Réflexion sur l'absurde
Page 1 sur 1
Réflexion sur l'absurde
MJ a écrit:Petite réflexion sur l’absurde :
On parle tous d’absurde. c’est un mot qui revient sans cesse , sentiment sur lequel on se penche ou on se heurte, en particulier chaque fois qu’il est question de l’existence .
C'est une bonne introduction à l'identité psychologique de la personne en proie à l'absurde :
ce sentiment existentiel qui surgit, qui nous couvre de doute, s'empare de la force de nos certitudes pour mieux les malaxer.
Nous voici mis à nu. Et pourtant, on se rhabille.
Le désespoir est passé, une broutille nous suffit pour reconnaitre les charmes épineux que nous cueillons dans la vie, l'espoir nous porte.
Un temps seulement puisque tout espoir qui se frotte à la réalité s'effondre nécessairement.
On murit, on est plus ou moins lucide quant à ses certitudes, quant aux illusions qui nous porte, qu'on porte, qu'on se donne à ouvrir comme la boïte de Pandore.
Mais une fois fait l'expérience absurde, le vertige de la dialectique espoir/désespoir ne fonctionne plus comme autrefois.
On a frotté nos projets jusqu'à laisser visibles les traces de leur incomplétude, récurré nos échecs, débouché les chiottes de nos dogmatismes personnels.
Et on reconnait alors que la vie est une fosse sceptique qui sent la mortalité, l'impuissance de nos actes à changer, comprendre le monde tel qu'on l'espérait.
La pureté n'est pas. Elle n'est pas faite humaine.
Bergson, dans Essai sur les données immédiates de la conscience exprime aussi l'idée que la psyché humaine est inconstance et non monolithisme, quand il évoque les rythmes des durées psychologiques et leur fréquente superposition.
Je suis triste, j'ai toute les raisons d'être triste.
Et pourtant je souris d'une joie brute, entière, faite d'impressions mixtes à la vue d'une mimique vivante, fugitive. Et ce n'est pas du rire captant l'automatisme pratique mis en échec par la contingence, juste une remémoration à la vie.
J'ai toute la réussite possible dans ma vie et pourtant le bonheur m'ennuie.
Suis-je heureux ? Reste une séparation.
Peut-être est-ce d'ailleurs celle que Debord transpose au niveau social dans sa lecture marxiste de la société spectaculaire marchande.
Incompréhension entre soi et le monde.
C'est la première strate de l'absurde, la dernière en partant de la surface.
MJ a écrit:[...]les plus admirables ou les plus arrogants sont ceux qui acceptent la loi rigoureuse de la nature où tout est périssable, où l’homme issu de rien dont il puisse garder la mémoire, et voué à rien où il puisse se projeter ou espérer se reconnaître. Ceux-là ont acquis pour eux la certitude de leur provisoire, du temporaire, du fugace.
Rationalisme, ou stoïcisme, dépit, complaisance ou résignation et cependant ils vivent. Ils acceptent cette existence qui n’a aucun sens et prennent le parti d’être et d’agir pour le temps qui leur est imparti.(un écho !)
C'est ce que j'appelle l'éphémérisme.
Un constat sans concession de l'existence basé universellemnt sur la découverte de sa propre mortalité.
Un point de non-retour qui nous révèle à ou nous perd en nous-même quant à la suite de l'existence.
Un trait tiré sur le bonheur, une lucidité à construire, l'inachèvement créateur, une ouverture sur les possibles.
En son sein, c'est l'absurde qui l'anime, le repousse et le nuance.
Le mouvement dialectique ne suffit plus dans sa linéarité, son étanchéité, ses synthèses.
La ligne se fait spirale, s'enrichit des différences, des expériences, l'individuel heurte autrui, se mélange aux collectifs et demeure tel, l'existentiel se transperce, transparait comme un papier calque sur fond de devenir social, d'histoire granuleuse, les deux faces positives et négatives de l'existence ne se contre-balancent, ne se jaugent plus mais s'enfourchent, s'épaulent incessamment, forment une clé de voute.
C'est lorsqu'on accepte sa mort que l'on commence à vivre.
On n'a jamais fini d'accepter sa vie/ supporter sa liberté.
Il ne faut jamais accepter la mort, naturelle ou provoquée.
Commencer, commencer une spirale sans fin, autre façon de penser s'enfermer libre.
MJ a écrit:Mais en regardant Sisyphe je me suis demandée quel était le stade ou ce sentiment de l’absurde était le plus douloureux, le moment où l’équilibre des forces vitales et mortifères étaient le plus fragile , l’instant où il pouvait prendre le sens de désespoir.
Est-ce quand le rocher est en bas, et que du regard Sisyphe mesure la distance et l’effort à accomplir ? L’inutilité de la Tâche ? Il sait le poids du rocher ; il en connaît la valeur . Déjà le parti est pris, quitte à s’effondrer en route, à se faire écraser, il sait qu’une nouvelle fois il relèvera le défi.
Tant qu’il hissera le rocher, il ne songe plus qu’à l’effort. L’instant est exaltant.
Est-ce là haut alors ? Quand le rocher retombe , qu’il dévale la pente, qu’il le voit lui échapper , aspiré par l’invincible loi naturelle ? Il assiste impuissant à la chute mais sa révolte est toujours en lui, la haine ou la colère le fait vivre.
Non le moment le plus tragique à mon sens , c’est ce moment où il est lui-même au sommet et que le rocher est en bas , que le rocher lui a échappé, que le lien est rompu. Il n’a même plus le désir de rejoindre le rocher. Il renonce à son rocher .
C’est alors qu’il se dit : « à quoi bon » , ce qui n’est même pas une question .Vaincu par l’absurde , il n’a plus qu’un désir , celui de se coucher et de disparaître.
Le moment le plus tragique est peut-être de s'arrêter en chemin.
Voire de s'économiser en chemin, sur le mode fausse ataraxie/non-éprouvé.
Celui qui ne souffre pas ne sait point ce qu'il ne perd pas.
Rien n'est dit. Mais ça ressemble à un élan vital, du genre cervidé avec pare-choc fatality-proof.MJ a écrit:Et quel élan plus fort va le pousser à redescendre ?
salviateur a écrit:L'absurde est ce qui n'a pas de raison d'être. On ne sait pas pourquoi il est: il s'autosuffit; ainsi l'absurde est nécessairement autonome, indépendant. Certes il n'est pas sa propre fin, mais sa fin est en lui, elle est à trouver et reste introuvable. Donc l'absurde de notre condition d'homme s'autosuffit et s'auto-justifie, d'où l'apparente absence de justification, alors que simplement il n'est pas à justifier.
Il n'est pas à penser.
Je ne pense pas qu'il ne soit que contraire à la raison, mais certes il n'est pas raison. Mais sûrement l'absurde s'offre à la raison, cadeau empoisonné, objet impensable qui se donne à penser...
Ou l'absurde est l'insuffisance de la raison à valoir la peine d'être.
Existence injustifiable.
Et dès lors, c'est de liberté absurde qu'il s'agit, une liberté qui surgit au détour d'un rien, d'un petit effondrement du réel, un monde qui émerge dans les replis multiples du contingent, engeance du continent murale qu'on n'explore que si on a a force de ne pas le raser mais de s'y engouffrer pour se laisser submerger par la vie.
Car l'absurde n'est pas un constat lointain, d'une lointaine étrangeté à nous-même, mais une voie/-x de l'existence à laquelle il est bien difficile d'être fidèle jusqu'à la fin.
On n'en rentre pas au bercail indemne.
Toute terra incognita nous dérobe, au coeur des ténèbres, le poids de notre somnolence pour une veille joyeuse et mortuaire, mortifère et festive, suspend au dessus de nos tête un soleil de Damoclès qui, s'il agrandit nos ombres au risque qu'on s'y confonde vaut la peine de sortir de notre caverne.
J'en veux pour preuve
- d'un côté la figure du conquérant pour qui,
comme le relève Camus, surmonter signifie toujours se surmonter
- et d'autre part pour la création absurde, Dostoïevski qui conclut contre ses personnages : "L' existence est mensongère et elle est éternelle".
Dostoïevski, se sentant humilié par la nature de sa mortalité, de ne pouvoir être heureux qu'au prix de ce qu'il qualifie d'asservissement à un être immortel, a voulu se venger ("je la condamne à être anéantie avec moi", Journal d'un écrivain), et choisit la vie dans cette honte. Cette décision qui a la force de son incertitude, a aussi la valeur du chemin absurde qu'il a fait parcourir à ses créatures comme à lui-même.
Sujets similaires
» Reflexion sur l'alterité
» Réflexion sur la philo - III -
» Réflexion sur la question « trolle » ...
» RÉFLEXION SUR LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE - I -
» RÉFLEXION SUR LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE - II -
» Réflexion sur la philo - III -
» Réflexion sur la question « trolle » ...
» RÉFLEXION SUR LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE - I -
» RÉFLEXION SUR LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE - II -
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|