Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
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Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
« Toute existence consciente existe comme consciente d'exister »
Ou encore, page suivante :
« Toute conscience positionnelle d'objet est en même temps conscience non-positionnelle d'elle-même ».
Ces deux extraits de L'Être et le Néant de Sartre suffisent à introduire clairement la problématique : au cours de son histoire, la philosophie a volontiers défini la conscience en la confondant peu ou prou à l'expérience réflexive, à l'aperception. En d'autres termes, la conscience ne peut être dite « conscience » que lorsqu'elle se sait consciente. Mais en est-il réellement ainsi et, à bien y réfléchir, n'y aurait-il pas avantage à considérer la conscience non pas sous sa facette réflexive, c-à-d celle qui est familière à tous, mais bien plutôt sous son aspect primaire, brut, c-à-d sans réflexion ? Peut-on réellement affirmer qu'il n'y a pas de conscience dès lors qu'il n'y a pas de réflexivité ? Leibniz semble y avoir songé. Alors même que sa propre définition de la conscience se cantonne à la classique aperception, il note tout de même que l'absence de réflexivité n'empêche nullement le vécu d'expérience. Ainsi, le défaut (présumé) de réflexion chez les animaux n'empêcherait pas de leur attribuer une perception accompagnée de mémoire. D'autres auteurs ont réfuté l'idée répandue qui fait de la conscience une auto-réflexion immanente :Bertrand Russel et William James pour ne citer qu'eux.
Toute la difficulté de l'entreprise réside dans le fait que l'expérience non-réflexive a cette fâcheuse tendance à s'évaporer au moment même où elle se produit. Pourtant, il y a moyen au quotidien de s'en approcher réellement, et de saisir au bond cette expérience pure si délicate à emprisonner dans les limbes de la raison.
Pour proposer quelques pistes de réflexions :
Qui, jamais, ne s'est retrouvé un beau matin à la recherche de ses clefs ? Rappelez-vous, au bout d'une demi-heure de remue-méninge vous avez fini par les retrouver, au grand soulagement de toute votre famille, mais dans un endroit improbable : à côté de la baignoire. Eh oui, vous aviez complètement oublié que, la veille, plus fatigué que de coutume, vous étiez monté avec votre trousseau en poche jusqu'à la salle de bain où, pour une raison innocente, vous l'avez déposé machinalement avant d'empoigner votre brosse à dent, avide d'un grododo réparateur. Et le lendemain, il vous aura fallu tout ce temps, plus d'une demi-heure - sans parler de l'énervement - pour que la mémoire vous revienne. Pour le même prix, vous ne les auriez jamais retrouvées et la mémoire ne vous serait jamais remise...
Mais imaginons les choses autrement : cette soirée-là, vous étiez en réalité beurré comme un petit Lu et vous avez beau réfléchir, contemplant votre trousseau de clefs mollement abandonné entre le savon et le shampoing, vous ne parvenez pas à vous remettre la situation. Étiez-vous vraiment inconscient la veille ? Étiez-vous un automate au sens cartésien ? Ou la mémoire vous a simplement fait défaut ?
Il semblerait que la mémoire joue un grand rôle dans la réflexivité consciente, mais que son absence ne peut pour autant confirmer une non-expérience. Pris en ce sens la réflexivité ne serait qu'un mode de la conscience. Un mode plus "complexe" au sens où notre entendement l'entend. Mais l'expérience pure, extatique, fluente et sans réflexivité, ne peut pas être catégorisée comme impossible au sens phénoménologique.
Ou encore, page suivante :
« Toute conscience positionnelle d'objet est en même temps conscience non-positionnelle d'elle-même ».
Ces deux extraits de L'Être et le Néant de Sartre suffisent à introduire clairement la problématique : au cours de son histoire, la philosophie a volontiers défini la conscience en la confondant peu ou prou à l'expérience réflexive, à l'aperception. En d'autres termes, la conscience ne peut être dite « conscience » que lorsqu'elle se sait consciente. Mais en est-il réellement ainsi et, à bien y réfléchir, n'y aurait-il pas avantage à considérer la conscience non pas sous sa facette réflexive, c-à-d celle qui est familière à tous, mais bien plutôt sous son aspect primaire, brut, c-à-d sans réflexion ? Peut-on réellement affirmer qu'il n'y a pas de conscience dès lors qu'il n'y a pas de réflexivité ? Leibniz semble y avoir songé. Alors même que sa propre définition de la conscience se cantonne à la classique aperception, il note tout de même que l'absence de réflexivité n'empêche nullement le vécu d'expérience. Ainsi, le défaut (présumé) de réflexion chez les animaux n'empêcherait pas de leur attribuer une perception accompagnée de mémoire. D'autres auteurs ont réfuté l'idée répandue qui fait de la conscience une auto-réflexion immanente :Bertrand Russel et William James pour ne citer qu'eux.
Toute la difficulté de l'entreprise réside dans le fait que l'expérience non-réflexive a cette fâcheuse tendance à s'évaporer au moment même où elle se produit. Pourtant, il y a moyen au quotidien de s'en approcher réellement, et de saisir au bond cette expérience pure si délicate à emprisonner dans les limbes de la raison.
Pour proposer quelques pistes de réflexions :
Qui, jamais, ne s'est retrouvé un beau matin à la recherche de ses clefs ? Rappelez-vous, au bout d'une demi-heure de remue-méninge vous avez fini par les retrouver, au grand soulagement de toute votre famille, mais dans un endroit improbable : à côté de la baignoire. Eh oui, vous aviez complètement oublié que, la veille, plus fatigué que de coutume, vous étiez monté avec votre trousseau en poche jusqu'à la salle de bain où, pour une raison innocente, vous l'avez déposé machinalement avant d'empoigner votre brosse à dent, avide d'un grododo réparateur. Et le lendemain, il vous aura fallu tout ce temps, plus d'une demi-heure - sans parler de l'énervement - pour que la mémoire vous revienne. Pour le même prix, vous ne les auriez jamais retrouvées et la mémoire ne vous serait jamais remise...
Mais imaginons les choses autrement : cette soirée-là, vous étiez en réalité beurré comme un petit Lu et vous avez beau réfléchir, contemplant votre trousseau de clefs mollement abandonné entre le savon et le shampoing, vous ne parvenez pas à vous remettre la situation. Étiez-vous vraiment inconscient la veille ? Étiez-vous un automate au sens cartésien ? Ou la mémoire vous a simplement fait défaut ?
Il semblerait que la mémoire joue un grand rôle dans la réflexivité consciente, mais que son absence ne peut pour autant confirmer une non-expérience. Pris en ce sens la réflexivité ne serait qu'un mode de la conscience. Un mode plus "complexe" au sens où notre entendement l'entend. Mais l'expérience pure, extatique, fluente et sans réflexivité, ne peut pas être catégorisée comme impossible au sens phénoménologique.
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Il y a beaucoup à dire et étudier pour ce qui est des phénomènes de la conscience. La réflexivité, c'est l'expérience la plus commune, et qui consiste, faut-il le préciser ?, à s'abstraire du monde pour bricoler avec les idées qu'on s'en est fait. Le monde étant tout aussi bien les autres, moi-même, ou les objets. C'est comme cela que l'on arrive à tout définir (dans le sens d'établir des caractères pour les autres, de se projeter quant à soi-même, ou encore à comprendre sous toutes ses coutures un objet divers).
Voilà pour la conscience. Après il y a des degrés (ou niveau) de conscience. Par exemple la concentration plus ou moins forte et étendue sur ce qui entoure, ou encore la vigilance (dans le sens de reconnaître la nouveauté et d'y faire face) très utile en cas de danger qui survient.
Enfin, la conscience (dans le sens de présence d'esprit) tout le monde ne l'a pas forcément. Car il y en a qui sont dans "leur" monde, et pas seulement avec le regard hagard des fous ou celui béat des illuminés. Cela arrive pour tous, plus fréquemment comme un rêve, une façon d'être ailleurs, ce que nous font remarquer parfois explicitement les autres pour nous "ramener sur terre".
Dernier point, celui dont tu parles, la mémoire. Nietzsche et Freud, dont on pourrait tirer beaucoup, surtout pour ce qui est des traumatismes (mais pas que). Pour Nietzsche l'oubli est une nécessité. Freud parle de déni. Mais cela ne correspond pas à ton exemple (les clés), qui n'a rien de pathologique, là, cela se rapporte à l'ordre et le désordre, puisqu'un objet rangé à sa place se retrouve toujours.
Heidegger parle d'ailleurs d'objet dérangeant dans le sens que cela se voit, surtout lorsque l'on veut utiliser un objet et qu'il ne se trouve pas sous-la-main-à-sa-place, dans ce cas, il se fait remarquer par le manque. Ce qui ne m'arrive jamais, hein, puisque tout le monde sait que je suis quelqu'un de très ordonné...
Voilà pour la conscience. Après il y a des degrés (ou niveau) de conscience. Par exemple la concentration plus ou moins forte et étendue sur ce qui entoure, ou encore la vigilance (dans le sens de reconnaître la nouveauté et d'y faire face) très utile en cas de danger qui survient.
Enfin, la conscience (dans le sens de présence d'esprit) tout le monde ne l'a pas forcément. Car il y en a qui sont dans "leur" monde, et pas seulement avec le regard hagard des fous ou celui béat des illuminés. Cela arrive pour tous, plus fréquemment comme un rêve, une façon d'être ailleurs, ce que nous font remarquer parfois explicitement les autres pour nous "ramener sur terre".
Dernier point, celui dont tu parles, la mémoire. Nietzsche et Freud, dont on pourrait tirer beaucoup, surtout pour ce qui est des traumatismes (mais pas que). Pour Nietzsche l'oubli est une nécessité. Freud parle de déni. Mais cela ne correspond pas à ton exemple (les clés), qui n'a rien de pathologique, là, cela se rapporte à l'ordre et le désordre, puisqu'un objet rangé à sa place se retrouve toujours.
Heidegger parle d'ailleurs d'objet dérangeant dans le sens que cela se voit, surtout lorsque l'on veut utiliser un objet et qu'il ne se trouve pas sous-la-main-à-sa-place, dans ce cas, il se fait remarquer par le manque. Ce qui ne m'arrive jamais, hein, puisque tout le monde sait que je suis quelqu'un de très ordonné...
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
J'ai du mal à suivre tous tes propos, je dois avouer.Je me cantonne ici à la définition de la conscience sur base de deux de ses aspects, j'ai nommé l'aperception et l'expérience pure. L'idée est donc d'argumenter là-dessus et de cerner, ici et là, si l'expérience sans la réflexivité peut être considéré comme conscience au sens philosophique.
Qu'entends-tu par présence d'esprit ?
Qu'entends-tu par présence d'esprit ?
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Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Oui, c'est une bonne idée, mais avant de se réduire à cela, il est parfois bon de rappeler quelques généralités, non ?
Pour répondre précisément, puisque tu l'exiges :
L'expérience sans la réflexivité, c'est on ne peut plus difficile, contrairement à ce que l'on peut croire. Penser s'accompagne toujours de réflexion. Cela ne va pas plus loin, il me semble ? Tous les efforts pour se détacher, serait un laisser-aller. Peut-être l'Absolu hégélien dans lequel nous devrions être immédiatement plongé, d'après lui, qui est un accès à la chose pure par intuition dit de façon moderne ? Mais bon j'y crois pas trop.
Présence d'esprit, c'est le rapport que l'esprit a avec le monde. Il est ouvert au monde, par un lien naturel.
Pour répondre précisément, puisque tu l'exiges :
L'expérience sans la réflexivité, c'est on ne peut plus difficile, contrairement à ce que l'on peut croire. Penser s'accompagne toujours de réflexion. Cela ne va pas plus loin, il me semble ? Tous les efforts pour se détacher, serait un laisser-aller. Peut-être l'Absolu hégélien dans lequel nous devrions être immédiatement plongé, d'après lui, qui est un accès à la chose pure par intuition dit de façon moderne ? Mais bon j'y crois pas trop.
Présence d'esprit, c'est le rapport que l'esprit a avec le monde. Il est ouvert au monde, par un lien naturel.
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Pour reprendre mon exemple des clés perdues, penserais-tu avoir agi dans ce cas comme un vulgaire automate (dans le cas où aucun souvenir ne se manifesterait suite à la découverte de tes clés sur la baignoire) ? N'expérimentes-tu jamais rien qui ne soit pas réflexif ? Un vague à l'âme, une perte de réflexivité temporaire mais pourtant en-présence ?
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Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Euh un vulgaire automate moi, très drôle ça !
Bon... je perds pas mes clés, soit elles sont dans ma poche, soit sur la porte. Point.
Sinon, quand je réfléchis pas, je rêve, c'est comme ça pour moi, pas toi ?
Je ne vois pas trop ce que tu veux dire ?
Pour ce qui est des souvenirs, je vais en étonner plus d'un mais j'en ai très peu... pas de remords c'est l'avantage. Je vis plus sur le moment, ou sur le projet à court ou moyen terme.
Ah oui pour le sexe, c'est vrai je pense pas trop là.
Je te dis tout cela comme cela me vient, tu m'excuseras si tu me trouves pas philosophique sur l'affaire, mais bon étant donné que j'ai pondu dans mon premier message mes généralités, c'est surtout cela que je voulais faire.
En espérant que ce petit genre d'explication te servira quand même, curieux !
Bon... je perds pas mes clés, soit elles sont dans ma poche, soit sur la porte. Point.
Sinon, quand je réfléchis pas, je rêve, c'est comme ça pour moi, pas toi ?
Je ne vois pas trop ce que tu veux dire ?
Pour ce qui est des souvenirs, je vais en étonner plus d'un mais j'en ai très peu... pas de remords c'est l'avantage. Je vis plus sur le moment, ou sur le projet à court ou moyen terme.
Ah oui pour le sexe, c'est vrai je pense pas trop là.
Je te dis tout cela comme cela me vient, tu m'excuseras si tu me trouves pas philosophique sur l'affaire, mais bon étant donné que j'ai pondu dans mon premier message mes généralités, c'est surtout cela que je voulais faire.
En espérant que ce petit genre d'explication te servira quand même, curieux !
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Je considère être conscient au sens philosophique du terme lorsque je "rêve". Toute expérience, réflexive ou non, est à mon sens une conscience. L'expérience pure est le degré "zéro" de la conscience réflexive, sa base élémentaire si l'on veut.
La gageure de l'exercice se situe dans le fait que, dans l'imaginaire courant, c-à-d de l'attitude naturelle pour paraphraser Husserl, la conscience est systématiquement assimilée à la réflexivité, qui s'en trouve être le paradigme.
La gageure de l'exercice se situe dans le fait que, dans l'imaginaire courant, c-à-d de l'attitude naturelle pour paraphraser Husserl, la conscience est systématiquement assimilée à la réflexivité, qui s'en trouve être le paradigme.
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Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
L'attitude naturelle, ce n'est pas l'attitude immédiate, pour Husserl, tu sembles confondre. Et quand Husserl parle d'un retour aux choses même, j'aime y voir justement comme l'indique Heidegger que l'esprit ne doit voir que ce qu'il voit tel quel, sans rien rajouter, y compris la réflexivité, ce qui est on ne peut plus difficile.
Bon sinon que veux-tu démonter ? Qu'il existe un savoir intuitif du monde, par un esprit absolu ? Dis-le au moins clairement. Parce que mettre le degré zéro sur l'expérience pure, et faire face avec une conscience de plus en plus consciente dans ton sens, c'est aller vers l'absolu.
Et il est alors à noter que c'est partir d'une vision de la conscience, à ton défendant, des plus communes. Mais peut-être je me trompe ? Tu n'exprimes pas grand chose, c'est dur à juger.
Bon sinon que veux-tu démonter ? Qu'il existe un savoir intuitif du monde, par un esprit absolu ? Dis-le au moins clairement. Parce que mettre le degré zéro sur l'expérience pure, et faire face avec une conscience de plus en plus consciente dans ton sens, c'est aller vers l'absolu.
Et il est alors à noter que c'est partir d'une vision de la conscience, à ton défendant, des plus communes. Mais peut-être je me trompe ? Tu n'exprimes pas grand chose, c'est dur à juger.
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Laissons tomber Husserl, c'est préférable.
Je ne tente aucune démonstration. Je ne prétends pas qu'il existe un "savoir" intuitif du "Monde", encore moins un "esprit absolu".
C'est peut-être commun (j'émets des doutes cependant vu la teneur du retour) mais je parle bien ici de la conscience sans réflexivité. Je ne tiens en rien à me plonger dans la rationalité. Il ne s'agit donc pas d'invoquer la logique, les sciences ou la raison : seule l'expérience propre est à utiliser. L'expérience pure, celle qui conditionne même la réflexivité, voilà ce qui caractérise selon moi la conscience.
La réflexivité n'est qu'un mode de la conscience. En rien sa base.
J'exprime tout de même quelque chose, là, non ? :D
Je ne tente aucune démonstration. Je ne prétends pas qu'il existe un "savoir" intuitif du "Monde", encore moins un "esprit absolu".
C'est peut-être commun (j'émets des doutes cependant vu la teneur du retour) mais je parle bien ici de la conscience sans réflexivité. Je ne tiens en rien à me plonger dans la rationalité. Il ne s'agit donc pas d'invoquer la logique, les sciences ou la raison : seule l'expérience propre est à utiliser. L'expérience pure, celle qui conditionne même la réflexivité, voilà ce qui caractérise selon moi la conscience.
La réflexivité n'est qu'un mode de la conscience. En rien sa base.
J'exprime tout de même quelque chose, là, non ? :D
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
J'ai du mal avec toi, je passe la main.
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Jghislain a écrit:L'attitude naturelle, ce n'est pas l'attitude immédiate, pour Husserl, tu sembles confondre. Et quand Husserl parle d'un retour aux choses même, j'aime y voir justement comme l'indique Heidegger que l'esprit ne doit voir que ce qu'il voit tel quel, sans rien rajouter, y compris la réflexivité, ce qui est on ne peut plus difficile.
La différence entre Husserl et Heidegger tourne autour de cela .
Husserl rajoute la réflexivité
Il s’agit en effet de constituer le vécu comme phénomène ce qui ne peut passer que par un acte d’idéation spécifique.
citation tirée d 'un article de Florian ForestierIl s’agit pour Heidegger (à rebours de Husserl) d’opérer la déformalisation du phénomène et de saisir le lien qui lie originellement la phénoménalité du phénomène et ce qui se manifeste en lui. Le phénomène est compris en ce qu’il ouvre l’apparaître et l’apparaître est un « rendre manifeste », dans la mesure où il est apparaître de ce qui « se montre ». Le retour aux choses mêmes ne peut selon Heidegger se contenter de décrire les phénomènes en tant que modes d’accès aux étants ; il faut aussi comprendre la façon dont le sens d’être de l’étant se met en jeu à même sa monstration, la façon (pour le dire en termes neutres) dont la réalité du réel s’atteste en lui. Pour Heidegger, le phénomène tel que l’envisage Husserl, est un phénomène plat dont il faut retrouver la profondeur[15].
( et Heiddegger l'enlève)
http://transcendantal.hypotheses.org/53
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
L’expérience pure est constituée de qualia (sensations primaires, : sons, couleurs, etc), interface entre le sujet et le monde.Crosswind a écrit:Laissons tomber Husserl, c'est préférable.
Je ne tente aucune démonstration. Je ne prétends pas qu'il existe un "savoir" intuitif du "Monde", encore moins un "esprit absolu".
C'est peut-être commun (j'émets des doutes cependant vu la teneur du retour) mais je parle bien ici de la conscience sans réflexivité. Je ne tiens en rien à me plonger dans la rationalité. Il ne s'agit donc pas d'invoquer la logique, les sciences ou la raison : seule l'expérience propre est à utiliser. L'expérience pure, celle qui conditionne même la réflexivité, voilà ce qui caractérise selon moi la conscience.
La réflexivité n'est qu'un mode de la conscience. En rien sa base.
J'exprime tout de même quelque chose, là, non ? :D
Peut on simplement percevoir ces qualia sans un niveau de reflexivité primaire dans lequel analyse et perception se confondent ?
L’aperception n’est –elle pas réflexive par essence ?
Autrement dit, la conscience non réflexive dont tu parles n'est elle pas une illusion ?
puzzl- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Certes certes mais comme tu le dis plus bascrosswind a écrit:En d'autres termes, la conscience ne peut être dite « conscience » que lorsqu'elle se sait consciente. Mais en est-il réellement ainsi et, à bien y réfléchir, n'y aurait-il pas avantage à considérer la conscience non pas sous sa facette réflexive, c-à-d celle qui est familière à tous, mais bien plutôt sous son aspect primaire, brut, c-à-d sans réflexion ?
C'est à dire que nous avons des états de conscience dont nous n'avons pas conscience (ça peut sembler paradoxal ). Nous le savons confusément .crosswind a écrit:Toute la difficulté de l'entreprise réside dans le fait que l'expérience non-réflexive a cette fâcheuse tendance à s'évaporer au moment même où elle se produit.
Il y a pour nous des phénomènes antérieurement à la conscience que nous prenons qu'il y en a.
Le pour nous est problématique. Car le pour nous est déduit d' un état de conscience claire où le MOI ( le JE ) intervient.
Donc je déduis ( déduction, inférence ) que c'est moi qui suis conscient quand je n'ai pas conscience que c'est moi.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article521
à l'intention de crosswind ( mais de tous en fait )
à l'intention de crosswind ( mais de tous en fait )
Dernière édition par hks le Dim 15 Fév 2015 - 0:17, édité 1 fois
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
L'aperception peut être ( il faudrait préciser ce que tu entends par aperception mais il me semble que tu penses à une perception consciente d 'elle même... définition classique )puzzl a écrit:L’aperception n’est –elle pas réflexive par essence ?
mais la perception n' est pas réflexive par essence ... me semble- t- il .
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
oui, en effet, une perception n'est pas forcément consciente, par exemple un bruit en continu, dont on ne prend "conscience" que lorsqu'il cesse.
L'aperception (enfin de la façon dont je la comprend) est justement la conscience de la perception.
L'aperception (enfin de la façon dont je la comprend) est justement la conscience de la perception.
puzzl- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
oui mais ce que s évertue à dire crosswind ( avec raison à mon avis ) c'est que la perception est consciente sans que nous en ayons conscience.puzzl a écrit:oui, en effet, une perception n'est pas forcément consciente, par exemple un bruit en continu, dont on ne prend "conscience" que lorsqu'il cesse.
Maintenant je pense que nous avons (aussi) des affects du corps qui ne sont pas conscients ( mais pas du tout conscients) mais qui réveillent la conscience. Parler d' une "douleur inconsciente" est certes un non sens, mais pourtant, il y a un affect du corps qui réveille la conscience. C'est une souffrance du corps.
hks- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
hks a écrit:
oui mais ce que s évertue à dire crosswind ( avec raison à mon avis ) c'est que la perception est consciente sans que nous en ayons conscience.
.
en fait tout dépend ou l'on décide de placer le curseur qui définit un état de conscience...toute perception est par essence un changement (même minime) du sujet qui subit un stimuli (le monde agit sur le sujet donc le modifie), peut on parler de conscience dès la première réaction (physique, biologique ?) à cette modification ?
puzzl- Digressi(f/ve)
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Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
L'ensemble minimum de stimuli pour réagir, c'est l'expression moderne pour seuil de conscience chez Leibniz. Donc, c'est tout-à-fait ça.
Cependant, séparer entre aperception et perception, le niveau de conscience, c'est un peu vieillot aussi. Il vaut mieux rendre compte de façon moderne du degré de concentration ou de vigilance, cette dernière façon étant plus parlante que perception/aperception. Mais bon, rien n'empêche de revenir au temps de Leibniz ou de Kant. Pour Leibniz, il est vrai que ne se manifeste à la conscience l'alentours qu'à partir d'un seuil. Ce qui est très vérifiable.
"D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l'assemblage. C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps. Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants. Car toute attention demande de la mémoire, et souvent quand nous ne sommes plus admonestés pour ainsi dire et avertis de prendre garde, à quelques-unes de nos propres perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées ; mais si quelqu'un nous en avertit incontinent après et nous fait remarquer par exemple, quelque bruit qu'on vient d'entendre, nous nous en souvenons et nous nous apercevons d'en avoir eu tantôt quelque sentiment [...]. Et pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage. Pour entendre ce bruit comme l'on fait, il faut bien qu'on entende les parties qui composent ce tout, c'est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, c'est-à-dire dans ce mugissement même, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule."
Leibniz. (Nouveaux essais sur l'Entendement humain.)
Mais alors du coup parler de perception réflexive n'a plus trop de sens, puisque dans ce système philosophique la perception, ce n'est pas la conscience. Ceci dit cela explique bien comment le monde fait plus ou moins effet sur notre conscience (selon le seuil).
On peut voir aussi le pouvoir de l'imagination qui fait sortir l'esprit au-delà de son cadre habituel. En ce sens que l'imagination produit, à partir de ce qui est déjà-là, une extension vers la globalité, je veux dire la compréhension complémentaire du monde que l'on a déjà saisi. Kant en parle de façon très compliqué, mais cela rejoint un peu cela, du moins ce que j'en ai retenu.
Le plus important restant pour moi la présence d'esprit. A quoi sert un esprit très réfléchi, s'il n'est que regard tourné vers l'intérieur ? Ce serait nier le lien de l'esprit au monde. Le monde a son effet sur nous, et notre esprit est aussi là pour le ressentir. Pour aller plus loin encore, je pencherai d'autant plus pour le côté pragmatique de l'esprit, ce qui ne serait pas étranger à Sartre (l'idée de projet), puisqu'il en a été parlé dès le début du sujet. Pour le côté pragmatique de l'expérience de la conscience, le mieux c'est Bergson.
"Qui dit esprit dit avant tout conscience. Mais, qu'est-ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire queue, je puis la caractériser par son trait le plus apparent : conscience signifie d'abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur; elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé; elle peut ne retenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience ? Quand Leibniz disait de la matière que c'est " un esprit instantané ", ne la déclarait-il pas, bon gré, mal gré, insensible ? Toute conscience est donc mémoire - conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment : vous trouverez qu'il s’occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L’attention est une attente, et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est là ; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir. Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique. Cet instant n'est que la limite, purement théorique, qui sépare le passé de l'avenir ; il peut à la rigueur être conçu, il n'est jamais perçu ; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir nous sommes penchés ; s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir. Mais à quoi sert ce pont, et qu'est-ce que la conscience est appelée à faire ? Pour répondre à la question, demandons-nous quels sont les êtres conscients et jusqu'où le domaine de la conscience s'étend dans la nature. Mais n'exigeons pas ici l'évidence complète, rigoureuse, mathématique ; nous n'obtiendrions rien. Pour savoir de science certaine qu'un être est conscient, il faudrait pénétrer en lui, coïncider avec lui, être lui. je vous défie de prouver, par expérience ou par raisonnement, que moi, qui vous parle en ce moment, je sois un être conscient. Je pourrais être un automate ingénieusement construit par la nature, allant, venant, discourant ; les paroles mêmes par lesquelles je me déclare conscient pourraient être prononcées inconsciemment. Toutefois, si la chose n'est pas impossible, vous m'avouerez qu’elle n'est guère probable. Entre vous et moi il y a une ressemblance extérieure évidente ; et de cette ressemblance extérieure vous concluez, par analogie, à une similitude interne. Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu'une probabilité; mais il y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude."
Bergson. (L'Energie spirituelle.)
Cette utilisation de la conscience, elle se fait sur la base du réel. Comme l'explique très bien Husserl, la conscience est conscience de quelque chose. Heidegger le reprendra en admettant que ce lien au monde alentours, n'est pas que le simple fait de l'esprit mais fonde tout Dasein entier dans son existence.
"Si l'évidence cartésienne celle de la proposition : Ego cogito, ego sum est demeurée stérile, c'est parce que Descartes a négligé deux choses: d'abord d'élucider une fois pour toutes le sens purement méthodique de l'épokhè transcendantale; et, ensuite, de tenir compte du fait que l'ego peut, grâce à l'expérience transcendantale, s'expliciter lui-même indéfiniment et systématiquement; que, de ce fait, ce moi constitue un champ d'investigation possible particulière et propre.
Nous allons donc diriger la lumière de l'évidence transcendantale non plus sur l' ego cogito - ce terme est pris au sens cartésien le plus large, - mais sur les cogitationes multiples, c'est-à-dire sur le courant de la conscience qui forme la vie de ce moi (mon moi, le moi du sujet méditant). Le moi identique peut à tout moment porter son regard réflexif sur cette vie, qu'elle soit perception ou représentation, jugement d'existence, de valeur, ou volition... Il peut à tout moment l'observer, en expliciter et en décrire le contenu. [...]
La perception de cette table est, avant comme après, perception de cette table. Ainsi, tout état de conscience en général est, en lui-même conscience de quelque chose, quoi qu'il en soit de l'existence réelle de cet objet et quelque abstention que je fasse, dans l'attitude transcendantale qui est mienne, de la position de cette existence et de tous les actes de l'attitude naturelle. Par conséquent, il faudra élargir le contenu de l' ego cogito transcendantal, lui ajouter un élément nouveau et dire que tout cogito ou encore tout état de conscience « vise » quelque chose, et qu'il porte en lui-même, en tant que « visé » (en tant qu'objet d'une intention) son cogitatum respectif.
Chaque cogito, du reste, le fait à sa manière. La perception de la « maison » « vise » (se rapporte à) une maison ou plus exactement, telle maison individuelle de la manière perceptive: le souvenir de la maison « vise » la maison comme souvenir; l'imagination, comme image; un jugement prédicatif ayant pour objet la maison « placée là devant moi » la vise de la façon propre au jugement prédicatif; un jugement de valeur surajouté la viserait encore à sa manière, et ainsi de suite...
Ces états de conscience sont aussi appelés états intentionnels. Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité foncière et générale qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même."
Husserl. (Méditations cartésiennes.)
Cependant, séparer entre aperception et perception, le niveau de conscience, c'est un peu vieillot aussi. Il vaut mieux rendre compte de façon moderne du degré de concentration ou de vigilance, cette dernière façon étant plus parlante que perception/aperception. Mais bon, rien n'empêche de revenir au temps de Leibniz ou de Kant. Pour Leibniz, il est vrai que ne se manifeste à la conscience l'alentours qu'à partir d'un seuil. Ce qui est très vérifiable.
"D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l'assemblage. C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps. Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants. Car toute attention demande de la mémoire, et souvent quand nous ne sommes plus admonestés pour ainsi dire et avertis de prendre garde, à quelques-unes de nos propres perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées ; mais si quelqu'un nous en avertit incontinent après et nous fait remarquer par exemple, quelque bruit qu'on vient d'entendre, nous nous en souvenons et nous nous apercevons d'en avoir eu tantôt quelque sentiment [...]. Et pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage. Pour entendre ce bruit comme l'on fait, il faut bien qu'on entende les parties qui composent ce tout, c'est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, c'est-à-dire dans ce mugissement même, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule."
Leibniz. (Nouveaux essais sur l'Entendement humain.)
Mais alors du coup parler de perception réflexive n'a plus trop de sens, puisque dans ce système philosophique la perception, ce n'est pas la conscience. Ceci dit cela explique bien comment le monde fait plus ou moins effet sur notre conscience (selon le seuil).
On peut voir aussi le pouvoir de l'imagination qui fait sortir l'esprit au-delà de son cadre habituel. En ce sens que l'imagination produit, à partir de ce qui est déjà-là, une extension vers la globalité, je veux dire la compréhension complémentaire du monde que l'on a déjà saisi. Kant en parle de façon très compliqué, mais cela rejoint un peu cela, du moins ce que j'en ai retenu.
Le plus important restant pour moi la présence d'esprit. A quoi sert un esprit très réfléchi, s'il n'est que regard tourné vers l'intérieur ? Ce serait nier le lien de l'esprit au monde. Le monde a son effet sur nous, et notre esprit est aussi là pour le ressentir. Pour aller plus loin encore, je pencherai d'autant plus pour le côté pragmatique de l'esprit, ce qui ne serait pas étranger à Sartre (l'idée de projet), puisqu'il en a été parlé dès le début du sujet. Pour le côté pragmatique de l'expérience de la conscience, le mieux c'est Bergson.
"Qui dit esprit dit avant tout conscience. Mais, qu'est-ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire queue, je puis la caractériser par son trait le plus apparent : conscience signifie d'abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur; elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé; elle peut ne retenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience ? Quand Leibniz disait de la matière que c'est " un esprit instantané ", ne la déclarait-il pas, bon gré, mal gré, insensible ? Toute conscience est donc mémoire - conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment : vous trouverez qu'il s’occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L’attention est une attente, et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est là ; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir. Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique. Cet instant n'est que la limite, purement théorique, qui sépare le passé de l'avenir ; il peut à la rigueur être conçu, il n'est jamais perçu ; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir nous sommes penchés ; s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir. Mais à quoi sert ce pont, et qu'est-ce que la conscience est appelée à faire ? Pour répondre à la question, demandons-nous quels sont les êtres conscients et jusqu'où le domaine de la conscience s'étend dans la nature. Mais n'exigeons pas ici l'évidence complète, rigoureuse, mathématique ; nous n'obtiendrions rien. Pour savoir de science certaine qu'un être est conscient, il faudrait pénétrer en lui, coïncider avec lui, être lui. je vous défie de prouver, par expérience ou par raisonnement, que moi, qui vous parle en ce moment, je sois un être conscient. Je pourrais être un automate ingénieusement construit par la nature, allant, venant, discourant ; les paroles mêmes par lesquelles je me déclare conscient pourraient être prononcées inconsciemment. Toutefois, si la chose n'est pas impossible, vous m'avouerez qu’elle n'est guère probable. Entre vous et moi il y a une ressemblance extérieure évidente ; et de cette ressemblance extérieure vous concluez, par analogie, à une similitude interne. Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu'une probabilité; mais il y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude."
Bergson. (L'Energie spirituelle.)
Cette utilisation de la conscience, elle se fait sur la base du réel. Comme l'explique très bien Husserl, la conscience est conscience de quelque chose. Heidegger le reprendra en admettant que ce lien au monde alentours, n'est pas que le simple fait de l'esprit mais fonde tout Dasein entier dans son existence.
"Si l'évidence cartésienne celle de la proposition : Ego cogito, ego sum est demeurée stérile, c'est parce que Descartes a négligé deux choses: d'abord d'élucider une fois pour toutes le sens purement méthodique de l'épokhè transcendantale; et, ensuite, de tenir compte du fait que l'ego peut, grâce à l'expérience transcendantale, s'expliciter lui-même indéfiniment et systématiquement; que, de ce fait, ce moi constitue un champ d'investigation possible particulière et propre.
Nous allons donc diriger la lumière de l'évidence transcendantale non plus sur l' ego cogito - ce terme est pris au sens cartésien le plus large, - mais sur les cogitationes multiples, c'est-à-dire sur le courant de la conscience qui forme la vie de ce moi (mon moi, le moi du sujet méditant). Le moi identique peut à tout moment porter son regard réflexif sur cette vie, qu'elle soit perception ou représentation, jugement d'existence, de valeur, ou volition... Il peut à tout moment l'observer, en expliciter et en décrire le contenu. [...]
La perception de cette table est, avant comme après, perception de cette table. Ainsi, tout état de conscience en général est, en lui-même conscience de quelque chose, quoi qu'il en soit de l'existence réelle de cet objet et quelque abstention que je fasse, dans l'attitude transcendantale qui est mienne, de la position de cette existence et de tous les actes de l'attitude naturelle. Par conséquent, il faudra élargir le contenu de l' ego cogito transcendantal, lui ajouter un élément nouveau et dire que tout cogito ou encore tout état de conscience « vise » quelque chose, et qu'il porte en lui-même, en tant que « visé » (en tant qu'objet d'une intention) son cogitatum respectif.
Chaque cogito, du reste, le fait à sa manière. La perception de la « maison » « vise » (se rapporte à) une maison ou plus exactement, telle maison individuelle de la manière perceptive: le souvenir de la maison « vise » la maison comme souvenir; l'imagination, comme image; un jugement prédicatif ayant pour objet la maison « placée là devant moi » la vise de la façon propre au jugement prédicatif; un jugement de valeur surajouté la viserait encore à sa manière, et ainsi de suite...
Ces états de conscience sont aussi appelés états intentionnels. Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité foncière et générale qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même."
Husserl. (Méditations cartésiennes.)
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La vérité n'est que la simple découverte du monde
Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Il est utile de rappeler que l'histoire de la philosophie a très naturellement opté pour une définition réflexive de la conscience. Très "naturellement" car la réflexivité joue le rôle principal dans notre quotidien. Bitbol compare cette tendance à un biais cosmologique, et je dois avouer que son argumentaire me frappe (puisque partagé depuis longtemps par ma pomme). Bertrand Russel critique vertement l'intentionnalité nécessaire de la conscience en allant chercher des états de conscience purement passifs (un ressenti quelconque). Après tout, il est parfaitement envisageable de subir une conscience de manière purement "atone". J'en ai fait l'expérience dans ma prime jeunesse (peu de temps, j'ai jamais vraiment accroché) avec le cannabis. Ce truc était capable d'ôter la réflexivité de la conscience et de faire vivre des émotions, des percepts, sans plus rien d'autre pour le "réfléchir". Et si l'on prend garde au quotidien, il est relativement aisé de découvrir une multitude de moments non réflexifs. Mais pourtant conscients. Un exemple amusant est, par exemple, la constatation que si vous entendiez bel et bien du son, vous ne compreniez pas que ce son était en réalité des paroles, absorbés dans un vide songeur, une déconnexion passagère. Subitement, vous vous rendez compte que ce brouhaha indéfini est une phrase prononcée par un collègue, par exemple. De même, toujours absorbé dans on ne sait quoi, vous vous rendez subitement compte que ce qui vous apparaît est un feu rouge et qu'il est temps de freiner. Ces exemples peuvent être niais, ils n'en sont cependant pas inutiles.
Décidément cette séparation est de la plus haute importance... Surtout lorsque l'on songe que la mise à l'écart de la conscience primaire tant en philosophie qu'en sciences dites dures telles que les sciences cognitives ne va pas sans lourdes conséquences. Physicalisme et dualisme en sont, en effet, ses rejetons les plus probables.
Décidément cette séparation est de la plus haute importance... Surtout lorsque l'on songe que la mise à l'écart de la conscience primaire tant en philosophie qu'en sciences dites dures telles que les sciences cognitives ne va pas sans lourdes conséquences. Physicalisme et dualisme en sont, en effet, ses rejetons les plus probables.
Dernière édition par Crosswind le Dim 15 Fév 2015 - 3:26, édité 1 fois
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 29/07/2014
Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
puzzl a écrit:hks a écrit:
oui mais ce que s évertue à dire crosswind ( avec raison à mon avis ) c'est que la perception est consciente sans que nous en ayons conscience.
.
en fait tout dépend ou l'on décide de placer le curseur qui définit un état de conscience...toute perception est par essence un changement (même minime) du sujet qui subit un stimuli (le monde agit sur le sujet donc le modifie), peut on parler de conscience dès la première réaction (physique, biologique ?) à cette modification ?
Otons toutes considérations scientifiques pour l'heur. Il suffit d'une analyse subjective pour analyser ce fait.
Dernière édition par Crosswind le Lun 16 Fév 2015 - 8:33, édité 1 fois
Crosswind- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2711
Date d'inscription : 29/07/2014
Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
hks a écrit:http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article521
à l'intention de crosswind ( mais de tous en fait )
Je connaissais ce lien, merci du rappel ;-)
Crosswind- Digressi(f/ve)
- Nombre de messages : 2711
Date d'inscription : 29/07/2014
Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
Ben oui, c'est important.
Et puis les états comateux, vous trouvez ça intéressant à étudier ou même à voir ?
Sinon, en-deça, Heidegger parle bien de ta passivité, il l'explique par le phénomène d'être "transi". Sous-entendu par l'habitude d'une violence faite sur-soi à laquelle on s'habitue, et dont on n'en a plus conscience !
Si ça peut t'aider dans ton raisonnement...
Et puis les états comateux, vous trouvez ça intéressant à étudier ou même à voir ?
Sinon, en-deça, Heidegger parle bien de ta passivité, il l'explique par le phénomène d'être "transi". Sous-entendu par l'habitude d'une violence faite sur-soi à laquelle on s'habitue, et dont on n'en a plus conscience !
Si ça peut t'aider dans ton raisonnement...
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La vérité n'est que la simple découverte du monde
Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
hks a écrit:
Donc je déduis ( déduction, inférence ) que c'est moi qui suis conscient quand je n'ai pas conscience que c'est moi.
L'inférence est en effet un moyen faible de mettre en exergue l'expérience phénoménale. Mais les exemples cités plus haut rendent compte d'une expérience plus proche, celui où l'on se rend compte du glissement d'une pure phénoménalité sans réflexivité vers état réflexif.
Pour reprendre l'idée de la douleur : qui n'a pas un jour souffert quelque part, dans un demi-sommeil vide, d'une douleur diffuse à l'estomac ou à la tête, une quelconque nausée, sans réflexivité ? Dans ces moments il n'y a plus de réflexivité, simplement un ressenti extrêmement confus de "mal-être". Mais il ne s'agit plus de Soi, ni d'un jugement, ni d'une étiquette placée sur l'état en question. C'est alors un pur ressenti
Crosswind- Digressi(f/ve)
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Date d'inscription : 29/07/2014
Re: Définition de la conscience ; de la diférenciation entre expérience pure et auto-réflexion.
disons que pour un rationaliste c'est un moyen fort.crosswind a écrit:L'inférence est en effet un moyen faible de mettre en exergue l'expérience phénoménale.
Pour un phénoménologue, s'il faut décrire, on entre justement dans l'indescriptible. On ne sait pas parce qu'on ne voit plus rien ou bien que très confusément, où placer le curseur.
Il y a un niveau de "ressenti du corps" qui n'est pas un ressenti mental sans qu'il y ait à priori de frontière supposée entre ces deux ressentis . Est- ce que je peux inférer/ déduire une frontière ? Une ligne de démarcation?
C' est le problème du dualisme.
Ce"ressenti du corps" est une déduction pas un éprouvé conscient . Il n'est pas su mentalement. C'est une affection du corps (une perturbation ). Mais toutes les affections du corps n éveillent pas une conscience de douleur ( ou plaisir ). Je n'affirme rien péremptoirement je propose.
hks- Digressi(f/ve)
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