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Pensée collective

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Message par cedric Mer 24 Oct 2012 - 10:34

Salut à tous,

j'aimerai avoir votre avis sur cette question : pensez-vous qu'une pensée collective soit possible ? Pensez vous qu'une pensée collective, cette notion, puisse avoir un sens ?

Prenons l'exemple de ce forum par exemple, où les échanges, dématérialisés, laissent la place à la forme de la pensée, structurée par son rythme, c'est à dire sa syntaxe en l'occurence ici. Du reste je remarque des influences réciproques de pensée sur le forum, comme il existe toujours des influences réciproques de mimiques, de pensée, de petits mots, d'expressions, entre les amis d'un groupe.

Mieux, une pensée collective est-elle nécessaire à l'émergence d'un collectif ?

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Message par Courtial Mer 24 Oct 2012 - 16:52

Très belle question. Merci Cédric !
Je ne vais pas prétendre y "répondre", je serais ridicule. (Qui a dit : "ce ne sera pas la première fois. T'inquiète, on est habitué "?).
Je vais juste proposer un point de départ possible, au moins pour la philosophie :

Descartes, Discours de la méthode a écrit:Je m'avisais de considérer que souvent il n'y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et faits de la main de divers maîtres, qu'en ceux auxquels un seul a travaillé. Ainsi voit-on que les bâtiments qu'un seul architecte a entrepris et achevés ont coutume d'être plus beaux et mieux ordonnés que ceux que plusieurs ont tâché de raccommoder, en faisant servir de vieilles murailles qui avaient été bâties à d'autres fins (...) Ainsi je m'imaginai que les peuples qui, ayant été autrefois demi-sauvages, et ne s'étant civilisés que peu à peu, n'ont faire leur loi qu'à mesure que l'incommodité des crimes et des querelles les y a contraints, ne sauraient être aussi bien policés que ceux qui, dès le commencement qu'ils se sont assemblés, ont observé les institutions de quelque prudent législateur (...). Et ainsi je pensai que les sciences des livres, au moins celles dont les raisons ne sont que probables, et qui n'ont aucune démonstration, s'étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent

Outre que ce texte est magnifique (j'ai dû couper, pour rester raisonnable...), il donne une idée de l'étendue de la question : architecture (art, plus généralement) et urbanisme, politique, philo, sciences, etc.

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Message par Chut Mer 24 Oct 2012 - 19:37

Donc moindre valeur de la pensée collective par rapport à la pensée individuelle dit Descartes dans ce petit texte, si je comprends bien. Et même plus généralement de toute production collective. On pourrait peut-être opposer que certaines productions humaines ne sont possibles que par l'action d'un collectif, par exemple un film (même s'il n'y a qu'un seul producteur lol)

Sans trop y réfléchir, si on appelle pensée collective le produit multiforme élaboré par une collectivité d'êtres amenés à exercer leur pensée de façon plus intensive et performante grâce une structure collective permettant l'échange, alors oui, dans ce sens la pensée collective me parait possible.

Si on appelle pensée collective le résultat d'un chemin progressif vers une sorte de pensée unique grâce à des (ou plutôt à cause de) mécanismes d'influence et de mimétisme, ça me parait possible aussi, mais effectivement on peut alors se poser la question de la valeur de la pensée obtenue, son rapport à la vérité. Cette pensée sera par contre opérationnelle : quand beaucoup de gens pensent la même chose un pouvoir devient possible, et en particulier le pouvoir d'évincer les éventuelles pensées divergentes.

Dans le même ordre d'idée lanK avait indiqué l'expérience intéressante de la Spira.

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Message par poussbois Jeu 25 Oct 2012 - 0:23

D'expérience, je n'ai jamais vu un groupe fonctionner en réseau équilibré. Il y a toujours un leader ; spira mirabilis, si c'est cela dont tu parles, ne fait pas exception à la règle : leur organisation n'empêche pas l'apparition de leader (voir ici).
A un leader instutionnel type chef d'orchestre, ils remplacent un leader naturel. Avec le risque de voir se développer des oppositions fortes si plusieurs leader se déclarent. Dans un cadre de volontariat et de bénévolat, ça ne pose pas trop de problème : les enjeux sont suffisamment faibles pour permettre à chacun de se retirer sans drame.
Par contre, le management non directif qui continue à s'appliquer dans pas mal d'entreprises n'est rien d'autre qu'un moyen commode pour un manager de mettre en compétition des salariés pour voir quel leader occupera la vacance du pouvoir qui a été organisée. Au final, sous des dehors d'autogestion, on organise la compétition et on augmente le niveau de stress jusqu'à ce qu'un nouveau leader émerge et ramène un équilibre, au risque d'exacerber les frustrations des perdants.

Quand beaucoup de gens pensent la même chose c'est efficace, oui, il faut une unanimité pour envisager une efficacité, mais qui fait cette unanimité, qui lance l'idée de départ ? Qui est suffisamment puissant et persuasif, avec des qualités intellectuelles qui assurent l'opérationnalité de l'idée, sa mise en oeuvre ? Je n'ai jamais vu un groupe faire ça. Je trouve le texte de Descartes magnifique et particulièrement juste.

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Message par cedric Jeu 25 Oct 2012 - 11:16

Courtial a écrit:Très belle question. Merci Cédric !
Je ne vais pas prétendre y "répondre", je serais ridicule. (Qui a dit : "ce ne sera pas la première fois. T'inquiète, on est habitué "?).
Je vais juste proposer un point de départ possible, au moins pour la philosophie :

Descartes, Discours de la méthode a écrit:Je m'avisais de considérer que souvent il n'y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et faits de la main de divers maîtres, qu'en ceux auxquels un seul a travaillé. Ainsi voit-on que les bâtiments qu'un seul architecte a entrepris et achevés ont coutume d'être plus beaux et mieux ordonnés que ceux que plusieurs ont tâché de raccommoder, en faisant servir de vieilles murailles qui avaient été bâties à d'autres fins (...) Ainsi je m'imaginai que les peuples qui, ayant été autrefois demi-sauvages, et ne s'étant civilisés que peu à peu, n'ont faire leur loi qu'à mesure que l'incommodité des crimes et des querelles les y a contraints, ne sauraient être aussi bien policés que ceux qui, dès le commencement qu'ils se sont assemblés, ont observé les institutions de quelque prudent législateur (...). Et ainsi je pensai que les sciences des livres, au moins celles dont les raisons ne sont que probables, et qui n'ont aucune démonstration, s'étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent

Outre que ce texte est magnifique (j'ai dû couper, pour rester raisonnable...), il donne une idée de l'étendue de la question : architecture (art, plus généralement) et urbanisme, politique, philo, sciences, etc.

Merci de me dire merci, ça fait toujours plaisir. Ca n'a rien à voir mais, j'ai toujours été agréablement étonné de ce que, à la fin d'un combat dans les divers sports de combat, votre adversaire vous dit merci. Ca c'est la classe !

Pour en venir au texte de Descartes, je le trouve incroyable de problèmes. De prime abord, il m'apparaît vraiment comme une sorte d'apologie de l'individualisme et une résurgence de l'esprit chrétien, distinction de races... Et de prime abord, c'est surtout un texte contre la pensée collective, en ce sens pas du tout "moderne", voire archaïque.


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Message par poussbois Jeu 25 Oct 2012 - 11:46

Ca, c'est sûr que c'est pas moderne ! Descartes découvrant Wikipédia, je n'ose pas imaginer ce que ça donnerait comme réaction d'horreur !!!
lol!

Très bonne émission ce matin des matins de France Culture avec un invité Italien (me souvient pas du nom désolé) qui parlait d'internet et à un moment de la création collective : à prendre avec beaucoup de précaution. Cette création collective n'est d'ailleurs pas le signe d'une pensée collective (voir le côté foutraque de Wiki et consort), mais d'une volonté collective, d'une mobilisation de moyens avec des utilisations ensuite très différentes selon les personnes. Comme les SIG participatifs qui permettent une digitalisation collective de zones à enjeux, par exemple le bâti suite au tremblement de terre à Haïti, à usage de la collectivité et des ONG. Mais ça ne fait pas une pensée commune. Une pensée commune nous ferais tendre à mon avis vers le médiocre, mais ce n'est qu'un avis. Si quelqu'un a des contre-exemples, je suis preneur.



Dernière édition par poussbois le Jeu 25 Oct 2012 - 12:02, édité 1 fois

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Message par Chut Jeu 25 Oct 2012 - 12:01

Exact, Raffaele Simone je crois, un linguiste, très intéressant en effet, dommage je n'en ai entendu qu'un petit bout mais ça avait l'air tout à fait intéressant, ses considérations sur le texte, son traitement et son évolution. (sinon je serais arrivé en retard au boulot. :) )

D'autre part si tu juges la Spira de façon un peu lapidaire sur le petit extrait et le petit article que tu cites il te manque à mon avis pas mal d'éléments qui rendent l'expérience en question plus intéressante et complexe.



Dernière édition par Chut le Jeu 25 Oct 2012 - 12:13, édité 1 fois

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Message par poussbois Jeu 25 Oct 2012 - 12:11

Oui, merci ! :)
Entre autre, il trouvait très problématique l'accaparement des textes par d'autres et la modification de ces textes (articles, chroniques, poésies, essais, etc...) par les internauttes dans le cadre d'oeuvres détournées et/ou collectives. Il n'a pas eu le temps de détailler au-delà du principe de propriété intellectuelle mais on peut pousser le raisonnement. Comme toute philosophie, tout texte est une confession. Dans ce cas, que peut-on lire dans un texte collectif sinon une approche uniquement technique ou un patchwork ? Où est l'âme du texte qui n'est que l'âme de l'auteur qui transparaît ? Même si on peut trouver un charme à ce type de travail, on tombe dans le plaisir et pas tellement dans la compréhension. Vous imaginez lire "à la recherche du temps perdu" sans information sur Proust ?

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Message par Chut Jeu 25 Oct 2012 - 12:18

poussbois a écrit: Comme toute philosophie, tout texte est une confession.
Non.

poussbois a écrit: Vous imaginez lire "à la recherche du temps perdu" sans information sur Proust ?
Oui.


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Message par poussbois Ven 26 Oct 2012 - 19:00

bon, c'est court, mais clair ! :D

Alors, disons : lire René Descartes sans savoir que c'est un auteur du XVIIe siècle qui sonne le glas de la pensée scolastique.
Tu peux, effectivement, le lire sans aucune référence bibliographique mais d’abord il faut être un martien récemment débarqué, et puis il te manquera des informations, non ? Informations que tu ne peux avoir si l’œuvre est le fruit d'un travail collectif.

Quant à la confession visible au travers des écrits, il n'y a qu'à voir le coeur que mettent certains philosophes à expliquer pourquoi ils écrivent (Spinoza dans la réforme de l'entendement, Pascal et ses pensées, Montaigne et ses méditations, etc.). C'est Nietzsche qui disait que toute philosophie est une confession. C’est une position terriblement radicale, je l’admets, et je sais que ça ne plait pas à beaucoup de monde et notamment pas aux idéalistes, c.-à-d. à ceux qui pensent que la raison pure existe et qu'elle peut nous faire accéder au vrai. Pour cela, il faut d'abord m'expliquer d'où viendrait notre capacité d'être de purs esprits au moment où nous réfléchissons. A l’inverse, c’est une histoire connue, mais les coliques néphrétiques d’Epicure ont certainement conditionné son approche quasiment ascétique de l’hédonisme. On peut dire ce qu’on veut sur Nietzsche puis sur l’émergence de la psychologie du XXe siècle, mais l’hypothèse d’un inconscient qui nous conditionnerait pour partie hors de toute raison me parait assez crédible. L’epithumia de Platon, siège de nos désirs et besoins physiques, notre appétence, permettrait ainsi d’articuler dans la deuxième topique le Ça et le Moi, au sein d’un inconscient mal maîtrisé et qui nous définit. Bien malin ensuite celui qui dira que nous sommes libres de nos choix philosophiques et de nos positions théoriques.


Spinoza – Réforme de l’entendement – a écrit: Voyant bien que ces objets [honneur, richesse et plaisir des sens] sont un obstacle à l’entreprise d’instituer une vie nouvelle, que même il y a entre eux une opposition telle qu’il faille nécessairement renoncer soit aux uns, soit à l’autre, j’étais contraint de chercher quel parti était le plus utile ; il semblait en effet, je l’ai dit, que je voulusse pour un bien incertain en perdre un certain. Avec un peu d’attention, toutefois, je reconnus d’abord que si, renonçant à ces objets, je m’attachais à l’institution d’une vie nouvelle, j’abandonnais un bien incertain de sa nature, comme il ressort clairement des observations ci-dessus, pour un bien incertain non du tout de sa nature, mais seulement quant à son atteinte. Une méditation plus prolongée me convainquit ensuite que, dès lors, si seulement je pouvais réfléchir à fond, j’abandonnais un mal certain pour un bien certain. Je me voyais en effet dans un extrême péril et contraint de chercher de toutes mes forces un remède, fut-il incertain ; de même, un malade qui voit la mort imminente, s’il s’applique un remède, est contraint de le chercher, fut-il incertain, de toutes ses forces puisque tout son espoir est dans ce remède.

L’Ethique est une vraie vacherie quand on la commence ; savoir qu’elle a été écrite par quelqu’un qui a réussi grâce à cette philosophie à se sauver d’un "extrême péril" est probablement un des meilleurs soutiens qui m’ont permis de passer les deux premières parties de cet ouvrage.
J’ai l’impression que dans le cadre d’un ouvrage collectif, en admettant que cela soit possible, un tel ouvrage m’aurait finalement tombé des mains et que je n’y aurais pas trouvé l’âme et la ferveur qu’on y ressent de bout en bout. C’est cette ferveur qui m’a porté jusqu’au feu d’artifice lumineux de la cinquième partie.
Certains ouvrages collectifs m’ont intéressé, mais il s’agit généralement d’approches purement techniques et jamais homogènes, les patchworks dont je parlais plus haut.

Tout ça ne démontre pas qu’une pensée commune ne peut pas exister. Intuitivement, j’aurais tendance à dire que ça me paraît fort peu probable, mais suis ouvert à la discussion. Ce qui est sûr, c'est que je ne vois pas comment ç apeut fonctionner.
Par contre, dire que cette pensée commune peut être performante et dépasser la somme de ses constituants, de cela je n’en crois rien car je ne vois aucun exemple crédible et le texte de Descartes le rappel très justement.

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Message par Chut Ven 26 Oct 2012 - 20:37

Je vois que monsieur a bossé. :)

Je ne comprends pas trop l’argumentation sur Descartes. Et avoue humblement, il s’agit d’une confession, que si l’Ethique avait été écrite par Dudule, je ne l’aurais probablement jamais lue. Et c’est dommage que je perde mes neurones, car j’ai entendu de je ne sais plus qui il y a pas longtemps une assez brillante argumentation dont j’ai également oublié la teneur pour dire que les confessions de St Augustin n’en étaient pas, des confessions.

Qu’est-ce que tu entends par confession exactement ?

Est-ce tu entends par là qu’en prétextant pour soi ou autrui un travail de type philosophique on soit amené à nécessairement prendre, volontairement ou involontairement, pour objet soi-même, avec pour but essentiel, conscient ou inconscient, de se dire soi-même dans sa singularité ou dans la singularité de son rapport plus ou moins pertinent à l'objet d'étude, au travers du choix particulier d’une modalité d’existence ou pour x raisons tout aussi particulières ?

Et quelle dimension pour ce qui pourrait s’interpréter comme l’aveu de fautes là-dedans ? quelles fautes ?

Evidemment qu’on se dit toujours en partie soi-même, ne serait-ce que dans la forme qu’on utilise (et j'irai jusqu'à dire : heureusement, sinon ça serait sûrement assez chiant), évidemment qu’on utilise en partie son propre matériau, (parce qu’aussi c’est un matériau privilégié, qu’on a sous la main) qu’on est toujours quelque part son propre sujet d’étude, on fait partie du bingnz faut l'avouer ; dans le même ordre d’idée on dit que les psy sont leur premier client ;

mais enfin l’ambition se situe ailleurs, non ?

Ce serait oublier qu’il s’agit de travailler sur le réel du monde afin de le rendre lisible, compréhensible par tous, non ? Sinon, quel intérêt ? ( par exemple quel intérêt au fond le premier paragraphe de ce post recèle-t-il ? pas grand-chose, l’objet essentiel dit par l’auteur étant une relation particulière à sa mémoire, à son rapport à la lecture : on s’en fout royalement.)

Pour faire un mot facile je dirais que l’inconscience de Nietzsche n’est pas allée jusqu’à lui faire imaginer que sa philosophie n’était pas une confession, elle s’est bornée à lui faire croire que toutes l’étaient.

Et après tout il a peut-être raison, l’important restant à mon avis que ça ne pèse pas trop, que ça ne prenne pas trop d’espace, et surtout que ça trimbale en plus assez de substance riche pour nourrir une réflexion utile à tous.

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Message par euthyphron Ven 26 Oct 2012 - 22:07

Deux sujets en un : la pensée peut-elle être collective? la philosophie est-elle une confession? Le point commun me paraît se trouver dans la question suivante : la pensée peut-elle être désincarnée?
Car "pensée collective", après tout, est une image. Penser, verbe actif, requiert un sujet, corps et âme. Donc, une pensée collective n'est, au mieux, que la rencontre de plusieurs pensées individuelles. Ce n'est pas le groupe qui pense, même s'il peut être une motivation pour mieux penser.
Quant à la confession du philosophe, autant je ne vois strictement aucune raison pour exiger du philosophe qu'il rende témoignage de ses états d'âme, autant je trouve toujours particulièrement intéressant les moments où un auteur explique ce qui l'a poussé, lui, à écrire ceci qu'on a sous les yeux, au lieu de faire comme si ses écrits lui avaient été dictés par la Raison universelle dans le grand silence des abstractions irréfutables. Remarquons que les philosophes non désincarnés ne sont pas forcément ceux que l'on croit.

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Message par poussbois Sam 27 Oct 2012 - 0:48

Oui, merci Euthyphron de faire la synthèse que j'avais du mal à faire. J'allais dire que je me sentais plus d'affinité avec une confession du XVIIe siècle qu'avec une boite de soupe virtuelle, mais c'est mieux dit comme tu fais.

Le travail de groupe n'est pas désincarné à proprement parler, mais il est difficile à cerner et à comprendre. Il présente un intérêt complexe avec des informations contradictoires et des difficultés d'accés et de compréhension quand on ne connait pas les contributeurs ou celui qui a suscité leur adhésion. Il y a moins d'évidence, d'intelligibilité et on court le risque soit du patchwork, soit du document technique impersonnel. Si les auteurs assument leur idiosyncrasie respective, il ne peuvent tendre à l'unité des contributions. Au contraire, s'ils l'étouffent pour se rapprocher d'un travail collectif, on risque sans leader de tomber dans l'impersonnel qui déresponsabilise et déconnecte de la réalité.
D'où l'importance pour moi de cette relation directe entre une oeuvre et son auteur.

S'il existe une pensée commune, il existerait alors une conscience et donc un inconscient commun. C'est peut-être du côté de Jung que Cédric pourrait aller trouver des exemples de pensées collectives.

Petite incise : la confession d'un auteur n'est bien entendu pas obligatoire ni nécessaire ; mais surtout, elle n'est pas que volontaire, ce n'est pas une démarche active, c'est inscrit dans l'oeuvre quoi que l'auteur ait voulu dire ou faire. C'est la thèse de Nietzsche ou du moins ce que j'en ai compris.


Dernière édition par poussbois le Sam 27 Oct 2012 - 18:55, édité 1 fois

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Message par Chut Sam 27 Oct 2012 - 12:54

Bon, on ne veut toujours pas me dire ce qu’est une confession, ni s’il est pertinent d’employer ce terme en philo, bande de cathos refoulés va. :)

@ Euthyphron : où, quand, comment, pourquoi les idées arrivent, je suis d’accord que c’est intéressant, mais seulement un peu au même titre que les anecdotes dans l’Histoire ou le sel dans la cuisine (mais un superflu essentiel diront certains), d’autant plus qu’apparait souvent un aspect dérisoire, des conjonctions absurdes, des coïncidences abracadabrantes, des grains de sable, des inattendus. Je mets de côté bien sûr l’aspect important de rendre à César.

A titre personnel c’est presque systématiquement le matin sous la douche que les idées déboulent. Ce qui pose un problème car il m’arrive alors de sortir brusquement de la douche cinq ou six fois de suite en mettant de l’eau partout au grands dam et incompréhension et récriminations acerbes de ma dame, partout y compris bientôt sur le bout de papier infâme et le bout de crayon récupérés entre deux serviettes, papier devenant vite illisible, les traces finissant par disparaître, noyées dans l’eau dégoulinant, et les idées géniales avec.

@ Poussbois : haha le mythe du leader, « relation directe entre une œuvre et son auteur » : espèce de libéral, va. :)

Petite digression, définitivement il faut comprendre que ce ne sont pas les meilleurs qui prennent et ont le pouvoir, mais les plus forts. C’est pour ça que Socrate meurt, il se range parmi les meilleurs, pas parmi les plus forts, et tout simplement parce que les plus forts c’est une affaire d’individus, alors que les meilleurs non : Socrate dit : ce n’est pas moi que tu écoutes, c’est la vérité.

Par exemple, le divin Euterpe n’a il me semble encore rien compris à ça.

Moi, ma vie, mon œuvre : foutaise, ça prouve juste que le but est une quête de reconnaissance et de profit individuel, il ne s’agit plus d’œuvrer pour le bien commun en s’effaçant. Mais bon, c'est humain, difficile d'y échapper.

D’un point de vue purement technique et basique, quelle réunion à tout niveau se passe systématiquement sur le schéma réglementaire simplifié suivant : interactions diverses favorisant l’éclaircissement des positions individuelles, puis écoute successive de tous, puis vote secret déterminant l’orientation à prendre, expression d’une pensée peut-être parfois mystérieuse mais collective ?

Dès qu’il y a leader, il y a exercice illicite du pouvoir par la force. Que veut le libéral ? : avoir les coudées franches, le moins possible de règlements qui puisse entraver l’expression de sa force. Et dans l’expérience Spira ce risque est bien montré sous deux aspects différents (chef d’orchestre et leader), le côté pervers étant que ça apporte sur le coup du plus, la morale de l’histoire étant finalement que ce ne peuvent être que des moments limités de l’histoire mais aucunement rendre compte d’un fonctionnement permanent satisfaisant pour tous et respectueux des individus.

Pour revenir à l’auteur, à mon avis le seul cas où il peut exprimer légitimement une pensée individuelle c’est dans l’art. C’est par exemple en partie grâce à la dimension artistique, littéraire ou poétique ici, qu’on peut être enclin à se trouver moins rebuté ou agacé par un poids excessif des considérations « confessionnelles».

Et quand les deux peuvent être conciliées, comme dans Platon il me semble, alors là c’est encore mieux.

Pour continuer sur l’art et revenir au sujet du collectif, je dirais d’abord que toute pensée individuelle est par le fait une pensée de nature collective, dans le sens où elle est le fruit d’une collecte et d’une synthétisation suivant des modalités à la fois hiérarchiques et d’harmonie.

Et par ce concept d’harmonie on rejoint à la fois l’art, la politique et la possibilité de concevoir une pensée collective, car par pensée collective il ne s’agit évidemment pas comme le dit avec une logique imparable Euthyphron d’envisager une pensée de groupe, ni même complètement valablement de l’envisager comme une juxtaposition de pensées poursuivant leurs chemins individuellement en se heurtant parfois aux autres comme mode préférentiel de relation, mais d’envisager une pensée qui fonctionne avec écoute, reconnaissance et intégration et critique possibles des pensées des autres.

Cet ensemble fonctionnant harmonieusement et dans la paix et la liberté (ou dans une harmonie préétablie mais critiquable vu ce qu’on peut souvent observer, Leibnizienne), peut être il me semble qualifiée de pensée collective.

Dès qu’une pensée est connectée à d’autres avec comme but non pas une lutte mesurée et interactive pour construire des synthétisations positives et allant vers la vérité et la sagesse mais au contraire avec pour but la reconnaissance ou la féodalisation d’autrui, la guerre et la destruction par analyse et rejet, le collectif n’est plus possible.

Dit autrement, il y a à mon avis donc forcément à considérer une nécessaire dimension esthétique à la fois dans une pure expression individuelle qui vaut, mais également dans l’expression d’une possible pensée collective. Penser collectivement n’est pas donné, penser collectivement est un art.

Harmonie et paix.

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Message par poussbois Sam 27 Oct 2012 - 19:30

C'est très beau et joliment dit.

Mieux, c'est particulièrement machiavélique car c'est impossible à réfuter sans passer pour une méchante brute libérale !

De plus, toute pensée qui propose une démarche dynamique, une gestion des déséquilibres et des tensions, plutôt qu'une recherche de point de chute figé, me plait tout particulièrement. L'option que tu proposes m'intéresse donc.

Par contre, si tu as magnifiquement repris la main, ce que tu décris me semble plus être un fonctionnement de type démocratique : échange, confrontation, choix. Je n'avais jamais vu ça comme une pensée collective, mais plutôt comme une façon pratique de se mettre d'accord sur des choix qui engagent la collectivité. Le non au référendum de 2005 serait donc, d'après toi, le résultat d'une pensée collective. Pourquoi pas. Ce n'était ni très harmonieux ni particulièrement pacifié, mais suffisament pour que ce soit accepté par tous, de fait. Mais c'est la sentence du vote qui a été acceptée, pas l'idée puisque quelques années après, nos chers élus on remit le couvert mais en faisant l'impasse sur le vote démocratique. Le nouveau vote (des élus) a été accepté de même, mais avec toujours autant de désaccord entre les parties.
Dans le cadre d'une pensée collective, on s'attend à un agrément final de tous, une homogénéisation des avis. Dans le cadre d'un fonctionnement démocratique, il est simplement prévu une validation collective du vote et de ses conséquences.
La pensée collective deviendrait alors une utopie et la démocratie son ersatz dans la vraie vie ? :D


Dernière édition par poussbois le Sam 27 Oct 2012 - 20:27, édité 1 fois

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Message par euthyphron Sam 27 Oct 2012 - 20:26

C'est magnifique comme vous arrivez à rendre intéressant un sujet qui l'est sans doute, mais sans, reconnaissons-le, que ce soit gagné d'avance.
Je disais récemment qu'il était bon de dire pourquoi l'on avait choisi d'exercer sa réflexion sur un sujet. J'ai grâce à cela appris ce que faisait Chut sous la douche, mais cela ne nous regarde pas :| . Donc, j'applique.
poussbois a écrit:Dans le cadre d'une pensée collective, on s'attend à un agrément final de tous, une homogénéisation des avis.
Oui, oui, et non. Oui, parce qu'une pensée collective, même quand on n'est pas un ancien soixante-huitard, suppose une vision commune, une manière démocratique, je suis d'accord, de vivre. Cela, c'est si l'on croit à la pensée collective. Oui aussi, parce que l'on ne discute qu'en vue de trouver ce qui peut mettre d'accord les discuteurs. Mais non, parce que la dialectique, le mot est lâché, présente un intérêt en elle-même, indépendamment de toutes les conclusions que l'on peut en tirer.
Or, bien que j'ai dit que penser était un acte qui supposait un sujet individuel, ce que je ne renie pas, il n'empêche qu'autrui n'est jamais absent de cette activité. Penser, c'est se demander ce que penserait un autre, et se situer par rapport à lui. Cela va donc plus loin qu'un simple souci démocratique de se préoccuper de ne pas décider sans consultation. Merleau-Ponty disait que penser recherchait un triple accord, avec soi-même, avec le réel, et avec autrui. L'occultation de l'un des trois suffit à mon sens pour faire dégénérer la pensée en imposture. Et celui des trois qui risque d'être le plus occulté, c'est autrui. Si l'on veut, donc, toute pensée est collective, en ce sens très précis.

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Message par Bergame Dim 28 Oct 2012 - 10:57

Absolument. D'où il ressort que les idées claires et distinctes de Descartes procèdent d'un oubli d'Autrui -pour ainsi dire.

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Message par cedric Dim 28 Oct 2012 - 11:16

Ce que j'apprécie dans la phénoménologie, qui s'oppose aux visions idéalistes du type de Descartes ( qui pense s'isoler, seul, du monde ), c'est que précisément, autrui est une stucture de la pensée. En ce sens, être seul est impossible, par définition. Ce qui ne veut pas dire qu'une pensée collective correspondrait à une pensée totalitaire qui ruinerait les individualités. Peut-être qu'il faut affiner ce que pourrait vouloir dire une pensée collective. Sans doute même les termes " pensée collective " sont impropres, car ils présupposent une agrégation, une construction qui, a priori, est déjà là.

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Message par Bergame Dim 28 Oct 2012 - 11:40

Oui, mais je ne suis pas d'accord : Autrui n'est pas une structure de la pensée. C'est une représentation beaucoup trop intellectualiste, en particulier pour le psychologue que je suis. En fait, selon moi, c'est presque l'inverse : C'est par la pensée que nous pouvons être seul. C'est la pensée qui isole. Descartes, pour le coup, y parvient très bien. C'est par la pensée qu'il s'abime en lui-même, et découvre le cogito -et bien sûr que c'est le cogito, qu'ainsi, il découvre. Mais, comment dire, en fait, nous ne sommes jamais seul, dès le premier moment. Tout ce qui est de l'ordre de l'émotion, de l'affect, du ressenti implique une participation à quelque chose qui dépasse l'Ego. C'est par l'émotion que nous pouvons être collectif, et non par la pensée. Il me semble que les doutes de poussbois et d'euthyphron viennent d'une représentation trop intellectualiste du collectif -non ? Parce qu'une situation discursive peut, éventuellement, déboucher sur un accord -admettons-en l'augure. Mais cet accord n'est pas encore, me semble-t-il, une "pensée collective".
A mon avis, c'est cela, ton "déjà-là" : L'espèce de fusion que permet, sous certaines conditions, l'affect. Ca nous ramène à la question de la communauté, éventuellement : Une communauté, c'est d'abord de l'affect.

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Message par euthyphron Dim 28 Oct 2012 - 14:05

Il ne faudrait pas être injuste envers Descartes. Tout d'abord, la phénoménologie lui doit beaucoup, mais ceci est le moindre de ses mérites Cool.
Mais surtout, ce n'est pas parce qu'il est l'auteur du cogito qu'il se croit seul au monde. Les Méditations métaphysiques sont un sommet de la philosophie, ce qui n'aurait pas de sens s'il n'y avait jamais eu personne pour les lire. Rappelons une originalité éditoriale remarquable : ce livre doit être publié avec les objections et réponses, qui constituent en quelque sorte le tome deux de l'ouvrage. Je ne connais pas beaucoup de penseurs qui aient ainsi intégré la pensée d'autrui à leur propre oeuvre.
Sur le second débat : autrui est-il une structure de la pensée? il me semble plutôt, comme dirait Platon, que c'est le même et l'autre qui sont les catégories qui structurent la pensée. Donc, plutôt d'accord avec Bergame, autrui sans l'affectivité ce n'est plus autrui. Mais je trouve, Bergame, que tu n'es pas assez psychologue :pirat:. Il n'y a pas lieu d'opposer l'intelligence et l'affectivité comme s'il s'agissait de deux entités imperméables, si l'on parle de la relation à autrui. Ce n'est pas seulement l'émotionnel, c'est toute la vie de la conscience, et de l'inconscient aussi cela va de soi, qui présuppose l'autre. Si c'est cela que veut dire Cedric, alors je suis d'accord.

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Message par Bergame Dim 28 Oct 2012 - 15:02

euthyphron a écrit: Les Méditations métaphysiques sont un sommet de la philosophie, ce qui n'aurait pas de sens s'il n'y avait jamais eu personne pour les lire.
Mais je suis bien d'accord. Sauf que ceci n'est pas un argument en faveur de Descartes, mais bien une critique. Car ce que tu es en train de dire, c'est que les Méditations Métaphysiques n'ont de valeur et d'intérêt qu'autant qu'elles décrivent une expérience subjective que peut éventuellement réaliser autrui à son tour -ou non, comme en témoignent certaines des critiques des MM, qui rendont compte d'une expérience différente- et non pas parce qu'elles découvrent une idée claire et distincte, une pensée qui serait vraie en soi.
Et en l'occurence, pardon, mais la découverte du cogito passe bien par une expérience qui consiste à abolir Autrui -certes, par la pensée. Qu'Autrui doive être réintégré a posteriori, comme discutant, ne montre rien d'autre que, de fait, Autrui est toujours là et reste bien là, même après avoir été aboli -par la pensée. Autrui est là en tant que lecteur, il est là en tant que critique, il est là en tant que discutant de l'universalité de l'expérience -"Non, René, je ne suis pas d'accord avec toi, moi je ne vis pas les choses comme toi, tu ne peux ériger ton expérience subjective au rang d'universel"- il est toujours là. Mais comme tu le notes, cette démonstration -ou plutôt cette monstration- ne trouve pas sa place dans les MM, elle la trouve à côté, et en constitue donc plutôt une réfutation empirique.

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Message par euthyphron Dim 28 Oct 2012 - 16:41

C'est un faux procès. Tout d'abord, le cogito ne résulte pas de l'abolition d'autrui, il serait même plus exact de dire que c'est le résultat de l'abolition de soi-même, plus précisément de la mise entre parenthèses de toutes les données de la conscience.
Ensuite, la publication des objections n'est pas la réintégration d'autrui mais une intégration pleine et entière, car ce n'est pas Descartes qui rédige lui-même les objections! Et de plus il leur répond! Qui d'autre a fait cela? j'avoue mon ignorance, je n'en connais pas d'autre.
Ce qui est exact c'est que Descartes serait hostile à toute idée de pensée collective, que ce soit sur le plan théorique (cela ne peut pas vraiment exister, sauf comme manière de parler) que sur le plan pratique (se mettre à plusieurs pour pondre, ce n'est pas son genre), le texte envoyé par Courtial le montre bien. Il y a en effet chez Descartes une morale de la liberté très aristocratique, celle du généreux qui donne de lui-même et cherche à valoir. Donc, cela passe par une valorisation de l'individu, en effet. Mais c'est le meilleur moyen de tisser des liens solides avec autrui, car entre généreux on est capable de se reconnaître.

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Message par cedric Dim 28 Oct 2012 - 17:04

euthyphron a écrit:Il n'y a pas lieu d'opposer l'intelligence et l'affectivité comme s'il s'agissait de deux entités imperméables, si l'on parle de la relation à autrui. Ce n'est pas seulement l'émotionnel, c'est toute la vie de la conscience, et de l'inconscient aussi cela va de soi, qui présuppose l'autre. Si c'est cela que veut dire Cedric, alors je suis d'accord.

Très bonne formulation.

Bergame écrit :

Oui, mais je ne suis pas d'accord : Autrui n'est pas une structure de la pensée. C'est une représentation beaucoup trop intellectualiste, en particulier pour le psychologue que je suis. En fait, selon moi, c'est presque l'inverse : C'est par la pensée que nous pouvons être seul. C'est la pensée qui isole. Descartes, pour le coup, y parvient très bien. C'est par la pensée qu'il s'abime en lui-même, et découvre le cogito -et bien sûr que c'est le cogito, qu'ainsi, il découvre. Mais, comment dire, en fait, nous ne sommes jamais seul, dès le premier moment. Tout ce qui est de l'ordre de l'émotion, de l'affect, du ressenti implique une participation à quelque chose qui dépasse l'Ego. C'est par l'émotion que nous pouvons être collectif, et non par la pensée. Il me semble que les doutes de poussbois et d'euthyphron viennent d'une représentation trop intellectualiste du collectif -non ? Parce qu'une situation discursive peut, éventuellement, déboucher sur un accord -admettons-en l'augure. Mais cet accord n'est pas encore, me semble-t-il, une "pensée collective".
A mon avis, c'est cela, ton "déjà-là" : L'espèce de fusion que permet, sous certaines conditions, l'affect. Ca nous ramène à la question de la communauté, éventuellement : Une communauté, c'est d'abord de l'affect.

Je suis un peu psychologue aussi Wink Je vois ce que tu veux dire, au fond tu discutes du statut ontologique de la proposition non ? Si tu veux partir sur l'émotion, et c'est légitime, alors c'est le statut de l'empathie qu'il faut discuter. Mais je ne sais pas, la pensée n'est-elle pas aussi un affect ? C'est quoi la pensée, le résultat d'un processus cérébrale dans la tête ? Je n'ai pas l'impression que la pensée soit dans ma tête, impression fausse ? Intérieur, extérieur ? Le mot de Nietzsche, savoir, c'est sentir que l'on sait.


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Message par Chut Dim 28 Oct 2012 - 17:51

rolala, mais vous n'arrêtez jamais ici. A peine le temps de commencer à envisager une réponse partielle à Poussbois (en passant merci Poussbois) sur la démocratie que dix autres posts se sont accumulés !

Là, juste une remarque en passant sur le but qui serait de se mettre d'accord, présenté je crois par Euthyphron ; suivant l'idée de l'harmonie je dirais plutôt se mettre en accord, au sens d’un accord musical constitué, en simplifiant, de plusieurs notes jouées simultanément et qui tout en étant différentes, et donc pas-d’accord au sens ordinaire, produisent un objet qui a du sens et une valeur.

On trouve cette apologie du collectif chez Schopenhauer, par contre c’est bizarrement pour en faire une critique assez destructrice (mais que je trouve finalement assez drôle par son côté excessif, sacré Schopi…) dans le sens où il considère que cette façon de fonctionner ne concerne que les gens ordinaires (sous-entendu pas intelligents comme lui par exemple), qui se groupent pour « s’ennuyer en commun ». (au passage c’est marrant de rapprocher russe et collectif)

« On peut, dans ce sens, comparer la société ordinaire à cet orchestre russe composé exclusivement de cors et dans lequel chaque instrument n’a qu’une note ; ce n’est que par leur coïncidence que l’harmonie musicale se produit. En effet, l’esprit de la plupart des gens est monotone comme ce cor qui n’émet lui aussi qu’un son : ils semblent réellement n’avoir jamais qu’un seul et même sujet de pensée, et être incapable d’en avoir un autre. (…) Ce n’est que réunis et par leur réunion qu’ils sont quelque chose, tout comme ces sonneurs de cor. »

En ce qui concerne Descartes et son cogito, je viens de faire un rapprochement avec une idée que j’ai eue en lisant un passage de Bergson qui évoque Berkeley (c'est moi qui souligne) :

«Si Dieu imprime en chacun de nous des perceptions ou, comme dit Berkeley, des « idées », l’être qui recueille ces perceptions ou plutôt qui va au-devant d’elles est tout l’inverse d’une idée : c’est une volonté, d’ailleurs limitée sans cesse par la volonté divine. Le point de rencontre de ces deux volontés est justement ce que nous appelons la matière. Si le percipi est passivité pure, le percipire est pure activité. Esprit humain, matière, esprit divin deviennent donc des termes que nous ne pouvons exprimer qu’en fonction l’un de l’autre. »

L’idée serait de considérer la matière comme constituant proprement la connexion (mon dada actuel) entre l’esprit divin et l’esprit humain. Ce qui aurait bien sûr pas mal de conséquences, une parmi d’autres concernerait l’immortalité possible de l’âme (ce n’est pas parce qu’une connexion cesse d’être fonctionnelle que les deux éléments au bout doivent forcément disparaître), ou encore le problème posé par l’hypothèse religieuse qui dit que l’âme de l’homme rejoint celle de Dieu après la mort : comment deux objets entre lesquels à cessé de fonctionner la connexion pourraient-ils se rejoindre ? etc etc

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Message par euthyphron Dim 28 Oct 2012 - 18:32

Chut citant Schopenhauer a écrit:« On peut, dans ce sens, comparer la société ordinaire à cet orchestre russe composé exclusivement de cors et dans lequel chaque instrument n’a qu’une note ; ce n’est que par leur coïncidence que l’harmonie musicale se produit. En effet, l’esprit de la plupart des gens est monotone comme ce cor qui n’émet lui aussi qu’un son : ils semblent réellement n’avoir jamais qu’un seul et même sujet de pensée, et être incapable d’en avoir un autre. (…) Ce n’est que réunis et par leur réunion qu’ils sont quelque chose, tout comme ces sonneurs de cor. »
Ah je comprends mieux maintenant pourquoi ce grand schopenhauerien qu'était Georges Palante ne cessait de vilipender l'esprit de cor(ps). 👽

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