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Message par cedric Jeu 14 Mar 2013 - 11:57


Socrate

«  En toute chose, mon enfant, il n'y a qu'une manière de commencer, quand on veut discuter convenablement : il faut bien comprendre l'objet de la discussion, faute de quoi l'on est condamné à s'égarer complètement. La plupart ne se doutent pas qu'ils ignorent l'essence des choses ; aussi, persuadés qu'ils la connaissent, ils ne s'entendent pas au début de la discussion, et, à mesure qu'ils avancent, ils en arrivent naturellement à n'être d'accord ni avec eux-mêmes, ni avec les autres. Évitons, toi et moi, ce que nous reprochons aux autres ; et puisque nous avons à décider s'il vaut mieux devenir l'ami d'un homme sans amour que d'un homme amoureux, établissons d'un commun accord ce qu'est l'amour et quels sont ses effets ; puis, les yeux tournés vers cette définition, rapportons-y toute notre discussion sur les avantages ou les désavantages de l'amour.
Tout le monde reconnaît que l'amour est un désir ; mais nous savons, d'autre part, que le désir du beau se rencontre aussi chez ceux qui n'aiment point. A quoi donc peut-on discerner celui qui aime de celui qui n'aime pas ? Il faut savoir qu'il y a dans chacun de nous deux principes qui nous gouvernent et nous dirigent et que nous suivons là où ils nous mènent : l'un est le désir inné du plaisir, l'autre l'idée acquise qu'il faut rechercher le bien. Ces deux principes tantôt s'accordent, tantôt se combattent en nous, et tantôt c'est l'un, tantôt c'est l'autre qui triomphe. Or, quand c'est le goût rationnel du bien qui nous dirige et qui a le dessus, sa domination prend le nom de tempérance ; quand, au contraire, c'est le désir déraisonnable qui nous entraîne au plaisir et règne en nous, sa domination s'appelle intempérance. Mais l'intempérance a beaucoup de noms, car elle admet bien des formes et des espèces, et, quand l'une de ces espèces vient à prédominer dans un homme, c'est son nom qui sert à le qualifier, nom qui n'est ni beau, ni enviable.

( p. 129 )

Dans le premier paragraphe nous retrouvons la méthode philosophique de Socrate, qui consiste à poser une définition des termes dont on va parler, afin qu'une déduction logique soit possible, qu'un accord soit possible sur la logique de la déduction. Dans le même temps, il s'agit toujours de savoir, comme base du raisonnement, en substance, de toujours se demander quelle est la nature d'une chose et quels sont ses effets.

Le deuxième paragraphe est important car il présente une distinction entre la tempérance/ et l'intempérance.

Socrate explique que deux principes nous gouvernent, que deux principes gouvernent les hommes et les dirigent dans leurs actes. D'une part il y a le désir inné du plaisir ; et d'autre part il y a l'idée acquise qu'il faut tendre vers le bien. Donc, les hommes sont gouvernés par deux principes, l'un étant inné, et l'autre étant acquis.

Ces deux principes sont sans cesse en situation de conflit, tantôt c'est l'un, tantôt c'est l'autre qui domine, et tantôt ils s'accordent.

Lorsque c'est le goût raisonnable ( plutôt que « rationnel » qui n'est pas approprié ) - c'est à dire fondé par la réflexion philosophique qui est un travail acquis, c'est à dire un travail qui nécessite un effort n'allant pas de soi – qui domine la relation, qui nous dirige, sa domination prend le nom de tempérance.

A l'inverse, lorsque c'est le goût déraisonnable, le désir déraisonnable, c'est à dire inné des plaisirs, qui domine, sa domination s'appelle intempérance.

On peut donc dire que les hommes possèdent une tendance inné à l'intempérance, c'est à dire a être dirigé, à se diriger vers la jouissance des plaisirs, de même qu'ils possèdent une tendance acquise, et perfectible, qui les pousse à se diriger selon la tempérance, par le biais de la pensée de ce qui est raisonnable et qui tend vers le bien.

Le philosophe, on l'aura compris, est celui qui va faire en sorte de se tenir, autant que possible, dans la tempérance. Et la philosophie va être le moyen, le guide permettant de se tenir, par son acte, dans la tempérance, c'est à dire dans la tension vers le bien.

Si la posture philosophique de Socrate ne peut être assimilée à une posture chrétienne de « mortification du corps », on peut souligner qu'existe toutefois dans sa philosophie une distinction entre les plaisirs du corps et les raisonnements de l'âme dont la relation tient dans l'intérêt de sa hiérarchie, et non pas dans une relation unilatérale d'exclusion ( qui consisterait à exclure le corps ). La relation demeure et ne peut pas ne pas demeurer, c'est une tension, immortelle pour ainsi dire, mais, guidée par la valeur de sa hiérarchie.


cedric
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