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« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve.»

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Message par mumen Lun 14 Mar 2016 - 13:57

La métaphore du Docteur et du Mister me semble tout sauf " tombée du ciel ". Il me semblait que c'était un lieu commun.
Ce qui n'est pas du tout un lieu commun, c'est de mettre Hyde avant Jekyll. La vision que je vois comme étant standard selon cette métaphore, c'est que le bon Docteur est la normalité et que Hyde est l'intolérable rebut qui détruit tout. Ce que tu fais, c'est de placer explicitement l'ombre avant la lumière. Le "explicitement" est cette clé qui me fait réagir. Et j'aimerai bien savoir le raisonnement analogique qui te fais adopter ce que j'appelle une signature de dualité.

En attendant que la philosophie l'entérine à sa façon et pour elle, une foule d'autres disciplines ont complètement, parfois constitutivement, entériné cette dichotomie, distinction, etc.
Super réflexion, un vrai départ pour mon intention "cachée". C'est ce qui m'a fait quitter la littérature il y a quinze ans pour aller chercher de l'ancrage au non-dit de la philosophie, malgré une folie d'ordre psychologique chez elle que je discernais déjà et dont aujourd'hui je pense avoir identifié la mère. Selon moi (Héraclite, Heidegger sans doute, et des tas d'autres aujourd'hui fort discrets car discrédités), la dualité, la triplicité, plus d'autres formes, sont les manifestations d'un principe universel reconnu par toutes les cosmogonies anciennes, dont la philosophie en son geste fondateur a décidé de se passer, ce qui est pur génie, et a simultanément voulu nier, ce qui est pure folie. Dit psychologiquement, comme on raconte un polard, la philosophie a castré la sagesse en en récupérant le nom et les attributs qu'elle a essaimé à tout vent, ne comptant plus sur la sagesse, mais s'appuyant exclusivement sur les dits souvent contradictoires des hommes de génie qui utilisent éventuellement le principe, mais à la condition expresse de ne pas en faire de publicité sous peine d'excommunication. Le bordel quoi. "En attendant que la philosophie l'entérine à sa façon et pour elle...", Aurais-tu quelqu'indice que cela se pourrait faire avant un ou deux siècles ?

Si cet oubli n'a rien à voir avec " Je ", l'a priori, etc., oui, toi et moi nous ne parlons pas de la même chose
Ici, j'ai deux problèmes.

Je ne sais pas de quoi tu parles avec le 'Je' et le 'je', pas même un indice. A travers tes phrases, je parviens plus ou moins à percevoir, mais je serais plus avancé avec des précisions ou des références, s'il te plait.

Ensuite, l'a priori. J'ai l'impression à te lire que notre façon de conceptualiser le couple a priori/a posteriori est divergente. Dans mon acception, le premier des deux est l'a posteriori, même si l'étymologie semble indiquer le contraire. Quand on fait un jugement a posteriori, on juge en fonction de ce qui est arrivé et auquel on ne peut rien changer, mais qui peut nous apprendre quelque chose de nouveau, alors que quand on fait un jugement a priori, on anticipe ce à quoi l'on peut ou désire aboutir. Je considère grossièrement qu'il existe une analogie entre a posteriori et sagesse et entre a priori et science, bien que les termes kantiens, pour ce que j'en ai compris, soient moins nets que le système de détermination que j'utilise, car je ne considère pas le jugement posteriori comme inductif, mais d'abord comme discursif. Pour aller plus au fond des choses, pour moi l'idée platonicienne de l'absolu de la pensée est intenable, comme celle de la réalité ou de l'indépendance de la pensée. Je considère cela comme des inversions du sens de la sagesse, comme une récupération, un vol. Attention, ne vas pas sortir encore les canons, je ne fais pas de la provocation, je dis ce que je vois en fonction d'une certaine analogique et bien sûr d'une psychologie.

La discussion prends peut être un tour tel que j'entends l'usage principiel de la sagesse, c'est à dire en expérimentant les signatures des dualités : chose textuellement empêchée par la pensée rationnelle, car le principe recouvre un mode de penser qu'elle à placé dans le néant qu'il ne faut pas nommer, en faisant ainsi l'énorme faute psychologique qui accompagnait pourtant un extraordinaire monument méthodologique. Détruire pour construire, certes, mais un jour, faire retour.

Si tu cherches une intention chez moi, elle est entièrement contenue dans cette problématique et prétend même aller bien au delà, en étant dans une époque où l'on peut, l'on doit vitalement tenter la somme des savoirs anciens et des savoirs nouveaux. Ce que je dis est psychologiquement intolérable, mais pas honteux ! et si je ne dévoile pas tout d'un coup, c'est parce que je suis largement conscient du danger psychologique qu'il y a à le faire. La philosophie a son bordel à ranger, mais elle en a perdu le moyen le jour de sa naissance. Pour nettoyer les écuries d'Augias, Hercule a détourné les eaux de deux fleuves, pour nettoyer les écuries de la philosophie, il faut rendre l'un des fleuve à son cours original.

Vois, néopilina, qu'en substance, j'avais déjà tout dit et que je le répète en avançant pas à pas comme je peux, en terrain miné.

Je suis surpris d'être encore en vie ici.

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Message par mumen Lun 14 Mar 2016 - 14:21

Rêveur a écrit:A mumen et neo : la discussion reste relativement calme, mais attention. Évitez les emportements. Par prévoyance, hein.
« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve.» - Page 3 3930275907 (la musique adoucit les mœurs)

Merci Rêveur, mais je crois bien que nous sommes déjà sortis d'une "conversation" conventionnelle depuis la dernière réponse de néo.

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Message par neopilina Lun 14 Mar 2016 - 15:10

O.K. Je mets de coté les soupçons et l'attirail qui va avec. Retour au Dialogue donc.

Prends un compas, traces trois cercles concentriques : à l'intérieur du plus petit écris " je, Docteur, conscience, pensée verbalisée, distance et espace critiques, etc. ", dans le cercle intermédiaire, tu écris " Je, En-Soi, a priori, Mister, etc. ", dans le plus grand, tu écris " Mon Monde ". Il y a très exactement autant de réalités, toutes aussi véridiques les unes que les autres, qu'il y a de Sujets, on peut ensuite " en parler " ( Via fusil d'assaut, dispute, dialogue, etc. ). Tu vois bien que Mister se trouve avant, et que les deux fleuves que tu évoques sont toujours forcément à l'oeuvre. Même si, pour la deuxième fois, je m'empresse de reconnaitre, que c'est une singularité bien occidentale d'en avoir singulièrement oublié un. Lors de la démarche du doute radical, Descartes se dit qu'il " serait extravagant de se supposer extravagant " et écartes d'un revers de la main l'alternative. Il me semble à moi, et peut être à toi, si je te suis, qu'on a là un magnifique exemple de cette occultation occidentale. Il vaut mieux, franchement, a priori, se considérer comme " extravagant ".

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par mumen Lun 14 Mar 2016 - 16:07

Même si, pour la deuxième fois, je m'empresse de reconnaitre, que c'est une singularité bien occidentale d'en avoir singulièrement oublié un. Lors de la démarche du doute radical, Descartes se dit qu'il " serait extravagant de se supposer extravagant " et écarte d'un revers de la main l'alternative. Il me semble à moi, et peut être à toi, si je te suis, qu'on a là un magnifique exemple de cette occultation occidentale. Il vaut mieux, franchement, a priori, se considérer comme " extravagant "
Je prends un immense plaisir à encadrer et mettre en valeur ce passage. Tu es seulement la troisième personne que j'aie jamais rencontrée qui abonde dans ce sens, les deux premières étant... Courtial et euthyphron dans ce même fil de discussion, ce qui avait fait dire à mumen que le forum était ionien. Je savoure pleinement, d'ailleurs en te remerciant d'avoir insisté, tellement c'est à peine croyable pour moi. Mes maladresses et les douches écossaises qui ont suivi ne m'ont pas trop aidé non plus à prendre tout le recul.

Prends un compas, traces trois cercles concentriques : à l'intérieur du plus petit écris " je, Docteur, conscience, pensée verbalisée, distance et espace critiques, etc. ", dans le cercle intermédiaire, tu écris " Je, En-Soi, a priori, Mister, etc. ", dans le plus grand, tu écris " Mon Monde ".
Merci de me donner ta représentation. Ainsi, je la comprends. C'est en effet un doigt qui désigne la même chose que ce que je désigne.

Dirais-tu que cela a à voir avec ton cheval de bataille ? as tu une pensée plus complète de ta représentation des choses ? est-tu disposé à la confronter à autre chose de ressemblant ?

Quand on a conscience de ce genre de réalité, c'est qu'on réfléchit et qu'on ne va probablement pas s'arrêter de réfléchir au moyen d'agir sur cela. n'y a-t-il pas un "courant de pensée" idoine au sein de ce forum, ailleurs ?

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Message par euthyphron Lun 14 Mar 2016 - 17:04

neopilina a écrit: Lors de la démarche du doute radical, Descartes se dit qu'il " serait extravagant de se supposer extravagant " et écartes d'un revers de la main l'alternative. Il me semble à moi, et peut être à toi, si je te suis, qu'on a là un magnifique exemple de cette occultation occidentale. Il vaut mieux, franchement, a priori, se considérer comme " extravagant ".
Oui, mais Descartes ne dit pas cela. Il ne dit pas qu'il serait fou de se croire fou, mais qu'il serait fou de se régler sur l'exemple des fous, ce qui n'est pas du tout la même chose.
Le fou qui se croirait fou entrerait dans un moment de lucidité. Le fou qui jouerait à se faire croire qu'il est fou perdrait sa lucidité.

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Message par neopilina Lun 14 Mar 2016 - 17:49

euthyphron a écrit: Oui, mais Descartes ne dit pas cela. Il ne dit pas qu'il serait fou de se croire fou, mais qu'il serait fou de se régler sur l'exemple des fous, ce qui n'est pas du tout la même chose.

La partie que j'ai souligné, c'est très exactement ce que j'entends ( Donc nous sommes d'accord ! ) quand Descartes dit " que se serait extravagant de se supposer extravagant ", et il a tort : nous ne savons pas de facto, dans un premier temps, ce n'est pas donné immédiatement, à quel point nous sommes a priori, ontogéniquement, extravagant, fou, etc. Ce n'est pas de la folie de se supposer fou, extravagant, etc., c'est même carrément infiniment plus prudent, plus : de saine méthode.
On a déjà digressé sur ce passage commenté par Foucault dans un fil de la section éponyme : https://digression.forum-actif.net/t713-histoire-de-la-folie

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Message par euthyphron Lun 14 Mar 2016 - 18:17

Mais Descartes ne dit pas cela! Ou alors où, dans quel opuscule, et quel contexte?
Commençons par établir le texte. Dans les MM, Descartes dit exactement : "Mais quoi? ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant, si je me réglais sur leurs exemples".
Ce n'est pas du tout la même chose que ce que tu lui fais dire.

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Message par neopilina Lun 14 Mar 2016 - 20:18

euthyphron a écrit:Dans les MM, Descartes dit exactement : " Mais quoi ? ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant, si je me réglais sur leurs exemples ".
Ce n'est pas du tout la même chose que ce que tu lui fais dire.

La citation est parfaitement exacte ( Sur le fil dans la section " Foucault ", on a tout le contexte. ). Mais, en toute amitié, je persiste. Nul doute que Descartes se sent différent de l'aliéné qu'il peut aller voir à l'asile du coin ( Ce fut longtemps une promenade du dimanche, on s'amusait à se faire peur. Jusqu'à la guerre de 14-18, ensuite ça n'a plus fait plus rire personne. ), mais il fait trop grand cas de cette différence. Par l'absurde, si la majorité était aussi manifestement folle, extravagante, etc., que l'aliéné patenté, ça serait plus facile, mais justement l'aliéné plus que manifeste, ouvertement problématique pour lui et/ou la société ne constitue que les cas les plus graves, comme si le sujet lambda, de base, était totalement à l'abri, exempt, de tout cela, étranger à cette structure fondamentale de tout sujet de notre espèce, comme le suppose Descartes en écartant l'alternative : c'est faux. Suite à ontogenèse, on a tous notre part d'extravagances, de folies, de travers, de qualités, et de défauts, une part obscure, en souhaitant tous qu'elle le reste. Ici Descartes fait un prix de gros excessif : typiquement il exclue trop. C'est typiquement ( Sauf erreur. ) l'oubli qu'évoque mumen. Je vais illustrer mon propos.

Ni Nietzsche, ni Freud ( Qui voudrait nous faire croire qu'il n'a pas lu le premier. ), ni Heidegger, etc., ne daignent se coltiner Sade. C'est un tort, d'abord pour eux. La philosophie occidentale classique, de Descartes à Sartre, actualise et illustre cet " oubli ". Mais pas tous : il y a donc Sade, Nietzsche, et sans aucun doute quelques autres qui ne sont pas dans ce cas. A cause du dit oubli, voire dédain, rejet ( Kant, etc. ), et à l'aune de ceux-ci, tous les philosophes de la dite tradition, de Descartes à Sartre, sauf exceptions à la dite tradition donc, à propos des " passions ", euphémisme tout aussi classique et révélateur, se sont comportés comme des jean-foutres, avec une légèreté inadmissible. Et c'est cela que paye l'Occident aujourd'hui ( On ne retrouve pas une telle négation, un tel déni, un tel oubli, dans aucune autre culture à ma connaissance, au moins elles font avec. ).
Sade est déconcertant, aucun ne fait tanguer pire que lui, il est très très éprouvant, on est perpétuellement tenter d'éluder, et éluder en philosophie ce n'est pas bien, c'est grave. Il contraint à de radicales remises en cause, ce que le Sujet n'apprécie jamais. Mais les efforts, la persévérance, induites, requises, par les difficultés préalables, induit a posteriori autre chose : il endurcit, agrandit. Quand on a croisé le fer avec lui, on est franchement meilleur. Ce type fait furieusement transpiré, et il est bien clair qu'il le fait totalement exprès.

Donation Sade dans " Histoire de Juliette ", fin de la 4° partie, dit, dans la bouche de Chigi s'adressant à Juliette : "

On ose déclamer contre les passions, on ose les enchainer par des lois; mais que l'on compare les unes et les autres; que l'on voie qui, des passions ou des lois, a fait le plus de bien aux hommes. Qui doute, comme le dit Helvétius, que les passions ne soient dans le moral ce qu'est le mouvement au physique ? Ce n'est qu'aux passions fortes que sont dues l'invention et les merveilles des arts; elles doivent être regardées, poursuivit le même auteur, comme le germe productif de l'esprit et le ressort puissant des grandes actions. Les individus qui ne sont pas animés de passions fortes ne sont que des êtres médiocres. Il n'y aura jamais que les grandes passions qui pourront enfanter de grands hommes; on devient stupide dés qu'on n'est plus passionné, où qu'on cesse de l'être ".
Il dit aussi dans la " Nouvelle Justine " que la philosophie oublie trop souvent qu'elle allume son flambeau aux feux des passions, etc.

S'il y a bien un auteur qui n'encoure pas le reproche, la crainte, d'Heidegger, c'est Sade. Je n'en connais aucun qui se soit coltiné à ce point, aussi frontalement, directement, résolument, cette question. Absolument aucun. Il a été aux charbons, a retroussé ses manches et a foncé droit en enfer, ce qu'ont soigneusement évité tant d'autres, notoirement ceux qui ont fait la philosophie occidentale d'aujourd'hui.
Les passions font avancer l'humanité, remplissent les bibliothèques, les musées, mais aussi elles font reculer l'humanité, remplissent les prisons, les asiles. Sade a connu cette problématique au dernier degré : c'est en tant que grave délinquant sexuel qu'on l'enferme de façon durable de 1777 à 1790, de 37 à 50 ans ( Il a déjà connu la taule. ), c'est en tant que philosophe, pour sa façon de penser, qu'on l'y maintient ( Les archives de la police en font foi. ). Il me semble que le problème fondamental de tout un chacun c'est comment il va faire avec, qu'est-ce qu'il va faire de, son " Magma ontogénique ". En un mot, que va t-il faire de soi, de lui. Comment, cela ressort d'une démarche, pourquoi, cela dépend d'une autre démarche, qu'on peut qualifier de métaphysique, de philosophique (1).

Pour rejoindre l'échange avec Euthyprhon, et ce qui selon moi est un excès de la part de Descartes. Un jour, j'ai demandé à mon psychiatre ce que c'était quelqu'un de " normal ". Il m'a répondu que c'était une, des, conventions sociales, un individu est dit " normal " quand il ne dépasse pas les bornes, n'est pas manifestement problématique pour lui et/ou sa société, ensuite, que d'un point de vue psychiatrique, que c'était quelqu'un qui n'avait pas encore pété les plombs. Descartes méconnait tout simplement le cas général, les plaisirs, et les souffrances, du sujet lambda, de base, " normal " quoi. Descartes a donc écrit : " Mais quoi ? ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant, si je me réglais sur leurs exemples ", et ce faisant il dresse un mur, creuse un fossé, trace une ligne au sol, là où je ne n'oserais jamais le faire, écarte d'un revers de la main la Monture où " je " se trouve déjà lancé au galop, la dite structure, absolument commune. Descartes, singulièrement avec le cogito en l'état, inaugurait cette ère de retranchement de l'intellect dans l'intellect, rien que pour l'intellect, préjudiciable au dernier degré à la philosophie occidentale, mortelle pour la sagesse occidentale.

(1) Mon psychiatre est, également, un très grand amateur de philosophie. Un jour je lui ai promis de jeter un pont entre psychiatrie et philosophie, on voit que je m'efforce de tenir parole !

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Message par Courtial Mar 15 Mar 2016 - 18:47

neopilina a écrit:Ni Nietzsche, ni Freud ( Qui voudrait nous faire croire qu'il n'a pas lu le premier. ), ni Heidegger, etc., ne daignent se coltiner Sade. C'est un tort, d'abord pour eux. La philosophie occidentale classique, de Descartes à Sartre, actualise et illustre cet " oubli ". Mais pas tous : il y a donc Sade, Nietzsche, et sans aucun doute quelques autres qui ne sont pas dans ce cas. A cause du dit oubli, voire dédain, rejet ( Kant, etc. ), et à l'aune de ceux-ci, tous les philosophes de la dite tradition, de Descartes à Sartre, sauf exceptions à la dite tradition donc, à propos des " passions ", euphémisme tout aussi classique et révélateur, se sont comportés comme des jean-foutres, avec une légèreté inadmissible. Et c'est cela que paye l'Occident aujourd'hui ( On ne retrouve pas une telle négation, un tel déni, un tel oubli, dans aucune autre culture à ma connaissance, au moins elles font avec. ).


S'il y a bien un auteur qui n'encoure pas le reproche, la crainte, d'Heidegger, c'est Sade. Je n'en connais aucun qui se soit coltiné à ce point, aussi frontalement, directement, résolument, cette question

Kant ne parle pas de Sade, mais Platon non plus.
Faut rester raisonnable : ce n'est pas une question d'oubli. Les grands récits sur "l'Occident", comme tu dis, doivent se soumettre aussi à la dictature de la chronologie, enfin je crois.
A ma connaissance, Nietzsche ne cite jamais Sade non plus. Heidegger non plus, peut-être moins excusable parce qu'il n'avait pas, dans sa vie, le même dédain de la fesse. (Arendt n'est pas un cas isolé de sa façon de foutre l'étudiante bénévole).

Y avait-il au 19ème siècle des trad. allemandes ou anglaises de Sade ? Et si nul n'en parle, n'est-ce pas tout simplement parce que c'est un auteur "provincial" ? Les petites virées des hobereaux français qui vont se taper des putes (ou des innocentes, ou des putes innocentes) dans les chateaux de notre belle province française, est-ce qu'il n'y a pas un petit déficit d'universalité, je te pose la question comme elle me vient ?

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Message par neopilina Mer 16 Mar 2016 - 4:01

à courtial,

Apparemment mon propos peut prêter à confusion. Je précise. L'oubli dont il est question dans la troisième phrase de ce que tu cites de moi ne concerne pas Sade, mais l'En-Soi, l'a priori, les " passions ", le " corps ", les pulsions, etc., etc.
Sade 1740-1814, Kant 1724-1804. De façon catégorique, Sade a eu connaissance des travaux de Kant, il parle de, je cite " la nouvelle métaphysique transcendante " (Sic), le cite. Maintenant supposons pour les besoins du raisonnement que Kant ait eu connaissance de Sade, il ne me serait jamais venu à l'esprit de m'étonner que Kant n'en parle pas.

Ceci dit. Qu'un Heidegger n'en parle pas, je ne m'en étonne pas aussi. Mais de la part de Nietzsche, ça me chagrine plus : je ne suis pas, de très loin, le premier à m'interroger sur ce silence. Pour les traductions anglaises, je ne sais pas, ça doit être plus tardif ( Milieu ou fin du XIX°. ), pas contre pour les traductions allemandes, elles sont disponibles très vite, avant même la mort de Sade ( 1814. ). Au XVIII° siècle l'Allemagne traduit la production française quasiment en temps réel. Même si c'est discrètement, Sade est présent dans toutes les bibliothèques françaises et allemandes au XIX°. Tous les écrivains français du XIX° ont lus Sade ( Balzac, je cite : " Juliette ! c'est moi ! " ). Et, je ne te l'apprends pas, Nietzsche connait remarquablement bien la littérature française y compris celle du XVIII°. Il ne peut pas ne pas l'avoir connu.

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Message par neopilina Mer 16 Mar 2016 - 14:15

Courtial a écrit:Les petites virées des hobereaux français qui vont se taper des putes (ou des innocentes, ou des putes innocentes) dans les châteaux de notre belle province française, est-ce qu'il n'y a pas un petit déficit d'universalité, je te pose la question comme elle me vient ?

Sauf erreur de ma part, tu parles des " 120 Journées ", et dans ce cas je peux entendre la remarque. Il l'écrit en 1785, c'est son premier pornographique, c'est, entre autres, le livre exutoire d'un homme en prison ( Sous lettre de cachet, il ne sait donc pas quand il sortira, s'il sortira, c'est un livre de ressentiment, de haine, et d'une libido hors norme muselée, ça fait beaucoup, c'est un cri. ), son coup d'essai, il trouve sa voie littéraire, etc. Mais là, je relis " Juliette " publiée en 1801, dernière grande oeuvre, il est libre, a fait la révolution, a vu venir la Terreur, s'y est opposé et a failli en perdre la tête, etc., les fameuses dissertations philosophiques, subversives et provocatrices à souhaits, c'est donc complétement délibéré, ça partie de sa " patte ", mais qui posent de vraies questions ( Pour l'universalité. ) sont aussi nombreuses que les orgies.

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
C'est à pas de colombes que les Déesses s'avancent.
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Message par mumen Jeu 17 Mar 2016 - 18:32

Pour comprendre, il faut comprendre. C'est un aphorisme qui sert à faire toucher la difficulté de compréhension devant un fait nouveau, qui est expliqué, mais encore tenu à l'écart de la perception. J'ai pu réaliser ici cet exploit extraordinaire, faire comprendre ce que je voulais faire  comprendre, faire comprendre ce qu'il y avait à comprendre. On peut commencer à avancer.

Quand on connaît, ou qu'on postule, l'existence d'un principe universel de la sagesse, on peut mieux étudier l'histoire des civilisations à partir de cette distance. La philosophie, et toutes les sciences après elle, a réfuté cette existence, laissant toute explication du monde à la surpuissance de sa méthode. La religion est tout autant parvenue à empêcher ce questionnement. Il est pourtant facile de se rendre compte que toutes les civilisations antiques ont eu pour quête et repère le principe universel. L'histoire des civilisations est l'histoire de la perception et de l'utilisation du principe.

De ce point de vue surplombant, il est possible de distinguer les grands traits évolutifs du monde. Je veux ici esquisser cette histoire pour ce qui concerne les deux soeurs ennemies de l'Occident, la religion et la philosophie et pour la partie asiatique du monde qui a le mieux su intégrer le principe en en préservant sa neutralité, contrairement aux deux courants de pensée occidentaux.

Monothéismes

Les monothéismes découlent tous du zoroastrisme. Le zoroastrisme s'articule autour d'une triplicité selon laquelle le Dieu Ahura Mazda est le tout et dont ses deux fils, Angra Mainyu (esprit destructeur) et Spenta Mainyu (esprit bienfaisant), représentent l'opposition dualiste du principe. La pensée zoroastrienne est principielle : elle connaît la dialectique des opposés qu'elle signe analogiquement, la triplicité et les quatre éléments habituels.

La dualité zoroastrienne est l'acte de naissance du célèbre couple du Bien et du Mal. Il est essentiel de comprendre que la dualité zoroastrienne première est intrinsèquement entachée d'une connotation culturelle qui l'artificialise. Dans ce contexte, l'un des aspects de la dualité doit être disqualifié par nature, quand l'autre est privilégié. La neutralité globale du principe est abolie d'entrée de jeu. Ainsi, la dualité du Bien et du Mal ne repose pas exclusivement sur l'observation du monde, mais aussi sur tout un appareil intellectuel de justifications.

Quelques extraits de Zoroastrisme sur Wikipédia.
Zoroastre prêchait parmi l'Humanité la morale, c'est-à-dire l'ensemble des jugements et des règles légitimes reposant sur le dualisme primordial opposant le Bien et le Mal, transcendance immatérielle provenant de Dieu créateur. Le principe zoroastrien est qu'il y a depuis les origines un Esprit saint (Spenta Mainyu) — ou esprit de Dieu — ainsi qu'un esprit mauvais (Angra Mainyu) incréé au fondement de toute volonté. Ces deux esprits inspirent chaque être doué d'une âme. Il est conseillé de se soumettre devant le feu comme symbole divin et de respecter la Nature. Selon Zoroastre, le pire péché de l'Homme est le mensonge.

Zoroastre prêchait un dualisme apparent, qui reposait sur le combat entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres. Le principe de Zoroastre est qu'il existe un Esprit saint (Spenta Mainyu), fils d'Ahura Mazda, et un esprit mauvais (Angra Mainyu) (pehlevi Ahriman), son jumeau, tous deux opposés, car représentant le jour et la nuit, la vie et la mort. Ces deux esprits coexistent dans chacun des êtres vivants.

Un combat cosmique entre Aša, la « Vérité » (pehlevi : Ahlayih) et Druj, le « Mensonge » (pehlevi : Druz) est présenté comme base de toute existence.

(...) Il y a en tout homme deux tendances l'une qui le porte au bien, l'autre qui le porte au mal ; ce que propose Zoroastre, c'est de toujours choisir le côté du bien, et cela se fait par une constante dialectique. (...) Zoroastre a nommé son dieu Ahura Mazda, force créatrice du monde et des quatre éléments, l'eau, la terre, le feu et l'air, éléments que les zoroastriens vénèrent et respectent au plus haut point puisque venant du dieu. Il a aussi créé l'homme en lui donnant son libre arbitre afin qu'il puisse toujours choisir ce qu'il a à faire entre le bien et le mal. Tout homme est l'ouvrier du dieu pour faire évoluer le monde.

Chaque homme est en capacité de juger de façon absolue entre ce qui est désirable ou ce qui et indésirable pour soi. Ainsi, tous devraient avoir le même jugement sur chaque situation, ce qui est loin d'être le cas. Ce qui interdit l'universalité du jugement, c'est que chaque homme n'est pas en possession des mêmes informations (culturelles ou factuelles), ce qui a pour effet de différencier chaque jugement et peut même les opposer pour une même situation. Ainsi, la capacité de jugement est-elle individuelle et absolue, mais relativisée par l'irruption de l'autre et plus encore, du collectif.

Le glissement entre le jugement de ce qui est "désirable ou indésirable en telle ou telle circonstance" et ce qui est "Bien ou Mal en toutes circonstances" est la dérive primitive des monothéismes face au principe. Mais c'est aussi un discernement, une simplification féconde, une rationalisation, qui est devenue une clé évolutive de l'humanité.

La perception de la dualité principielle propre aux quatre religions monothéistes, qui se fondent l'une après l'autre sur sa précédente, repose sur la tentative première de généraliser le jugement individuel en un jugement universel et collectif, ce qui est en soi contradictoire avec le principe, puisque l'on veut absolutiser ce qui est essentiellement relatif.

Pour que les notions de Bien et Mal puissent perdurer, il a fallu trahir le principe à de nombreuses reprises. La mise en adéquation de la catégorie artificielle Bien et Mal avec les catégories immanentes du principe a exigé de la part de générations de penseurs qu'ils usent d'énormément d'esprit et de calcul. Il leur a fallu interpréter, métaphoriser, classifier et pétrifier arbitrairement une foule de conceptions au sein des divers credos et dogmes, appuyés eux-mêmes sur un vaste flux de textes et commentaires soigneusement sélectionnés, mis au point et communiqués par les rituels religieux, en un riche système à la fois psychologique et métaphysique. Le monothéisme s'est réinventé trois fois après le zoroastrisme en conservant intacte à sa racine cette interprétation distordue du principe, faisant de la religion une quête à jamais insatisfaite.

L'appareil dogmatique très sophistiqué des religions a permis l'appropriation et la récupération du principe et a incidemment permis d'évacuer de toute métaréflexion à son sujet. C'est une prise de pouvoir sur le principe que l'on peut considérer comme une ruse éducative que l'humanité se serait construite en son chemin évolutif.


Philosophie

Ce que le monothéisme a péjoré, la philosophie l'a nié.

La récupération du principe par la philosophie a été bien plus radicale que celle de la religion monothéiste. Elle a simultanément imposé le pôle de l'être et refusé tout ce qui n'entrait pas dans cette catégorie. Ce faisant, elle s'appropriait avec une stricte méthode un seul aspect du principe, se donnant finalement en l'ère moderne le pouvoir total de décider ce qui serait un être et ce qui devrait être nié. De la simplification surgirent les sciences, de la négation surgit le désordre, le danger, la fuite en avant.

On peut affirmer que la philosophie, mentant deux fois dans son appellation puisqu'elle nie la sagesse et l'amour, est ce qui a transformé la très délicate et complexe dialectique des opposés en une stricte lutte d'hégémonie fratricide tentant d'éradiquer ce qui ne peut pas l'être. Les monothéismes en ce sens sont plus équilibrés, puisqu'ils admettent la valeur divine à la fois du Bien et du Mal.

Le procédé philosophico-scientifique à cause de sa phase psychologique intégrée de rejet s'est vu contraint de s'appuyer sur un appareil dogmatique et un credo arbitraire pour réfuter "ce qui n'est pas", tout comme les monothéismes, ce qui en fait une religion. Que la philosophie nie les religions et le fait religieux ne change rien au fait qu'elle se comporte comme une religion.

Ce qui place la philosophie et le monothéisme aux deux pôles d'une opposition dualiste, c'est que la philosophie a refusé l'usage de la sagesse et que l'autre l'a détourné. Leur complémentarité est la cause de leur longévité. Désirer en nos jours une victoire de la philosophie sur le monothéisme, sans la moindre idée d'une alternative englobant les deux, n'est que recherche de destruction du monde.

La perception du principe par ces deux courants maitres de l'Occident aboutit à une contradiction où l'ordre de l'un est le désordre de l'autre, où le bien de l'un est le mal de l'autre sans que personne n'ose évoquer ce fait à voix haute.

Pensée chinoise

La civilisation chinoise est celle qui a le mieux réussi à intégrer le principe. En Chine antique le principe était l'affaire de tous, du paysan au sage. Les auteurs anonymes du Yi-King ont rédigé ce qui devait être une espèce de mode d'emploi de toutes les activités des hommes. Des sciences aux arts, toutes les recherches ont été guidées par cette connaissance du principe.

Les règles de la nature qu'ils ont instaurées sont certes entièrement compatibles avec celle des penseurs de l'Occident (un, opposés, triplicités, quaternités, etc.), mais elles sont aussi beaucoup plus élaborées. Elles comportent d'autres propriétés à côté desquelles la pensée occidentale est passée, et passe encore.

La pensée chinoise du Yi-King était, en certains domaines, bien supérieure à toutes les autres pensées connues du monde. Mais il s'est produit pour elle une chose qui peut paraître étrange. Alors même qu'elle possédait une explication du monde des plus efficaces, alors même que toute activité humaine trouvait en Chine un canevas disponible à son élévation, lançant sur un fonds universel tous les arts et sciences chinois, alors même qu'elle naissait, la civilisation chinoise s'est arrêtée devant un résultat incommensurable et tangible, qui la dépassait et dont elle ne s'est plus jamais servie.

Tout comme le monothéisme et la philosophie, d'une façon encore différente, la Chine avait elle aussi, pour se fonder, arrêté en cours son étude du principe et ceci alors même qu'elle avait atteint en cette étude un sommet encore inégalé de nos jours. S'ils avaient continué, le monde serait différent. Si nous reprenons, c'est l'avenir qui sera différent.

La nature de l'extraordinaire découverte chinoise est quelque chose de très pragmatique qui se résume à un aphorisme plus une représentation semi-graphique de cet aphorisme. Un outil, une écriture. La pensée métaphysique chinoise est aujourd'hui mondialement connue pour deux conceptions majeures, le Tao et le yin/yang. Il est par contre une autre chose mondialement inconnue au sujet de ces deux conceptions, c'est qu'elles sont une, et qu'elles sont exactement comme le décrit Héraclite avec la triplicité du un et les opposés. L'aphorisme chinois le dit sans détour : "Un yin, un yang, c'est le Tao". Un aspect du mystère chinois, c'est que cet aphorisme soit si peu connu et qu'on en tienne si peu compte. La pensée occidentale glose volontiers sur le Tao, mais elle évite aussi très soigneusement toute évocation du yin/yang, comme elle évite soigneusement ses propres antiques opposés. L'autre aspect du mystère, c'est que la représentation semi-graphique de l'écriture n'a servi qu'une seule et unique fois, pour se représenter elle même. Après le Yi-King, les Chinois ont continué d'utiliser les outils qu'ils maîtrisaient, mais n'ont pas découvert les énormes possibilités apportées par une représentation universelle du principe, et se sont, selon moi fourvoyé dans des formes incomplètes, comme l'est le cinq, qui est une quaternité représentée comme un carré et donc laissant une place au milieu pour un cinquième élément. Au lieu de se référer à l'outil précieux, ils se sont laissés guider par la représentation. De la même façon, il est possible au sein du Yi-King de déceler quelque erreur de classement par rapport au principe, ce qui nous montre que la pensée du principe était à son apogée, parce qu'elle rencontrait les limitations des humains qui la menaient.

On peut dire qu'ils ne sont jamais devenus rationnels. Ni scientifiques ni philosophes ils ont fondé une civilisation stable et prospère sur la sagesse.

Somme

Je n'ai pas étudié d'autres sources d'utilisation du principe bien que de nombreuses autres civilisations l'aient envisagé. Les trois que je montre ici sont celles qui sont parvenues au sommet conceptuel qui marquait l'arrêt mondial de cette recherche. La comparaison de l'Occident et de l'Orient antiques nous montre que la recherche du principe semblait ne plus pouvoir évoluer, qu'elle devait laisser place à sa "consommation" par elle, à autre chose qu'elle.

L'affirmation que je porte est que les choses ont changé, qu'il est temps de ressortir les vieilles recettes dans une nouvelle marmite. Il est probable selon moi que les recherches antiques aient en quelque sorte buté sur une certaine pauvreté conceptuelle comparée à la richesse foisonnante de notre époque. Je parle d'un apport quantitatif et qualitatif très significatif de concepts nouveaux. Toutes les cosmogonies ont employé les dualités de jour et de nuit, d'homme et de femmes, etc. Mais si l'on compte, le nombre d'entités doubles, triples ou quadruples de chacune de ces civilisations, on rencontre un record absolu pour la Chine de l'ordre de quelques dizaines de dualités très bien choisies et très bien signées.

Ce qui a changé depuis 2500 ans, c'est les 500 dernières années, celles du succès planétaire de la rationalité épurée. Ce qui a changé, c'est la somme colossale de savoirs accumulés par disciplines. Chaque science, tout comme la philosophie, passe son temps à redécouvrir la réalité de la sagesse, mais à chaque fois en repartant de zéro, en ignorant son principe. Cette activité bourdonnante ne fait jamais l'objet d'un essai de classement selon le principe, mais elle le devrait, car elle se rendrait compte à quel point le principe de la sagesse est instructif. De nos jours, tirées des sciences au sens large, ce sont au bas mot des centaines de dualités qui sont éligibles au classement. Il me semble même que la philosophie en tant qu'espace non disciplinaire cause de la naissance des disciplines, est le vivier le plus riche en ce domaine.

L'outil chinois est très simple à comprendre, mais délicat à mettre en oeuvre. Il requiert une sorte de formation profonde, de celles qu'on passe sa vie à peaufiner. En retour, il nous donne une vision clarifiée de la complexité du monde, qui nous permet de discerner d'éventuelles erreurs de jugement et qui donne des indices pour nous diriger dans les recherches, comme l'ont fait les Chinois à partir du Yi-King pour toutes leurs activités. Il nous faut faire une somme des savoirs et les dépasser. Il n'est pas question de devenir Chinois, mais de tendre au surhomme nietzschéen, selon les critères de la "foi" héraclitéenne et en utilisant la science chinoise du principe pour décrypter l'ossature des savoirs modernes.

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Message par mumen Jeu 17 Mar 2016 - 18:39

Pour illustrer le message précédent je place ici un extrait de Aux origines de la philosophie européenne - De la pensée archaïque au néoplatonisme par Lambros Couloubaritsis.

Lévi Strauss, qui a le mieux établi l'usage de ces types de couples pour les civilisations archaïques, rapproche cela d'une logique binaire, songeant surtout à cette logique introduite par Boole, au siècle dernier, et qui joue aujourd'hui un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'informatique. Mais aussi pertinente que soit cette observation, elle perd de vue l'essentiel de la logique archaïque, sa différence radicale avec la logique classique et moderne, introduite depuis Aristote, et qui domine, par ses principes, notre époque. En fait, l'organisation des couples est plus complexe, car alors que la logique binaire suppose une opposition stricte des termes, la logique de l'ambivalence suppose que chaque terme renferme en lui quelque chose de l'autre terme, comme le montrent les exemples que je viens de rappeler : Athéna prenant la forme humaine n'est pas une divinité qui est identique à elle même et qui s'oppose d'une façon radicale à l'homme, elle possède également quelque chose des possibilités humaines ; de même Ulysse et Diomède, une fois qu'ils discernent l'invisible, ne sont pas strictement humains, mais renferment en eux quelque chose de divin. Le symbole qui illustre sans doute le plus clairement le statut de cette logique archaïque appartient à une autre civilisation ; il s'agit du cercle symbolisant le Tao, séparé en deux parties par une ligne ondulée, dont chacune manifeste une trace (un point) de l'autre, la lumière renfermant de l'obscurité et l'obscurité de la lumière, et dont chacune renvoie aux deux principes du réel, le yang et le yin. Le Tao symbolise la voie par laquelle se manifeste la vie de la matrice de l'univers, et qui s'articule selon les deux forces opposées et complémentaires. Cela suffit à faire voir que le mode par lequel la pensée européenne peut entrer en dialogue avec les pensées non-européennes, pour découvrir leur proximité et en même temps leur irréductible rupture, passe par un approfondissement de la logique de l'ambivalence.

En fait, la logique de l'ambivalence s'accorde à une conception du réel qui accepte la coexistence du visible et de l'invisible et qui, pour dire et penser l'invisible, le rapporte toujours au visible, exprimant ainsi, par le discours, l'invisible comme s'il était un visible interprété, face à(et à partir d'un visible) dit, - ce qui complexifie aussitôt l'articulation à la fois de la pensée et du discours. C'est cette complexité qui est exprimée par la logique de l'ambivalence. C'est pourquoi, me semble t'il on a eu tort de la négliger dans le passé, en dénonçant la pensée archaïque (parlant de pensée "primitive", "pré-logique" ou "irrationnelle"), comme impliquant des contradictions. Or, celles-ci paraissent bien normales lorsqu'on se rend compte de la difficulté qu'il y a de dire en même temps un visible et un invisible selon des images visibles. C'est cette complexité du réel qui entraîne la complexité de la logique de l'ambivalence. A ce titre la logique archaïque doit être comprise comme un fond rationnel commun de l'humanité avant l'avènement (ou en dehors) de la pratique de la philosophie. Cette remarque fait voir que le relativisme culturel n'implique pas une distinction radicale entre les hommes (source de tous les racismes) ; il peut supposer un fond commun entre les hommes de notre planète, qui attestent l’/humanité/ comme leur nature commune.

Dès lors, il est à peine nécessaire de souligner que l'originalité de la pensée européenne tient dans sa rupture - du moins sur le plan théorique - avec l'usage de la logique de l'ambivalence, en /séparant/ les termes opposés, c'est à dire en refusant à chaque terme d'inclure en lui quelque chose d'un autre terme, c'est à dire en créant la contrariété (le blanc comme contraire au noir est toujours identique à lui même et il en va de même du noir) et la non contradiction, qui suppose qu'un terme ne peut contenir en même temps et sous le même rapport un attribut et sa négation. C'est cette /séparation/ (en grec : /krisis/) qui, en libérant la pensée de l'enchaînement conceptuel auquel se résigne la complémentarité des termes, a produit la logique binaire, dont la simplicité présente la propriété remarquable de rendre possible le déploiement des mathématiques ou l'activité prodigieuse des ordinateurs. Cela veut dire que la pensée européenne est née par une simplification et une clarification logiques. Nous verront que la tâche dominée par cette /krisis/, est principalement l'œuvre de Parménide, bien qu'elle soit déjà amorcée par ses prédécesseurs. Mais, pour l'instant, constatons cette modification dans la pensée humaine qui permet non pas, comme on le croit souvent, une complexification de la pensée, mais au contraire sa simplification, grâce à laquelle elle se découvre une efficacité prodigieuse dans la technique moderne.

Il est aujourd'hui bien connu que la société archaïque n'a rien de simple : en prenant en considération une réalité complexe, où s'enchevêtrent le visible et l'invisible, elle s'organise non seulement en fonction du visible (de l'univers, des hommes, des animaux, des plantes et des phénomènes de la nature) mais également en fonction d'un invisible peuplé de dieux, de puissances et de morts. C'est pourquoi il est plus difficile, si j'ose dire, de comprendre l'organisation d'un village archaïque avec quelques habitants, que le fonctionnement d'un ordinateur actuel, dont les matériaux et la logique qui le régissent sont analysables selon des méthodes précises.

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Message par quid Sam 19 Mar 2016 - 0:11

à mumen,

J'ai l'impression ici que tu parles des principes premiers.
Le problème du principe, c'est qu'il n'est pas explicable. On l'accepte comme principe ou non. Si on l'accepte comme principe, on ne tente plus alors de le remettre en cause, ou de remonter le principe ou de le décomposer.
Reste à voir si le principe que l'on pense connaître est une vision juste, dans le sens où l'on vise juste concernant le fait que c'est un principe.
Le principe n'étant pas explicable, il doit cependant être explicatif, on doit pouvoir énoncer ou décrire ce principe afin de pouvoir concevoir les choses sous la perspective de ce principe, mais le principe ne sera jamais explicatif de lui-même.

Il y a alors deux manières de voir les choses, soit penser que l'on est en possession de ce principe, qu'il est clair pour nous qu'il est le principe, et qu'il permet de mettre en perspective, d'expliquer, et en quelque sorte de se guider dans la réalité, et d'une certaine manière de s'approprier cette réalité du moins sa compréhension, soit de penser que le mieux est de faire abstraction de ce principe dans la tentative de comprendre la réalité, et que c'est en ce qu'il résiste à la compréhension qu'un principe est un principe, et qu'il est ainsi éclairé et mis en évidence.

A mon avis, la première approche est plus religieuse, dans le sens où l'on penserait connaître, transmettre une vérité fondamentale et principielle et que la démarche n'est alors pas la remise en cause de cette connaissance, mais sa confortation et son développement. Je pense au Tao.

La seconde approche serait plus philosophique en tant qu'elle mettrait autant que possible la réflexion et l'expérience à l'épreuve, afin que par la force des choses se dégage les limites de l'appréhension et de la compréhension et qu'elle mette pourquoi pas, mais pas nécessairement, en évidence des principes. La variété des approches philosophiques témoigne de cette difficulté et de cette incertitude.
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Message par mumen Sam 19 Mar 2016 - 19:56

Quid, je te remercie infiniment pour ton questionnement. Il est très pertinent, respectueux et ouvert. C'est une vraie récompense pour moi de répondre à une telle synthèse. Incidemment, c'est ce forum que je remercie.
J'ai l'impression ici que tu parles des principes premiers.
Oui.
Le problème du principe, c'est qu'il n'est pas explicable. On l'accepte comme principe ou non. Si on l'accepte comme principe, on ne tente plus alors de le remettre en cause, ou de remonter le principe ou de le décomposer.
Dire que c'est un problème, c'est déjà diriger la question vers une réponse stéréotypée. Il ne s'agit pas d'un problème spécifique à ce cas, mais d'une problématique générale, d'ordre épistémologique. Elle consiste à admettre que toute science au sens large, commence par de la croyance -un postulat- qui s'est ossifiée avec le temps et que l'on ne remet plus en cause parce que ce la méthode spécifique obtenue depuis cette croyance est vérifiée à chaque fois par plusieurs expérimentateurs dans différents contextes.

Les dialectiques, qu'elles soient prises au sens platonicien, hégélien ou autre sont d'abord elles aussi des croyances en ce même principe qui procurent des méthodes qui fonctionnent, mais qui ne sont pas démontrées. D'ailleurs je suis persuadé que le principe comme il est envisagé ici permet probablement d'englober ces dialectiques en une seule.

Je n'en suis pas encore à la monstration des résultats de cette dialectique qui se prône universelle, mais nous verrons que l'expérimentation est possible, ainsi qu'une forme partielle de vérifiabilité, par une épreuve de cohérence ou d'harmonie. À cause de la nature analogique du principe je ne prétendrais jamais aboutir pour lui aux critères de la science pure. Je pense que nous sommes clairement hors de la science pure, car la seule voie est la monstration, qui est sensée selon moi aboutir à un ensemble consensuel. Il y a de la cartographie dans l'air et, si une carte n'est pas le territoire, elle n'est pas moins un instrument de navigation.

Le domaine du principe est antérieur à la science, antérieur à la philosophie. Il est leur fondement, bien plus primaire qu'elles. En tant qu'il faut avoir foi en lui, le principe appartient du domaine de l'individuel, du sensible. Accepter pour soi que le principe existe, c’est essayer de le comprendre en chaque situation qui semble l'autoriser. Essayer de le comprendre, c’est le remettre en cause systématiquement, du moins au commencement de la recherche et de moins en moins ensuite. C’est un intime travail à vie qui peut servir en des circonstances imprévisibles. C'est un travail qui modifie celui qui le pratique.

Reste à voir si le principe que l'on pense connaître est une vision juste, dans le sens où l'on vise juste concernant le fait que c'est un principe.
Oui, absolument.

Le principe n'étant pas explicable, il doit cependant être explicatif, on doit pouvoir énoncer ou décrire ce principe afin de pouvoir concevoir les choses sous la perspective de ce principe, mais le principe ne sera jamais explicatif de lui-même.
Oui, absolument.

Il y a alors deux manières de voir les choses, soit penser que l'on est en possession de ce principe, qu'il est clair pour nous qu'il est le principe, et qu'il permet de mettre en perspective, d'expliquer, et en quelque sorte de se guider dans la réalité, et d'une certaine manière de s'approprier cette réalité du moins sa compréhension, soit de penser que le mieux est de faire abstraction de ce principe dans la tentative de comprendre la réalité, et que c'est en ce qu'il résiste à la compréhension qu'un principe est un principe, et qu'il est ainsi éclairé et mis en évidence.
Merci pour ce parfait raisonnement. L'ordre dans lequel tu présentes les deux manières de voir le principe est l'ordre immanent, c'est à dire l'ordre d'apparition naturel d'abord de l'idée du principe, ensuite jusqu'à une validation rationnelle du type consensuel (ce qui nous rapproche des statistiques des sciences humaines) et d'une espèce de principe de non-contradiction flou que l'on pourrait nommer "harmonique" ou "de justesse".

Héraclite et les autres croyants en les opposés sont ceux qui ont amené la vision des choses. La validation reste à faire, avant de pouvoir, sans doute, effectuer un retour à la croyance et pourquoi pas ensuite à une religion. C'est pour cette raison que je vais sembler ensuite inverser l'ordre de tes deux points.

Pour la première étape contemporaine, nous avons 500 années de rationalité faisant, selon tes précisions, une totale abstraction du principe et qui n'attendent que de le mettre à l'épreuve. La cartographie méticuleuse de largement plus de cent formes que j'ai amorcée depuis deux décennies, ce qui requiert une culture assez élémentaire, mais très diversifiée, attend patiemment sa critique et sa validation consensuelle.

Seconde étape du futur, si/quand la première épreuve donne des réponses encourageantes, alors mettre prudemment en perspective et effectivement se laisser guider dans la réalité. J'ai passé suffisamment de temps à la première étape pour parvenir à utiliser, pour moi, le principe "comme si c'était vrai". Aujourd'hui je peux dire : "ça marche". Mais je dis ceci en tant que seul homme qui ait validé cette méthode, ce qui est nettement insuffisant et ainsi me contraint à revenir systématiquement à la première étape (ne plus y croire) pour tout nouveau problème.

Pour être clair, la sélection/validation d'un objet en vue du principe fait partie intégrante de la méthode, car croire avancer avec le principe comme si l'on était maître d'une science exacte, c'est la certitude de se planter. Dans ce domaine, se planter c'est perdre pied. Le principe est irrationnel. Pour le dire à la mode héraclitéenne, il est l'ordonnancement du voile d'Isis. Oublier que la nature aime à se cacher parce qu'on a intégré son principe, c'est une grave erreur méthodologique. C'est la nature non rationalisable du principe et une grande pauvreté de moyens pour le généraliser qui ont fait rejeter le principe par Parménide et les suivants. On ne peut pas leur donner tort,même s'ils se sont privés d'une aide au potentiel formidable, car c'était un temps important, une antithèse à l'hégélienne, après la thèse antique des opposés.

A mon avis, la première approche est plus religieuse, dans le sens où l'on penserait connaître, transmettre une vérité fondamentale et principielle et que la démarche n'est alors pas la remise en cause de cette connaissance, mais sa confortation et son développement. Je pense au Tao.
Si l'on connaît sa nature une et duelle, le Tao est le meilleur des doigts qui pointent en direction du principe. Le Tao a vécu sa phase de validation à la chinoise, qui est encore consultable par sa cartographie, qui demande à être encore étayée en fonction des documents que nous avons. Voir Marcel Granet qui n'a pas encore été lu avec cette idée, semble-t-il.

La seconde approche serait plus philosophique en tant qu'elle mettrait autant que possible la réflexion et l'expérience à l'épreuve, afin que par la force des choses se dégage les limites de l'appréhension et de la compréhension et qu'elle mette pourquoi pas, mais pas nécessairement, en évidence des principes. La variété des approches philosophiques témoigne de cette difficulté et de cette incertitude.
Nous sommes exactement là où je veux amener des esprits riches et pensant librement. Ici, un homme seul requiert l'assistance d'autres hommes lors d'une certaine quête en rationalisation. L'approche qui veut/peut relier la foi de chacun en une religion est un autre sujet, que je ne ressens à aucun moment comme étant de mon ressort, ce qui ne m'empêche évidemment pas d'en discuter le cas échéant.

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Message par maraud Sam 19 Mar 2016 - 20:59

Le Principe échappera nécessairement à la raison, même si celle-ci peut en exploiter certaines facettes. Il échappera à la raison, tant que la vérité sera l'objectif de celle-ci, puisque la vérité conçue comme la chose "bonne", "profitable", et une discrimination de fait, de tout ce qui n'est ni bon ni profitable, or la non vérité  participe, elle aussi, du Principe.
A-t-on jamais rencontrée la vérité seule ( sortant du puit) ?

Notre approche rationaliste du principe est, par trop, intéressée et son point de vue souffre de strabisme. Héraclite disait: " je veux penser le Tout". Ce qui m'autorise à avancer qu'il voulait penser les principes, voire Le Principe. Cependant que nous autres Modernes, nous voulons penser ce qui est issue d'une portion , d'une facette de ces principes, ainsi nous osons une définition sur laquelle nous tentons d'écraser une démonstration et tant que l'on en tire un bénéfice, on parle de vérité scientifique.

Cela tient au fait, que j'imagine probable, que toute définition contient une certaine dose de vérité, puisque les principes véhiculent vérité et non vérité indifféremment. En cela, nous savons des principes, ce que nous avons avancés comme les définissant partiellement et dont nous tirons profit.


Si je creuse le sol et en tire un tubercule gorgé d'eau, je peux le définir comme un robinet branché sur le réseau d'adduction, et je n'aurai pas totalement tort puisque je pourrai vérifier cette vérité qui consiste à énoncer que le robinet d'eau ( en état de service) permet de se désaltérer avec l'eau qui en coule. Tant que l'on peut se désaltérer de cette façon, on est en droit de considérer que la vérité énoncée vaut " un petit quelque chose de vrai".

On peut noter que les définitions les plus riches en "bénéfices" sont celles qui se fondent sur la logique, formelle, mathématique, qui au travers de la géométrie se rapprochent singulièrement d'une grande part de vérité profitable ( Galilée avait déjà évoqué que le langage de la nature est "géométrique").



Ce qui nous est accessible du principe, c'est les phénomènes qui s'y rattachent et qui nous sont accessibles, or le peu de phénomènes exploitables auxquels nous avons accès ne révèlent les choses que par diffraction ( autant de phénomènes, autant d'obstacles...)
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Message par mumen Lun 21 Mar 2016 - 16:25

Merci maraud de cette intéressante participation. Nous sommes en accord global. Je veux juste préciser quelques mots de vocabulaire qui doivent être assez strictement délimités et ainsi proposer un premier exercice pratique d'utilisation du principe.

Le Principe échappera nécessairement à la raison, même si celle-ci peut en exploiter certaines facettes.
Il échappera à la raison, tant que la vérité sera l'objectif de celle-ci, puisque la vérité conçue comme la chose "bonne", "profitable", et une discrimination de fait, de tout ce qui n'est ni bon ni profitable, or la non-vérité  participe, elle aussi, du Principe.
A-t-on jamais rencontrée la vérité seule ( sortant du puits) ?

En persistant sur ce fil, j'ai demandé au lecteur de postuler le Principe, ce que tu fais et même corrobores avec ta propre expression sensible. Ce que je fais dans cette réponse, pour clarifier et étayer par elle ton propos, c'est d'avancer en corroborant aussi son usage.

C'est un fait que cela peut sembler prématuré de ma part, puisque nous n'avons pas encore d'accord explicite quant aux propriétés du Principe. Ceci m'amène à poser la question principielle : la pratique précède-t-elle la théorie ?

Je dis, "oui, plongeons dans le fleuve et goûtons-le". Ainsi, dans ce qui suit, j'affirme depuis le Principe en en référant à l'intuition et à la culture du lecteur.


La vérité est l'unique et légitime objectif de la raison. Ce qui est le contraire de la raison est indiqué négativement par la rationalité à cause de l'emprise psychologique qu'elle a dû maintenir pour exister. Cela donne déraison ou bien irrationalité, là où tu emploies le terme de non-vérité. Si nous sortons de l'emprise en question, d'autres portes s'ouvrent et un terme trouve sa place comme étant l'opposé de la vérité pour ce qui concerne le jugement, terme légitime lui aussi pour la sagesse, c'est la justesse.

Nous nous trouvons ainsi devant une proposition de triplicité principielle qui dit que le jugement (d'autres termes que jugement doivent être possibles) se situe sur l'échelle qui part de la justesse et qui aboutit à la vérité. Le maniement de l'échelle en question (la théorie) est complexe et reste à préciser, mais je le considère temporairement comme allant de soi. Dans les faits, en écrivant ceci, "j'invente" et je signe une dualité, c'est-à-dire que je lui octroie expérimentalement les caractéristiques universelles du principe. Ce geste me permettra ensuite, en fonction de ma culture personnelle, de ressortir de ma mémoire diverses dualités que j'ai signées auparavant et qui font donc partie de mon trousseau, et qui me semblent être analogiquement significatives. Cet ensemble de dualités va me permettre d'effectuer ou non la validation de mon "invention".

Tout d'abord, la triplicité jugement/justesse-vérité nous ramène à notre sujet générique de discussion de cette façon : la vérité est l'apanage de la raison et la justesse celle de la sagesse. Ainsi, la dualité d'une triplicité est mise en analogie avec une autre dualité dans un contexte d'intimité entre les deux formes. Cette association analogique peut/doit être mise en cause par chacun pour lui-même. C'est une synchronisation consensuelle nécessaire à l'intensité de la dialectique "automatisée" qui va suivre. Nous admettons la validité des deux formes présentées pour continuer.

Nous sommes ainsi des humains échangeant avec le langage, selon une dialectique assumée. Comme je l'ai dit, en fonction de mon trousseau personnel déjà validé, je vais proposer quelques formes analogiques pertinentes à mes yeux pour éclairer mon sujet :

La sagesse est première, faible, floue, analogique et la vérité est seconde, forte, précise et logique.
La contextualisation des formes proposées est déjà moins intime avec la triplicité initiale, mais nous constatons que tout résonne analogiquement, ce qui nous donne la satisfaction d'avoir sans doute une dualité valide et bien signée.

J'ai déjà inscrit quelque chose comme six formes analogiques pour envisager un problème traditionnellement posé de manière dichotomique, et en plus opposée, par les instances majeures de la pensée occidentale que sont la théologie et la philosophie. L'une met la sagesse au sommet en l'instrumentalisant au moyen d'une rationalité axiologique et l'autre la nie, mais en récupère secrètement l'utilité comme bon lui semble. Le Principe semble nous donner une lecture neutre débarrassée des mensonges constitutifs de ces deux grandes intelligences complémentaires, qui sont des ennemies irréductibles alors elles ne devraient être qu'adverses ou contraires.

Ces six formes ne sont qu'un début. Tout mon trousseau peut servir à tester diverses expériences de pensées et ainsi découvrir éventuellement des réalités insoupçonnables autrement, tout en s'éloignant encore du contexte donné. La sagesse est innée. La sagesse est indépendante. La sagesse est absolue. La sagesse est féminine. Il est simple de se représenter l'inverse pour la raison. La raison est acquise, dépendante, relative, masculine.

Comme je l'ai dit, mon trousseau personnel validé dépasse les cent formes dont pas mal sont des concepts philosophiques. Soit encore presque autant d'expériences de pensée plus ou moins pertinentes pour le problème qui nous concerne.

Je rapporte néanmoins cette dernière dualité utilisée par moi dans le fil de cette réponse et qui servait à autre chose pour mon discours, mais qui est pertinente pour notre question : la sagesse est pratique, la raison est théorique.

Je précise que la copule "est" est ici employée comme relation d'analogie entre les deux termes et peut fonctionner, quand elle fonctionne, indifféremment dans les deux sens de lecture : si dire "la raison est théorique" est correct, alors on peut dire "la théorie est raisonnable".

Notre approche rationaliste du principe est, par trop, intéressée et son point de vue souffre de strabisme. Héraclite disait: " je veux penser le Tout". Ce qui m'autorise à avancer qu'il voulait penser les principes, voire Le Principe. Cependant que nous autres Modernes, nous voulons penser ce qui est issue d'une portion , d'une facette de ces principes, ainsi nous osons une définition sur laquelle nous tentons d'écraser une démonstration et tant que l'on en tire un bénéfice, on parle de vérité scientifique.

Cela tient au fait, que j'imagine probable, que toute définition contient une certaine dose de vérité, puisque les principes véhiculent vérité et non-vérité indifféremment. En cela, nous savons des principes, ce que nous avons avancés comme les définissant partiellement et dont nous tirons profit.


Si je creuse le sol et en tire un tubercule gorgé d'eau, je peux le définir comme un robinet branché sur le réseau d'adduction, et je n'aurai pas totalement tort puisque je pourrai vérifier cette vérité qui consiste à énoncer que le robinet d'eau ( en état de service) permet de se désaltérer avec l'eau qui en coule. Tant que l'on peut se désaltérer de cette façon, on est en droit de considérer que la vérité énoncée vaut " un petit quelque chose de vrai".

On peut noter que les définitions les plus riches en "bénéfices" sont celles qui se fondent sur la logique, formelle, mathématique, qui au travers de la géométrie se rapprochent singulièrement d'une grande part de vérité profitable ( Galilée avait déjà évoqué que le langage de la nature est "géométrique").
C'est une approche qui me semble juste et riche, de l'infinie tentative d'exprimer le principe.

Ce qui nous est accessible du principe, c'est les phénomènes qui s'y rattachent et qui nous sont accessibles, or le peu de phénomènes exploitables auxquels nous avons accès ne révèlent les choses que par diffraction ( autant de phénomènes, autant d'obstacles...)
Oui, mais avec quelque chose de commun à tout phénomène, sensible et flou, que la recherche sur le principe nous aide à épurer. Le problème de la science est qu'elle recommence à poser à neuf le mystère du monde pour chaque phénomène qu'elle étudie, alors que le Principe le pose d'entrée de jeu.

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Message par maraud Lun 21 Mar 2016 - 17:32

Petite incise, avant de vous répondre plus sérieusement

Pensez-vous que l'on puisse dire du moi qu'il est le principe de toute spiritualité ?



Mumen a écrit:Nous nous trouvons ainsi devant une proposition de triplicité principielle qui dit que le jugement (d'autres termes que jugement doivent être possibles) se situe sur l'échelle qui part de la justesse et qui aboutit à la vérité.

Je pense que l'on pourrait, peut-être, dans un premier temps évoquer le sentiment pour voir dans quelle mesure il serait "dépassable".

Wiki:[Le sentiment est un élément très fort dans les modes de pensée, au point qu'il apparaît dominant dans certains raisonnements.

   « Tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment. Mais la fantaisie est semblable et contraire au sentiment ; de sorte qu'on ne peut distinguer entre ces contraires. L'un dit que mon sentiment est fantaisie, l'autre que sa fantaisie est sentiment. Il faudrait avoir une règle. La raison s'offre mais elle est ployable à tous sens.» 1 Blaise Pascal.]



   «N'est-ce pas précisément cela "comprendre" ? Sentir qu'on saisit l'indéfinissable, l'indispensable.»2 Anne Lagardère.

   «Le sentiment est la perception du corps réel modifié par l'émotion.» William James [réf. nécessaire]

   «Dans notre monde, il n'y aura plus de sentiments sauf la peur, la rage, le triomphe et l'auto-humiliation. Tout le reste, nous le détruirons - tout.» (George Orwell, 1984)


........................................................................

Edit

S'agissant du ou des principes, j'ai toujours ce sentiment curieux et frustrant d'être un hamster en cage, qui tourne dans sa roue. Quand je me questionne sur l'ordre des causes et effets envisageables, je butte immanquablement sur ce point ultime que je nomme commodément principe. Et cela , sans même avoir acquis assez de certitude pour penser que ce mot correspond à quelque chose de constructible. Vous Numen, vous semblez avoir acquis ces "certitudes" nécessaires, qui vous permettent d’aller plus avant, et je vous envie pour cela; tout en me demandant si vous "tenez le bon bout" , à supposer qu'il y ait , en effet, quelque chose à "tenir".

Je pose l'hypothèse du principe, lorsque mon approche butte sur l'incompréhension des faits et/ou sur l'absence de fait, c'est-à-dire à chaque fois que je tente de sortir des sentiers battus de la "doxa philosophique". Ainsi, dès lors qu'il s'agit de repousser les limites de ce qui a déjà été énoncé par nos prédécesseurs, il vient toujours un moment, où sous peine d'achopper, il devient nécessaire de définir, or, lorsqu'il est impossible de définir, je me tourne , par dépit, vers l'idée de principe premier, de principe tout court, puisque je conçois le principe comme la cause première, celle sur laquelle l'écueil de l'intelligence humaine est systématique. En cela, je ne suis pas certain de nommer pertinemment quelque chose qui serait efficient. Car, il m'est arrivé d'avoir à dépasser des états de faits que je considérais relever de principes, lorsque je trouvais des réponses claires, tangibles, émises par d'autres, plus perspicaces, que moi; ce qui me rend l'invocation d'un principe, toujours " réfutable", voire suspecte.

Certains disent que ce qu'ils ne peuvent concevoir n'existe pas, je dis , plus humblement, que ce que je ne peux concevoir ne relève pas nécessairement d'un principe premier, à tout le moins.

Je pose que le principe est indéfinissable, car s'il devait être défini, il ne serait qu'un outil idéel. Tel que, par exemple, l'unité géométrique, qui repose sur le point. Point qui n'existe pas avant qu'on l'ait défini puisqu'il est une singularité conventionnelle. En effet, il n'y a pas de "point" dans la Nature, or, c'est sur la définition du point que l'on a construit toute la Géométrie. Maintenant, est-ce que cette définition est heureuse et se rapproche du "principe" de la géométrie ? On ne peut pas le dire, même si d'intuition cela nous semble fortement probable.

Si je pense que le principe est indéfinissable, c'est avant toute chose parce que je crois, et qu'on m'en excuse, que le principe est le tout du monde, en ce que chaque "point" de l'univers est l'univers lui-même, du point de vue de ce que la raison peut en saisir. Quoi que l'on pense du principe, on peut l'attribuer à l'univers "tout entier".( mais, je pousse , peut-être, un peu loin le bouchon...)


J'en suis à me demander s'il ne faudrait pas envisager les principes selon un ordre croissant, de telle sorte que l'on aurait des principes premiers et des principes secondaires, voire plus...Cela paraît vraisemblables puisque l'on nomme principe ce que l'on nomme loi, or des lois, nous en connaissons une quantité. Reste à savoir, dans quelle mesure ces lois sont bien des principes...?

Dans quel référentiel faut-il "poser" les lois et principes ?


Dernière édition par maraud le Lun 21 Mar 2016 - 21:10, édité 1 fois

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Message par mumen Lun 21 Mar 2016 - 20:51

Pensez-vous que l'on puisse dire du moi qu'il est le principe de toute spiritualité ?
A brûle pourpoint, je ne saisis pas nécessairement le sens de "moi" dans cette question, ni celui de spiritualité.

En faisant quelques recherches sur le Net, je peux tenter une sorte de réponse à la façon du Principe. Donc en quelque sorte, ce n'est pas moi qui répond.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Moi_(psychanalyse)

Chez Freud, le Moi désigne d'abord la personnalité dans son ensemble, et il se situe ensuite entre les exigences du ça et celles du surmoi. Son rôle initial est d'établir un système défensif et adaptatif entre la réalité externe et les exigences pulsionnelles.
Chez Mélanie Klein, le Moi est l'instance qui distingue réalité interne et réalité externe.
D'un point de vue principiel, tout ceci est très parlant. Il s'agit d'une triplicité cohérente où le moi représente un tout, le ça et le surmoi la dualité.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Spiritualit%C3%A9
La spiritualité se rapporte, d'un point de vue philosophique, à l'opposition de la matière et de l'esprit (voir problème corps-esprit) ou encore de l'intériorité et de l'extériorité.
Ici aussi on rencontre une triplicité satisfaisante où la spiritualité représente un tout constitué des deux dualités indiquées.

En prenant la chose avec des pincettes, car nous n'avons là des termes qui sont quand même polysémiques, ce qui rend glissant une telle détermination superficielle telle que je la produis et dont la conclusion est assez simple à réaliser, mais sans nécessairement répondre à la question telle qu'elle est formulée : on peut dire qu'il existe selon les critères retenus une nette analogie entre le moi et la spiritualité, en ce que la même dualité est employée par deux écoles largement distinctes et que les autres se montrent compatibles.


En ce qui concerne cette idée du sentiment, je ne crois pas qu'il puisse être utilisé comme tout de la dualité proposée entre vérité et justesse. Il est clairement situé dans l'émotion, la physiologie et par conséquent analogiquement du côté de la justesse. De même pour le terme "comprendre" si on le situe dans la dualité comprendre-expliquer. Le lien entre sentiment et raisonnement dont on discerne une certaine interpénétration dans les extraits cités, est celui qui unit les contraires. Ainsi sentiment serait ici analogue à justesse.

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Message par maraud Lun 21 Mar 2016 - 21:52

Votre réponse, me permet d'avancer que le creuset dans lequel, quelque chose de l'ordre du principe, peut être "recueilli", à supposer que la raison ne suffise pas à elle seule à traiter de la question, et bien ce creuset devrait être le moi. Ce qui signifie implicitement, que c'est en réinvestissant toutes les parties de notre être que l'on peut espérer "saisir" ce qui est de l'ordre du principe. En cela, je ne fais qu'évoquer la Contemplation.( tout en avançant hasardeusement que le principe est tout et partie de l'univers)

Ps: j'ai ajouté une contribution à mon post précédent.
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Message par mumen Mar 22 Mar 2016 - 15:32

Cher maraud, j'apprécie beaucoup vos questionnements et je peux désormais comprendre vos commentaires précédents concernant la Sophia Perennis, non que vous n'ayez été clair, mais que je n'étais pas disponible pour eux à ce moment-là. Vous placez le curseur de cette recherche sur une position antérieure à mes prérequis, soit avant l'écriture et sans doute après la naissance du langage, en ces temps où les mots trouvèrent leur forme qui ne pouvait que chercher à coller aux réalités. Je trouve cela très émouvant.

D'autre part, la Sophia Perennis remue en nous des choses profondes qui nous relient ainsi à une mystique occidentale qui a existé jusqu'à la rationalité, finalement détruite, je crois, par les guerres mondiales et reconstruites depuis, ou plutôt récupérées, cahin-caha par quelque puissante secte initiatique ambigüe et en mal de secrets de pouvoir dont la nature est d'autant plus pervertie que le fidèle croît en degré d'initiation.

Ce questionnement de la Sophia Perennis m'apparaît spontanément comme me reliant profondément au monde dans lequel je vis, qui n'est pas décrit par TF1, ni aucun média contemporain, ni aucune université, ni aucun politique, ni aucun commerçant, etc. Ceci étant dit, ma recherche sur la sagesse se veut distincte, s'efforce de l'être, d'un tel courant qui se confond trop aisément avec l'ésotérisme dans ce qu'il charrie au contemporain de préjugés et d'excès, qui sont des manques de rigueur dans les deux cas.

Ma recherche personnelle ne s'est approchée de l'antériorité moderne puis antique que dans un besoin de communiquer avec des pairs, en adoptant un vocabulaire et des attitudes compatibles avec un public exigeant qu'il me faut conquérir. Depuis le départ, ce que j'ai à dévoiler n'est que pragmatique, c'est une liste de mots qui tient abruptement en quelques pages, représentés en un format terriblement dense, plus un petit mode d'emploi, une intellectualisation/description de quelque chose de purement immanent, réel et sensible, disponible à chacun, que des générations d'hommes se sont efforcées de clarifier comme l'on sait. La pratique philosophique à laquelle je me suis passionnément astreint ces dernières années ne m'a évidemment pas seulement fourni le moyen de m'exprimer avec rigueur, elle m'a fourni en sus des confirmations insoupçonnées qui affleurent de partout et donc du matériel de grande valeur à ajouter à ma liste.

La vraie recherche en ce domaine est personnelle, elle se fait d'abord et avant tout en nous par une logique floue, une analogique. Jamais la sagesse ne devrait devenir une discipline, car elle concerne toutes les disciplines, comme l'écologie qui est sensée dans un monde rêvé concerner tous les partis politiques, gouvernements, municipalités, industriels ; toutes actions collectives et individuelles.

J'ai dit plus tôt que je n'étais pas concerné par une religion. En réalité ce à quoi je dédie une partie de ma vie est pleinement religieux au sens étymologique et principiel : je veux effectivement relier (et relire) ma foi à celle d'autres personnes. La différence entre une religion comme on l'entend traditionnellement/historiquement et la religion selon le principe de la sagesse, c'est que la première cherche à imposer une compréhension de certains faits à travers une interprétation structurée qui est par la force des choses partielle et manipulatoire, alors que la seconde cherche à expliquer une pratique de compréhension, dont chacun peut tendre à devenir intimement maître. C'est exactement comme d'apprendre à pêcher à l'affamé plutôt que de lui donner un poisson que l'on pêche à sa place.


Maraud, à vous lire, je constate que nous n'avons pas la même approche du phénomène nommé par nous Principe. Chez vous il désigne le point où l'explication disparait et devient ainsi une sorte de refuge pour le mystère, une sorte de désignation pour ce qui est divin ou mystérieux, alors que pour moi, il désigne, de manière presque opportuniste, un phénomène dont j'ai une perception avant tout très pragmatique. La question de savoir si nous parlons de la même chose est posée.

D'abord je me dois de préciser que quand j'emploie l'appellation "le Principe", je pense implicitement quelque chose comme "le principe de la sagesse qui se base sur un type immanent de relations entre phénomènes intellectualisés". Pour citer ce contenu, je devrais être plus rigoureux et dire "un principe", parmi d'autres possibles, sans majuscule plutôt que "le Principe" qui finalement nous renvoie à cet objet mystérieux que vous recherchez quand aucune explication ne vous apparaît d'un phénomène ou d'un concept.

Je suis persuadé que l'appropriation du principe de sagesse pourrait réduire au moins en partie votre problématique de(s) Principe(s), mais je sais que seule une pratique élargie pourra confirmer ou infirmer cette impression. Quand je me trouve comme vous face à des "réponses claires, tangibles, émises par d'autres plus perspicaces que moi", ce n'est pas ma conception du principe qui s'écroule, c'est, au point avancé où j'en suis, le principe qui vient possiblement confirmer, infirmer, critiquer la pensée en question, si tant est qu'elle ait été formulée de façon compatible avec lui, bien sûr.

Soyons clairs, ceux qui pensent que ce qu'ils ne peuvent concevoir n'existe pas sont nihilistes. Au XIXe siècle, je comprends, au XXIe je tire à vue sur les œillères. Je connais des gens qui se mettent en colère quand ils ne comprennent pas quelque chose. J'en connais très peu qui disent : "je ne comprends pas", "je ne sais pas". Selon moi, en cette époque infatuée, sont de véritables génies ceux qui savent ne pas savoir. Bien entendu, j'abonde dans votre sens quant à l'inanité d'imputer automatiquement une incompréhension à un principe premier.

La dialectique des opposés peut se lire comme un perpétuel mouvement de sortie des limbes de l'incompréhension vers la lumière de l'explication, c'est un processus que l'on ne peut que décrire comme jamais terminé, un flux de l'être à l'avoir, avec son retour évolutif qui s'inscrit en une spirale. Ce devrait être le fondement explicite de toute philosophie, qui est à sa fondation une sorte de fouilleur et de passeur, qui se sépare de ses objets quand elle leur a fait franchir la barrière du vrai, du rationnel, au lieu de cet hypocrite amour déclaré qui a désormais tout du marketing et rien de l'étymologie puisqu'elle se refuse du haut de sa superbe à mettre les mains dans le cambouis. Pour être un amour de la sagesse dans ce sens, il faut être capable d'être à la fois sensible et rationnel.

Il me semble comme vous que le principe est indéfinissable, qu'il n'est qu'un outil idéel. Votre métaphore du point en géométrie me paraît particulièrement heureuse. L'aphorisme chinois, "Le Tao va du yin au Yang" est au principe ce que le point est à la géométrie, parce qu'il utilise et met en scène trois termes qui doivent être compris comme purement mnémoniques, à priori vides de sens, ainsi que les quatre éléments, d'ailleurs. Ces sept termes sont autant des coquilles vides que l'est le point géométrique, qu'il nous incombe de remplir par l'étude des phénomènes de la réalité. Quant à appliquer le principe de la sagesse à l'univers tout entier, pourquoi pas ? Il s'applique à merveille aux branches de la physique que nous supputons elles aussi universelles en attendant de rencontrer des contradictions lointaines qui seront reportées à notre physique "locale". Le sujet est vaste.

Je précise qu’en effet, non, la raison ne peut pas suffire à elle seule à traiter la question. Postuler le contraire, c'est revenir à la doxa éléatique qui affirme la raison comme monade, ce qui était une régression instrumentale. Le principe contient à la fois le sensible et la raison. Ce n'est pas une partie du tout qui peut expliquer le tout.

Concernant le "moi", il me reste la polysémie du terme et le doute que cela implique. Néanmoins, je suis en accord avec votre creuset du moi et le réinvestissement de toutes les parties de l'être. La pratique du principe est ce qui permet ce réinvestissement. Pour comprendre, il faut comprendre disais-je ailleurs. Pour comprendre le principe, il faut le vivre, il faut commencer, il faut accepter de jouer à des jeux qui paraissent dérisoires face à la grandeur de la philosophie.

Quand cette agréable et utile conversation avec vous sera terminée, et si rien ni personne d'autre ne vient me faire rebondir, je vais revenir à l'objectif que je me suis fixé à la poursuite de mon cheminement ici, pour déposer ici l'idée d'une propédeutique principielle vers le principe, qui est contenue dans un savoir antique distinct d'Héraclite, qui est appuyé sur l'intellectualisation du principe, mais qui est antérieur à elle : un vécu, presque une chair. Nous allons retrouver une seconde fois un intolérable ailleurs, un outil que je présente en second, mais qui est premier pour appréhender le principe, justement dans toutes les parties de l'être.

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Message par maraud Mar 22 Mar 2016 - 16:57


Merci pour ce remarquable échange. Et félicitation pour ce don que vous avez de discuter en donnant l'impression agréable de vous avoir à côté de soi, et non en face. Je ne vois pas grand chose à ajouter sans faire dévier le sujet, alors je vais vous souhaiter " bon vent".

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Message par Courtial Mer 23 Mar 2016 - 0:05

neopilina a écrit:La citation est parfaitement exacte ( Sur le fil dans la section " Foucault ", on a tout le contexte. ). Mais, en toute amitié, je persiste. Nul doute que Descartes se sent différent de l'aliéné qu'il peut aller voir à l'asile du coin ( Ce fut longtemps une promenade du dimanche, on s'amusait à se faire peur.

Fil sur Foucault où cette considération a sans doute sa place, mais il s'agit maintenant d'un fil sur Heidegger, où ce que Descartes "se sent" devrait être mis aussi à sa place, secondaire et anecdotique. Ce qui importe n'est pas ce que Descartes se sent, mais la question de l'être, je rappelle (puisqu'on l'oublie (1).

Jean Beaufret, Entretiens avec Frédéric de Towarnicki a écrit:L'épisode essentiel de l'histoire qui débute avec l'alétheïa des Grecs n'est pas tant sa fixation dans le latin veritas que, à l'origine du monde moderne, la mutation cartésienne de la vérité en certitude. N'est vrai, selon Descartes , que ce qui nous est certain [...] A vrai dire, ce qui se découvre est beaucoup plus - et non pas moins - que ce qui ne nous est que sûr et certain. Mais c'est même en géométrie que déjà il en va ainsi : pour Descartes, la vision n'est plus qu'un motif de "jugeotte", pourrait-on dire et c'est pourquoi il est, lui, sûr et certain de ce qui à Pythagore dans la figure de son théorème s'était bien plutôt découvert, au sens où le paysage se découvre à qui s'élève assez pour que le premier plan ne fasse plus écran à l'arrière plan. Ici, la découverte est le tout de la chose, non une simple occasion de juger, c'est-à-dire, ajoute impavidement Descartes "une licence de nous dédire, même d'une vérité tout à fait claire, pourvu seulement que nous pensions que c'est un bien de témoigner par là de notre liberté". Car Descartes est comme cela ! Au fou ! aurait dit Pythagore : voyons, M. Descartes, du calme !
Toute la question est de savoir pourquoi Descartes est comme il est, c'est-à-dire aux yeux des Grecs un forcené, à savoir l'ancêtre direct de celui que Nietzsche évoque dans le Gai Savoir et qui annonce que "Dieu est mort".  Pourquoi donc Descartes est-il celui à qui la certitude à laquelle il aspire éclipse l'aletheia, non pas sans doute totalement mais de façon telle qu'il n'en garde que juste ce qu'il faut pour monter en son lieu et place son dispositif de certitude.

Ce n'est pas ce que Beaufret a fait de mieux, assez retors et oubliant de légers détails (touchant à Dieu en particulier). Mais il pointe quand même un aspect plus essentiel.

Je donne quand même le texte exact de Descartes, que Beaufret cite manifestement de mémoire (ce sont des entretiens) : je suis d'accord avec Beaufret sur la "folie", mais pas sur la manière retorse, comme j'ai dit, où il la met en lumière.
C'est tiré d'un des textes les plus fabuleux de Descartes, la lettre à Mesland du 9 février 1645 :

Descartes a écrit:L'indifférence me semble signifier proprement l'état dans lequel se trouve la volonté lorsqu'elle n'est pas poussée d'un côté plutôt que de l'autre par la perception du vrai et du bien, et c'est en ce sens que je l'ai prise lorsque j'ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents. Mais peut-être d'autres entendent-ils par indifférence la faculté positive de se déterminer pour l'un ou l'autre des deux contraires [...] Cette faculté positive, je n'ai pas nié qu'elle fut dans la volonté. Bien plus, j'estime qu'elle s'y trouve, non seulement dans les actes où elle n'est poussée par aucune raison évidente d'un côté plutôt que de l'autre, mais aussi dans tous les autres. A tel point que lorsqu'une raison très évidente nous porte d'un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, cependant, nous le pouvons. Car il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c'est un bien que d'affirmer par là notre libre arbitre.


Pas de doute sur le diagnostic. Montrez ce texte à Pythagore ou à Platon, ils vous diront que le type qui écrit cela est un malade, un complètement toqué.

(1) "oubli" qui, je le rerereredis, n'est pas une décision arbitraire ou un problème de mémoire de qui que ce soit, ou une infirmité, ou une pièce de condamnation, mais quelque chose qui appartient à l'être lui-même et ne se comprend réellement qu'à partir de là et beaucoup moins à partir de ce que l'on "se sent" et de la psychologie en général (c'est-à-dire la science).

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Message par neopilina Mer 23 Mar 2016 - 16:17

Courtial a écrit:. Ce qui importe n'est pas ce que Descartes se sent, mais la question de l'être, je rappelle (puisqu'on l'oublie (1).

(1) "oubli" qui, je le rerereredis, n'est pas une décision arbitraire ou un problème de mémoire de qui que ce soit, ou une infirmité, ou une pièce de condamnation, mais quelque chose qui appartient à l'être lui-même et ne se comprend réellement qu'à partir de là et beaucoup moins à partir de ce que l'on "se sent" et de la psychologie en général (c'est-à-dire la science).

A titre personnel, un " peu " éléate, il ne me semble pas avoir oublié la question de l'être au cours des 25 dernières années.
M. Heidegger est à première vue un  penseur rigoureux. Mais justement, dés que j'entame " Être et Temps ", j'ai très très vite un petit " souci " de rigueur.
De deux choses l'une :
- Soit on parle de l'être voire de l'Être ( Une des innombrables modalités du premier, le dénominateur commun de certaines choses produites par un être vivant, un Sujet. ), rien que de l'être voire de l'Être, parce que ce qui n'est plus que de l'être voire de l'Être, ce n'est plus que de l'être voire de l'Être. Qu'on me pardonne la tautologie, mais elle m'a semblé nécessaire.
- Soit on parle de l'être voire de l'Être de ceci ou cela ( D'une pierre, du Dasein, etc., etc., etc. ) et là il n'est donc plus question de l'être voire de l'Être en soi mais de ce qu'est ( Le voilà l'être. ) ceci ou cela.
A partir de là, ceci précisé, peut-on faire l'aumône à mon indigence de m'en dire un peu plus sur l'être oublié selon Heidegger ? Dans ce fil, j'ai fait une proposition, ce qui est oublié par la pensée occidentale relève de l'En-Soi, de l'a priori ontogénique, du " Je ", etc. ( Voir ci-dessus. ). Ce n'est pas ça ? D'accord. Alors à ceux qui entendent Heidegger mieux que moi de préciser.

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" Tout Étant produit par moi m'est donné (c'est son statut philosophique), a priori, et il est Mien (cogito, conscience de Soi, libéré du Poêle) ". " Savoir guérit, forge. Et détruit tout ce qui doit l'être ", ou, équivalents, " Tout l'Inadvertancier constitutif doit disparaître ", " Le progrès, c'est la liquidation du Sujet empirique, notoirement névrotique, par la connaissance ". " Il faut régresser et recommencer, en conscience ". Moi.
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Message par mumen Jeu 24 Mar 2016 - 14:16

maraud a écrit:
Merci pour ce remarquable échange. Et félicitation pour ce don que vous avez de discuter en donnant l'impression agréable de vous avoir à côté de soi, et non en face. Je ne vois pas grand chose à ajouter sans faire dévier le sujet, alors je vais vous souhaiter " bon vent".

Magnifique, merci maraud, vous me ramenez à mon premier ami de papier, le Jiddu Krishnamurti qui disait à mes dix-huit ans "Tu n'as pas de maître", quand il commençait ses conférences par "Nous sommes des amis discutant lors d'une promenade dans la nature", donc côte à côte. Si je parviens parfois à cela, alors il m'aura servi.

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Message par mumen Jeu 24 Mar 2016 - 16:15

neopilina a écrit:A partir de là, ceci précisé, peut-on faire l'aumône à mon indigence de m'en dire un peu plus sur l'être oublié selon Heidegger ?
Aucun philosophe contemporain du sérail, qu'il soit ionien amputé (puisque du sérail) ou puissant éléate, ne peut répondre à cette question.

Cet oubli est précisément la rupture qui permet la philosophie, et qui ne peut pas être dit par elle sans qu'elle se contredise ou se trahisse.

Ce qui est oublié ne peut être montré qu'en soustrayant du tout (ce qui peut être pensé), ce que la philosophie reconnait.

l'oubli de l'être implique l'oubli du néant
Simple mot « vapeur ou erreur » selon Nietzsche, l'être ne nous est manifestement plus rien. Tout ce qui compte, c'est l'étant, la science, les résultats.
« Sous le signe de la science positive et de son application technique, cet oubli se précipite vers son achèvement, ne laissant plus rien subsister à côté de lui qui puisse bénéficier d'un être plus authentique dans quelque monde réservé au « sacré » » écrit Hans-Georg Gadamer. La pensée de l'être n'est plus qu'une pensée de l' « oubli de l'être » abonde Henri Birault.
L’« oubli de l’Être », signifierait alors que l’Être se voile, qu’il se tient dans un retrait voilé qui le dérobe à la pensée de l’homme, ce qui peut aussi être considéré comme une retraite protectrice, une mise en attente d’un décèlement.
Le voile d'Isis.

Platon fonde la manière traditionnelle de représenter les rapports entre l'être et l'étant, qui a dominé depuis lors toute l'histoire de la philosophie occidentale. L'être n'est plus, comme chez les présocratiques, dans la chose présente, mais ailleurs, dans l'idée qui n'est pas une représentation subjective mais le visage intelligible de la chose elle-même. Cette césure est accentuée par Aristote qui met en place une véritable « onto-logie », c'est-à-dire une science de l'étantité de l'étant. L'« être », en tant que tel, « désormais demeure manquant » dans toutes les formes successives de la métaphysique, puisque, en tant qu'idée, intelligible, substance ou « volonté de puissance » il est fondamentalement référé à l'étant et n'est plus visé en tant que tel.

Toutes les citations précédentes sont tirées de Wikipédia. Ensuite nous avons Lettres et arts.

Avec la métaphysique, l'être est toujours pré compris dans ce qui est pensé, dans la saisie de tout étant mais il n'est jamais explicité. La métaphysique saisit un étant : les idées platoniciennes, le premier moteur aristotélicien, Dieu dans la métaphysique classique.... Mais elle ne pose pas la question de l'être. L'histoire de la métaphysique est celle de l'oubli de l'être.
L'oubli de l'être n'est pas une négligence de la pensée, c'est sa structure : la raison veut saisir un étant dans une définition, elle masque l'être en s'appropriant l'étant, elle cache la différence ontologique.

Et voici que la parole quitte dangereusement le château fort de la philosophie :
Par exemple, une cruche n'est pas simplement de la terre mise en forme par un potier mais elle « déploie son être dans le versement de ce qu'on offre ». Elle est en rapport avec une manipulation. Mais l'utilité d'une chose ne dit pas tout de son être. « Dans l'eau versée, la source s'attarde. Dans la source, les roches demeurent présentes, et, en celles-ci, le lourd sommeil de la terre qui reçoit du ciel la pluie et la rosée. Les noces du ciel et de la terre sont présentes dans l'eau de la source. ». L'eau peut être offerte aux hommes mais aussi comme une offrande aux dieux. « Dans le versement du liquide offert, la terre et le ciel, les divins et les mortels sont ensemble présents. ».
Le résultat est que « La choséité de la chose demeure en retrait, oubliée. L'être de la chose n'apparaît jamais, c'est-à-dire qu'il n'en est jamais question. » (in, La Chose). La chose n'est pas un simple étant mais elle a toujours une fonction, une fin précise. Par exemple, une cruche n'est pas simplement de la terre mise en forme par un potier mais elle « déploie son être dans le versement de ce qu'on offre ». Elle est en rapport avec une manipulation. Mais l'utilité d'une chose ne dit pas tout de son être. « Dans l'eau versée, la source s'attarde. Dans la source, les roches demeurent présentes, et, en celles-ci, le lourd sommeil de la terre qui reçoit du ciel la pluie et la rosée. Les noces du ciel et de la terre sont présentes dans l'eau de la source. ». L'eau peut être offerte aux hommes mais aussi comme une offrande aux dieux. « Dans le versement du liquide offert, la terre et le ciel, les divins et les mortels sont ensemble présents. ». L'ouverture à l'être dépasse l'homme, elle recompose la totalité de l'être. C'est ce que Heidegger nomme le quadri parti : la terre, le ciel, les hommes et les dieux. « La chose déploie son être en rassemblant. Rassemblant, elle fait demeurer la terre et le ciel, les divins et les mortels. » La saisie de la choséité de la chose nous ouvre à la totalité de présence de l'être. « Le quadriparti uni du ciel et de la terre, des divins et des mortels, qui est mis en demeure dans le déploiement jusqu'à elles-mêmes des choses, nous l'appelons le monde. ». Heidegger commence toujours par la terre avant de l'accoupler au ciel pour dire l'être. Puis il nomme ceux qui partagent la parole qui dit l'être : les Divins et les Mortels. La chose se manifeste en faisant venir un monde à l'apparaître. Ce monde est ce qui fonde l'être de la chose. « Le monde et les choses ne sont pas l'un à côté de l'autre, ils passent l'un à travers l'autre. ».
Deux couples d'opposés signés, en une quaternité signée elle aussi : Terre/Ciel puis Mortels/Divins. C'est insupportable pour la philosophie, c'est donc aussi l'être.

Moi qui, contrairement à Heidegger de son vivant, ne peut pas être dégradé du glorieux rang de philosophe puisque ne l'étant pas, je peux dire, oser dire "Ce qui a été oublié par la philosophie, c'est la sagesse", car la sagesse est au même "endroit" que tout ce que pointe Heidegger et ceux qui l'ont compris, avec l'oubli.

En réalité en affirmant ceci, je me sais proche du philosophe selon l'étymologie du mot, ionien complet si l'on veut, alors que je ne me sens certainement pas philosophe en tant que membre de l'égrégore que nomme unilatéralement ce mot aujourd'hui. Si le philosophe est bien le passeur que je décrivais plus tôt, alors il doit obligatoirement mettre les mains dans la terre vulgaire de l'être pour les donner à la grandeur du ciel de l'étant, sinon c'est qu'il défaille, sinon c'est qu'il ne se veut qu'un cerveau sans corps, une curiosité historique dont on rira un jour comme d'un archaïsme.

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