Phèdre
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Phèdre
Il faut parler maintenant de la nature de l'âme. Pour montrer ce qu'elle est, il faudrait une science toute divine et de longs développements ; mais, pour en donner une idée approximative, on peut se contenter d'une science humaine et l'on peut être plus bref. J'adopterai donc ce dernier procédé, et je dira qu'elle ressemble à une force composée d'un attelage et d'un cocher ailés. Chez les dieux, chevaux et cochers sont également bons et de bonne race ; chez les autres êtres, ils sont de valeur inégale ; chez nous, le cocher gouverne l'attelage, mais l'un de ses chevaux est excellent et d'excellente race, l'autre est tout le contraire et par lui-même et par son origine. Il s'ensuit fatalement que c'est une tâche pénible et malaisée de tenir les rênes de notre âme. Mais comment faut-il entendre les termes d'être mortel et d'être immortel, c'est ce qu'il faut tâcher d'expliquer. Tout ce qui est âme a la tutelle de tout ce qui est inanimé et fait le tour du ciel, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Quand elle est parfaite et ailée, elle parcourt l'empyrée et gouverne tout l'univers. Quand elle a perdu ses ailes elle est emportée dans les airs, jusqu'à ce qu'elle saisisse quelque chose de solide, où elle établit sa demeure, et, quand elle a ainsi rencontré un corps terrestre, qui, sous son impulsion, paraît se mouvoir de lui-même, cet assemblage d'une âme et d'un corps s'appelle un animal, et on le qualifie de mortel. Quant au nom d'immortel, il ne s'explique par aucun raisonnement en forme ; mais, dans l'impossibilité où nous sommes de voir et de connaître exactement la divinité, nous nous la représentons comme un être vivant immortel, doué d'une âme et d'un corps, éternellement unis l'un à l'autre. Mais qu'il en soit ce qu'il plaira à Dieu et qu'on en dise ce qu'on voudra ; recherchons pourquoi l'âme perd et laisse tomber ses ailes. Voici à peu près ce qu'on peut en dire.
( p.141-142 )
Socrate va parler de l'âme et tenter de montrer ce qu'elle est. Or, il va le faire par le biais d'une série de métaphore, qu'on peut faire tenir dans une allégorie générale, et qui emprunte la forme du récit mythique.
Il est remarquable de constater comment, d'emblée, Socrate souligne que le récit dont il va s'agir est métaphorique et qu'en aucun cas il ne faut le prendre au pied de la lettre. Mieux, cette forme métaphorique va être employée faute de mieux, de manière consciente. En effet, pour montrer ce qu'est l'âme, il faudrait une science divine. Or, une telle science, parce que nous sommes des mortels, nous est à jamais fermée. C'est pourquoi Socrate se donne l'objectif de présenter simplement une idée approximative de ce qu'est l'âme, et ce, en se contentant d'une science humaine.
Socrate précise donc d'emblée la limite de la portée du discours qu'il va faire. D'une certaine manière, il va utiliser des images car c'est le seul procédé, imparfait, qui va lui permettre de traiter le sujet de l'âme. Mais nous sommes déjà dans une re-présentation imparfaite de l'objet à étudier, et de manière consciente.
Donc, voici la métaphore employée pour désigner l'âme : l'âme ressemble à une force composée d'un attelage ( deux chevaux ) et d'un cocher ailés. Chez les hommes, le cocher dirige les deux chevaux, l'un étant bon, et l'autre mauvais, disons, mieux, l'un étant naturellement tempérant, et l'autre naturellement intempérant. Donc, notre âme est soumise à deux principes antagonistes : le penchant à la tempérance ; et le penchant à l'intempérance. D'où il ressort que pour tout homme : c'est une tâche pénible et malaisée de tenir les rênes de notre âme.
Lorsque une âme est parfaite, elle se meut d'elle-même au niveau de l'empyrée, qui désigne la cime du ciel dans la cosmologie de l'époque ( on retrouve donc ici chez Platon la distinction classique pour l'époque entre le monde supra-lunaire où se meuvent les dieux ( astres parfaits ) et le monde sub-lunaire qui désigne le monde des mortels, soumis à l'imperfection.
Et Socrate choisit le récit métaphorique que voici, pour expliquer comment une âme, qui se meut d'elle-même, se retrouve attachée à un corps : l'âme qui se meut d'elle-même, au niveau de la cime du ciel, comme en dehors de notre monde, peut perdre les ailes qui la maintiennent à ce niveau. Or, quand elle les perd, elle chute. Elle chute jusque sur terre, où elle rencontre un corps et s'y loge, le gouvernant par la suite. Cet assemblage désigne un animal mortel. En passant, ce court récit présente déjà toute la thématique chrétienne de la chute, de l'existence humaine comme chute, perte, déchéance de la perfection, sans doute dans une dimension plus dépréciative.
Le terme d' immortel, Socrate souligne à nouveau qu'il ne s'explique par aucun raisonnement en forme, montrant une fois de plus notre incapacité à comprendre le monde du divin, mais à seulement pouvoir l'approcher. Or, Socrate dit que nous nous représentons la divinité comme un être vivant immortel, doué d'une âme et d'un corps, éternellement unis l'un à l'autre. On a ici encore la vision anthropomorphique du divin qui survivra dans le christianisme il me semble, tandis que, l'idée, quant à elle, ne peut posséder de forme. Ici, on voit déjà que Socrate opère un basculement de la mythologie grecque vers un Dieu unique, dont la conception est ambiguë car d'emblée métaphorique.
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Socrate va parler de l'âme et tenter de montrer ce qu'elle est. Or, il va le faire par le biais d'une série de métaphore, qu'on peut faire tenir dans une allégorie générale, et qui emprunte la forme du récit mythique.
Il est remarquable de constater comment, d'emblée, Socrate souligne que le récit dont il va s'agir est métaphorique et qu'en aucun cas il ne faut le prendre au pied de la lettre. Mieux, cette forme métaphorique va être employée faute de mieux, de manière consciente. En effet, pour montrer ce qu'est l'âme, il faudrait une science divine. Or, une telle science, parce que nous sommes des mortels, nous est à jamais fermée. C'est pourquoi Socrate se donne l'objectif de présenter simplement une idée approximative de ce qu'est l'âme, et ce, en se contentant d'une science humaine.
Socrate précise donc d'emblée la limite de la portée du discours qu'il va faire. D'une certaine manière, il va utiliser des images car c'est le seul procédé, imparfait, qui va lui permettre de traiter le sujet de l'âme. Mais nous sommes déjà dans une re-présentation imparfaite de l'objet à étudier, et de manière consciente.
Donc, voici la métaphore employée pour désigner l'âme : l'âme ressemble à une force composée d'un attelage ( deux chevaux ) et d'un cocher ailés. Chez les hommes, le cocher dirige les deux chevaux, l'un étant bon, et l'autre mauvais, disons, mieux, l'un étant naturellement tempérant, et l'autre naturellement intempérant. Donc, notre âme est soumise à deux principes antagonistes : le penchant à la tempérance ; et le penchant à l'intempérance. D'où il ressort que pour tout homme : c'est une tâche pénible et malaisée de tenir les rênes de notre âme.
Lorsque une âme est parfaite, elle se meut d'elle-même au niveau de l'empyrée, qui désigne la cime du ciel dans la cosmologie de l'époque ( on retrouve donc ici chez Platon la distinction classique pour l'époque entre le monde supra-lunaire où se meuvent les dieux ( astres parfaits ) et le monde sub-lunaire qui désigne le monde des mortels, soumis à l'imperfection.
Et Socrate choisit le récit métaphorique que voici, pour expliquer comment une âme, qui se meut d'elle-même, se retrouve attachée à un corps : l'âme qui se meut d'elle-même, au niveau de la cime du ciel, comme en dehors de notre monde, peut perdre les ailes qui la maintiennent à ce niveau. Or, quand elle les perd, elle chute. Elle chute jusque sur terre, où elle rencontre un corps et s'y loge, le gouvernant par la suite. Cet assemblage désigne un animal mortel. En passant, ce court récit présente déjà toute la thématique chrétienne de la chute, de l'existence humaine comme chute, perte, déchéance de la perfection, sans doute dans une dimension plus dépréciative.
Le terme d' immortel, Socrate souligne à nouveau qu'il ne s'explique par aucun raisonnement en forme, montrant une fois de plus notre incapacité à comprendre le monde du divin, mais à seulement pouvoir l'approcher. Or, Socrate dit que nous nous représentons la divinité comme un être vivant immortel, doué d'une âme et d'un corps, éternellement unis l'un à l'autre. On a ici encore la vision anthropomorphique du divin qui survivra dans le christianisme il me semble, tandis que, l'idée, quant à elle, ne peut posséder de forme. Ici, on voit déjà que Socrate opère un basculement de la mythologie grecque vers un Dieu unique, dont la conception est ambiguë car d'emblée métaphorique.
cedric- Digressi(f/ve)
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