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Science intuitive et biodanza

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Message par Vanleers Mar 19 Juin 2018 - 20:20

Rappelons, une fois encore, la définition de la science intuitive ou connaissance du troisième genre.

Spinoza a écrit: Et ce genre de connaître procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses. (Ethique II 40 sc. 2)

La science intuitive est le discours de l’ange, médiateur (άγγελος) entre la nature naturante (les attributs de Dieu) et la nature naturée (les choses), étant précisé que dans la philosophie de Spinoza il n’y a pas de distinction réelle mais seulement une distinction modale entre ces deux natures.
C’est aussi le discours de l’esprit de consolation qui stimule la joie de vivre et s’oppose à la tristesse, l’esprit de désolation.
La figure de l’ange est reprise par la biodanza qui la considère plutôt comme un archétype au sens jungien. Voir :

http://www.biodanza-france.com/pdf/L%27ange.pdf

« Voir l’ange chez les personnes » comme l’énonce la biodanza se traduit en spinozien par « connaître les personnes » au sens de la connaissance du troisième genre dont la définition a été rappelée ci-dessus, connaissance intuitive, à la fois intellectuelle et affective.
C’est la connaissance qui saisit toute chose sous un même statut ontologique : celui d’un mode de la nature infinie, d’une expression particulière de Dieu.

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Message par Vanleers Jeu 21 Juin 2018 - 16:48

Lionel Astesiano développe les propriétés de la connaissance du troisième genre (Joie et liberté chez Bergson et Spinoza – CNRS Editions 2016) :

Lionel Astesiano a écrit: Dans le troisième genre de connaissance, la libération s’opère naturellement sans lutte, il ne s’agit plus de domination ni de gouvernement sur soi puisque le sage est unifié dans la béatitude. Les affects nuisibles s’effacent devant la puissance de la béatitude sans qu’il ne soit plus question de combat ni d’obéissance. Toute contrariété interne a disparu et l’activité du sage reflète désormais sa nature et la Nature de façon plus générale : l’homme libre s’unit d’autant plus à Dieu qu’il s’unit davantage à lui-même. La coïncidence de soi à soi exprime ainsi une participation active à l’absolu. Spinoza utilise dans le livre V de l’Ethique le terme religieux de Gloire, en le rationalisant, comme synonyme de liberté, qui se rapporte aussi bien à Dieu qu’à l’homme. Rapportée à Dieu, elle est la joie qui accompagne l’idée de l’activité infinie de Dieu, c’est-à-dire de sa vie éternelle, en tant qu’elle s’exprime dans toutes les manifestations de l’être. Rapportée à l’homme, elle est la joie qui accompagne l’idée de soi-même, en tant que l’homme, conscient de soi, des choses et de Dieu, sait que sa propre vie est la vie même de Dieu, en tant qu’elle s’exprime dans son essence propre, considérée en elle-même. La gloire exprime ainsi la liberté de l’individu qui jouit dans l’union à Dieu de la perfection de l’existence. La liberté se comprend alors comme un processus de singularisation sans être en aucun cas une séparation. L’union à Dieu n’a rien d’une fusion ni d’une indistinction, puisque le sage est conscient de la diversité des essences dont chacune, considérée dans ce qu’elle a de propre, exprime l’essence et la vie éternelle de Dieu. (p. 331)

Rolando Toro, fondateur de la biodanza, écrit sensiblement la même chose, de façon plus concrète, dans une lettre qu’on peut lire en :

http://www.biodanza-paula.org/mission.htm

Rolando Toro a écrit: Acquérir cette connexion avec la splendeur de la vie est essentielle. En réalité, l’illumination dont on parle fréquemment comme étant un phénomène exceptionnel, avec des connotations mystiques mystérieuses et occasionnelles, est une condition naturelle de tous les êtres humains. Il s’agit d’un changement de vision de nous-mêmes et de la signification de la vie.

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Message par Vanleers Ven 22 Juin 2018 - 17:31

« Gloire » et « Splendeur » évoquées dans le post précédent sont synonymes de « béatitude » (Ethique V 36 sc.).
Celle-ci n’est autre que la perfection :

Spinoza a écrit: Que si la joie consiste dans le passage à une plus grande perfection, la béatitude doit à coup sûr consister en ce que l’Esprit est doté de la perfection même (Ethique V 33 sc.)

Rappelons la définition 6 de la partie II :

« Par réalité et perfection, j’entends la même chose »

Reprenant les mots de Rolando Toro, la béatitude n’est autre que la vision de la splendeur de la Vie et de ses manifestations singulières.
Les séances de biodanza sont l’occasion privilégiée de percevoir la splendeur essentielle des partenaires dans la vision ontologique qui les voit comme des expressions particulières de Dieu.
C’est ce que j’appellerais le regard de l’ange, regard concret du fait que les corps sont en présence et s’affectent mutuellement.

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Message par Vanleers Dim 24 Juin 2018 - 10:50

En parlant de regard de l’ange ou de discours de l’ange, on ne peut s’empêcher de penser à l’avertissement de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête ».
Cela incite à la modestie et, peut-être, à considérer les séances de biodanza comme seulement des moments privilégiés de se refaire et de se recréer qu'évoque Spinoza dans le scolie d’Ethique IV 45 :

Spinoza a écrit: Il est d’un homme sage de se refaire et de se recréer en mangeant et buvant de bonnes choses modérément, ainsi qu’en usant des odeurs, de l’agrément des plantes vertes, de la parure, de la musique, des jeux qui exercent le corps, des théâtres, et des autres choses de ce genre dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui. Car le corps humain se compose d’un très grand nombre de parties de nature différente, qui ont continuellement besoin d’une alimentation nouvelle et variée pour que le corps soit également apte à tout ce qui suit de sa nature, et par conséquent pour que l’esprit soit lui aussi partout également apte à comprendre plusieurs choses à la fois.

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Message par Vanleers Lun 25 Juin 2018 - 10:58

A la réflexion, parler de regard de l’ange ou de discours de l’ange est une simple façon imagée de désigner la connaissance du troisième genre.
Cette connaissance n’est autre que la vision intuitive de la structure ontologique du monde que l’on peut résumer, de façon abrupte, par : « Tout est en Dieu ».
Cette vision, qui s’exprime par la conscience de soi, de Dieu et des choses que reprend le scolie d’Ethique V 42 en l’appliquant au sage, est parfois occultée par des idées inadéquates.
Il s’agit d’un mal qui nous éloigne de la compréhension claire de la structure ontologique du monde, illustrant ce que Spinoza démontre en Ethique IV 27 :
Spinoza a écrit: Nous ne savons avec certitude être un bien ou un mal que ce qui contribue véritablement à comprendre, ou ce qui peut nous empêcher de comprendre.

Les idées inadéquates, les illusions, les histoires qu’on se raconte nous font perdre de vue l’essentiel et s’accompagnent d’affects plus ou moins tenaces (cf. Ethique IV 6) et de stress.
La sagesse sera de revenir à l’essentiel par une méditation de la Vie (de Dieu) dont il est question en Ethique IV 67.

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Message par Vanleers Mar 26 Juin 2018 - 15:31

La méditation de la Vie (de Dieu) dont il est question dans le post précédent est une méditation de pleine conscience centrée sur la Vie (analogue à la méditation de pleine conscience centrée sur la bienveillance dont parle Matthieu Ricard).

Christophe André définit l’attitude de pleine conscience en :

http://christopheandre.com/meditation_CerveauPsycho_2010.pdf

Christophe André a écrit: La pleine conscience est la qualité de conscience qui émerge lorsqu’on tourne intentionnellement son esprit vers le moment présent. C’est l’attention portée à l’expérience vécue et éprouvée, sans filtre (on accepte ce qui vient), sans jugement (on ne décide pas si c’est bien ou mal, désirable ou non), sans attente (on ne cherche pas quelque chose de précis).
La pleine conscience peut être décomposée en trois attitudes fondamentales. La première est une ouverture maximale du champ attentionnel, portant sur l’ensemble de l’expérience personnelle de l’instant, autrement dit, tout ce qui est présent à l’esprit, minute après minute : perceptions du rythme respiratoire, des sensations corporelles, de ce que l’on voit et entend, de l’état émotionnel, des pensées qui vont et viennent. La seconde attitude fondamentale est un désengagement des tendances à juger, à contrôler ou à orienter cette expérience de l’instant présent ; enfin, la pleine conscience est une conscience « non élaborative », dans laquelle on ne cherche pas à analyser ou à mettre en mots, mais plutôt à observer et à éprouver.

Dans cette méditation, qui vise explicitement à réduire le stress et, plus généralement, les passions tristes, l’attention est tournée vers le moment présent, ce qui est également le cas de la vivencia en biodanza.

Rappelons la définition première de la biodanza :
« La Biodanza est un système d'intégration affective, de rénovation organique et de réapprentissage des fonctions originaires de vie, basée sur des vivencias induites par la danse, la musique, le chant et des situations de rencontres en groupe ».

Rappelons également que Rolando Toro, l’inventeur de la biodanza, a traduit en espagnol l’allemand Erlebnis (Dilthey) par vivencia et redéfini ce concept comme une expérience vécue avec une grande intensité par un individu dans le moment présent, qui englobe la totalité de l’être : la cénesthésie (les sensations internes), les fonctions viscérales et les fonctions émotionnelles. La vivencia confère à l’expérience subjective la qualité existentielle vibrante du vécu immanent, du «ici et maintenant ».

La vivencia apparaît donc, tout comme la méditation de la Vie (cf. Ethique IV 67), comme un moyen de revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à la vision intuitive que « Tout est en Dieu ».

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Message par Vanleers Jeu 28 Juin 2018 - 15:47

Bertrand Vergely a écrit un bel article : Penser le bonheur, qui rejoint le sujet de ce fil.
On peut le lire en :

https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2006-1-page-67.htm

J’en cite la fin :

Bertrand Vergely a écrit: La vie est une vie pour rien quand aucun regard divin ne se pose sur elle afin de l’élever à une dimension fondamentale. Elle devient en revanche une vie pour quelque chose, une vie pleine de sens, dès qu’un tel regard existe. La philosophie n’a pas d’autre sens que d’être l’école d’un tel regard. Celui-ci n’a rien d’évident. Il paraît lointain, sans rapport avec les préoccupations de nos vies. Jusqu’à ce que l’on nous montre le contraire.
Spinoza a désigné un tel état par le mot béatitude. Non pas parce qu’il rend stupidement heureux, mais parce qu’il rend plus qu’heureux. On peut être heureux d’une façon humaine, parce que tel ou tel de nos désirs est satisfait. On peut être heureux d’une façon divine, parce que toute notre vie est comblée. Ce bonheur de toute une vie surgit quand nous avons compris que nos vies peuvent être sauvées, car il existe bien une profondeur qui peut les sauver.
Spinoza a écrit toute son Éthique pour enseigner un tel regard, qui n’est autre que celui de la philosophie. En achevant son œuvre, il a conclu que nous ne serons pas béats parce que nous serons vertueux en dominant nos passions, mais vertueux et sans passions parce que nous serons béats. Superbe façon de souligner que ce n’est pas la morale qui sauve la vie, mais le fait de savoir que l’on sera sauvé. Signe non pas d’une négation de la morale, mais d’une révélation de la vraie morale. Celle-ci est de l’ordre de la vie qui vient toujours au secours de toute vie.
Le fond des choses est plus que vivant. Quand on le sait, on est plus qu’heureux. On peut alors entreprendre de vivre. Apaisé. Léger. La béatitude est cette légèreté même.

Je préciserai simplement que, dans la perspective ouverte par Spinoza, ce n’est pas dans le futur que nous serons sauvés car, sauvés, nous le sommes déjà.
L’auteur le reconnaît lui-même dans l'article :

Bertrand Vergely a écrit: André Comte-Sponville a donc raison de le dire : nous sommes déjà sauvés. Nous sommes déjà dans le Royaume, puisque nous sommes. Il ne nous manque que de le savoir. Cet apprentissage porte un nom. Il s’appelle la sagesse.

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Message par Vanleers Ven 29 Juin 2018 - 10:14

Juste avant le premier passage cité dans le post précédent,

Bertrand Vergely a écrit: Vivre ainsi relié à ce qui est essentiel et profond, conduit à demeurer le même en toutes circonstances, d’une façon créatrice. En effet, tout voir avec profondeur ne revient pas à épouser une identité figée. Au contraire. Quoi de plus dynamique ! Quoi de plus vivifiant pour l’esprit ! Mais surtout, quoi de plus heureux ! Car, si tout est profond, essentiel, rien n’est perdu dans tout ce que nous vivons. Notre vie à travers ses souffrances et ses peines, ses drames et ses déchirements dit bien quelque chose. La lutte pour l’essentiel, en l’occurrence. Un essentiel souvent perdu dans l’inessentiel, mais qu’un regard, un geste, une parole suffit à faire jaillir.

L’Ethique est une invitation à aller à l’essentiel.
Spinoza nous propose de voler haut, là où sont les anges qui n’ont pas chu.
Le diable est dans les détails.

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Message par Vanleers Sam 30 Juin 2018 - 7:30

En remontant encore dans l’article (la lecture d’un texte en commençant par la fin est souvent intéressante), on trouve ceci :

Bertrand Vergely a écrit: L’effet que les choses nous font ne peut être le critère de la vérité. Ou bien il n’y a plus rien de vrai. Quand la vérité surgit, elle s’impose à nous comme quelque chose de fondamental, que cela nous plaise ou non. Les êtres profonds savent s’incliner devant ce qui est fondamental, en dépassant la question de leurs préférences subjectives. Les esprits superficiels ne pensent qu’à eux. Si bien que, pour peu que quelque chose leur plaise, ils lui confèrent de la valeur, même si celle-ci en est dépourvue, en suivant le principe selon lequel une bêtise qui plaît vaut mieux qu’une vérité qui dérange.
Quand tel est le cas, on se délivre de cette perversion de la pensée en se vidant de tout rapport subjectif à la vérité. On s’efforce d’être indifférent, insensible, sans passion. Non pas pour nier toute sensibilité, mais pour retrouver au contraire une sensibilité à l’essentiel.
Ainsi, l’Orient pratique-t-il le vide intérieur, afin de purifier l’âme des projections subjectives qui incitent toujours à prendre l’accessoire pour l’essentiel, en réduisant l’essentiel à l’accessoire.
En Occident, il existe aussi une pratique du vide intérieur. Elle nous vient des moines de l’Orient chrétien qui s’efforcent d’accéder à l’apathéia, comme le faisaient les Pères du désert. Cet état consiste à écarter de son esprit tout ce qui ne relie pas l’être en profondeur au mystère de la vie qui le traverse

Au début du paragraphe intitulé De la béatitude, B. Vergely a indiqué qu’il y avait deux façons de ne pas penser, la première étant celle de l’esprit qui ne s’intéresse à rien, « apathique ».
La seconde, dont il est question dans le passage cité ci-dessus, est le propre d’un esprit occupé par des questions sans réelle importance et qui s’intéresse à l’accessoire, laissant échapper l’essentiel.

Notons, à propos de la dernière phrase de la citation, que, chacune à sa façon, l’Ethique et la biodanza, mettent l’accent sur « ce qui relie l’être en profondeur au mystère de la vie qui le traverse ».
La sagesse de l’homme libre, écrit Spinoza, est une méditation de la vie (Ethique IV 67).
Le principe biocentrique, on l’a vu, est l’un des fondements principaux de la théorie et de la pratique de la biodanza.

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Message par Vanleers Dim 1 Juil 2018 - 10:24

Dans le paragraphe intitulé De la joie,

Bertrand Vergely a écrit: Tout objet du monde, toute situation humaine peut être envisagée d’un point de vue supérieur. Quand c’est le cas, rien n’est banal. Rien n’est médiocre. Rien n’est enfermé dans la mort. Le cœur vivant de la joie se trouve là. Dans le fait d’apercevoir la vie derrière la mort, alors que, communément, on s’attend à ce que la mort survienne derrière toute vie.
La joie est un regard divin posé sur le monde, tout comme un regard divin posé sur le monde est toujours un regard joyeux. Après Platon, autrement que Platon, c’est ce qu’a enseigné Spinoza.
Nous avons constamment tendance à voir les choses d’après notre point de vue. Ce qui est normal, humain. Cela est toutefois trop humain. D’où des conséquences négatives : un tel point de vue ne peut que fabriquer de l’oubli.
Tout être est porté par la vie. Tout être est donc, à ce titre, porté par un élan d’éternité, le souffle de ce qui est étant antérieur à tout ce qui est. Quand on ne voit plus que soi, on tend à oublier ce souffle. On finit par ne plus voir qu’une vie allant irréductiblement vers la mort et donc vers l’échec.
La joie réside dans une mémoire de l’éternité. Nous sommes vivants. Réels. Pourquoi la vie qui nous a rendus ainsi vivants et réels devrait-elle nous abandonner ? Le réel peut-il cesser d’être réel ?

Le « point de vue supérieur » dont parle B. Vergely, c’est ce que j’ai appelé plus haut le regard de l’ange, c’est-à-dire la connaissance du troisième genre qui voit toute chose comme une expression particulière de Dieu (Ethique II 40 sc. 2).
Comme Spinoza le démontre, ce « regard divin posé sur le monde est toujours un regard joyeux » (Ethique V 36 sc.).
Ce regard voit que « tout être est […] porté par un élan d’éternité » car, tout être est une puissance de vie, une force (vis) « en tant qu’elle est comprise à partir de la puissance éternelle de Dieu » (Pascal Sévérac Spinoza Union et Désunion p. 176 – Vrin 2011)

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Message par Vanleers Lun 2 Juil 2018 - 16:20

Au début de son texte, Bertrand Vergely prononce un éloge de la vie.
J’en cite un extrait :

Bertrand Vergely a écrit: Qui ne fait qu’être en se contentant d’être, ne faisant rien n’est rien. L’être qui n’agit pas pour être, en devenant l’être qu’il est, bascule dans un nihilisme inconscient. On pense à Hegel. Au début de la Grande Logique. L’être qui se veut être pur se renverse en son contraire, le néant. On pense à Nietzsche. « Deviens ce que tu es ». La vie commence à tout instant pour le vivant. Rien n’est donc donné. Tout est vivant et donc vécu ou bien rien n’existe et c’est le rien qui triomphe. Derrière Hegel et Nietzsche, on retrouve Aristote. L’être premier est action et non passion. Il se fait être en vivant en lui-même, jouissant de son propre être. L’être pur est acte pur. L’acte pur est pensée pure. Qui est lui-même a l’action de lui-même en ayant l’intelligence de lui-même, qui consiste précisément à être l’action pure de lui-même. Il connaît alors la félicité.
Qui se fait vivre en ayant l’intelligence de lui-même connaît la béatitude qu’il y a à vivre d’une vie qui ne connaît ni bêtise ni douleur. Il ne dépend que de la vie et de rien d’autre. Il peut alors définir le bonheur. Le vrai. Celui-ci est l’état par excellence de la vie. Il est l’union de la vie avec elle-même. Moment glorieux. Royal. L’homme vivant qui vit le fait d’être un vivant est porté par la vie. Celle-ci le traverse. Il est ainsi en état de grâce. Tout passe, rien ne pouvant s’opposer à la vie.

Commentons brièvement deux phrases.

« La vie commence à tout instant pour le vivant » :

Dans la philosophie de Spinoza, Dieu est cause de soi. Autrement dit, la Vie (Dieu) s’autoproduit et, dans la durée, « commence à tout instant » dans chaque vivant, c’est-à-dire à travers chacun de ses modes.

« L’homme vivant qui vit le fait d’être un vivant est porté par la vie » :

On retrouve ici le principe biocentrique de la biodanza.
La vision ontologique de l’Ethique replace ce principe dans un cadre plus large. On y reviendra.

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Message par Vanleers Mar 3 Juil 2018 - 10:34

Je reviens à la question du principe biocentrique dans la biodanza.
Ce principe est défini, par exemple, en :

http://www.ecolebiodanza-med.com/FR/bz1.php?id=57

Je cite :


LE PRINCIPE BIOCENTRIQUE

Mettre la vie au centre de nos vies et de nos actions...
Le principe biocentrique est un des fondements principaux de la théorie et de l’application de la Biodanza.
Par ce principe, Rolando Toro Araneda, le créateur de la Biodanza, pose le respect de la vie sous toutes ses formes, comme priorité absolue à toute autre considération de quelque ordre que ce soit. Il est ce qui oriente nos actions, nos constructions sociales, nos politiques, nos lois, tout autant que nos relations aux autres, au corps, à la nature, dans nos pratiques quotidiennes.
Il constitue la base d'une manière d'appréhender la vie.
Il provient d’une intuition que l’univers est organisé en fonction de la vie, dans le sens où elle est première. C’est la vie qui pousse l’univers à s’organiser.
Dans son application – éducation, relations humaines, action sociale, organisations - le principe biocentrique implique donc la potentialisation de la vie et l’expression de ses pouvoirs évolutifs. La Biodanza peut être ainsi vue comme une « poétique du vivant », fondée sur les lois universelles qui conservent et permettent l’évolution de la vie. Toutes les actions de Biodanza sont ainsi en résonance avec le phénomène profond et émouvant de la vie.

Replacer le principe biocentrique de la biodanza dans la perspective ontologique de l’Ethique, c’est, simplement, mettre une majuscule au mot « vie » et comprendre que Dieu est un autre nom de Vie.
Le principe biocentrique devient le principe théocentrique : « Tout est en Dieu », ce que Spinoza démontre et qui a déjà été rappelé plusieurs fois sur ce fil.

Il est clair que ce principe théocentrique, au fondement de la connaissance du troisième genre ou science intuitive « constitue la base d'une manière d'appréhender la vie ».

Dire que « l’univers est organisé en fonction de la vie » est explicité par Spinoza dans la lettre 64 à Schuller, lorsqu’il écrit que la « figure de l’univers entier » (facies totus universi) est un mode infini de Dieu (de la Vie).

On parlera aussi de « poétique du vivant », plus précisément de poétique de la Vie (de la vie en Dieu), dans la toute fin de l’Ethique, à partir de la proposition 21 de la partie V, dans laquelle on accède à un tout autre plan d’existence que celui qui avait fait l’objet du début de cette partie, ce qui fait dire à Pierre Macherey qu’« Entre ces deux plans de vie, il y a toute la distance qui sépare la prose de la poésie » (Introduction – cinquième partie p. 42)

Agir « en résonance avec le phénomène profond et émouvant de la vie », c’est aimer Dieu (la Vie), d’un amour intellectuel (amor intellectualis Dei) et être en résonance avec lui.

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Message par kercoz Jeu 5 Juil 2018 - 11:55

pour faire plaisir à vanleers :
https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-la-philo/le-journal-de-la-philo-du-lundi-04-juin-2018

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Message par Vanleers Ven 6 Juil 2018 - 15:06

Dans le scolie d’Ethique V 23 :

Spinoza a écrit: Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels.

Fait-on l’expérience de notre éternité en biodanza ?
C’est ce que soutient Rolando Toro, son créateur.
Rappelons d’abord que R. Toro a traduit l’allemand Erlebnis (Dilthey) par l’espagnol vivencia et redéfini ce concept comme une expérience vécue avec une grande intensité par un individu dans l’instant présent. La vivencia confère à l’expérience subjective la qualité existentielle vibrante du vécu immanent, du «ici et maintenant ».
Ensuite :

Rolando Toro a écrit: Les vivencias sont une porte au travers de laquelle nous pénétrons dans le pur espace de l'être. Espace dans lequel le temps n'existe plus et où nous sommes nous-mêmes, ici et maintenant et pour l'éternité

Pour déterminer si, dans la vivencia, « nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels », au sens de Spinoza, il est nécessaire de comprendre en quoi consiste ce sentiment d’éternité qui apparaît dans le scolie d’Ethique V 23.
C’est ce à quoi se sont employés divers commentateurs, notamment Bernard Rousset ainsi que Pierre-François Moreau, Pierre Macherey et Alexandre Matheron, cités explicitement dans l’analyse des propositions 21 à 23 de la partie V en :

http://spinoza.fr/lecture-des-propositions-xxi-a-xxiii-du-de-libertate/

La question est difficile et on se contentera, pour le moment, d’en citer deux passages :

Il [ce sentiment d’éternité] n’est pas connaissance adéquate de notre éternité et n’est pas lui-même l’objet d’une connaissance adéquate, ne s’identifie pas avec le savoir du sage des dernières propositions. Il est bien « sentiment », expérience sensible de l’éternité dans la durée, et sentiment mal compris.
[…]
Et Moreau conclut : « Le sentiment de l’éternité s’éprouve. Il ne prouve rien. Seul l’ordre géométrique peut le faire. Mais l’expérience joue un autre rôle : si elle ne démontre, elle incite. Eprouvant que nous sommes éternels, c’est-à-dire que la nécessité que nous découvrons est un enjeu pour nous, elle nous fait aspirer à la vivre de l’intérieur. Elle nous engage ainsi à nous mettre en quête de cette éternité à la fois promise et donnée, c’est-à-dire à prendre le chemin qui nous conduira vers la connaissance et la béatitude

Ceci laisse la porte ouverte à la possibilité d’éprouver un sentiment d’éternité dans la vivencia.

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Message par Vanleers Dim 8 Juil 2018 - 12:19

François Roustang, au chapitre Le problème supposé résolu de Il suffit d’un geste (Odile Jacob 2003), s’interroge sur la pratique de l’hypnose :

François Roustang a écrit: Que se passe-t-il lorsque nous supposons que les personnes qui nous rendent visite ne sont pas des malades, mais des bien portants et lorsque nous retournons comme un gant la formule bien connue du docteur Knock : tout malade est un bien portant qui s’ignore ? (p. 99)

Il se demande ensuite à quoi correspond en thérapie la méthode utilisée en géométrie qui consiste à partir de la supposition que le problème est résolu. Il écrit :

François Roustang a écrit: La supposition du problème résolu peut receler d’autres implications. Etre un bien portant qui s’ignore pourrait se dire un vivant qui s’ignore. Qu’est-ce qu’un être vivant ? C’est un organisme qui s’adapte à son milieu, c’est-à-dire qui a ou qui invente les comportements qui lui permettent de naître, de croître et de mourir en conformité avec ce qu’il est et ce qu’il trouve dans son environnement. (p. 103)

On a déjà vu (page 7 du fil, posts des 11 et 13 Juin) que ni l’Ethique, ni la biodanza ne sauraient se réduire à une thérapie. Je reproduis une partie des citations :

Hélène Levy-Benseft a écrit:
La biodanza se penche sur les causes de la santé et s’adresse aux ressources, aux conditions environnantes et aux différents facteurs qui permettent de la préserver et de l’amplifier.

Henrique Diaz a écrit:

La joie de vivre est dynamisme : "augmentation de ma puissance d'exister" dit Spinoza. L'éthique de Spinoza ne propose rien moins que de donner accès à une joie éternelle et continuelle de vivre. Comment ? Par la connaissance de soi et de sa relation essentielle avec la nature. En examinant cela, Spinoza fait d'une pierre deux coups, il détruit les préjugés et construit les moyens d'une existence sereine et active. Renoncer à l'illusion n'est pas renoncer à la joie de vivre, si l'on se donne les moyens d'une joie sûre, fondée non sur les vains désirs issus de l'imagination, mais sur le désir essentiel d'exister qui se comprend à la fois rationnellement et intuitivement.

On constate donc une convergence sur la vie entre la biodanza, l’Ethique et F. Roustang, convergence qui se confirme lorsqu’on va jusqu’au bout du chapitre :

François Roustang a écrit: Etre un bien portant qui s’ignore prend désormais un nouveau sens. Il ne s’agit plus pour un patient d’oser se mettre en lieu et place du problème résolu, bien qu’il soit immergé dans son problème dont il demande à être délivré. Il s’agit pour lui d’ignorer totalement qu’il est bien portant, ou qu’il ne l’est pas, et de ne plus se préoccuper de cette distinction. Plus question de se tâter le pouls, ne pas perdre de temps pour agir. D’emblée, on se pose dans l’unité (on n’a pas besoin de la poser auparavant ou de la supposer). On ne la suppose pas parce qu’elle existe. On est vivant et cela suffit. Si l’on est vivant, l’unité du vivant est là. Seulement on n’y était pas accordé. L’unité n’est pas un postulat, c’est un fait et simplement ce fait n’était pas encore reconnu ou plutôt il n’était pas encore effectué, éprouvé et ressenti. (p. 127)

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Message par Vanleers Lun 9 Juil 2018 - 10:21

« On est vivant et cela suffit. Si l’on est vivant, l’unité du vivant est là. », écrit François Roustang (cf. post précédent).

« Tout est en Dieu (en la Vie) », démontre Spinoza en Ethique I 15. Et cela suffit, ajouterai-je.
L’unité de l’étant est là car à part Dieu, la substance unique, et ses modes il n’y a rien (ibid. démonstration).

F. Roustang poursuit : « Plus question de se tâter le pouls » car « D’emblée on se pose dans l’unité ».
Spinoza ne dit pas autre chose : il suffit de reconnaître, éprouver et ressentir la structure ontologique du monde, c’est-à-dire s’accorder à Dieu, l’aimer (amor intellectualis Dei) pour connaître salut, béatitude et liberté (Ethique V 36 sc.).

F. Roustang parle de l’hypnose de façon simple et claire dans la deuxième partie d’un entretien (à partir de 1 H 20 environ) en :

https://www.youtube.com/watch?v=zNLNS6CdXrI&t=4100s

J’ajoute que la question d’un rapprochement entre l’Ethique et l’hypnose selon F. Roustang a été étudiée sur un fil de spinozaetnous : Connaissance du troisième genre et hypnose, en :

http://www.spinozaetnous.org/forum/viewtopic.php?f=17&t=1521

Il a été également question de Spinoza et de l’hypnose selon F. Roustang sur ce forum, sur le fil La Nature chez Spinoza aux pages 3 et 4.

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Message par Vanleers Mar 10 Juil 2018 - 10:27

L’hypnose selon François Roustang invite à un décentrement de soi.
Le principe biocentrique de la biodanza peut être compris dans le même sens : négation de l’anthropocentrisme et, plus encore, de l’égocentrisme.
Chez Spinoza, enfin, son ontologie conduit au même décentrement. Un être humain, comme toute chose, n’est pas un être substantiel mais un mode de la Substance.
« Nous ne sommes pas des êtres mais des manières d’être », dit Deleuze.

A cette vision des choses s’oppose l’orgueil :

Spinoza a écrit: L’orgueil est de faire de soi, par amour, plus de cas qu’il n’est juste (Ethique III déf. aff. 28)

L’orgueil « ontologique », si l’on peut dire, c’est lorsqu’un mode se prend pour une substance et les Pères de l’Eglise avaient raison de dire, en leur langage, que l’orgueil était le pire des péchés, à la racine de tout mal.
La vision ontologique de l’Ethique, en procédant à un décentrement de soi, est à l’origine de la joie la plus grande.
Nous comprenons que « L’amour intellectuel de l’esprit envers Dieu est une partie de l’amour infini dont Dieu s’aime lui-même » (Ethique V 36)
Nous sommes ainsi libérés d’un souci excessif de nous-mêmes et des autres, chacun étant considéré comme une expression singulière de Dieu.

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Message par Vanleers Mer 11 Juil 2018 - 11:32

Citons un extrait de la lettre de Bergson à Léon Brunschvicg en date du 22 février 1927.

Bergson a écrit: Spinoza est le penseur auquel nous avons tous voué, avec l'admiration la plus profonde, une pieuse reconnaissance. Ce n'est pas seulement parce qu'il a montré au monde, par l'exemple de sa vie, ce que la philosophie peut faire pour détacher l'âme de tout ce qui est étranger à son essence. C'est encore et surtout parce qu'il nous fait toucher du doigt ce qu'il peut y avoir d'héroïque dans la spéculation, et ce qu'il y a de divin dans la vérité. Aristote avait bien dit que "nous ne devons pas nous attacher, hommes, à ce qui est humain; mortels, à ce qui meurt; nous devons, autant que cela est donné à l'homme, vivre en immortels". Mais il était réservé à Spinoza de montrer que la connaissance intérieure de la vérité coïncide avec l'acte intemporel par lequel la vérité se pose, et de nous faire "sentir et éprouver notre éternité". C'est pourquoi nous avons beau nous être engagés, par nos réflexions personnelles, dans des voies différentes de celles que Spinoza a suivies, nous n'en redevenons pas moins spinozistes, dans une certaine mesure, chaque fois que nous relisons L'Éthique, parce que nous avons l'impression nette que telle est exactement l'altitude où la philosophie doit se placer, telle est l'atmosphère où réellement le philosophe respire. En ce sens, on pourrait dire que tout philosophe a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza

Toute la question est là : se maintenir en vol, à la bonne altitude, avec ou sans Spinoza.

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Message par Vanleers Sam 14 Juil 2018 - 14:28

Dans la lettre 30 à Oldenburg, Spinoza écrit que certaines choses lui ont paru jadis, vaines, sans ordre, absurdes parce qu’il n’en avait qu’une connaissance incomplète et mutilée. Aujourd’hui, écrit-il, il laisse chacun vivre selon sa complexion pourvu qu’il puisse, lui, vivre pour la vérité :

Spinoza a écrit: Je ne crois pas qu’il me convienne en effet de tourner la nature en dérision, encore bien moins de me lamenter à son sujet, quand je considère que les hommes, comme les autres êtres, ne sont qu’une partie de la nature et que j’ignore comment chacune de ces parties s’accorde avec le tout, comment elle se rattache aux autres. Et c’est ce défaut seul de connaissance qui est cause que certaines choses, existant dans la nature et dont je n’ai qu’une perception incomplète et mutilée, parce qu’elles s’accordent mal avec les désirs d’une âme philosophique, m’ont paru jadis vaines, sans ordre, absurdes. Maintenant je laisse chacun vivre selon sa complexion et je consens que ceux qui le veulent, meurent pour ce qu’ils croient être leur bien, pourvu qu’il me soit permis à moi de vivre pour la vérité.

Ce qu’écrit Spinoza à Oldenburg est la sagesse même.
Si l’ontologie nous fait comprendre que les hommes sont une partie de la nature, par contre, et parce que nous sommes des choses finies, nous ignorons comment ils s’accordent avec le tout et comment chacun se rattache aux autres.
Mais si nous ignorons le comment, nous connaissons le pourquoi et c’est aussi le propre de la connaissance du troisième genre.
Cette connaissance est en effet, de par sa définition, l’ontologie appliquée aux choses singulières alors que, dans la partie I de l’Ethique, l’ontologie avait été appliquée aux choses en général grâce à la connaissance universelle du deuxième genre, comme Spinoza l’écrit à la fin du scolie d’Ethique V 36.
Cette connaissance, qu’elle soit du deuxième ou du troisième genre, pacifie les relations humaines, ce qui est également l’effet de la biodanza, comme cela a déjà été indiqué.

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Message par Vanleers Dim 15 Juil 2018 - 16:13

Balthasar Thomass (Etre heureux avec Spinoza – Eyrolles 2008) développe l’idée émise par Spinoza dans la lettre 30 à Oldenburg (cf. post précédent) :

Balthasar Thomass a écrit: C’est pourquoi, face aux dérives des passions humaines, il ne s’agit pour Spinoza ni « de rire ni de pleurer, mais de comprendre ». Une compréhension intellectuelle abstraite peut-elle faire barrage contre les torrents de nos émotions, qui parfois nous étouffent et nous abattent ? Oui. Parce que la vraie compréhension suscite une émotion aussi, une émotion plus forte englobant les émotions qu’elle comprend.
Le chemin vers la sagesse commence donc par l’intelligence de nos émotions, ou, comme l’écrit Spinoza, de nos affects. Mais nous voyons bien que cette intelligence a deux versants. D’une part, l’intelligence de nos affects nous permettra de comprendre ce qui nous émeut et nous trouble, nous abat et nous emporte. D’autre part, inéluctablement, cette compréhension transformera son objet, l’émotion. C’est parce que nous la comprenons que l’émotion évolue, que l’émotion devient elle-même intelligente. Le but n’est donc pas une compréhension abstraite et théorique de notre vie affective, mais de rendre intelligents nos affects, et de rendre affective notre intelligence. (p. huit)

B. Thomass reprend ces questions dans le dernier chapitre du livre : Une vision du sens de l’existence. Dieu au-delà des religions :

Balthasar Thomass a écrit: Nous retrouvons ainsi nos questions de départ : comment avoir l’intelligence de nos affects, comment avoir des émotions intelligentes ? Et comment avoir une raison affective, une intelligence ayant la force d’une émotion ? (p. 154)

On exposera les réponses à ces questions plus tard, le thème de l’intelligence affective étant également au cœur de la biodanza.

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Message par Vanleers Lun 16 Juil 2018 - 11:08

Avant de répondre à la question : « Comment avoir une raison affective, une intelligence ayant la force d’une émotion ? » (cf. post précédent), Balthasar Thomass explicite ce qu’est la connaissance du troisième genre, c’est-à-dire la saisie intuitive de la singularité de toute chose.

Balthasar Thomass a écrit: Cette compréhension de la singularité des choses ne saurait se passer de la connaissance de leur nécessité. Comprendre une chose, c’est connaître ses causes : c’est savoir d’où elle vient, pourquoi elle existe, pourquoi elle est ainsi et non autrement.
Cette connaissance intuitive ne s’acquiert donc pas sans un travail préparatoire d’analyse et de recherche des causes. Mais en connaissant les causes d’une chose, nous comprenons sa nécessité : sa façon de s’insérer dans la nature en se combinant avec les autres choses, sa façon d’y être une partie nécessaire et irremplaçable de Dieu. C’est pourquoi la véritable compréhension intuitive de n’importe quelle chose – une fleur, un grain de poussière, un enfant ou une pierre précieuse – est toujours aussi en même temps une connaissance de Dieu. En connaissant en profondeur une chose, nous connaîtrons forcément ce qui l’a fait venir à être, nous connaîtrons Dieu. Ainsi Spinoza écrit :
« Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu » (Ethique V 24)
Nous voyons donc le tout dans la partie : plus nous approfondissons notre connaissance des choses simples de la vie, plus nous comprenons Dieu ou l’univers. Chaque chose est un microcosme où s’exprime la divinité de l’univers dans son ensemble. Ce n’est pas derrière les nuages qu’il faut chercher Dieu, mais bien devant nos yeux ou dans la paume de nos mains. (pp. 158-159)

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Message par Vanleers Lun 16 Juil 2018 - 14:52

Je poursuis.

Balthasar Thomass pose alors une question concrète : dans quelles circonstances connaissons-nous les choses selon la connaissance du troisième genre ?

Balthasar Thomass a écrit: Comment se présente alors cette connaissance intuitive ? Comment saisissons-nous à la fois la nécessité et la singularité de chaque chose ? Et pourquoi cette compréhension est-elle une forme d’amour et de bonheur durable ?
Il est parfois difficile de comprendre ce que Spinoza envisage quand il parle du troisième genre de connaissance ou de l’amour intellectuel de Dieu. Mais nous pouvons tenter de nous en approcher. A quels moments aimons-nous une chose simplement parce qu’elle existe, parce qu’elle est exactement telle qu’elle est, sans rien attendre en retour de cet amour ? (p. 159)

B. Thomass répond en trois temps, à propos de la beauté, des diverses choses en général et de nous-mêmes.

1) A propos de la beauté :

Balthasar Thomass a écrit: La contemplation de la beauté constitue une telle expérience. Nous aimons une chose belle pour le simple fait qu’elle existe. La beauté nous procure une joie qui ne dépend pas de son utilité ou des plaisirs qu’elle pourrait par ailleurs nous procurer. Comme dans l’amour intellectuel de Dieu, c’est le fait d’aimer le beau qui nous apporte la béatitude, et non la récompense espérée en retour. (p. 160)

2) A propos des diverses choses en général

Balthasar Thomass a écrit: Ce regard n’est pourtant pas réservé aux artistes ni aux belles choses en particulier. Nous pouvons le cultiver vis-à-vis de toute chose, de tout être et de toute personne. En comprenant chaque chose comme la partie d’un tout, en voyant comment elle est conditionnée par tout ce qui l’entoure à être comme elle est et pas autrement, nous saisissons du même coup sa nécessité et sa singularité, nous saisissons ce qui la rend unique et incomparable. Et en reconnaissant la singularité et la nécessité des choses, nous les aimons comme ce qui est beau. (p. 161)

3) A propos de nous-mêmes

Balthasar Thomass a écrit: Il n’en va pas autrement de nous-mêmes. Plus nous connaîtrons le monde, plus nous nous comprendrons nous-mêmes, plus nous pourrons aimer Dieu à travers ce que nous sommes. Car reconnaître que nous sommes déterminés et conditionnés par notre environnement n’équivaut pas à nier notre personnalité et à effacer nos particularités. Cela signifie, au contraire, reconnaître ce que nous avons d’unique et d’irremplaçable, précisément parce que tous ces facteurs ont contribué à ce que nous ne pouvons pas être autres que ce que nous sommes. (p. 161)

Balthasar Thomass montre clairement sur les exemples de la beauté, des diverses choses en général et de nous-mêmes que la connaissance du troisième genre est un autre regard porté sur le monde par lequel nous voyons toute chose « en Dieu ».
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le scolie de la dernière proposition de l’Ethique, lorsque Spinoza écrit que le sage est « conscient de soi, de Dieu et des choses ».
Comme on l’a déjà dit, le principe biocentrique de la biodanza conduit également à cet autre regard et à voir toute chose comme une expression de la Vie.

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Message par Vanleers Mer 18 Juil 2018 - 15:26

J’ai cité, sur le fil « ontologie », un article de Dan Arbib qui étudie la critique de Spinoza par Levinas. C’est en :

https://journals.openedition.org/rhr/7902

Je cite :

Dan Arbib a écrit: Un point paraît anticipable : les textes de Levinas déploient une véritable critique métaphysique du spinozisme, à partir du lieu d’où parle Levinas, c’est-à-dire de l’éthique comme philosophie première. Il ne s’agit pas pour nous de faire l’inventaire complet des citations de Spinoza (encore que la tâche soit possible), mais de faire résonner quelques motifs de la critique levinassienne. Or cette critique peut être ressaisie en un point : le spinozisme est une pensée de l’être. Cette pensée de l’être impose une double conséquence : 1/ l’assignation à l’être est assignation à la guerre des conatus et à l’impossibilité de la relation éthique ; 2/ cette assignation à l’être revient à l’impossibilité de penser la pluralité, l’individu, puisque rien ne peut être pensé hors de la substance.

1) Spinoza analyse la première conséquence dans les propositions 34 et 35 de la partie IV de l’Ethique :

Spinoza a écrit: En tant qu’ils sont en proie aux affects qui sont des passions, les hommes peuvent être contraires les uns aux autres.

C’est en tant seulement qu’ils vivent sous la conduite de la raison que les hommes nécessairement conviennent toujours en nature.

La guerre des conatus n’est donc pas inévitable et la relation éthique pas impossible même si elle est rare « Car les hommes sont divers (rares en effet ceux qui vivent selon ce que la raison prescrit), et cependant la plupart sont envieux, et plus enclins à la vengeance qu’à la Miséricorde » (Ethique IV App. ch. 13)

2) Quant à la deuxième conséquence, il semble d’abord qu’il faille donner raison à Levinas compte tenu de la définition que Spinoza donne de la chose singulière.

Spinoza (Ethique II déf. 7) a écrit: Par choses singulières, j’entends les choses qui sont finies et ont une existence déterminée. Que si plusieurs Individus concourent à une même action en sorte qu’ils sont tous ensemble cause d’un même effet, je les considère tous, en cela, comme une seule chose singulière.

Pierre Macherey, qui indique que la notion d’« individu » (individuum) doit être manifestement interprété ici dans sa signification originelle de ce qui est indivis, donc n’est pas divisible, commente :

Pierre Macherey a écrit: La réalité des choses singulières, loin de constituer une donnée inébranlable, est ainsi renvoyée à sa facticité : ces choses singulières, qui ne sont en rien des substances, n’existent que relativement, à travers la réunion de leurs éléments constituants, pour autant qu’ils sont ensemble cause d’un même effet, et, à cet égard seulement, peuvent être considérés comme une seule chose singulière. (Introduction … II p. 37)

Il précise en note que « Dans la nature naturée tout au moins, il n’y a partout que du complexe, et rien qui, considéré en soi, soit absolument simple ».

Cette complexité, toutefois, ne conduit pas à dire, comme Levinas, que « cette assignation à l’être revient à l’impossibilité de penser la pluralité, l’individu, puisque rien ne peut être pensé hors de la substance. ».
L’identité de l’individu ne peut certes pas être conçue sur le modèle de la mêmeté mais sur celui de l’ipséité comme l’écrit Eric Delassus en :

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00596859v2/document

Eric Delassus a écrit: L’homme, comme tout mode de la substance, est relié au reste de la Nature. Mais ce qui fait sa spécificité, c’est que, à la différence des autres modes, il est capable de penser. Il peut donc prendre conscience des liens qui l’unissent aux autres choses et s’efforcer de les tisser de la manière la plus adéquate qui soit. Certes, le sujet n’a pas d’identité substantielle, il n’est pas un noyau autour duquel se greffent ces liens, il est au contraire constitué par eux, il est le point de rencontre d’une multitude de connexions causales diverses (psychologiques, sociales, culturelles, économiques, biologiques). Par ces liens se constitue une identité qui relève plus, pour reprendre à nouveau un vocabulaire emprunté à Paul Ricœur, de l’ipséité (un soi qui change et diffère tout au long de sa vie) que de la mêmeté (qui renverrait à un noyau permanent de la personnalité).

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Message par axolotl Mer 18 Juil 2018 - 18:16

je suis un fan de Spinoza et je découvre comment ses 3 genres de connaissance sont véritablement une science de l'ethos, ce qu'il a nommé et qu'on a conservé comme terme une éthique: et ce terme qui n'a rien à voir selon moi avec la morale stricto sensu.
La morale, c'est vouloir le bien et vouloir le triomphe du Bien à tout prix: que les forces du Bien triomphent sur celles du Mal. Si possible définitivement.
L'Éthique (on sera sûrement en désaccord avec moi) c'est agir pour le mieux, dans son intérêt mais surtout dans l'intérêt des autres ou ce qu'on en perçoit. Vite dit,  et trop vite résumé tout ça pour un sujet qui a préoccupé les philosophes quasiment depuis le début de la philosophie évidemment.

Une critique cependant qui porterait sur une phrase, une seule de Spinoza: entre réalité et perfection, j'entends la même chose.
Et là quelque chose je dois dire d'un peu dissonant, d'un peu désagréable me revient à l'esprit: c'est le terme de l' "l'harmonie préétablie" chez Leibniz. Ce qui lui a valu de nombreuses piques de Voltaire aux prises avec la fin des guerres de religion en France, l'affaire Calas qui en fait partie d'une certaine manière, et toutes les questions liées au fanatisme et à l'intolérance.
Voilà c'est tout comme critique de Spinoza: pour le moment car il faudrait vraiment que je le relise un jour. Ça fait partie d'un de mes must.
Genre impératif catégorique...
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Message par Vanleers Jeu 19 Juil 2018 - 11:40

axolotl a écrit:
Une critique cependant qui porterait sur une phrase, une seule de Spinoza: entre réalité et perfection, j'entends la même chose.

D’un point de vue humain, le monde est très imparfait.
Spinoza ne dit pas le contraire, pas plus qu’il ne soutient la thèse leibnizienne de l’harmonie préétablie.
Balthasar Thomass dit des choses très éclairantes à ce sujet.

Balthasar Thomass a écrit: Souvenons-nous : la perfection et la réalité, ce sont deux mots pour dire la même chose. Le monde, avec tout ce qui nous paraît être ses défauts, est parfait, par le simple fait d’être réel. Et même le plus faible, le plus déraisonnable ou le plus dangereux des hommes est parfait aussi, dans la mesure où il a sa réalité propre qui exprime la puissance divine l’ayant créé. Ainsi, même l’ivrogne, le fou l’imbécile ou l’asocial, Dieu ne pourrait les condamner.
Cela signifie-t-il que Dieu cautionne le mal ? Que faire de la réalité de la guerre, de la maladie, de la cruauté et de la haine ? Devons-nous constater leur perfection et louer la puissance du dieu qui a créé un monde aussi violent ? Le mal ne serait-il qu’une facette de la perfection du monde ? Ou ne serait-il pas, au contraire, la preuve que Spinoza a tort, que réalité et perfection ne sont pas des synonymes, que bien souvent la réalité est fortement imparfaite, cruelle et invivable ?
L’erreur, en raisonnant ainsi, nous répondrait Spinoza, c’est d’adopter un point de vue strictement humain, de ne voir la perfection de l’univers qu’à partir des besoins et des expériences de l’homme. Or, l’homme n’est pas le centre de l’univers, et il n’est pas le but de la création. Du point de vue de l’homme, de ses propres besoins et de sa sensibilité, l’univers est très certainement imparfait, puisqu’il est souvent hostile à ses aspirations. Mais par ce constat, nous ne jugeons pas la perfection de l’univers en lui-même : nous prenons la mesure de ce qu’il apporte à nos besoins et de la place que nous avons su nous y faire. (op. cit. pp. 148-149)

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Message par Vanleers Ven 20 Juil 2018 - 9:52

Dans l’article signalé ci-dessus, Eric Delassus confirme ce qui était déjà évoqué par Balthasar Thomass : c’est l’amour de Dieu-Nature qui fait d’un homme une personne.

Eric Delassus a écrit: C’est donc par la connaissance de la nature même des liens qui l’unissent à une Nature dont il est partie intégrante et par les relations qu’il entretient avec les autres hommes à l’intérieur de celle-ci, que l’homme peut conquérir sa dignité de personne.
C’est donc bien le caractère relatif de l’existence humaine qui est la condition pour que l’homme puisse accéder au statut de personne.
Ainsi, bien que n’ayant aucune réalité substantielle et ne disposant d’aucun libre arbitre, l’homme est-il en mesure de conquérir sa liberté, son statut et sa dignité de personne grâce à la réflexion qui lui permet de connaître son union à la Nature en s’interrogeant principalement sur les causes qui le déterminent. Autrement dit si la définition de la personne qui peut se dégager de la philosophie de Spinoza ne peut en aucun cas être substantialiste, elle s’accorde cependant avec la dimension relationnelle que nous avions soulignée chez un penseur comme Boèce. C’est par sa capacité à entretenir des relations avec ses semblables et avec la nature tout entière que l’homme peut être considéré comme une personne.

Si On ne naît pas « personne », on le devient (Jacqueline Lagrée, citée par E. Delassus), ce « devenir personne » est accessible à tout homme comme Spinoza le démontre en Ethique II 47 :

Spinoza a écrit: L’Esprit humain a une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu.

Ce qu’il confirme au début du scolie : « Nous voyons par-là que l’essence infinie de Dieu et son éternité sont connues de tous »

De même que l’on ne peut parler de « personne humaine » dans un sens substantialiste dans la philosophie de Spinoza mais uniquement dans un sens relationnel, on parlera de dignité humaine non pas au sens absolu mais en tant que dignité de l’homme pour l’homme :

Eric Delassus a écrit: De ce point de vue, si l’on définit la dignité humaine comme ce qui fait la valeur distinctive de l’homme pour l’homme, par rapport à toutes les autres parties de la Nature, il est possible de parler de dignité humaine dans le cadre de l’éthique spinoziste. Certes, il ne s’agit pas d’une valeur absolue, il ne s’agit que de la valeur de l’homme pour l’homme.

La séance de biodanza est un lieu où nous éprouvons tout particulièrement, corps et esprit, l’amour de la Vie (de Dieu-Nature) et chaque participant est ainsi naturellement porté à considérer l’autre comme une personne et à reconnaître sa dignité, aux sens donnés ci-dessus.

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