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Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance

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Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 Empty Re: Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance

Message par AnythingK Dim 25 Nov 2007 - 7:43

(je poursuis ici car mon message était trop long à mon tour)

Maintenant pour vous répondre un peu plus précisément à votre message, d’abord je dois vous dire que ce n’est pas clair pour moi quand vous dites :

«
Ainsi, je déplore que les modes de légitimation de l'autorité se fassent selon des principes aussi primaires que ceux des vérités consensuelles, mais je répète qu'il s'agit ici de modifier les modes de pensée des gens. En poussant un peu vers une pensée de type dialectique, on pourrait dire que l'autorité peut être légitime pour-soi (pragmatiquement), tout en étant illégitime en-soi (idéalement). Toutefois, cette illégitimité en-soi n'est que pour un pour-soi particulier (qui a conscience de ses contradictions internes) et fait l'expérience de son illégitimité (mais qu'elles sont les critères d'une expérience de l'illégitimité de l'autorité...?). »

C’est une configurtion que je n’arrive pas bien à saisir. Pour moi la coexistence relativement pacifique de points de vue différents sur la légitimité des autorité est possible, dans la mesure où les "pyramides" (n'oublions pas que ce n'est qu'une image) peuvent s'interprénéter pour se nuancer, se rigidifier et es'exclure par idéologie, entrer en conflit, mais chose certaine, une sorte de "résultat" général (légitime pour certain, illégitime pour d'autre) existe à notre époque (visible pour certains, invisible pour d'autres) et inclut en son sein toutes les contradictions (en soi ou pour soi n'y change rien à ce deré de généralité), mais les domine, les englobe néanmoins. Quant aux "critères d'une expérience de l'illégitimité de l'autorité", je crois que je tenter de les cerner au moins en partie par ceci : quand je disais que « c’est le sentiment ou la sensation d’être abusé qui ouvre au champ de la conscience la perception d’une illégitimité de l’autorité ».

Vous me répondez :

« Je suis d'accord, mais c'est un sentiment difficile à analyser conceptuellement. De même que parfois l'enfant peut se sentir abusé dans une situation où la majorité ne se sentirait pas abusé. »

Mais certainement ! encore une fois je répète n’avoir jamais nié la relativité de la reconnaissance de la légitimité !! Et on ne va pas non plus nier la place du sentiment dans le jugement de légitimité sous prétexte que c’est une chose difficile à conceptualiser… peu importe la légitimité en question, et peu importe le sentiment envers elle, il n’en deumeure pas moins que c,est lui qui va à son égard initier la pensée critique ou à l’inverse l’empêcher.

Je vous cite :
« Je suis d'accord que la légitimité d'une autorité précède son exercice, sauf que le problème est que c'est cette autorité qui s'auto-accorde la légitimité dans les cas où ce n'est pas celui qui y est soumis qui accorde cette légitimité »

Attention vous rapportez ma position à une posture positiviste alors qu’il n’en est rien ! J’ignore si je m’exprime mal , mais une fois de plus, ce que je dis n’est pas que c’est « tout un » qui accorde la légitimité « ou tout l’autre » et ce dans tous les cas et de manière semblable ! Parfois il y a reconnaissance réciproque, parfois non, parfois une personne qui ne se reconnaît à elle-même aucune autorité légitime s'en voit tout de même reconnaître une par une autre personne, etc… mais de plus et surtout, jamais il n’y a pas de véritable et pur « auto-accord » de légitimité (comme je le disais d’ailleurs pour les singularités). Toujours il y a un contexte culturel, historique, etc.. (je vous le répète, nous pensons identiquement là dessus)… Si la légitimité précède l’acte, c’est bien parce que justement elle précède le sujet qui exerce cette autorité, sinon en totalité (le prêtre anciennement), du moins en partie (le père de nos jours, dont l’autorité se doit d’être en bonne partie « inventée » ici et maintenant par ce père-là), dans cette société où l’autorité véritable est en déclin). Il ne s’agit pas de s’apitoyer, mais d’être créatif pour ne pas que ce ne soit que la loi de la jungle, là où le capital fait office de notre animalité instinctive immanente.

Vous poursuivez en disant :
« En fait, la plupart des problèmes d'un foyer de pouvoir est de faire reconnaître aux autres l'autorité légitime qu'il s'est lui-même accordé. »

Je répondrais que si cette autorité est réellement arrivée à se reconnaître réflexivement une légitimité à elle-même, cela n’est pas vraiment un problème dans la mesure justement où ceux à qui elle s'adresse ont une "capacité", une disposition ou une affinité pour y consentir. Je préciserais plutôt en disant que la plupart des problèmes des institutions c’est de ne pas savoir elles-mêmes en quoi elles sont légitimes, et que plus elles essaient d’être transparentes et rationnelles, plus elles sont obligées d’avouer leurs bavures et leurs incohérences.

« Toutefois, si la légitimité de l'autorité n'est ni déployé par celui qui y est soumis, ni par celui qui l'exerce, alors je ne vois pas d'autres solutions que de retomber directement dans la métaphysique d'une légitimité a priori; un a priori qui n'est en fait qu'un savoir que déploie une autorité pour se légitimer, que ce soit en tant que "résistance" ou en tant que "pouvoir". »

Pour ma part, je crois que nous sommes toujours dans un tel déploiement. Sauf que celui actuel parvient à masquer ses mécanismes d’une manière encore plus efficace, en se montrant comme un pragmatisme immanent généralisé, justement, alors qu’il est une religion du capital et du « pain et des jeux ». Le pragmatisme (un moyen de gagner) se faisant passer pour une fin (une manière d’être), ce qu’il réussit à merveille.

Voilà, j’espère que ce n’est pas trop confus. Et je vous rappelle que rien n’est « figé », que je ne prétends pas rendre compte de Foucault même s’il est nécessaire à ce raisonnement, et que les commentaires et récriminations sont bienvenus.

p.s. Je crois que « légitimation » est le bon mot, et non « légitimisation » (enfin il me semble bien) que je corrige dans vos mots lorsque je vous cite depuis les débuts … ;-)

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Message par Bergame Jeu 29 Nov 2007 - 1:57

Alors j'ai essayé de prendre un peu le temps de comprendre vos positions respectives.

En premier lieu, je dirais que le débat autour des notions de pouvoir, autorité, domination, voire puissance, prestige, etc. est un débat qui, à moi, m'apparait un peu creux. Je veux dire par là qu'il me semble que le débat conceptuel se confond avec un débat terminologique. A quoi réfèrent donc ces notions ? Y a-t-il quoique ce soit d'empirique qu'on puisse appeler "pouvoir" ? Non. Ou alors, on donne au pouvoir une définition proche de "capacité" qui renvoie -ou aimerait renvoyer- à la notion de "force" et on conçoit -ou aimerait concevoir- le pouvoir comme une forme de déterminisme -c'est la tradition anglo-saxonne qui commence avec Hobbes, et conçoit la relation de pouvoir sur le modèle de la physique galiléenne. Mais on a alors une définition bien trop large du pouvoir, et, comme chacun a la capacité de faire, chacun aurait du pouvoir.
A cela s'ajoutent les multiples débats sur le pouvoir comme possession (induite par la notion de capacité) ou comme relation. Je passe. S'y ajoutent encore les distinctions entre pouvoir et autorité. Par exemple, Anything propose ici une définition de l'autorité qui se rapproche à mon sens de celle de la tradition libérale anglo-saxonne -je ne suis pas trop d'accord pour dire que c'est également celle d'Arendt, je vais y revenir. L'"authority" pour les anglo-saxons, c'est en gros et pour faire simple, le pouvoir légitime. Dans cette tradition, le power est en effet toujours suspect, toujours lourd de menace, il est contrainte et il est donc, par essence, illégitime. Si on fait très simple, et un peu critique, on peut dire qu'avec la notion d'authority, la tradition libérale a trouvé le moyen de concevoir un "bon" pouvoir -mais c'est trop rapidement dit.
Ce qui est en revanche fondamental dans ce concept, c'est son extrème ambiguité, que rend très bien Anything implicitement, d'ailleurs : Comment concilier pouvoir sur et liberté ? Un pouvoir qui s'exerce sur moi, de deux choses l'une : Ou c'est véritablement un pouvoir, et je ne peux m'y soustraire ; ou je peux m'y soustraire, j'ai la liberté de m'y plier ou non, pour mieux dire, j'ai le choix, mais alors, ce n'est pas vraiment un pouvoir, c'est plutôt quelque chose comme une opportunité. Ben non, répondent les libéraux anglo-saxons en substance, parce que, théoriquement, bien sûr j'ai le choix, je suis libre, mais en fait, cognitivement, je ne m'interroge pas sur ce choix. Et pourquoi je ne délibère pas avec moi-même, parce que ce pouvoir n'est pas ressenti comme une contrainte, d'ailleurs, ce n'est pas un pouvoir, c'est l'authority. Comme le dit encore très bien Anything, c'est donc le pouvoir qui ne s'interroge pas, le pouvoir "normal", tellement normal, de fait, qu'il n'est pas un pouvoir. Et à vrai dire, si bien normal qu'il est normatif, et, de fil en aiguille dans le libéralisme moderne, fonde sa légitimité dans le Droit. L'authority me semble donc un très bon exemple d'à quoi sert en fait le débat terminologique sur les notions de pouvoir et autres. Je vais y revenir aussi.

Mais rapidement, Arendt : Le travail d'Arendt sur la notion d'autorité s'inscrit dans sa réflexion très générale sur l'oubli de la question du politique dans la pensée occidentale. Il s'agit de retrouver une conception antique de la politique, qu'on peut résumer par l'étymologie : Auctoritas, rappelle Arendt, vient du latin augere, "faire croitre". Lorsque Auguste oppose auctoritas et potestas (à peu près : "de potestas je n'en ai jamais eue, c'est par l'auctoritas que je me suis imposé à tous"), ce n'est pas un "bon" pouvoir à un "mauvais" qu'il oppose, c'est un leadership personnel et moral à une autorité institutionnelle, légale. Par conséquent, ce n'est pas la même "autorité" que l'authority anglo-saxonne qui, elle, encore une fois, a plutôt tendance à inscrire et concevoir sa légitimité dans le droit. Enfin, évidemment, c'est très vite dit, et les nuances sont nombreuses, l'autorité morale convient très bien au libéralisme anglo-saxon également -je pense par exemple à Stuart Mill.

La question de la domination est plus complexe encore. En première approximation, je crois qu'on peut dire qu'elle essaye -lorsqu'on l'utilise en français- de rendre compte de la notion germanique de Herrschaft, c'est-à-dire comme l'a très bien indiqué Pierre Rivière, d'une relation dans laquelle il y a un Maitre, un Herr. Mais pas le Maitre absolu, plutôt le Maitre intime, disons le Maitre de maison (domus => domination). Cette notion de proximité, d'intimité même, au sein de la relation de domination est fondamentale, je crois, dans la pensée germanique. Or, elle est devenue tout le contraire -et peut-être que Marx y est un peu pour quelque chose ? Aujourd'hui, on utilise plutôt la notion de domination dans le cadre d'une conception structurale de la société. On parle éventuellement par exemple de structures de domination, comme chez le marxiste Nicos Poulantzas.
Et donc, pour retrouver le cours du débat un instant, vu mon interprétation de Foucault, j'ai également tendance, comme Anything je crois, à comprendre son pouvoir comme une domination. Sauf que, me semble-t-il, il y a plusieurs définitions implicites du pouvoir chez Foucault, et qu'il y a aussi un pouvoir-force, un pouvoir créateur -qui, peut-être, pourrait alors rejoindre de loin, l'autorité d'Arendt, Anything, sauf qu'il reste chez Foucault totalement impersonnel, et qu'il ne s'incarne aucunement dans une personne morale -me semble-t-il.

En fait, ce pouvoir créateur se rapproche surtout de la notion de puissance (Macht) telle qu'on a l'habitude de la comprendre. C'est d'ailleurs amusant, c'est l'un des râres concepts de ce champ sémantique dont l'interprétation ne fait pas trop débat. En fait, Nietzsche a rendu un grand service à la science politique en se l'accaparant. Du coup, c'est une notion jugée peu discriminante, ça renvoie aux élucubrations nietzschéennes -j'entend, jugées comme telles- et ça n'intéresse personne -sous le sceau de Saint Weber qui a lui-même jugé le concept "amorphe". Du coup, une distinction terminologique de moins -c'est toujours ça de gagné.

Pour reprendre les choses par un autre bout, c'est d'ailleurs tout à fait intéressant, je crois -enfin !... :D - de s'attarder un peu sur les multiples débats autour de la traduction de Max Weber. On n'imagine pas, quand on ne s'intéresse pas forcément aux études weberiennes, et quand, néanmoins, on constate la place que prend Weber aujourd'hui dans les sciences politiques et sociales, on n'imagine pas les extraordinaires distorsions dans la traduction et l'interprétation de sa pensée. Pourquoi Weber -pourquoi toujours Weber d'ailleurs, on va croire que je fais une fixation- parce qu'il est celui qui, entre maintes autres choses, a introduit la question de la légitimité dans sa formulation moderne. Sans surprise, Weber emploie le terme de Herrschaft. Lorsqu'on lit un commentateur anglais ou américain de Weber, on sait immédiatement dans quel camp il se place rien qu'en regardant quelle traduction il adopte : Power ou authority ? S'il traduit par "power", c'est sans doute un "réaliste", peut-être un marxiste. S'il traduit "authority", c'est manifestement un libéral. J'ai peut-être l'air d'entuber les mouches, mais ce que je décris là est -justement- le fil rouge qui traverse le débat des sciences politiques en pays anglo-saxon depuis 50 ans : Wright Mills vs Dahl vs Bachrach & Baratz vs Lukes vs Clegg vs Giddens vs Parsons vs Almond & Verba vs Easton vs etc. tous se réfèrent à Weber, et tous fondent leurs oppositions sur des définitions du pouvoir compris comme "power" ou comme "authority" -ou les deux, mais en leur réservant des places ou des rôles différents dans leurs conceptions théoriques.
Et en France, c'est pas beaucoup mieux, puisqu'on a donc donné le terme "domination" à Herrschaft, mais que ce terme a peu à peu glissé dans le vocabulaire structuraliste. Or, c'est quand même forcer Weber que de le considérer comme un structuraliste -mais on y arrive, on y arrive...

Enfin, je passe. Mon propre questionnement porte justement sur la signification de tous ces débats. Qu'importent les termes ? Ce qui compte, c'est ce à quoi ils réfèrent. Autrement, le débat est stérile :
"Ah pas d'accord, moi je pense que ça, c'est de l'autorité.
- Mais ta notion d'autorité est bien trop large, elle empiète sur le pouvoir !
- Pas du tout, c'est parce que tu comprends le pouvoir comme une capacité, mais en fait le pouvoir est une relation."
Etc. etc. Je vous assure, il y en a très long.
Lukes disait que le pouvoir est un "essentially contested concept", une notion dont la définition, par essence, est constamment en discussion -idée qui a d'ailleurs été très débattue et pour laquelle il a été très critiqué :D Si j'osais relayer le grand Steven Lukes, je dirais pour ma part que ces multiples débats s'originent tout simplement de positions différentes. Et que derrière les débats conceptuels, ce sont des conceptions différentes de la vie en société qui s'affrontent -car le pouvoir est l'un des phénomènes les plus évidents et les moins contournables de la vie en société. En fait, et pour faire plus simple, ce qui s'affronte, ce sont des conceptions différenciées de la légitimité, de ce qui est légitime, de ce qui doit être. A mon sens, tout est là.
Mais quand on a dit ça, on a encore rien dit. Car "il n'y a rien en-dehors du tout" disait Anything après Nietzsche. Les théoriciens (anglo-saxons) du politique appellent cela, depuis Rawls, le problème de l'"archimedean point". Autant dire le problème de toute discipline empirique. Je fais une pause.
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Message par AnythingK Jeu 29 Nov 2007 - 4:45

Je suis remplie d’admiration et de reconnaissance pour cette belle « resaisie » de la discussion. Il y aurait deux ou trois trucs que j’aimerais préciser, mais j’attendrai d’abord, attentive, le retour de la pause, afin de répondre à l’ensemble.

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Message par Pierre Rivière Dim 2 Déc 2007 - 8:22

Dans la mesure où on avait débuté le débat dans un forum sur Foucault, j'avais implicitement accepté une définition du pouvoir comme rapport de forces; toutefois, je l'utilisais aussi parfois pour en parler comme foyer de pouvoir (c'était peut-être confus dans mes messages).

Par ailleurs, si j'avais un peu abandonné le débat, c'était simplement parce que moi et AnythingK on semblait penser dans des lieux différents, ou plutôt s'être séparés (en espérant que ce ne soit pas un divorce) pendant l'évolution de la discussion.

J'ai voulu (en étant plus près de Foucault) penser les espaces de possibilité dans lesquels s'incrivent les rapports de force (pouvoir) et les relations de formes (savoir). Ainsi, pour moi, la légitimité de l'autorité était intéressante en tant que condition de l'exercice du pouvoir dans la mesure où une force, pour être agie, doit intérioriser une forme (domaine formel, donc du savoir) de légitimation de l'autorité pour que, lorsqu'elle est en présence d'une autorité qui y correspond, elle accepte instinctivement (au sens de Nietzsche: l'incorporation d'un jugement) l'exercice du pouvoir (au sens de l'action d'une force sur une autre) de l'autorité.

AnythingK semble avoir des intentions de pensée différentes, puisqu'elle tente de définir et d'organiser ses concepts pour penser les formes (de légitimité, d'autorité, de pouvoir et de reconnaissance) que prend la société contemporaine; mais c'est à elle d'expliquer cela, je ne veux pas trop présumer de sa pensée.

Pour ce qui est de Weber, je n'ai jamais lu quoi que ce soit de lui, alors je suis complétement étranger (au sens d'ignorant) aux considérations de ses interprètes contemporains; mais ce que Bergame disait à ce sujet est intéressant.

De plus, je ne comprends vraiment pas qu'elle est la difficulté avec le concept de "puissance" de Nietzsche... Approximativement définit, c'est la plénitude d'un vouloir-faire. Macht est dans la famille de machen qui signifie, en français, le verbe "faire". On peut aussi dire que le sens de Macht traduit comme puissance (même si le dictionnaire dit: pouvoir) est, pour Nietzsche, plutôt une "capacité de faire".
Comme lorsqu'on dit: j'ai le pouvoir de marcher jusqu'au parc; c'est dire j'ai la capacité de faire une marche jusqu'au parc. Mais si j'étais quadraplégique, je n'aurais pas le pouvoir de marcher jusqu'au parc...
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Message par AnythingK Dim 2 Déc 2007 - 15:59

Merci Monsieur Rivière de ne pas oublier le "K" à mon pseudo :)
Quand vous dites :
J'ai voulu (en étant plus près de Foucault) penser les espaces de possibilité dans lesquels s'incrivent les rapports de force (pouvoir) et les relations de formes (savoir). Ainsi, pour moi, la légitimité de l'autorité était intéressante en tant que condition de l'exercice du pouvoir dans la mesure où une force, pour être agie, doit intérioriser une forme (domaine formel, donc du savoir) de légitimation de l'autorité pour que, lorsqu'elle est en présence d'une autorité qui y correspond, elle accepte instinctivement (au sens de Nietzsche: l'incorporation d'un jugement) l'exercice du pouvoir (au sens de l'action d'une force sur une autre) de l'autorité.


Il me semble pourtant que nous disons la même chose. Et vous faites bien de rammener la question du savoir, car il me semble que Bergame l'avait exclue de ses propos, et qu'elle les relativise, justement. Je tente de parler de la société contemporaine il est vrai, mais à l'aide de Foucault, au moins en partie.

Mais voici ma réponse pour Bergame :

Je ne pourrai pas répondre à toutes vos remarques parce que je n’ai pas, de toute évidence, assez de connaissances pour le faire. D’où mon admiration et ma reconnaissance de recevoir un écho aussi savant qui me permet de savoir l’effet que peuvent faire mes propos et le lieu où ils se situent dans un paysage conceptuel plus vaste. Je ne tente bien humblement que de rendre compte de ma propre expérience empirique du monde.

D’emblée donc je dirais que lorsque j’écris je cherche justement (même si j’y arrive mal), à rester collée sur l’empirique, et que ça ne devienne pas de la pure manipulation de concepts sans substance. J’essaierai d’améliorer encore mes moyens d’atteindre cet idéal.

Mais il y a peut-être une chose sur laquelle nos manières de philosopher sont très différentes Bergame, et qui expliquerait mon sentiment d’être mal interprétée par vous.

Quand vous dites par exemple : «
Qu'importent les termes ? Ce qui compte, c'est ce à quoi ils réfèrent »

Je suis totalement d’accord, et mes auteurs de référence sont justement de grands experts en cela, mais je trouve que justement, vous restez vous-mêmes dans un débat sur les termes lorsque vous dites que ma position est celle des libéraux anglo-saxons (j’ai du mal à voir ça comme un compliment), puisque ce que vous utilisez pour le dire n’est pas le contenu de ce que je disais, mais le contenant (le concept d’autorité notamment).

Je suis totalement d’accord également pour dire que chaque conception s’origine d’un rapport au monde particulier, et même, à un certain niveau (mais à un certain niveau seulement), d’une conception du bien et du mal, du légitime ou non. Mais j’ai essayé de situer mes analyses par delà ma position, en évoquant une sorte de structure relativiste où toute autorité légitime se conçoit (même celles qui ne le sont pas pour moi et pour d’autres). Il me semble que si vous relisez mes précédents message avec cette idée en tête, vous comprendrez ce que je veux dire par là.

Selon moi votre propos manque à distinguer justement l’empirique du théorique, en utilisant les concepts comme s’ils étaient la réalité. Cela a pour conséquence de faire comme si la réalité était aussi figée que les concepts. On ne peut pas selon moi s’en tenir aux concepts tels que les traditions ou les auteurs du passé (et même Foucault en est!) les ont conçus, si l’on veut parler de la réalité empirique d’aujourd’hui. Quand vous vous moquez des discussions de type :

"Ah pas d'accord, moi je pense que ça, c'est de l'autorité.
- Mais ta notion d'autorité est bien trop large, elle empiète sur le pouvoir !
- Pas du tout, c'est parce que tu comprends le pouvoir comme une capacité, mais en fait le pouvoir est une relation."

Je suis d’accord, mais j’ai envie, pour être un peu baveuse, de me moquer de vous en disant que de mon côté je trouve tout aussi stérile une discussion qui consisterait à tergiverser ainsi :

« Ah, mais ton concept n’est pas celui de tel auteur, mais bien de tel autre auteur » ou encore, « Ce n’est pas un tel qui a dit ça, mais un tel autre » ou encore, « Mais vous ne pouvez pas utiliser cette notion de cette façon, car elle est attachée à toute une tradition dans laquelle elle veut dire autre chose » ou encore, « un tel est-il structuraliste ou non, phénoménologue ou non », etc … je ne dis pas qu’il faille totalement laisser tomber ces préoccupations, mais je dis que le plus important est ailleurs.

Comme vous, je pense que l’important est surtout ce que l’on dit, et pas tant les mots que l’on emploie pour le dire, mais il reste que l’étymologie est importante, plus en tout cas, à mon sens, que l’histoire idéologique à laquelle ils sont attachés. Par contre, cela exige quand même d’abord de les en nettoyer, et cela en effet, j’y arrive mal de toute évidence...

Mais je crois que le débat sur les concepts est important, dans la mesure où l’on a le souci d’en faire des représentants de ce dont on parle. En ce sens, je trouve moins stérile le débat terminologique que le débat idéologique, dans la mesure où tant qu’on a pas une certaine vue d’ensemble grâce à des concepts bien délimités, il devient confondant de débattre idéologiquement sur le terrain conceptuel. D’où mon insistance à vouloir (mais je n’y arrive peut-être pas encore très bien) distinguer un plan ontologique d’un plan politique. Certes, nos positions idéologiques peuvent déterminer le choix des mots qu’on utilisera pour parler de tel concept, mais dans la mesure où ce concept, en tant qu’il est un terrain délimité par un mot dont on fait le représentant du concept (dont on fait le représentant de la réalité) vise non pas à défendre une position éthique, mais bien une tentative de mise en lumière du réel empirique, peut, enfin peut essayer de parler de la réalité d’une manière plus relativiste à l’intérieur de laquelle toutes les conceptions idéologiques ont leur place.

Évidemment donc, les concepts que je tente de forger sont très larges, mais contrairement à vous, je ne crois pas que cela les invaliderait pour autant. Je vais essayer d’être encore plus claire pour cerner ce vaste terrain.

Je veux d’abord préciser que contrairement à votre interprétation de mes propos, je n’ai pas voulu dire que tout pouvoir est illégitime, ni que tout pouvoir est domination (et Foucault non plus d’ailleurs, et c’est même là un de ses apports majeurs selon moi), ni encore que l’autorité équivaut à du pouvoir légitime, et que toute autorité est légitime. Je n’ai pas non plus voulu dire que l’autorité, c’est « le pouvoir qui ne s'interroge pas, le pouvoir "normal", tellement normal, de fait, qu'il n'est pas un pouvoir ». J’y reviendrai, mais je crois qu’encore là en relisant mes textes avec ces précautions en tête, vous verriez des distinctions qui vous ont échappé.

De plus, le lien que je cherchais à faire entre Foucault et Arendt n’est pas, non plus, entre le pouvoir chez Foucault et l’autorité chez Arendt. Car lorsque je référais à l’autorité chez Arendt, je pensais surtout à son Essai sur les révolutions et non à La crise de la culture ou à La condition de l’homme moderne, même si je les avais aussi derrière la tête, ainsi que ses livres sur le totalitarisme et l’impérialisme. Ce n’est donc pas (ou pas seulement, en fait) l’autorité au sens de « leadership personnel et moral », que vous associez, à laquelle je référais. Mais je reviendrai plus loin pour préciser plus en profondeur le lien que je fais entre ces deux auteurs. Pour commencer, je vais préciser ce que je tiens de Arendt.

L'autorité se distingue du pouvoir chez Arendt, distinction qu'elle opère au chapitre quatre de ce livre sur les révolutions. Alors que l'autorité est constituée et résulte d'une fondation, le pouvoir est constitutif d'une action et résulte d'une "capacité" collective. Autrement dit, l'autorité précède le pouvoir et la liberté en ce sens qu'elle en garantit l'existence et en fixe le lieu, mais elle n'existe que fondée et constituée par la loi, dont l'action d'une pluralité d'homme, et donc leur pouvoir, est la source. Je la cite : "l'action est la seule faculté humaine qui demande une pluralité d'hommes (…), le pouvoir est le seul attribut humain qui ne s'applique qu'à l'espace matériel intermédiaire par lequel les hommes sont en rapport les uns avec les autres – [l'action et le pouvoir] se combinent dans l'acte de fondation" (258) de la liberté, de la loi, de l'autorité, bref, d'une "maison" pour la liberté, pour l'exercice du pouvoir. La source de la loi, lui conférant sa légitimité, et l'origine du pouvoir, conférant la légitimité aux autorités constituées, est un vieux problème, dit Arendt, qui resurgit chaque fois que les dites autorités vacillent, et ce n'est que par l'action combinée des hommes et la conscience claire que loi et pouvoir ne "jaillissent pas d'une même source", qu'il peut être réglé (235-242). De toute évidence ici Arendt parle surtout de la potestas.

Suivant cette conceptualisation, il y bel et bien, contrairement à votre affirmation, quelque chose d’empirique que nous pouvons appeler pouvoir. Et cela rejoint Foucault en partie (mais en partie seulement), quand il dit que le pouvoir est « action sur l’action d’autrui ». Se touchent les deux concepts de pouvoir par leur caractère d’être « action » humaine qui nécessite plus d’un homme, et qui donc se produit dans l’interaction entre les hommes. Se touchent également les deux concepts de pouvoir par leur rapprochement avec la liberté, car tous les deux en font presque des synonymes. Pour Foucault, les résistances et la liberté sont des conditions d’existence (les vis-à-vis nécessaires) du pouvoir. Dès qu’il n’y a plus de force résistante, il n’y a plus de pouvoir, c’est de la domination ou de la violence. Chez Foucault pour qu’il y ait pouvoir, il doit y avoir la possibilité d’y résister. Or, quand vous dites :

« Comment concilier pouvoir sur et liberté ? Un pouvoir qui s'exerce sur moi, de deux choses l'une : Ou c'est véritablement un pouvoir, et je ne peux m'y soustraire ; ou je peux m'y soustraire, j'ai la liberté de m'y plier ou non, pour mieux dire, j'ai le choix, mais alors, ce n'est pas vraiment un pouvoir, c'est plutôt quelque chose comme une opportunité »

Je trouve que vous confondez plusieurs choses, du moins si je me place dans une perspective foucaldienne. Un pouvoir « dont on ne peut se soustraire » pour Foucault est une domination, et non un pouvoir. C’est un « non-rapport » dira-t-il et pour lui, le pouvoir est essentiellement relation, rapport. Cela ne veut aucunement dire que cette résistance ou cette liberté se réduisent àa la possibilité d’un « choix ». C’est beaucoup plus complexe et beaucoup moins tranché que la liberté instrumentale ou décisionnelle, et beaucoup plus contraignant qu’une « opportunité ». C’est vous, Bergame, qui réduisez votre discours à une logique libérale anglo-saxonne, je trouve.

Vou dites :
« A cela s'ajoutent les multiples débats sur le pouvoir comme possession (induite par la notion de capacité) ou comme relation. Je passe. »

Vous « passez » là où je situe presque tout mon propos et ce, autant pour le pouvoir « institué », que pour le pouvoir émergeant de la contingence.

Mais voyons avec Arendt à quel point la liberté et le pouvoir sont loin de se réduire à la liberté de choix. Il s’agit d’un concept central de toute l’œuvre Arendtienne, dont elle saisit l'origine chez les Grecs. Dans la polis, la liberté signifiait à la fois la propriété (signe de la libération de la nécessité) et l'action et la parole (signes de virtuosité), en présence et de concert avec d'autres hommes, également libres. L'égalité ainsi créée de toutes pièces s'opposait à la vie privée, gardée dans l'obscurité, et n'avait alors rien à voir avec une loi naturelle, la naissance ou la vie biologique, ni même avec un critère métaphysique extérieur à l'homme en soi et devant lequel chacun aurait une même position, mais au contraire, avec la condition même de la polis, artificiellement et consciemment constituée "au dessus" de la nécessité et des inégalités naturelles pour les abolir symboliquement, afin de créer un espace pour le superflu, la liberté : étaient libres et égaux les hommes qui se réunissaient pour agir ensemble et discuter des affaires publiques, de ce qui est à la lumière de tous, de ce qui n'existe qu'en tant que tel et livré à la mémoire de la cité.

(suite plus bas)

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Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 Empty Re: Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance

Message par AnythingK Dim 2 Déc 2007 - 16:04

La liberté et le pouvoir dans la polis ne faisaient en somme qu'un, nulle intermédiaire ou autorité instituée que l'isonomie elle-même ne contraignait l'homme libre dans la manifestation de ses opinions. Sa liberté ne s'identifiait donc pas à une "libération" d'une autorité quelconque, si ce n'est celle de la nécessité et de la vie, sphère privée de l'espace public et politique, lieu de l'homme en tant qu'animal, dont la libération et la participation à la polis marquent le passage à l'homme en tant qu'homme. La liberté était donc essentiellement positive et signifiait la capacité de l'homme à transformer et à créer le monde par l'action commune, alors que la libération, bien qu'étant une condition de la liberté, tout comme la liberté de se mouvoir, est "essentiellement négative" (38-39). Si toutes deux se révèlent être des pouvoirs de commencement, la première seulement se distingue de la force et de la violence, considérées comme pré-politiques. La liberté politique au sens le plus élevé où l'entend Arendt est donc cette liberté d'agir entre hommes, qui n'a de sens qu'entre-eux et qui s'arrête là où commence celle des autres (le pouvoir seul arrête de pouvoir, reprend-elle chez Montesquieu, mais sans le détruire, ajoute-elle, ce que fait la violence) (220-221). C'est pourquoi pour Arendt si la liberté a besoin de limites pour s'accomplir, celles de l'espace public, elle ne peut survivre en tant que telle que si l'autorité de ces limites a été elle-même librement déterminée par le pouvoir légitime des hommes, dans le but d'en accroître les pouvoirs. La liberté nécessite d'être fondée politiquement, et c'est là le but fondamental de toute révolution qui, bien qu'ayant toujours été, dans un contexte de misère, précédée d'une rébellion dont le but est la libération, est un évènement politique en tant qu'il remet en cause la loi elle-même, et donc le pouvoir des hommes qui agissent en son autorité. La "plus ancienne cause déterminante de l'existence même de la politique" (9), la Liberté, est également celle-là même qui est aux sources de toute révolution. Comme la violence, la libération est donc pré-politique, semble-t-il, ou hors politique (libération par la technique), bien que la domination des uns sur les autres puisse être politiquement fondée, mais où ces libertés politiques de dominer sont acquises, donc précédées ou accompagnées, par la violence.

Je propose que les plus grandes différences entre Arendt et Foucault ne sont pas redevables à leurs positions éthiques respectives, mais bien à la société historique elle-même : ils ne théorisent pas à la même époque, et l’espace publique est bel et bien à l’époque de Foucault, et comme l’avait pressentit Arendt, en train de disparaître quasi complètement (au bonheur des libéraux anglo-saxons peut-être ?). Ainsi, le concept de pouvoir chez Foucault est davantage « individualiste », mais plus que ça, il est « multiple », voulant dire par là (et contrairement à Arendt) que le pouvoir et la liberté ne sont pas uniquement des phénomènes « intersubjectifs » (ni « réflexif »), mais plutôt inter-infra-subjectifs, capilaires, tentaculaires, parcellaires, fragmentés, bref, souvent inconscients. C’est dans cette zone que se situe l’essentiel du travail de Foucault, et c’est selon moi tout son apport (et ce n’est pas rien) à l’histoire des idées autour des concepts dont nous débattons ensemble.

Autre différence entre Foucault et Arendt, c’est que l’autorité n’est pas théorisée chez Foucault. J’ai prétendu qu’il y serait bientôt arrivé s’il avait pu poursuivre son œuvre, et que cette conception de l’autorité se serait rapprochée de l’auctoritas, justement, qui selon moi, en passant, est plus proche du pouvoir et de la liberté, chez Arendt, que de l’autorité, du moins telle que j,ai pu en rendre compte ici.

Bien sûr c’est présomptueux de ma part de penser à la place de Foucault. Mais comme je le disais je ne le fais que pour m’amuser, et je souhaite surtout par là montrer que sans Foucault, ce raisonnement ne me serait pas parvenu. Ainsi, le concept d’autorité se voit davantage prendre une dimension (sans perdre, dans ma conception, celles qu’il avait chez Arendt pour autant), plus individualisée. Bref, l’autorité n’est plus seulement ce qui est fondé par le pouvoir d’action commune des hommes libres, mais également (merci Weber), par celui de l’action individuelle, de la plus consciente à la plus inconsciente, et nécessite la reconnaissance de celui qui y est soumis. Ici encore, je vous renvoie à mes précédents messages pour plus de détails à ce sujet.

Je ne confonds aucunement pouvoir, autorité, et domination. Tous trois sont relatifs à l’action, plus précisément à l’interaction, mais seule la domination, qui se fait par la force ou la violence, serait-elle instituée, (et qui ne suit donc pas le principe de Montesquieu repris par Arendt), est en dehors de tout lien avec la légitimité. C’est pourquoi contrairement à vous, je ne lie pas le rapport entre Maître et esclave, ni entre Maître et élève, à la domination d’abord, mais bien à l’autorité qui elle peut, mais pas de façon nécessaire, être légitime, comme elle peut, mais pas non plus de façon nécessaire, être une domination. Je suis consciente, ici, de m’inscrire en faux avec diverses traditions et même avec Arendt.

Arendt dit : « L’autorité, exclut l’usage de moyens extérieurs de coercition ; là où la force est employée, l’autorité proprement dite a échoué. L’autorité, d’autre part, est incompatible avec la persuasion qui présuppose l’égalité et opère par un processus d’argumentation. Là où on a recours à des arguments l’autorité est laissée de côté. Face à l’ordre égalitaire de la persuasion se tient l’ordre autoritaire, qui est toujours hiérarchique. S’il faut vraiment définir l’autorité, alors ce doit être en l’opposant à la fois à la contrainte par force et à la persuasion par arguments… ». (La Crise de la culture, p. 123)

Mais celle belle idéalisation ne tient plus la route aujourd’hui. Comme le dit Arendt elle-même, l’autorité est en crise, en déclin, et c’est cette autorité là (de type religieux, institutionnel, ne faisant pas question, inscrit dans la normalité) décrite par Arendt qui fait désormais défaut. C’est pourquoi je dis que s’il y a toujours de l’autorité aujourd’hui, elle est d’un autre ordre que celle définie par Arendt. J’y reviendrai, mais d’abord je reviens sur ce que vous dites :

« …j'ai le choix, mais alors, ce n'est pas vraiment un pouvoir, c'est plutôt quelque chose comme une opportunité. Ben non, répondent les libéraux anglo-saxons en substance, parce que, théoriquement, bien sûr j'ai le choix, je suis libre, mais en fait, cognitivement, je ne m'interroge pas sur ce choix. Et pourquoi je ne délibère pas avec moi-même, parce que ce pouvoir n'est pas ressenti comme une contrainte, d'ailleurs, ce n'est pas un pouvoir, c'est l'authority.
Comme le dit encore très bien Anything, c'est donc le pouvoir qui ne s'interroge pas, le pouvoir "normal", tellement normal, de fait, qu'il n'est pas un pouvoir »

Si vous comparez ceci à la citation de Arendt plus haut, il me semble qu’il n’y a pas contradiction, et qu’il peut même y avoir correspondance.

Mais pour ma part il s’agit d’une définition du pouvoir (eh oui, vous pouvez rire!). Car l’autorité ainsi définie n’existe pratiquement plus dans la réalité. Des autorités dont la légitimité va de soi ? Cela est extrêmement rare il me semble. Des pouvoirs qui ont cette qualité ? Ah, là cependant, il y en a. Et avec Foucault, nous pouvons, contrairement à ce que vous dites, appeler ça un pouvoir car les résistances chez Foucault, aussi bizarre que cela puisse paraître, ne sont pas un frein à la normalisation par le pouvoir. Tout est relatif, ce qui est normal pour un ne l’est pas nécessairement pour l’autre. D,où toute la dynamique des rapports de force en fonction des pouvoirs et libertés de chacun, mais surtout de chacune de leurs actions (l’analyse est infra-subjective chez Foucault, ne l’oublions pas).

Ainsi, ce qu’Arendt appelle « l’ordre autoritaire », « hiérarchique » est, selon moi (mon image de la pyramide), aujourd’hui un champs de force, un espace de relations de pouvoir où les « capacité » de chacun trouvent leur position en fonctions des relations immédiates. La hiérarchie est donc en mouvement constant, et c’est pourquoi ce n,est plus de l’autorité qui elle, pour être reconnue, a un caractère relativement fixe et stable (ceci venant de la définition de Arendt).

Et j’irais encore plus loin dans ce renversement des concepts Arendtien en disant qu’aujourd’hui, et contrairement à ce que dit Arendt de l’autorité traditionnelle, c’est précisément par la persuasion que l’autorité peut asseoir sa légitimité, lorsqu’elle ne l’est pas déjà « en soi » (à la manière traditionnelle ou encore, charismatique).

Par contre une autorité qui userait de domination (car je dirais que le statut de la domination est d’être une prouesse technique) serait illégitime, mais dans la mesure où son autorité est tout de même acceptée et reconnue socialement (car je dirais que le statut de l’autorité est d’être une figure d’influence « qui fonctionne », dont les pouvoirs sont reconnus (premier degré de reconnaissance) et acceptés), elle demeure une autorité et son pouvoir est grosso modo reconnu comme étant « légitime ». Je mets légitime entre parenthèses dans la mesure où je trouve que la légitimité est le résultat d’un jugement, et en ce sens, la simple acceptation et la simple reconnaissance, sont davantage des « paravents » ou même des « simulations » de la légitimité. Et ce, même s’il peut fort bien arriver que cette simulation ne soit pas une escroquerie pour autant, et que le pouvoir et l’autorité soient réellement légitimes, c’est-à-dire non « dominateurs ». Mais selon moi ce n’est pas ce qui se produit aujourd’hui pour ce qui est de la majorité ou plutôt de l’autorité dominante. Mais bon, même ça, qui est plus qu’une simple position éthique m’étant particulière, je n’élaborerai pas davantage là dessus.

Je disais « dominateurs » et non pas « dominant », parce que je trouve qu’il y a deux sens au mot domination. L’un signifie grosso modo « autorité illégitime », l’autre signifie simplement une position sur l’échiquier du pouvoir. « L’autorité dominante », voulant dire celle qui est la plus largement reconnue dans la société ne voulant donc pas nécessairement dire qu’elle soit illégitime (bien que c’est effectivement ce que je dirais, de ma position éthique à moi, de l’autorité dominante d’aujourd’hui, qui est relative en bonne partie, je n’essaie pas ici pour autant d’en faire une règle générale, et cela, bien que je crois en l’existence d’un « fil rouge », non pas conceptuel, mais réel, dans l’empiricité du pouvoir, de l’autorité et de la domination). Donc, en ce deuxième sens, la « domination » peut bien résulter d’une prouesse technique (premier sens), elle n’en est pas « le fait lui-même et en acte » de cette prouesse. Ici se relativise votre opposition entre la domination au sens plus privé (domus), et la domination à la Marx. La société de l’intime dans laquelle nous sommes aujourd’hui les supposent l’un et l’autre fonctionnant de concert.

Cela dit, ni le pouvoir ni l’autorité ne sont « en soi » légitime ou illégitime. Plus encore, ni une technique particulière de pouvoir ni une incarnation particulière de l’autorité (mais pour cette dernière c’est moins certain, à voir… ), ne sont en soi légitime ou illégitime. On peut imaginer toutes sortes de configurations où la technique de pouvoir employée serait illégitime dans un autre contexte, et avec d’autres objectifs. Pensez au « Traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » écrit par Joules et Beauvois, qui pourrait très bien tomber dans les mains et dans l’usage de malhonnêtes gens.

D’une part le jugement de légitimité est toujours tributaire d’un complexe de facteurs sans cesse reconfiguré au goût et aux besoins du moment (surtout si cela se situe dans les strates « inférieures » des pratiques sociales, où l’on va plutôt dire « c’est normal », « c’est comme ça », qu’est-ce qu’on tu veux qu’on fasse », le sens commun que je refuse un peu au concept de légitimité plus restreint que je tentais de forger dans mes précédents messages). D’autre part tout dépend toujours de celui qui le porte, ce jugement.

Mais est-ce qu’une autorité sans aucun pouvoir existe ? Non.
Est-ce qu’une domination sans pouvoir existe ? Non.
Est-ce qu’une domination sans autorité existe, oui. Par exemple le Tyran à notre époque.
Est-ce qu’un pouvoir sans domination et sans autorité existe, oui. Par exemple la séduction.
Est-ce qu’une autorité sans domination existe, oui. Mais cela n’en assure pas pour autant la légitimité. Par exemple l’éducation (quoique la domination puisse aussi y être employée, il y a aussi d’autres manières de donner une éducation illégitime, selon les époques).

Ces trois concepts (pouvoir, autorité, domination) peuvent donc être liés (je veux dire : dans la réalité, bien sûr, car il ne sert à rien de seulement faire jouer des concepts en l’air) de différentes façons. L’autorité n’a pas le même visage, les mêmes critères de légitimité, selon qu’elle soit incarnée dans la figure d’une loi, d’un père, d’un pédagogue, d’un amoureux, d’un despote ou d’un tyran (qui je le rappelle n’avaient pas chez les grecs et n’ont pas dans l’étymologie le caractère péjoratif d’aujourd’hui), ou encore, qu’elle soit incarnée dans une simple règle méthodologique, une recette de gâteau à l’orange, une couleur comme représentante d’une saveur dans les sucreries. (D’ailleurs, j’ai toujours trouvé illégitime l’autorité du bleu sur le rouge pour la saveur framboise, mon côté réaliste se disant qu’il y a bien assez de variations possibles du rouge pour distinguer un rouge « framboise » du rouge « cerise » et du rouge « fraise » sans être obligé d’avoir recours au bleu … d’ailleurs, les nouvelles saveurs comme « melon-d’eau » ou « mûres sauvages » n’ont pas eu besoin, elles, d’être affublées d’une couleur qui ne les représentaient pas. Ah, que la relativité des choses est grande !)Laughing (suite page suivante)


Dernière édition par le Dim 2 Déc 2007 - 16:25, édité 2 fois

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Message par AnythingK Dim 2 Déc 2007 - 16:06

(suite des deux pages précédentes, c'est de la folie!)

Le problème (politique, ontologique, épistémologique, théorique et aussi moral) c’est que nous croyons naïvement ou carrément inconsciemment à une sorte de légitimité naturelle ou encore à un instinct qui nécessairement ne nous tromperait pas au sujet de la légitimité des choses qui nous déterminent. « Si je me sens bien dans tel type de relations de pouvoir, c’est qu’elles sont légitimes ». Contre cela toute la tradition nietzschéenne nous prévient : pas plus que la légitimité en soi, les instincts naturels n’existent pas. Ou encore, ce que nous ressentons est relatif au paradigme dans lequel nous sommes placés (ou bien, à l’intérieur d’un même paradigme, selon une sorte de « seconde nature » intemporelle Nietzschéenne, mais nous pourrions en rêver aussi pour l’action commune et la société), dans lequel nous décidons de nous placer. Donc tout dépend selon quelle autorité et légitimité nous vivons. Et c’est bien ce qui est à la source des conflits d’autorité dans la société. Et ce n’est souvent pas en vertu de leur légitimité qu’ils gagneront, mais en vertu des moyens et dispositifs de pouvoirs qu’ils possèdent. Et là se situe ma critique, à savoir, s’il existe encore de telles choses que l’autorité et la légitimité, dont la discussion, la conscience réflexive, les dialogues à leur sujet se passent toujours à l’ombre des masses, en dehors de l’espace publique (si nous pouvons encore l’appeler ainsi), alors même que c’est là, dans les mass média, que se jouent et fonctionnent tous les mécanismes de pouvoir visant à produire une reconnaissance de l’autorité du Capital. Et si, finalement, ce qu’on appelle encore les « Autorités » ne seraient tout simplement pas une sorte de sédimentation sans aucune valeur supérieure à quoi que ce soit d’autre, mais n’ayant qu’une singularité propre et dont la légitimité va de soi (sans jugement nécessaire) tant qu’elle ne brime pas la « liberté » d’une autre singularité. Bref, pour reprendre cette idée, « tant qu’on a encore le choix ».

En ajoutant le relativisme de Foucault au réalisme de Arendt, et en retirant l’aspect idéaliste de Arendt et l’aspect fusionnel de Foucault, il me semble qu’on a un portrait qui n’est pas si déconnecté de ce qu’il prétend représenter.

Bon, quelqu’un pourrait objecter que ma restriction voulant que toute domination soit illégitime (dans le premier sens où je l’entend) est une position éthique particulière, et que donc ce que je dis est idéologique et non représentatif de ce qui se passe pour tous. Soit. Mais je ne pense pas trop me tromper en disant que c’est quand même une position éthique qui n’est pas si particulière que ça, et qui trouve écho dans toute l’histoire de la philosophie. Mais là, je me sens vraiment prétentieuse en disant cela, qu’on me remette à ma place alors. :D

et là, moi aussi je fais une pause ! ouf !

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Message par Bergame Dim 2 Déc 2007 - 19:21

Oui, alors bon, c’est de ma faute. J’ai essayé de raccrocher mon propos à vos propres réflexions, et d'une part, c’est toujours un peu sauvage, et d’autre part, je dois dire que j’ai quand même été un peu vite –hé ! il y avait de la matière. Je suis sans doute passé à côté de beaucoup de choses, et je m'excuse donc de l'inanité de mes interprétations.
Mais cela étant, tu as quand même écrit des choses comme ceci, AnythingK :


Autorité ne veut pas dire pouvoir. Et une distinction peut-être intéressante serait peut-être cette question, justement, de la reconnaissance. L’autorité comme résultat de la reconnaissance du pouvoir ? Ceci ne concernant pas bien sûr « l’autoritarisme » comme abus de pouvoir ou exploitation de l’autre. C’est dans un sens plus Arendtien que je parle d’autorité. Et cette reconnaissance n’est pas obligée de se faire de manière totalement rationnelle ou même consciente, chez Arendt. L’idée étant simplement qu’elle n’oppose pas de résistances.

Alors ce passage était très intéressant, parce que tout de suite après, tu ajoutais :


Encore faut-il distinguer la question de la légitimité de l’autorité. Toute autorité est-elle légitime ?

Le problème est que si tu réponds « non », tu te trouves devant la difficulté suivante : Comment concevoir une autorité acceptée et reconnue qui ne soit pas légitime ? (a). Avec en arrière-fond, la question cruciale : Pourquoi une autorité illégitime serait-elle toutefois acceptée et reconnue comme autorité ? (b) Ca, c'est vraiment la question centrale, à laquelle personne ne s'attaque -à part la psychanalyse- et pour cause. Mais j'anticipe.
Car tu as une réponse à la question (a) :


Cette reconnaissance n’est pas obligée de se faire de manière totalement rationnelle ou même consciente, chez Arendt.

Je te propose simplement ceci : Vois bien comme ton raisonnement esquive la question (b). Et préfère la contourner en faisant l'hypothèse de la non-conscience.
Et bien, je suis désolé de te l’apprendre parce que je sens bien que cela te fait du mal –et que je ne peux m’empêcher de m’imaginer derrière son clavier une belle jeune femme fragile aux grands yeux bleus profonds à qui je ne veux aucunement faire du mal, bien entendu :D - mais c’est typiquement l’argumentation de (certains) politistes libéraux –et j’aimerais éviter autant que possible la question de savoir si Arendt est ou non libérale. Les autres (politistes libéraux) répondent "oui" à ta question première => authority.
Mais cela étant, ça ne veut pas dire que moi-même j'y adhère, n'est-ce pas ? Et cela ne veut pas dire non plus que tu es "libérale". Cela veut dire que tu adoptes ici une formulation du problème et un schéma explicatif dont il se trouve qu'il est assez typique de la tradition libérale anglo-saxonne. Pour la raison que j'ai déjà invoquée : La difficulté de concilier les notions de liberté et d'autorité -ou pouvoir, domination, etc.

Je pense d’ailleurs que c’est surtout au terme « libéral » que tu réagis, AnythingK, et que tu te fixes un peu là-dessus. Qu’importe ? Etiquettes que tout cela. Notions et non concepts. Wink
Enfin, je suis effectivement un peu tranché, et à bon compte. J’ai dit ailleurs que croire en Dieu, c’était se définir comme croyant, et que cela n’est pas rien, c’est même essentiel. Je ne me dédis pas.

Mais je trouve tout de même que tu ramènes la discussion à une confrontation d’auteurs. Non, le pouvoir n’est pas empirique (qu'est-ce donc que le pouvoir ?) La seule manière de comprendre le pouvoir comme empirique, c’est d’en faire une capacité –précisément ce que tu rappelles, Pierre Rivière, indépendamment de savoir si c'est bien ou non le concept que Nietzsche utilise. Mais, cette conception du pouvoir (ou de la puissance, comprenez-moi bien, on l’appelle comme vous voulez) est beaucoup trop large et pas assez discriminante, je répète : Si on définit le pouvoir comme capacité, tout le monde a du pouvoir à chaque instant. Je reprends ton très bon exemple, Pierre Rivière : Le pouvoir deviendrait par exemple la capacité d’aller se promener au parc, la capacité de manger un petit pain au chocolat. Il n’est peut-être pas totalement satisfaisant de forger un concept qui réfère aussi bien à la relation du Führer avec les foules de Nuremberg qu’à la possibilité de caresser son petit nounours en peluche rose –enfin, Pierre Rivière, tu as le droit de trouver ce concept tout à fait intéressant, mais je crois me faire simplement ici l’écho des politistes qui, d’une manière générale, le jugent peu opérationnel.

Mais, dit AnythingK, le pouvoir est quelque peu empirique chez Arendt également. Admettons. Mais le pouvoir tel que Arendt le définit, au sein de sa conception très particulière de la politique, s’inscrit dans une large réfléxion qui ambitionne rien de moins que de remonter aux sources de la philosophie occidentale. Et en remontant aussi loin, Arendt prend toute la mesure –et indique assez clairement, par la même occasion- de ce que sa conception du politique implique.

Et pour le reste, pardonne-moi Any, mais le concept que manie Foucault, tu peux l’appeler domination ou pouvoir, cela m’importe peu –personnellement. Je veux dire, ça ne peut avoir d’importance que dans le cadre des débats avec lesquels, effectivement, je marque un peu de distance (et je dois bien entendu donner le sentiment d’une certaine condescendance à l’égard d’auteurs auxquels je n’arrive pas au petit orteil, bien entendu et c’est malencontreux, je ne peux que demander ton indulgence pour ce qui n’est rien d’autre qu’un peu de fatigue, et une présentation très elliptique de l’orientation que, néanmoins, je compte donner à ma thèse, et qui, développée, n'aura pas, je l'espère, cet aspect). Bref, ça ne peut avoir d’importance que lorsqu’il s’agit de savoir si l’autorité chez Arendt s’apparente ou non au pouvoir chez Foucault, et lui-même, ne ressemble-t-il pas à la puissance de Nietzsche, etc. Ce qui, tu l'as compris, n'est pas mon propos.
Alors à partir de là, tu peux me rétorquer que c'était le sujet de la discussion. Moi, je prends le débat au moment où vous sortez quelque peu de la référence à Foucault, et où vous discutez plus largement d'autorité, pouvoir, légitimité, etc. C'est bien là que je m'inscris -comprends-moi bien, à tort ou à raison, à toi de me dire- et pas dans l'interprétation de tel concept chez tel ou tel auteur.
Par ailleurs, peut-être aussi me mets-je ici à envisager les choses sous l'angle du politiste, et non du philosophe. Sans doute, d'ailleurs.

Mais du coup, je suis dans la bonne position pour répondre à tes tentatives de réification. Wink
Je repère deux stratégies dans ton argumentation, pour emporter la conviction que le pouvoir est empirique.
D’abord, tu donnes de la substance à tes concepts. L’autorité, dis-tu, s’incarne dans les figures du Père, du despote, du tyran, etc. ? Whoo. Et quel est donc le processus de cette transsubstantiation ? C’est une voie difficile que celle-ci, peut-être y a-t-il des débuts de piste ici, d’une certaine manière. Mais ce n’est pas une voie que, personnellement, j’emprunterais très longtemps car elle me semble nécessairement déboucher sur la psychanalyse, et qu’en ce domaine comme ailleurs, la psychanalyse avance beaucoup de choses qu’elle ne peut démontrer qu’au sein de sa propre théorie. Donc, a priori, pas une voie praticable pour l’empirie.
Naturellement, si tu trouves un autre embranchement possible que la psychanalyse, je suis très (très !) preneur.

Ensuite, pour en rester à un niveau d’appréhension de notre objet qui soit celui de la philosophie, tu dis des choses comme : « Ni le pouvoir ni l’autorité ne sont en soi légitimes », j’ai envie de te répondre : "Ah bon ? Et qu’est-ce qui te fait donc dire cela ? Et si j’ai envie de dire, moi, que l’autorité se distingue du pouvoir justement par le fait qu’elle est légitime ?"
Tu auras alors deux options : Chercher des références chez tel ou tel auteur, références que tu considéreras donc –au moins implicitement- comme légitimes. Et que tu essaieras de me faire accepter comme légitimes également.
Ou bien, tu me livreras ta propre position, personnelle, en essayant de me persuader qu’elle est la bonne, la plus juste, la plus valide, la plus objective, la plus etc. C’est par exemple ta conclusion. En faisant référence à la persuasion de masse, tu invoques par exemple une représentation spécifique du pouvoir –plutôt marxiste cette fois- à laquelle on peut objecter bien des choses.
Et tu le sens bien, puisque tu admets que c’est là une position éthique particulière. Et que tu sais qu’il n’y a rien en-dehors du tout. N’empêche que ton propos, à partir de là sera éventuellement d’essayer de me convaincre de la pertinence de cette position, de façon à ce que je la considère à mon tour comme légitime. Et voila donc bien ce que je veux dire : la légitimité, tout est là.

Il faudrait donc discuter de légitimité. Je cherche le bout par lequel l’aborder, et je pense que je vais répondre à la proposition de Pierre Rivière en commençant par Weber –encore ! :D
Mais que cela n’empêche pas vos objections.
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Message par Bergame Dim 2 Déc 2007 - 19:36

Ah tiens, je dois nuancer. Il y a une autre manière de concevoir le pouvoir comme empirique, bien entendu, et c'est celle qui a fait la célébrité de R.Dahl : Il s'agit d'identifier dans une organisation donnée les circuits de prise de décision, et de comptabiliser qui prend les décisions -à quel moment, dans quel domaine, etc.
Mais il y a tellement de présupposés dans cette théorie -qu'il n'est sans doute pas facile d'imaginer- qui ont été tellement discutés dans tous les sens -et ces discussions participent bien entendu des débats que j'évoquais- que nous reviendrions au point de départ.
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Message par AnythingK Lun 3 Déc 2007 - 0:13

Comme Pierre R., j’ai envie de dire que nous parlons de lieux trop différents. L’empirisme ne semble pas avoir la même signification pour vous et pour moi. De toute façon je n’essayais pas tant de me défendre là dessus. Il est certain qu’on peut toujours se sortir de n’importe quel débat par l’argument « que la vérité n’existe pas » et que donc, tout est relatif, et qu’on a qu’à « avoir envie » que tel concept soit synonyme de tel autre (ex. légitimité et autorité) pour qu’il en soit ainsi. Mais je le répète, je ne fais pas que m’amuser avec les concepts. Si je souhaite les distinguer, c’est parce que je pense qu’ils sont utiles à représenter des réalités distinctes, que leur fusion risquerait de camoufler. Ma pensée peut bien être catégorisée dans un courant ou un autre, dans le fond je m’en moque, mais ce que mes yeux bleus sont le plus peinés de constater, c’est que l’essentiel de mes propos passe inaperçu. J’en viens à me dire que je m’exprime vraiment très mal. Peut-être que je tiens trop de choses pour des évidences. Et sans doute que l’essentiel n’existe pas :D

Quoiqu’il en soit, restreindre les concepts dont on parle au seul terrain du politique (et cela est d’autant plus important si l’on réduit le politique à des processus décisionnels), c’est-à-dire refuser de les utiliser pour parler d’autres réalités empiriques que celles de l’espace politique (s’il existe seulement encore), comme les espaces familial, professionnel, médiatique, psychanalytique, etc., ne permet pas selon moi de voir l’ampleur de ses effets et de son fonctionnement. Tout comme se restreindre à l’un de ces champs le ferait également. Il faut saisir les liens entre tout ça et qui font que « ça marche » même si partout et à tout moment « ça ne marche pas ». Car s’il y a une différence d’importance entre le pouvoir de flatter son toutou rose (plusieurs petites filles dans le monde n’ont pas ce pouvoir) et donner une subvention à une entreprise capitaliste déjà très rentable, il n’en demeure pas moins que les fils se touchent entre les deux quelque part. Je ne dis pas que c’est la même chose, je dis qu’il est intéressant de voir leurs implications communes. En se donnant une perspective large, il devient possible de distinguer des types de pouvoir, des types d’autorité, etc.

Pour ce qui est de la légitimité, je n’ai jamais été qu’entièrement d’accord avec vous là dessus : à savoir que tout est là. Voilà une chose que nous considérons légitime tous les deux ! Cela voulant dire que tout est dans le dialogue, la discussion, la défense des valeurs, la négociation politique, bref, les tentatives de persuasion. Que ce soit dans l’ordre idéologique, ou dans l’ordre théorique. Mais ce que je dis c’est que je fais une distinction entre le discours de l’un et le discours de l’autre, et que donc la critique qui porte sur l’un n’est pas du même type que la critique qui porte sur l’autre. Mais l’une et l’autre sont des discussions autour de la légitimité : l’une des concepts, l’autre des valeurs. Car on ne va quand même pas succomber dans un relativisme fataliste quand même, en disant : « puisque tout dépend de la légitimité accordée par chacun, il ne sert à rien de discuter ». Je serais plus fataliste du genre : "puisque les pouvoirs qui sont concentrés dans les moyens de reproduction des inégalités sociales servent à empêcher ceux qui sont en bas de l'échelle décisionnelle d'exercer leurs pouvoirs" ...

Mon propos sur la légitimité (j’ai peu élaboré sur mes positions éthiques et me suis contentée de vous faire part de mes positions théoriques) est seulement de ménager une place à l’intérieur du langage (ou d’un appareil conceptuel) pour se parler de la légitimité d’une manière qui reflète le plus possible la multiplicité de choses et des jugements plus ou moins contradictoires de leur légitimité), que le concept peut représenter, du plus simple au plus complexe. Bien sûr, je souhaite me faire convaincante et je n’ai jamais prétendu le contraire !

Mais si vous prétendez de votre côté pouvoir trouver une légitimité « en soi » de certaines choses en particulier, laquelle n’aurait pas besoin d’être défendue et de se faire minimalement persuasive, alors là, je ne vous suis pas … car je dis bien que cela est un cas particulier de la manière traditionnelle de faire et qui serait identifiée comme de l’autoritarisme aujourd’hui, si je ne fais que le regarder de manière sociologique. Car philosophiquement on pourrait en parler plus longtemps…

Pour ce qui est de votre critique de la pensée critique… je suis bien curieuse que vous cherchiez à me convaincre de sa légitimité !

Pour ce qui est de la question cruciale que j’évite selon vous : Pourquoi une autorité illégitime serait-elle toutefois acceptée et reconnue comme autorité ? Un peu de théorie critique vous aiderait sans doute à y répondre ! Et le comment est aussi, sinon plus important pour l’époque actuelle que le pourquoi, qui lui, au fond, traverse les siècles et les siècles.🤡

Cordialement,
et au plaisir de discuter !


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Message par Pierre Rivière Lun 3 Déc 2007 - 0:28

Les derniers messages sont longs, alors je ne les ai pas encore lus au complet, mais en lisant en diagonale j'ai retenu ceci:

Bergame a écrit:La seule manière de comprendre le pouvoir comme empirique, c’est d’en faire une capacité –précisément ce que tu rappelles, Pierre Rivière, indépendamment de savoir si c'est bien ou non le concept que Nietzsche utilise. Mais, cette conception du pouvoir (ou de la puissance, comprenez-moi bien, on l’appelle comme vous voulez) est beaucoup trop large et pas assez discriminante, je répète : Si on définit le pouvoir comme capacité, tout le monde a du pouvoir à chaque instant. Je reprends ton très bon exemple, Pierre Rivière : Le pouvoir deviendrait par exemple la capacité d’aller se promener au parc, la capacité de manger un petit pain au chocolat. Il n’est peut-être pas totalement satisfaisant de forger un concept qui réfère aussi bien à la relation du Führer avec les foules de Nuremberg qu’à la possibilité de caresser son petit nounours en peluche rose –enfin, Pierre Rivière, tu as le droit de trouver ce concept tout à fait intéressant, mais je crois me faire simplement ici l’écho des politistes qui, d’une manière générale, le jugent peu opérationnel.

Les politistes sont des petits monsieurs à cravate - ils ne valent guère mieux que mon nounours avec un nez de clown.
Selon une telle conception du pouvoir (rapport de forces), on a simplement à dire qu'il y a des foyers de pouvoirs plus intéressant que d'autres. Il est plus intéressant de comprendre le foyer de pouvoir gouvernemental, que le foyer de pouvoir d'une petite fille (sauf si elle est en fait une petite fille mutante...). Mais il serait faux de dire qu'une petite fille n'a aucun pouvoir; si elle veut vraiment aller chez McDonald et qu'elle menace ses parents de commettre un double meurtre suivit d'un suicide s'ils refusent, alors elle a le pouvoir d'imposer à ses parents d'aller chez McDonald.
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Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 Empty Expérience de Milgram

Message par Vargas Lun 3 Déc 2007 - 12:40

Je me permets de fournir un exemple qui a à voir avec une partie de vos derniers échanges (en particulier de ce sur quoi Bergame appuyait) .


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Message par AnythingK Lun 3 Déc 2007 - 13:02

Avez-vous la référence exacte de ce document svp ? Car je sais qu'il y a eu plusieurs reconstitutions de cette expérience et celle-ci semble la plus intéressante....

Ah ! c'est celle d'Henri Verneuil. D'accord. J'ai répondu à ma question ! Wink

merci Vargas! Je trouve que ça donne du poids également à certains de mes propos. La seule chose est que je n'appelle pas cela une reconnaissance de la légitimité de l'autorité, mais bien une reconnaissance (tout court) de l'autorité. Le jugement de légitimité se faisant dans l'ordre de la rationalité, et non de l'action. Pardonnez-leur.... car ils ne savent pas ce qu'ils font. Je parle bien sûr non pas de ceux qui donnent les ordres... mais de ceux qui obéissent. Rolling Eyes

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Message par Bergame Lun 3 Déc 2007 - 14:59

Hé voila, Any, c'est ça le problème. C'est que tu te mets en position de dire : "Ils ne savent pas ce qu'ils font." Mais comment pourrais-tu donc le savoir, cela, toi ? Pardonne-moi, lorsqu'on en arrive là, les formulations sont toujours un peu abruptes, je t'en prie, ne le prends pas mal, mais il faut bien poser la question : Quelle est ta propre légitimité à juger de l'action d'autrui, particulièrement lorsque cela regarde cet autrui lui-même en priorité ?
Tu comprends, c'est une vraie question, absolument pas une question rhétorique, mais une vraie question : Celle de l'archimedean point. Comment, pourquoi, quelle est la légitimité d'un X à prétendre se placer en position d'observateur et dire : Les autres ont tort.

Peut-être peut-on l'aborder à l'aide de ton développement sur la persuasion de masse, sur lequel j'ai effectivement dit qu'on pouvait objecter bien des choses. Tu sembles en douter. Mais Any, on peut au moins objecter ceci : Un bouton de TV, ça a une option "on", c'est certain, mais ça a aussi une option "off". Et tu peux construire toutes les architectures théoriques sur la socialisation, l'accès à la culture, à l'éducation, toutes les voies que labourent les théoriciens marxistes depuis 50 ans au moins -et avec raison ! comprenons-nous bien, en aucun cas je ne dis que ça n'a pas de sens et que cela ne renvoie à rien d'empirique, absolument pas !- mais il n'empêche que par quelque bout qu'on le prenne, on en reviendra toujours là : Au final, il y a quand même un choix, une forme de choix. Et il se trouve, on ne peut pas l'ignorer, il se trouve empiriquement que lorsqu'il y a le choix à la TV entre un jeu crétin et une reconstitution des guerres puniques, le jeu fait une plus grosse audience -très largement.

Et de l'autre côté, Vargas cite opportunément Milgram : les résultats de l'expé de Milgram (l'expé princeps) sont de 62%. C'est énorme, 62%, il faut prendre conscience de la dimension de ce résultat bien sûr -qui a fait d'ailleurs, et avec raison, la célébrité de l'expérience- mais n'empêche, n'empêche qu'il reste quand même 38%. 38% qui choisissent de ne pas obéir à l'ordre d'une autorité qu'a priori, ils jugeaient légitime.

Alors quoi ? Les gens sont crétins ? Les gens sont intelligents mais on leur bourre le crâne de bétises ? Qui ? Pourquoi ? Sans possibilité de s'en défaire ? Personne ne m'attache à ma chaise pour regarder Desperate Housewives ! Les gens ne sont pas toujours conscients de ce qu'ils font ? Mais pourquoi, comment, de quoi sont-ils conscients, de quoi ne le sont-ils pas, et pourquoi certains sont-ils manifestement conscients de certaines choses et d'autres non, etc. A un moment, on en vient effectivement à la psychologie -et la psychanalyse si on cherche des réponses jusque dans l'inconscient. Ou alors, on reste en surface, et on contourne la question du "pourquoi ?"

Qu'en penses-tu, Any ? que peut donc nous apprendre la TC sur tout cela ? Et particulièrement : Comment comptes-tu donc répondre à ce que j'appelle la question cruciale : "Pourquoi obéit-on à un autorité jugée illégitime ?" Et pas une autorité que toi, tu juges illégitime, mais que celui qui obéit juge illégitime.
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Message par AnythingK Lun 3 Déc 2007 - 16:07

Mais voyons, Bergame. Il me semble avoir expliqué amplement depuis mes tous premiers messages, que je ne dis pas que je juge de la légitimité mieux que d'autres, ou de l'action d'autrui... Je dis que moi, et d'autres, ne sommes pas en position de juger de la légitimité lorsque nous sommes en train d'agir en fonction d'une autorité qui nous le demande et à laquelle nous obéissons, et cela, au moment même d'y obéir. Moi non plus, je ne sais pas toujours ce que je fais ! Dans mon précédent message, je pensais en disant cela au 63% de gens qui obéissent dans l'expérience de Milgram. Mais ne sommes-nous pas d'accord que c'est 63% de gens qui obéissent à un ordre illégitime ? Illégitime pourquoi ? Cela peut se répondre dans l'ordre de la rationalité. La rationalité c'est quoi ? C'est le lieu de la connaissance et aussi de la justice humaines. C'est le lieu du doute et de la critique (n'es-tu pas rationellement d'accord avec moi que si les chocs électriques avaient été véritables, il aurait été illégitime de les administrer?, n'es-tu pas d'accord que les génocides, c'est mal et que ceux qui les dirigent on tort ?).

Mais pour ça, c'est à dire pour être "raisonnable" il faut (non pas être plus inetlligent, non pas avoir la priorité du jugement, non pas même faire partie d'une élite, mais tout simplement "ne pas être en train d'obéïr" et être plutôt en train d'utiliser sa raison, son jugement, et défendre ses valeurs. Pour se questionner sur la légitimité d'une autorité, je dis simplement qu'il faut d'abord en douter. Et ce que je dis aussi, c'est qu'à notre époque, le doute de ce genre est mis à mal par les mécanismes du pouvoir institué. Regardez l'expérience de Milgram, et dites-moi ce qui instille le doute à l'un de ses cobayes ? Ce n'est pas sa propre rationalité... le doute est provoqué de l'extérieur, par le fonctionnement lui-même de l'autorité (et ses déficiences...).

Heureusement, quelques 38% de gens ont "sans doute" appris à douter avant d'agir.... et je ne suis pas, mais pas du tout certaine que cela relève d'un CHOIX.

Je trouve que tu ne cesse de raporter mes propos, qui se veulent théoriques, à des propos politiques.

Comment comptes-tu donc répondre à ce que j'appelle la question cruciale : "Pourquoi obéit-on à un autorité jugée illégitime ?" Et pas une autorité que toi, tu juges illégitime, mais que celui qui obéit juge illégitime.

Parce qu'on a PAS LE CHOIX. Exemples ? Quelqu'un trouve illégitime de passer 40 heures à travailler par semaine, mais il n'a pas le choix pour survivre. Un ado trouve que ses parents lui demandent de rentrer trop tôt à son goût, mais s'il ne le fait pas, c'est la ceinture, etc... etc... Mais plus que ça, je dis que l'illégitimité elle-même n'est souvent pas accessible à celui qui obéït. Alors là, voici une bonne raison pour continuer d'y obéïr.

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Message par AnythingK Lun 3 Déc 2007 - 17:03

J'ai trouvé une petite faille dans mon raisonnement. Allez, sautez dessus vite ! Razz

Non mais, cette faille est la suivante : je dis que rien n'est "en soi" légitime ou illégitime. Mais par ailleurs je dis que la domination est "par définition" illégitime, que le génocide est mal, que les chocs électriques sont mal.

En fait ce n'est pas une faille, c'est un simple petit manquement à la distinction conceptuelle : il faut comprendre que "en soi" dans l'affirmation ci-haut signifiait "en dehors de toute norme ou valeur", alors que lorsque je dis trouver (avec vous j'espère) le génocide illégitime, je porte ce jugement devant valeurs.

Cela veut dire que mon concept de domination, je le place d'emblée dans une culture ayant des normes ou des valeurs, quand je dit que la domination est illégitime. Peut-être devrais-je modifier cela, si vraiment le but est d'avoir des concepts théoriques qui n'ont pas besoin d'être éthiquement et "chronologiquement" connotés, pour fonctionner dans un langage conceptuel. Mais de cela, je ne suis pas encore décidée... (c'est mon point d'archimède : doit-on produire des concepts intemporels ou bien tirer à soi, à son époque, tout le langage ?)

voilà la précision est apportée.


Dernière édition par le Lun 3 Déc 2007 - 22:24, édité 1 fois

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Message par Bergame Lun 3 Déc 2007 - 17:06

AnythingK a écrit:
Mais pour ça, c'est à dire pour être "raisonnable" il faut (non pas être plus inetlligent, non pas avoir la priorité du jugement, non pas même faire partie d'une élite, mais tout simplement "ne pas être en train d'obéïr" et être plutôt en train d'utiliser sa raison, son jugement, et défendre ses valeurs. Pour se questionner sur la légitimité d'une autorité, je dis simplement qu'il faut d'abord en douter.

Bien, admettons. Mais pourquoi certains sont-ils manifestement capables de douter et d'autres moins ?


Et ce que je dis aussi, c'est qu'à notre époque, le doute de ce genre est mis à mal par les mécanismes du pouvoir institué.

D'abord, est-ce vraiment une question d'époque -tiens au passage, je me demande toujours si le terme de "chronocentrisme" existe, ou si je le découvre. Je ne l'ai encore jamais rencontré, mais il me semble pouvoir désigner quelque chose d'assez clair.
Ensuite : pourtant, certains doutent très bien. Toi, tu doutes, Any, n'est-ce pas ? Comment se ferait-il donc que toi, tu sois capable de douter là ou d'autres en seraient moins capables ? Pourquoi toi, tu serais capables de questionner la légitimité de l'autorité tandis que les autres en seraient moins capables ?

Où serais-tu, dans l'expérience de Milgram, Any ? Dans les 62 ou les 38% ? Bien sûr, moi aussi, j'aimerais penser que je serai dans les 38%. A vrai dire, j'en suis quasiment certain -comment penser autrement ? Et pourtant... je doute :) Après tout, qu'est-ce qui pourrait me faire croire que je suis hors des moyennes ?
Suis-je différent ? Si différent que cela ? Bah, si je suis honnête avec moi-même, vraiment honnête, je ne suis pas si différent, et rien ne peut m'assurer que je me comporterai différemment de la majorité des individus.
D'autant plus que -et je te propose de mesurer au passage le paradoxe :


Regardez l'expérience de Milgram, et dites-moi ce qui instille le doute à l'un de ses cobayes ? Ce n'est pas sa propre rationalité... le doute est provoqué de l'extérieur, par le fonctionnement lui-même de l'autorité (et ses déficiences...).

En l'occurence, pas vraiment. Parce que, bien sûr, cela a été testé dans des expériences variantes. Et la variable la plus prégnante, celle qui impacte le plus les résultats, c'est celle de la proximité , intellectuelle et/ou physique. Plus je me sens proche d'autrui -oserais-je dire semblable ? - et moins je suis enclin, manifestement, à le blesser, et donc, à obéir à un ordre qui m'impose de le blesser.

Alors sans doute peux-tu arguer que justement, il ne s'agit pas là d'un CHOIX. Et je te réponds que, certes, la seule manière -que je vois !- de sortir du paradigme du choix, c'est de regarder du côté de la psychologie. C'est la raison pour laquelle j'y accorde tellement d'importance, parce que, moi aussi, faut pas croire, la rhétorique du choix rationnel ne m'est pas agréable.
Mais c'est loin d'être simple.

Ta précision vise à légitimer ta position par la culture. C'est pas plus une voie plus valide : Ici, c'est la culture que tu cherches à réifier. Mais au final, c'est toujours toi qui interprète la culture de la société dans laquelle tu évolues. Wink


Edit-gression de Vargas : oui, le terme de chronocentrisme existe.
Exemple (cf la paragraphe Fin de l'histoire) :
http://leshumas.insa-lyon.fr/epistemologie/Seminaire/1999-2000/Petit/Compte_Rendu_Hugues.htm
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Message par AnythingK Lun 3 Déc 2007 - 17:11

Là, on change de débat.

Mais oui... c'est bien cela. À condition d'inclure dans ce que tu appelles la psychologie : la culture d'origine, l'éducation reçue, les expériences vécues, le code génétique, etc.. etc... et donc c,est quand même beaucoup plus complexe que la seule question de la psychologie.


Tu édites, je ré-édite, hehe. Pour répondre à ta dernère édition : Mais bien sûr que c'est moi qui juge ! Qui veux-tu que ce soit ? Que cherches-tu ? LA parole ? LA vérité ? Je suis désolée de t'apprendre....qu'elle n'existe pas ! À moins que ce ne soit que ma culture qui me fasses dire ça.... Peu importe alors, on ne s'en sort pas. Pas le choix (encore ça) : il faut discuter, dialoguer, douter, juger, décider. Mais pour aujourd'hui, on va dire que c'est assez.Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 3980187607

(merde alors, je ne suis plus "sage", mais "gueuleuse", zut!)

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Message par Bergame Lun 3 Déc 2007 - 22:46


Peu importe alors, on ne s'en sort pas. Pas le choix (encore ça) : il faut discuter, dialoguer, etc.

Voila. Je crois qu'une fois qu'on a tout tourné dans tous les sens, on en arrive là. C'est à la fois bien peu, et en même temps c'est pas si mal. Car après tout, au bout de cette longue conversation, nous sommes donc parfaitement d'accord, maintenant.

Alors maintenant, sur la base de cet acord, un accord certes minimal mais fondamental au sens strict -quoique ! K.O. Apel ne serait certainement pas d'accord, mais bref- il serait amusant de voir si nous pouvons reconstruire, et par exemple, enfin, élaborer cette fameuse théorie de la légitimité. Mais je ne me sens pas d'attaque, ce soir, pour poser une première pierre.


Edit : Ah merci beaucoup Vargas ! Bon, ben c'est pas encore pour cette fois Wink :D
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Message par AnythingK Ven 7 Déc 2007 - 3:19

Car après tout, au bout de cette longue conversation, nous sommes donc parfaitement d'accord, maintenant.

"Parfaitement" est un bien grand mot. Il y a entre nos deux manières de regarder les choses (et surtout les mots, en fait), non pas une inégalité, mais une altérité radicale des approches, qui mène finalement à une différence énorme de l'objet analysé.

Je ne sais pas ce que tu appelles une théorie de la légitimité, mais pour moi, ce n'est pas ce que tu sembles chercher (corriges-moi si je me trompe). J'ai plutôt l'impression que tu cherches LE légitime. Une théorie du légitime (que j'appellerais une éthique, tout court), et non une théorie de la légitimité (ce que j'ai l'impression d'essayer). C'est aussi ce que tu sembles avoir cherché à repérer dans mes propos... (mais sans trop pouvoir y arriver, car j'ai pas donné grand chose là dedans, ou en prétendant pouvoir contredire le peu que j'en disais, mais sans jamais le faire dixit: la théorie critique)

Mais ce n'était pas mon propos.
Je te laisserai donc jeter une première pierre, si ça te dit toujours. :cheers:

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Message par mowgli Sam 26 Sep 2009 - 18:59

AnythingK a écrit: sédimentation sans aucune valeur supérieure à quoi que ce soit d’autre, mais n’ayant qu’une singularité propre et dont la légitimité va de soi (sans jugement nécessaire) tant qu’elle ne brime pas la « liberté » d’une autre singularité. Bref, pour reprendre cette idée, « tant qu’on a encore le choix ».

Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 Icon_biggrin
c trop dangereux bien sur
lire ici
../
que toute domination soit illégitime (dans le premier sens où je l’entend)
l'anthropologie sur la domination animale on en est toujours là..
qui connait un philosophe historien de la préhistoire? Rien a changé pour ma part..
sauf évolution matérielle...


je vais devoir mettre un post à Bergame sur même billet et j'ai pas tout lu la page
je la lierais en entier plus tard Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 2311 Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 2311


Bergame tu dis:

"Comment concevoir une autorité acceptée et reconnue qui ne soit pas légitime ?

j'y répond: une autorité n'est de fait pas obligatoirement à légitimer"

dans légitime il y a loi règle légal mais aussi il y a une sorte de devoir remplaçant
qui annihile le sens textuel de ta représentation dans ce que tu te choisis de questionner.. car tu raisonnes surement au sens propre des mots..
pour moi, légitimer l'autorité c'est critériser par appréciation puis attribuer, type
de fait qui n'est pas 'de fait', mais un parti pris. (j'ai aussi a dire sur le vote! non, je ne décrit pas, mais que je rajoute d'importance à ce je définis)

Pour ma part:
une autorité est elle 'de fait'! et elle ne se légitimise pas, et parce qu'aussi il y en a sur des thématiques édifiées organisées par du(des) "parti" ces thématiques sous groupes mais autorité, ces thématiques n'ont pas de légitimité [sur l'absolu droit divin] nul légitime n'a d'être, à être et n'a corps dans l'irrépprochable irréproché, à la fois dans l'imperfection et à la fois dans la perfection.. l'autorité donc, est imparfaite
en sous menu (du bas) parfaite au menu (du plus haut).
L'autorité a son propre coprs dans l'animal et son sens est dans le 'de fait'.. c'est, par conséquent un fait et uniquement fait, ce fait est indiscuté. Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est quand l'autorité en devenir A devient autorité sacrale B.. De plus dans un autorité (suprême d'elle meme, qui ne se discute pas), le "de facto" fait autorité il n'y a plus d'après.. l'autorité n'a pas besoin d'être légitimé elle est. Bouddha est le parfait-imparfait on ne sait pas nommer le parfait imparfait car il est ultime, on ne légitimise pas le tout puissant ou la toute puissance, légitimer veut dire discuter c'est automatiquement /un parjure/ un méfait, donc non légitime de fait.
>La conception est uniquement apprise la dessus<
..Je pense que la question sur la fonction de la légitimité ne devrait pas se poser en ce terme.. surtout en tant qu'objet ...
à l'envers par contre.. si on pose la question: -Comment concevoir une légitimité acceptée et reconnue qui ne soit pas autorité?- ici l'objet est bien en place, ici c'est l'autorité, le sujet en étant (comment concevoir sur) 'la légitimité'..
ici je met en exergue qu'il faut peaufiner, je suis fainéante pour en discuter maintenant
Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 2311

je laisse le libre intérêt d'appréciation de concevoir sur mon humble petit texte Pouvoir et autorité, légitimité et reconnaissance - Page 2 Lol

Sinon l'attribut autorité ne se discute pas pour faire simple.: ça coule de source c'est peut-etre cette idée de confondre l'éthique qui elle se légitimise qui a d'ailleurs été engagée par Bergame.;

Restons-en à la politique et dans une autre manière de voir:
moi je dis que c'est L'HISTOIRE qui LEGITIMISE.. une théorie historisée (ECRITURES BIBLE RECONNAISSANCE DES ROIS etc) alors on peut être d'accord sur ce principe que:
-le temps incorporé légitimise- incorporé reconnu.. (d'ailleurs on peut mettre le corps en psychanalyse aussi).
*On est pas obligé de reconnaitre 'savant' 'dieu' 'roi' qui ou quoi que ce soit, sauf de nous même. Libre arbitre..
celui qui est au pouvoir >un pouvoir< n'est donc pas légitime la question en ce terme ne s'appose pas ou devrait se poser autrement.. pour radoter
qu'ici je catégorise.

Bienvenue dans ce monde de gol) pourquoi je suis ici à discuter d'un impossible idéal?
mowgli
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