La rubrique à brac du Neopilina.
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jean tardieu
hks
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neopilina
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
ben non ... et j'ai pourtant cherché...et même dans les monogrammes de l'époque
hks- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
hks a écrit:ben non ... et j'ai pourtant cherché... et même dans les monogrammes de l'époque
Merci hks. Je comptais sur tes innombrables lumières, notoirement dans un cas pareil ! Le plus agaçant, c'est que je " connais " ce coup de crayon. J'ai grandi avec des volumes reliés à l'année, au semestre, c'est selon, de journaux de cette période (la nuit, je fais encore des cauchemars, les horreurs des uns et des autres en Crimée, Thiers sur son lit de mort, nan, je déconne !). Bon, bon, je vais me débrouiller.
Et du temps que j'y suis, pas de tuyaux pour les fragments de poésie (un lien, un site, etc.) ?
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Ta gravure ne me semble pas au niveau du talent d'Amédée de Boret.
hks- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 04/10/2007
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
hks a écrit:Ta gravure ne me semble pas au niveau du talent d'Amédée de Boret.
Du coup, suite à cette intuition, " ressemblance ", j'ai regardé ce qu'il a fait cet Amédée de Boret. Pour commencer, j'ai vu que je le connaissais, certaines oeuvres, sans connaître son nom. Et effectivement, il y a des choses superbes, extrêmement travaillées, fouillées, soignées, on voit un artiste tout à son oeuvre, qui donne tout ce qu'il a. Et donc, a contrario, on voit aussi le reste, le " tout venant ", le " pain quotidien " (et toute personne qui vit de son art connaît ça, et on a jamais vu personne tout le temps à fond, au top), pour la presse, etc. Mais ça ne va pas avec le monogramme. De Boret signe très rarement sur l'oeuvre, et quand il le fait c'est avec son nom " A. de Boret ", etc.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Du 1 juin au 30 août 1987, j'ai fait un stage scolaire dans les Pyrénées. Le plus officiellement du monde, contrat, fiches de paie, couverture sociale, je travaillais pour l'O.N.C. (L'Office National de la Chasse devenu depuis O.N.C.F.S. puis O.F.B.). Le maitre de stage est un docteur de l'O.N.C. qui travaille sur le massif pyrénéen, principalement sur le grand tétras (Tetrao urogallus), mais pas que. Il a besoin de données (tout le monde a besoin de données !, nan, je déconne ! En fait, non !). Je suis là pour lui en fournir. Une fois que j'ai bien compris ce qui est attendu (instruments, méthodes, etc., etc.), il aborde quelques sujets adventices, annexes, et néanmoins très utiles. Lui : " On a perdu la trace d'un randonneur de Toulouse dans le secteur ... " Il hésite. Moi : " Depuis quand ? " Lui : " L'année dernière ... " Je suis prévenu. Si le monsieur est toujours dans le secteur, après un hiver, il est plus que mort. Et donc, si je fais une découverte macabre, je ne dois pas être trop surpris. Je passerais à coté de ce corps des dizaines de fois. Mais je ne le verrais pas, je ne le sentirais pas, et pour cause, après une chute de plusieurs dizaines de mètres, il est tombé dans un petit ruisseau, et même une petite vasque, de 30 ou 40 centimètres de profondeur. La microfaune aquatique, et l'eau de la montagne, ont fait un boulot impeccable : peu après mon départ, c'est un forestier (?, en fait je ne sais plus) qui a trouvé un squelette, blanchi, dans des vêtements, très propres. Il continue. Lui : " Sinon, t'es en zone à ours, donc là, je te le demande, tu relèves tout [jour, heure, localisation, description]. Rarement, il y a des dégâts sur le bétail [peu de bétail sur ma zone de travail : du mouton en marge, et un petit troupeau de chevaux de Merens, l'un d'eux ayant chuté mortellement, les vautours s'installeront dans le coin en attendant qu'il soit " mûr "]. Dans ce cas, les gardes de l'O.N.C. viennent verbaliser, et le propriétaire est indemnisé ". Effectivement, j'étais en zone à ours. Une fois, je tombe sur des griffures sur un résineux tellement fraiches que la résine coulait encore, j'ai pris les notes de rigueur le dos collé à un arbre en scandant intérieurement : " Vite ! Vite ! " et me faisant violence pour ne pas détaler. Je me suis senti devenir minuscule. A plusieurs reprises, toujours au même endroit, c'est des roches, rochers, souvent énormes, retournés : l'ours les retourne et ramasse toutes les bestioles qui se croyaient à l'abri. Des fois, la terre mise à l'air libre n'est pas encore séchée. Le maître de stage m'avait expliqué la conduite à tenir. Lui : " Si tu te fais courser ... " Moi : " Ha bon !?, on peut se faire courser !? " Lui : " Oui : si, sans le savoir, tu passes entre la mère et ses petits, là, elle va mal interpréter la chose ". Moi : " Mais encore ? " Lui : " Tu n'as aucune chance de la semer ... ". Moi : " Fantastique ! " Lui : " ... sauf si tu cours dans le sens de la pente, l'ours ne peut pas te suivre, il est obligé de ralentir à cause de son poids et de l'arrière train qui va vouloir passer devant, c'est lui qui va se vautrer, si tu ne t'es pas vautré avant, bien sûr ". Moi : " Bah oui ". Les pentes du coin affichent une moyenne de 70%, toute la journée, on lève les genoux, très haut. En dehors de ma zone d'étude, j'assisterais à une verbalisation pour dégâts d'ours. Les deux gardes examinent plusieurs carcasses de moutons qui ont dérochées (chutées). Thèse du propriétaire : à cause de l'ours. Les gardes font la tête, ils remplissent le P.V., l'homme sera indemnisé, bien. Une fois qu'il est parti, ils m'expliquent que l'ours n'y est pour rien. A peu près tout et n'importe quoi a pu faire chuter ces animaux, mais pas l'ours : aucune trace de consommation sur les carcasses. Alors je demande pourquoi, au bénéfice d'un doute, inexistant, ils ont rempli un P.V. Réponse : on achète la paix. Pendant ces trois mois, outre les petits chevaux de Merens qui sont sur zone, je verrais de temps en temps un troupeau : je n'en verrais aucun de gardé. Le maître de stage continue : " Les loups. Il y en a du coté espagnol [toute la limite Sud de ma zone d'étude suit la frontière, parfaitement invisible si on ne le sait pas], mais on ne les voit jamais de ce coté ". Malgré toute sa bonne volonté, le maître de stage a oublié une chose : les " contrebandiers ". Hé oui, il y a des endroits où on dit encore " contrebandiers ". Pour mon séjour, on m'a prêté un refuge de l'O.N.F. Il y a deux portes, une métallique, renforcée à outrance, etc., pour protéger le refuge quand il ne sert pas. Et juste derrière, à l'intérieur, une porte vitrée, pour avoir un maximum de lumière. Il n'y a pas d'électricité, l'eau courante, très, est à deux cent mètres, c'est une source glacée même en été, quant aux toilettes, elles sont portatives : une pelle et un rouleau de papier idoine près de la porte. Derrière le refuge, il y a une jungle luxuriante, on ne se demande pas pourquoi. Je positionne le lit de façon à voir à travers la porte. Une nuit de pleine Lune, forcément, on voit beaucoup, beaucoup, mieux, vers trois heures du matin, je suis réveillé par des bruits de pas, sur ce sentier, impossible de ne pas heurter quelques cailloux sauf à prendre une heure pour faire cent mètres. On monte ou on descend ? Les bruits se rapprochent : on descend. Et je vois passé un type avec un colossal sac à dos, ça dépasse de cinquante centimètres au dessus de sa tête. Il ne tourne pas la tête et, littéralement, passe son chemin, par la suite je comprendrais qu'il ne doit pas avoir l'habitude de voir ce refuge ouvert. J'en parle au maître de stage. Lui : " Ha oui, c'est un contrebandier ! Sac énorme, c'est léger, c'est des cigarettes ou du cheet ou les deux. Y'a quelqu'un qui est venu le chercher à une heure convenue à un endroit convenu au bord d'une route. C'est des courageux, d'un coté à l'autre [de l'Espagne vers la France], c'est des courses de 7, 8, heures. Y'en a qui raccourcissent, mais plus tu raccourcis la course, plus tu te fais choper ". Bah oui, les routes en question, au pied des plus hauts massifs, c'est des culs de sac des deux cotés, et les gendarmes, aussi, connaissent la musique. Plus le type va rester en montagne puis en forêt, mieux c'est. Bon, les routes qui passent la frontière, faut oublier, c'est, si n'est du suicide, de la loterie, de la roulette russe. J'avais un ami douanier dans l'Ariège. Un jour, dans un pierrier chauffé à blanc par le soleil, je capture un petit lézard, même pas 15 centimètres de long, sachant que chez les lézards, la moitié de la longueur c'est pour la queue, c'est une toute petite bestiole. Je m'assoie, je sors le carnet et le stylo, j'examine délicatement la petite bête, qui se calme rapidement, et je prends note de tout ce que je peux avec le vocabulaire adapté. J'ai su au premier coup d'oeil que c'est un lézard de la famille des lacértidés. J'essaye donc de l'identifier aux lézards français de cette famille. Impossible. Il ne rentre dans aucune " boite ", ce n'est pas un des lacértidés français, que je connais. A contrario, je sais qu'avec cette famille de lézards, " on a des soucis " dans les Pyrénées. Il y a des choses à éclaircir, très manifestement, mais en même temps donc, faute de mieux. Non, non, je ne vais pas mettre cette petite bête dans un flacon de conservateur. Je le relâche, mais j'ai toujours la description !! Et puis, des années plus tard, c'est deux herpétologues (salariés ou pas, peu importe) espagnols qui décident de prendre à bras le corps le " souci " pyrénéen avec des petits lacértidés. Tout de même : en 1987, un séquençage coute encore une fortune et ça prend un temps fou, je ne suis pas du cru, etc. Aujourd'hui, on séquence à tour de bras. Les polynésiens sont allés jusqu'à l'Amérique du Sud : c'est ce que montre les séquençages de la patate douce et de la volaille d'Amérique du Sud, l'origine polynésienne est indubitable. Et les polynésiens, comme c'était déjà occupé, ils sont repartis, etc. La génétique, c'est fabuleux, et ça ne fait que commencer. Il y en a certain que l'intelligence artificielle inquiètent, ils ne regardent peut être pas au bon endroit. Aujourd'hui on cultive des masses importantes de neurones dans des environnements artificiels et contrôlés, etc. Je reviens aux lézards problématiques des Pyrénées. Les deux espagnols vont s'apercevoir que les sommets, ou des vallées bien isolées (géologiquement), des Pyrénées fonctionnent comme les iles de l'archipel des Galapagos : les populations isolées en altitude par la forêt qui occupe les versants évoluent dans leur " coin ". Et à terme, ça nous donne des espèces, à la fois proches et bien distinctes, comme les fameux pinsons de Darwin. Dans les Pyrénées, beaucoup d'animaux, et pas seulement des lézards, vivent au dessus de la limite supérieure de la forêt (notamment pour des rasions d'ensoleillement, bien compréhensibles pour les reptiles). Les espagnols ont commencé et terminé, pour l'essentiel, le travail : ils ont décrit et nommé (un petit privilège dans le domaine, en respectant les règles d'usage, quand on découvre une ou plusieurs espèces) les petites espèces de lacértidés des Pyrénées, au nombre de trois, et pour fêter ça, le nom de genre choisi est " Ibero- ", on a donc le lézard des Pyrénées, Iberolacerta bonnali, le lézard d'Aurelio, Iberolacerta aurelioi, et le lézard du val d'Aran, Iberolacerta aranica. Le maître de stage continue de me briefer : " Dans la zone d'étude, t'as le massif de ..., tu vois, là [sur la carte], alors là, il faut que je te prévienne, le versant Sud est infesté de vipères aspics, on n'a jamais vu des densités pareilles ... " Moi : " Ha bon ? [j'ai un mal indescriptible à faire le candide] " Lui : " Quand il a fallu faire une réserve de chasse sur la commune de ..., les chasseurs ont mit de suite ce massif, ils perdaient des chiens, y'avait des accidents. Sur ce massif, avant de t'asseoir, de poser une main, de faire quoi que ce soit, avant, tu regardes, le pantalon et les guêtres, c'est obligatoire, etc., etc., etc. " La densité est effectivement insensée, je n'ai jamais revu ça pour une espèce de serpents en France. Les individus occupent des territoires de quelques dizaines de mètres carrés. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que l'endroit est incroyablement favorable à l'espèce, cette espèce. Hormis sur les sentiers, l'homme est absent, les chasseurs ont déserté, l'ensoleillement est idéal, et ça grouille de micro-mammifères, les proies de prédilection. Le paradis, de la vipère aspic, dans les Pyrénées. Sur les massifs contigus, mitoyens, je n'ai vu qu'un autre serpent lors de ces trois mois, c'était une couleuvre à collier. C'est de très beaux spécimens de la sous espèce zinnikeri. On ne sait pas trop pourquoi, ce taxon a développé un venin très différent (notamment neurotoxique) de celui de l'espèce mère. Différent et beaucoup plus dangereux. Je me ferais mordre, à 1 700 mètres d'altitude, à une heure de marche de l'être humain hypothétiquement le plus proche, etc. " Bon, bon ". Le maître de stage, sur indication d'un bucheron, retrouvera son stagiaire aux soins intensifs, aveugle (une semaine), avec une septicémie sévère (rien à voir avec le venin, mais, c'est bien connu, les vipères ne se brossent pas les dents) qui a hypertrophié, raidi et blanchi une main et un bras, et découvrira, forcément, que si je récolte très bien des données sur le grand tétras, Tetrao urogallus, je le fais très bien aussi avec la vipère aspic, Vipera aspis zinnikeri ! En tout, je serais en " arrêt maladie " 15 jours. Dans la semaine qui suit la reprise du travail, marchant derrière le maître de stage, je vois une vipère qu'il n'avait pas vu, je la capture tranquillement, il me regarde, ne trouve pas les mots, en fait, il ne sait même pas quelle tête il doit faire, et opine du chef. Son " truc ", ce n'est pas les reptiles, et pour tout dire, les serpents encore moins (lui, c'est les oiseaux), mais il peut comprendre. A la rentrée, au lycée (et le directeur de ce lycée était un lieutenant-colonel " à la retraite ", et le bus du lycée, un bus de C.R.S. réformé, etc.), le professeur principal m'attrape : " Qu'est-ce qui s'est réellement passé ? " Pendant ce cursus, je serais également hospitalisé pour des orteils gelés, et pour une omoplate complétement fendue. Le scientifique, entre autres, certains d'entre eux mais plus que notoirement, récolte des données. Et puis un jour, c'était en été, il faisait beau, je m'en souviens (pas l'année, j'ai un mal fou avec les chiffres, mais je peux retrouver), j'étais assis sur un bord de fenêtre au rez de chaussée, à l'extérieur, je commence la lecture du " Discours de la méthode ", un texte de 1637 d'un certain René Descartes, comme un imbécile, j'ai emboité le pas du gaillard, allons-y, allons-y, et je fais l'expérience du cogito. Je m'arrête, interloqué, stupéfait, sidéré, etc. Et le donné, ne l'est plus, donné. Il est fou ou quoi ce René Descartes !? Le cogito, sa mécanique, son intimité, infernale, renversante, littéralement, copernicienne, me fera suer des années.
P.S. Mais je l'ai eu !
P.S. Mais je l'ai eu !
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Sur la plate forme d'Arte, l'intitulé d'un documentaire sur la reine Elisabeth II attire mon attention : il est commenté par elle-même. Et il a été réalisé au mois de mai 2022 ! Malin !! Et c'est effectivement des adieux personnels, oui, oui, à toi, à moi, etc., qui le veut : quelque chose qu'elle n'a jamais eu le droit de faire. On connaissait tous l'opération " London Bridge ", conduite à tenir suite à sa mort. C'était pour mieux cacher l'opération " Unicorn ", en cas où la reine meurt en Ecosse. Il était tout à fait certain, que sauf accident et autres infarctus, qu'elle s'éteindrait à Balmoral (20 000 hectares, 200 km2, moi aussi je signe !), qui est depuis son enfance, je la cite : " le havre de paix ". Elle a géré d'une main de maître, avec des médecins de valeur, sa fin de vie. Mon oncle paternel a eu cette chance. Le matin de sa mort, il a décidé de se raser, tranquillement, et assis, forcément. Et ce n'était pas une première dans la vie d'Elisabeth : quand son père meurt, elle n'est pas en Angleterre, c'est tout sauf un accident. Même la grande Elisabeth II, et ce dans un Cadre horriblement imposé, a fait quelques erreurs, comme tout le monde, mais ce n'est pas présentement le sujet. Elle a tenu sa parole : servir son pays. Elle était d'un Métal d'excellent Aloi. Salut Majesté !
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" Vide maison ".
Ce matin je suis allé à un " vide maison ". Un homme, un abbé nonagénaire, est mort il y a plus d'un an. L'héritier, il n'y en a qu'un, a fait le tri : les louis d'or, les décorations de l'aïeul, etc., ne sont plus là, forcément. Et on brade le reste. L'héritier n'est pas là, on conçoit bien. C'est la famille de voisins qui assure ce service. L'abbé a été ordonné en 1946. En 1998, il prend sa retraite et revient dans cette maison où il est né. Il fera des services quasiment jusqu'à sa mort, en 2021, pour quelques ouailles du coin qui trouvent ça très pratique. L'abbé avait une soeur, qui s'est faite religieuse, et un ainé dont je n'ai rien pu apprendre : le voisinage ignorait son existence. Le père de l'abbé a fait la guerre 14-18. Au début de l'année 1917, il est blessé, par la suite, il touche une pension pour une invalidité de 20%, et il a fait partie d'une amicale de " Gueules cassées ". J'ai donc appris aujourd'hui qu'il y avait des amicales d'anciens combattants aussi spécifiques. De son hôpital militaire, il écrit beaucoup à sa fiancée, sur des cartes postales, dans des enveloppes affranchies. L'une de ces cartes est archiconnue connue en Lorraine : c'est une vue intérieure d'une grande église lorraine éventrée par les bombardements allemands. Même en noir et blanc, on dirait une toile impressionniste ou un Turner, la lumière qui jaillit des ouvertures plus ou moins naturelles éclabousse les ténèbres environnantes où on distingue à peine quelques éléments d'architecture. On ne sait pas si le photographe a fait exprès, mais c'est très bien, gros succès. Les tourtereaux se marient en juillet 1918. Outre leurs trois enfants, ce couple accueillera des enfants de l'assistance publique jusqu'à sa retraite, ce qui n'empêche pas d'être paysan. L'abbé s'était fait faire une armoire bibliothèque, il y a quelques tiroirs fixés sous les étagères, avec serrures trois points !!! Une simple tige en acier qui court sur toute la hauteur d'un battant enclenche les trois points. Je ne savais pas que l'idée était aussi ancienne. Je demande : " L'armoire ? " " Déjà vendue ". A question idiote, réponse à l'avenant, pourtant ça " ouvrait " à 9H00, et j'étais là à l'heure. L'armoire est quasiment vide, forcément. Sur la table de la cuisine, il y a deux bougeoirs et un crucifix en cuivre, je les connais ceux là, ils servaient pour l'extrême onction, mais cette fois, il y a la petite " valisette ", le service est complet, ce qui est beaucoup plus rare, même si à un moment ce service dote tous les curés de France. Les voisins n'ont pas compris ce que c'était. Je mets les bougeoirs et le crucifix dans la " valisette ", où se trouve quelques bougies, je prends la poignée, on peut y aller ! Ils ont compris !! Par acquis de conscience, je jette un oeil sur les trucs " muets " de la bibliothèque, c'est à dire n'étant pas du premier coup d'oeil considéré comme merdouille. Je trouve un livre de Maurice Barrès, auteur lorrain, pour ne rien dire d'autre, bien connu, édition de 1916, brochure de 1917. Sur la couverture, il y a une dédicace manuscrite de l'auteur : " Au soldat X Y [le père de l'abbé] au gaits muguet, remerciements d'un lorrain. Maurice Barrès ". Tiens, même Barrès fait des fautes d'orthographe ! " Gait " est anglais, est signifie " marche, allure, etc. ", et a été utilisé tel quel en français, quant au " muguet ", c'est un type de petit poème. Et effectivement, dans cette brochure, je trouve un muguet plié, dactylographié : " SION. (A Maurice BARRES.) ... ", à la fin duquel on trouve la mention : " (Muguet, le 24 Juin 1917) ". Le soldat à l'hôpital écrit beaucoup à sa fiancée et il écrit des poèmes. Je trouve un recueil d'Alfred de Musset, et il y a des poèmes du soldat collés (soigneusement, le texte de Musset reste toujours parfaitement accessible) ou volants un peu partout dans l'ouvrage, et il est toujours à l'hôpital de, je cite : " Hôpital d'Evacuation n° 1/8. Secteur 45 ". Pas d'indication géographique, normal, c'est la guerre. Dans l'un d'eux, il envoie un trèfle à sa mère, et le brin de trèfle séché est là. Un autre évoque deux aviateurs, nommés, abattus, etc. Un marque-page bricolé porte " Hic jacet lepus " (c'est là que git le lièvre). J'ai toujours su que le courrier des soldats passait par la censure, j'en ai déjà vu. Et systématiquement, tout ce qui vient du soldat et sort de cet hôpital, est caviardé. Mais là, aujourd'hui, j'ai encore appris quelque chose. Le soldat écrit à sa fiancée sur des cartes postales. Au recto, on a donc une belle image, en noir et blanc (sauf une, de 1917 !, en couleur), et les caviardeurs ont poussé le zèle très loin, ils ont gratté certaines indications des libellés des cartes. On a un très beau " Pont suspendu ", mais on ne saura pas d'où, c'est caviardé, etc. Et avec des cartes postales, ça fait bizarre !! J'imagine la fiancée qui reçoit cette carte : " La Haute - [caviardage] - [caviardage] - Le quartier du [caviardage] Hussards " ou encore " [caviardage] - Abside de l'église ", on est très heureux de ne pas savoir où se trouve cette belle abside ! Il y a aussi des camarades qui écrivent au soldat. L'un d'eux écrit le 26 novembre 1918 : " ... je vois que tu es bien rétabli moi ça n'est pas cela tout à fait je crois que je vais être obligé de retourner à l'hôpital pour quelques temps ... " Il y a un petit truc qui m'échappe dans cette correspondance via cartes postales sous enveloppe (manifestement adopté par tous), le soldat a envoyé de très belles cartes postales à partir de cet hôpital militaire qui montrent de très belles vues de Metz et de Strasbourg, annexées depuis 1870, mais aussi de très belles vues du Berlin de l'époque, et tous les intitulés sont en français. Là, il y a un petit quelque chose qui m'échappe. Metz et Strasbourg, je peux comprendre, mais Berlin ! Il y a également un petit volume manuscrit, calligraphié avec le plus grand soin, de l'abbé, qui très manifestement faisait des colonies de vacances : " Chants de marche ", " Chants religieux ", " Repos et feux de camps ", avec de très jolis dessins à l'encre bleue, il y a une pie bavarde au naturel bluffante et l'abbé connaissait manifestement le Mont Fuji !! Et un canon et un artilleur qui font un peu désordre. Je montre mon petit paquet à la voisine, elle me dit : " Dix euros ? " " Vendu ! "
Ce matin je suis allé à un " vide maison ". Un homme, un abbé nonagénaire, est mort il y a plus d'un an. L'héritier, il n'y en a qu'un, a fait le tri : les louis d'or, les décorations de l'aïeul, etc., ne sont plus là, forcément. Et on brade le reste. L'héritier n'est pas là, on conçoit bien. C'est la famille de voisins qui assure ce service. L'abbé a été ordonné en 1946. En 1998, il prend sa retraite et revient dans cette maison où il est né. Il fera des services quasiment jusqu'à sa mort, en 2021, pour quelques ouailles du coin qui trouvent ça très pratique. L'abbé avait une soeur, qui s'est faite religieuse, et un ainé dont je n'ai rien pu apprendre : le voisinage ignorait son existence. Le père de l'abbé a fait la guerre 14-18. Au début de l'année 1917, il est blessé, par la suite, il touche une pension pour une invalidité de 20%, et il a fait partie d'une amicale de " Gueules cassées ". J'ai donc appris aujourd'hui qu'il y avait des amicales d'anciens combattants aussi spécifiques. De son hôpital militaire, il écrit beaucoup à sa fiancée, sur des cartes postales, dans des enveloppes affranchies. L'une de ces cartes est archiconnue connue en Lorraine : c'est une vue intérieure d'une grande église lorraine éventrée par les bombardements allemands. Même en noir et blanc, on dirait une toile impressionniste ou un Turner, la lumière qui jaillit des ouvertures plus ou moins naturelles éclabousse les ténèbres environnantes où on distingue à peine quelques éléments d'architecture. On ne sait pas si le photographe a fait exprès, mais c'est très bien, gros succès. Les tourtereaux se marient en juillet 1918. Outre leurs trois enfants, ce couple accueillera des enfants de l'assistance publique jusqu'à sa retraite, ce qui n'empêche pas d'être paysan. L'abbé s'était fait faire une armoire bibliothèque, il y a quelques tiroirs fixés sous les étagères, avec serrures trois points !!! Une simple tige en acier qui court sur toute la hauteur d'un battant enclenche les trois points. Je ne savais pas que l'idée était aussi ancienne. Je demande : " L'armoire ? " " Déjà vendue ". A question idiote, réponse à l'avenant, pourtant ça " ouvrait " à 9H00, et j'étais là à l'heure. L'armoire est quasiment vide, forcément. Sur la table de la cuisine, il y a deux bougeoirs et un crucifix en cuivre, je les connais ceux là, ils servaient pour l'extrême onction, mais cette fois, il y a la petite " valisette ", le service est complet, ce qui est beaucoup plus rare, même si à un moment ce service dote tous les curés de France. Les voisins n'ont pas compris ce que c'était. Je mets les bougeoirs et le crucifix dans la " valisette ", où se trouve quelques bougies, je prends la poignée, on peut y aller ! Ils ont compris !! Par acquis de conscience, je jette un oeil sur les trucs " muets " de la bibliothèque, c'est à dire n'étant pas du premier coup d'oeil considéré comme merdouille. Je trouve un livre de Maurice Barrès, auteur lorrain, pour ne rien dire d'autre, bien connu, édition de 1916, brochure de 1917. Sur la couverture, il y a une dédicace manuscrite de l'auteur : " Au soldat X Y [le père de l'abbé] au gaits muguet, remerciements d'un lorrain. Maurice Barrès ". Tiens, même Barrès fait des fautes d'orthographe ! " Gait " est anglais, est signifie " marche, allure, etc. ", et a été utilisé tel quel en français, quant au " muguet ", c'est un type de petit poème. Et effectivement, dans cette brochure, je trouve un muguet plié, dactylographié : " SION. (A Maurice BARRES.) ... ", à la fin duquel on trouve la mention : " (Muguet, le 24 Juin 1917) ". Le soldat à l'hôpital écrit beaucoup à sa fiancée et il écrit des poèmes. Je trouve un recueil d'Alfred de Musset, et il y a des poèmes du soldat collés (soigneusement, le texte de Musset reste toujours parfaitement accessible) ou volants un peu partout dans l'ouvrage, et il est toujours à l'hôpital de, je cite : " Hôpital d'Evacuation n° 1/8. Secteur 45 ". Pas d'indication géographique, normal, c'est la guerre. Dans l'un d'eux, il envoie un trèfle à sa mère, et le brin de trèfle séché est là. Un autre évoque deux aviateurs, nommés, abattus, etc. Un marque-page bricolé porte " Hic jacet lepus " (c'est là que git le lièvre). J'ai toujours su que le courrier des soldats passait par la censure, j'en ai déjà vu. Et systématiquement, tout ce qui vient du soldat et sort de cet hôpital, est caviardé. Mais là, aujourd'hui, j'ai encore appris quelque chose. Le soldat écrit à sa fiancée sur des cartes postales. Au recto, on a donc une belle image, en noir et blanc (sauf une, de 1917 !, en couleur), et les caviardeurs ont poussé le zèle très loin, ils ont gratté certaines indications des libellés des cartes. On a un très beau " Pont suspendu ", mais on ne saura pas d'où, c'est caviardé, etc. Et avec des cartes postales, ça fait bizarre !! J'imagine la fiancée qui reçoit cette carte : " La Haute - [caviardage] - [caviardage] - Le quartier du [caviardage] Hussards " ou encore " [caviardage] - Abside de l'église ", on est très heureux de ne pas savoir où se trouve cette belle abside ! Il y a aussi des camarades qui écrivent au soldat. L'un d'eux écrit le 26 novembre 1918 : " ... je vois que tu es bien rétabli moi ça n'est pas cela tout à fait je crois que je vais être obligé de retourner à l'hôpital pour quelques temps ... " Il y a un petit truc qui m'échappe dans cette correspondance via cartes postales sous enveloppe (manifestement adopté par tous), le soldat a envoyé de très belles cartes postales à partir de cet hôpital militaire qui montrent de très belles vues de Metz et de Strasbourg, annexées depuis 1870, mais aussi de très belles vues du Berlin de l'époque, et tous les intitulés sont en français. Là, il y a un petit quelque chose qui m'échappe. Metz et Strasbourg, je peux comprendre, mais Berlin ! Il y a également un petit volume manuscrit, calligraphié avec le plus grand soin, de l'abbé, qui très manifestement faisait des colonies de vacances : " Chants de marche ", " Chants religieux ", " Repos et feux de camps ", avec de très jolis dessins à l'encre bleue, il y a une pie bavarde au naturel bluffante et l'abbé connaissait manifestement le Mont Fuji !! Et un canon et un artilleur qui font un peu désordre. Je montre mon petit paquet à la voisine, elle me dit : " Dix euros ? " " Vendu ! "
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" Saladin ".
Pendant mon service militaire, en semaine, je déchiffre un petit message classé. Un gros porteur de l'armée, un C160 Transall, décollera tel jour à telle heure de Chypre (un sas, portail, bien connu), et atterrira chez nous, dimanche à 10 heures du matin : j'ai un poil de sourcil qui se lève. Cargaison : classement supérieur à celui du message. J'ai un deuxième poil de sourcil qui se soulève. On ne va pas se mentir, même pour les troupes des forces spéciales, la légion, les parachutistes, tous les soldats du monde, il y a un temps normal. En temps normal donc, il y a des heures de service en semaine, des week-end, des jours fériés, etc. L'armée est aussi une formidable administration ou entreprise. En temps normal, il y a des gens de service, de garde, d'astreinte, etc., un effectif in situ minimal en dehors des heures de service normal (désolé !). Et c'est donc valable pour un régiment de parachutistes et pour les camarades " gonfleurs d'hélice ", de l'armée de l'air, qui sont l'autre coté des pistes. L'avion repartira trois heures après l'atterrissage, à vide, on n'est pas des sauvages, que ça soit au mess de mon régiment ou au mess des gonfleurs d'hélice, lentement mais sûrement, l'heure des chips, du saucisson, de l'apéritif et du diner ne sera pas loin. Et je suis de permanence ce week-end là. Dimanche matin, je serais en train de prendre l'air, de me promener, aussi près que possible des pistes. Le transall est à l'heure, moi aussi. Il va tranquillement en bout de piste, fait son demi-tour, et revient vers les bâtiments. Alors ?, il va où, chez nous ou chez les cheveux longs ? Chez nous. Quatre homme descendent, trois se dirigent vers les bâtiments de l'armée de l'air, le quatrième vient vers moi. Petit calcul intérieur, je retranche l'age du capitaine, calcule ma " course ". Quand il aborde la pelouse, ça fait longtemps qu'il m'a vu, c'est plutôt, et même très franchement, la très très rase campagne à cet endroit. J'ai cru voir " Saladin ", l'Arabe idéal selon Platon : la peau, les cheveux et la barbe. Il est en civil, plutôt déglingué, chaussures usagées, mais c'est des bonnes, sac à dos moyen. Il est certain que ma présence l'a un chouia interpellé. Comme il est en civil, c'est un peu délicat, on se salue de façon minimale d'un coup de menton. C'était donc cela : un clandestin qui rentrait à la maison. Dans la semaine, j'ai oublié " Saladin ". Je me déplace du bâtiment de l'état major à un autre, j'ai une bonne vue, je vois les trois barrettes de capitaine du soldat en tenue standard que je vais croiser, je me prépare à le saluer. A moins d'un mètre, je le reconnais, " Saladin " n'a plus de cheveux, plus de barbe, il remarque ma surprise et sourit.
Pendant mon service militaire, en semaine, je déchiffre un petit message classé. Un gros porteur de l'armée, un C160 Transall, décollera tel jour à telle heure de Chypre (un sas, portail, bien connu), et atterrira chez nous, dimanche à 10 heures du matin : j'ai un poil de sourcil qui se lève. Cargaison : classement supérieur à celui du message. J'ai un deuxième poil de sourcil qui se soulève. On ne va pas se mentir, même pour les troupes des forces spéciales, la légion, les parachutistes, tous les soldats du monde, il y a un temps normal. En temps normal donc, il y a des heures de service en semaine, des week-end, des jours fériés, etc. L'armée est aussi une formidable administration ou entreprise. En temps normal, il y a des gens de service, de garde, d'astreinte, etc., un effectif in situ minimal en dehors des heures de service normal (désolé !). Et c'est donc valable pour un régiment de parachutistes et pour les camarades " gonfleurs d'hélice ", de l'armée de l'air, qui sont l'autre coté des pistes. L'avion repartira trois heures après l'atterrissage, à vide, on n'est pas des sauvages, que ça soit au mess de mon régiment ou au mess des gonfleurs d'hélice, lentement mais sûrement, l'heure des chips, du saucisson, de l'apéritif et du diner ne sera pas loin. Et je suis de permanence ce week-end là. Dimanche matin, je serais en train de prendre l'air, de me promener, aussi près que possible des pistes. Le transall est à l'heure, moi aussi. Il va tranquillement en bout de piste, fait son demi-tour, et revient vers les bâtiments. Alors ?, il va où, chez nous ou chez les cheveux longs ? Chez nous. Quatre homme descendent, trois se dirigent vers les bâtiments de l'armée de l'air, le quatrième vient vers moi. Petit calcul intérieur, je retranche l'age du capitaine, calcule ma " course ". Quand il aborde la pelouse, ça fait longtemps qu'il m'a vu, c'est plutôt, et même très franchement, la très très rase campagne à cet endroit. J'ai cru voir " Saladin ", l'Arabe idéal selon Platon : la peau, les cheveux et la barbe. Il est en civil, plutôt déglingué, chaussures usagées, mais c'est des bonnes, sac à dos moyen. Il est certain que ma présence l'a un chouia interpellé. Comme il est en civil, c'est un peu délicat, on se salue de façon minimale d'un coup de menton. C'était donc cela : un clandestin qui rentrait à la maison. Dans la semaine, j'ai oublié " Saladin ". Je me déplace du bâtiment de l'état major à un autre, j'ai une bonne vue, je vois les trois barrettes de capitaine du soldat en tenue standard que je vais croiser, je me prépare à le saluer. A moins d'un mètre, je le reconnais, " Saladin " n'a plus de cheveux, plus de barbe, il remarque ma surprise et sourit.
Dernière édition par neopilina le Jeu 6 Oct 2022 - 18:10, édité 1 fois
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
En mode démonstration j'ai du mal à te suivre. Ta pensée m'apparaît telle un sac de nœuds. Trop de références savantes. Une avalanche de faits. Je m'y noie.
Alors que là je te lis avec facilité et plaisir. Formidable conteur.
Alors que là je te lis avec facilité et plaisir. Formidable conteur.
benfifi- Modérateur
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
benfifi a écrit:En mode démonstration j'ai du mal à te suivre. Ta pensée m'apparaît telle un sac de nœuds. Trop de références savantes. Une avalanche de faits. Je m'y noie.
Gênant ça, vraiment.
benfifi a écrit:Alors que là je te lis avec facilité et plaisir. Formidable conteur.
Merci, mais bon, là, je me détends, je m'amuse, c'est une rédaction !! Je ne suis pas un " littéraire ", une prof de français me rend une copie, textuellement : " Un diamant dans un tas de fumier ". Je suis au courant, et chacun fait ce qu'il peut avec ce qu'il a.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Ce n'est pas mon avis. Mais il s'agit là de goûts et de couleurs.neopilina a écrit:Je ne suis pas un " littéraire "
Ben c'est peut-être ça justement. Tu envoies paître ton sur-moi qui te lâche le temps de ta rédaction.neopilina a écrit:là, je me détends, je m'amuse,
Même tes exposés sur Sade ou Homère ne dégagent pas la fluidité enfantine de tes articles.
benfifi- Modérateur
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" Les bonbons ".
J'ai fait mon service militaire dans un régiment qui avait, à juste titre, en charge la sécurité extérieure du bâtiment de l'état major de notre division (devenue brigade suite au redimensionnement induit par la fin du service militaire)." A juste titre " ? Oui : ce régiment est l'articulation opérationnelle entre la " tête " de la division, l'état major, et tous les régiments qui la composent : aucun d'entre eux ne fait quoi que ce soit sans que cela passe par chez nous. " Sécurité extérieure du bâtiment " ? Oui, il faut être précis : de l'espace qui se trouvent entre les différentes enceintes et le dit bâtiment, ses murs, stricto-sensu, en l'occurrence un joli hôtel particulier du XVIII° siècle reconverti, sans être défiguré. Aucun soldat de cette garde, même l'encadrement, ne dispose de l'habilitation nécessaire pour pouvoir entrer dans ce bâtiment. Pour la minuscule histoire, moi, si. Pendant mon service, je me rendrais à plusieurs reprises dans ce bâtiment. Mais en montant cette garde, je n'ai aucune raison d'y rentrer. On me désigne pour monter et encadrer cette garde qui dure 8 jours. Dans ce genre de missions, statiques, ennuyeuses, monotones, etc., à souhait, on estime à bon droit que le mordant, la vigilance, l'oeil, etc., s'émoussent, après 8 jours, on relève. On n'a pas le droit de rentrer dans ce bâtiment, la garde a son propre petit cantonnement. L'officier de l'état major responsable de cette garde, un capitaine, vient me voir, il va me brieffer. Le général invite. Il y a une " Sauterie ", pardon, une " Garden Party " au programme. C'est moi qui contrôlerais les entrées des invités. Il m'explique comment faire, me donne des consignes, que j'imprime aussi profondément que possible, il prend son temps. " Des questions ? " " Oui, etc. " Le jour et l'heure venus, je suis du coté de la barrière où se trouveront les conducteurs des véhicules, de l'autre coté, il y a deux, trois camarades, l'un d'eux ne me quittera pas des yeux, l'un d'eux ne quittera pas des yeux le ou la conductrice du véhicule qui se présente. On a des chargeurs à balles réelles, comme d'habitude. On se détend : on est sur le territoire national, en paix, bien avant les attaques barbares des " Barbus " : les chargeurs sont sous film plastique et dans les poches, c'est l'ultime recours contre une attaque avec arme à feu et dans le cadre de la légitime défense. Le forcené du carrousel du Louvre est toujours vivant, ça n'a rien à voir avec la chance. Nous sommes des garçons bien élevés. Je m'égare. De façon standard, un véhicule s'arrête devant la barrière, à ma hauteur, le conducteur baisse sa vitre. Grand sourire, détendu : " Bonjour Monsieur / Madame ! " " Bonjour, je viens sur invitation du général " " Une pièce d'identité et votre laisser-passer individuel [ici, un badge] s'il vous plaît ". Je prends les deux pièces, compulse le document remis par le capitaine, punaisé sur une plaquette en bois. Je fais toutes les vérifications requises, je côche quelques petites croix sur mon document, je rends les deux pièces. Au cas échéant : " Madame / Monsieur, Il faut pincer le laisse-passer de façon bien visible, tout le monde doit pouvoir le voir une fois que vous serez à l'intérieur du bâtiment, merci, bonne journée ". Je recule. Un micro-geste de ma part suffit, un camarade fait lever la barrière. Un homme arrive comme un bolide. Il a déjà baissé sa fenêtre. Politesse d'usage, je réclame les deux pièces requises, il est un peu agité, me dit qu'il a oublié son laisser-passer, me file une pièce d'identité. " Désolé Monsieur, vous ne pouvez pas entrer sans celui-ci ". Il s'énerve : " Je suis le maire de ..., vous ne me reconnaissez pas !? " " Désolé Monsieur, je suis originaire de l'Est, je ne vous reconnais pas, et surtout je ne peux pas vous laissez entrer sans le laisser-passer ". " Allez me chercher quelqu'un !! " " Non monsieur, aller chercher votre laisser passer " Il a un coup d'oeil instinctif sur sa droite, il a bien vu mes deux camarades bouger sans le quitter des yeux. " Votre nom !! Vous allez entendre parler de moi ! ". Je lui fais bien voir ma bande patronymique : " Ça ira ? " Il s'en va furieux, en brutalisant sa monture. Il se trouve que je l'ai reconnu, et ça n'a aucune espèce d'importance. Et l'épouse du général arrive : " Ma générale ... " Elle fait un geste de la main, un autre de la tête, je traduis : " Je t'en prie, tu m'évites les mondanités, c'est pour ça que je sors, justement ". On échange des banalités. D'une poche, elle sort un paquet de cigarettes, en prend une, me tend le paquet, j'en prends une, elle fait le même geste aux camarades près de la barrière, y'en a un ou deux, je ne sais plus qui viennent, qui prennent une cigarette et rejoignent leur poste. La générale : " Vous venez de quel régiment ? " " Je suis un appelé Madame, j'ai fait mes classes au ...(A), je sers au ...(B) ". " Vous saviez que le ...(A) était rentré d'Indochine dans un carton ? " " Oui Madame, je le savais ". On dit d'un régiment, d'une compagnie, etc., qu'il est rentré " dans un carton ", quand ils sont tous, officiers, sous-officiers et soldats, morts ou portés disparus, il n'y a que la paperasse relative aux dits personnels qui rentre en métropole, d'où le " carton". Je reprends l'initiative : " Ma générale, je suis sûr que vous le savez mieux que moi : l'armée hait la IV° République ". Cette fois elle me regarde en face, droit dans les yeux, qu'elle plisse, elle me sonde. " C'est vrai, il n'est pas rare que la République ne mérite pas ses soldats et la IV° a fait très fort ". Le capitaine chargé de la garde arrive. " Ma générale ... " " Oui, oui ". Il s'adresse à moi : " Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé avec monsieur X ". " Bien sûr ". Et je lui rapporte la plus stricte des vérités, je dis même que je l'ai reconnu. Il opine du chef : " C'est bien. Ma générale ... ". " Oui, oui " Et il s'en va. La femme du général sort une poignée de bonbons de son autre poche, les étale dans sa main. Comme on dit, " c'est de la marque ". Ça, c'est pour l'odeur du tabac dans la bouche ! " Vous en voulez un ? " " Je veux bien ", elle fait un signe aux camarades. On choisit chacun un bonbon, j'hésite entre framboise et citron. Il y a un enrobage translucide, et une fois que celui-ci se brise, il y a une pulpe sucrée correspondant au parfum. Excellents ! Tellement bons que par la suite j'en achèterais pour les moments où on est un peu coincé, au repos, etc.
J'ai fait mon service militaire dans un régiment qui avait, à juste titre, en charge la sécurité extérieure du bâtiment de l'état major de notre division (devenue brigade suite au redimensionnement induit par la fin du service militaire)." A juste titre " ? Oui : ce régiment est l'articulation opérationnelle entre la " tête " de la division, l'état major, et tous les régiments qui la composent : aucun d'entre eux ne fait quoi que ce soit sans que cela passe par chez nous. " Sécurité extérieure du bâtiment " ? Oui, il faut être précis : de l'espace qui se trouvent entre les différentes enceintes et le dit bâtiment, ses murs, stricto-sensu, en l'occurrence un joli hôtel particulier du XVIII° siècle reconverti, sans être défiguré. Aucun soldat de cette garde, même l'encadrement, ne dispose de l'habilitation nécessaire pour pouvoir entrer dans ce bâtiment. Pour la minuscule histoire, moi, si. Pendant mon service, je me rendrais à plusieurs reprises dans ce bâtiment. Mais en montant cette garde, je n'ai aucune raison d'y rentrer. On me désigne pour monter et encadrer cette garde qui dure 8 jours. Dans ce genre de missions, statiques, ennuyeuses, monotones, etc., à souhait, on estime à bon droit que le mordant, la vigilance, l'oeil, etc., s'émoussent, après 8 jours, on relève. On n'a pas le droit de rentrer dans ce bâtiment, la garde a son propre petit cantonnement. L'officier de l'état major responsable de cette garde, un capitaine, vient me voir, il va me brieffer. Le général invite. Il y a une " Sauterie ", pardon, une " Garden Party " au programme. C'est moi qui contrôlerais les entrées des invités. Il m'explique comment faire, me donne des consignes, que j'imprime aussi profondément que possible, il prend son temps. " Des questions ? " " Oui, etc. " Le jour et l'heure venus, je suis du coté de la barrière où se trouveront les conducteurs des véhicules, de l'autre coté, il y a deux, trois camarades, l'un d'eux ne me quittera pas des yeux, l'un d'eux ne quittera pas des yeux le ou la conductrice du véhicule qui se présente. On a des chargeurs à balles réelles, comme d'habitude. On se détend : on est sur le territoire national, en paix, bien avant les attaques barbares des " Barbus " : les chargeurs sont sous film plastique et dans les poches, c'est l'ultime recours contre une attaque avec arme à feu et dans le cadre de la légitime défense. Le forcené du carrousel du Louvre est toujours vivant, ça n'a rien à voir avec la chance. Nous sommes des garçons bien élevés. Je m'égare. De façon standard, un véhicule s'arrête devant la barrière, à ma hauteur, le conducteur baisse sa vitre. Grand sourire, détendu : " Bonjour Monsieur / Madame ! " " Bonjour, je viens sur invitation du général " " Une pièce d'identité et votre laisser-passer individuel [ici, un badge] s'il vous plaît ". Je prends les deux pièces, compulse le document remis par le capitaine, punaisé sur une plaquette en bois. Je fais toutes les vérifications requises, je côche quelques petites croix sur mon document, je rends les deux pièces. Au cas échéant : " Madame / Monsieur, Il faut pincer le laisse-passer de façon bien visible, tout le monde doit pouvoir le voir une fois que vous serez à l'intérieur du bâtiment, merci, bonne journée ". Je recule. Un micro-geste de ma part suffit, un camarade fait lever la barrière. Un homme arrive comme un bolide. Il a déjà baissé sa fenêtre. Politesse d'usage, je réclame les deux pièces requises, il est un peu agité, me dit qu'il a oublié son laisser-passer, me file une pièce d'identité. " Désolé Monsieur, vous ne pouvez pas entrer sans celui-ci ". Il s'énerve : " Je suis le maire de ..., vous ne me reconnaissez pas !? " " Désolé Monsieur, je suis originaire de l'Est, je ne vous reconnais pas, et surtout je ne peux pas vous laissez entrer sans le laisser-passer ". " Allez me chercher quelqu'un !! " " Non monsieur, aller chercher votre laisser passer " Il a un coup d'oeil instinctif sur sa droite, il a bien vu mes deux camarades bouger sans le quitter des yeux. " Votre nom !! Vous allez entendre parler de moi ! ". Je lui fais bien voir ma bande patronymique : " Ça ira ? " Il s'en va furieux, en brutalisant sa monture. Il se trouve que je l'ai reconnu, et ça n'a aucune espèce d'importance. Et l'épouse du général arrive : " Ma générale ... " Elle fait un geste de la main, un autre de la tête, je traduis : " Je t'en prie, tu m'évites les mondanités, c'est pour ça que je sors, justement ". On échange des banalités. D'une poche, elle sort un paquet de cigarettes, en prend une, me tend le paquet, j'en prends une, elle fait le même geste aux camarades près de la barrière, y'en a un ou deux, je ne sais plus qui viennent, qui prennent une cigarette et rejoignent leur poste. La générale : " Vous venez de quel régiment ? " " Je suis un appelé Madame, j'ai fait mes classes au ...(A), je sers au ...(B) ". " Vous saviez que le ...(A) était rentré d'Indochine dans un carton ? " " Oui Madame, je le savais ". On dit d'un régiment, d'une compagnie, etc., qu'il est rentré " dans un carton ", quand ils sont tous, officiers, sous-officiers et soldats, morts ou portés disparus, il n'y a que la paperasse relative aux dits personnels qui rentre en métropole, d'où le " carton". Je reprends l'initiative : " Ma générale, je suis sûr que vous le savez mieux que moi : l'armée hait la IV° République ". Cette fois elle me regarde en face, droit dans les yeux, qu'elle plisse, elle me sonde. " C'est vrai, il n'est pas rare que la République ne mérite pas ses soldats et la IV° a fait très fort ". Le capitaine chargé de la garde arrive. " Ma générale ... " " Oui, oui ". Il s'adresse à moi : " Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé avec monsieur X ". " Bien sûr ". Et je lui rapporte la plus stricte des vérités, je dis même que je l'ai reconnu. Il opine du chef : " C'est bien. Ma générale ... ". " Oui, oui " Et il s'en va. La femme du général sort une poignée de bonbons de son autre poche, les étale dans sa main. Comme on dit, " c'est de la marque ". Ça, c'est pour l'odeur du tabac dans la bouche ! " Vous en voulez un ? " " Je veux bien ", elle fait un signe aux camarades. On choisit chacun un bonbon, j'hésite entre framboise et citron. Il y a un enrobage translucide, et une fois que celui-ci se brise, il y a une pulpe sucrée correspondant au parfum. Excellents ! Tellement bons que par la suite j'en achèterais pour les moments où on est un peu coincé, au repos, etc.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Dans le Charlie Hebdo du 19 octobre 2022, n°1578, dans la rubrique de Luce Lapin :
Tout le monde n'est pas familier de ce genre de problématiques, moi si, j'ai grandi et je vis encore dedans, je suis diplômé et j'ai travaillé à ce titre, dans les secteurs public et privé. Je vais donc fournir les éléments requis pour se faire une " petite " idée.
- L'article de Luce Lapin parle de " piégeage ", pas de tir. Et donc, piégé comment ? Est-ce qu'un animal qui n'est pas classé gibier ainsi piégé peut être relâché vivant, sans blessure, etc. ? Toute méthode qui ne discrimine pas a priori de façon sûre la ou les espèces classées gibier visées doit être interdite. Point.
- Petit rappel sur l'action de chasse. D'abord la " Loi d'Airain " : identifier formellement ce sur quoi on s'apprête à tirer. A titre personnel, je n'ai jamais vu de mes yeux un chasseur qui a tué, blessé, par " accident ", un être humain, et je m'en passe fort bien. Quand j'étais petit, on dinait chez ma grand-mère, une balle a brisé un carreau de fenêtre et " atterrit " dans la cuisine, trois fois rien. Mais j'en ai vu quelques autres. Je prends le premier qui vient à l'esprit. J'ai un " magnifique " spécimen " à 300 mètres de chez moi. Il a tué un cheval. " Défense " du monsieur : " J'ai vu bougé derrière les buissons, etc ". Elle est où l'identification absolue ? Cas suivant, moins grave. S'il y a des espèces classées gibiers, il y a aussi des espèces protégées. En action de chasse, on a quelques secondes, souvent moins, pour prendre une décision, décider d'utiliser une arme à feu, identifier un animal qui appartient effectivement à une espèce chassable, et faire un tir qui ne sera pas dangereux si je rate ma cible (balles perdues). Je pourrais rapporter l'anecdote d'un fils de préfet, qui se croyait intouchable à ce titre, qui a tué un vautour. Quasiment en ricanant, il explique au juge qu'il a confondu avec un faisan. Le juge lui a collé tout ce que le code pénal permet dans ce cas. C'est bien.
- Allez voir sur internet des clichés d'alouette des champs, classée gibier. Puis d'alouette lulu, de cochevis huppé, de pipits (plusieurs espèces), etc., etc., etc. etc., etc., etc., etc., tous protégés par la Loi.
- Alors on pourrait faire une expérience simple. Pour des raisons administratives, légales, etc., relevant de l'organisation de la chasse dans ce pays, il y a des " Fédérations Départementales de Chasseurs ". Dés qu'on chasse, on est affilié à au moins l'une d'entre elles, elles communiquent avec leurs affiliés, peuvent les contacter. Dés lors, on pourrait demander aux membres intéressés, dans les régions concernées : " Comptez-vous, la saison prochaine, chasser l'alouette des champs (Alauda arvensis), oui ou non ? " Pour ceux qui répondent oui, on organise une petite expérience (Allez !, on paye le café, les croissants). On empruntent dans des collections publiques des alouettes des champs naturalisées (on ne dit plus empaillé, ça fait belle lurette que le taxidermiste n'utilise plus de paille pour le rembourrage) et donc des individus des espèces protégées qui peuvent ressembler de près ou de loin à celle-ci, je rappelle que lors de l'action de chasse, ça va extrêmement vite, on les met sur une table, et on demande aux chasseurs d'alouettes des champs de trouver celles-ci, tout à l'inverse de l'action de chasse, les oiseaux sont là, ils peuvent les regarder longtemps, d'aussi près que possible, etc., etc. Vous serez surpris par le résultat : il sera calamiteux. Et donc ? Et bien ce monsieur ne devrait pas avoir le droit de chasser l'alouette des champs parce que tout simplement il ne dispose pas des facultés requises.
- Le cas de l'alouette des champs est un cas emblématique, mais il n'est pas le seul sur la liste des espèces classées " gibier " en France. A cause de quelques espèces figurant sur cette liste on sait, tout le monde le sait, et forcément les chasseurs en premiers, que des centaines de milliers d'animaux protégés sont tués tous les ans.
- " Un jour ", je vois un chasseur de gibier d'eau qui revient de la " passée ", au coucher ou au lever du soleil, quand ces oiseaux gagnent ou quittent les zones diurnes de repos pour les aires nocturnes de nourrissage. Honnêtement, quid de l'identification dans de telles conditions ? On est entre chien et loup, aube ou crépuscule, visibilité et luminosité dégradées, peut-être qu'il pleut, s'il y a du vent, les oiseaux vont lui tourner le dos, en profiter, et donc passer à une vitesse folle, etc. Alors j'examine le contenu du sac poubelle qui contient les animaux tués. Il y a surtout des canards, et c'est effectivement ce qui est principalement recherché, mais l'un d'eux est d'une espèce protégée (d'ailleurs, cette espèce est aujourd'hui un gibier, et effectivement, avec le réchauffement climatique, ses effectifs en France ont explosé, d'autres disparaissent, c'est selon), il y a des limicoles, plusieurs d'espèces protégées. Et un hibou moyen-duc. Je regarde le chasseur, il hausse les épaules et adopte la mine de circonstance, contrite. Il ne s'est pas dit : " Ho, un hibou, je m'en fous, je le tire ". Non, voilà comment ça s'est passé, et comment ça se passe encore très souvent : " Je tire tout ce qui passe, on verra après ". Les plus malins font bien sûr le tri avant de rejoindre un chemin, leur véhicule, etc.
- En France, les gibiers et les pratiques sont tellement nombreuses, variées, que ne pas procéder à un examen cas par cas constitue d'emblée un non-sens, c'est d'emblée empêcher une concertation entre personnes responsables. Sans être anti-chasse, il y a des choses qui persistantes aujourd'hui sont absolument inadmissibles (comme maintenir certaines espèces sur la liste des gibiers, espèces menacées, risque de confusion garanti, et certaines pratiques). Elles sont le fait de toutes petites minorités mais elles sont défendues par les organisations nationales et autres lobbyistes, et de fait discréditent l'ensemble. A partir de là, les chasseurs, dans leur ensemble, portent à faux, prêtent le flanc, à des critiques, qu'ils savent eux-mêmes parfaitement justifiées. C'est un fait. Et ils le savent bien mieux que le citoyen lambda. Je suis le premier à le regretter, mais on a donc bien une mauvaise foi globale assumée des instances représentatives d'une catégorie de citoyens. Lors d'une réunion publique avec le député je finis par dire : " De toute façon, les chasseurs c'est comme les musulmans ". Le député : " J'avoue que je n'ai pas compris ". Moi : " Il faudra faire le ménage ". Tout le monde a compris.
Luce Lapin a écrit:Lundi 26 septembre, Emmanuel Macron invite Bougrain Dubourg, président de la Ligue de Protection des Oiseaux, " en tête à tête à l'Elysée ". Il paraît plein de bonnes intentions envers " la biodiversité meurtrie ", et à l'écoute de ce qu'Allain lui expose sur " l'épineux dossier de la chasse ". Bizarre, suspect...[sic] Vendredi 7 octobre, retour à la réalité, avec un nouveau (gros) cadeau aux chasseurs : " plus de 100 000 alouettes des champs [pourront être] capturées par piégeage " dans le Sud-Ouest.
Tout le monde n'est pas familier de ce genre de problématiques, moi si, j'ai grandi et je vis encore dedans, je suis diplômé et j'ai travaillé à ce titre, dans les secteurs public et privé. Je vais donc fournir les éléments requis pour se faire une " petite " idée.
- L'article de Luce Lapin parle de " piégeage ", pas de tir. Et donc, piégé comment ? Est-ce qu'un animal qui n'est pas classé gibier ainsi piégé peut être relâché vivant, sans blessure, etc. ? Toute méthode qui ne discrimine pas a priori de façon sûre la ou les espèces classées gibier visées doit être interdite. Point.
- Petit rappel sur l'action de chasse. D'abord la " Loi d'Airain " : identifier formellement ce sur quoi on s'apprête à tirer. A titre personnel, je n'ai jamais vu de mes yeux un chasseur qui a tué, blessé, par " accident ", un être humain, et je m'en passe fort bien. Quand j'étais petit, on dinait chez ma grand-mère, une balle a brisé un carreau de fenêtre et " atterrit " dans la cuisine, trois fois rien. Mais j'en ai vu quelques autres. Je prends le premier qui vient à l'esprit. J'ai un " magnifique " spécimen " à 300 mètres de chez moi. Il a tué un cheval. " Défense " du monsieur : " J'ai vu bougé derrière les buissons, etc ". Elle est où l'identification absolue ? Cas suivant, moins grave. S'il y a des espèces classées gibiers, il y a aussi des espèces protégées. En action de chasse, on a quelques secondes, souvent moins, pour prendre une décision, décider d'utiliser une arme à feu, identifier un animal qui appartient effectivement à une espèce chassable, et faire un tir qui ne sera pas dangereux si je rate ma cible (balles perdues). Je pourrais rapporter l'anecdote d'un fils de préfet, qui se croyait intouchable à ce titre, qui a tué un vautour. Quasiment en ricanant, il explique au juge qu'il a confondu avec un faisan. Le juge lui a collé tout ce que le code pénal permet dans ce cas. C'est bien.
- Allez voir sur internet des clichés d'alouette des champs, classée gibier. Puis d'alouette lulu, de cochevis huppé, de pipits (plusieurs espèces), etc., etc., etc. etc., etc., etc., etc., tous protégés par la Loi.
- Alors on pourrait faire une expérience simple. Pour des raisons administratives, légales, etc., relevant de l'organisation de la chasse dans ce pays, il y a des " Fédérations Départementales de Chasseurs ". Dés qu'on chasse, on est affilié à au moins l'une d'entre elles, elles communiquent avec leurs affiliés, peuvent les contacter. Dés lors, on pourrait demander aux membres intéressés, dans les régions concernées : " Comptez-vous, la saison prochaine, chasser l'alouette des champs (Alauda arvensis), oui ou non ? " Pour ceux qui répondent oui, on organise une petite expérience (Allez !, on paye le café, les croissants). On empruntent dans des collections publiques des alouettes des champs naturalisées (on ne dit plus empaillé, ça fait belle lurette que le taxidermiste n'utilise plus de paille pour le rembourrage) et donc des individus des espèces protégées qui peuvent ressembler de près ou de loin à celle-ci, je rappelle que lors de l'action de chasse, ça va extrêmement vite, on les met sur une table, et on demande aux chasseurs d'alouettes des champs de trouver celles-ci, tout à l'inverse de l'action de chasse, les oiseaux sont là, ils peuvent les regarder longtemps, d'aussi près que possible, etc., etc. Vous serez surpris par le résultat : il sera calamiteux. Et donc ? Et bien ce monsieur ne devrait pas avoir le droit de chasser l'alouette des champs parce que tout simplement il ne dispose pas des facultés requises.
- Le cas de l'alouette des champs est un cas emblématique, mais il n'est pas le seul sur la liste des espèces classées " gibier " en France. A cause de quelques espèces figurant sur cette liste on sait, tout le monde le sait, et forcément les chasseurs en premiers, que des centaines de milliers d'animaux protégés sont tués tous les ans.
- " Un jour ", je vois un chasseur de gibier d'eau qui revient de la " passée ", au coucher ou au lever du soleil, quand ces oiseaux gagnent ou quittent les zones diurnes de repos pour les aires nocturnes de nourrissage. Honnêtement, quid de l'identification dans de telles conditions ? On est entre chien et loup, aube ou crépuscule, visibilité et luminosité dégradées, peut-être qu'il pleut, s'il y a du vent, les oiseaux vont lui tourner le dos, en profiter, et donc passer à une vitesse folle, etc. Alors j'examine le contenu du sac poubelle qui contient les animaux tués. Il y a surtout des canards, et c'est effectivement ce qui est principalement recherché, mais l'un d'eux est d'une espèce protégée (d'ailleurs, cette espèce est aujourd'hui un gibier, et effectivement, avec le réchauffement climatique, ses effectifs en France ont explosé, d'autres disparaissent, c'est selon), il y a des limicoles, plusieurs d'espèces protégées. Et un hibou moyen-duc. Je regarde le chasseur, il hausse les épaules et adopte la mine de circonstance, contrite. Il ne s'est pas dit : " Ho, un hibou, je m'en fous, je le tire ". Non, voilà comment ça s'est passé, et comment ça se passe encore très souvent : " Je tire tout ce qui passe, on verra après ". Les plus malins font bien sûr le tri avant de rejoindre un chemin, leur véhicule, etc.
- En France, les gibiers et les pratiques sont tellement nombreuses, variées, que ne pas procéder à un examen cas par cas constitue d'emblée un non-sens, c'est d'emblée empêcher une concertation entre personnes responsables. Sans être anti-chasse, il y a des choses qui persistantes aujourd'hui sont absolument inadmissibles (comme maintenir certaines espèces sur la liste des gibiers, espèces menacées, risque de confusion garanti, et certaines pratiques). Elles sont le fait de toutes petites minorités mais elles sont défendues par les organisations nationales et autres lobbyistes, et de fait discréditent l'ensemble. A partir de là, les chasseurs, dans leur ensemble, portent à faux, prêtent le flanc, à des critiques, qu'ils savent eux-mêmes parfaitement justifiées. C'est un fait. Et ils le savent bien mieux que le citoyen lambda. Je suis le premier à le regretter, mais on a donc bien une mauvaise foi globale assumée des instances représentatives d'une catégorie de citoyens. Lors d'une réunion publique avec le député je finis par dire : " De toute façon, les chasseurs c'est comme les musulmans ". Le député : " J'avoue que je n'ai pas compris ". Moi : " Il faudra faire le ménage ". Tout le monde a compris.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" Gravelotte "
Pendant mon service militaire, on m'a formé, j'ai fait des exercices, des manoeuvres, etc. En début de service, c'est les classes, la formation d'infanterie de base, légère donc, sans véhicule, etc. Après celles-ci, on sera ventilé dans tous les régiments parachutistes du pays qui accueillent encore des appelés. On ne sert pas dans le régiment où on a fait ses classes, c'est une règle. Un de ces exercices est mon souvenir de soldat le plus pénible : à cause du froid, et pourtant je suis du cru et le froid je connais, j'ai déjà eu des orteils gelés. 15 jours en extérieur, très mobiles, donc très légers, on apprend à bouger de façon coordonnée, etc. On est sur la ceinture de forts à l'Ouest de Metz, en février, ça fait plusieurs semaines que le thermomètre est bloqué à - 5°. Pas question de cantonner, de bivouaquer, c'est voulu, on a été prévenu, et on a vu, tous les soirs, on couche à l'improviste ici ou là. C'est dur, lors d'un exercice de nuit, je fixe les talons du camarade qui marche devant moi et puis plus rien : syncope. " Hé, ça va ? " " Ouais, ouais ", on repart. Avec mon binôme préféré, un vrai frère d'arme, ami pour la vie, et d'autres binômes, on " flanque " un dispositif : si l'ennemi déboule de ce coté, tout le monde couvre tout le monde, le reste du dispositif sera alerté, c'est fait pour. On est en lisière, couchés quelques mètres en retrait. On ne les voit pas, mais il y en a deux autres à 200 mètres à gauche et idem à droite. Et je n'en finis pas de regarder le village qui se trouve en face de nous par delà des parcelles agricoles. D'instinct, le camarade me demande : " Qu'est-ce qui y'a ? " " Tu vois le village en face ? " " ... [à question stupide, réponse à l'avenant] " " Le nom du patelin, c'est Gravelotte, tu connais Gravelotte ? " " Non " " Et ben partout où ton regard porte, à gauche, à droite, pendant la guerre de 1870 y'a eu une gigantesque boucherie. En deux batailles [Rezonville le 16 aout et Saint Privat le 18, mais on dit fréquemment " la bataille de Gravelotte "], l'armée française est coupée en deux, une partie se replie sur Metz et s'y fait piégée. Comme les prussiens sont maîtres du terrain, ils ont pu s'occuper de leurs morts, pas les français, il y a des milliers de disparus, y'en a plein devant nous qui dorment dans les champs, les bois ". Et puis, j'enlève mon casque, je me lève, et je gagne le champ, quasiment courbé à 90°, les mains dans le dos, j'arpente le champ et scrute le sol, sans trop m'éloigner de la lisière. Le camarade : " T'es fou ! Qu'est-ce que tu fais !? " Bien sûr, les camarades à notre gauche et à notre droite se posent la même question. Si un sous-officier me voit, ça va être " Noël " avant l'heure. Et je ramasse, ramasse. Je regagne mon poste, remets mon casque, j'ouvre la main et montre à mon pote : mitraille en plomb, douilles, balles, etc., etc. Il regarde les grosses billes en plomb de mitraille, je lui explique. Et il me dit : " Ha ouais quand même ". Je lui dis qu'en français, c'est un bi-national, il y a une expression qui dit, quand il pleut fort, que " ça tombe comme à Gravelotte ", mais on ne sait pas si c'est les hommes ou les munitions. Et je lui explique qu'en 1944, rebelote dans le même coin pour la bataille de Metz. Les allemands se sont repliés sur la vieille ceinture de forts, il y a de la très bonne troupe, mais aussi des fanatiques, crimes de guerre à l'appui, certaines unités américaines, excédées, en feront autant. Les derniers forts ne se rendront qu'en décembre 1944. En face, c'était Patton. Et c'est la dernière grande bataille de 39/45 sur le sol français. Le secteur a été pollué par deux guerres, et par l'armée française. Dés 1918, elle récupère les forts, et après 1945, elle crée des polygones (terrains militaires, champs de manoeuvre, de tir) recouvrant en grande partie la ceinture de forts. Aujourd'hui la plupart ne sont plus utilisés. Les communes réclament la restitution des terrains, et la dépollution. Le " dossier " court encore.
Pendant mon service militaire, on m'a formé, j'ai fait des exercices, des manoeuvres, etc. En début de service, c'est les classes, la formation d'infanterie de base, légère donc, sans véhicule, etc. Après celles-ci, on sera ventilé dans tous les régiments parachutistes du pays qui accueillent encore des appelés. On ne sert pas dans le régiment où on a fait ses classes, c'est une règle. Un de ces exercices est mon souvenir de soldat le plus pénible : à cause du froid, et pourtant je suis du cru et le froid je connais, j'ai déjà eu des orteils gelés. 15 jours en extérieur, très mobiles, donc très légers, on apprend à bouger de façon coordonnée, etc. On est sur la ceinture de forts à l'Ouest de Metz, en février, ça fait plusieurs semaines que le thermomètre est bloqué à - 5°. Pas question de cantonner, de bivouaquer, c'est voulu, on a été prévenu, et on a vu, tous les soirs, on couche à l'improviste ici ou là. C'est dur, lors d'un exercice de nuit, je fixe les talons du camarade qui marche devant moi et puis plus rien : syncope. " Hé, ça va ? " " Ouais, ouais ", on repart. Avec mon binôme préféré, un vrai frère d'arme, ami pour la vie, et d'autres binômes, on " flanque " un dispositif : si l'ennemi déboule de ce coté, tout le monde couvre tout le monde, le reste du dispositif sera alerté, c'est fait pour. On est en lisière, couchés quelques mètres en retrait. On ne les voit pas, mais il y en a deux autres à 200 mètres à gauche et idem à droite. Et je n'en finis pas de regarder le village qui se trouve en face de nous par delà des parcelles agricoles. D'instinct, le camarade me demande : " Qu'est-ce qui y'a ? " " Tu vois le village en face ? " " ... [à question stupide, réponse à l'avenant] " " Le nom du patelin, c'est Gravelotte, tu connais Gravelotte ? " " Non " " Et ben partout où ton regard porte, à gauche, à droite, pendant la guerre de 1870 y'a eu une gigantesque boucherie. En deux batailles [Rezonville le 16 aout et Saint Privat le 18, mais on dit fréquemment " la bataille de Gravelotte "], l'armée française est coupée en deux, une partie se replie sur Metz et s'y fait piégée. Comme les prussiens sont maîtres du terrain, ils ont pu s'occuper de leurs morts, pas les français, il y a des milliers de disparus, y'en a plein devant nous qui dorment dans les champs, les bois ". Et puis, j'enlève mon casque, je me lève, et je gagne le champ, quasiment courbé à 90°, les mains dans le dos, j'arpente le champ et scrute le sol, sans trop m'éloigner de la lisière. Le camarade : " T'es fou ! Qu'est-ce que tu fais !? " Bien sûr, les camarades à notre gauche et à notre droite se posent la même question. Si un sous-officier me voit, ça va être " Noël " avant l'heure. Et je ramasse, ramasse. Je regagne mon poste, remets mon casque, j'ouvre la main et montre à mon pote : mitraille en plomb, douilles, balles, etc., etc. Il regarde les grosses billes en plomb de mitraille, je lui explique. Et il me dit : " Ha ouais quand même ". Je lui dis qu'en français, c'est un bi-national, il y a une expression qui dit, quand il pleut fort, que " ça tombe comme à Gravelotte ", mais on ne sait pas si c'est les hommes ou les munitions. Et je lui explique qu'en 1944, rebelote dans le même coin pour la bataille de Metz. Les allemands se sont repliés sur la vieille ceinture de forts, il y a de la très bonne troupe, mais aussi des fanatiques, crimes de guerre à l'appui, certaines unités américaines, excédées, en feront autant. Les derniers forts ne se rendront qu'en décembre 1944. En face, c'était Patton. Et c'est la dernière grande bataille de 39/45 sur le sol français. Le secteur a été pollué par deux guerres, et par l'armée française. Dés 1918, elle récupère les forts, et après 1945, elle crée des polygones (terrains militaires, champs de manoeuvre, de tir) recouvrant en grande partie la ceinture de forts. Aujourd'hui la plupart ne sont plus utilisés. Les communes réclament la restitution des terrains, et la dépollution. Le " dossier " court encore.
_________________
" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" Le connard "
A l'armée, on ne perd pas de temps. A 24 heures près, et on va voir comment ces 24 heures sont remplies, on a fini nos classes. Et on assez fier de nous. Il y a eu de l'écrémage, on nous a poussé à bout physiquement, psychologiquement, et on se rend compte qu'on a tous été très bien observés, suivis, qu'on a déjà tous un petit dossier personnel, avec une section " Problèmes ". Aujourd'hui, je me souviens encore de deux abrutis chroniques, ce qui eut égard à mes a prioris d'avant incorporation est très faible. L'un d'eux a déjà pris une grosse tête par un autre appelé, et ce n'est pas fini. Y'en a des comme ça. On ne comprend pas, on se demande même s'ils n'aiment pas ça. Ce dernier jour est réglé comme du papier à musique. Dés qu'on sort du petit déjeuner, on remplit les bâtiments, les salles de cours, on s'assoie tous à une table d'écolier recyclée (qui dans ce pays n'a pas réutilisé ces tables !?). Sur chaque table, il y a un formulaire en trois exemplaires (une sorte de " papier carbone " amélioré) et un stylo. On nous dira d'appuyer bien fort. Estrade ou pas selon la pièce, un gradé prend la parole, solennel. Le ton a changé. Nous ne sommes plus des vermisseaux, des embryons de je ne sais plus quoi, des êtres intermédiaires évoluant dans une dimension tout aussi floue. Le formulaire, c'est une décharge. On est en paix, nous sommes volontaires, on est arrivé jusque là, on nous félicite pour cela, et bien évidemment l'armée va nous traiter comme des êtres humains, des citoyens, qui ont fait un choix courageux et qui leur a coûté. Mais même en France, même dans l'armée française, où la sécurité est une priorité absolue, etc., etc., on n'est pas à l'abri d'un accident. Ils sont pédagogues, francs, ils parlent à des adultes, à des concitoyens. Sur le formulaire il faut indiquer la personne " bénéficiaire " en cas où. Tout le monde a bien compris. Si quelqu'un ne veut pas signer, il ne signe pas, le jour même il part pour un régiment " normal ", ce qui a été convenu et a fonctionné dés le premier jour : c'est sur la base du volontariat. Arrivé ici, que croyez vous ce qu'il arriva ? Tout le monde à signer bien sûr. Place d'armes. " Garde à vous ! " " Repos ". Un officier va faire l'appel, à l'appel de son nom, le soldat répond " présent " et l'officier lui annonce le régiment où il fera son service. Je ne pense qu'à une chose : que mon pote et moi on se retrouve dans le même. Et ça sera le cas. On est fou de joie, soulagé, etc. Mais il ne faut pas trop le montrer, on commence déjà à nous appeler " la couille droite et la couille gauche " ! Ensuite, paquetage renouvelé, etc. Le soir, on prend un train pour la charmante ville de Pau. En fait, je ne sais pas si Pau est charmante, je ne verrais que la gare. A quelques kilomètres de Pau, on trouve l'Ecole des Troupes Aéroportées, on va passer notre brevet de parachutiste militaire avant de gagner nos régiments respectifs.
Il n'y a pas doute : notre session a été maudite. Par la météorologie. En temps de paix, on n'est pas là pour " casser " les gens, les conditions de saut sont très réglementés, etc. Quoi que. J'ai connu un colonel qui a ordonné un saut dans des conditions " limites " : un homme largué sur trois a été blessé, plusieurs sont allés à l'hôpital. Et on a cru voir mourir un type " en direct " : on le regardait descendre la tête en bas, les pieds pris dans les suspentes de son parachute, bien vertical, mais franchement, pas dans le bon sens du tout. On savait tous qu'il allait mourir s'il ne dégageait pas ses pieds, se retrouver avec un cou à angle droit, broyé, etc., j'avais déjà décidé de ne pas y aller, c'était un sergent. Il a effectivement atterri sur la tête, stricto-sensu, le sommet du casque, a rebondi, à plusieurs mètres de haut, après ce rebond de plusieurs mètres s'est re-crashé dans une position improbable, et s'est relevé, ivre de joie, de bonheur. Et nous avec. On n'a pas revu ce colonel. 1 homme sur 3 avec des blessures signalées, prises en charge, il y a des fractures, des ongles retournés, etc., j'avais de la terre dans la bouche, mon ventral est bon pour la poubelle, on a sauté sur un labour, gelé, et il y avait beaucoup trop de vent, au dessus de la limite légale pour un largage de routine, on a été projeté, plaqué, au sol, le temps de pouvoir dégonflé sa voile, on est trainé, et donc empêché de provoquer le dégonflage, on invente ou on réinvente le kitesurf, mais sans eau, allongés dans un labour gelé. J'aurais bien aimé voir la demande d'explication adressée au colonel, qui finira dans son dossier, avec les P.V. d'audition, etc., même si t'es très bon en français, y'a des moments, c'est dur, il y a des " trucs " invendables. Je digresse. Maudits par la météo donc : il pleut, pas de souci, il fait froid, pas de souci. Il y a du vent, beaucoup de vent, et ça c'est pas bon. On enchaine les formations alors que les parachutages, les largages, sont suspendus, et l'E.T.A.P. ne fait absolument rien d'autre, c'est vraiment une école. L'E.T.A.P. est inter-armes (armée de terre, armée de l'air, marine et gendarmerie) et la France a une multitude d'accords, de partenariats, binationaux : c'est l'auberge espagnole, la Tour de Babel, des parachutistes militaires, d'Europe, du monde. Combien de putschistes africains sont passés par là ? Un certain nombre. Mais la France forme des soldats, pas des putschistes. Pauvres appelés, on s'extasie devant les meilleures troupes du monde qui se donnent " rendez vous " à Pau. Je digresse. Ces hommes qui ne peuvent pas sauter, il faut les occuper. Pour la énième fois, au réveil, il pleut, on se masse près des fenêtres, en regardant la cime des plus grands arbres pour estimer la vitesse de ce ****** de vent. Et tout le monde y va de son petit pronostic. Après le petit déjeuner, à sept heures, un sergent chef arrive. On le connaît. La première fois que je l'ai vu en short, je me suis demandé le plus sincèrement du monde si j'avais de toute ma vie vu des mollets aussi gros. La réponse est non. Mais plus tard, en montagne, j'en verrais de plus gros. Il confirme l'annulation des parachutages. Il est en basket, short, maillot. On a compris : footing pour commencer. Mais il enchérit, tonitruant : " Les gars ! aujourd'hui !, je suis en forme, en très grande forme ! " " ... " " Aujourd'hui, je vais courir jusqu'au moment où je n'aurais plus personne derrière moi ". Un original. Il pleut, il fait froid, mais on s'en fout, dans un quart d'heure, ça sera le cadet de nos soucis. Mais quand même, on ne court pas au bord d'une route, il s'enfonce d'office en forêt, et même s'il suit un ou de sentiers qu'il connaît par coeur, c'est détrempé, on se vautre, on aide le camarade à se relever, la végétation fait son oeuvre sur nos jambes, etc. Et puis, peut être au bout d'une heure, il y en a un qui a du demandé l'heure, la question fait l'aller-retour dans le groupe, stupéfaction : personne n'a l'heure sauf le sergent chef. Et il n'y aura personne pour aller lui demander. Tout le monde, lui le premier, gère sa course. Le temps tourne, la colonne s'étire considérablement, de temps en temps un cri, on tourne la tête, et on voit un type qui sautille sur une jambe, claquage, crampe, etc., d'autres s'assoient en silence, reprennent leur souffle, et ils retournent en marchant, claudiquant, vers l'école. A un moment, c'est un colosse bodybuildé de presque deux mètres, fils à papa déjà propriétaire et patron de sa salle de sport et de musculation, qui pousse un cri de sauvage, claquage à la cuisse, on le croit sur parole, il s'y connaît. Ce type, le matin, aux sanitaires, joue avec ses biceps, ses pectoraux, etc., en se regardant dans la glace. " Alors Apollon ?, t'es amoureux ? ", etc., il ne répond pas : trop absorbé ! Et au début du footing, il s'était bien vanté d'être le dernier à pouvoir suivre le sergent, alors en passant je lui lâche : " Alors Apollon ? Une fracture des zygomatiques ! " Bon, c'est entendu, ça dure des heures, j'abrège. Je cours avec mon pote, et on est très bons, on gère en père de famille, de temps en temps, on échange un : " Ça va ? " "Ça va ". Bref : à un moment, le sergent chef se retourne, et à une bonne vingtaine de mètres, il n'y a plus que nous deux. Il accélère, on suit, en gardant la distance. Ce type n'est pas dans la sympathie, on a entériné. Mais mon pote, c'est plus fort que lui, c'est un asticoteur. On se rapproche. Le sergent chef se retourne et cette fois il peut très bien voir nos têtes : et mauvaise nouvelle pour lui, il le voit très bien, on va très bien. Ciel invariable, on n'a aucune idée de l'heure. J'estime qu'on a couru à trois à peu près une heure. Et puis mon pote pousse un peu, se hisse à la hauteur du sergent chef, qui regarde mon pote, qui le regarde en souriant. Le sergent chef se ploie sur le coté et de tout son corps donne un coup aussi puissant que calculé, ça soulève mon pote du sol et ça l'envoie littéralement volé dans un joli massif de ronces où je ne sais quoi. Je m'arrête, je l'aide à se relever, on voit l'autre se retourner et poursuivre sa course. Le camarade, qui l'a mauvaise : " Qu'est-ce qu'ont fait ? " Je regarde l'autre, et puis je dis à mon pote : " Laisse tomber, c'est un connard ". On rebrousse chemin, et pas question de courir, et petit à petit on ramasse, rejoint, les camarades semés, et ça commence à former un petit groupe, et on cause : " Alors !? " Et on raconte. Et chaque fois qu'on rallie un type, il faut recommencer, ça devient un cri universel : " Oh !, mais quel connard ! " On arrive à l'école vers 14 heures 30, on est une bonne dizaine sur les trente au départ, on se pointe à l'ordinaire (le réfectoire), on a les crocs à mort, trempés, couverts de boue, un type nous lance : " Le service est terminé ! " On exige un gradé, qui vient, on lui raconte, il donne des ordres, bien chaud et à volonté ! On est heureux ! J'ai eu des réveillons moins joyeux ! Et on raconte ça à tous le monde, ça fait le tour de la troupe. Et dans l'encadrement, ça la fout mal, embarras, ça porte un nom, quasi-officiel, et péjoratif au dernier degré : " Mauvais esprit ". Le lendemain, à 7 heures, tout le monde est particulièrement bien réveillé, on est trente à l'attendre. Mais on n'a jamais revu le connard.
A l'armée, on ne perd pas de temps. A 24 heures près, et on va voir comment ces 24 heures sont remplies, on a fini nos classes. Et on assez fier de nous. Il y a eu de l'écrémage, on nous a poussé à bout physiquement, psychologiquement, et on se rend compte qu'on a tous été très bien observés, suivis, qu'on a déjà tous un petit dossier personnel, avec une section " Problèmes ". Aujourd'hui, je me souviens encore de deux abrutis chroniques, ce qui eut égard à mes a prioris d'avant incorporation est très faible. L'un d'eux a déjà pris une grosse tête par un autre appelé, et ce n'est pas fini. Y'en a des comme ça. On ne comprend pas, on se demande même s'ils n'aiment pas ça. Ce dernier jour est réglé comme du papier à musique. Dés qu'on sort du petit déjeuner, on remplit les bâtiments, les salles de cours, on s'assoie tous à une table d'écolier recyclée (qui dans ce pays n'a pas réutilisé ces tables !?). Sur chaque table, il y a un formulaire en trois exemplaires (une sorte de " papier carbone " amélioré) et un stylo. On nous dira d'appuyer bien fort. Estrade ou pas selon la pièce, un gradé prend la parole, solennel. Le ton a changé. Nous ne sommes plus des vermisseaux, des embryons de je ne sais plus quoi, des êtres intermédiaires évoluant dans une dimension tout aussi floue. Le formulaire, c'est une décharge. On est en paix, nous sommes volontaires, on est arrivé jusque là, on nous félicite pour cela, et bien évidemment l'armée va nous traiter comme des êtres humains, des citoyens, qui ont fait un choix courageux et qui leur a coûté. Mais même en France, même dans l'armée française, où la sécurité est une priorité absolue, etc., etc., on n'est pas à l'abri d'un accident. Ils sont pédagogues, francs, ils parlent à des adultes, à des concitoyens. Sur le formulaire il faut indiquer la personne " bénéficiaire " en cas où. Tout le monde a bien compris. Si quelqu'un ne veut pas signer, il ne signe pas, le jour même il part pour un régiment " normal ", ce qui a été convenu et a fonctionné dés le premier jour : c'est sur la base du volontariat. Arrivé ici, que croyez vous ce qu'il arriva ? Tout le monde à signer bien sûr. Place d'armes. " Garde à vous ! " " Repos ". Un officier va faire l'appel, à l'appel de son nom, le soldat répond " présent " et l'officier lui annonce le régiment où il fera son service. Je ne pense qu'à une chose : que mon pote et moi on se retrouve dans le même. Et ça sera le cas. On est fou de joie, soulagé, etc. Mais il ne faut pas trop le montrer, on commence déjà à nous appeler " la couille droite et la couille gauche " ! Ensuite, paquetage renouvelé, etc. Le soir, on prend un train pour la charmante ville de Pau. En fait, je ne sais pas si Pau est charmante, je ne verrais que la gare. A quelques kilomètres de Pau, on trouve l'Ecole des Troupes Aéroportées, on va passer notre brevet de parachutiste militaire avant de gagner nos régiments respectifs.
Il n'y a pas doute : notre session a été maudite. Par la météorologie. En temps de paix, on n'est pas là pour " casser " les gens, les conditions de saut sont très réglementés, etc. Quoi que. J'ai connu un colonel qui a ordonné un saut dans des conditions " limites " : un homme largué sur trois a été blessé, plusieurs sont allés à l'hôpital. Et on a cru voir mourir un type " en direct " : on le regardait descendre la tête en bas, les pieds pris dans les suspentes de son parachute, bien vertical, mais franchement, pas dans le bon sens du tout. On savait tous qu'il allait mourir s'il ne dégageait pas ses pieds, se retrouver avec un cou à angle droit, broyé, etc., j'avais déjà décidé de ne pas y aller, c'était un sergent. Il a effectivement atterri sur la tête, stricto-sensu, le sommet du casque, a rebondi, à plusieurs mètres de haut, après ce rebond de plusieurs mètres s'est re-crashé dans une position improbable, et s'est relevé, ivre de joie, de bonheur. Et nous avec. On n'a pas revu ce colonel. 1 homme sur 3 avec des blessures signalées, prises en charge, il y a des fractures, des ongles retournés, etc., j'avais de la terre dans la bouche, mon ventral est bon pour la poubelle, on a sauté sur un labour, gelé, et il y avait beaucoup trop de vent, au dessus de la limite légale pour un largage de routine, on a été projeté, plaqué, au sol, le temps de pouvoir dégonflé sa voile, on est trainé, et donc empêché de provoquer le dégonflage, on invente ou on réinvente le kitesurf, mais sans eau, allongés dans un labour gelé. J'aurais bien aimé voir la demande d'explication adressée au colonel, qui finira dans son dossier, avec les P.V. d'audition, etc., même si t'es très bon en français, y'a des moments, c'est dur, il y a des " trucs " invendables. Je digresse. Maudits par la météo donc : il pleut, pas de souci, il fait froid, pas de souci. Il y a du vent, beaucoup de vent, et ça c'est pas bon. On enchaine les formations alors que les parachutages, les largages, sont suspendus, et l'E.T.A.P. ne fait absolument rien d'autre, c'est vraiment une école. L'E.T.A.P. est inter-armes (armée de terre, armée de l'air, marine et gendarmerie) et la France a une multitude d'accords, de partenariats, binationaux : c'est l'auberge espagnole, la Tour de Babel, des parachutistes militaires, d'Europe, du monde. Combien de putschistes africains sont passés par là ? Un certain nombre. Mais la France forme des soldats, pas des putschistes. Pauvres appelés, on s'extasie devant les meilleures troupes du monde qui se donnent " rendez vous " à Pau. Je digresse. Ces hommes qui ne peuvent pas sauter, il faut les occuper. Pour la énième fois, au réveil, il pleut, on se masse près des fenêtres, en regardant la cime des plus grands arbres pour estimer la vitesse de ce ****** de vent. Et tout le monde y va de son petit pronostic. Après le petit déjeuner, à sept heures, un sergent chef arrive. On le connaît. La première fois que je l'ai vu en short, je me suis demandé le plus sincèrement du monde si j'avais de toute ma vie vu des mollets aussi gros. La réponse est non. Mais plus tard, en montagne, j'en verrais de plus gros. Il confirme l'annulation des parachutages. Il est en basket, short, maillot. On a compris : footing pour commencer. Mais il enchérit, tonitruant : " Les gars ! aujourd'hui !, je suis en forme, en très grande forme ! " " ... " " Aujourd'hui, je vais courir jusqu'au moment où je n'aurais plus personne derrière moi ". Un original. Il pleut, il fait froid, mais on s'en fout, dans un quart d'heure, ça sera le cadet de nos soucis. Mais quand même, on ne court pas au bord d'une route, il s'enfonce d'office en forêt, et même s'il suit un ou de sentiers qu'il connaît par coeur, c'est détrempé, on se vautre, on aide le camarade à se relever, la végétation fait son oeuvre sur nos jambes, etc. Et puis, peut être au bout d'une heure, il y en a un qui a du demandé l'heure, la question fait l'aller-retour dans le groupe, stupéfaction : personne n'a l'heure sauf le sergent chef. Et il n'y aura personne pour aller lui demander. Tout le monde, lui le premier, gère sa course. Le temps tourne, la colonne s'étire considérablement, de temps en temps un cri, on tourne la tête, et on voit un type qui sautille sur une jambe, claquage, crampe, etc., d'autres s'assoient en silence, reprennent leur souffle, et ils retournent en marchant, claudiquant, vers l'école. A un moment, c'est un colosse bodybuildé de presque deux mètres, fils à papa déjà propriétaire et patron de sa salle de sport et de musculation, qui pousse un cri de sauvage, claquage à la cuisse, on le croit sur parole, il s'y connaît. Ce type, le matin, aux sanitaires, joue avec ses biceps, ses pectoraux, etc., en se regardant dans la glace. " Alors Apollon ?, t'es amoureux ? ", etc., il ne répond pas : trop absorbé ! Et au début du footing, il s'était bien vanté d'être le dernier à pouvoir suivre le sergent, alors en passant je lui lâche : " Alors Apollon ? Une fracture des zygomatiques ! " Bon, c'est entendu, ça dure des heures, j'abrège. Je cours avec mon pote, et on est très bons, on gère en père de famille, de temps en temps, on échange un : " Ça va ? " "Ça va ". Bref : à un moment, le sergent chef se retourne, et à une bonne vingtaine de mètres, il n'y a plus que nous deux. Il accélère, on suit, en gardant la distance. Ce type n'est pas dans la sympathie, on a entériné. Mais mon pote, c'est plus fort que lui, c'est un asticoteur. On se rapproche. Le sergent chef se retourne et cette fois il peut très bien voir nos têtes : et mauvaise nouvelle pour lui, il le voit très bien, on va très bien. Ciel invariable, on n'a aucune idée de l'heure. J'estime qu'on a couru à trois à peu près une heure. Et puis mon pote pousse un peu, se hisse à la hauteur du sergent chef, qui regarde mon pote, qui le regarde en souriant. Le sergent chef se ploie sur le coté et de tout son corps donne un coup aussi puissant que calculé, ça soulève mon pote du sol et ça l'envoie littéralement volé dans un joli massif de ronces où je ne sais quoi. Je m'arrête, je l'aide à se relever, on voit l'autre se retourner et poursuivre sa course. Le camarade, qui l'a mauvaise : " Qu'est-ce qu'ont fait ? " Je regarde l'autre, et puis je dis à mon pote : " Laisse tomber, c'est un connard ". On rebrousse chemin, et pas question de courir, et petit à petit on ramasse, rejoint, les camarades semés, et ça commence à former un petit groupe, et on cause : " Alors !? " Et on raconte. Et chaque fois qu'on rallie un type, il faut recommencer, ça devient un cri universel : " Oh !, mais quel connard ! " On arrive à l'école vers 14 heures 30, on est une bonne dizaine sur les trente au départ, on se pointe à l'ordinaire (le réfectoire), on a les crocs à mort, trempés, couverts de boue, un type nous lance : " Le service est terminé ! " On exige un gradé, qui vient, on lui raconte, il donne des ordres, bien chaud et à volonté ! On est heureux ! J'ai eu des réveillons moins joyeux ! Et on raconte ça à tous le monde, ça fait le tour de la troupe. Et dans l'encadrement, ça la fout mal, embarras, ça porte un nom, quasi-officiel, et péjoratif au dernier degré : " Mauvais esprit ". Le lendemain, à 7 heures, tout le monde est particulièrement bien réveillé, on est trente à l'attendre. Mais on n'a jamais revu le connard.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Si on n'a pas bien compris le rôle des forêts primaires dans le climat de la planète, voir absolument ce reportage sur la plate forme " Replay " d'Arte, rubrique " Sciences " : " Le mystère des rivières volantes d'Amazonie ".
Les " tarés ", vénaux, qui déboisent à outrance (on sait gérer raisonnablement une forêt) vont transformer leur continent, et pas que, en désert.
Relevés il y a peu :
Johan Rockström : directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique (PIK), professeur à l'Institut des sciences de la Terre et de l'environnement de l'Université de Potsdam (Allemagne) et professeur de systèmes hydriques et durabilité mondiale à l'Université de Stockholm (Suède).
" Climat : des chercheurs envisagent désormais le pire pour l’humanité " par Yves Guillerault : https://blogs.mediapart.fr/yves-guillerault/blog/090922/climat-des-chercheurs-envisagent-desormais-le-pire-pour-l-humanite
Les " tarés ", vénaux, qui déboisent à outrance (on sait gérer raisonnablement une forêt) vont transformer leur continent, et pas que, en désert.
Relevés il y a peu :
Johan Rockström a écrit:Nous y sommes : à +1,1 °C, les phénomènes que nous pensions voir à 2 °C se produisent beaucoup plus tôt et frappent plus durement.
Johan Rockström a écrit:Nous risquons de nous diriger vers un scénario catastrophe, non pas parce que nous injectons davantage de dioxyde de carbone et de gaz à effet de serre d'origine humaine, mais parce que le système terrestre lui-même commence à émettre ces gaz.
Johan Rockström : directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique (PIK), professeur à l'Institut des sciences de la Terre et de l'environnement de l'Université de Potsdam (Allemagne) et professeur de systèmes hydriques et durabilité mondiale à l'Université de Stockholm (Suède).
" Climat : des chercheurs envisagent désormais le pire pour l’humanité " par Yves Guillerault : https://blogs.mediapart.fr/yves-guillerault/blog/090922/climat-des-chercheurs-envisagent-desormais-le-pire-pour-l-humanite
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Les colonels.
D'abord une précaution oratoire. Le grade de lieutenant-colonel se trouve entre les grades de commandant et de colonel. Mais, c'est une règle, profondément ancrée dans l'usage, quand on s'adresse directement à un lieutenant-colonel parfaitement identifiable et identifié, on ne dit pas : " Mon lieutenant-colonel ... " mais : " Mon colonel ... " C'est comme ça. Dans le régiment où j'ai fait mon service, il y avait deux lieutenant-colonels, l'un d'eux était le chef de corps, le patron du régiment, pour lui, je dirais A, et un colonel, qui était le médecin chef, je dirais C. B et C étaient clairement en fin de carrière. B était un vieux Guerrier qui s'est battu partout où la France s'est battue depuis 1945. On a fait son départ en retraite en même temps que la saint Michel, le saint protecteur des parachutistes, en septembre. Le " colonel " A a demandé une petite enveloppe à l'état major de la division pour la saint Michel et le départ du " colonel " B. Il l'a obtenu. Six mois avant, il a attrapé un capitaine, et il lui a dit : " A partir de maintenant, tu t'occupes aussi de la saint Michel et du départ du " colonel " B, c'est budgété ". Quelques mois avant son départ, le " colonel " B a pris sa plus belle plume pour écrire au général de la division, courrier contre-signé par A, le chef de corps. Il demande la permission de continuer à résider au régiment après son départ à la retraite et ce, bien évidemment, tant que sa santé le permettra. Demande accordée. Le lendemain de son départ, il est toujours là. Il a ses quartiers dans le bâtiment qui accueille le réfectoire, le mess, le foyer. Pour mettre les pieds sous la table, boire un coup, voir quelqu'un, il lui suffit de descendre au rez de chaussée. Lors de la saint Michel et de ce départ, le colonel B a invité des " vieux potes ". Et certains sont plus vieux que lui, ils ont combattu en 39/45. Il y a même un dinosaure, un fossile vivant. Aujourd'hui, et depuis longtemps, le numéro du brevet parachutiste militaire français est à 6 chiffres, l'un des invités du colonel B a un numéro de brevet à 3 chiffres (entre 500 et 600, j'ai oublié), c'est peu ou prou la naissance des troupes aéroportées en France.
Le " colonel " A est encore " jeune ", sa carrière n'est pas, n'était pas, terminée. C'est un bon officier, avenant, bienveillant, quand tout va comme il faut, forcément.
Le médecin-chef, clairement, n'est plus tout à fait avec nous. Il doit lui rester 2 ou 3 ans, et il les fera dans ce régiment. Derrière son bureau et son siège au dispensaire du régiment, il y a une très grande baie vitrée rectangulaire. Quand on est face au colonel, on est aussi pile poil face à son hamac tendu entre deux jeunes arbres à l'extérieur. Petite vérification à droite et à gauche : tout ça a été pensé. Les deux arbres paraissent à équidistance des deux murs latéraux de la baie. Même quand on échange avec lui, il n'est pas complétement là. Il fait son travail, juste son travail, en attendant que ça passe. Et lui aussi, il a vu du " pays ". Et comme c'est un médecin, je n'ai pas trop envie de savoir. S'il y en a un qui sait qu'il n'y a pas de guerre propre, c'est bien lui. Je suis certain que le " colonel " B mourra avec le sourire et en pleine forme, celui là, je suis moins sûr. Les accidents de saut sont rares. Et pas question de glisser la poussière sous le tapis. Chaque incident, accident, fait l'objet d'une enquête, d'auditions, de R.E.X. (retour d'expériences), qui remonteront si besoin est jusqu'à l'Ecole des Troupes Aéro-Portées et ses experts, et s'ils doivent se déplacer, ils le feront, " améliorer ", " améliorer ", encore et toujours. Conclure : " On ne sait pas, on ne comprend pas ce qu'il s'est passé, etc. ", c'est interdit, inenvisageable, impensable. Ils sont capables d'aller déterrer une arrière grand-mère pour comprendre ce qu'il s'est passé. Et le plus souvent, le responsable de l'accident, c'est le parachutiste ou un de ses camarades. Lors d'un saut, le type qui est devant moi ne jette pas assez loin, vers le fond de l'avion, le mousqueton de sa sangle le long du câble, quand je saute, je la prends littéralement en travers de la gorge, la brulure par frottement m'a arraché de la peau. Une fois au sol, au bord de la zone de saut, je retrouve le camarade, je lui dis " pas de souci gros, c'est rien, etc ", je ne vais pas voir les camarades du service de santé, je remonte mon col, baisse la tête, etc. Sauf que le largueur a vu, et bien vu, forcément. Ils vont nous retrouver, nous convoquer. " Pourquoi t'es pas allé te faire soigner ? ". Je minimise, on me fait comprendre que ce n'est pas ce qui est attendu, ce qu'on attend, c'est les faits. Je suis bien certain que le parachutiste R.... n'a plus jamais oublié de bien jeter son mousqueton aussi loin que possible sur le câble avant de passer la porte. Le dossier d'incident est dupliqué et envoyé d'office à l'E.T.A.P. Donc, à une exception près, dont j'ai déjà parlé, un parachutage catastrophique, qu'un colonel a maintenu alors qu'on était au dessus de la limite légale quand à la vitesse du vent, je n'ai vu qu'un seul accident. Plein été, temps magnifique, sauts d'entretien (sans paquetage), carrément un moment de détente, ça nous sort des quartiers. Et cette fois, ils ont vu les choses en grand, plusieurs compagnies de plusieurs régiments de la division sautent, il y a aussi des largages de matériel pour les personnels spécialisés, les avions se succèdent deux par deux, cette zone de saut est assez large, toute l'après midi. Au sol, ballet de camions qui arrivent vides et repartent pleins. Il y a une ambulance, un médecin chef, le colonel C, des infirmiers, militaires aussi, hyper-qualifiés, à volonté, un camion des transmissions, etc., et aujourd'hui, c'est moi qui communique avec les pilotes, pour la première fois, j'ai donc, forcément, un " ange gardien ", ça ira très bien, " l'ange gardien " n'aura pas a se manifester. La zone de saut est un endroit dangereux, un exemple, un des " incidents " les plus fréquents, c'est le type qui perd son casque à l'ouverture de son parachute, c'est de sa faute, tant que l'ouverture n'est pas complète, le menton doit toucher la poitrine. Si ce n'est pas le cas, le parachute lors de son déploiement va heurter le casque et le pousser vers l'avant. Et un casque après une chute libre de plusieurs centaines de mètres, ça ne pardonne pas. Quand un type ne se relève pas, s'il est conscient, il appelle ses camarades, et inversement, si on voit un gars qui ne se relève pas, on va voir. Si besoin est, on ouvre un parachute ventral, sa toile est blanche, à deux, on attrape cette voile et on s'écarte l'un de l'autre en levant les bras bien haut et donc la voile blanche avec, ça fait un grand rectangle blanc qui alerte immédiatement les personnels aux abords de la zone de saut. Ce qui arriva ce jour là. Le colonel C, averti, saute de son hamac, attrape sa trousse, son casque, embarque deux infirmiers, qui embarquent une civière. Fracture simple en plein milieu du tibia, sans déplacement, péroné intact, c'est mieux, il est plus petit donc plus délicat. En matière de fracture c'est très très dur d'imaginer moins grave. Le colonel est pédagogue avec le blessé, il lui explique, une coque immobilise le membre blessé et les brancardiers quittent la zone de saut avec toute la lenteur souhaitable, histoire de ne pas trop secouer le fracturé. Il est déposé pas loin de mon camion. En matière de fractures, je m'y connais un peu. Pour les membres inférieurs, je me souviens très très bien " d'une " triple fracture tibia-péroné, quelques centimètres au dessus de la cheville, c'était enflé comme un ballon de hand avec une jolie couleur violacée, et un pied qui se baladait dans tous les sens. J'ai " dansé ". Pas question d'évacuer le blessé, pas assez grave, et il y a encore beaucoup de sauts au programme, l'ambulance reste là. Et puis, tout doucement, régulièrement, le fracturé commence à geindre. Rétrospectivement, je vais l'appeler le fracturé " oin-oin ". Retour du médecin chef, il s'agenouille, il recommence pédagogiquement. Il lui dit, je résume en substance : la douleur que tu ressens avec ce que tu as, je la connais, alors tu serres un peu les dents, et ça ira. A la radio, un pilote me dit qu'il commence à y avoir des rafales de vent latérales, relativement à l'axe de la zone de saut. En clair, suffisantes pour que les parachutistes en soient informés et puissent en tenir compte lors de la descente et à l'atterrissage. J'appelle un sous-officier, il attrape son casque, des grenades fumigènes, s'engage assez profondément dans un angle de la zone de saut, dégoupille et jette ses grenades. En l'air, impossible de ne pas les voir, la fumée s'élève verticalement et puis dés qu'elle est sujette au vent, celui-ci la pousse dans une direction, on a le sens du vent, et on peut faire ce qu'il faut pour le contrarier à l'atterrissage. Et il y a toujours un ou deux " surdoués " pour rater cette petite manoeuvre, c'est à dire, très exactement faire l'inverse de ce qu'il fallait faire, résultat, à l'atterrissage, au lieu d'amoindrir au maximum les effets du vent, ils les optimisent, la prochaine fois, ils s'en souviendront, c'est le métier qui rentre. Le fracturé " oin-oin " recommence son cirque. Le médecin chef revient, se place à la hauteur de la fracture, lève le pied droit, il y a la hauteur de la civière. Le fracturé " oin-oin ", qui oublie de geindre, tiens, regarde le colonel qui ne le regarde pas. Pas trop dur de deviner ce que pense le fracturé " oin-oin " : " Il va pas faire ça le con là ? " Bah si ! Sublime. Je ne plaisante pas. Un tout petit coup de pied avec le bout sa chaussure de saut dosé avec une précision excédant la dizaine de décimales après la virgule sur la coque en plastique au niveau de la fracture. Syncope. Plus de son, plus d'image, le fracturé " oin-oin " est aux abonnés absents. En moins de deux minutes, il reprend ses esprits, il ne geindra plus, même si c'est en faisant la tronche. Derrière ce tout petit coup de pied, il y a toute l'expérience, le savoir, de cet homme. Ce que redoute le plus le parachutiste, c'est les blessures aux chevilles ou aux genoux, parachutiste ou pas d'ailleurs, la cheville ou le genou, on sait quand ça commence, jamais quand ça se termine. Le fracturé " oin-oin " re-sautera avant la fin de mon service. A contrario, dans ma section, il y avait un adjudant-chef ancien commando, chuteur opérationnel, définitivement cloué au sol par une blessure au genou. On voyait qu'il considérait que sa vie était finie, qu'il vivait une période de deuil, j'espère qu'il a su se réorienter, rebondir.
Un jour, au chiffre, une machine de réception se met en marche, elle produit en même temps un texte tapuscrit sur trois feuillets, une sorte de papier carbone très amélioré, même le troisième feuillet est parfaitement lisible, ça cogne fort, et une bande de papier perforée. A un moment la machine s'arrête, mais produit une foule de petits bruits métalliques, et puis repart, produit à toute vitesse quelques lignes constituées d'un même signe et un bout de bande perforée sur toute sa largeur, et puis reprend normalement. J'ai compris que désormais ce qui sort est chiffré. Pas de panique, aucune alarme sonore, rien de pressant. Une fois qu'elle a terminé, je déchire le texte, qui va à la poubelle. J'insère la bande perforée dans une autre machine qui n'est branchée qu'au secteur, j'appuie sur un bouton et ça lance le déchiffrement. Quand je fais mon service, la loi abolissant le service militaire est déjà votée, mais on imagine bien l'ampleur de la tâche pour réorganiser la majeure partie de l'armée française, c'est colossal, alors ça sera progressif. Bien avant cette loi, la plupart des régiments parachutistes sont déjà complétement professionnels, pas le mien et quelques autres. Il peut encore se permettre un effectif très confortable, on est 1 200, 4 compagnies. On est un régiment à " compagnie tournante ", on en a toujours une en OP.EX, en T.O.E., sans parler du Groupement Commando qui intervient à la demande. Quand une compagnie rentre, une autre part. Là, c'était une OP.EX tranquille dans le cadre d'un accord bi-national avec un pays africain. La machine fait son travail, je regarde l'en tête, le degré de classification est sensible, franchement plus étonnant : destinataire unique, et c'est le médecin chef. Sur les 400 hommes qui vont rentrer 8 d'entre eux sont positifs au V.I.H. Certains, deux ou trois, sont mariés, ont des enfants, qu'ils vont retrouver le lendemain de leur retour. L'armée, ici, a été, comme tout le monde, démunie, on ne connait pas encore bien cette " chose ", moi-même quand je sors, il m'arrive d'oublier le préservatif que j'essaye de m'imposer, mais il va vite falloir prendre des mesures. Par la suite, les types, avant d'être expédiés sous les tropiques, où avec 5 francs, on a la bière et la fille, etc., etc., seront sensibilisés à outrance, etc., mais là, ce n'est pas encore au point. A l'étranger, les " filles " adorent les soldats français, ils sont corrects, généreux, du pain béni comparé à la " faune " locale. Les avions arrivent, les hommes débarquent, un type fait l'appel, une fois qu'il a les 8, il les envoie directement chez le médecin chef, qui va leur annoncer la " bonne nouvelle ". Je connaissais deux de ces hommes. L'un d'eux était un ami, un garçon en or, indestructible, taillé comme un chien de chasse, on lui voyait les cotes, très légèrement métissé, même pas un quarteron, avec un nom bien de chez nous. Lors d'une soirée mémorable, il demande doctement à la " noble assemblée ", si quelqu'un a déjà regardé " 2001, l'odyssée de l'espace " de Kubrick en ayant fumé un peu " d'herbe ". On se regarde, bah non, quelle idée. Alors on a roulé quelques joints, préventivement décapsulé quelques cannettes, et regardé ce film, que je n'aime pas, n'entends pas, mais j'ai joué le jeu, je suis resté pétrifié, halluciné, pendant tout le film. Encore aujourd'hui, je suis totalement incapable de décrire cette expérience. Quelques mois avant, il avait appris qu'il était enfin accepté au 11° " Choc " (régiment dissout en 1993, c'était, c'est, comme on veut, le service action de la D.G.S.E.). Où il n'ira jamais. Ils sont tous morts.
D'abord une précaution oratoire. Le grade de lieutenant-colonel se trouve entre les grades de commandant et de colonel. Mais, c'est une règle, profondément ancrée dans l'usage, quand on s'adresse directement à un lieutenant-colonel parfaitement identifiable et identifié, on ne dit pas : " Mon lieutenant-colonel ... " mais : " Mon colonel ... " C'est comme ça. Dans le régiment où j'ai fait mon service, il y avait deux lieutenant-colonels, l'un d'eux était le chef de corps, le patron du régiment, pour lui, je dirais A, et un colonel, qui était le médecin chef, je dirais C. B et C étaient clairement en fin de carrière. B était un vieux Guerrier qui s'est battu partout où la France s'est battue depuis 1945. On a fait son départ en retraite en même temps que la saint Michel, le saint protecteur des parachutistes, en septembre. Le " colonel " A a demandé une petite enveloppe à l'état major de la division pour la saint Michel et le départ du " colonel " B. Il l'a obtenu. Six mois avant, il a attrapé un capitaine, et il lui a dit : " A partir de maintenant, tu t'occupes aussi de la saint Michel et du départ du " colonel " B, c'est budgété ". Quelques mois avant son départ, le " colonel " B a pris sa plus belle plume pour écrire au général de la division, courrier contre-signé par A, le chef de corps. Il demande la permission de continuer à résider au régiment après son départ à la retraite et ce, bien évidemment, tant que sa santé le permettra. Demande accordée. Le lendemain de son départ, il est toujours là. Il a ses quartiers dans le bâtiment qui accueille le réfectoire, le mess, le foyer. Pour mettre les pieds sous la table, boire un coup, voir quelqu'un, il lui suffit de descendre au rez de chaussée. Lors de la saint Michel et de ce départ, le colonel B a invité des " vieux potes ". Et certains sont plus vieux que lui, ils ont combattu en 39/45. Il y a même un dinosaure, un fossile vivant. Aujourd'hui, et depuis longtemps, le numéro du brevet parachutiste militaire français est à 6 chiffres, l'un des invités du colonel B a un numéro de brevet à 3 chiffres (entre 500 et 600, j'ai oublié), c'est peu ou prou la naissance des troupes aéroportées en France.
Le " colonel " A est encore " jeune ", sa carrière n'est pas, n'était pas, terminée. C'est un bon officier, avenant, bienveillant, quand tout va comme il faut, forcément.
Le médecin-chef, clairement, n'est plus tout à fait avec nous. Il doit lui rester 2 ou 3 ans, et il les fera dans ce régiment. Derrière son bureau et son siège au dispensaire du régiment, il y a une très grande baie vitrée rectangulaire. Quand on est face au colonel, on est aussi pile poil face à son hamac tendu entre deux jeunes arbres à l'extérieur. Petite vérification à droite et à gauche : tout ça a été pensé. Les deux arbres paraissent à équidistance des deux murs latéraux de la baie. Même quand on échange avec lui, il n'est pas complétement là. Il fait son travail, juste son travail, en attendant que ça passe. Et lui aussi, il a vu du " pays ". Et comme c'est un médecin, je n'ai pas trop envie de savoir. S'il y en a un qui sait qu'il n'y a pas de guerre propre, c'est bien lui. Je suis certain que le " colonel " B mourra avec le sourire et en pleine forme, celui là, je suis moins sûr. Les accidents de saut sont rares. Et pas question de glisser la poussière sous le tapis. Chaque incident, accident, fait l'objet d'une enquête, d'auditions, de R.E.X. (retour d'expériences), qui remonteront si besoin est jusqu'à l'Ecole des Troupes Aéro-Portées et ses experts, et s'ils doivent se déplacer, ils le feront, " améliorer ", " améliorer ", encore et toujours. Conclure : " On ne sait pas, on ne comprend pas ce qu'il s'est passé, etc. ", c'est interdit, inenvisageable, impensable. Ils sont capables d'aller déterrer une arrière grand-mère pour comprendre ce qu'il s'est passé. Et le plus souvent, le responsable de l'accident, c'est le parachutiste ou un de ses camarades. Lors d'un saut, le type qui est devant moi ne jette pas assez loin, vers le fond de l'avion, le mousqueton de sa sangle le long du câble, quand je saute, je la prends littéralement en travers de la gorge, la brulure par frottement m'a arraché de la peau. Une fois au sol, au bord de la zone de saut, je retrouve le camarade, je lui dis " pas de souci gros, c'est rien, etc ", je ne vais pas voir les camarades du service de santé, je remonte mon col, baisse la tête, etc. Sauf que le largueur a vu, et bien vu, forcément. Ils vont nous retrouver, nous convoquer. " Pourquoi t'es pas allé te faire soigner ? ". Je minimise, on me fait comprendre que ce n'est pas ce qui est attendu, ce qu'on attend, c'est les faits. Je suis bien certain que le parachutiste R.... n'a plus jamais oublié de bien jeter son mousqueton aussi loin que possible sur le câble avant de passer la porte. Le dossier d'incident est dupliqué et envoyé d'office à l'E.T.A.P. Donc, à une exception près, dont j'ai déjà parlé, un parachutage catastrophique, qu'un colonel a maintenu alors qu'on était au dessus de la limite légale quand à la vitesse du vent, je n'ai vu qu'un seul accident. Plein été, temps magnifique, sauts d'entretien (sans paquetage), carrément un moment de détente, ça nous sort des quartiers. Et cette fois, ils ont vu les choses en grand, plusieurs compagnies de plusieurs régiments de la division sautent, il y a aussi des largages de matériel pour les personnels spécialisés, les avions se succèdent deux par deux, cette zone de saut est assez large, toute l'après midi. Au sol, ballet de camions qui arrivent vides et repartent pleins. Il y a une ambulance, un médecin chef, le colonel C, des infirmiers, militaires aussi, hyper-qualifiés, à volonté, un camion des transmissions, etc., et aujourd'hui, c'est moi qui communique avec les pilotes, pour la première fois, j'ai donc, forcément, un " ange gardien ", ça ira très bien, " l'ange gardien " n'aura pas a se manifester. La zone de saut est un endroit dangereux, un exemple, un des " incidents " les plus fréquents, c'est le type qui perd son casque à l'ouverture de son parachute, c'est de sa faute, tant que l'ouverture n'est pas complète, le menton doit toucher la poitrine. Si ce n'est pas le cas, le parachute lors de son déploiement va heurter le casque et le pousser vers l'avant. Et un casque après une chute libre de plusieurs centaines de mètres, ça ne pardonne pas. Quand un type ne se relève pas, s'il est conscient, il appelle ses camarades, et inversement, si on voit un gars qui ne se relève pas, on va voir. Si besoin est, on ouvre un parachute ventral, sa toile est blanche, à deux, on attrape cette voile et on s'écarte l'un de l'autre en levant les bras bien haut et donc la voile blanche avec, ça fait un grand rectangle blanc qui alerte immédiatement les personnels aux abords de la zone de saut. Ce qui arriva ce jour là. Le colonel C, averti, saute de son hamac, attrape sa trousse, son casque, embarque deux infirmiers, qui embarquent une civière. Fracture simple en plein milieu du tibia, sans déplacement, péroné intact, c'est mieux, il est plus petit donc plus délicat. En matière de fracture c'est très très dur d'imaginer moins grave. Le colonel est pédagogue avec le blessé, il lui explique, une coque immobilise le membre blessé et les brancardiers quittent la zone de saut avec toute la lenteur souhaitable, histoire de ne pas trop secouer le fracturé. Il est déposé pas loin de mon camion. En matière de fractures, je m'y connais un peu. Pour les membres inférieurs, je me souviens très très bien " d'une " triple fracture tibia-péroné, quelques centimètres au dessus de la cheville, c'était enflé comme un ballon de hand avec une jolie couleur violacée, et un pied qui se baladait dans tous les sens. J'ai " dansé ". Pas question d'évacuer le blessé, pas assez grave, et il y a encore beaucoup de sauts au programme, l'ambulance reste là. Et puis, tout doucement, régulièrement, le fracturé commence à geindre. Rétrospectivement, je vais l'appeler le fracturé " oin-oin ". Retour du médecin chef, il s'agenouille, il recommence pédagogiquement. Il lui dit, je résume en substance : la douleur que tu ressens avec ce que tu as, je la connais, alors tu serres un peu les dents, et ça ira. A la radio, un pilote me dit qu'il commence à y avoir des rafales de vent latérales, relativement à l'axe de la zone de saut. En clair, suffisantes pour que les parachutistes en soient informés et puissent en tenir compte lors de la descente et à l'atterrissage. J'appelle un sous-officier, il attrape son casque, des grenades fumigènes, s'engage assez profondément dans un angle de la zone de saut, dégoupille et jette ses grenades. En l'air, impossible de ne pas les voir, la fumée s'élève verticalement et puis dés qu'elle est sujette au vent, celui-ci la pousse dans une direction, on a le sens du vent, et on peut faire ce qu'il faut pour le contrarier à l'atterrissage. Et il y a toujours un ou deux " surdoués " pour rater cette petite manoeuvre, c'est à dire, très exactement faire l'inverse de ce qu'il fallait faire, résultat, à l'atterrissage, au lieu d'amoindrir au maximum les effets du vent, ils les optimisent, la prochaine fois, ils s'en souviendront, c'est le métier qui rentre. Le fracturé " oin-oin " recommence son cirque. Le médecin chef revient, se place à la hauteur de la fracture, lève le pied droit, il y a la hauteur de la civière. Le fracturé " oin-oin ", qui oublie de geindre, tiens, regarde le colonel qui ne le regarde pas. Pas trop dur de deviner ce que pense le fracturé " oin-oin " : " Il va pas faire ça le con là ? " Bah si ! Sublime. Je ne plaisante pas. Un tout petit coup de pied avec le bout sa chaussure de saut dosé avec une précision excédant la dizaine de décimales après la virgule sur la coque en plastique au niveau de la fracture. Syncope. Plus de son, plus d'image, le fracturé " oin-oin " est aux abonnés absents. En moins de deux minutes, il reprend ses esprits, il ne geindra plus, même si c'est en faisant la tronche. Derrière ce tout petit coup de pied, il y a toute l'expérience, le savoir, de cet homme. Ce que redoute le plus le parachutiste, c'est les blessures aux chevilles ou aux genoux, parachutiste ou pas d'ailleurs, la cheville ou le genou, on sait quand ça commence, jamais quand ça se termine. Le fracturé " oin-oin " re-sautera avant la fin de mon service. A contrario, dans ma section, il y avait un adjudant-chef ancien commando, chuteur opérationnel, définitivement cloué au sol par une blessure au genou. On voyait qu'il considérait que sa vie était finie, qu'il vivait une période de deuil, j'espère qu'il a su se réorienter, rebondir.
Un jour, au chiffre, une machine de réception se met en marche, elle produit en même temps un texte tapuscrit sur trois feuillets, une sorte de papier carbone très amélioré, même le troisième feuillet est parfaitement lisible, ça cogne fort, et une bande de papier perforée. A un moment la machine s'arrête, mais produit une foule de petits bruits métalliques, et puis repart, produit à toute vitesse quelques lignes constituées d'un même signe et un bout de bande perforée sur toute sa largeur, et puis reprend normalement. J'ai compris que désormais ce qui sort est chiffré. Pas de panique, aucune alarme sonore, rien de pressant. Une fois qu'elle a terminé, je déchire le texte, qui va à la poubelle. J'insère la bande perforée dans une autre machine qui n'est branchée qu'au secteur, j'appuie sur un bouton et ça lance le déchiffrement. Quand je fais mon service, la loi abolissant le service militaire est déjà votée, mais on imagine bien l'ampleur de la tâche pour réorganiser la majeure partie de l'armée française, c'est colossal, alors ça sera progressif. Bien avant cette loi, la plupart des régiments parachutistes sont déjà complétement professionnels, pas le mien et quelques autres. Il peut encore se permettre un effectif très confortable, on est 1 200, 4 compagnies. On est un régiment à " compagnie tournante ", on en a toujours une en OP.EX, en T.O.E., sans parler du Groupement Commando qui intervient à la demande. Quand une compagnie rentre, une autre part. Là, c'était une OP.EX tranquille dans le cadre d'un accord bi-national avec un pays africain. La machine fait son travail, je regarde l'en tête, le degré de classification est sensible, franchement plus étonnant : destinataire unique, et c'est le médecin chef. Sur les 400 hommes qui vont rentrer 8 d'entre eux sont positifs au V.I.H. Certains, deux ou trois, sont mariés, ont des enfants, qu'ils vont retrouver le lendemain de leur retour. L'armée, ici, a été, comme tout le monde, démunie, on ne connait pas encore bien cette " chose ", moi-même quand je sors, il m'arrive d'oublier le préservatif que j'essaye de m'imposer, mais il va vite falloir prendre des mesures. Par la suite, les types, avant d'être expédiés sous les tropiques, où avec 5 francs, on a la bière et la fille, etc., etc., seront sensibilisés à outrance, etc., mais là, ce n'est pas encore au point. A l'étranger, les " filles " adorent les soldats français, ils sont corrects, généreux, du pain béni comparé à la " faune " locale. Les avions arrivent, les hommes débarquent, un type fait l'appel, une fois qu'il a les 8, il les envoie directement chez le médecin chef, qui va leur annoncer la " bonne nouvelle ". Je connaissais deux de ces hommes. L'un d'eux était un ami, un garçon en or, indestructible, taillé comme un chien de chasse, on lui voyait les cotes, très légèrement métissé, même pas un quarteron, avec un nom bien de chez nous. Lors d'une soirée mémorable, il demande doctement à la " noble assemblée ", si quelqu'un a déjà regardé " 2001, l'odyssée de l'espace " de Kubrick en ayant fumé un peu " d'herbe ". On se regarde, bah non, quelle idée. Alors on a roulé quelques joints, préventivement décapsulé quelques cannettes, et regardé ce film, que je n'aime pas, n'entends pas, mais j'ai joué le jeu, je suis resté pétrifié, halluciné, pendant tout le film. Encore aujourd'hui, je suis totalement incapable de décrire cette expérience. Quelques mois avant, il avait appris qu'il était enfin accepté au 11° " Choc " (régiment dissout en 1993, c'était, c'est, comme on veut, le service action de la D.G.S.E.). Où il n'ira jamais. Ils sont tous morts.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Bonne année à tous !
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" L'aumônier ".
A titre personnel, je n'ai pas de problème de vertige, avec les grandes hauteurs, etc., je n'ai pas ce problème, c'est comme ça, tant mieux pour moi. Je me suis donc porté volontaire pour faire mon service dans les T.A.P. (troupes aéroportées). Le saut le plus basique imaginable se fait en avion, de jour, sans le matériel de combat, et le largage par les deux portes latérales, avec un largueur par porte, en permanence en liaison raison radio avec le cockpit. L'avion approche de la zone de saut, il stabilise sa vitesse et son altitude. Quand c'est fait, il transmet aux largueurs, qui alors procèdent à l'ouverture des portes. Le bruit devient assourdissant, ils accompagnent leurs ordres par des gestes convenus et imprimés par tous. Dans cette configuration, les " câbles " (sticks en anglais, 4 dans les plus gros porteurs) sont en file indienne. Une fois la porte ouverte, le largueur prend le premier du câble par une sangle quelconque et l'incite à se positionner face au vide. Le type met un pied au bord, l'autre en retrait, et attrape fermement les embrasures avec ses mains, prêt à s'expulser de l'avion après une tape dans le dos et le " Go " du largueur. Le premier à la porte, le vide, il le verra bien, très bien, jusqu'au moment où le cockpit puis le largueur donnent le signal, où la lumière passe au vert. Le premier s'expulse, comme tout le monde, énergiquement de l'avion, c'est important de prendre le plus de distance possible avec l'avion. Jetez un petit objet par la fenêtre d'un véhicule à grande vitesse, c'est pareil, le déplacement de l'objet est en premier lieu horizontal dans le plan de l'avion. Ensuite, ça va très très vite, hormis ce premier à la porte, les suivants, découvrent le vide à la porte et un instant plus tard sont dehors, et derrière ça pousse. Avant d'embarquer, une fois équipés, tout le monde vérifie l'équipement de tout le monde, véridique : on peut voir sur l'équipement du camarade une " connerie " qu'on a soi même faite sur le sien !! Petite précision : tant qu'il y a eu des appelés, cette vérification était obligatoirement faite par un gradé. Ceci fait, les largueurs, à la volée, réclament bien fort : " Des volontaires à la porte ! " Et mon meilleur pote et moi, on est toujours volontaire à la porte, tellement que les largueurs nous cherchent des yeux, s'attendent à nous voir rappliquer, et ont toujours un petit mot gentil pour nous : " Toujours les mêmes ! Merci les gars ". L'embarquement peut commencer. Il faut bien comprendre qu'il y a des professionnels, qui pratiquent le parachutisme de loisir, dans le civil, etc., et tout à fait certains de ne pas être volontaires à la porte. C'est quelque chose de très très particulier. Et puis, c'était mon 15°, 16°, 17°, saut, je ne sais plus, " ça ne va pas ", je suis blême, si je ne me contrôlais pas, je tremblerais comme une feuille. Incompréhension complète, ça ne m'est jamais arrivé. Mon meilleur pote n'est pas loin, il vient me voir et me demande de la façon la plus routinière du monde : " On va à la porte ? " Je lui dis qu'aujourd'hui, ça va pas le faire, il me connaît, alors il s'inquiète. Je me demande " mais qu'est-ce qu'il y a ? " Aucune réponse, un problème en ce moment ? Non. Plus de 30 ans plus tard, je n'ai toujours pas la réponse à la question. Il se trouve que cette fois, c'est exceptionnel, il va pleuvoir des grenouilles, l'aumônier de la division est là, normalement cet homme est toujours à l'étranger, au plus prêt des hommes en opération. Je suis allé le voir. Il s'équipait et discutait en rigolant avec des camarades. C'est un ancien, et il a vu du " pays ", il a au moins 60 ans et une vie dans les T.A.P. A ma tronche, les camarades s'évanouissent. Sa religion ? Aucune idée, et c'est le cadet de mes soucis. Et des siens : il ne sait pas précisément a priori à qui il a à faire. Il va écouter le type qui vient le voir, pas lui faire un cours de théologie. Un type va le voir, point. Personne ne réagit, point. Et une réaction déplacée, à laquelle personne ne pense, serait relevée. Il est là pour ça l'aumônier et il n'y a plus personne ici pour oser dire qu'il n'ira jamais voir l'aumônier, qu'il ne demandera jamais à voir l'aumônier. Je lui explique aussi sincèrement que possible (à quoi bon sinon). Je regrette infiniment de ne plus du tout me souvenir de ce qu'il m'a dit. Mais je me suis porté volontaire pour aller à la porte. Dans les premiers largués, dans les premiers au sol, je retrouve très vite le camarade, il me demande : " Qu'est-ce t'as eu ? " " Rohh, je sais pas, c'était même nickel à la porte, j'ai apprécié !, c'était beau. C'est fou ça... " L'effectif d'aumôniers est relativement faible, a contrario, ils ne sont jamais là, en France, dés qu'on projette un certain nombre de soldats, il y en a un. L'expérience et les travaux des aumôniers (d'abord complétement bénévoles, isolés, de leurs propres initiatives, notamment après 14/18) ont beaucoup compté et comptent toujours en matière d'éthique militaire (textes internationaux, dont les différentes " Conventions de Genève ", codes, textes nationaux, etc.).
A titre personnel, je n'ai pas de problème de vertige, avec les grandes hauteurs, etc., je n'ai pas ce problème, c'est comme ça, tant mieux pour moi. Je me suis donc porté volontaire pour faire mon service dans les T.A.P. (troupes aéroportées). Le saut le plus basique imaginable se fait en avion, de jour, sans le matériel de combat, et le largage par les deux portes latérales, avec un largueur par porte, en permanence en liaison raison radio avec le cockpit. L'avion approche de la zone de saut, il stabilise sa vitesse et son altitude. Quand c'est fait, il transmet aux largueurs, qui alors procèdent à l'ouverture des portes. Le bruit devient assourdissant, ils accompagnent leurs ordres par des gestes convenus et imprimés par tous. Dans cette configuration, les " câbles " (sticks en anglais, 4 dans les plus gros porteurs) sont en file indienne. Une fois la porte ouverte, le largueur prend le premier du câble par une sangle quelconque et l'incite à se positionner face au vide. Le type met un pied au bord, l'autre en retrait, et attrape fermement les embrasures avec ses mains, prêt à s'expulser de l'avion après une tape dans le dos et le " Go " du largueur. Le premier à la porte, le vide, il le verra bien, très bien, jusqu'au moment où le cockpit puis le largueur donnent le signal, où la lumière passe au vert. Le premier s'expulse, comme tout le monde, énergiquement de l'avion, c'est important de prendre le plus de distance possible avec l'avion. Jetez un petit objet par la fenêtre d'un véhicule à grande vitesse, c'est pareil, le déplacement de l'objet est en premier lieu horizontal dans le plan de l'avion. Ensuite, ça va très très vite, hormis ce premier à la porte, les suivants, découvrent le vide à la porte et un instant plus tard sont dehors, et derrière ça pousse. Avant d'embarquer, une fois équipés, tout le monde vérifie l'équipement de tout le monde, véridique : on peut voir sur l'équipement du camarade une " connerie " qu'on a soi même faite sur le sien !! Petite précision : tant qu'il y a eu des appelés, cette vérification était obligatoirement faite par un gradé. Ceci fait, les largueurs, à la volée, réclament bien fort : " Des volontaires à la porte ! " Et mon meilleur pote et moi, on est toujours volontaire à la porte, tellement que les largueurs nous cherchent des yeux, s'attendent à nous voir rappliquer, et ont toujours un petit mot gentil pour nous : " Toujours les mêmes ! Merci les gars ". L'embarquement peut commencer. Il faut bien comprendre qu'il y a des professionnels, qui pratiquent le parachutisme de loisir, dans le civil, etc., et tout à fait certains de ne pas être volontaires à la porte. C'est quelque chose de très très particulier. Et puis, c'était mon 15°, 16°, 17°, saut, je ne sais plus, " ça ne va pas ", je suis blême, si je ne me contrôlais pas, je tremblerais comme une feuille. Incompréhension complète, ça ne m'est jamais arrivé. Mon meilleur pote n'est pas loin, il vient me voir et me demande de la façon la plus routinière du monde : " On va à la porte ? " Je lui dis qu'aujourd'hui, ça va pas le faire, il me connaît, alors il s'inquiète. Je me demande " mais qu'est-ce qu'il y a ? " Aucune réponse, un problème en ce moment ? Non. Plus de 30 ans plus tard, je n'ai toujours pas la réponse à la question. Il se trouve que cette fois, c'est exceptionnel, il va pleuvoir des grenouilles, l'aumônier de la division est là, normalement cet homme est toujours à l'étranger, au plus prêt des hommes en opération. Je suis allé le voir. Il s'équipait et discutait en rigolant avec des camarades. C'est un ancien, et il a vu du " pays ", il a au moins 60 ans et une vie dans les T.A.P. A ma tronche, les camarades s'évanouissent. Sa religion ? Aucune idée, et c'est le cadet de mes soucis. Et des siens : il ne sait pas précisément a priori à qui il a à faire. Il va écouter le type qui vient le voir, pas lui faire un cours de théologie. Un type va le voir, point. Personne ne réagit, point. Et une réaction déplacée, à laquelle personne ne pense, serait relevée. Il est là pour ça l'aumônier et il n'y a plus personne ici pour oser dire qu'il n'ira jamais voir l'aumônier, qu'il ne demandera jamais à voir l'aumônier. Je lui explique aussi sincèrement que possible (à quoi bon sinon). Je regrette infiniment de ne plus du tout me souvenir de ce qu'il m'a dit. Mais je me suis porté volontaire pour aller à la porte. Dans les premiers largués, dans les premiers au sol, je retrouve très vite le camarade, il me demande : " Qu'est-ce t'as eu ? " " Rohh, je sais pas, c'était même nickel à la porte, j'ai apprécié !, c'était beau. C'est fou ça... " L'effectif d'aumôniers est relativement faible, a contrario, ils ne sont jamais là, en France, dés qu'on projette un certain nombre de soldats, il y en a un. L'expérience et les travaux des aumôniers (d'abord complétement bénévoles, isolés, de leurs propres initiatives, notamment après 14/18) ont beaucoup compté et comptent toujours en matière d'éthique militaire (textes internationaux, dont les différentes " Conventions de Genève ", codes, textes nationaux, etc.).
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
" L'adjudant-chef M-L L-B. "
Dans mon régiment, il y avait environ 1 200 " hommes ", dont 4 femmes. La plus gradée était adjudant-chef. Et c'était, des 4, celle que je voyais le plus souvent. Prénom composé d'une folle désuétude, forcément volontaire, nom composé, ça sentait la vieille France, peut être même l'aristocratie, père militaire. Elle m'avait à la bonne, attention hein, de la même façon que d'autres gradés m'avait à la bonne : je te prête un Bottéro, tu me prêtes ta monographie sur les pythons, etc. Ce qui permet en comité réduit des conversations un peu plus consistantes. Elle avait de longs cheveux, bruns. Vous, je ne sais pas, mais moi si je croise Monica Bellucci ou Charlize Theron au rayon papeterie, avec des cheveux en brosse, j'ai même pas vu que c'est une femme. Mais les cheveux longs en service, ça va pas le faire, avec le casque lourd, courir, crapahuter, sauter en parachute, pas évident. Même le chignon, elles ne pouvaient pas tout le temps, dans d'autres armes, corps, emplois, etc., ça va, en cas de cheveux longs, c'est la règle. Chez nous, elles composaient selon l'emploi du temps. Et comme j'aime, follement, les cheveux longs, j'avais forcément repéré ceux de l'adjudant-chef M-L L-B. Même ses nattes, ses tresses (je n'ai jamais été garçon coiffeur), qu'elle arrangeait de façon uniforme sur sa tête, j'adorais. Un jour, on causait en petit comité. Elle me dit qu'elle n'a pas commencé sa carrière dans les parachutistes, et j'ai oublié où, désolé (et c'est peut être mieux ...), et que si elle n'était pas allée dans les parachutistes, elle ne serait pas restée à l'armée. Et moi, comme un gros con ou presque, je lui dit : " Oui, mais quand même, les paras ... " Et là elle me regarde droit dans les yeux : " Si, si, justement ". Je suis obligé de débloquer quelques neurones supplémentaires, et j'opine du chef. Après mes classes, je suis donc resté 10 mois dans ce régiment et effectivement, pendant ces 10 mois je n'ai jamais vu ni entendu quoi que ce soit sur les 4 femmes du régiment, les types avaient un rideau métallique, des barbelés, dans la tête : éduqués, et pas qu'un peu, à ce sujet, et d'autres. L'esquisse d'une pensée les auraient effrayés. Les horaires normaux, c'est 8-12, 13-17 heures. Une semaine, j'étais de garde, et j'étais au portail principal du régiment. Peu après 17 heures, l'adjudant-chef M-L L-B arrive à pied (elle prend un bus civil, qui forcément marque un arrêt pas loin), passe, me salue, idem, sourires, elle fait quelques mètres, elle enlève un élastique, je ne sais pas quoi, mais sa longue chevelure déroule. Elle se retourne, sourit, me fait un geste de la main, et moi j'acquiesce et relève doucement la tête, ça veut dire " merci ", c'était un peu convenu, je lui avais dit plusieurs fois : " Au moins une fois, montrez vos cheveux !! ", et en fait, c'était pour rire, je n'y croyais plus. Mais elle l'a fait, hors de l'enceinte du régiment. C'était un bon soldat, un bon parachutiste, un bon sous-officier (qui comptait bien devenir officier), d'avoir vu et fréquenté des gens comme ça, c'est un des bons cotés de mon service.
Dans mon régiment, il y avait environ 1 200 " hommes ", dont 4 femmes. La plus gradée était adjudant-chef. Et c'était, des 4, celle que je voyais le plus souvent. Prénom composé d'une folle désuétude, forcément volontaire, nom composé, ça sentait la vieille France, peut être même l'aristocratie, père militaire. Elle m'avait à la bonne, attention hein, de la même façon que d'autres gradés m'avait à la bonne : je te prête un Bottéro, tu me prêtes ta monographie sur les pythons, etc. Ce qui permet en comité réduit des conversations un peu plus consistantes. Elle avait de longs cheveux, bruns. Vous, je ne sais pas, mais moi si je croise Monica Bellucci ou Charlize Theron au rayon papeterie, avec des cheveux en brosse, j'ai même pas vu que c'est une femme. Mais les cheveux longs en service, ça va pas le faire, avec le casque lourd, courir, crapahuter, sauter en parachute, pas évident. Même le chignon, elles ne pouvaient pas tout le temps, dans d'autres armes, corps, emplois, etc., ça va, en cas de cheveux longs, c'est la règle. Chez nous, elles composaient selon l'emploi du temps. Et comme j'aime, follement, les cheveux longs, j'avais forcément repéré ceux de l'adjudant-chef M-L L-B. Même ses nattes, ses tresses (je n'ai jamais été garçon coiffeur), qu'elle arrangeait de façon uniforme sur sa tête, j'adorais. Un jour, on causait en petit comité. Elle me dit qu'elle n'a pas commencé sa carrière dans les parachutistes, et j'ai oublié où, désolé (et c'est peut être mieux ...), et que si elle n'était pas allée dans les parachutistes, elle ne serait pas restée à l'armée. Et moi, comme un gros con ou presque, je lui dit : " Oui, mais quand même, les paras ... " Et là elle me regarde droit dans les yeux : " Si, si, justement ". Je suis obligé de débloquer quelques neurones supplémentaires, et j'opine du chef. Après mes classes, je suis donc resté 10 mois dans ce régiment et effectivement, pendant ces 10 mois je n'ai jamais vu ni entendu quoi que ce soit sur les 4 femmes du régiment, les types avaient un rideau métallique, des barbelés, dans la tête : éduqués, et pas qu'un peu, à ce sujet, et d'autres. L'esquisse d'une pensée les auraient effrayés. Les horaires normaux, c'est 8-12, 13-17 heures. Une semaine, j'étais de garde, et j'étais au portail principal du régiment. Peu après 17 heures, l'adjudant-chef M-L L-B arrive à pied (elle prend un bus civil, qui forcément marque un arrêt pas loin), passe, me salue, idem, sourires, elle fait quelques mètres, elle enlève un élastique, je ne sais pas quoi, mais sa longue chevelure déroule. Elle se retourne, sourit, me fait un geste de la main, et moi j'acquiesce et relève doucement la tête, ça veut dire " merci ", c'était un peu convenu, je lui avais dit plusieurs fois : " Au moins une fois, montrez vos cheveux !! ", et en fait, c'était pour rire, je n'y croyais plus. Mais elle l'a fait, hors de l'enceinte du régiment. C'était un bon soldat, un bon parachutiste, un bon sous-officier (qui comptait bien devenir officier), d'avoir vu et fréquenté des gens comme ça, c'est un des bons cotés de mon service.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Le camarade H.
On est tous les deux lorrains, on a été incorporé ensemble, on a fait nos classes ensemble, ça crée des liens. Après les classes, on sera affecté dans le même régiment, mais pas dans la même compagnie. A première vue, " bonne pâte ", pour un peu on se demanderait ce qu'il fait là. Mais la " bonne pâte " a le cuir bien dur, et même carrément, il rechigne, râle, etc., moins que la moyenne. Si par hasard il est resté à l'armée, il y songeait, il a fait un bon soldat, mais qui restera soldat, et qui voudra rester soldat, homme de troupes (caporal, brigadier, etc.). Le milieu est dur, si on ne les connaît pas, on découvre vite ses limites, celles qu'on peut repousser et les autres. Il a besoin d'être commandé, il le sait, pour le reste, il ira à la mort, sera un bon camarade, un bon soldat, c'est déjà fort bien. Je ne sais pas trop pourquoi, nan je déconne, mais j'attire les confidences. Pendant les classes, je me suis retrouvé en binôme posté avec lui. On mange des trucs. Les parachutistes sont malingres, on leur voit les côtes, et ils ont toujours faim, ils ne mangent pas, ils engloutissent, c'est tous des gourmands, souvent des gourmets, des Docteurs es boissons chaudes, il n'y a pas une section sans sa grille à grillades et son " cuistot ", son " mousse ", lors des gros déplacements, il y a toujours un véhicule qui " disparaît " un moment pour un " raid " sur la boulangerie, la boucherie et la supérette les plus proches. Pour les casses-croutes avec grillades, le ketchup, c'est forcément Heinz, la moutarde Amora, et la mayonnaise, de la daube, forcément aussi, puisque c'est celle du magasin, il y a des choses comme ça, c'est incroyable le nombre d'engagés qui sont capables de lever une mayonnaise, chez nous, le " king " de la mayonnaise c'était un adjudant. C'était aussi le meilleur tireur et un membre du groupe commando. Quand je termine mon service, je dois mettre du 38 ! Mais je digresse. Avec mon binôme, on bavarde à voie basse dans notre trou. Il me dit : " En fait je suis d'origine alsacienne ". Moi : " Je suis vosgien mais j'ai presque la moitié de ma famille de l'autre coté ". Entendre " l'autre coté " des sommets vosgiens, de la trop fameuse " Ligne bleue des Vosges ", où trainent encore quelques bornes en grès, forcément, avec d'un coté un " F " et de l'autre un " D ", posées après 1870. Il me demande dans quel coin, etc. Silence. Il reprend : " A la fin de la seconde guerre mondiale mon grand-père est allé aux tribunal des affaires familiales pour changer de nom ". Je ne percute pas. Il reprend : " On a juste remplacé le " T " par un " S ". Moi : " ... Ha oui, quand même ". J'en déglutis, c'est effectivement du lourd, impossible de " faire mieux " donc. En fait, après la seconde guerre mondiale, des centaines de milliers de pauvres bougres, qui n'avaient rien demandé à personne, en Europe, ont du modifier leur nom de famille. C'est une découverte toujours étrange, de découvrir qu'à travers le monde, il y a au moins dix personnes qui portent le même nom que soi. Certains patronymes, devenus infamants, étaient très fréquents. Après 1945, beaucoup, beaucoup, moins. Comme la moustache (sauf Heidegger, qui persiste). Mais certains, a contrario, ont catégoriquement refusé. C'est ainsi qu'en Allemagne on croisait très régulièrement de splendides machines agricoles de chez " Mengele ". L'entreprise a coulé après les révélations, tardives, indiquant que la famille avait toujours soutenu le fuyard. La disparition des énormes " Mengele " promenés par des engins agricoles a soulagé toute la Bavière, mais on peut encore en voir quelques-uns, arrivé ici, c'est " une déclaration d'amour ", ostensible. Après la guerre, un nombre important de prisonniers allemands sont restés. Dans mon village, il y avait l'August(e). Pauvre Auguste. C'était un " allemand ", de la minorité allemande de Hongrie. De citoyen hongrois, il s'est retrouvé soldat allemand. Après la guerre, pas question de rentrer en Hongrie, toutes les minorités germanophones, souvent vieilles de plusieurs siècles, ont été expulsées de cette région d'Europe, avec souvent des crimes à la clé, mais c'étaient des allemands, et donc le cadet des soucis de l'histoire avec un grand " H ". Il a francisé son nom (à coucher dehors), est devenu français, il a fait l'ouvrier agricole jusqu'à sa retraite. A l'école primaire, il y avait deux soeurs avec moi. Comme elles habitaient le gros village qui accueille l'école elles ne mangeaient pas à la cantine. Le grand-père venait les chercher pour le repas et les ramenait à 13 heures. C'était un ex-colonel de la Wehrmacht, très impliqué dans le jumelage du collège du coin avec un autre collège, allemand. Avant même sa libération, il a fait connaissance avec une fille du crû. Et ils ont eu au moins une fille, la mère des soeurs que je connais, qui a mangé du " fille de boche " pendant toute son enfance, ça s'est arrêté avec la génération suivante.
On est tous les deux lorrains, on a été incorporé ensemble, on a fait nos classes ensemble, ça crée des liens. Après les classes, on sera affecté dans le même régiment, mais pas dans la même compagnie. A première vue, " bonne pâte ", pour un peu on se demanderait ce qu'il fait là. Mais la " bonne pâte " a le cuir bien dur, et même carrément, il rechigne, râle, etc., moins que la moyenne. Si par hasard il est resté à l'armée, il y songeait, il a fait un bon soldat, mais qui restera soldat, et qui voudra rester soldat, homme de troupes (caporal, brigadier, etc.). Le milieu est dur, si on ne les connaît pas, on découvre vite ses limites, celles qu'on peut repousser et les autres. Il a besoin d'être commandé, il le sait, pour le reste, il ira à la mort, sera un bon camarade, un bon soldat, c'est déjà fort bien. Je ne sais pas trop pourquoi, nan je déconne, mais j'attire les confidences. Pendant les classes, je me suis retrouvé en binôme posté avec lui. On mange des trucs. Les parachutistes sont malingres, on leur voit les côtes, et ils ont toujours faim, ils ne mangent pas, ils engloutissent, c'est tous des gourmands, souvent des gourmets, des Docteurs es boissons chaudes, il n'y a pas une section sans sa grille à grillades et son " cuistot ", son " mousse ", lors des gros déplacements, il y a toujours un véhicule qui " disparaît " un moment pour un " raid " sur la boulangerie, la boucherie et la supérette les plus proches. Pour les casses-croutes avec grillades, le ketchup, c'est forcément Heinz, la moutarde Amora, et la mayonnaise, de la daube, forcément aussi, puisque c'est celle du magasin, il y a des choses comme ça, c'est incroyable le nombre d'engagés qui sont capables de lever une mayonnaise, chez nous, le " king " de la mayonnaise c'était un adjudant. C'était aussi le meilleur tireur et un membre du groupe commando. Quand je termine mon service, je dois mettre du 38 ! Mais je digresse. Avec mon binôme, on bavarde à voie basse dans notre trou. Il me dit : " En fait je suis d'origine alsacienne ". Moi : " Je suis vosgien mais j'ai presque la moitié de ma famille de l'autre coté ". Entendre " l'autre coté " des sommets vosgiens, de la trop fameuse " Ligne bleue des Vosges ", où trainent encore quelques bornes en grès, forcément, avec d'un coté un " F " et de l'autre un " D ", posées après 1870. Il me demande dans quel coin, etc. Silence. Il reprend : " A la fin de la seconde guerre mondiale mon grand-père est allé aux tribunal des affaires familiales pour changer de nom ". Je ne percute pas. Il reprend : " On a juste remplacé le " T " par un " S ". Moi : " ... Ha oui, quand même ". J'en déglutis, c'est effectivement du lourd, impossible de " faire mieux " donc. En fait, après la seconde guerre mondiale, des centaines de milliers de pauvres bougres, qui n'avaient rien demandé à personne, en Europe, ont du modifier leur nom de famille. C'est une découverte toujours étrange, de découvrir qu'à travers le monde, il y a au moins dix personnes qui portent le même nom que soi. Certains patronymes, devenus infamants, étaient très fréquents. Après 1945, beaucoup, beaucoup, moins. Comme la moustache (sauf Heidegger, qui persiste). Mais certains, a contrario, ont catégoriquement refusé. C'est ainsi qu'en Allemagne on croisait très régulièrement de splendides machines agricoles de chez " Mengele ". L'entreprise a coulé après les révélations, tardives, indiquant que la famille avait toujours soutenu le fuyard. La disparition des énormes " Mengele " promenés par des engins agricoles a soulagé toute la Bavière, mais on peut encore en voir quelques-uns, arrivé ici, c'est " une déclaration d'amour ", ostensible. Après la guerre, un nombre important de prisonniers allemands sont restés. Dans mon village, il y avait l'August(e). Pauvre Auguste. C'était un " allemand ", de la minorité allemande de Hongrie. De citoyen hongrois, il s'est retrouvé soldat allemand. Après la guerre, pas question de rentrer en Hongrie, toutes les minorités germanophones, souvent vieilles de plusieurs siècles, ont été expulsées de cette région d'Europe, avec souvent des crimes à la clé, mais c'étaient des allemands, et donc le cadet des soucis de l'histoire avec un grand " H ". Il a francisé son nom (à coucher dehors), est devenu français, il a fait l'ouvrier agricole jusqu'à sa retraite. A l'école primaire, il y avait deux soeurs avec moi. Comme elles habitaient le gros village qui accueille l'école elles ne mangeaient pas à la cantine. Le grand-père venait les chercher pour le repas et les ramenait à 13 heures. C'était un ex-colonel de la Wehrmacht, très impliqué dans le jumelage du collège du coin avec un autre collège, allemand. Avant même sa libération, il a fait connaissance avec une fille du crû. Et ils ont eu au moins une fille, la mère des soeurs que je connais, qui a mangé du " fille de boche " pendant toute son enfance, ça s'est arrêté avec la génération suivante.
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Frères d'armes et amis pour la vie.
J'ai déjà parlé de lui. On a fait connaissance le jour de notre incorporation. A la fin des classes, quand les " survivants " sont ventilés dans tous les régiments parachutistes de France, on a l'immense bonheur d'être affectés dans le même, mais on ne sera pas dans la même compagnie. Il va se retrouver dans la compagnie la plus " dure " du régiment, des spécialistes. On a la même formation de base, le même coeur de métier : infanterie. Mais quand même, ma vie au régiment sera très différente de la sienne : je me retrouve secrétaire chiffreur affecté à la compagnie de commandement et de services. Lui, il a fait son service au grand air, et pas qu'un peu, il fera quelques allers et retours en Afrique, etc. Moi, le plus souvent, je suis au " trente-sixième " sous-sol, dans un espace sensible et sécurisé. Tout en bas d'un escalier, on ne peut tourner qu'à droite, environ dix mètres, et encore à droite, une bonne quinzaine de mètres, et ce ou ces, comme on veut, couloirs sont carrelés au sol, aux murs et au plafond. Pas la moindre porte, bouche quelconque, interdit d'y stationner quoi que ce soit, et au fond, une paroi très très renforcée avec une porte de la même " eau ", si j'ose dire. Des " judas ", etc., permettent de tout voir dans ce couloir, et c'est fait pour. Cet espace lui-même est cloisonné, il y a, entre autres, deux pièces réservées au chiffre, deux aux radios, dont une d'émission et réception, faisant l'objet d'aménagements particuliers et qui doit toujours être fermée quand il y a émission et/ou réception. Au dessus de la porte de cette pièce, sur fond rouge en majuscule : " Silence on vous écoute ". Et ce n'est certainement pas parce qu'on a l'habilitation requise pour rentrer dans cet espace sensible et sécurisé qu'on a de facto le droit de rentrer dans toutes les pièces, notoirement la salle de réception radio et celles du chiffre. Le cloisonnement est un élément aussi basique que fondamental de la confidentialité. Alors ? Comment dire ? J'ai encore du mal. De temps en temps, soirée ou week-ends uniquement, je laisse rentrer mon pote. On va dans la grande pièce de détente, comme c'est une moitié de rital, il fait des cafés somptueux avec sa minuscule cafetière italienne, il regarde un film avec nous, etc. Le chiffre ? Il s'en fout, et cosmiquement ! Parfois, on sonne. Panique. Il doit se planquer, et très très vite : une poignée de secondes de trop pour aller ouvrir et forcément soupçon. Préventivement, il a d'ailleurs enlever ses pompes et quand il court se cacher, il les emporte. Un coup, il atterrit dans des toilettes, un coup, dans une cabine de douche, un coup, avec les groupes électrogènes, un coup, au chiffre, forcément, etc. Un soir, sur une allée qui relie des bâtiments entre eux, je croise le commandant M... Une idole, charismatique. " Qui avec le commandant M... ? " " Moi, moi, moi, ...", tout le régiment en fait. Il a une manie, toujours les mains dans le dos quand il déambule, un peu penché en avant, en même temps, il fait plus de deux mètres, il est carré comme une armoire bretonne ou lorraine. Je le salue. Lui aussi, et il embraye : " Ha oui X, j'aimerais te causer d'un truc ". " Bien sûr mon commandant ". " On nous a parlé d'allers et venues au sous-sol, ça te dis quelque chose ? " Le fil du rasoir, tiens, je déglutis encore. " Mon commandant ... je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de grave ... ". " Alors je peux compter sur toi ? ". " Bien sûr mon commandant ". Le lendemain, je vois le pote : " Le commandant M... m'a chopé hier soir ". " Pourquoi !? ". " A ton avis ? " Sinon !, je tiens absolument à dénoncer l'adjudant X, qui, non-habilité, a pénétré l'espace sécurisé et une pièce du chiffre pour me casser la gueule ! C'était du moins son projet initial. En matinée, je saisis et chiffre une broutille : l'envoi d'un avion sur une piste A pour embarquer une compagnie de je ne sais même plus quel régiment pour la parachuter je ne sais plus où et je ne sais plus pour quoi. L'avion arrivera sur une piste B, où personne ne l'attend. Il était bien plus petit que moi, il a pourtant bien attrapé ma veste, collé au mur et levé du sol. Je réussis à le convaincre de me lâcher, je vais chercher son message manuscrit froissé dans la poubelle, et je lui montre son erreur. En fait, même avant chiffrement par les chiffreurs, il existe déjà des mesures pour les rédacteurs. Inutile, interdit en fait, de préciser !
J'ai déjà parlé de lui. On a fait connaissance le jour de notre incorporation. A la fin des classes, quand les " survivants " sont ventilés dans tous les régiments parachutistes de France, on a l'immense bonheur d'être affectés dans le même, mais on ne sera pas dans la même compagnie. Il va se retrouver dans la compagnie la plus " dure " du régiment, des spécialistes. On a la même formation de base, le même coeur de métier : infanterie. Mais quand même, ma vie au régiment sera très différente de la sienne : je me retrouve secrétaire chiffreur affecté à la compagnie de commandement et de services. Lui, il a fait son service au grand air, et pas qu'un peu, il fera quelques allers et retours en Afrique, etc. Moi, le plus souvent, je suis au " trente-sixième " sous-sol, dans un espace sensible et sécurisé. Tout en bas d'un escalier, on ne peut tourner qu'à droite, environ dix mètres, et encore à droite, une bonne quinzaine de mètres, et ce ou ces, comme on veut, couloirs sont carrelés au sol, aux murs et au plafond. Pas la moindre porte, bouche quelconque, interdit d'y stationner quoi que ce soit, et au fond, une paroi très très renforcée avec une porte de la même " eau ", si j'ose dire. Des " judas ", etc., permettent de tout voir dans ce couloir, et c'est fait pour. Cet espace lui-même est cloisonné, il y a, entre autres, deux pièces réservées au chiffre, deux aux radios, dont une d'émission et réception, faisant l'objet d'aménagements particuliers et qui doit toujours être fermée quand il y a émission et/ou réception. Au dessus de la porte de cette pièce, sur fond rouge en majuscule : " Silence on vous écoute ". Et ce n'est certainement pas parce qu'on a l'habilitation requise pour rentrer dans cet espace sensible et sécurisé qu'on a de facto le droit de rentrer dans toutes les pièces, notoirement la salle de réception radio et celles du chiffre. Le cloisonnement est un élément aussi basique que fondamental de la confidentialité. Alors ? Comment dire ? J'ai encore du mal. De temps en temps, soirée ou week-ends uniquement, je laisse rentrer mon pote. On va dans la grande pièce de détente, comme c'est une moitié de rital, il fait des cafés somptueux avec sa minuscule cafetière italienne, il regarde un film avec nous, etc. Le chiffre ? Il s'en fout, et cosmiquement ! Parfois, on sonne. Panique. Il doit se planquer, et très très vite : une poignée de secondes de trop pour aller ouvrir et forcément soupçon. Préventivement, il a d'ailleurs enlever ses pompes et quand il court se cacher, il les emporte. Un coup, il atterrit dans des toilettes, un coup, dans une cabine de douche, un coup, avec les groupes électrogènes, un coup, au chiffre, forcément, etc. Un soir, sur une allée qui relie des bâtiments entre eux, je croise le commandant M... Une idole, charismatique. " Qui avec le commandant M... ? " " Moi, moi, moi, ...", tout le régiment en fait. Il a une manie, toujours les mains dans le dos quand il déambule, un peu penché en avant, en même temps, il fait plus de deux mètres, il est carré comme une armoire bretonne ou lorraine. Je le salue. Lui aussi, et il embraye : " Ha oui X, j'aimerais te causer d'un truc ". " Bien sûr mon commandant ". " On nous a parlé d'allers et venues au sous-sol, ça te dis quelque chose ? " Le fil du rasoir, tiens, je déglutis encore. " Mon commandant ... je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de grave ... ". " Alors je peux compter sur toi ? ". " Bien sûr mon commandant ". Le lendemain, je vois le pote : " Le commandant M... m'a chopé hier soir ". " Pourquoi !? ". " A ton avis ? " Sinon !, je tiens absolument à dénoncer l'adjudant X, qui, non-habilité, a pénétré l'espace sécurisé et une pièce du chiffre pour me casser la gueule ! C'était du moins son projet initial. En matinée, je saisis et chiffre une broutille : l'envoi d'un avion sur une piste A pour embarquer une compagnie de je ne sais même plus quel régiment pour la parachuter je ne sais plus où et je ne sais plus pour quoi. L'avion arrivera sur une piste B, où personne ne l'attend. Il était bien plus petit que moi, il a pourtant bien attrapé ma veste, collé au mur et levé du sol. Je réussis à le convaincre de me lâcher, je vais chercher son message manuscrit froissé dans la poubelle, et je lui montre son erreur. En fait, même avant chiffrement par les chiffreurs, il existe déjà des mesures pour les rédacteurs. Inutile, interdit en fait, de préciser !
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 8364
Date d'inscription : 31/10/2009
Re: La rubrique à brac du Neopilina.
L'adjudant P., breveté tête de linotte
Un lundi matin à la prise de service, et même largement en avance, une habitude chez celui-là, l'adjudant P. arrive aux locaux sécurisés des transmissions du régiment. Il a sonné, quelqu'un, le plus proche, est allé voir, et lui a ouvert. Il lance bien fort, à la cantonade, que tout le monde entende : " Salut les gars !, rien à signaler ? ". Réponse chorale, d'un peu partout : " Rien à signaler mon adjudant ! ". Mais je suis particulièrement bien placé pour entendre, saisir, une petite faiblesse dans sa voix. Je vais au chiffre, j'ouvre un tiroir, je prends son pistolet, je tire la culasse en arrière, qui, faute de chargeur inséré dans l'arme, reste bloquée dans cette position, et le chargeur. L'adjudant P. : " Personne a vu mon pistolet, je crois que l'ai oublié ici vendredi ? ". Je sors de mon local à sa rencontre. Je tiens le pistolet par le canon dans une main, le chargeur dans l'autre, je lui tends le premier. Nous sommes des garçons très très bien élevés, éduqués, la manipulation des armes, des munitions, est totalement codifiée, même ainsi on a encore parfois des accidents, qui sont inlassablement pourchassés, renseignés, avec R.E.X. (retours d'expérience), etc. Il le prend, vérifie qu'il n'y a aucune munition dans la chambre, il dirige le canon vers sol, libère la culasse et appuie sur la queue de détente, " clic ", et remet l'arme dans son étui. Ensuite, il prend le chargeur et le met dans une poche qui se ferme hermétiquement. Par politesse, courtoisie, c'est la moindre des choses, il ne compte pas les balles devant moi, mais je sais qu'il le fera, il est obligé de le faire, même à lui, s'il en manque une, à l'armurerie, on lui demandera des comptes. L'adjudant P. (prodigieusement soulagé, mais il faut garder bonne figure) : " Il était où ? ". " Vous l'avez oublié dans la salle d'émission [chez les radios]. Vous n'étiez même pas parti [vendredi] depuis une heure quand je l'ai trouvé. Je l'ai pris, je l'ai mis en sécurité au chiffre. J'ai pensé que vous alliez téléphoner, j'ai cherché partout [i.e. dans ces locaux] votre numéro personnel, je ne l'ai pas trouvé. Il m'a semblé que ce n'était pas nécessaire d'appeler l'O.P. (l'officier de permanence) ... ". L'adjudant P., il me regarde droit dans les yeux, ça me chatouille dans le bulbe rachidien : " Vu que tu as eu la meilleure réaction possible, ce n'était pas la peine ". Bah oui, parce que dans le cas contraire, la " météorologie " se serait gravement dégradée pour lui ! J'esquisse un sourire. En une fraction de seconde, il me pointe du doigt : " Mais vas surtout pas penser que je t'ai à la bonne ! ". " C'est évident mon adjudant ". Et on rigole. La dure réalité reprend ses droits : " Rien à signaler au chiffre ? ". " Rien de rien, pour l'instant le programme de la semaine n'est pas perturbé ". Lui : " Tu viens boire un jus, j'ai amené les croissants ? " Et on va dans la salle de détente où se trouve déjà tous les personnels qui étaient de permanence ce week-end, pour un point complet et un petit moment bien cool, on n'est pas des boeufs. Dans la journée, un sous-officier me dit : " P. est un type en or, mais six fois par an, il nous fait le coup, il perd ses baïonnettes, on ne compte plus les casques. Une fois, il est rentré d'un exercice sans l'antenne principale ". Je connais cet exercice, relais de transmissions très mobile et ultra-discret, format de 8 huit hommes (avec le matériel de " l'époque ", remplacé depuis belle lurette). Moi : " Chef, il n'était pas seul, il a fallu rassembler un paquet de pieds nickelés ". Le sous-officier : " Oui, mais c'est lui le responsable ". " ... ".
Un lundi matin à la prise de service, et même largement en avance, une habitude chez celui-là, l'adjudant P. arrive aux locaux sécurisés des transmissions du régiment. Il a sonné, quelqu'un, le plus proche, est allé voir, et lui a ouvert. Il lance bien fort, à la cantonade, que tout le monde entende : " Salut les gars !, rien à signaler ? ". Réponse chorale, d'un peu partout : " Rien à signaler mon adjudant ! ". Mais je suis particulièrement bien placé pour entendre, saisir, une petite faiblesse dans sa voix. Je vais au chiffre, j'ouvre un tiroir, je prends son pistolet, je tire la culasse en arrière, qui, faute de chargeur inséré dans l'arme, reste bloquée dans cette position, et le chargeur. L'adjudant P. : " Personne a vu mon pistolet, je crois que l'ai oublié ici vendredi ? ". Je sors de mon local à sa rencontre. Je tiens le pistolet par le canon dans une main, le chargeur dans l'autre, je lui tends le premier. Nous sommes des garçons très très bien élevés, éduqués, la manipulation des armes, des munitions, est totalement codifiée, même ainsi on a encore parfois des accidents, qui sont inlassablement pourchassés, renseignés, avec R.E.X. (retours d'expérience), etc. Il le prend, vérifie qu'il n'y a aucune munition dans la chambre, il dirige le canon vers sol, libère la culasse et appuie sur la queue de détente, " clic ", et remet l'arme dans son étui. Ensuite, il prend le chargeur et le met dans une poche qui se ferme hermétiquement. Par politesse, courtoisie, c'est la moindre des choses, il ne compte pas les balles devant moi, mais je sais qu'il le fera, il est obligé de le faire, même à lui, s'il en manque une, à l'armurerie, on lui demandera des comptes. L'adjudant P. (prodigieusement soulagé, mais il faut garder bonne figure) : " Il était où ? ". " Vous l'avez oublié dans la salle d'émission [chez les radios]. Vous n'étiez même pas parti [vendredi] depuis une heure quand je l'ai trouvé. Je l'ai pris, je l'ai mis en sécurité au chiffre. J'ai pensé que vous alliez téléphoner, j'ai cherché partout [i.e. dans ces locaux] votre numéro personnel, je ne l'ai pas trouvé. Il m'a semblé que ce n'était pas nécessaire d'appeler l'O.P. (l'officier de permanence) ... ". L'adjudant P., il me regarde droit dans les yeux, ça me chatouille dans le bulbe rachidien : " Vu que tu as eu la meilleure réaction possible, ce n'était pas la peine ". Bah oui, parce que dans le cas contraire, la " météorologie " se serait gravement dégradée pour lui ! J'esquisse un sourire. En une fraction de seconde, il me pointe du doigt : " Mais vas surtout pas penser que je t'ai à la bonne ! ". " C'est évident mon adjudant ". Et on rigole. La dure réalité reprend ses droits : " Rien à signaler au chiffre ? ". " Rien de rien, pour l'instant le programme de la semaine n'est pas perturbé ". Lui : " Tu viens boire un jus, j'ai amené les croissants ? " Et on va dans la salle de détente où se trouve déjà tous les personnels qui étaient de permanence ce week-end, pour un point complet et un petit moment bien cool, on n'est pas des boeufs. Dans la journée, un sous-officier me dit : " P. est un type en or, mais six fois par an, il nous fait le coup, il perd ses baïonnettes, on ne compte plus les casques. Une fois, il est rentré d'un exercice sans l'antenne principale ". Je connais cet exercice, relais de transmissions très mobile et ultra-discret, format de 8 huit hommes (avec le matériel de " l'époque ", remplacé depuis belle lurette). Moi : " Chef, il n'était pas seul, il a fallu rassembler un paquet de pieds nickelés ". Le sous-officier : " Oui, mais c'est lui le responsable ". " ... ".
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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Oui, oui, je sais, j'ai déjà posté ces clichés d'une jeune couleuvre à collier, Natrix natrix, de l'année. Comme l'indique mon très modeste appareil photographique numérique (je ne suis pas du tout sensible à la photographie au sens artistique du terme), elle est née dans la semaine du 16 aout 2017. Tous les ans, il y a chez moi (sur ma propriété), des naissances de couleuvre à collier. Cette année, j'ai capturé un individu nouveau né le 28 mai (2023 donc). Et alors ? Il y a 30 ans, en Lorraine, c'était inconcevable, impensable, impossible. Le réchauffement climatique est en cause. Quand j'étais adolescent, on n'attendait pas ces naissances avant le 15 aout. Comme on est en Europe, en France, berceau de la science, la flore et la faune de ces pays sont très bien connues, étudiées, documentées, suivies, etc. On sait donc depuis longtemps que dans le Sud de la France, grâce au climat que l'on sait, les couleuvres à collier peuvent s'accoupler, et donc pondre, beaucoup plus tôt, de telle sorte qu'on a, dans ces régions favorables, deux pontes par an, et donc deux vagues de naissances. Allez !, encore un effort, et même en Lorraine, ça sera bientôt le cas.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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Re: La rubrique à brac du Neopilina.
Bergame a écrit:Mais je pense que ce n'est pas inutile, pour neopilina, d'être confronté à l'Autre.
La dialectique, toujours...
Tu te souviens de mon premier avatar sur internet ? Bien sûr qu'oui : un poulpe (les céphalopodes ont huit bras). Malheureusement, j'ai bien vu chez autrui, qu'il ne voyait pas dans ce " poulpe " ce que moi, qui fréquente beaucoup les Grecs, je voyais. Affaire de culture personnelle. Au Louvre, aile Denon, entresol, niveau - 1, salle 1, " Grèce préclassique ", on peut voir quelques merveilles où on peut voir ce poulpe (je tiens à disposition une liste des objets les plus remarquables). Bref, la mort dans l'âme, j'exagère, j'aime follement Athéna, j'ai opté pour la chouette chevêche du même nom. Et j'ai bien peur d'avoir beaucoup, beaucoup, plus que huit bras, de telle sorte : je dois me retenir. Qu'autrui soit en face de moi ou même virtuellement (et donc terriblement diminué, tout le monde en prend conscience), je peux être horriblement intrusif, même si c'est le plus courtoisement du monde. Alors comme tu l'as si bien dit une fois, je résume en substance, ce n'est pas un verbatim, mais je suis sûr que tu seras d'accord : " Néo, il en garde sous le pied ". C'est vrai. Ça se voit sur certains fils, où manifestement je rends public selon un agenda qui est le mien. J'ai un stock fou, accumulé avant d'acquérir un ordinateur (j'ai sous le coude un petit traité, 12 pages, sur l'ontologie du 1, de l'unité, mathématiques, il fera le bonheur de Vanleers, et de quelques autres, etc.) et augmenté depuis. Non seulement, j'en garde sous le pied, mais j'ai du apprendre à refréner le caractère envahissant du poulpe, qu'autrui pouvait mal vivre, ce que j'ai du apprendre à comprendre. Mon père à terminé sa carrière aux Voies Navigables de France. Un secteur, où par exemple, notoirement, on gère les flux, volumes, d'eau avec des vannes, etc. Le jour où je déciderais d'ouvrir les vannes en grand, vous serez débarrassés de ma présence. Et le plus sincèrement du monde, tous ceux qui m'auront supporté, sans la moindre exception, mériteront une médaille.
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neopilina- Digressi(f/ve)
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