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Propédeutique ou "prolégomènes à toute culture future" : la méthode structurale du nietzschéisme

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Message par Invité Mar 8 Jan 2019 - 19:47

Je pense que le nietzschéisme est une sorte de vaste propédeutique ou prolégomènes "à toute culture future" (pour plagier Emmanuel Kant) et en tout cas voici dans son œuvre le premier paragraphe tiré de Humain, trop humain parlant de la métaphore de la danse, qui servira partout dans la suite de son œuvre et notamment dans Ainsi parlait Zarathoustra :
278.
Comparaison tirée de la danse. — De nos jours, il faut considérer comme le signe décisif de la grande culture qu’un homme possède assez de force et de souplesse pour être à la fois net et rigoureux dans la connaissance, et, en d’autres moments, capable de céder, pour ainsi dire, d’une centaine de pas à la poésie, à la religion, à la métaphysique et d’en ressentir la puissance et la beauté. Une pareille position entre deux exigences si diverses est fort malaisée, car la science pousse à la domination absolue de ses méthodes, et si l’on ne cède pas à cette impulsion, il se produit cet autre danger, d’osciller faiblement entre deux tendances opposées. Cependant : pour ouvrir, au moins par une comparaison, une perspective sur la solution de cette difficulté, on n’a qu’à songer que la danse n’est pas la même chose qu’un absurde mouvement de va-et-vient entre des directions opposées. La haute culture paraîtra semblable à une danse hardie : c’est pourquoi, comme j’ai dit, il y faut beaucoup de force et de souplesse.
Ce paragraphe est une propédeutique ou des prolégomènes avec ceux qui l'entourent. Comme d'habitude avec Nietzsche on a affaire à de la psychologie ou disons de la typologie humaine. Ici le type en question est celui de l'homme de haute civilisation puisque c'est tiré de la partie "Caractères de haute et basse civilisation" dans Humain, trop humain et que ça parle explicitement de "signe décisif de la grande culture" où c'est drôle comme Nietzsche parle de "grande culture", comme il parle autrement de grande santé, de grande politique ou de grand style. Je pense qu'on peut aisément situer cette grandeur dans des termes inspirés de l'Antiquité ou du moins d'une Histoire monumentale comme Nietzsche en fit la typologie dans ses Considérations inactuelles II, "De l'Utilité et l'inconvénient des études historiques pour la vie". Tout est là déjà germé quant à la notion de noblesse que l'on retrouvera encore dans Ainsi parlait Zarathoustra, etc.

Ce qu'on lit dans ce paragraphe 278 c'est que la science, qui "pousse à la domination absolue de ses méthodes", est quelque chose de nécessaire maintenant, et que pour rien au monde il ne faut l'ignorer ou l'abandonner. Seulement "la domination absolue de ses méthodes" présente un véritable défaut qui est en fait le manque de sens historique comme le suggèrent trois paragraphes précédents :
274.
Une section de notre Moi sert d’objet artistique. — C’est un signe de culture supérieure que de maintenir en toute conscience certaines phases de l’évolution, que les hommes moindres traversent presque sans y penser et effacent ensuite de la table de leur âme, et que d’en crayonner une image fidèle : c’est là l’espèce la plus élevée de l’art de la peinture, que peu de personnes seulement comprennent. Pour cela il est nécessaire d’isoler ces phases par artifice. Les études historiques forment la faculté d’une pareille peinture, car elles nous forcent constamment, à propos d’un fragment d’histoire, d’une vie de peuple ou d’hommes, à nous représenter tout un horizon déterminé de pensées, une force déterminée de sentiments, la saillie de ceux-ci, le recul de ceux-là. C’est dans la possibilité de reconstituer rapidement, en des occasions données, de tels systèmes de pensées et de sentiments, comme on restitue l’effet d’un temple d’après quelques colonnes et pans de murs restés debout par hasard, c’est en cela que consiste le sens historique. Le premier résultat en est que nous comprenons nos semblables comme de pareils systèmes entièrement déterminés et comme des représentants de cultures diverses, c’est-à-dire comme nécessaires, mais comme modifiables. Et en retour : que, dans notre propre évolution, nous sommes capables de séparer des morceaux et de les prendre à part.

276.
Microcosme et macrocosme de la civilisation. — C’est en lui-même que l’homme fait les meilleures découvertes sur la culture, quand il y trouve agissantes deux puissances hétérogènes. Supposé qu’un homme vive autant dans l’amour de l’art plastique ou de la musique qu’il est entraîné par l’esprit de la science, et qu’il considère comme impossible de faire disparaître cette contradiction par la suppression de l’un et l’affranchissement complet de l’autre : il ne lui reste qu’à faire de lui-même un édifice de culture si vaste qu’il soit possible à ces deux puissances d’y habiter, quoique à des extrémités éloignées, tandis qu’entre elles deux des puissances conciliatrices auront leur domicile, pourvues d’une force prééminente, pour aplanir en cas de nécessité la lutte qui s’élèverait. Or, un tel édifice de culture dans l’individu isolé aura la plus grande ressemblance avec l’édifice de la culture d’époques entières et fournira par analogie des leçons perpétuelles à son sujet. Car partout où s’est développée la grande architecture de la culture, sa tâche a consisté à forcer à l’entente les puissances opposées, par le moyen d’une très forte coalition des autres forces moins irréconciliables, sans pourtant les assujettir ni les charger de chaînes.

277.
Bonheur et culture. — La vue du milieu où s’est passée notre enfance nous touche : le jardin public, l’église avec les tombes, l’étang et le bois — sont choses que nous revoyons toujours avec émotion. La pitié de nous-mêmes nous saisit, car depuis, que nous avons traversé de souffrances ! Et là, chaque chose subsiste avec un air si calme, si éternel : nous seuls sommes si changés, si émus ; même nous retrouvons quelques hommes sur qui le temps n’a pas plus exercé sa dent que sur un chêne : paysans, pêcheurs, forestiers — ce sont les mêmes. — L’émotion, la pitié de soi-même en face de la culture inférieure est le signe de la culture supérieure ; d’où il suit que par elle le bonheur n’est dans tous les cas pas augmenté. Qui veut faire dans la vie une moisson de bonheur et de tranquillité n’a qu’à se détourner toujours des voies de la culture supérieure.
Je ne rentrerai pas particulièrement dans les détails de ces textes mais il faut bien remarquer que déjà germé, est le thème du non-eudémonisme ou de l'anti-eudémonisme (sauf à considérer que la culture supérieure malgré ses affres est un bonheur supérieur dans le sens qu'elle procure de la joie). En tout cas comme dans le paragraphe 278 initial sur la danse il est question de savoir quelque chose comme "régresser", une qualité qui pour Nietzsche est essentielle au sens historique propice à développer une culture supérieure. Vraiment ce sont des choses qui demeurent encore dans Par-delà bien et mal, "Nos Vertus", des années plus tard :
224.
Le sens historique (ou la faculté de deviner rapidement la hiérarchie des appréciations d’après lesquelles un peuple, une société, un homme ont vécu ; l’« instinct divinatoire » des rapports de ces appréciations, de l’autorité des valeurs à l’autorité des forces actives) : ce sens historique que nous autres Européens revendiquons comme notre spécialité, nous est venu à la suite de l’ensorcelante et folle demi-barbarie où l’Europe a été précipitée par le mélange démocratique des rangs et des races. Le dix-neuvième siècle est le premier qui connaisse ce sens devenu son sixième sens. Toutes les formes, toutes les manières de vivre, toutes les civilisations du passé, autrefois entassées les unes près des autres, les unes sur les autres, font invasion dans nos « âmes modernes », grâce à cette confusion. Nos instincts se dispersent maintenant de tous côtés, nous sommes nous-mêmes une sorte de chaos ; enfin « l’esprit », je le répète, finit par y trouver son profit. Par la demi-barbarie de notre âme et de nos désirs, nous avons des échappées secrètes de toutes espèces, telles qu’une époque noble n’en a jamais eu, surtout l’accès aux labyrinthes des civilisations incomplètes et aux enchevêtrements de toutes les demi-barbaries qu’il y eut jamais au monde. Et, dans la mesure où la part la plus importante de la culture fut jusqu’à présent une demi-barbarie, le « sens historique » signifie presque le sens et l’instinct propres à comprendre toutes choses, le goût et le tact pour toutes choses ; ce qui démontre clairement que c’est un sens sans noblesse. Nous goûtons, par exemple, de nouveau Homère : peut-être notre progrès le plus heureux est-il de goûter Homère, ce que les hommes d’une culture noble (par exemple les Français du dix-septième siècle, comme Saint-Évremont, qui lui reproche l’esprit vaste, et même leur dernier écho Voltaire) ne peuvent et ne pouvaient faire aussi facilement, — ce qu’ils osaient à peine se permettre. L’affirmation et la négation très précises de leur sens, leur dégoût très prompt, leur réserve froide au sujet de tout ce qui est étranger, leur horreur du mauvais goût, même de celui d’une vive curiosité, et, en général, la mauvaise volonté de toute civilisation noble et qui se suffit sans vouloir s’avouer un nouveau désir, le mécontentement de ce qu’on possède, l’admiration de l’étranger : tout cela les préoccupe et les prédispose à être défavorables même aux meilleures choses du monde, quand elles ne sont pas leur propre et ne pourraient leur servir de proie, — et aucun sens n’est plus incompréhensible pour de tels hommes que précisément le sens historique et sa basse curiosité plébéienne. Il n’en est pas autrement de Shakespeare, cette étonnante synthèse du goût hispano-mauresque et du goût saxon dont un vieil Athénien ami d’Eschyle aurait ri aux larmes s’il ne s’était pas fâché. Mais nous acceptons plutôt, avec une secrète familiarité et avec confiance, cette bigarrure sauvage, ce mélange de délicatesse, de grossièreté et de sens artificiel, nous jouissons de Shakespeare, comme du raffinement de goût le plus piquant qui nous soit réservé et nous nous laissons aussi peu troubler, par les exhalaisons et l’attouchement rebutant de la populace anglaise où s’agite l’art et le goût de Shakespeare, que si nous nous trouvions sur la Chiaja de Naples, où, charmés par tous nos sens, nous suivons notre chemin de plein gré, malgré l’odeur fétide des quartiers populaires qui flotte dans l’air. Nous autres hommes du « sens historique », nous avons comme tels nos vertus, ce n’est pas contestable. Nous sommes sans prétentions, désintéressés, modestes, endurants, pleinement capables de nous dominer nous-mêmes, pleins d’abandon ; très reconnaissants, très patients, très accueillants. Avec tout cela nous n’avons peut-être pas beaucoup de goût. Avouons-le en fin de compte : ce qui, pour nous autres hommes du « sens historique », est le plus difficile à saisir, à sentir, à goûter, à aimer, ce qui, au fond, nous trouve prévenus et presque hostiles, c’est précisément le point de perfection, de maturité dernière dans toute culture et tout art, la marque propre d’aristocratie dans les œuvres et les hommes, leur aspect de mer unie et de contentement alcyonien, l’éclat d’or brillant et froid qui apparaît sur toute chose achevée. Peut-être cette grande vertu du sens historique est-elle nécessairement en opposition avec le bon goût, ou tout au moins avec le meilleur goût, et ne pouvons-nous évoquer en nous que maladroitement, avec hésitation et contrainte, ces coups de hasard heureux, courts et brillants, ces transfigurations de la vie humaine qui pétillent un moment çà et là, ces instants merveilleux où une grande force s’arrêtait volontairement devant l’incommensurable et l’infini — où l’on jouissait d’une exubérance de joie délicate, comme si l’on était dompté et pétrifié, — immobilisé sur un sol encore tremblant. La mesure nous est étrangère, convenons-en ; notre joie secrète est précisément celle de l’infini, de l’immense. Semblables au cavalier sur son coursier haletant, nous laissons tomber les rênes devant l’infini, nous autres hommes modernes, demi-barbares que nous sommes, — et nous ne sommes au comble de notre félicité que lorsque nous courons — le plus grand danger.
Eternel retour du même, Nietzsche reprend sa propédeutique ou ses prolégomènes "à toute culture future" mais d'abord il faut remarquer à quel point c'est la méthode historique elle-même en science, qui au fond se sert de la "régression" psychologique ou typologique humaine afin de saisir les "perfections" (ou ce que Nietzsche estime des perfections) dans le passé, grâce en fait à un autre sens qui est celui de la grandeur et de la bassesse ("la hiérarchie des valeurs"). C'est étrange comme il y a là un éternalisme et/ou un transhistoricisme radicalement absolu et non-perspectiviste chez Nietzsche, comme s'il disposait d'un étalon de valeur suprême que je veux relier au "sens de la terre" d'Ainsi parlait Zarathoustra (on n'est plus à un sens près, entre le sens historique, le sens de la grandeur et de la bassesse, et le sens de la terre).

Au choix cela fait passer Nietzsche pour ou fou, ou génial, mais dans tous les cas il est question de "savoir régresser" (un paragraphe ci-dessus évoque bien le retour en enfance sans parler des "paysans, pêcheurs, forestiers" proches de la terre). La plus haute culture est aussi celle qui prend racine le plus profondément ce qui est totalement le propos d'Ainsi parlait Zarathoustra par ailleurs, c'est en sachant parcourir ces montagnes russes que l'on parvient à prendre de l'amplitude et son envol "alcyonien" où les airs comprennent les terres sans les renier parce qu'ils savent y "régresser" structuralement en fait. C'est en fait une méthode structurale (ici, les rapports pré-science/science, terre/ciel, régression/progression, bassesse/grandeur) car il faut les deux pour éviter la médiocrité.

Ainsi la propédeutique ou les prolégomènes nietzschéens "à toute culture future" ce sont d'abord un esprit de méthode historique, et au fond social, qui est métaphoriquément la danse du paragraphe 278 initial tiré de Humain, trop humain, "Caractères de haute et basse civilisation" (je recite) :
on n’a qu’à songer que la danse n’est pas la même chose qu’un absurde mouvement de va-et-vient entre des directions opposées. La haute culture paraîtra semblable à une danse hardie : c’est pourquoi, comme j’ai dit, il y faut beaucoup de force et de souplesse.
Comme une structure, ce sont des force et souplesse d'esprit qui font la psyché ou le type humain tout sauf médiocre selon Nietzsche, encore faut-il acquérir cette méthode historique et sociale, structurale.

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Message par Invité Mer 27 Fév 2019 - 12:19

Nietzsche s'intéresse en fait aux choses les plus simples et les plus proches de nous que nous avons pour ainsi dire sous le nez voire au corps (c'est le cas avec la danse forcément sans parler de sa critique des contempteurs du corps dans Ainsi parlait Zarathoustra et donc l'exaltation de la danse dont j'ai parlé dans le post précédent). Mais regardez comme c'est tout simple et tout bête ce dont il parle au point qu'on croirait qu'il se fiche de nous au fond ou qu'il ne fait pas œuvre philosophique, en ces §§173-174 des Opinions et sentences mêlées, Humain trop humain II :
Regards en avant et en arrière. — Un art tel qu’il rayonne d’Homère, de Sophocle, de Théocrite, de Caldéron, de Racine, de Gœthe, comme l’excédent d’une direction de vie sage et harmonieuse — c’est là la vraie conception, à quoi nous finirons par recourir, lorsque nous serons devenus nous-mêmes plus sages et plus harmonieux : et non point ce jaillissement barbare, quoique si charmant, de choses ardentes et bariolées, ce jaillissement hors d’une âme chaotique et non domptée que nous considérions jadis, lorsque nous étions des jeunes gens, comme de l’art. Mais il va de soi que, pour certaines époques de la vie, un art de l’exaltation et de l’émotion répond à un besoin naturel, de même que la répugnançe contre tout ce qui fest réglé, monotone, simple et logique, que cet art doit nécessairement correspondre à l’artiste, pour que l’âme de pareilles époques de vie n’aille pas faire explosion sur une autre voie, par toutes sortes d’excès et de désordres. C’est ainsi que les jeunes gens, tels qu’ils sont généralement, pleins d’exubérances et tourmentés par l’ennui plus que par toute autre chose, — c’est ainsi que les femmes, à qui manqueun bontravailqui remplit l’âme, ont besoin de cet art du désordre ravissant : mais avec d’autant plus de violence, s’enflamme leur désir d’une satisfaction sans changement, d’un bonheur sans léthargie et sans ivresse.

Contre l’art des œuvres d’art. — L’art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible : ayant cette lâche en vue, il modère et nous tient en brides, crée des formes dans les rapports, lie ceux dont l’éducation n’est pas faite à des lois de convenance, de propriété, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment. De plus, l’art doit cacher et transformer tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface : il doit agir ainsi surtout pour ce qiii en est des passions, des douleurs de l’âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ou insurmontable, ce qui y est significatif. Après cette tâche de l’art, dont la grandeur va jusqu’à l’énormité, l’art que l’on appelle véritable, l’art des œuvres d’art n’est qu’accessoire. L’homme qui sent en lui un excédent de ces forces qui embellissent, cachent, transforment, finira par chercher à s’alléger de cet excédent par l’œuvre d’art ; dans certaines circonstances c’est tout un peuple qui agira ainsi. — Mais on a l’habitude maintenant de commencer l’art par la fin, on se suspend à sa queue, avec l’idée que l’art des œuvres d’art est le principal et que c’est, en partant de cet art, que la vie doit être améliorée et transformée. — fous que nous sommes ! Si nous commençons le repas par le dessert, goûtant à un plat sucré après l’autre, quoi d’étonnant si nous nous gâtons l’estomac et même l’appétit pour le bon festin, fortifiant et nourrissant, â quoi l’art nous convie ?
Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : dans le premier § Nietzsche dit clairement qu'il y a un art par tranches d'âge il parle en éducateur, et l'originalité est qu'il parle de l'art comme pourrait faire aujourd'hui par exemple un art-thérapeute mais sans tout le chichi ni le blabla propre au développement personnel. En somme quand Nietzsche parle des "forces vitales" qui agitent la jeunesse il dit simplement que cette tranche d'âge a plus d'énergie, qu'elle a besoin de la canaliser, et que ça lui fait du bien de la canaliser dans des formes d'arts plus "nerveuses" voire "énervées" que les formes d'arts plus propres et propices à des âges plus avancés et plus mûrs (les arts plus "sages et harmonieux"). Ce qui est original c'est que Nietzsche n'a aucun dédain pour les arts "de jeunes" même s'il les pense en termes de moyens et de méthodes pour littéralement l'apprivoiser voire la laisser comme à son auto-apprivoisement d'elle-même par elle-même à travers des contenus plus "énervés" ou tout simplement plus énergiques et vivaces qu'à des âges plus avancés ou plus mûrs. Dans un sens le jugement nietzschéen semble machiavélique mais dans un autre il est juste emprunt de bonté pour la jeunesse ! C'est le jugement "d'un ancien" disant que "il faut que jeunesse se fasse" !... Nietzsche est bien le philosophe du devenir puisqu'il ne prend pas les hommes dans l'absolu mais les considère selon la tranche d'âge et ses besoins spécifiques dirons-nous, en vue de la culture !

Dans le deuxième § c'est tout aussi simple puisqu'en somme Nietzsche comprend très bien que "l'art des œuvres d'art" ou bien "l'art des musées" est un "art tardif" (celui finalement encensé et médité par le vieil André Malraux quand on y pense et je conseille la lecture de Jean-Pierre Zarader pour en prendre toute la mesure car il a mis Malraux en philosophie de l'art ou esthétique) ou disons que l'art des musées est un art de "civilisation" ou de "culture tardives". En somme les arts que nous avons tendance à dire "primitifs" ou de préférence "premiers" voire "plus sauvages, charnels" ("moins mondains, urbains") d'une part, et l'actuel design quotidien d'autre part, sont "les véritables arts" dans ce sens qu'ils font l'anthropologie ou la culture en tant qu'elles sont dans une dynamique à échelle humaine quotidienne (voir aussi l'Esthétisation du monde, vivre à l'âge du capitalisme artiste de Jean Serres et Gilles Lipovetsky). On sait que les arts rituels renvoient à des symboles communs et qu'avant eux il y a des arts décoratifs : c'est cela dont parle Nietzsche quand il parle de l'embellissement de la vie, voilà tout !

Nietzsche a ce souci du plus simple sans être simplet, d'une part parce qu'il en parle avec intelligence mais aussi parce "le plus simple" n'est pas aussi simple qu'on voudrait : il sert par exemple à canaliser les énergies de la jeunesse et à exalter le sentiment de la maturité et de la vieillesse comme on a vu dans le paragraphe précédent. Dans l'ensemble l'horizon d'une telle pensée nietzschéenne est terriblement nihiliste dans ce sens qu'il est sans au-delà mais en même temps il ruine tout nihilisme puisqu'il rend digne la vie c'est-à-dire le quotidien en fait, contrairement à tous les délires et les fantasmes autour de "Nietzsche" notamment concernant "la volonté de puissance, le surhomme, l'éternel retour". La vie est quotidienne, "ecce homo".

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Message par Invité Mer 27 Fév 2019 - 21:38

J'ai surtout l'impression que la structure dont la philosophie nietzschéenne dénote quant à sa culture à venir, c'est que c'est une régression assurément du terme culture. On dénomme ça à sa guise, mais j'aime à la définir comme quelque chose qui tend plutôt à un état d'esprit. Par exemple la « démocratie » dont on méconnaît terriblement aujourd'hui la définition, alors qu'on s'y perd dans son étymologie – cela étant dommageable...

Alors de la structure je vais t'en foutre !

Tiens : au premier chef la danse, ça veut dire quoi sinon de l'insouciance et de la légèreté devant la Structure « forces et souplesses de l'esprit humain » ? Sans compter ce que ça implique et puis le reste ! C'est à se tordre. Car c'est bien d'avoir peur que Nietzsche rétorque une chorégraphie devant les « forces et souplesses de l'esprit humain » (mon œil ouais). Il a peur des structuralités, comme elles impliquent des hauts et des bas et des ambivalences. Je ne dis pas que Nietzsche ignorait les ambivalences, au contraire : c'est à cause d'elles qu'en s'esbignant il s'aheurte aux relents de la religiosité qui l'habite.

Tu oublies enfin que l'aristocratie nietzschéenne n'est pas pleine de munificence.

Précisément, de toute sa richesse ironiquement il n'en ressort pas qu'elle peut se permettre le prix d'une bonne conscience.

De là, la frénésie devant le Structural (lequel il pique à Schopenhauer en plus).

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Message par Invité Jeu 28 Fév 2019 - 21:43

C'est très compliqué de te répondre parce que tu dis un peu tout et n'importe quoi entre autre des "structuralités" et du "Structural grand S" (j'imagine que ça veut s'attaquer au coeur de quelque chose mais de quoi ? il n'y a pas de coeur il n'y a qu'un effet de surface ou une tentative de description) je ne sais pas ce que ça veut dire mais pour ne reprendre que la question de la bonne conscience je doute beaucoup que Nietzsche se permette "le prix d'une bonne conscience" loin loin loin de là (Ainsi parlait Zarathoustra s'en prend explicitement aux gens qui se pensent "bien, bonnes, justes"). Si Nietzsche offrait "la paix de l'âme" cela se saurait mais ce n'est ni ce qu'il prétend ni ce qu'il vise ne lui faisons pas de mauvais procès (pas plus qu'à la structure si Nietzsche n'avait pas de système il n'aurait pas dit manquer de confiance dans son propre système, ce qui n'est pas un luxe de bonne conscience loin de là). Le reste provient d'Opinions et sentences mêlées :
13.
La connaissance nuisible à l’occasion. — L’utilité qu’apporte une recherche absolue de la vérité est sans cesse démontrée au centuple, tellement qu’il faut s’accommoder sans hésiter des choses nuisibles, légères et rares, en somme, dont l’individu peut avoir à souffrir à cause de cette recherche. Il est impossible d’éviter les risques que court le chimiste qui peut se brûler ou s’empoisonner à l’occasion de ses expériences. — Ce que l’on peut dire du chimiste s’applique à toute notre civilisation : d’où il résulte clairement, soit dit en passant, combien il importe, pour celle-ci, d’avoir toujours en réserve des baumes pour les blessures et des contre-poisons.

52.
On a tort d’être injuste. — Une injustice que l’on a faite à quelqu’un est beaucoup plus lourde à porter qu’une injustice que quelqu’un d’autre vous a faite (non pas précisément pour des raisons morales, il faut le remarquer —) ; car, au fond, celui qui agit est toujours celui qui souffre, mais bien entendu seulement quand il est accessible au remords ou bien à la certitude que, par son acte, il aura armé la société contre lui et il se sera lui-même isolé. C’est pourquoi, abstraction faite de tout ce que commandent la religion et la morale, on devrait, rien qu’à cause de son bonheur intérieur, donc pour ne pas perdre son bien-être, se garder de commettre une injustice plus encore que d’en subir une : car, dans ce dernier cas, on a la consolation de la bonne conscience, de l’espoir de la vengeance, de la pitié et de l’approbation des hommes justes, et même de la société tout entière, laquelle craint les malfaiteurs. — Quelques-uns, et ils ne sont pas un petit nombre, s’entendent à la ruse malpropre de transformer toute injustice qu’ils ont commise en une injustice qui leur a été faite, et à se réserver, pour excuser ce qu’ils ont fait, le droit exceptionnel de la légitime défense : pour porter ainsi plus facilement leur fardeau.

89.
Les mœurs et leurs victimes. — L’origine des mœurs doit être ramenée, à deux idées : « la communauté a plus de valeur que l’individu », et « il faut préférer l’avantage durable à l’avantage passager » ; d’où il faut conclure que l’on doit placer, d’une façon absolue, l’avantage durable de la communauté avant l’avantage de l’individu, surtout avant son bien-être momentané, mais aussi avant son avantage durable et même avant sa persistance dans l’être. Soit donc qu’un individu souffre d’une institution qui profite tà la totalité, soit que cette institution le force à s’étioler ou même qu’il en meure, peu importe, — la coutume doit être conservée, il faut que le sacrifice soit porté. Mais un pareil sentiment ne prend naissance que chez ceux qui ne sont pas la victime, — car celle-ci fait valoir, dans son propre cas, que l’individu peut-être d’une valeur supérieure au nombre, et de même que la jouissance du présentée moment dans le paradis, pourraient être estimés supérieurs à la faible persistance d’états sans douleur et de conditions de bien-être. La philosophie de la victime se fait cependant toujours entendre trop tard, on s’en tient donc aux mœurs et à la moralité : la moralité n’étant que le sentiment que l’on a de l’ensemble des coutumes, sous l’égide desquelles on vit et l’on a été élevé — élevé, non en tant qu’individu, mais comme membre d’un tout, comme chiffre d’une majorité. — C’est ainsi qu’il arrive sans cesse qu’un individu se majore lui-même au moyen de sa moralité.

187.
L’ancien monde et la joie. — Les hommes de l’ancien monde savaient mieux se réjouir : nous nous entendons à nous attrister moins ; ceux-là découvraient toujours de nouvelles raisons pour goûter leur bien-être et pour célébrer des fêtes, ils y mettaient toute la richesse de leur sagacité et de leur réflexion : tandis que nous employons notre esprit à la solution de problèmes qui ont plutôt en vue de réaliser l’absence de douleur et la suppression des sources du déplaisir. Pour ce qui en est de l’humanité souffrante, les anciens s’essayaient à s’oublier ou à faire virer leur sentiment, d’une façon ou d’une autre, vers le côté agréable. Ainsi ils s’aidaient de palliatifs, tandis que nous nous attaquons aux causes du mal et préférons en somme agir d’une façon prophylactique. Peut-être construisons-nous seulement les bases sur lesquelles les hommes édifieront de nouveau plus tard le temple de la joie

334.
Savoir souffrir publiquement. — Il faut afficher son malheur, gémir de temps en temps, de façon à ce que tout le monde l’entende, s’impatienter d’une façon visible : car si on laissait les autres s’apercevoir combien l’on est tranquille et heureux au fond de soi-même, malgré les douleurs et les privations, combien on les rendrait envieux et méchants ! — Mais il faut que nous veillions à ne pas rendre nos semblables plus mauvais ; de plus, s’ils nous savaient heureux, ils nous chargeraient de lourdes contributions, de sorte que notre souffrance publique est certainement aussi pour nous un avantage privé.

383.
La générosité comme masque. — Avec de la générosité dans l’attitude on exaspère ses ennemis, avec de l’envie manifestée, on se les concilie presque : car l’envie compare, met en parité, elle est une façon d’humilité involontaire et plaintive. — À cause de l’avantage indiqué, l’envie n’aurait-elle pas été prise comme masque par ceux qui n’étaient pas envieux ? Peut-être. Ce qui est certain c’est que la générosité est souvent utilisée comme masque de l’envie, par des gens ambitieux qui préfèrent souffrir d’un préjudice pour exaspérer leurs ennemis, que de laisser voir que, dans leur for intérieur, ils considèrent ceux-ci comme leurs égaux.

401.
Recette pour le martyr. — Le poids de la vie est trop lourd pour toi ? — Augmente donc le fardeau de ta vie. Si celui qui souffre finit par avoir soif des eaux du Léthé et qu’il les cherche — il faut qu’il devienne héros pour être sûr de les trouver.
La mauvaise conscience est partout.

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Propédeutique ou "prolégomènes à toute culture future" : la méthode structurale du nietzschéisme Empty Re: Propédeutique ou "prolégomènes à toute culture future" : la méthode structurale du nietzschéisme

Message par Invité Jeu 28 Fév 2019 - 21:50

C'est bien ce que je disais :

Je ne dis pas que Nietzsche ignorait les ambivalences, au contraire : c'est à cause d'elles qu'en s'esbignant il s'aheurte aux relents de la religiosité qui l'habite.

Reste plus qu'à relire sous cet angle. Par structure j'entendais structure de l'âme. S majuscule pour ce qu'on lui accorde une grande importance, le reste se déduit.

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Message par Were-one Lun 4 Mar 2019 - 23:22

Ce langage ampoulé abat la possibilité que Nietzsche n'ait pas achoppé sur la religion, sans autre forme de procès réflexif, tout en supposant que ce qu'il appelle ambivalence a un rapport avec la religion (s'il veut bien dire quelque chose de sensé, alors qu'il ne s'explique jamais sur ses tenants et aboutissants autrement que par l'allusion à déduire l'inévidence). Je me demande encore le rapport avec la culture future : ça n'a pas digressé, mais rompu avec le propos. Que la conscience ne soit ni bonne ni mauvais, mais cahotique ou hétéroclite, variable, en quoi est-ce un argument pro-religiosité ? et en quoi la religiosité ou l'irréligiosité seraient-elles plus déterminantes qu'autre chose pour la culture (future ou pas) ? Moi je crois qu'on surestime beaucoup le langage poétique de Nietzsche, tantôt rimé, tantôt allégorique, tantôt fabuliste. D'abord, parce que si des Dorian Astor (qui s'y connaissent en allemand) trouvent son allemand beau, ça n'est pas le cas de tout le monde (notamment, que Nietzsche aurait surestimé sa propre allégresse rythmique, rapport à l'italien auquel il comparait sa langue). Ensuite, notamment parce que dans Ainsi parlait Zarathoustra III-XVI, les Sept sceaux, Nietzsche fait déclamer en refrain à son personnage éponyme : "Car je t'aime ô éternité !" dans une évocation directe d'une femme de laquelle il pourrait attendre des enfants. Si cela semble probablement sacraliser, ça courtise le sacré comme un trouvère. En somme ça ne se veut certainement pas sacré, et au contraire ça sacralise comme en mise en scène théâtrale. Le dionysiaque est à ce titre édifiant, puisqu'il désigne avant tout et dès l'Origine de la tragédie l'ivresse corporelle avant tout, la kinesis avant la theoria, la dynamis avant l'ataraxia, l'éros et le thymos avant le logos et la sophia. Vouloir faire de la conscience (bonne ou mauvaise) quelque chose d'axiologique est à ce titre impertinent, surtout quand on lit comment Nietzsche problématise la conscience comme voix du troupeau, ainsi que la conscience intellectuelle comme quelque chose de chétif et de piètre devant la connaissance instinctive. Comme le dit le §227 cité plus haut, la culture supérieure est douloureuse à mesure qu'elle connaît la joie supérieure (elle a mauvaise conscience sur le mode du "que ta suprême souffrance soit ta suprême espérance" dans le Gai savoir §68, Qu'est-ce qui rend héroïque ?) or je crois encore qu'il faut raison garder, et qu'ici supérieure signifie clairement : études avancées, dans la mesure où elles sont au plan socioéducatif intégrées et au plan sociopolitique valorisantes, avec en définitive au plan sociohistorique un intérêt potentiellement déterminant (place de la volonté de puissance).

On peut presque croire avec cette conscience douloureuse que Nietzsche réactualise (paradoxalement) un paulinisme : "là où le péché a abondé, la grâce a surabondé", à condition de le mettre en relation avec le §275 du Gai savoir : "Quel est le sceau de la liberté réalisée ? - Ne plus avoir honte devant soi-même." à savoir qu'il est hors de question de s'estimer pécheur et de se repentir, sans que cela n'empêche de regarder ses erreurs en face (l'erreur est progrès). Ainsi de la souffrance naît l'espérance, la joie spéciale de cette culture supérieure, pour laquelle il faut encore lire le §320 d'Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées :
Porter des hiboux à Athènes. — Les gouvernements des grands États ont entre les mains deux moyens pour tenir le peuple en dépendance, pour, se faire craindre et obéir : un moyen plus grossier, l’armée, un plus subtil, l’école. À l’aide du premier ils entraînent de leur côté l’ambition des classes supérieures et la force des classes inférieures, du moins dans la mesure où ces deux classes possèdent des hommes actifs et robustes, doués moyennement et médiocrement. À l’aide de l’autre moyen ils gagnent pour eux la pauvreté douée et surtout la demi-pauvreté à prétentions intellectuelles des classes moyennes. Ils se créent, avant tout, par les professeurs de tous grades, une cour intellectuelle qui aspire à « monter » ; en entassant obstacle sur obstacle contre l’école privée ou l’éducation particulière que l’État a spécialement en haine, il s’assure la disposition d’un très grand nombre de places qui sont convoitées sans cesse par un nombre certainement cinq fois supérieur à celui qu’on pourrait satisfaire, d’yeux avides et quémandeurs. Mais ces situations ne devront nourrir leur homme que très maigrement : c’est ainsi que l’État entretient chez lui la soif fiévreuse de l’avancement et le lie plus étroitement encore aux intentions gouvernementales. Car il vaut mieux entretenir un mécontentement bénin, bien préférable à la satisfaction, mère du courage, grand’mère de la liberté d’esprit et de la présomption. Au moyen de ce corps enseignant, matériellement et intellectuellement tenu en bride, on élève alors, tant bien que mal, toute la jeunesse du pays, à un certain niveau d’instruction utile à l’État, et gradué selon le besoin : avant tout, l’on transmet presque imperceptiblement aux esprits faibles, aux ambitieux de toutes les conditions, l’idée que seule une direction de vie reconnue et estampillée par l’État vous amène immédiatement à jouer un rôle dans la société. La croyance aux examens d’État et aux titres conférés par l’État va si loin que, même des hommes qui se sont formés d’une façon indépendante, qui se sont élevés par le commerce ou par l’exercice d’un métier gardent unepointe d’amertume au cœur, tant que leur situation n’a pas été reconnue d’en haut par une investiture officielle, un titre ou une décoration, — jusqu’à ce qu’ils puissent « se faire voir ». Enfin l’État associe la nomination aux mille et mille fonctions et places rétribuées, qui dépendent de lui, à l’engagement de se faire éduquer et estampiller par les établissements de l’État, autrement cette porte vous demeure close à jamais : honneurs dans la société, pain pour soi-même, possibilité d’une famille, protection d’en haut, esprit de corps chez ceux qui ont été éduqués en commun, — tout cela forme un filet d’espérances où se précipitent tous les jeunes gens : d’où pourrait donc leur venir un souffle de méfiance ? Si, en fin de compte, l’obligation pour chacun d’être soldat pendant quelques années est devenue, au bout de quelques générations, une habitude et une condition que l’on accomplit sans arrière-pensée, en vue de quoi l’on arrange d’avance sa vie, l’État peut encore hasarder le coup de maître d’enchaîner, par des avantages, l’école et l’armée, l’intelligence, l’ambition et la force, c’est-à-dire d’attirer vers l’armée les hommes d’aptitudes et de culture supérieures et de leur inculquer l’esprit militaire de l’obéissance volontaire : ce qui les entraînera peut-être à prêter serment au drapeau, pour toute leur vie, et à procurer, par leurs aptitudes, un nouvel éclat au métier des armes. — Alors il ne manquera plus autre chose que l’occasion des grandes guerres : et l’on peut prévoir que, de par leur métier, les diplomates y veilleront en toute innocence, de même que les journaux et la spéculation : car le « peuple », lorsqu’il est un peuple de soldats, a toujours bonne conscience quand il fait la guerre, — inutile de la lui suggérer.
C'est un peu Polytechnique et Saint-Cyr rois, sans l'humanitaire actuel.
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Message par Invité Mar 5 Mar 2019 - 10:27

C'est que la culture à venir est l'ambition de l'humanité de se jeter au-devant du Structural qu'il a découvert. Or (on peut pinailler à loisir sur les mots et j'emploie ceux que j'emploie sans argutie) la démocratie, que j'appelle gentiment l'esprit démocratique, puisqu'elle n'a rien à voir aujourd'hui avec son étymologie – je pense que c'est à juste titre – or, disais-je, la démocratie implique l'ambivalence, i. e. l'idée selon laquelle les valeurs sont à subvertir (le propre du Chrétien dans la culture). Que Nietzsche, donc, j'ai dit s'esbigner, car l'on (cher Nietzsche) ne veut pas voir ou se rendre à l'évidence qu'une telle déduction de la Structure implique un faix à soutenir coûte que coûte. Si bien que la danse de Nietzsche c'est, effectivement je te l'accorde, après avoir vu la Structure de l'âme (à savoir la découverte des faits de l'inconscient) ce qu'il y a de fille de l'air chez un gros génie comme lui. Au reste, tu médis un peu, comme avant, mais depuis lors je suis habité avec toi.

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Message par Were-one Mar 5 Mar 2019 - 11:20

Agathos a écrit:C'est que la culture à venir est l'ambition de l'humanité de se jeter au-devant du Structural qu'il a découvert.
Toute la culture ? n'importe quelle culture ? L'humanité ambitionne unanimement ? le nietzschéisme ? Là, maintenant, toujours, partout ?
Or (on peut pinailler à loisir sur les mots et j'emploie ceux que j'emploie sans argutie) la démocratie, que j'appelle gentiment l'esprit démocratique, puisqu'elle n'a rien à voir aujourd'hui avec son étymologie – je pense que c'est à juste titre – or, disais-je, la démocratie implique l'ambivalence, i. e. l'idée selon laquelle les valeurs sont à subvertir (le propre du Chrétien dans la culture).
Je passe.
Que Nietzsche, donc, j'ai dit s'esbigner, car l'on (cher Nietzsche) ne veut pas voir ou se rendre à l'évidence qu'une telle déduction de la Structure implique un faix à soutenir coûte que coûte. Si bien que la danse de Nietzsche c'est, effectivement je te l'accorde, après avoir vu la Structure de l'âme (à savoir la découverte des faits de l'inconscient) ce qu'il y a de fille de l'air chez un gros génie comme lui.
Quel faix, si c'est un fait ? sans mauvais jeu de mot. Quand faudrait-il le soutenir coûte que coûte, si seulement c'en est un ? Quel est le problème des filles de l'air, au juste, pour ce qui nous concerne ? En quoi Nietzsche en est-il l'ami, surtout s'il faudrait coûte que coûte soutenir un faix ? Ce serait contradictoire au possible. Quid des Trois métamorphoses d'Ainsi parlait Zarathoustra I-I ?
Au reste, tu médis un peu, comme avant, mais depuis lors je suis habité avec toi.
Il serait temps d'en finir avec "toi" "et" "moi", tu ne crois pas ?

Dans l'ensemble, je trouve tes propres atmosphériques, ceci dit avec tous les jeux de mots possibles.
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Message par Invité Mar 5 Mar 2019 - 12:31

Were-one a écrit:Toute la culture ? n'importe quelle culture ? L'humanité ambitionne unanimement ? le nietzschéisme ? Là, maintenant, toujours, partout ?

Oh oui.

Quel faix, si c'est un fait ? sans mauvais jeu de mot. Quand faudrait-il le soutenir coûte que coûte, si seulement c'en est un ? Quel est le problème des filles de l'air, au juste, pour ce qui nous concerne ? En quoi Nietzsche en est-il l'ami, surtout s'il faudrait coûte que coûte soutenir un faix ? Ce serait contradictoire au possible. Quid des Trois métamorphoses d'Ainsi parlait Zarathoustra I-I ?

Celui de la Conscience, à écrire avec un C majuscule ou minuscule conformément à l'équivoque de ce que ça implique. Nietzsche est fille de l'air ès matières psychologiques. C'est surtout pour ce qu'il faut le soutenir ce faix qu'il est fille de l'air. En quoi est-ce contradictoire ? Parles-tu de cette opposition antipodale entre Volonté de puissance & Amour ? J'agrée bien, mais doute que tu en sois venu à une telle conclusion.

Il serait temps d'en finir avec "toi" "et" "moi", tu ne crois pas ?

Qui se fait quarante comptes par les Nets pour me parler en loucedé ? Tu t'adresses à moi animalement, quand moi j'essaie de te parler le plus normalement du monde... Réfères-en toi à quelque paragraphe de Nietzsche, où il dit que les problèmes naissent à cause de ceux qui agissent comme s'il y en avait (ou qu'il fallait y en avoir).

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Message par Were-one Mar 5 Mar 2019 - 13:15

OK.

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depuis 2016 sur LibertéPhilo puis Digression en 2017, LibertéPhilo dont je finis par obtenir l'administration avant de l'achever
pour défragmentater partiellement les communautés philosophiques francophones, au lieu qu'elles restent
peu nombreuses, stade qui semble pourtant difficile à dépasser malgré un "président philosophe".
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Message par kercoz Mar 5 Mar 2019 - 14:15

Were-one a écrit:
Agathos a écrit:C'est que la culture à venir est l'ambition de l'humanité de se jeter au-devant du Structural qu'il a découvert.
Toute la culture ? n'importe quelle culture ? L'humanité ambitionne unanimement ? le nietzschéisme ? Là, maintenant, toujours, partout ?

L' erreur de la philosophie c'est de mépriser les autres sciences qui autrefois l' ont fait émerger. La "culture" est un objet que doit interroger l' éthologie et la sociologie avant que la philosophie n' en fasse de la littérature.

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Message par Were-one Mar 5 Mar 2019 - 20:14

kercoz a écrit:L' erreur de la philosophie c'est de mépriser les autres sciences qui autrefois l' ont fait émerger. La "culture" est un objet que doit interroger l' éthologie et la sociologie avant que la philosophie n' en fasse de la littérature.
Oui, et ce fut précisément le projet nietzschéen, de faire de l'anthropologie culturelle et historique, etc. à louer la méthode et l'esprit de méthode scientifiques, sans toutefois non plus sombrer totalement dans "le scrupule de l'esprit" (Ainsi parlait Zarathoustra IV-IV, la Sangsue).
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Message par Bergame Mar 5 Mar 2019 - 23:28

Agathos a écrit:
Were-one a écrit:Il serait temps d'en finir avec "toi" "et" "moi", tu ne crois pas ?
Qui se fait quarante comptes par les Nets pour me parler en loucedé ? Tu t'adresses à moi animalement, quand moi j'essaie de te parler le plus normalement du monde...
Amis, évitez tous les deux l'ad personam, svp. Vraiment.

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Message par Were-one Mer 6 Mar 2019 - 21:30

Heureusement que le ridicule ne tue pas, quoiqu'il ait déjà poussé au suicide, parce que j'aurais pu être foudroyé cent fois depuis LibertéPhilo, sans parler d'être tenté de me pendre. Seul problème, stoïcien il faut le dire : ce n'aurait pas été un suicide raisonnable (auquel titre le seppuku japonais pose question, surtout quand on aime "Nietzsche" et son absence de valorisation de la honte). Quel clown fais-je. Enfin, c'étaient des remarques en l'air.
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