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L'oral et l'écrit dans le rapport à la communauté et au savoir

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Message par euthyphron Mar 9 Avr 2013 - 9:25

J'ai pondu une longue réponse, et tout a sauté! désolé les gars, ou tant mieux, vous n'aurez que la version courte, sans argumentaire.
Trois critiques de l'écriture, et non une seule, dans le Phèdre:
- elle fabrique des semblants de savants insupportables (qui croient en l'autorité de la chose écrite)
- elle est incapable de dialogue
- elle se prostitue, elle ne s'adapte pas au lecteur.
Il faut donc apprendre à lire, en évitant ces trois défauts (et non pas brûler tous les livres).
Sur Aristote maintenant. Aristote, c'est une ontologie de la substance. La substance, c'est du réel, pas du fictif. De son point de vue, il a raison, les Idées ne sont pas des substances. Mais l'ontologie platonicienne est une ontologie de la relation signifiante et non de la substance.
Sur Nietzsche. Le meilleur Nietzsche, à mon goût, est celui qui dénonce les pièges du langage et l'oubli des métaphores. C'est d'ailleurs une manière de renouveler la critique de la sophistique. Mais chez Nietzsche cette critique s'achève en démarche généalogique, censée dire la vérité de ce qui est fictif, et à chercher cette vérité dans une supposée "nature", comme par exemple quand il fait de l'instinct grégaire une des sources de la morale. Il y a un vieux fond voltairien chez lui. Les autres sont dans l'illusion et le fictif, lui dénonce les préjugés, sans véritable réflexivité. Du coup, son univers est tout sauf platonicien. Il serait plutôt darwinien, il me semble.
En fait, celui que je trouve le plus proche de Platon quant à l'univers, c'est Proust.

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Message par cedric Mar 9 Avr 2013 - 10:20

euthyphron a écrit: Mais l'ontologie platonicienne est une ontologie de la relation signifiante et non de la substance.

Pourrais-tu développer quelque peu ce que tu entends par là ?

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Message par euthyphron Mar 9 Avr 2013 - 11:28

En résumé, soit la question : "qu'est-ce qu'être?". On connaît la position d'Aristote : l'être se dit en plusieurs acceptions, les catégories, mais principalement de la substance.
Chez Platon, l'apparence est le signe de l'essence, ce qui la montre en la masquant. Mais les essences ne sont pas des substances. Où sommes-nous alors? Dans un mode de symboles, et de communications entre les différents degrés de la hiérarchie des êtres, tels que la ligne aux quatre segments la signifie.
Les catégories fondamentales ne sont pas chez lui les différents sens du mot "être", mais l'un, le multiple, le même et l'autre. Tout est tissé de ces quatre. Ce qui peut se dire schématiquement "tout est relation".

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Message par cedric Mar 9 Avr 2013 - 11:51

euthyphron a écrit:En résumé, soit la question : "qu'est-ce qu'être?". On connaît la position d'Aristote : l'être se dit en plusieurs acceptions, les catégories, mais principalement de la substance.
Chez Platon, l'apparence est le signe de l'essence, ce qui la montre en la masquant. Mais les essences ne sont pas des substances. Où sommes-nous alors? Dans un mode de symboles, et de communications entre les différents degrés de la hiérarchie des êtres, tels que la ligne aux quatre segments la signifie.
Les catégories fondamentales ne sont pas chez lui les différents sens du mot "être", mais l'un, le multiple, le même et l'autre. Tout est tissé de ces quatre. Ce qui peut se dire schématiquement "tout est relation".

Bon j'avoue honnêtement me sentir étranger à ta manière de comprendre Platon.

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Message par hks Mar 9 Avr 2013 - 14:25

à euthyphron

Ce qui peut se dire schématiquement "tout est relation".

Dans la lettre 7 Platon réaffirme l'existence des idées

Platon a écrit:Il y a dans tout être trois choses qui sont les conditions de la science : en quatrième lieu vient la science elle-même, et en cinquième lieu [342b] il faut mettre ce qu'il s'agit de connaître, la vérité, La première chose est le nom, la seconde la définition, la troisième l'image ; la science est la quatrième. Si on veut comprendre ce que je viens de dire, il n'y a qu'à choisir un exemple ; il servira pour tout le reste. Prenons le cercle. D'abord il a un nom, celui même que je viens de prononcer. Puis il a une définition composée de noms et de verbes; en effet, ce dont les extrémités sont également distantes du centre, telle est la définition de ce qu'on appelle sphère, circonférence, [342c] cercle. Mais ce cercle est encore un dessin qu'on efface, une figure matérielle qui se brise; tandis que le cercle lui-même auquel tout cela se rapporte ne souffre pourtant rien de tout cela, parce qu'il en est essentiellement différent. Vient ensuite la science, l'intelligence, l'opinion vraie sur ce que nous venons de dire ; considérées collectivement, voilà un nouvel élément qui n'est ni dans les noms, ni dans les figures des corps, mais dans les âmes ; d'où il est clair que sa nature diffère de celle du cercle même [342d] et des trois choses dont nous avons parlé. De ces quatre éléments, l'intelligence est celui qui, par ses ressemblances et son affinité naturelle, se rapproche le plus du cinquième : les autres en diffèrent beaucoup plus. On peut faire les mêmes observations sur les ligues droites ou courbes, sur les couleurs, sur le bon, le beau, le juste, sur les objets que l'homme fait ou sur les corps naturels, comme le feu, l'eau et tant d'autres, sur tout animal, sur toute qualité de l'âme, sur les actions et les passions en général. Si l'on ne possède parfaitement [342e] ces quatre premiers éléments, on n'aura jamais la connaissance exacte du cinquième.


Néanmoins les relations entre les quatre choses antérieures sont soumises à la critique éventuelle du scepticisme.( Platon développe ce thème en 343a)

Platon a écrit:quand l'âme cherche à connaître l'être et non les qualités, nos quatre éléments ne lui offrent en théorie et en réalité que ce qu'elle ne cherche point, c'est-à-dire ce qui, tombant aisément sous les contradictions des sens, des mots et des images, ne remplit l'esprit de tout homme que de doutes et d'obscurités.

Sauf si les choses sont naturellement bien disposées, et qu'elles tombent dans un esprit bien disposé lui-même.
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Message par euthyphron Mar 9 Avr 2013 - 14:54

Un exemple familier à la plupart. "Nul n'est méchant volontairement". Cette proposition est à mon sens l'une des rares qui chez Platon fait d'une part l'objet d'une démonstration en bonne et due forme et d'autre part ne sera jamais contredite dans le corpus platonicien.
Or, Aristote a réfuté ce principe, très simplement. Agir implique la participation de la volonté. Or, certains agissent mal. Donc, ils font le mal volontairement. Aristote a raison, de son point de vue. Telle est en tous cas l'apparence.
Platon ne dément pas cette apparence, et à aucun moment il ne nie l'existence d'actes criminels ni ne songe à les excuser. Mais il se demande ce que cela veut dire (ce qui renvoie à ce que j'appelle pompeusement ontologie de la relation signifiante). De quoi cette apparence est-elle le signe? Or, l'art de se poser cette question est de remarquer l'impossibilité de se satisfaire de l'évidence première. En effet, qui désirerait le mal en tant que mal? Ou bien l'on recherche le mal parce qu'on le juge bon, et alors c'est le bien que l'on recherche; ou bien l'on juge mauvais ce que l'on fait, mais alors c'est que l'on est faible, vaincu par la partie de soi-même qui échappe à la volonté. Tout homme recherche donc nécessairement le bien.
Il s'ensuit, si l'on veut maintenir l'apparence, que les hommes sont dans l'ignorance du vrai bien, à moins qu'ils aient raison de commettre ce que le vulgaire appelle des crimes (c'est l'option Calliclès, réfutée dans le Gorgias).
Qu'avons-nous appris au contact de Platon? Non pas un simple théorème, pas une formule écrite qu'on peut réciter avec assurance, et le fait est que malgré la puissance de la démonstration son résumé réduit à un simple énoncé ne convainc personne.
Nous avons appris à regarder les hommes d'une autre façon, comme des victimes de leur peu de goût pour la philosophie, se nuisant à eux-mêmes et aux autres en pensant avoir raison de le faire, sans doute parce que, tels les personnages de Proust (dont pratiquement aucun n'est sympathique, mais dont aucun ne tient le rôle d'un méchant) ils sont trop préoccupés d'eux-mêmes.
Et nous avons appris que le Bien n'est pas une chose, mais, tel le Vrai, une aspiration, un objet de désir dont nous ignorons le mode d'être.
A hks
je découvre ton message et n'ai pas eu le temps d'y réfléchir. Mais je ne vois pas où tu vois l'existence des Idées dans ton extrait. Le cercle n'est pas à confondre avec l'image que l'on en trace, soit. Mais ceci ne réclame aucune ontologie particulière. Un Hume, par exemple, tout empiriste qu'il est, dirait la même chose. En revanche on retrouve le paradigme de l'ascension par degrés, comme dans le Banquet. Le signe est ce qui pointe vers ce dont il est le signe, alors que la substance se suffit à elle-même. Si donc on peut parler des Idées (je ne nierai évidemment pas que Platon en parle, bien que "formes" soit une meilleure traduction) il ne s'ensuit pas qu'elles soient des substances intelligibles venant doubler les substances sensibles.

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Message par hks Mar 9 Avr 2013 - 19:11

à euthyphron

je vois dans cette lettre l'existence de quelque chose à penser et qui n'est pas une relation puisque Platon parle de cercle en lui même. Mais je le redis je ne suis pas spécialiste de Platon.


D'autre part ( sur la substance ) Platon à quand même une idée de l' oussia (comme singularité propre de chaque chose ). De mon point de vue s'il y a ousia il n' y a pas que des relations .

"L'oussia est ce qu' exige toute question allant à la rencontre de ce qui est
L' oussia est la dimension nécessaire de de tout ce qui peut répondre à cette question.( tout le contraire d'un objet de pensée )"
écrit Monique Dixsaut

Tout cela est bel et bon, mais à quoi cela renvoie -t il in fine .. et bien à l 'eidos .
On peut dire forme plutôt qu' idée, avec forme on est pas dans l' ordre de la relation. Monique Dixsaut dit que " la mainmise de la forme sur la chose c est l' idéa. Posséder son idea propre , don pâtir de l' eidos est ce qui permet de résister aux altérations venues du dehors."
Je dirais donc qu' il y a de la résistance au relationnel chez Platon.

( le rapprochement avec le conatus de Spinoza serait à faire . Je ne sais si Monique Dixsaut est imparable . Ses analyses sont en tout cas fines et stimulantes )
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Message par euthyphron Mar 9 Avr 2013 - 19:30

J'ai opposé deux ontologies, mais rien voulu supprimer qui soit du réel. Alors, sans doute, je dois tempérer mes formulations.
Il est clair qu'une ontologie de la substance sait qu'il y a des relations entre ces substances, et qu'une ontologie de la relation implique qu'il y ait des substances qui sont en relation. Mais je ne crois pas que cela revienne au même, puisque le regard sur le monde est différent.
Pourrais-tu préciser le contexte des citations de Monique Dixsaut? Je lis dans les extraits que tu as envoyés des définitions (de l'ousia, de l'eidos), mais pas des affirmations ni des interprétations doctrinales.

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Message par hks Mar 9 Avr 2013 - 23:29

à euthyphron

Je tire mes citations de Platon et la question de la pensée.: Tome 1, Etudes platoniciennes
Par Monique Dixsaut
c'est lisible en partie sur le net.
..............................................................
Il est clair qu'une ontologie de la substance sait qu'il y a des relations entre ces substances, et qu'une ontologie de la relation implique qu'il y ait des substances qui sont en relation. Mais je ne crois pas que cela revienne au même, puisque le regard sur le monde est différent.

D' accord !
.......................................................
Mais le sujet du fil portait sur l'écrit/ l' oral.
J 'ai relevé dans « Compte rendu de : Sylvain Delcomminette, Le Philèbe de Platon. Introduction à l’agathologie platonicienne" http://gramata.univ-paris1.fr/Plato/spip.php?article96

ceci:"Le Philèbe, en s’élevant graduellement de l’analyse du bien humain à celle du bien absolu, laquelle ne sera ni une hénologie, ni une ontologie, ni une éthique abstraite, confirme que l’essence du bien n’est étrangère par nature ni au logos oral ni au logos écrit tel que Platon le pratique."
........................................................
Cela dit tout le paragraphe 6 du Compte rendu traite des idées.( j'y reviens donc un peu )
je le cite
Qu’un projet psychique individuel de production du savoir puisse donner vérité à l’affirmation que les Idées existent risque de nous faire retomber dans l’homme-mesure de Protagoras. Si la volonté de D. d’éviter l’écueil du « monde intelligible » est louable, il nous semble glisser trop facilement, malgré ses dénis explicites (p. 281 entre autres), de l’évidente intériorité de l’intelligible à un rapport de dépendance entre l’Idée et le sujet désirant savoir. Ce n’est plus que la sincérité de l’engagement rationnel de l’individu en question, qui nous sauve d’un relativisme individualiste.


Ce "monde intelligible " semble un écueil aux platoniciens mêmes. Platon n'est- il pas assez clair ?( c'est possible ça ). Ou bien la question est épineuse pour la modernité ? Ne va- t -on pas chercher alors à exprimer que ce "monde intelligible" il ne l'a pas pensé tel que la tradition a voulu qu'il l 'ait pensé et donc que Platon réactualisé serait actuel? Si c'est le cas il ne va certes pas suffire d' affirmer que Socrate a été platonisé!

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Message par cedric Mer 10 Avr 2013 - 10:57

euthyphron a écrit:Un exemple familier à la plupart. "Nul n'est méchant volontairement". Cette proposition est à mon sens l'une des rares qui chez Platon fait d'une part l'objet d'une démonstration en bonne et due forme et d'autre part ne sera jamais contredite dans le corpus platonicien.
Or, Aristote a réfuté ce principe, très simplement. Agir implique la participation de la volonté. Or, certains agissent mal. Donc, ils font le mal volontairement. Aristote a raison, de son point de vue. Telle est en tous cas l'apparence.
Platon ne dément pas cette apparence, et à aucun moment il ne nie l'existence d'actes criminels ni ne songe à les excuser. Mais il se demande ce que cela veut dire (ce qui renvoie à ce que j'appelle pompeusement ontologie de la relation signifiante). De quoi cette apparence est-elle le signe? Or, l'art de se poser cette question est de remarquer l'impossibilité de se satisfaire de l'évidence première. En effet, qui désirerait le mal en tant que mal? Ou bien l'on recherche le mal parce qu'on le juge bon, et alors c'est le bien que l'on recherche; ou bien l'on juge mauvais ce que l'on fait, mais alors c'est que l'on est faible, vaincu par la partie de soi-même qui échappe à la volonté. Tout homme recherche donc nécessairement le bien.
Il s'ensuit, si l'on veut maintenir l'apparence, que les hommes sont dans l'ignorance du vrai bien, à moins qu'ils aient raison de commettre ce que le vulgaire appelle des crimes (c'est l'option Calliclès, réfutée dans le Gorgias).
Qu'avons-nous appris au contact de Platon? Non pas un simple théorème, pas une formule écrite qu'on peut réciter avec assurance, et le fait est que malgré la puissance de la démonstration son résumé réduit à un simple énoncé ne convainc personne.
Nous avons appris à regarder les hommes d'une autre façon, comme des victimes de leur peu de goût pour la philosophie, se nuisant à eux-mêmes et aux autres en pensant avoir raison de le faire, sans doute parce que, tels les personnages de Proust (dont pratiquement aucun n'est sympathique, mais dont aucun ne tient le rôle d'un méchant) ils sont trop préoccupés d'eux-mêmes.
Et nous avons appris que le Bien n'est pas une chose, mais, tel le Vrai, une aspiration, un objet de désir dont nous ignorons le mode d'être.

Hier j'ai maté un film : Cloud Atlas, et, il me semble que ce film, me permet de comprendre ce que tu entends par " ontologie de la relation signifiante ". Du reste du point de vue cinématographique, cette manière de filmer des existences ( même et multiples ) selon différents segments temporels est assez redondante depuis quelques années. Mais alors, toi qui critique le "mysticisme", pour le coup, c'est assez "mystique" comme point de vue, et on rejoint dans mes termes ( et sans plus aucune référence nécessaire à Platon ) ce que j'appelle une conscience collective, qui du reste peut s'entendre à un niveau purement psychologique et non ontologique. Il s'agit dès lors d'un choix des termes, mais puisqu'il s'agit d'une thématique Ethique, il me semble que le terme "conscience" est plus approprié que le terme "pensée" ou "âme". Et ce qui fait lien, au delà d'une quelconque ontologie, c'est ce qu'on appelle l' "empathie". C'est sans doute à ça qu'invite Socrate : à l'empathie.


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Message par cedric Mer 10 Avr 2013 - 11:02

Cette idée me rappelle d'ailleurs une remarque de je ne sais plus qui, peut-être Tenzin Dorje, concernant le bouddhisme, et selon laquelle le cycle des réincarnations et cette thématique n'était pas à considérer dans une dimension post-mortem, mais purement immanente. Et en ce sens, la réincarnation désigne simplement le cycle de mort et renaissance d'une même individualité au cours de sa propre existence, et qui mue sans cesse.

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Message par hks Mer 10 Avr 2013 - 12:38

à cedric

Les bouddhistes ont bien du mal à faire comprendre qu'ils doutent du statut ontologique cette " même" individualité".

Je veux bien que la réincarnation désigne simplement le cycle de mort et renaissance d'une même individualité au cours de sa propre existence, et qui mue .
Pourtant pour le bouddhisme il n' y a pas de même individualité. La fiction de i'individualité est ce qui est prioritairement critiqué par le bouddhisme.
Bouddha a écrit:Toutes les choses composées sont sujettes à la souffrance : elIes seront séparées de ce qu’elles aiment et reliées à ce qu’elles détestent. Toutes les choses composées sont dépourvues de moi, d’âtman, d’ego. Et elle t’entraîne à des anxiétés inutiles et à de mauvaises actions, dans des chagrins et des soucis de toute sorte. Celui qui s’attache au moi doit passer par les migrations sans fin de la mort ; il meurt continuellement. Car la nature du moi est une mort perpétuelle. »
(propos rapportés par Paul Carus …certes sous réserves mais corroborés par maints textes canoniques ) Le bouddhisme conteste le principe d' identité. Celui qui migre est paradoxalement celui qui s' attache.

Et Platon a du avoir bien du mal à faire comprendre que c'était son problème.
M Dixsaut a écrit:L' âme qui s' oriente vers l 'ousia se délie de la manière d' exister propre à tout ce qui se soumet au changement
De mon point de vue on a eu raison de toujours voir dans Platon une pensée de l'identité versus la vacuité .

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Message par euthyphron Mer 10 Avr 2013 - 13:50

hks a écrit:Mais le sujet du fil portait sur l'écrit/ l' oral.
Bonne remarque!
Si alors on y revient, et pour simplifier un peu, disons que Platon est un philosophe pour qui la question importe plus que la réponse, alors qu'Aristote inaugure la longue série des philosophes pour qui la réponse est la finalité principale de la question.
L'écrit est le medium adapté à la production de réponses définitives. L'oral ne le peut qu'à partir d'un effort de mémorisation qui reste limité par les capacités mnésiques de chacun. La différence entre les deux n'est donc pas absolue, mais l'écriture, du simple fait qu'elle est inventée, crée un nouveau rapport à la vérité et au pouvoir. Songeons aux énormes avantages administratifs de l'écriture, comme possibilité de l'archivage.
Une autorité sans écrit n'est sans doute possible que par l'entremise d'une tradition, laquelle est soutenue par des mythes. Une société de l'écriture peut s'en libérer en apparence, et se gouverner d'après des textes, mais sur quoi fonder l'autorité de ces textes, sinon sur d'autres textes? C'est une vraie question, je n'ai pas de réponse.

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Message par euthyphron Mer 10 Avr 2013 - 15:43

cedric a écrit:
Mais alors, toi qui critique le "mysticisme", pour le coup, c'est assez "mystique" comme point de vue, et on rejoint dans mes termes ( et sans plus aucune référence nécessaire à Platon ) ce que j'appelle une conscience collective, qui du reste peut s'entendre à un niveau purement psychologique et non ontologique. Il s'agit dès lors d'un choix des termes, mais puisqu'il s'agit d'une thématique Ethique, il me semble que le terme "conscience" est plus approprié que le terme "pensée" ou "âme". Et ce qui fait lien, au delà d'une quelconque ontologie, c'est ce qu'on appelle l' "empathie". C'est sans doute à ça qu'invite Socrate : à l'empathie.
Je ne me souviens pas avoir dit du mal du mysticisme, à quoi fais-tu allusion? Ce que tu décris me semble, jusque dans le terme "conscience", tendre vers les philosophies orientales, avec lesquelles il est probable que Platon ait été en contact, même si je préfère éviter les spéculations à ce sujet. En ce qui concerne Platon, je lui vois deux postérités possibles : l'une du côté de la mystique, et c'est le néoplatonisme; l'autre du côté de la pratique régulière de la dialectique, et c'est l'Académie.

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Message par cedric Mer 10 Avr 2013 - 17:01

euthyphron a écrit:
cedric a écrit:
Mais alors, toi qui critique le "mysticisme", pour le coup, c'est assez "mystique" comme point de vue, et on rejoint dans mes termes ( et sans plus aucune référence nécessaire à Platon ) ce que j'appelle une conscience collective, qui du reste peut s'entendre à un niveau purement psychologique et non ontologique. Il s'agit dès lors d'un choix des termes, mais puisqu'il s'agit d'une thématique Ethique, il me semble que le terme "conscience" est plus approprié que le terme "pensée" ou "âme". Et ce qui fait lien, au delà d'une quelconque ontologie, c'est ce qu'on appelle l' "empathie". C'est sans doute à ça qu'invite Socrate : à l'empathie.
Je ne me souviens pas avoir dit du mal du mysticisme, à quoi fais-tu allusion? Ce que tu décris me semble, jusque dans le terme "conscience", tendre vers les philosophies orientales, avec lesquelles il est probable que Platon ait été en contact, même si je préfère éviter les spéculations à ce sujet. En ce qui concerne Platon, je lui vois deux postérités possibles : l'une du côté de la mystique, et c'est le néoplatonisme; l'autre du côté de la pratique régulière de la dialectique, et c'est l'Académie.

J'aime bien comprendre, en fait. Et les messages précédents essayaient de comprendre ta position, qui pour moi n'est pas du tout claire, pas du tout. Je ne sais pas si c'est clair pour les autres, mais moi je ne comprends pas, j'aimerai que tu expliques ce que tu entends par une ontologie des relations, pas seulement que tu dises pour Platon c'est l'un et le multiple...et pour Aristote après c'est.... Que tu développes, que tu expliques.

Je pense de mon côté avoir une vision d'ensemble de la philosophie que l'on trouve dans les textes de Platon, que je peux expliquer, et qui se peaufine du reste à mesure de mes lectures.


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Message par euthyphron Mer 10 Avr 2013 - 18:54

Essayons ainsi. Toute réalité est à la fois chose et signe, puisqu'un signe a sa matérialité, et qu'une chose peut faire penser à une autre.
La façon peut-être la plus naturelle de penser est de considérer que les choses sont d'abord là, et que les signes en dérivent, afin de les évoquer en leur absence. J'appelle cela ontologie de la substance. La substance est ce qui se suffit à elle-même.
Mais on peut aussi penser à l'inverse que tout est signe, et que les substances n'existent que dans la mesure de leurs significations. L'univers serait ainsi une sorte de "monde intelligible" (je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'expression soit telle quelle dans Platon, si quelqu'un connaît la référence je suis preneur), et comme le signe est un être relationnel, j'appelle cela une ontologie de la relation.

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Message par Bergame Mer 10 Avr 2013 - 20:53

Oui, en gros, c'est toujours -par exemple- ton idée selon laquelle l'accord entre interlocuteurs est un signe de l'"existence" du Vrai. Ou -peut-être- que la puissance logique du "ne fais à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fit" est un signe du Bien.

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Message par euthyphron Mer 10 Avr 2013 - 21:40

Je ne sais pas. C'est ta formulation et non la mienne, et tout dépend de ce que tu mets sous ces mots. Ce qui me gêne, c'est qu'on pourrait comprendre que le Vrai et le Bien sont des substances, et que les indices de leur existence substantielle en seraient l'accord entre les hommes, ce qui, à comparer avec mon message précédent, reviendrait à en dire le contraire.

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Message par hks Mer 10 Avr 2013 - 23:49

à euthyphron

Un monde sans signes n'est pas moins relationnel. Du moins peut on le penser ainsi.

(il semble que ) pour toi les substances sont causées par les significations ou plus même qu'elles soient des fictions et que seules des significations les font apparaitre . C'est une thèse compréhensible, une thèse idéaliste , mais quid des significations ?
Ces significations ( actes de signifier ) ces actes sont aussi multiples que les substances signifiées. Et comme les substances les idées ont leur identité à elles mêmes et chacune se suffit à elle même. Et finalement les idées sont des substances immatérielles .

D' où deux thèses possibles ( avec toutes les nuances d' émanationisme )
1) soit le dédoublement du monde en mode des choses et monde d' actes de significations.( les choses ne sont pas des idées et n'existent pas sans la pensée que Dieu ou autre monde intelligent en a )
2) soit le monde des actes signifiants est le seul monde existant et les substances ( matérielles ) est un effet fictionnel des idées (et on a l'immatérialisme de Berkeley )

Dans les deux cas d' idéalisme on a surtout des idées ( plus que des relations ). Même si ces idées ont des actes signifiants ils sont individués et porteur de significations individuées ( le bien ou le vrai , ou le cercle ,ou le chien ...ou même tel chien singulier )
Je ne vois pas chez Platon que l' idée soit relationnelle elle est en soi .

Mais bref de Platon ! Je ne vois surtout pas en quoi les substances séparées chez Aristote ne sont pas en relation. ( il n'y a que chez Spinoza que la substance ( unique ) se suffit à elle même ). Un monde sans signes n'est pas moins relationnel. Du moins peut on le penser ainsi.
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Message par Bergame Jeu 11 Avr 2013 - 9:53

"Tout est signe", ça signifie que les arbres et les montagnes aussi sont des signes ?

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Message par cedric Jeu 11 Avr 2013 - 10:22

euthyphron a écrit:Essayons ainsi. Toute réalité est à la fois chose et signe, puisqu'un signe a sa matérialité, et qu'une chose peut faire penser à une autre.
La façon peut-être la plus naturelle de penser est de considérer que les choses sont d'abord là, et que les signes en dérivent, afin de les évoquer en leur absence. J'appelle cela ontologie de la substance. La substance est ce qui se suffit à elle-même.
Mais on peut aussi penser à l'inverse que tout est signe, et que les substances n'existent que dans la mesure de leurs significations. L'univers serait ainsi une sorte de "monde intelligible" (je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'expression soit telle quelle dans Platon, si quelqu'un connaît la référence je suis preneur), et comme le signe est un être relationnel, j'appelle cela une ontologie de la relation.

Bon ok, je crois voir. C'est une manière compliquée et personnelle de dire une chose simple : seul le monde de la culture existe. Les substances n'existent pas.

Dans ce cas, comment interprètes-tu, par exemple, la contemplation ( qui est contemplation de la Beauté éternelle, qui ne connaît ni naissance ni mort ) ? De même comment tu interprètes le démon qui s’empare de Socrate et lui procure des révélations à l'instar d'un devin ? Aussi, le statut de l'âme ?




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Message par Courtial Jeu 11 Avr 2013 - 19:25

euthyphron a écrit:Trois critiques de l'écriture, et non une seule, dans le Phèdre:
- elle fabrique des semblants de savants insupportables (qui croient en l'autorité de la chose écrite)
- elle est incapable de dialogue
- elle se prostitue, elle ne s'adapte pas au lecteur.

Quatre : last but not least et même carrément first: elle rend l'âme oublieuse.
C'est là-dessus que porte surtout la notion de pharmakon :elle n'est pas un remède à l'oubli, mais un poison contre la mémoire.
Elle dispense de l'effort de réminiscence, c'est-à-dire du savoir.
L'âme ne se tourne plus vers elle-même, ne plonge plus en elle-même, mais retrouve le souvenir dans des signes extérieurs (les mots tracés sur une feuille, du sensible).

L'univers serait ainsi une sorte de "monde intelligible" (je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'expression soit telle quelle dans Platon, si quelqu'un connaît la référence je suis preneur)

"Monde" est gênant (même si ça fait plaisir à Nietzsche). Je n'ai plus les références en tête, malheureusement. Il me paraît exclu que Platon parle de "cosmos" dans ce sens-là, mais je ne sais plus quel terme il emploie. Je suis preneur aussi.
Madame Galpérine (autre platonicienne dont j'ai suivi l'enseignement, elle nous avait expliqué le Timée), rejetait l'expression "monde intelligible" et préférait parler d'un "champ eidétique pur".

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Message par hks Ven 12 Avr 2013 - 0:29

à courtial

L'âme ne se tourne plus vers elle-même, ne plonge plus en elle-même, mais retrouve le souvenir dans des signes extérieurs (les mots tracés sur une feuille, du sensible).

C'est compréhensible et même admissible .
Mais
1) il n'est pas exclus que le lecteur de certains textes retrouve dans ces textes ce qu'il a déjà pensé.
2) que des textes éveillent la pensée à de nouveaux horizons , la stimule et l'active.

Mais la question est plus profonde, elle est dans la nature de la pensée ( réminiscence ou acte créateur? )

Quand l'âme se tourne vers elle-même, plonge en elle-même, activité des plus solitaires, que trouve- t- elle ? Platon est d'un optimisme assez confondant. Il nous place pourtant devant une situation imaginaire, une expérience de pensée du genre "imaginons l "âme solitaire de l'enfant sauvage " ou celle de Robinson Crusoé laissé dès sa naissance sur son ile .
Il nous est impossible de dire ce que pense Robinson Crusoé et surtout impossible d 'estimer en quoi il retrouve la mémoire de quoi que ce soit qui outrepasse ses expériences sensibles. Platon nous demande de tabler sur un vide d' expérience possible pour nous .
L' aveugle né s'il retrouve la vue ne distingue rien. Il lui faut apprendre et apprendre des voyants à lire le monde.

Pour le dire crûment je ne je saurais pas que je pense si on ne me l'avait pas dit . Bien sûr que je penserais mais je ne le saurais pas. Mon savoir est le fruit de la longue histoire de l 'expression gestuelle ou langagière (orale puis écrite). Il l'est de telle manière que je ne peux en rien y distinguer l' effet d un champ eidétique pur ( celui ci existerait- il ).
C'est sinon totalement "évacuer " le langage ( sous toutes ses formes )
Or la pensée est une forme et pas une forme dont on se souvient mais la forme en acte. C'est à dire qu' elle est une expression et non la trace affaiblie de sa cause.
C' est toute une ontologie de la nature qui se joue dans ce débat sur Platon.
Spinoza dit que Dieu ne connait pas les choses antérieurement à son acte . Que Dieu ne pense pas par universaux il ne pense pas les choses "en général" ...que sa puissance de penser est égale à sa puissance d'agir.
Deux perspective très différentes.

Chez Platon la pensée doit se méfier de son expression autant dire qu'elle doit nier sa propre nature. Mouvement infini de la négation et absence de productivité. Une sorte de vacuité de l' âme mais qui refuserait encore de se penser .

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Message par euthyphron Ven 12 Avr 2013 - 11:52

hks a écrit:Quand l'âme se tourne vers elle-même, plonge en elle-même, activité des plus solitaires, que trouve- t- elle ? Platon est d'un optimisme assez confondant. Il nous place pourtant devant une situation imaginaire, une expérience de pensée du genre "imaginons l "âme solitaire de l'enfant sauvage " ou celle de Robinson Crusoé laissé dès sa naissance sur son ile .
Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. Serait-ce de la situation de l'homme avant l'écriture? Mais il ne vit pas sur une île déserte! Cela n'a strictement rien à voir avec un quelconque état de nature! A quel texte fais-tu donc allusion?
hks a écrit:Chez Platon la pensée doit se méfier de son expression autant dire qu'elle doit nier sa propre nature. Mouvement infini de la négation et absence de productivité. Une sorte de vacuité de l' âme mais qui refuserait encore de se penser.
Ici je suppose que tu fais allusion à la critique de l'écriture. Mais quel rapport entre le fait d'essayer de comprendre ce qui est dit sans le prendre pour argent comptant et une quelconque dénégation de la pensée? Là non plus je ne comprends pas.
courtial a écrit:
Quatre : last but not least et même carrément first: l'écriture rend l'âme oublieuse.
C'est là-dessus que porte surtout la notion de pharmakon :elle n'est pas un remède à l'oubli, mais un poison contre la mémoire.
Elle dispense de l'effort de réminiscence, c'est-à-dire du savoir.
L'âme ne se tourne plus vers elle-même, ne plonge plus en elle-même, mais retrouve le souvenir dans des signes extérieurs (les mots tracés sur une feuille, du sensible).
A vrai dire, j'ai synthétisé trois reproches en un, la fabrique de faux savants, mais tu as raison, c'est plus rigoureux de les prendre tels qu'ils sont dans le texte original. Bilan rectifié : cinq reproches, dans l'ordre d'apparition:
- l'écriture fait perdre la mémoire (dit Thamous)
- elle fabrique des faux savants insupportables (Thamous)
- elle habitue à juger les discours selon leur origine historique ou géographique et non selon leur sens (badinage de Socrate suite au compliment de Phèdre)
Ces trois se rejoignent, dans la corruption de l'intellectualité.
- elle est incapable de dialogue (commentaire du mythe de Theuth par Socrate)
- elle se prostitue ("autre chose", selon Socrate).
Sinon, l'expression "champ eidétique pur" sonne un peu trop germanophile à mes oreilles délicates, mais pourquoi pas, avec l'habitude? Je trouve intéressantes ces confirmations de ce que j'avançais timidement : l'expression "monde intelligible", souvent présentée comme l'apport conceptuel majeur du platonisme, n'est pas platonicienne!
Bergame a écrit:"Tout est signe", ça signifie que les arbres et les montagnes aussi sont des signes ?
Oui, bien sûr!

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Message par hks Ven 12 Avr 2013 - 17:25

à euthyphron

Je ne vois absolument pas de quoi tu parles.

je réponds à Courtial quand il dit que le pharmakon c'est quand "L'âme ne se tourne plus vers elle-même, ne plonge plus en elle-même, mais retrouve le souvenir dans des signes extérieurs (les mots tracés sur une feuille, du sensible).'
ce qui me parait très bien vu .
Et je ici je fais allusion à la critique de l'écriture.

Si Je prends la critique de l'écriture chez Platon pour plus fondamentale que technique alors il me faut considérer la pénsée, la forme de pensée induite comme la dénégation de certaines autres formes de pensée?
On a donc une forme de pensée philosophique comme devant se remémorer ce qu'elle a toujours pensé et qui réside dans un monde intelligible éternel .

Les trois critiques que tu proposes sont techniques .
La première seule (la perte de la mémoire) a rapport avec la critique ontologique.

SOCRATE : Donc, si la vérité des êtres est depuis toujours dans notre âme, l'âme doit être immortelle, en sorte que ce que tu te trouves ne pas savoir maintenant, c'est-à-dire ce dont tu ne te souviens pas, c'est avec assurance que tu dois t'efforcer de le chercher et de te le remémorer.

Pour moi ce "monde intelligible" est l'apport conceptuel majeur du platonisme. Ce à quoi il peut se réduire tel que Nietzsche l' a réduit. La critique d'Aristote est très ferme sur le sujet . Maintenant on voudrait qu' Aristote n' ait pas compris Platon ou moins bien que d' autres qui ne l' ont pas connu de son vivant . Ce dont je doute .

Voila un exemple de ce qu'on dit traditionnellement:

Je cite " Aristote passa vingt ans à l’Académie, école fondée par Platon. Il s’y remarqua par son agilité intellectuelle et sa force de travail. Il suivit l’enseignement de son maître jusqu’au jour où il rompît avec la doctrine platonicienne. Aristote n’accepta plus la représentation bipolaire du monde des Idées distinguant d’un côté une réalité contenue par les hommes, et de l’autre un arrière-plan assis sur une vérité immuable et présentée comme la matrice originelle.

Pour contester cela il ne faut pas avancer timidement, il faut argumenter puissamment.
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Message par euthyphron Ven 12 Avr 2013 - 18:13

Je suis au courant de ce que l'on dit traditionnellement. Ma question est de savoir sur quel texte de Platon l'on s'appuie pour parler de monde intelligible. Ou, à la rigueur, de savoir d'où vient cette expression, de quel commentateur.
De plus, tu as écrit ceci
hks a écrit:On a donc une forme de pensée philosophique comme devant se remémorer ce qu'elle a toujours pensé et qui réside dans un monde intelligible éternel.
Je ne suis absolument pas d'accord. Cette lecture du texte revient d'ailleurs à dire que Platon raconte n'importe quoi, car qui peut donner un sens à une telle exigence? Si l'on pratique la philosophie, c'est bien parce que l'oubli est inévitable. Et ce qui est demandé, c'est la pratique de la dialectique, qui, sauf inspiration que l'on ne peut provoquer, est le moyen de la réminiscence, c'est-à-dire de la compréhension.
De plus, il n'y a pas de "résidence" de la vérité. Bon, je ne veux pas chicaner sur les mots, mais ta formulation laisse penser que pour Platon nous saisirions par une sorte d'intuition mystérieuse les vérités éternelles qui se trouveraient inscrites en un lieu tout aussi mystérieux et qu'il faudrait passer sa vie à les conserver. Si tel était le cas, il faudrait faire l'apologie de l'écriture, par laquelle on pourrait figer ces vérités, et rejeter la discussion, qui risque d'induire des modifications. Or, c'est tout le contraire, c'est le caractère figé de la vérité telle que la conçoivent les enfants de l'écriture qui est dénoncé.
Et rappelons qu'il faut chercher, selon l'injonction du Ménon posée comme l'acquis de la théorie de la réminiscence. C'est essentiel, évidemment. Les dialogues ne sont pas l'expression d'une doctrine achevée, afin de la graver dans le marbre, le Phèdre est là pour qu'on en prenne conscience si la simple lecture ne suffit pas. Ils sont des exercices de recherche.
Et que cherchons-nous quand nous pratiquons la philosophie? A trouver les formules qui établiront définitivement la vérité? Non, pas chez Platon. Chez Spinoza oui, chez la plupart des philosophes classiques, certainement. C'est cela aussi l'enjeu de la critique de l'écriture. Nous laissons-nous parfois aller à la discussion pour mieux progresser vers un modèle qui serait digne d'être écrit? Alors c'est illusoire. Le Phèdre propose le rapport opposé. L'écrit ne vaut que s'il imite l'oral et pas le contraire, c'est-à-dire s'il est repensé, rediscuté, reformulé, tout ce que l'on veut pourvu que cela provoque cette étincelle de l'âme que l'on nomme réminiscence.
Les philosophes ne sont donc pas là pour dire quelle est la vérité à un peuple de preneurs de notes, mais juste là pour garder la flamme du désir de comprendre.

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