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L'erreur et le mensonge faite vérité bien enfoncée, en douce, avec beaucoup de vaseline

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Message par victor.digiorgi Mer 25 Sep 2013 - 7:40

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Nietzsche a beau avoir parlé, force est de constater qu'on ne l'a pas encore entendu partout. Normal, Nietzsche est trop simple et trop compliqué à la fois.

Simple en ce sens que ce qu'il dit saute littéralement à l'esprit de quiconque sait DÉJÀ de quoi il parle.

Compliqué en ce sens qu'il lui faut maintes et maintes explications pour tenter souvent en vain de faire comprendre la moindre virgule de son texte à quiconque ne sait pas de quoi il est question dans ce qu'il dit.

Surtout quand il s'exprime sur la Vérité ...

Chaque mot est un préjugé, dit-il. Les neurosciences ne disent pas mieux en prétendant que les mots ne sont qu'une simplification (forcément réductrice) de nos représentations mentales, une représentation mentale étant elle-même une simplification (forcément réductrice) de la réalité (réalité que nous ne pouvons que percevoir à travers nos sens). Mais il est évident que pour tout penseur ébloui par son propre intellect voulant penser par la lumière éblouissante de son intellect de façon à rester en paix avec son entourage de penseurs éblouis par leurs intellects, de son troupeau, quoi, les neurosciences ne valent pas un petit pet de lapin timide.

Mais là n'est pas la question, en fait.

La question, c'est de savoir si ce que dit Nietzsche mérite ou non d'être vraiment ruminé, comme il le demande lui-même. Par exemple, est-ce que ce passage extrait de « Mensonge et vérité au sens extramoral » mérite d'être lu, relu et re-relu pour qu'avec le temps s'en dégage une vérité sur la Vérité.

« Dans la mesure où l'individu veut se maintenir face à d'autres individus, il n'utilise l'intellect, dans un état de choses naturel, qu'à des fins de travestissement : or, étant donné que l'homme, à la fois par nécessité et par ennui, veut vivre dans une société et dans un troupeau, il a besoin d'un accord de paix et cherche du moins à faire disparaître de son univers le plus grossier bellum omnium contra omnes. Cet accord de paix ressemble à un premier pas dans l'acquisition de notre énigmatique instinct de vérité. Maintenant en effet se trouve fixé cela qui désormais sera de droit "la vérité", c'est-à-dire qu'on invente une désignation constamment valable et obligatoire des choses, et la législation du langage donne aussi les premières lois de la vérité : car le contraste entre vérité et mensonge se produit ici pour la première fois..

Le menteur utilise les désignations valables, les mots, pour faire apparaître l'irréel comme réel ; il dit par exemple : "je suis riche" alors que "pauvre" serait pour son état la désignation correcte. Il maltraite les conventions établies par des substitutions arbitraires et même des inversions de noms. S'il fait cela par intérêt et en plus d'une façon nuisible, la société lui retirera sa confiance et du même coup l'exclura. Ici les hommes ne craignent pas tant le fait d'être trompés que le fait qu'on leur nuise par cette tromperie : à ce niveau-là aussi, ils ne haïssent pas au fond l'illusion, mais les conséquences pénibles et néfastes de certains genres d'illusions. Une restriction analogue vaut pour l'homme qui veut seulement la vérité : il désire les conséquences agréables de la vérité, celles qui conservent la vie ; face à la connaissance pure et sans conséquence, il est indifférent, et à l'égard des vérités préjudiciables et destructrices il est même hostilement disposé. Et, en outre, qu'en est-il de ces conventions du langage ? Sont-elles peut-être des témoignages de la connaissance, du sens de la vérité ? Les désignations et les choses coïncident-elles ? Le langage est-il l'expression adéquate de toutes les réalités ?

C'est seulement grâce à sa capacité d'oubli que l'homme peut parvenir à croire qu'il possède une « vérité » au degré que nous venons d'indiquer. S'il ne peut pas se contenter de la vérité dans la forme de la tautologie, c'est-à-dire se contenter de cosses vides, il échangera éternellement des illusions contre des vérités.
Qu'est-ce qu'un mot ? La représentation sonore d'une excitation nerveuse. Mais conclure d'une excitation nerveuse à une cause extérieure à nous, c'est déjà le résultat d'une application fausse et injustifiée du principe de raison. Comment aurions-nous le droit, si la vérité avait été seule déterminante dans la genèse du langage, et le point de vue de la certitude dans les désignations, comment aurions-nous donc le droit de dire : la pierre est dure - comme si « dure » nous était encore connu autrement et pas seulement comme une excitation toute subjective ! Nous classons les choses selon les genres, nous désignons l'arbre comme masculin, la plante comme féminine : quelles transpositions arbitraires ! Combien nous nous sommes éloignés à tire-d'aile du canon de la certitude ! Nous parlons d'un « serpent » : la désignation n'atteint rien que le mouvement de torsion et pourrait donc convenir aussi au ver. Quelles délimitations arbitraires ! Quelles préférences partiales tantôt de telle propriété d'une chose, tantôt de telle autre ! Comparées entre elles, les différentes langues montrent qu'on ne parvient jamais par les mots à la vérité, ni à une expression adéquate : sans cela, il n'y aurait pas de si nombreuses langues. La « chose en soi » (ce serait justement la pure vérité sans conséquence), même pour celui qui façonne la langue, est complètement insaisissable et ne vaut pas les efforts qu'elle exigerait. Il désigne seulement les relations des choses aux hommes et s'aide pour leur expression des métaphores les plus hardies. Transposer d'abord une excitation nerveuse en une image ! Première métaphore. L'image à nouveau transformée en un son articulé! Deuxième métaphore. Et chaque fois saut complet d'une sphère dans une sphère tout autre et nouvelle. On peut s'imaginer un homme qui soit totalement sourd et qui n'ait jamais eu une sensation sonore ni musicale : de même qu'il s'étonne des figures acoustiques de Chiadni dans le sable, trouve leur cause dans le tremblement des cordes et jurera ensuite là-dessus qu'il doit maintenant savoir ce que les hommes appellent le « son », ainsi en est-il pour nous tous du langage. Nous croyons savoir quelque chose des choses elles-mêmes quand nous parlons d'arbres, de couleurs, de neige et de fleurs, et nous ne possédons cependant rien que des métaphores des choses, qui ne correspondent pas du tout aux entités originelles. Comme le son en tant que figure de sable, l'X énigmatique de la chose en soi est prise, une fois comme excitation nerveuse, ensuite comme image, enfin comme son articulé. Ce n'est en tout cas pas logiquement que procède la naissance du langage et tout le matériel à l'intérieur duquel et avec lequel l'homme de la vérité, le savant, le philosophe, travaille et construit par la suite, s'il ne provient pas de Coucou-les-nuages, ne provient pas non plus en tout cas de l'essence des choses. »


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Message par Shankara Jeu 26 Sep 2013 - 20:06

Bonsoir,

J'aime beaucoup ce texte, qui me parait excellent (sauf peut être le 2ème paragraphe), même si je trouve qu'il faut, à mon sens, faire des observations complémentaires, notamment pratiques :

Pour commencer, vous dites vous-même, au début, entre parenthèses :
"réalité que nous ne pouvons que percevoir à travers nos sens."

==> S'il s'agit des 5 sens, non, nous avons d'autres capacités de perception "intérieure", surtout que les 5 sens ne font que nous faire percevoir une réalité très relative et partielle, comme indiqué dans tout le texte d'ailleurs.
Les neurosciences, les représentations mentales, les mots et la spéculation intellectuelle peuvent contester cette possibilité parce qu'elles sont justement impropres à dépasser les 5 sens, donc, elles ont beau dire, elles restent dans ce bocal limité des 5 sens, à tourner en rond, sans pouvoir atteindre ce qui les dépasse par définition.
Ce que je veux dire, c'est qu'il ne suffit pas de constater l'échec de la représentation mentale et de ses corollaires (spéculation intellectuelle, langage, etc), il faut en tirer les conclusions qui s'imposent en pratique, pour aller plus loin, vers des vérités de plus en plus objectives, car ces représentations mentales n'ont en rien prouvé qu'il ne soit pas possible de le faire, et pour cause...

Le 2ème paragraphe de Nietzsche me semble beaucoup moins profond que le 1er et le dernier.
En effet, il dit :
"Le menteur utilise les désignations valables, les mots, pour faire apparaître l'irréel comme réel ; il dit par exemple : "je suis riche" alors que "pauvre" serait pour son état la désignation correcte."

==>  ?!? Et bien non, à mes yeux, cet exemple n'est pas bon. S'il y a mensonge parce que la représentation mentale limitée est toujours fausse par rapport à une vérité objective complète, alors si la personne n'est pas riche, elle n'est pas pauvre non plus, et ce qu'elle est objectivement n'est pas exprimable ni par une idée, ni par le langage. Etre riche est un mensonge, mais se croire pauvre relève de la même illusion...

Il dit aussi, dans ce 2ème paragraphe :
"Une restriction analogue vaut pour l'homme qui veut seulement la vérité : il désire les conséquences agréables de la vérité, celles qui conservent la vie ; face à la connaissance pure et sans conséquence, il est indifférent, et à l'égard des vérités préjudiciables et destructrices il est même hostilement disposé."

==> Je ne crois pas.
L'homme "qui veut seulement la vérité" est forcément établi dans une Conscience où il perçoit la Vérité objective (je ne parle pas d'une vérité matérielle perçue par nos 5 sens, forcément limitée, partielle, et donc relative et fausse), car s'il n'était pas dans cette Conscience, disons absolue, il ne pourrait pas vouloir que la vérité, ne la connaissant pas.
Et si un être perçoit la Vérité objective, il ne cherche rien d'agréable puisqu'il est alors au-delà des représentations mentales limitées et fausses, il ne cherche pas du tout l'éternité du corps car la mort lui semble une illusion tout autant que la naissance, et les constructions matérielles lui semblent également une illusion totale, tout comme les destructions...
Quand on dit que les représentations mentales aboutissent à des illusions, il faut en tirer les conséquences et ne pas revenir en arrière en considérant le relatif comme le vrai...

Dans le 3ème paragraphe, il dit :
"S'il ne peut pas se contenter de la vérité dans la forme de la tautologie, c'est-à-dire se contenter de cosses vides, il échangera éternellement des illusions contre des vérités."

==> ah oui, j"adhère, mais encore faut-il que ces vérités soient non pas encore des vérités relatives mensongères issues des sens "habituels", mais des vérités objectives d'une Conscience spirituelle épanouie, sinon on ne fera que troquer un mensonge par un autre mensonge...


En conclusion, il dit :
"Ce n'est en tout cas pas logiquement que procède la naissance du langage et tout le matériel à l'intérieur duquel et avec lequel l'homme de la vérité, le savant, le philosophe, travaille et construit par la suite, s'il ne provient pas de Coucou-les-nuages, ne provient pas non plus en tout cas de l'essence des choses."

==> Entièrement d'accord avec tout ce 3ème paragraphe, et avec cette conclusion, la représentation mentale et le langage ne proviennent pas de l'essence des choses en effet.
Mais soyons logiques justement, il faut en tirer les conclusions pratiques qui s'imposent, d'après moi, sinon ça ne sert à rien de constater tout cela : si le bruitage du mental et le langage ne nous font pas aboutir du tout à la Vérité, qu'est-ce qui nous y mènera ? Si le bruit et le mouvement nous plongent dans des vérités relatives, voyons, qu'est-ce qui nous mènera à l'absolu, à dépasser nos sens habituels pour développer une vision intérieure et une conscience absolue ?

à chacun de répondre en lui-même. (car cf à ce qui est dit, toute idée ou mot ne sera qu'une limitation...).


Ainsi, victor.digiorgi, vous demandez :

"est-ce que ce passage extrait de « Mensonge et vérité au sens extramoral » mérite d'être lu, relu et re-relu pour qu'avec le temps s'en dégage une vérité sur la Vérité ?"

==> Bien sûr, ce texte est profond, mais s'il s'agit de le lire sans tirer de conclusion pratique autre qu'intellectuelle, à quoi cela servirait-il ? On ne ferait alors qu'ajouter des représentations mentales à des représentations mentales, des idées à des idées, des mots à des mots, des illusions à des illusions, et cela rappellerait incontestablement un dialogue célèbre de Michel Audiard : "merde, on tourne en rond, merde, on tourne en rond, merde, on tourne en rond..."
On n'efface pas une vérité relative (donc un mensonge) avec une autre vérité relative, mais avec l'absolu...

Je relève aussi le titre du topic :
"L'erreur et le mensonge faite vérité bien enfoncée, en douce, avec beaucoup de vaseline."

==> Oui, mais la Vérité ne dirait pas cela, elle ne dirait rien, l'enfoncement, la douceur et la vaseline ne seraient pour elle que des illusions et autres représentations mentales. ;-) Le mensonge est illusion et n'est pas l'inverse de la Vérité. De même que la mort n'est pas l'inverse de la vie, mais de la naissance...

Bonne soirée.

Shankara
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Message par victor.digiorgi Jeu 26 Sep 2013 - 23:15

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Le problème de la Vérité hante littéralement Nietzsche, qui, au bout du compte, sera intellectuellement subjugué par l'inutilité, sinon la vacuité d'une telle hantise. Le constat d'une telle chose se trouve dans les « Dithyrambes de Dionysos », dans le poème intitulé « Rien qu'un bouffon, rien qu'un poète », au passage ainsi livré :

« J'ai sombré dans l'abîme, le soir et l'ombre, brûlé et assoiffé d'une seule vérité ...
T'en souviens-il, t'en souviens-il, cœur brûlant, combien tu avais soif ?
Puissé-je être banni de toute vérité ! »


Mais avant d'en arriver à cette conclusion, Nietzsche aura œuvré en profondeur à ce fameux problème de la vérité. Je pense que l'ouvrage de Jean Granier, « Le problème de la vérité dans la philosophie de Nietzshce » donne un bon aperçu de ce travail dans de nombreux domaines traités par N.

Le problème de la vérité n'est donc pas exposé en totalité dans le concentré de Nietzsche intitulé « Mensonge et vérité au sens extramoral », d'où a été tiré le petit passage cité au premier message de ce fil de discussion, passage qui peut d'ailleurs être contesté par endroits comme peuvent l'être tous les extraits de quelque texte du sage de Sils-Maria, ce qui ne devrait jamais nous faire perdre de vue l'œuvre entière du bonhomme. Et dans l'œuvre entière, il se trouve une contestation permanente de toute « vérité », avec divers arguments, comme celui de l'abolition des antinomies kantiennes, de la réfutation du dualisme platonicien, de la dénonciation d'une confusion entre la langue et la valeur du concept philosophique.

« Chaque mot est un préjugé » n'est pas une affirmation de rien du tout donnée à la légère par le camarade Nietzsche. C'est l'expression d'un constat permanent de sa part.

Je me proposais de prendre Nietzsche au mot, c'est le cas de le dire, en proposant ici une analyse de termes chargés de sens à un point méritant qu'on s'y arrête.

Je pense notamment aux mots « humanité », « peuple » (qui fait ailleurs sur ce site l'objet d'une autre discussion), « liberté », avec le concept de « libre arbitre » opposé à celui de « serf arbitre » (le mot est de Nietzsche, je crois), « égalité », « fraternité », « patrie », « démocratie » (mots chargés d'une hypocrisie politique sans bornes), etc.

(À suivre)

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