" ?
Je pense qu'il faut vraiment le prendre comme l'abandon de Dieu (qui peut être un renvoi au "Lamah Hazabthani" - Dieu, pourquoi m'as tu abandonné - du Christ).
Il nous faudrait un luthérien :)
Sinon en relisant la contribution je me rends compte que le ton est assez journalistique, ce qui n'est pas l'effet souhaité. Le topo est ouvert aux quatre vents, chacun peut le sabrer ou le dépecer à l'envi.
La mort de Jésus est dans l'Ecriture, comme sacrifice/condition de la Résurrection, très bien ; la mort de Dieu, c'est tout simplement de l'hérésie, ou quelque chose d'impensable d'un point de vue chrétien.
Donc il est bien question de la mort de Dieu le Père, et Rist est justement le premier à employer la formule Gott ist tot.
En lisant l'hymne j'ai eu la même réaction. En regard de la suite, en tout cas, c'est sujet à discussion.
Mais alors pourquoi utiliser "Gott" ?
Je pense qu'il faut vraiment le prendre comme l'abandon de Dieu (qui peut être un renvoi au "Lamah Hazabthani" - Dieu, pourquoi m'as tu abandonné - du Christ).
Il nous faudrait un luthérien :)
Sinon en relisant la contribution je me rends compte que le ton est assez journalistique, ce qui n'est pas l'effet souhaité. Le topo est ouvert aux quatre vents, chacun peut le sabrer ou le dépecer à l'envi.
Plus Oultre- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 39
Date d'inscription : 11/02/2008
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Oui, c'est ça, j'entendais bien : Chez Rist, pasteur luthérien donc, ça me semble un peu étrange, cette utilisation de "Gott" pour évoquer le Christ -parce qu'on est d'accord que pour les luthériens, c'est le Christ qui meurt sur la croix, et non Dieu, bien évidemment. Je crois d'ailleurs que la thèse de Luther est assez claire à ce sujet, qui conçoit la Trinité comme trois personnes en une, avec une définition essentialiste de la "personne" (enfin, en tous cas, je fais là référence à la Confession d'Augsbourg que ton texte m'a incité à vérifier). Donc confondre Dieu et le Christ, écrire "Dieu lui-même est mort sur la croix" et le faire chanter par les fidèles, ça me semble assez étonnant pour un luthérien.
Mais bon, tu as raison, il nous faudrait quelqu'un qui connaisse vraiment bien le sujet et qui nous éclaire un peu, quoi !... :D
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Mais bon, tu as raison, il nous faudrait quelqu'un qui connaisse vraiment bien le sujet et qui nous éclaire un peu, quoi !... :D
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Bergame- Persona
- Nombre de messages : 5358
Date d'inscription : 03/09/2007
Et Dosto alors ?
Je rajoute un petit quelque chose.
S'il y a une ligne protestantisme-Hegel-Nietzsche, il y en a une autre orthodoxie-Dostoïevski.
Je pense aux Frères Karamazov, son dernier roman de 1880 et au
Encore faut-il replacer la phrase dans son ensemble :
elle advient après toute une rumination, des doutes qui n'en finissent pas.
Chemin et créateur absurde en ce sens, pour reprendre un titre de Camus.
On trouve auparavant Dmitri Karamazov s'adressant à Rakitine
Enfin, Dostoïevski a écrit, en dehors du littéraire, comme geste physique,
Bref, Dostoïevski est dans l'ère du doute, de l'interrogation, de la polyphonie des conceptions, de la solitude, de l'épreuve quand Nietzsche en est à l'annonce, au défi, à la participation des l'émission des doutes, à la libération ou à la malédiction entrevue, etc...
On pourrait presque y lire 2 lectures modernes du défi pascalien.
Or, Nietzsche a lu et aimé Dostoïevski.
Dostoïevski est la seule personne qui m'ait appris quelque chose en psychologie, écrit-il.
Probablement pas Les Frères Karamazov, mais c'est le cas au moins de Souvenir de la maison des morts (1860-62), et des Carnets du sous-sol (1863)
Je ne m'étale pas sur les rapports Nietzsche/Dostoievski qui sont très riches.
(Chestov a écrit dessus)
Toujours est-il que le passage du rêve du Grand Inquisiteur et l'annonce de la mort de Dieu dans le prologue de Zarathoustra sont 2 moments fondamentaux danns l'histoire littéraire, de la représentation des idées, et de la modernité.
A tel point qu'en un sens, on a mélangé les 2 pour en arriver à "Si Dieu est mort, tout est permis."
Signe que la rupture est marquée ; le geste rendu historique, cette mort comprise comme symbolique, son existence ne pouvant être source de certitude .
Les interprétations, elles, continuent à puiser dans un fond séculaire.
Ainsi en est-il de l'idée que la mort de Dieu est volontaire, que le créateur s'est retiré pour laisser aux hommes la charge de la responsabilité de la création dans laquelle réside toute l'essence divine.
Ou encore éclipse des dieux répondant au crépuscule des idoles.
L'absence des dieux est peut-être temporaire.
Le retour des dieux répond alors à des canevas proches de ceux du mythe du retour du roi (Arthur, le sebastianisme, le Quint Empire).
Des auteurs tels que Novalis, Holderlin, Rilke, Pessoa se placent dans ces lectures.
S'il y a une ligne protestantisme-Hegel-Nietzsche, il y en a une autre orthodoxie-Dostoïevski.
Je pense aux Frères Karamazov, son dernier roman de 1880 et au
Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis.
Encore faut-il replacer la phrase dans son ensemble :
elle advient après toute une rumination, des doutes qui n'en finissent pas.
Chemin et créateur absurde en ce sens, pour reprendre un titre de Camus.
On trouve auparavant Dmitri Karamazov s'adressant à Rakitine
Mais alors, que deviendra l'homme, sans Dieu et sans immortalité? Tout est permis, par " conséquent, tout est licite? (XI,IV: L'hymne et le secret)
Enfin, Dostoïevski a écrit, en dehors du littéraire, comme geste physique,
Si Dieu n'existait pas, tout serait permis.
Bref, Dostoïevski est dans l'ère du doute, de l'interrogation, de la polyphonie des conceptions, de la solitude, de l'épreuve quand Nietzsche en est à l'annonce, au défi, à la participation des l'émission des doutes, à la libération ou à la malédiction entrevue, etc...
On pourrait presque y lire 2 lectures modernes du défi pascalien.
Or, Nietzsche a lu et aimé Dostoïevski.
Dostoïevski est la seule personne qui m'ait appris quelque chose en psychologie, écrit-il.
Probablement pas Les Frères Karamazov, mais c'est le cas au moins de Souvenir de la maison des morts (1860-62), et des Carnets du sous-sol (1863)
Je ne m'étale pas sur les rapports Nietzsche/Dostoievski qui sont très riches.
(Chestov a écrit dessus)
Toujours est-il que le passage du rêve du Grand Inquisiteur et l'annonce de la mort de Dieu dans le prologue de Zarathoustra sont 2 moments fondamentaux danns l'histoire littéraire, de la représentation des idées, et de la modernité.
A tel point qu'en un sens, on a mélangé les 2 pour en arriver à "Si Dieu est mort, tout est permis."
Signe que la rupture est marquée ; le geste rendu historique, cette mort comprise comme symbolique, son existence ne pouvant être source de certitude .
Les interprétations, elles, continuent à puiser dans un fond séculaire.
Ainsi en est-il de l'idée que la mort de Dieu est volontaire, que le créateur s'est retiré pour laisser aux hommes la charge de la responsabilité de la création dans laquelle réside toute l'essence divine.
Ou encore éclipse des dieux répondant au crépuscule des idoles.
L'absence des dieux est peut-être temporaire.
Le retour des dieux répond alors à des canevas proches de ceux du mythe du retour du roi (Arthur, le sebastianisme, le Quint Empire).
Des auteurs tels que Novalis, Holderlin, Rilke, Pessoa se placent dans ces lectures.
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L'effet dévore la cause, la fin en a absorbé le moyen.
Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Hola! ça commencait à faire longtemps que je n'étais pas passé vous dire bonjour, alors me voici avec une réponse aux deux derniers sujets (sur le nihilisme et la mort de Dieu).
Pour Nietzsche, critiquer un individu en particulier fut toujours un moyen de sans prendre à un archétype culturel (ou psychique); et c'est dans cette optique qu'il faut comprendre ce thème de "la mort de Dieu", selon mon humble avis du moins.
Faisons tout d'abord une mise au point, la biographie et la philosophie s'entremêlent intimement chez Nietzsche; chaque évènement de son vécu personnel est la résultante de l'écho d'un plan d'existence supérieur. C'est l'évolution de l'esprit de Nietzsche qui le détermine à emprunter telle ou telle voie et à percevoir ses expériences de telle ou telle façon; et non l'inverse. Ainsi, la mort de Dieu est un exemple particulier de dévaluation des valeurs, ce que peut expérimenter toute société et qui, dans celle de la 2e moitié du 19e siècle, était représentée par la figure de Dieu. La valeur étant une structure complexe de jugements (de jugements de valeur précisément), il en résulte ce qui fut pensée ultérieurement au 20e siècle comme un désenchantement du monde. Cette phase de désenchantement est enclenchée, selon le terme de Nietzsche, comme une déshumanisation.
Durant cette période, le monde est perçu sous l'archétype du Néant (ressenti comme vide). Le voile d'illusion que constituait l'ensemble des jugements de valeur, et qui avait pour tâche de nous rendre le monde familier et sécuritaire, ne faisant plus effet, alors le monde est perçu comme hostile et étranger. Mais principalement, ce monde est jugé selon une valeur négative puisqu'il est comparé au monde tel qu'il était sous l'effet des jugements de valeur; et lui est jugé inférieur. Ceci est le nihilisme: attribuer une valeur négative au monde sous prétexte qu'il n'est pas ce qu'il devrait être. Cela est à l'origine du ressentiment et de la culpabilité (cette insatisfaction existentielle est soit la faute du monde (ressentiment) ou ma faute (culpabilité)). De la aussi, le rejet du wagnérisme qui palie au désenchantement par une nouvelle symbolisation des valeurs mortes (une forme d'opiacé), ce qui poursuit indéfiniment l'agonie. De même l'antisémitisme de son époque est symptomatique des mêmes maux existentiels: c'est la faute des juifs. Le nihilisme et la déshumanisation sont une phase de purification (qui peut être échouée ou réussie, soit dit en passant).
Ainsi, pour Nietzsche, la mort de Dieu est un évènement qui se répète à travers l'histoire. Je crois qu'il serait même juste d'affirmer que, pour Nietzsche, la première mort de Dieu (selon ce que l'histoire nous relate) a eu lieu par la main de Jésus; qui aurait tué le Dieu Juif et ses "tu dois", ses commandements pour son peuple.
Toutefois, la perspective d'analyse la plus intéressante est que durant ce moment où les anciennes tables sont brisées et que les nouvelles n'ont pas encore été écrites, l'individu humain peut se détacher des considérations temporelles (dont l'illusion ne fait plus effet grâce à la disparition de ce qu'on peut appeler la sémiologie (domaine du sens) culturelle) pour penser l'éternité grâce à la pureté de son regard.
"Hat man mich verstanden ? - Diosysos gegen den Gekreuzigten..." traduction: "M'a-t-on compris ? Dionysos en face du Crucifié...". Toutes les traductions que j'ai vu de Ecce homo traduisent cette phrase finale par Dionysos contre le Cruficié, toutefois la signification de gegen n'est pas ici celle d'opposition, mais de face à face. De l'interprétation du mot gegen dérive deux interprétations complètement opposées de Nietzsche: soit il est un ennemi du christianisme et met à jour un culte dyonisiaque de l'ici-bas, du ici et du maintenant (comme si la transcendance chrétienne n'était qu'un paradis post-mortem...) ou bien Nietzsche cherche à penser un équilibre (où Apollon est la balance créatrice de formes, de symboles) entre l'éternel et le temporel, l'infini et le fini, l'être (conçu comme présence de l'étant) et le devenir. Selon cette deuxième interprétation, qui est la mienne, la mort de Dieu n'est pas un évènement permettant l'avènement de Dionysos contre le cruficié, mais plutôt un évènement tragi-comique (tragique lorsqu'on y fait le premier pas, et comique après y avoir fait le dernier) à partir duquel naît la réflexion de Nietzsche.
Pour Nietzsche, critiquer un individu en particulier fut toujours un moyen de sans prendre à un archétype culturel (ou psychique); et c'est dans cette optique qu'il faut comprendre ce thème de "la mort de Dieu", selon mon humble avis du moins.
Faisons tout d'abord une mise au point, la biographie et la philosophie s'entremêlent intimement chez Nietzsche; chaque évènement de son vécu personnel est la résultante de l'écho d'un plan d'existence supérieur. C'est l'évolution de l'esprit de Nietzsche qui le détermine à emprunter telle ou telle voie et à percevoir ses expériences de telle ou telle façon; et non l'inverse. Ainsi, la mort de Dieu est un exemple particulier de dévaluation des valeurs, ce que peut expérimenter toute société et qui, dans celle de la 2e moitié du 19e siècle, était représentée par la figure de Dieu. La valeur étant une structure complexe de jugements (de jugements de valeur précisément), il en résulte ce qui fut pensée ultérieurement au 20e siècle comme un désenchantement du monde. Cette phase de désenchantement est enclenchée, selon le terme de Nietzsche, comme une déshumanisation.
Durant cette période, le monde est perçu sous l'archétype du Néant (ressenti comme vide). Le voile d'illusion que constituait l'ensemble des jugements de valeur, et qui avait pour tâche de nous rendre le monde familier et sécuritaire, ne faisant plus effet, alors le monde est perçu comme hostile et étranger. Mais principalement, ce monde est jugé selon une valeur négative puisqu'il est comparé au monde tel qu'il était sous l'effet des jugements de valeur; et lui est jugé inférieur. Ceci est le nihilisme: attribuer une valeur négative au monde sous prétexte qu'il n'est pas ce qu'il devrait être. Cela est à l'origine du ressentiment et de la culpabilité (cette insatisfaction existentielle est soit la faute du monde (ressentiment) ou ma faute (culpabilité)). De la aussi, le rejet du wagnérisme qui palie au désenchantement par une nouvelle symbolisation des valeurs mortes (une forme d'opiacé), ce qui poursuit indéfiniment l'agonie. De même l'antisémitisme de son époque est symptomatique des mêmes maux existentiels: c'est la faute des juifs. Le nihilisme et la déshumanisation sont une phase de purification (qui peut être échouée ou réussie, soit dit en passant).
Ainsi, pour Nietzsche, la mort de Dieu est un évènement qui se répète à travers l'histoire. Je crois qu'il serait même juste d'affirmer que, pour Nietzsche, la première mort de Dieu (selon ce que l'histoire nous relate) a eu lieu par la main de Jésus; qui aurait tué le Dieu Juif et ses "tu dois", ses commandements pour son peuple.
Toutefois, la perspective d'analyse la plus intéressante est que durant ce moment où les anciennes tables sont brisées et que les nouvelles n'ont pas encore été écrites, l'individu humain peut se détacher des considérations temporelles (dont l'illusion ne fait plus effet grâce à la disparition de ce qu'on peut appeler la sémiologie (domaine du sens) culturelle) pour penser l'éternité grâce à la pureté de son regard.
"Hat man mich verstanden ? - Diosysos gegen den Gekreuzigten..." traduction: "M'a-t-on compris ? Dionysos en face du Crucifié...". Toutes les traductions que j'ai vu de Ecce homo traduisent cette phrase finale par Dionysos contre le Cruficié, toutefois la signification de gegen n'est pas ici celle d'opposition, mais de face à face. De l'interprétation du mot gegen dérive deux interprétations complètement opposées de Nietzsche: soit il est un ennemi du christianisme et met à jour un culte dyonisiaque de l'ici-bas, du ici et du maintenant (comme si la transcendance chrétienne n'était qu'un paradis post-mortem...) ou bien Nietzsche cherche à penser un équilibre (où Apollon est la balance créatrice de formes, de symboles) entre l'éternel et le temporel, l'infini et le fini, l'être (conçu comme présence de l'étant) et le devenir. Selon cette deuxième interprétation, qui est la mienne, la mort de Dieu n'est pas un évènement permettant l'avènement de Dionysos contre le cruficié, mais plutôt un évènement tragi-comique (tragique lorsqu'on y fait le premier pas, et comique après y avoir fait le dernier) à partir duquel naît la réflexion de Nietzsche.
Pierre Rivière- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 24/09/2007
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
B'jour.
Petite question au passage : t'aurais pas lu Jung ?
(Je suis dedans en ce moment et ce que tu exprimes là me fait penser à certains trucs de lui, du point de vue d'une dynamique).
Dévaluation des valeurs, certainement.
On se retourne sur les anciennes tables des valeurs, on jauge leur impact sur nous, leur influence et notre confiance en elle.
Puis la dépréciation, le passage à la non-valeur et, si de l'affinité à la contrariété, on en reste là, c'est bien le nihilisme qui apparait.
En revanche, là où j'aurais un truc à rajouter dans cette explication (avec laquelle je suis d'accord ensuite), c'est au sujet de cet archétype du Néant sous lequel le monde aurait ensuite été perçu. Ou plus précisément au fait que ceci est à l'origine du ressentiment, de la culpabilité.
Ce n'est pas plutôt de l'énergie inemployée, de l'attente, l'hésitation, la nonchalance, comme un mal de fin de siècle ?
Justement l'ermite que rencontre Zarathoustra en descendant de sa montagne et qui n'a pas appris que Dieu est mort.
Une indigestion des perspectives et l'incapacité de la valeur "civilisation" à aller de l'avant pour au bout du compte tomber dans la facilité des combats et de la guerre ?
S'il y a ressentiment, c'est alors à nouveau, encore, comme retour et conséquence d'un échec qu'il y aurait ressentiment.
Au fond, l'avertissement en filigrane de Nietzsche aux hommes :
"Dieu est mort, et si vous ne trouvez pas quelque chose d'autre (lui pense au chemin menant au surhomme, puis à l'homme supérieur), vous le paierez cher."
Petite question au passage : t'aurais pas lu Jung ?
(Je suis dedans en ce moment et ce que tu exprimes là me fait penser à certains trucs de lui, du point de vue d'une dynamique).
Dévaluation des valeurs, certainement.
On se retourne sur les anciennes tables des valeurs, on jauge leur impact sur nous, leur influence et notre confiance en elle.
Puis la dépréciation, le passage à la non-valeur et, si de l'affinité à la contrariété, on en reste là, c'est bien le nihilisme qui apparait.
En revanche, là où j'aurais un truc à rajouter dans cette explication (avec laquelle je suis d'accord ensuite), c'est au sujet de cet archétype du Néant sous lequel le monde aurait ensuite été perçu. Ou plus précisément au fait que ceci est à l'origine du ressentiment, de la culpabilité.
Ce n'est pas plutôt de l'énergie inemployée, de l'attente, l'hésitation, la nonchalance, comme un mal de fin de siècle ?
Justement l'ermite que rencontre Zarathoustra en descendant de sa montagne et qui n'a pas appris que Dieu est mort.
Une indigestion des perspectives et l'incapacité de la valeur "civilisation" à aller de l'avant pour au bout du compte tomber dans la facilité des combats et de la guerre ?
S'il y a ressentiment, c'est alors à nouveau, encore, comme retour et conséquence d'un échec qu'il y aurait ressentiment.
Au fond, l'avertissement en filigrane de Nietzsche aux hommes :
"Dieu est mort, et si vous ne trouvez pas quelque chose d'autre (lui pense au chemin menant au surhomme, puis à l'homme supérieur), vous le paierez cher."
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L'effet dévore la cause, la fin en a absorbé le moyen.
Paul Valéry, Poésie et pensées abstraites
(cité par Herbert Marcuse, in L'homme unidimensionnel)
hks : On le sait bien, une fois que un tel est parti (faché) on se retrouve seuls comme des imbéciles.
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Je n'ai pas lu Jung directement. Toutefois, j'ai entendu parler de lui indirectement ici et là, et plus récemment dans le cadre du développement de l'idée d'archétype (figures mythiques, symbolisme originel, etc.); je ne serais pas surpris que certains éléments sur lesquels je réfléchi depuis quelque temps puissent se retrouver chez Jung.
Toutefois, cette "énergie inemployée, de l'attente, l'hésitation, la nonchalance" me semblent plutôt symptomatiques d'une régression culturelle. Je m'explique.
Supposons qu'il existe des degrés dans le développement de l'esprit humain. Donc, certains individus perçoivent le monde à partir d'une perspective plus élevée, ils ont un regard plus large, qui voient plus loin; leur horizon sentimental, existentiel et spirituel est déployé dans une plus grande étendue. Bref, ils ont accès à un savoir plus universel. Toutefois, de tels individus ne sont pas des forteresses imprenables et lorsqu'ils affrontent leurs institutions d'accueil (université, écoles, milieux de travail, etc.), de même que leur société en général, ces dernières n'ont pas la capacité d'embrasser le même spectre (au double sens d'une étendue et d'un fantôme) existentiel qu'eux. Ils résulte en eux une contradiction intime, soit se laisser modeler pour s'intégrer aux institutions en place (c'est-à-dire sacrifier une part de leur potentiel, de leur énergie - de là l'énergie inemployée) ou tenter de modeler les institutions (et la culture sociale, en général) selon un archétype supérieur: ce qui signifie rencontrer une profonde résistance de la part de la culture en place.
Pour nous il est difficile de l'imaginer, mais lorsque Être et Temps fut publié pour la première fois il a fait face à un profond mutisme de la part des milieux universitaires, autrement dit personne ne comprenait le contenu de ce livre. Un peu moins d'un siècle plus tard, peu nombreux sont ceux qui peuvent se targuer de saisir jusqu'au bout la démarche d'Heidegger dans ses développement finaux. Cette attente de la venue de l'être chez Heidegger est connotée par cette réflexion qu'à l'époque de la technique, l'esprit est dans un état si piteux que de tels vérités ne lui sont guère accessibles. Heidegger disait de même au sujet de Hegel, qui était en disgrâce à cette époque (principalement par les différentes branches du positivisme), il disait que personne n'avait réfuté Hegel, seulement nous n'étions plus capable de nous élever à son niveau.
C'est aussi le cas de Nietzsche qui a refusé de sacrifier son génie à la médiocrité ambiante afin de créer une oeuvre qu'il disait ne pouvoir être comprises que bien après sa mort; c'est pourquoi il disait être né posthume. Le surhomme n'est pas que l'idéal personnel de Nietzsche, puisqu'il "la valeur d'une peuple est sa capacité à reconnaître et assimiler ses grands hommes" (citation de mémoire de Nietzsche). Ce qu'il a cherché à provoquer est une renaissance culturelle qui permettrait aux grands hommes (génies) d'atteindre un plein développement et au peuple d'être élevé grâce à leur enseignement; plutôt que d'être rabaissés par un pouvoir oligarchique qui ne se maintient que grâce à l'abrutissement de sa population, permettant sa servilité.
L'hésitation et la nonchalance dérivent du même principe, l'éducation mise en place par les élites décourage complètement l'autonomie de l'individu. Notamment parce qu'il est entièrement ignorant des enjeux politico-économiques se tramant derrière le voile évènementiel qu'on lui donne à percevoir via les médias d'information. Ainsi, la population n'a pas d'autre choix que d'agir conformément aux intentions de la classe dominante. La population avec toute la bonne volonté du monde croit s'attaquer aux graves enjeux de la société en combattant pour les droits des homosexuels, contre le réchauffement climatique, contre le terrorisme, etc, mais elle ne fait que mettre en place son propre asservissement. L'hésitation et la nonchalance proviennent de ce que le pessimisme culturel, ainsi que l'ignorance massive, font face à un pressentiment de catastrophe savamment instaurée par une stratégie de la peur. Cette hésitation et cette nonchalance ne rien d'autre que ce qu'on nomme sous le nom de nihilisme passif, une culture de mort (l'expression est de J.K. Chesterton) qui en vient à accepter et même désirer sa propre mort (c'est-à-dire sa régression culturelle). Ceci provient directement des aliments avec lesquels l'esprit est nourri: toute trace de culture classique a été éradiquée.
Tout ceci dans le but de déployer le fascisme à l'échelle mondiale, une tyrannie universelle a toujours été l'objectif des capitalistes... (que, personnellement, je nomme plutôt oligarchie financière)
Toutefois, cette "énergie inemployée, de l'attente, l'hésitation, la nonchalance" me semblent plutôt symptomatiques d'une régression culturelle. Je m'explique.
Supposons qu'il existe des degrés dans le développement de l'esprit humain. Donc, certains individus perçoivent le monde à partir d'une perspective plus élevée, ils ont un regard plus large, qui voient plus loin; leur horizon sentimental, existentiel et spirituel est déployé dans une plus grande étendue. Bref, ils ont accès à un savoir plus universel. Toutefois, de tels individus ne sont pas des forteresses imprenables et lorsqu'ils affrontent leurs institutions d'accueil (université, écoles, milieux de travail, etc.), de même que leur société en général, ces dernières n'ont pas la capacité d'embrasser le même spectre (au double sens d'une étendue et d'un fantôme) existentiel qu'eux. Ils résulte en eux une contradiction intime, soit se laisser modeler pour s'intégrer aux institutions en place (c'est-à-dire sacrifier une part de leur potentiel, de leur énergie - de là l'énergie inemployée) ou tenter de modeler les institutions (et la culture sociale, en général) selon un archétype supérieur: ce qui signifie rencontrer une profonde résistance de la part de la culture en place.
Pour nous il est difficile de l'imaginer, mais lorsque Être et Temps fut publié pour la première fois il a fait face à un profond mutisme de la part des milieux universitaires, autrement dit personne ne comprenait le contenu de ce livre. Un peu moins d'un siècle plus tard, peu nombreux sont ceux qui peuvent se targuer de saisir jusqu'au bout la démarche d'Heidegger dans ses développement finaux. Cette attente de la venue de l'être chez Heidegger est connotée par cette réflexion qu'à l'époque de la technique, l'esprit est dans un état si piteux que de tels vérités ne lui sont guère accessibles. Heidegger disait de même au sujet de Hegel, qui était en disgrâce à cette époque (principalement par les différentes branches du positivisme), il disait que personne n'avait réfuté Hegel, seulement nous n'étions plus capable de nous élever à son niveau.
C'est aussi le cas de Nietzsche qui a refusé de sacrifier son génie à la médiocrité ambiante afin de créer une oeuvre qu'il disait ne pouvoir être comprises que bien après sa mort; c'est pourquoi il disait être né posthume. Le surhomme n'est pas que l'idéal personnel de Nietzsche, puisqu'il "la valeur d'une peuple est sa capacité à reconnaître et assimiler ses grands hommes" (citation de mémoire de Nietzsche). Ce qu'il a cherché à provoquer est une renaissance culturelle qui permettrait aux grands hommes (génies) d'atteindre un plein développement et au peuple d'être élevé grâce à leur enseignement; plutôt que d'être rabaissés par un pouvoir oligarchique qui ne se maintient que grâce à l'abrutissement de sa population, permettant sa servilité.
L'hésitation et la nonchalance dérivent du même principe, l'éducation mise en place par les élites décourage complètement l'autonomie de l'individu. Notamment parce qu'il est entièrement ignorant des enjeux politico-économiques se tramant derrière le voile évènementiel qu'on lui donne à percevoir via les médias d'information. Ainsi, la population n'a pas d'autre choix que d'agir conformément aux intentions de la classe dominante. La population avec toute la bonne volonté du monde croit s'attaquer aux graves enjeux de la société en combattant pour les droits des homosexuels, contre le réchauffement climatique, contre le terrorisme, etc, mais elle ne fait que mettre en place son propre asservissement. L'hésitation et la nonchalance proviennent de ce que le pessimisme culturel, ainsi que l'ignorance massive, font face à un pressentiment de catastrophe savamment instaurée par une stratégie de la peur. Cette hésitation et cette nonchalance ne rien d'autre que ce qu'on nomme sous le nom de nihilisme passif, une culture de mort (l'expression est de J.K. Chesterton) qui en vient à accepter et même désirer sa propre mort (c'est-à-dire sa régression culturelle). Ceci provient directement des aliments avec lesquels l'esprit est nourri: toute trace de culture classique a été éradiquée.
Tout ceci dans le but de déployer le fascisme à l'échelle mondiale, une tyrannie universelle a toujours été l'objectif des capitalistes... (que, personnellement, je nomme plutôt oligarchie financière)
Pierre Rivière- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Pour faire suite à la première contribution de Vargas sur l'expression "Dieu est mort" en littérature, je cite -avec son accord, bien entendu- quelques extraits de ce qu'avait proposé dans un autre forum le très érudit et très sympathique MyNight à propos du nihilisme en littérature.
MyNight a écrit:
C'est Tourgueniev le premier qui introduit ce mot [nihilisme], dans son oeuvre Père et Fils (1860), en décrivant le personnage Arcadie Bazarov, et lui faisant dire : "Nous n'avons à nous glorifier que de la stérile conscience de comprendre, jusqu'à un certain point, la stérilité de ce qui est."
Cette thèse purement issue du réalisme russe, reprise également chez Pisarv et Bielinski (lui qui affirme "la négation est mon dieu") ne tombe pas du ciel ex nihilo, justement, et prend son ferment dans la crise de conscience que connaît modialement le XIXème siècle. Le nihilisme reste un corollaire de la modernitè, et est chevillé à l'aire industrielle. Il s'infiltre dans tous les mouvements modernistes, jusques et y compris dans l'architecture où il s'oppose au classicisme.
Notre ami Dostoïevski, dans Crime et Châtiment, n'hésite pas à faire dire à Raskolnikov, une fois que ce dernier prend conscience de l'infâme arbitraire de ses actes : "Le nihilisme, c'est la bassesse de la pensée. Le nihiliste, c'est le laquais de la pensée."
Historiquement, le nihilisme sert de support à la destruction du vieux monde pour en créer par la révolution un nouveau où la liberté absolue est le moteur (Bakounine). Les bureaucraties totalitaire s'appuieront sur le nihilisme pour affirmer un socialisme militaire au nihilisme efficace et immergé dans le rendement (Tkatchev). Terrorisme étatique et nihilisme sont liés historiquement. Anatole France en fait une très belle description sous les traits de l'ange Arkade dans La Révolte des Anges.
Dès lors, Dieu est mort, métaphore dans Ainsi parlait Zarathoustra de la libération de l'homme et de son pouvoir créateur des terreurs sociales insinuées par la religion, ne représente pas la liberté absolue, puisque son fondement est issu d'un meurtre, ni plus ni moins. Dans Le Gai Savoir : "nous sommes tous les assassins de Dieu", "la croyance en le dieu chrétien est tombée en discrédit !" (V,271). Cette équivoque, Dostoïevski la montre bien dans Les Possédés , où Kirilov se substitue à un dieu lui-même, par le blasphème et la transgression, il remplace un chaos par un autre à son image. C'est aussi ce que montre Anatole France dans La Révolte des Anges.
On lira avec profit l'oeuvre d'Hermann Broch, (Les Somnambules et Le Tentateur) à propos des tentations induites par ce nouvel ordre des choses, et de Rauschning qui dans la Révolution du Nihilisme parle de "La mort de la liberté, la domination de la violence et l'esclavage de l'esprit." Ce faisant, il décrit le nazisme. Nietzsche dans Le Gai Savoir ne dit pas autre chose en affirmant que l'étape de prise de conscience n'est en aucun cas une fin en soi : "si nous ne faisons pas de la mort de Dieu un grand renoncement et une perpétuelle victoire sur nous-mêmes, nous aurons à payer pour cette perte" (XII, 167).
Bref, je me méfie beaucoup de ce courant de pensée, qui pour romantique qu'il puisse paraître, reste lié à une libération ultime qui a été prétexte à l'instauration d'ordres excessivement durs (jusqu'au nazisme). Le constat d'un ordre nouveau libéré de tout soubassement métaphysique n'est d'ailleurs pas le seul fruit du nihilisme, le courant de l'absurde l'avait déjà cerné - et beaucoup de discussions existent quant aux interférences de chacun de ces deux mouvements sur l'autre. C'est dire si l'espace vidé, il faut encore le remplir, et qu'on est là à l'opposé du "rien n'est vrai, tout est permis".
Bergame- Persona
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Et puisqu'il a rapidement été question d'Heidegger, j'aimerais pour ma part évoquer le texte que le "roi secret de la pensée" a consacré au "Mot de Nietzsche "Dieu est mort"" (Chemins qui ne mènent nulle part). Parce que cette expression a aussi une histoire après Nietzsche, et parce que Heidegger présente l'intérêt, pour notre discussion, d'envisager cette expression justement dans une perspective historique -la sienne. En fait, ce que dit Heidegger dans ce texte est que Nietzsche comprend le nihilisme comme le vrai nom de la philosophie occidentale (càd "de la Métaphysique", en termes heideggeriens) :
Pourquoi ? Parce que, comme le dit Vargas, une fois Dieu mort, la place du suprasensible restée vide demande à être occupée par autre chose. Tel est le rôle des doctrines du bonheur, du socialisme, de la musique même, voire, comme le suggère MyNight, de la violence.
Aussi l'inversion nietzschéenne des valeurs n'est-elle pas un remplacement des valeurs, mais un renversement de la façon de valoriser, qui nécessite par conséquent un nouveau point de départ. Seulement, où trouver ce point de départ ? Puisque dans le suprasensible, toute vie a désormais disparue, où réside donc désormais la vie ?
Heidegger se lance ici dans une démonstration serrée qui tend à montrer que, chez Nietzsche, la conservation et l'accroissement qui caractérisent la vie, sont les attributs du devenir, et que l'essence du devenir, c'est la volonté de puissance, trait fondamental de la vie.
Reste à définir ce qu'est la volonté de puissance, essence de la vie. La "méditation" de Heidegger conduit à cette conclusion : Il n'y a pas d'un côté le vouloir, comme sensation psychologie du manque, et de l'autre, le pouvoir, comme faculté de combler ce manque, mais presqu'au contraire : "Vouloir, c'est ordonner". Et l'étymologie renseigne donc sur le lien profond entre pouvoir et ordonnancement, classement, évaluation.
Par conséquent, argumente Heidegger,
Dans la Métaphysique, l'être est pensé comme ce qui est constant. Ainsi, dit Heidegger, la volonté de puissance de Nietzsche est à la fois le principe qui achève la Métaphysique et en dévoile l'origine.
Selon Heidegger, il faut donc comprendre la pensée nietzschéenne comme une pensée historique. Le moment de la révélation de la mort de Dieu constitue à la fois le parachèvement du nihilisme et le début d'une nouvelle histoire.
Car Dieu est d'abord, pour la Métaphysique, "le lieu de l'efficience causale et de la conservation de l'étant en tant que créé." La place vide ouvre sur la conscience de soi du sujet en tant qu'efficient pour lui-même. Et ainsi la conscience de soi et le dévoilement des choses, la connaissance, n'est-elle qu'un autre instrument du vouloir qui veut à partir de la volonté de puissance.
Par conséquent, accepter la volonté de puissance comme volonté propre est-il nécessaire pour répondre à la question : Qu'est-ce qui est, maintenant que Dieu est mort ? Or, institué en la volonté de puissance, l'être est une valeur. Mais il n'est qu'une valeur, moyen de la volonté de puissance. De l'être, il n'est donc rien. Et la Métaphysique, vrai nom du nihilisme, est l'histoire de l'oubli de l'être.
En fait, le plus étonnant n'est pas que Dieu soit mort, dit Heidegger, il est que les hommes l'aient tué. Car il ne s'agit pas là d'un Dieu qui se serait éloigné des hommes jusqu'à disparaitre de leur horizon, mais à l'inverse :
Mais par cet évènement, l'homme, lui aussi, devient autre ; il devient celui qui met de côté l'étant en soi, celui qui transforme l'étant en objet.
Mais il me semble que, sans s'élever à ces hauteurs, l'une des questions que pose Heidegger est celle-ci : Comme le notait Plus Oultre, l'expression "Dieu est mort" est, dans sa formulation même, fondamentalement problématique, un surprenant oxymore. Comment concevoir un Dieu mortel ? En fait, cette expression laisse entrevoir comme en négatif le présupposé de la pensée humaniste (dirons-nous "moderne" ?) : Dieu est, essentiellement, le Même de l'homme. Mais alors, elle incite dans le même temps à se demander : Si Dieu est mort, l'homme n'est-il pas mort avec lui ? Et de fait, n'est-ce pas ce qu'entend Heidegger ?
Nous sommes alors peut-être ramenés à la question de départ, à l'ambiguïté première de cette expression que Plus Oultre a fait émerger : Qui, exactement, est mort ? Dieu ? Le Christ ? L'homme ?
- Le domaine de déploiement et d'avènement du nihilisme, c'est la Métaphysique elle-même -étant convenu que par Métaphysique nous n'entendons pas une doctrine ou une discipline particulière de la philosophie, mais la structure de base de l'étant dans son entier, dans la mesure où celui-ci est divisé en monde sensible et monde suprasensible, et où celui-ci détermine celui-là.
[Sur le Mot de Nietzsche "Dieu est mort", in Chemins qui ne mènent nulle part, Tel, p.266]
Pourquoi ? Parce que, comme le dit Vargas, une fois Dieu mort, la place du suprasensible restée vide demande à être occupée par autre chose. Tel est le rôle des doctrines du bonheur, du socialisme, de la musique même, voire, comme le suggère MyNight, de la violence.
Aussi l'inversion nietzschéenne des valeurs n'est-elle pas un remplacement des valeurs, mais un renversement de la façon de valoriser, qui nécessite par conséquent un nouveau point de départ. Seulement, où trouver ce point de départ ? Puisque dans le suprasensible, toute vie a désormais disparue, où réside donc désormais la vie ?
Heidegger se lance ici dans une démonstration serrée qui tend à montrer que, chez Nietzsche, la conservation et l'accroissement qui caractérisent la vie, sont les attributs du devenir, et que l'essence du devenir, c'est la volonté de puissance, trait fondamental de la vie.
- "Volonté de puissance", "devenir", "vie" et "être" au sens le plus large signifient, dans la langue de Nietzsche, le Même. A l'intérieur du devenir, la vie, c'est-à-dire le vivant, se concentre en diverses formes, à chaque fois durables, de la volonté de puissance [...] C'est comme telles que Nietzsche comprend l'art, l'état, la religion, la science, la société.
[ibid, p.278]
Reste à définir ce qu'est la volonté de puissance, essence de la vie. La "méditation" de Heidegger conduit à cette conclusion : Il n'y a pas d'un côté le vouloir, comme sensation psychologie du manque, et de l'autre, le pouvoir, comme faculté de combler ce manque, mais presqu'au contraire : "Vouloir, c'est ordonner". Et l'étymologie renseigne donc sur le lien profond entre pouvoir et ordonnancement, classement, évaluation.
Par conséquent, argumente Heidegger,
- dans l'ordre, celui qui ordonne obéit -avant même celui qui reçoit l'ordre -à ce choix de dispositions ou plutôt à cette faculté de disposer, s'obéissant ainsi à lui-même. De la sorte, celui qui ordonne est au-dessus de lui-même en ce qu'il s'ose lui-même.
[ibid., p.283]
- La volonté de puissance est l'essence de la puissance. Elle démontre le caractère absolu de la volonté qui, comme volonté pure, se veut elle-même.
[ibid., p.283]
Dans la Métaphysique, l'être est pensé comme ce qui est constant. Ainsi, dit Heidegger, la volonté de puissance de Nietzsche est à la fois le principe qui achève la Métaphysique et en dévoile l'origine.
Selon Heidegger, il faut donc comprendre la pensée nietzschéenne comme une pensée historique. Le moment de la révélation de la mort de Dieu constitue à la fois le parachèvement du nihilisme et le début d'une nouvelle histoire.
- Il n'y eut jamais acte plus grandiose -et ceux qui pourront naître après nous appartiendront, à cause de cet acte, à une histoire plus élevée que ne le fut jamais aucune histoire !
[Nietzsche, Le Gai Savoir, §125 dit "de l'Insensé"]
- l'homme qui est homme à partir de la réalité déterminée par la volonté de puissance et pour cette réalité [...] L'homme dont l'essence est celle qui est voulue à partir de la volonté de puissance -voila le surhomme.
[Sur le Mot de Nietzsche "Dieu est mort", p.304]
- Tout étant est en tant qu'institué en cette volonté.
[ibid., p.306]
Car Dieu est d'abord, pour la Métaphysique, "le lieu de l'efficience causale et de la conservation de l'étant en tant que créé." La place vide ouvre sur la conscience de soi du sujet en tant qu'efficient pour lui-même. Et ainsi la conscience de soi et le dévoilement des choses, la connaissance, n'est-elle qu'un autre instrument du vouloir qui veut à partir de la volonté de puissance.
Par conséquent, accepter la volonté de puissance comme volonté propre est-il nécessaire pour répondre à la question : Qu'est-ce qui est, maintenant que Dieu est mort ? Or, institué en la volonté de puissance, l'être est une valeur. Mais il n'est qu'une valeur, moyen de la volonté de puissance. De l'être, il n'est donc rien. Et la Métaphysique, vrai nom du nihilisme, est l'histoire de l'oubli de l'être.
En fait, le plus étonnant n'est pas que Dieu soit mort, dit Heidegger, il est que les hommes l'aient tué. Car il ne s'agit pas là d'un Dieu qui se serait éloigné des hommes jusqu'à disparaitre de leur horizon, mais à l'inverse :
- Mais comment avons-nous fait cela ? [...] Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier ?[Nietzsche, ibid.]
Mais par cet évènement, l'homme, lui aussi, devient autre ; il devient celui qui met de côté l'étant en soi, celui qui transforme l'étant en objet.
- La suppression de l'étant en soi, le meurtre de Dieu, s'accomplit par la confirmation de l'effectif, par quoi l'homme s'assure des effectifs matériels, corporels, psychiques et spirituels, et cela pour sa propre sureté, laquelle veut la domination sur l'étant en tant qu'objectif possible, afin de correspondre à l'être de l'étant -à la volonté de puissance.
[Heidegger, ibid., p.316]
Mais il me semble que, sans s'élever à ces hauteurs, l'une des questions que pose Heidegger est celle-ci : Comme le notait Plus Oultre, l'expression "Dieu est mort" est, dans sa formulation même, fondamentalement problématique, un surprenant oxymore. Comment concevoir un Dieu mortel ? En fait, cette expression laisse entrevoir comme en négatif le présupposé de la pensée humaniste (dirons-nous "moderne" ?) : Dieu est, essentiellement, le Même de l'homme. Mais alors, elle incite dans le même temps à se demander : Si Dieu est mort, l'homme n'est-il pas mort avec lui ? Et de fait, n'est-ce pas ce qu'entend Heidegger ?
Nous sommes alors peut-être ramenés à la question de départ, à l'ambiguïté première de cette expression que Plus Oultre a fait émerger : Qui, exactement, est mort ? Dieu ? Le Christ ? L'homme ?
Bergame- Persona
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Ce qui est mort est l'homme ayant besoin d'une justification afin d'exister et d'agir.
La valeur d'une valeur se mesure au nombre d'homme prêts à mourir pour elle, disait Nietzsche. Les valeurs ayant pour fonction l'organisation de la société, elles orientent le potentiel des hommes selon ses propres besoins. L'homme pour qui l'espace vide de la transcendance s'est résorbé dans l'immanence assiste au déploiement de son plein potentiel pour lui-même et non en fonction de ce qui est voulu de lui. Autrement dit, la puissance se veut elle-même et n'est plus voulu pour autrui.
La volonté de puissance est la forme même de l'homme tragique, son pathos étant le dépassement de soi.
Nietzsche n'a jamais parlé que de lui-même, c'est lui qui est mort afin de renaître autre. Tout ce qu'il a dit au sujet de la culture ou de la civilisation n'était qu'une analogie avec sa vie intérieure, la richesse de celle-ci lui permettant de comprendre celle des cultures et des civilisations.
La valeur d'une valeur se mesure au nombre d'homme prêts à mourir pour elle, disait Nietzsche. Les valeurs ayant pour fonction l'organisation de la société, elles orientent le potentiel des hommes selon ses propres besoins. L'homme pour qui l'espace vide de la transcendance s'est résorbé dans l'immanence assiste au déploiement de son plein potentiel pour lui-même et non en fonction de ce qui est voulu de lui. Autrement dit, la puissance se veut elle-même et n'est plus voulu pour autrui.
La volonté de puissance est la forme même de l'homme tragique, son pathos étant le dépassement de soi.
Nietzsche n'a jamais parlé que de lui-même, c'est lui qui est mort afin de renaître autre. Tout ce qu'il a dit au sujet de la culture ou de la civilisation n'était qu'une analogie avec sa vie intérieure, la richesse de celle-ci lui permettant de comprendre celle des cultures et des civilisations.
Pierre Rivière- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Je trouve excellent tout ce qui précède, en dehors de l'exagération d'un Nietzsche projetant la comédie de sa propre farce sur le monde entier - comme finit par dire Pierre Rivière - sans parler de l'injection de la notion d'immanence qui fait pourtant écho à l'injection des notions de métaphysique et surtout de suprasensible*. De plus, il faut inviter à lire le topic Nietzche, le nihilisme, sur ce forum, où je renvoie à ma propre intervention d'hier Ven 8 Mar 2019 21:57 (en plus des autres) pour dire que la "mort de Dieu", c'est aussi quelque chose de sociohistoriquement banal en Histoire des mœurs et des sensibilités, ou anthropologie culturelle et historique. En effet, il suffit de voir comme l'Europe s'était ouverte aux quatre vents, et à quel point la bourgeoisie est elle-même décadente dans ses goûts morbides pour l'Autre spatial ou temporel (exotismes, manifestés emblématiquement dans le décadentisme littéraire français - Huysmans - ou bien le Parnasse, la théorie de l'art pour l'art récusée sous la plume de Niezsche lui-même encore à la fin de sa vie lucide, §24 du Crépuscule des idoles). Cela aboutit au militantisme pour le "vivre-ensemble", actuellement, sombrant en communautarismes multiculturalistes en chiens de faïence, salad pot** de l'american dream étendu à tout "l'Occident" et ondes mondiales. C'est-à-dire que ce sont les apôtres de ce qu'il est désormais convenu de nommer sociétalisme, qui sont causes qu'on en est dégoûté et que les haines rémanent, parce que le sociétalisme cherche à dicter un bien-être correspondant à un être-bien (comme il faut) y compris dans la "décomplexation". Pas étonnant que cela rende susceptible, que de subir ce viol médiatique continuel (quand on s'y expose).
Ainsi, Dieu est mort d'avoir été doublé, amalgamé, dispersé et comparé à mille autres traditions récupérées comme folklores et études, serait-ce formellement dans l'exotisme spatial et temporel. Et effectivement, l'essentiel là-dedans est que nous l'ayons assassiné, mais dans l'innocence du devenir, et du devenir collectif européen. Cela dit, ce devenir a ses acteurs historiques notoires comme ses troupes suivistes, ou bien tout simplement "obligées" (le déversement économique des travailleurs du secteur primaire vers le secondaire sous le coup de l'industrialisation, du secondaire vers le tertiaire sous le coup de la bureaucratisation, et du tertiaire vers le quaternaire sous le coup de la médiatisation) : il y a évidemment déconnexion progressive "des réalités" à mesure que l'on vit dans un monde branché, puis "connecté" ("en réseau").
Il y a dégénérescence humaine, selon Nietzsche. Or ça n'est pas une réhabilitation de Dieu qui y changerait quelque chose, puisque ce mouvement politiquement réactionnaire ne peut pas "reprogrammer, reconfigurer, réactualiser" les conditions initiales propices à l'existence du dieu. Ainsi faut-il, comme cela fut dit, se surpasser continuellement en attendant des jours post-nihilistes au moins (l'espoir du "surhumain" qui est une imagination poétique rendant sensible la chose). Au milieu de tout ce chantier, l'intuition instantanée de l'éternel retour vient réintroduire le poids des choses (le sens de la terre) comme en médication terrible, puisque tout, même le jugé "pire" selon, doit revenir - c'est l'amor fati, l'amour du destin, de l'innocence du devenir, jusque dans ses expressions les plus sordides.
C'est cela, ou bien le relativisme, ou le relativisme culturel, au milieu de ce champ perspectiviste enfin ouvert, que se disputent mille volontés de puissance toutes plus ou moins dégénérescentes. C'est-à-dire : Nous, et les valeurs que nous portons conséquemment ou non, à l'heure et l'ère de tous les exotismes spatio-temporels***.
Aussi la mort de Dieu a-t-elle quand même une dimension spécifiquement nietzschéenne, quoiqu'elle apparaisse d'abord sous la plume d'un pasteur luthérien et d'un philosophe spiritualiste ensuite. En fait, on pourrait voir là-dedans une énième ruse du philologue Nietzsche, si on en avait la preuve : entre la reprise de Zarathoustra, le prophète du Bien et du Mal zoroastrien, pour avancer l'immoralisme, et la reprise de "Luther" pour le coup, ce ne serait pas étonnant, par espièglerie nietzschéenne.
En passant, je rappelle aussi que la formule "Werde der du bist", Deviens qui tu es, est de Pindare, dans ses Pythiques. Il faudrait se demander si elle a la même valeur chez l'un comme chez l'autre. Sûrement chez Pindare, elle sera teintée d'une gloire héroïque déchue chez Nietzsche, qui n'en retient que la dimension de surmontement de soi par hard times in waste lands comme aujourd'hui (?). A débattre.
____________________
* Pour tout dire, et depuis l'éidétisme platonicien il faut le dire, le suprasensible renvoie d'abord et avant tout à l'extrasensoriel, et de fil en aiguille on peut dire que ça tourne - comme le petit lait - au superstitieux. C'est au titre de la superstition - superstition intellectuelle - qu'est récusée la notion de métaphysique, couramment. De là une impossible transcendance non plus, puisqu'elle fonctionne dualement avec l'immanence. Mais dire immanence implique déjà la possibilité d'une autre source (transcendante) et inversement. Nietzsche est plus "taoïste" que cela dans la démarche : il se détourne tout simplement du dualisme intellectuel, véritable Forme-ation dans le sens d'une Forme-Pensée sécrétant d'elle-même ses impensés ou, disons, son impensable. C'était évidemment l'escompte heideggerien, que de nous en extraire à sa façon, pour au final tomber dans l'ornière parménidienne (?). A débattre.
** Salad pot : la notion n'est pas de moi, mais bien d'historiens estimant le melting pot un échec communautarisé.
*** A ce titre, la théorie de la relativité généralisée d'Einstein semble un signe des temps, paradoxalement. Comme s'il avait fallu attendre pareil éon pour qu'elle fasse événement, quand même scientifique.
Ainsi, Dieu est mort d'avoir été doublé, amalgamé, dispersé et comparé à mille autres traditions récupérées comme folklores et études, serait-ce formellement dans l'exotisme spatial et temporel. Et effectivement, l'essentiel là-dedans est que nous l'ayons assassiné, mais dans l'innocence du devenir, et du devenir collectif européen. Cela dit, ce devenir a ses acteurs historiques notoires comme ses troupes suivistes, ou bien tout simplement "obligées" (le déversement économique des travailleurs du secteur primaire vers le secondaire sous le coup de l'industrialisation, du secondaire vers le tertiaire sous le coup de la bureaucratisation, et du tertiaire vers le quaternaire sous le coup de la médiatisation) : il y a évidemment déconnexion progressive "des réalités" à mesure que l'on vit dans un monde branché, puis "connecté" ("en réseau").
Il y a dégénérescence humaine, selon Nietzsche. Or ça n'est pas une réhabilitation de Dieu qui y changerait quelque chose, puisque ce mouvement politiquement réactionnaire ne peut pas "reprogrammer, reconfigurer, réactualiser" les conditions initiales propices à l'existence du dieu. Ainsi faut-il, comme cela fut dit, se surpasser continuellement en attendant des jours post-nihilistes au moins (l'espoir du "surhumain" qui est une imagination poétique rendant sensible la chose). Au milieu de tout ce chantier, l'intuition instantanée de l'éternel retour vient réintroduire le poids des choses (le sens de la terre) comme en médication terrible, puisque tout, même le jugé "pire" selon, doit revenir - c'est l'amor fati, l'amour du destin, de l'innocence du devenir, jusque dans ses expressions les plus sordides.
C'est cela, ou bien le relativisme, ou le relativisme culturel, au milieu de ce champ perspectiviste enfin ouvert, que se disputent mille volontés de puissance toutes plus ou moins dégénérescentes. C'est-à-dire : Nous, et les valeurs que nous portons conséquemment ou non, à l'heure et l'ère de tous les exotismes spatio-temporels***.
Aussi la mort de Dieu a-t-elle quand même une dimension spécifiquement nietzschéenne, quoiqu'elle apparaisse d'abord sous la plume d'un pasteur luthérien et d'un philosophe spiritualiste ensuite. En fait, on pourrait voir là-dedans une énième ruse du philologue Nietzsche, si on en avait la preuve : entre la reprise de Zarathoustra, le prophète du Bien et du Mal zoroastrien, pour avancer l'immoralisme, et la reprise de "Luther" pour le coup, ce ne serait pas étonnant, par espièglerie nietzschéenne.
En passant, je rappelle aussi que la formule "Werde der du bist", Deviens qui tu es, est de Pindare, dans ses Pythiques. Il faudrait se demander si elle a la même valeur chez l'un comme chez l'autre. Sûrement chez Pindare, elle sera teintée d'une gloire héroïque déchue chez Nietzsche, qui n'en retient que la dimension de surmontement de soi par hard times in waste lands comme aujourd'hui (?). A débattre.
____________________
* Pour tout dire, et depuis l'éidétisme platonicien il faut le dire, le suprasensible renvoie d'abord et avant tout à l'extrasensoriel, et de fil en aiguille on peut dire que ça tourne - comme le petit lait - au superstitieux. C'est au titre de la superstition - superstition intellectuelle - qu'est récusée la notion de métaphysique, couramment. De là une impossible transcendance non plus, puisqu'elle fonctionne dualement avec l'immanence. Mais dire immanence implique déjà la possibilité d'une autre source (transcendante) et inversement. Nietzsche est plus "taoïste" que cela dans la démarche : il se détourne tout simplement du dualisme intellectuel, véritable Forme-ation dans le sens d'une Forme-Pensée sécrétant d'elle-même ses impensés ou, disons, son impensable. C'était évidemment l'escompte heideggerien, que de nous en extraire à sa façon, pour au final tomber dans l'ornière parménidienne (?). A débattre.
** Salad pot : la notion n'est pas de moi, mais bien d'historiens estimant le melting pot un échec communautarisé.
*** A ce titre, la théorie de la relativité généralisée d'Einstein semble un signe des temps, paradoxalement. Comme s'il avait fallu attendre pareil éon pour qu'elle fasse événement, quand même scientifique.
Were-one- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
.
Deux fois que je rencontre cette allégation.
Tu m'as fait la même remarque sur l'esprit noble.
1) J' ai un peu de mal à voir l'implication. Quel genre d'implication ?
2)Je veux bien éviter les deux concepts, mais que reste -t- il ?
3) D' usage l'un des deux concepts s' impose : celui de l'immanence . Immanence de l'expérience.
Le concept de transcendance (dans les 2 sens :condition de possibilité ou monde au delà de l'expérience ) semble plus questionnable .
C 'est pourquoi j 'ai du mal à les opposer sur un même plan où ils se conditionneraient l' un l'autre
(d'où ma question sur l' implication).
were one a écrit: De là une impossible transcendance non plus, puisqu'elle fonctionne dualement avec l'immanence. Mais dire immanence implique déjà la possibilité d'une autre source (transcendante) et inversement.
Deux fois que je rencontre cette allégation.
Tu m'as fait la même remarque sur l'esprit noble.
1) J' ai un peu de mal à voir l'implication. Quel genre d'implication ?
2)Je veux bien éviter les deux concepts, mais que reste -t- il ?
3) D' usage l'un des deux concepts s' impose : celui de l'immanence . Immanence de l'expérience.
Le concept de transcendance (dans les 2 sens :condition de possibilité ou monde au delà de l'expérience ) semble plus questionnable .
C 'est pourquoi j 'ai du mal à les opposer sur un même plan où ils se conditionneraient l' un l'autre
(d'où ma question sur l' implication).
hks- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Eh bien, dans mon expérience de la philosophie, les philosophes s'affichent immanents pour dénier sa pertinence à la transcendance, et inversement. Parfois, la transcendance est prise comme équivalent de surpassement immanent ou de métamorphose immanente, comme on dit d'une chose qu'elle est "transcendante" (qu'elle nous époustoufle, nous fascine, nous enjaille). Mais, dans l'ensemble, la transcendance réfère à un absolu sinon extrasensoriel, du moins immanent - donc.1) J' ai un peu de mal à voir l'implication. Quel genre d'implication ?
Il te reste évidemment quelque chose comme "l'immanence", mais débarrassée des connotations précédentes. Il te reste la vie, le vécu, l'expérience, le flux de conscience si l'on veut, c'est déjà plus phénoménologique dans la démarche je crois (encore que J.P. Sartre parla de transcendance comme on va au-delà dans l'immanence, mais il le fit sur la base d'un Instant grand I, néantisant, et comme reconfigurant, d'une négativité hegelienne, l'existence ... tu as bien raison de demander des clarifications Hks, je m'en rends bien compte).2)Je veux bien éviter les deux concepts, mais que reste-t-il ?
Oui mais ... uniquement dans la mesure où l'on n'envisage pas un Autre de l'expérience (transcendant) ou bien non plus une altération radicale (transcendante au sens sartrien, par exemple). Et finalement, en toute naïveté, étonnement et émerveillement philosophiques, quelle utilité de dire l'expérience immanente - et d'ailleurs même empirique - quand on n'est/naît que d'elle, sinon pour supputer négativement quelque chose comme la transcendance ? Le mot n'existe pas sans raison. La notion d'expérience, par contre - ou de vie, de vécu, de flux de conscience, phénoménologique si l'on veut - dit bien que chacun en a une (perspective).3) D' usage l'un des deux concepts s' impose : celui de l'immanence . Immanence de l'expérience.
Nous sommes d'accord, et c'est bien pour cela que je préfère en plus me débarrasser de celui d'immanence, qui lui fait écho pourtant.Le concept de transcendance (dans les 2 sens :condition de possibilité ou monde au delà de l'expérience ) semble plus questionnable .
C'est que ton postulat est kantien, et que tu parles moins de transcendance que de transcendantal, en fait. Attention ce n'est pas la même chose, car en cela Gilles Deleuze a pu parler d'empirisme transcendantal.C 'est pourquoi j 'ai du mal à les opposer sur un même plan où ils se conditionneraient l' un l'autre
(d'où ma question sur l' implication).
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pour défragmentater partiellement les communautés philosophiques francophones, au lieu qu'elles restent
peu nombreuses, stade qui semble pourtant difficile à dépasser malgré un "président philosophe".
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Were-one- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Were- One a écrit:quelle utilité de dire l'expérience immanente
Parce que toutes les expériences ne sont pas immanentes au même degré (au sens premier d'immanence opposée à transcendant)
Le couple existe.
Je vois que je vois (un objet) c'est transcendant.
Je vois sans avoir conscience de voir un objet c'est immanent .
Du plus élémentaire sentir à la conscience claire de soi- même , il y a une hiérarchie d' états de conscience plus ou moins immanents . (Spinoza parle de genres de connaissance et en distingue globalement 3 , on peut affiner)
Les 2 concepts (immanence et transcendance) sont issus des expériences de conscience, je conserve "immanence ".
pour simplifier: on a une conscience non réflexive ET une conscience réflexive .
Sans pouvoir dire sans enquête si elles se conditionnent l 'une l'autre .
..............................................
Oui mais l 'expérience dans tous les cas est immanente, il y a donc un sens fort de immanence qui est se réfère à un antérieur.
C'est de la spéculation métaphysique mais elle me convainc .
Dire que toutes expérience est immanente cela a un sens fort .
L'immanence est dans le se poser elle même et justement pas posée par autre chose ce qui la rendrait transcendante .
Deleuze explique cela ( à sa manière ) dans son dernier texte publié : une vie.
[url= %C2%A0https://www.youscribe.com/BookReader/Index/2487134/?documentId=2464171] https://www.youscribe.com/BookReader/Index/2487134/?documentId=2464171[/url]Deleuze a écrit:L’immanence absolue est en elle mê.me : elle n’est pas dans quelque chose, à quelque chose, elle ne dépend pas d’un objet et n’appartient pas à un sujet. .......................
La transcendance est toujours un produit d’immanence.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Oui je comprends, et je suis d'accord. Néanmoins pour commencer cette transcendance dont tu parles (condition de possibilité, conscience réflexive) elle est plus proche du kantien transcendantal il me semble, qui déteint ensuite sur la transcendance. Ce transcendantal, en sciences cognitives aujourd'hui, est dit métacognitif. De même en linguistique on dit qu'un mot est utilisé de façon métalinguistique, quand on le prend comme mot. Par exemple le mot mot est utilisé de façon méta*.
Il y a encore du méta* en histoire de l'histoire (historiographie), et ainsi de suite, du moment qu'une discipline se saisit d'elle-même. C'est d'épistémologie, en fait, et de manière générale la philosophie me semble une démarche se voulant aussi méta* que possible, dans la mesure où elle se veut expérience originelle et originale, émerveillement premier quant à ses matières.
Finalement je suis d'accord avec la citation de Deleuze, réflexion que je m'étais déjà faite il faut le dire (puisqu'on peut faire des expériences "qui (nous) transcendent") néanmoins quand quelqu'un a fait l'une de ces expériences, il peut en déduire à l'absoluité - c'est-à-dire l'indépendance radicale - de la transcendance, rapport à l'immanence, mais note bien alors que je parle de transcendance et non de transcendantal, puisque le transcendantal reste quelque part entre l'immanence (encore qu'il s'y immisce plus de façon criticiste, qu'il ne s'y intègre ... ).
Ainsi, la transcendance - et non le transcendantal - est crue superstitieusement, c'est-à-dire prise comme super stantes res, chose supérieure à l'immanence - tandis que le transcendantal peut tourner, comme le petit lait, à pareille superstition.
Il y a encore du méta* en histoire de l'histoire (historiographie), et ainsi de suite, du moment qu'une discipline se saisit d'elle-même. C'est d'épistémologie, en fait, et de manière générale la philosophie me semble une démarche se voulant aussi méta* que possible, dans la mesure où elle se veut expérience originelle et originale, émerveillement premier quant à ses matières.
Finalement je suis d'accord avec la citation de Deleuze, réflexion que je m'étais déjà faite il faut le dire (puisqu'on peut faire des expériences "qui (nous) transcendent") néanmoins quand quelqu'un a fait l'une de ces expériences, il peut en déduire à l'absoluité - c'est-à-dire l'indépendance radicale - de la transcendance, rapport à l'immanence, mais note bien alors que je parle de transcendance et non de transcendantal, puisque le transcendantal reste quelque part entre l'immanence (encore qu'il s'y immisce plus de façon criticiste, qu'il ne s'y intègre ... ).
Ainsi, la transcendance - et non le transcendantal - est crue superstitieusement, c'est-à-dire prise comme super stantes res, chose supérieure à l'immanence - tandis que le transcendantal peut tourner, comme le petit lait, à pareille superstition.
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Were-one- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Were -one a écrit:Néanmoins pour commencer cette transcendance dont tu parles (condition de possibilité, conscience réflexive) elle est plus proche du kantien transcendantal
oui,
ce n'est pas "un monde transcendant invisible" c'est "les objets du monde". Ils sont transcendants dans l'état de conscience réflexive, posés comme objets, ils sont transcendants.
On dit « transcendant » ce vers quoi la conscience se projette. L’objet intentionnel est transcendant, et la transcendance est synonyme d’intentionnalité.
https://dicophilo.fr/definition/transcendant/ court article qui explique ce que je veux dire .
La question de la réalité de la non scission sujet /objet et donc de l'absolu est une question à part. Husserl par exemple ne l'aborde pas (ou si peu).
Pour les idéalistes allemands ( à fortiori Spinoza, antérieur ) la question de l' absolu est fondamentale.
Elle l'est aussi chez Schopenhauer (qui est un idéaliste allemand nolens volens ).
La dessus il ne me semble pas que Nietzsche soit si éloigné de Schopenhauer.
Dieu est mort ...une certaine idée de Dieu est morte (pour Nietzsche et d'autres) mais pas l'idée de l' absolu.
Du point de vue métaphysique Nietzsche vise l' idée dualiste de "ce qui existe, disons l' idée de "deux mondes"
Ce doublé d'une critique morale puisqu'il lui semble que ce dualisme a des conséquences morales.
... et pourtant ce dualisme n'est pas nécessairement superstitieux, ni nécessairement moral.
Vite dit: Nietzsche choisit sa cible mais ne peut viser toutes les cibles possibles.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Si je ne m'abuse, le distinguo Schopenhauer-Nietzsche à ce niveau, est un débat sempiternel sur les forums de philo que j'ai connus. Tout ce que j'avancerais c'est ma part : Schopenhauer, de toute évidence, pose un "arrière-monde" (dit en termes nietzschéens) absolu de la Volonté comme Tout chaosmotique, par-devers toute représentation subjective ou objective, en quoi, effectivement, il est idéaliste, sans parler de son platonisme devant les idées et autres contemplations pour en finir avec elle (la Volonté) autant que possible. Nietzsche psychologise cette Volonté en volonté de puissance, qui ne devient un Tout chaosmotique potentiel que dans la mesure où l'on pousserait l'esprit de méthode à fond (à supposer que le monde qui nous est donné est volonté de puissance, et qu'il n'y a qu'un monde, Nietzsche suppose que les choses sont des préformes de vie, donc de volonté de puissance, ce qui n'est pas sans faire écho à la physique quantique de Niels Bohr - si je ne m'abuse - aujourd'hui, et sa matière proto-consciente).hks a écrit:Pour les idéalistes allemands ( à fortiori Spinoza, antérieur ) la question de l' absolu est fondamentale.
Elle l'est aussi chez Schopenhauer (qui est un idéaliste allemand nolens volens ).
La dessus il ne me semble pas que Nietzsche soit si éloigné de Schopenhauer.
L'absolu, c'est le radicalement indépendant, en propre. Je crois que tant qu'on en reste à son idée (l'idée de l'absolu) on n'a pas affaire à l'absolu. Mais, à la manière de Gilles Deleuze, on peut estimer qu'il y a un plan d'absolu sur lequel l'immanence et/ou les phénomènes se déploient, absolus de part l'absolu. Chez Nietzsche, de toute évidence, chaque perspective, pour relativisant les autres perspectives qu'elle soit, est reconnue pour absolue en tant que perspective. Cela se lit dès son analyse des présocratiques (dans la Philosophie à l'âge tragique des Grecs) mais cela se lit même dans son point de vue sur Platon : Platon est pour lui un génie hellénique, aristocratique, qui, dans le contexte d'une Grèce supposée sensuelle, eut l'idée d'idéaliser : c'était là, songe Nietzsche, se rendre divin en effet. Et pourtant, cela n'empêche pas Nietzsche de récuser l'éidétisme, résolument pas, surtout dans sa portée essentialiste.Dieu est mort ...une certaine idée de Dieu est morte (pour Nietzsche et d'autres) mais pas l'idée de l' absolu.
C'est vrai, mais c'est certainement plus compliqué que cela encore (y compris lorsque je dis, ailleurs, qu'il y a des dualismes chez Nietzsche ; dans tous les cas ces dualités forment finalement un polyèdre réaliste structurel qui est, pour ainsi dire, le plan d'absolu deleuzien de Nieztsche ... ).Du point de vue métaphysique Nietzsche vise l' idée dualiste de "ce qui existe, disons l' idée de "deux mondes"
Ce doublé d'une critique morale puisqu'il lui semble que ce dualisme a des conséquences morales.
... et pourtant ce dualisme n'est pas nécessairement superstitieux, ni nécessairement moral.
C'est évident, il a sa perspective ... comme tout le monde. Nous sommes tous, donc, des singularités. Simplement, la sienne a plus de génie qu'une autre, et pas forcément plus que d'autres génies (encore qu'il prenne ses distances avec la notion de génie dès Humain, trop humain I - passons dans l'immédiat, car cela aussi tient de ... son génie ... chaque singularité disposant - à mon sens - d'une génialité propre, à la cartésienne, chose du monde la mieux partagée : c'est la moindre des politesses intellectuelles).Vite dit: Nietzsche choisit sa cible mais ne peut viser toutes les cibles possibles.
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Were-one- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
et pour cause ... c'est un débat récurent parce que beaucoup ne doivent pas bien voir le distingo affirmé par les nietzschéens.were one a écrit:Si je ne m'abuse, le distinguo Schopenhauer-Nietzsche à ce niveau, est un débat sempiternel sur les forums de philo que j'ai connus.
je préfère le "non dépenfant".L'absolu, c'est le radicalement indépendant, en propre.
Le perspectivisme de Nietzsche est bien évidemment séduisant. Mais je vois mal en quoi il se distingue de l'idéalisme de Schopenhauer selon lequel tout est représentation.
On remplace le mot "représentation" par" perspective" .
On a "le monde comme volonté et perspective"
On va analyser /étudier les perspectives offertes à l'examen en imaginer d 'autres possibles... bref on n'en sort pas une vérité objectives (ou universelle) sauf celle de la volonté ou en terme spinoziste du "conatus" .
Que la volonté soit "de puissance" n'apporte rien de plus que ce qu' en dit Schopenhauer .
La différence réside en ce que Nietzsche la veut et que Schopenhauer ne la veut pas ce au risque d'une contradiction qui ne motive certes pas Nietzsche .
Les deux me parassent néanmoins toujours métaphysiciens, mais réduits/contraints à la plus simple expression possible.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
hks a écrit:
Dieu est mort ...une certaine idée de Dieu est morte (pour Nietzsche et d'autres) mais pas l'idée de l' absolu.
Je comprends F. N. de façon sociologique, puisqu' il me semble qu' il pense en sociologue:
C'est plutôt la croyance en Dieu, en l' absolu de cette croyance qui est morte. Le monde occidental a vécu 12 siecles avec l' absolu certitude d' un Dieu unique et tout puissant. F.N. veut dire que tous nos comportements, tous les lieux de pouvoirs étaient soumis à cette certitude.
Il y a basculement dès lors qu' il y a doute. S' il y a doute, l' édifice se délite. Dieu se meurt.
On peut aussi rapprocher le fait que Foucault ( cité par De libera) place l' inversion sujet-objet à la même époque, vers le 16e siecle.
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TIMSHEL
kercoz- Digressi(f/ve)
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Eh bien si tu m'as lu au Sam 9 Mar 2019 - 17:42 Kercoz, je suppose que tu as compris que nous nous rejoignons. Néanmoins il faut apporter une nuance : la sociologie n'est qu'en cours de maturation, à l'époque, entre Max Weber et Émile Durkheim, de telle sorte qu'il faille plus se concentrer sur l'Histoire, et précisément l'Histoire des mœurs et des sensibilités. Nietzsche, de formation philologique, est essentiellement historien dans la démarche. Reste que l'historien, sous un angle, doit bien mobiliser des intuitions sociologiques, ethnologiques, anthropologiques, et pourquoi pas éthologiques humaines (chaque historien, sociologue, ethnologue, anthropologue, ne peut pas s'empêcher de se faire une idée par-devers toute méthode, sur la base d'intuitions comportementales ; or il faut lire Baruch Spinoza sur les fondements du savoir, pour se faire une raison et comprendre que ça n'est pas un argument contre la science : même en sciences techniques, on formule des hypothèses sur le comportement des choses, et à ce titre c'est vers Bruno Latour que j'orienterai).
Schopenhauer présuppose métaphysiquement que tout existe, le sujet comme l'objet et leur représentation, de la Volonté. La démarche est déductive et assertive. Nietzsche propose interprétativement que le perspectif est évaluation en termes de volonté de puissance - pas forcément en vue du Pouvoir, car capable de sentir son heur dans l'obéissance, la création ou l'amour ; le problème de Nietzsche est celui de la hiérarchie, il le dit très clairement je-ne-sais-plus-où (problème dont fait partie le pathos de la distance), tout ce qui est absent de Schopenhauer. La démarche nietzschéenne est inductive et positive.
A partir de quoi, Nietzsche pose scientifiquement l'hypothèse que le monde est volonté de puissance, en poussant l'esprit de méthode à bout, en tant que le monde serait Un, monisme radical. Schopenhauer, pour moniste qu'il soit, est bien dans les contradictions que tu remarques. Et finalement Nietzsche reste sceptique même quant à son axiome. Schopenhauer ne souffre pas le scepticisme, et enjoint aussitôt à "nouloir". Chez Nietzsche les possibilités existentielles restent à explorer.
"Nouloir" schopenhauerien, où Nietzsche voit une maladie, donc. Schopenhauer ne diagnostiquait pas médicinalement, mais proposait une sagesse à l'antique post-socratique néo-bouddhisante - qu'il n'appliqua pourtant pas lui-même, hédoniste durant sa vie. Nietzsche restait cohérent dans sa démarche, entre théorie et pratique.
Schopenhauer, en prétendant dire la vérité, est fallacieux ; Nietzsche, en prétendant que les vérités sont des erreurs qui nous réussissent moralement (illusions, vitales illusions), se permet le luxe de la véracité.
Ce disant, j'ai normalement répondu à tout ton propos, où la nuance est énorme entre Schopenhauer et Nietzsche dans la démarche. Cette démarche est cruciale pour Nietzsche ; Schopenhauer n'en a cure. Qu'en bout de course, la volonté de puissance pourrait être le Tout chaosmotique, au point qu'elle ressemble fortement à la Volonté métaphysique schopenhaurienne, c'est effectif ; mais l'intérêt de Nietzsche devant Schopenhauer, justement, n'est absolument pas en bout de course.
Ainsi, il est très clair que, avec Schopenhauer, "Dieu n'est pas mort".
Schopenhauer fait de la métaphysique, Nietzsche non.hks a écrit:et pour cause ... c'est un débat récurent parce que beaucoup ne doivent pas bien voir le distingo affirmé par les nietzschéens.were one a écrit:Si je ne m'abuse, le distinguo Schopenhauer-Nietzsche à ce niveau, est un débat sempiternel sur les forums de philo que j'ai connus.
Schopenhauer présuppose métaphysiquement que tout existe, le sujet comme l'objet et leur représentation, de la Volonté. La démarche est déductive et assertive. Nietzsche propose interprétativement que le perspectif est évaluation en termes de volonté de puissance - pas forcément en vue du Pouvoir, car capable de sentir son heur dans l'obéissance, la création ou l'amour ; le problème de Nietzsche est celui de la hiérarchie, il le dit très clairement je-ne-sais-plus-où (problème dont fait partie le pathos de la distance), tout ce qui est absent de Schopenhauer. La démarche nietzschéenne est inductive et positive.
A partir de quoi, Nietzsche pose scientifiquement l'hypothèse que le monde est volonté de puissance, en poussant l'esprit de méthode à bout, en tant que le monde serait Un, monisme radical. Schopenhauer, pour moniste qu'il soit, est bien dans les contradictions que tu remarques. Et finalement Nietzsche reste sceptique même quant à son axiome. Schopenhauer ne souffre pas le scepticisme, et enjoint aussitôt à "nouloir". Chez Nietzsche les possibilités existentielles restent à explorer.
"Nouloir" schopenhauerien, où Nietzsche voit une maladie, donc. Schopenhauer ne diagnostiquait pas médicinalement, mais proposait une sagesse à l'antique post-socratique néo-bouddhisante - qu'il n'appliqua pourtant pas lui-même, hédoniste durant sa vie. Nietzsche restait cohérent dans sa démarche, entre théorie et pratique.
Schopenhauer, en prétendant dire la vérité, est fallacieux ; Nietzsche, en prétendant que les vérités sont des erreurs qui nous réussissent moralement (illusions, vitales illusions), se permet le luxe de la véracité.
Ce disant, j'ai normalement répondu à tout ton propos, où la nuance est énorme entre Schopenhauer et Nietzsche dans la démarche. Cette démarche est cruciale pour Nietzsche ; Schopenhauer n'en a cure. Qu'en bout de course, la volonté de puissance pourrait être le Tout chaosmotique, au point qu'elle ressemble fortement à la Volonté métaphysique schopenhaurienne, c'est effectif ; mais l'intérêt de Nietzsche devant Schopenhauer, justement, n'est absolument pas en bout de course.
Ainsi, il est très clair que, avec Schopenhauer, "Dieu n'est pas mort".
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Date d'inscription : 04/03/2019
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
hks a écrit:Were -one a écrit:Néanmoins pour commencer cette transcendance dont tu parles (condition de possibilité, conscience réflexive) elle est plus proche du kantien transcendantal
oui,
ce n'est pas "un monde transcendant invisible" c'est "les objets du monde". Ils sont transcendants dans l'état de conscience réflexive, posés comme objets, ils sont transcendants.On dit « transcendant » ce vers quoi la conscience se projette. L’objet intentionnel est transcendant, et la transcendance est synonyme d’intentionnalité.
https://dicophilo.fr/definition/transcendant/ court article qui explique ce que je veux dire .
La question de la réalité de la non scission sujet /objet et donc de l'absolu est une question à part. Husserl par exemple ne l'aborde pas (ou si peu).
Pour les idéalistes allemands ( à fortiori Spinoza, antérieur ) la question de l' absolu est fondamentale.
Elle l'est aussi chez Schopenhauer (qui est un idéaliste allemand nolens volens ).
La dessus il ne me semble pas que Nietzsche soit si éloigné de Schopenhauer.
Dieu est mort ...une certaine idée de Dieu est morte (pour Nietzsche et d'autres) mais pas l'idée de l' absolu.
.
Exactement.
L' idée de l' absolu me semble fondamentalement liée à l' humain.
Il ne peut pas en etre autrement parce que c ' est notre nature : je regarde, je découvre, je pense ...et je m' aperçois que le" réel " est toujours finalement au delà de tout ce que je peux conceptualiser.
Et je crois que cette idée de se dégager radicalement de toute métaphysique, vivre dans le " présent " et ne pas regarder au delà - en quelque sorte apprendre au fur et à mesure du présent, comme une sorte de dévoilement progressif - est impossible à tenir dans son entière radicalité.
Je regarde, il y a du " mystère " ...il FAUT que j' aille voir.
ET pour cela j' utllise TOUS les outils dont je dispose, la science bien sur, mais aussi LES arts , et la spéculation métaphysique !
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Were-one a écrit:Eh bien si tu m'as lu au Sam 9 Mar 2019 - 17:42 Kercoz, je suppose que tu as compris que nous nous rejoignons. Néanmoins il faut apporter une nuance : la sociologie n'est qu'en cours de maturation, à l'époque, entre Max Weber et Émile Durkheim, de telle sorte qu'il faille plus se concentrer sur l'Histoire, et précisément l'Histoire des mœurs et des sensibilités. Nietzsche, de formation philologique, est essentiellement historien dans la démarche. Reste que l'historien, sous un angle, doit bien mobiliser des intuitions sociologiques, ethnologiques, anthropologiques, et pourquoi pas éthologiques humaines (chaque historien, sociologue, ethnologue, anthropologue, ne peut pas s'empêcher de se faire une idée par-devers toute méthode, sur la base d'intuitions comportementales ; or il faut lire Baruch Spinoza sur les fondements du savoir, pour se faire une raison et comprendre que ça n'est pas un argument contre la science : même en sciences techniques, on formule des hypothèses sur le comportement des choses, et à ce titre c'est vers Bruno Latour que j'orienterai).Schopenhauer fait de la métaphysique, Nietzsche non.hks a écrit:et pour cause ... c'est un débat récurent parce que beaucoup ne doivent pas bien voir le distingo affirmé par les nietzschéens.were one a écrit:Si je ne m'abuse, le distinguo Schopenhauer-Nietzsche à ce niveau, est un débat sempiternel sur les forums de philo que j'ai connus.
Schopenhauer présuppose métaphysiquement que tout existe, le sujet comme l'objet et leur représentation, de la Volonté. La démarche est déductive et assertive. Nietzsche propose interprétativement que le perspectif est évaluation en termes de volonté de puissance - pas forcément en vue du Pouvoir, car capable de sentir son heur dans l'obéissance, la création ou l'amour ; le problème de Nietzsche est celui de la hiérarchie, il le dit très clairement je-ne-sais-plus-où (problème dont fait partie le pathos de la distance), tout ce qui est absent de Schopenhauer. La démarche nietzschéenne est inductive et positive.
A partir de quoi, Nietzsche pose scientifiquement l'hypothèse que le monde est volonté de puissance, en poussant l'esprit de méthode à bout, en tant que le monde serait Un, monisme radical. Schopenhauer, pour moniste qu'il soit, est bien dans les contradictions que tu remarques. Et finalement Nietzsche reste sceptique même quant à son axiome. Schopenhauer ne souffre pas le scepticisme, et enjoint aussitôt à "nouloir". Chez Nietzsche les possibilités existentielles restent à explorer.
"Nouloir" schopenhauerien, où Nietzsche voit une maladie, donc. Schopenhauer ne diagnostiquait pas médicinalement, mais proposait une sagesse à l'antique post-socratique néo-bouddhisante - qu'il n'appliqua pourtant pas lui-même, hédoniste durant sa vie".[/i]
Ah oui ? ...
Ca ne me surprend pas trop parce que nous avons tous plusiers " pensées " ...y compris le génies probablement ...
Je veux dire, il y a ce que l' on affiche, mais il y aussi ce que l' on croit - qui n' est pas obligatoirement ce que l' on affiche - ce dont on doute - qui n' est toujours pas obligatoirement ec que l' on affiche ...etc
Autrement dit, je pense que le " résultat final " n' est en fait que la partie émergée de l' iceberg.
Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
C'est ce que nous disions, qui que nous soyons, Toniov.toniov a écrit:L' idée de l' absolu me semble fondamentalement liée à l' humain.
Il ne peut pas en etre autrement parce que c ' est notre nature : je regarde, je découvre, je pense ...et je m' aperçois que le" réel " est toujours finalement au delà de tout ce que je peux conceptualiser.
Et je crois que cette idée de se dégager radicalement de toute métaphysique, vivre dans le " présent " et ne pas regarder au delà - en quelque sorte apprendre au fur et à mesure du présent, comme une sorte de dévoilement progressif - est impossible à tenir dans son entière radicalité.
Je regarde, il y a du " mystère " ...il FAUT que j' aille voir.
ET pour cela j' utllise TOUS les outils dont je dispose, la science bien sur, mais aussi LES arts , et la spéculation métaphysique !
Au-delà, tu sembles oublier qu'à la deleuzienne, nous pouvons considérer comme absolu le plan qui se déploie alentour et sur lequel nous pouvons nous déployer, serait-ce hodologique. D'ailleurs, la notion hodologique est chez J.P. Sartre, qui inspire l'empirisme deleuzien, aussi ; J.P. Sartre, qui s'inspire de l'être-au-monde heideggerien, pour te dire à quel point c'est lié à l'Être absolu.
Chez Nietzsche toutefois, il n'y a pas ce distinguo entre la présence absolue et sa représentation (un distinguo que réalise, quant à lui, Alain Badiou et derrière lui Medhi Belhaj Kacem) de ce que la représentation se présente elle-même comme consubstantielle à la présence absolue (ce distinguo de la présence et sa représentation est aussi chez Clément Rosset, par exemple le Réel et son double ; ceci étant Clément Rosset est schopenhauerien avant d'être nietzschéen, car Schopenhauer détache interstitiellement la représentation de la Volonté, en se contredisant d'autant plus que de là il veut aller vers une nolonté).
Aussi chez Nietzsche l'Être n'est-il que Devenir, à subir les fluctuations des perspectives qu'il est-devient et qui le présentent en le représentant. Tu voudras que ce soit "de la métaphysique" peut-être. Malheureusement, pour reprendre les mots d'Hks, le nietzschéisme est strictement "immanent" - et empirique - loin des superstitions que la métaphysique ne manque pas de côtoyer, quand elle n'en participe pas (y compris voire surtout l'Être heideggerien, quoiqu'Heidegger en dise).
On voudrait dévaloriser Nietzsche, de ce que Schopenhauer le précède, hélas non seulement Nietzsche reconnaît son héritage schopenhaurien, mais en plus il le "transcende" si judicieusement, avec tant de justesse, qu'il fait de Schopenhauer un penseur de seconde zone, coincé entre Kant et lui (Nietzsche).
Parce que tu crois que ça me surprend, et que je n'ai pas conscience de l'histoire de l'iceberg ? ... Cela n'empêche pas la fallacité schopenhaurienne ni la véracité nietzschéenne. C'est que Nietzsche, plus que quiconque, était attentif à la vanité des hommes, jusqu'à laisser son ombre jouer de la sienne (de vanité) avec espièglerie (cf. le dialogue initiant le Voyageur et son ombre).Ah oui ? ...
Ca ne me surprend pas trop parce que nous avons tous plusiers " pensées " ...y compris le génies probablement ...
Je veux dire, il y a ce que l' on affiche, mais il y aussi ce que l' on croit - qui n' est pas obligatoirement ce que l' on affiche - ce dont on doute - qui n' est toujours pas obligatoirement ec que l' on affiche ...etc
Autrement dit, je pense que le " résultat final " n' est en fait que la partie émergée de l' iceberg.
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depuis 2016 sur LibertéPhilo puis Digression en 2017, LibertéPhilo dont je finis par obtenir l'administration avant de l'achever
pour défragmentater partiellement les communautés philosophiques francophones, au lieu qu'elles restent
peu nombreuses, stade qui semble pourtant difficile à dépasser malgré un "président philosophe".
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Re: "Dieu est mort" : histoire d'une expression
Were-one a écrit:On voudrait dévaloriser Nietzsche, de ce que Schopenhauer le précède, hélas non seulement Nietzsche reconnaît son héritage schopenhaurien, mais en plus il le "transcende" si judicieusement, avec tant de justesse, qu'il fait de Schopenhauer un penseur de seconde zone, coincé entre Kant et lui (Nietzsche).
C'est faux. Nietzsche est beaucoup plus célèbre et apprécié, suffit de constater par exemple à quel point il est davantage académiquement cité, ou même davantage recherché sur Google ou visionné sur Youtube.
On rétablit un équilibre.
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