Le Deal du moment : -28%
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 ...
Voir le deal
279.99 €

La théorie computationnelle de l’esprit

2 participants

Aller en bas

La théorie computationnelle de l’esprit Empty La théorie computationnelle de l’esprit

Message par Grégor Sam 3 Fév 2024 - 12:28

Cette théorie, qui considère l’esprit humain comme une sorte d’ordinateur, et dont je commenterai ici l’ouvrage de Steven Pinker, intitulé Comment fonctionne l’Esprit, semble entrer en contradiction avec l’idée, que j’ai souvent défendue, selon laquelle l’homme n’est pas une chose, n’est pas un objet. Cependant, elle ne l’est pas.
Il est fort possible (en vérité nous n’y connaissons rien) que les progrès en informatique permettent un jour de créer ce que nous appelons la conscience et qui est le propre de l’homme. Probable aussi que la conscience que nous pensons une, soit en réalité composée de différents modules, eux-mêmes décomposables en autres éléments composés, jusqu’aux premiers maillons de la chaîne, qui accomplissent des tâches simples, voire binaires.
Pourtant si la science permettait de créer une conscience, cela ne changerait rien à la distinction que nous pouvons faire entre conscience et objet. Cette conscience créée deviendrait une personne et ne pourrait plus être réifiée comme une vulgaire chose.
Mais l’ordinateur que je tiens dans mes mains n’est pas une personne, aussi intelligent soit-il. S’il en tombait, ce ne serait pas un drame.
Quant à la conscience une, si le mécanisme qui rend cette illusion possible est composé de multiples éléments, cette illusion n’en est pas moins fondamentale et constitutive de notre personne morale. Le dessinateur Joseph Béhé, dans sa bande dessinée (Et l’homme créa les dieux), dit que nous sommes des invités dans notre propre esprit, comparant celui-ci à un château, dont les serviteurs invisibles accompliraient toute une série de tâches qui rendent possible notre habitation en ce monde. Ce qui, en tant que philosophes, nous a passionné, c’est justement ce fonctionnement en acte de l’esprit, non pas la structure, l’invité et non pas ses serviteurs.
Il n’y a pas là de contradiction. Mais nous devons reconnaître que cet ouvrage de Steven Pinker répond à beaucoup de questions que nous nous posions. Notamment sur le rôle de la sélection naturelle dans la création de l’esprit humain et de sa conscience. La science répond à bien des questions philosophiques et c’est une aventure passionnante que de suivre les travaux de ces chercheurs qui offrent des réponses aux plus profonds des mystères.
Pourtant, la ligne de partage entre science et philosophie reste structurante. Mieux que philosophie et science disons plutôt entre science (qui a des objets d’étude) et morale (qui s’intéresse à l’homme en tant que « sujet » ou Dasein, être-au-monde). La philosophie englobe les sciences et la morale et pense les distinctions fondamentales entre les deux.
Dans l’ouvrage que nous avons déjà cité plus haut de Steven Pinker nous apprenons par exemple qu’il existe une différence entre les sexes. Toute la différence viendrait de l’investissement que la femme et l’homme mettent dans leur progéniture. La femme portant l’enfant a besoin d’un père attentif qui l’aide à prendre soin de son enfant. L’homme, s’il est d’un côté tenu d’être attentif au développement de ses enfants afin que ses gènes soient représentés à la génération suivante, peut très bien tenter sa chance ailleurs afin d’augmenter la probabilité d’avoir des descendants. Cela explique pourquoi les hommes sont davantage prédisposés à être attirés par des femmes séduisantes et choisissent leur(s) partenaire(s) d’après des critères physiques quand les femmes sont davantage intéressées par le statut du conjoint potentiel et son investissement dans la relation. Autre aspect, la jalousie des hommes s’explique du fait qu’un mari trompé peut investir de son temps et de son énergie à s’occuper d’enfants qui ne sont pas les siens. La jalousie de la femme porte plutôt sur le temps que son mari lui consacre.
En définitive ces explications théoriques sur la nature de l’homme et de la femme, si elles se révèlent éclairantes, ne peuvent pas servir de règles éthiques. Notre nature a été façonnée par l’évolution et nos gènes qui cherchent à se reproduire le plus possible. C’est ainsi que nous sommes fabriqués par la nature. Beaucoup de nos comportements s’expliquent par la manière dont nous sommes constitués. Pourtant nous ne sommes pas totalement déterminés et nous pouvons librement suivre une éthique qui s’écartera des seuls enjeux de nos gènes. La contraception en est un exemple flagrant. Si notre nature nous pousse à avoir des relations sexuelles, nous contournons ses projets grâce aux moyens contraceptifs. Cet exemple montre que nous pouvons faire des choix et encore une fois la connaissance de nos déterminations est une aide précieuse si nous voulons les réaliser.
L’homme n’est jamais ce que les théories sur l’homme nous en enseignent. Pourtant dans les faits ces théories sont corroborées et c’est même ainsi qu’elles sont élaborées, ce qui signifie que les êtres humains agissent en grande partie selon leur nature. Or, cette nature n’est ni bonne ni mauvaise, elle répond comme nous l’avons dit aux exigences de nos gènes qui l’ont façonnée au cours de l’évolution. Nous avons le choix de lutter contre ce que nous estimons mauvais dans cette nature. L’inégalité entre les hommes et les femmes par exemple. La compétition afin d’avoir un maximum de descendants et pour ce faire d’accumuler du pouvoir et de l’argent. Nous pouvons édicter des lois qui nous permettent de nous tenir à nos engagements. En définitive la science ne nous dit pas ce que nous devons faire mais pourquoi nous le faisons à notre insu quand nos gènes et la manière dont notre organisme a été fabriqué par eux pilotent toutes nos décisions. Les théories sur l’homme ne nous expliquent pas pourquoi nous devons avoir un comportement éthique. Elles n’expliquent pas nos devoirs, seulement nos actes quand ils ne sont justement pas motivés par notre devoir.
Grégor
Grégor
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 255
Date d'inscription : 14/04/2022

Revenir en haut Aller en bas

La théorie computationnelle de l’esprit Empty Re: La théorie computationnelle de l’esprit

Message par Grégor Sam 3 Fév 2024 - 12:31

L’homme n’est pas une chose

Publié le 30 octobre 2018 par Gregor

 Platon aurait défini l'homme comme un animal bipède sans plume. Je ne sais si cette anecdote de Diogène de Cynope est véridique, mais toujours est-il qu’elle nous permet de penser ce que n’est justement pas l’homme, c’est-à-dire, son simple aspect, son eidos, une chose. Pour qu’un aspect quelconque de l’homme puisse émerger, il faut déjà que l’homme rende possible cette émergence. L’aspect n’est donc pas l’être de l’homme, mais l’homme rend possible tous les aspects du monde, toutes les choses du monde. Mais nous appelons chose ce qui est visé dans son seul aspect. Or, il manque une partie du monde,  outre l’homme qui n’est pas une chose, lorsque nous disons « toutes les choses du monde », ce sont les étants disponibles, les outils, bref ce que nous utilisons sans les prendre expressément sous la visée de leur simple aspect.

        Mais revenons à l’homme. Nous devrions dire, tout ce qui est, est pour un homme, y compris l’aspect physique de l’homme qui en est dérivé. Notre tendance actuelle est de penser que l’homme est son corps, car le corps rendrait possible l’homme. Nous invoquons pour ce faire la causalité, la cause de ce que nous sommes serait notre corps. Nous serions donc notre corps. Mais plus haut que la cause est le possible. Et la possibilité même de se saisir conceptuellement d’un corps est seconde par rapport à l’homme qui rend possible toute saisie conceptuelle. L’homme est la brèche par laquelle l’être est. Il est donc son corps, mais aussi le monde qui lui est extérieur. On pourra me rétorquer que le monde extérieur ne se donne que par l’intermédiaire de mon corps, mais ce raisonnement n’est qu’une reconstitution après coup d’une expérience première dans laquelle tout se donne. Cette donation première est la brèche ouverte de l’être. Et la reconstitution seconde consiste déjà à faire de l’homme une chose. Dire que l’homme est une chose n’est pas faux, on peut dire quantité de choses exactes sur l’homme chosifié, mais on n’atteint pas là son être véritable. L’homme n’est pas une chose, mais rend possible toute chose et tout étant disponible, bref il rend tout possible. Les choses ne se donnent pas à mes sens comme nous l’apprenons à l’école, mais les choses sont pour nous le plus souvent des non-choses, avec lesquelles nous entretenons une relation de familiarité telle que nous les remarquons à peine quand nous les utilisons, c’est-à-dire que nos sens ne sentent pas particulièrement les habits que nous portons et qui nous réchauffent, le stylo a été oublié de ma main, la lumière qui m’éclaire n’est pas vue pour elle-même. Cette première restriction indique seulement que les étants disponibles n’ont pas besoin d’être remarqués comme choses pour être en relation avec nous.

        Mais toujours obstinés me répondrez-vous qu’il faut bien que les choses se donnent à un corps pour exister. Bien sûr cette évidence semble parfaite et décrire complètement l’être de l’homme. Sauf que justement ce qu’est un corps n’est pas éclairé par là. Car pour qu’un corps, le mien, soit, il faut d’abord que l’homme que je suis soit pour pouvoir le prendre en compte comme corps. Vous me direz que la conscience n’est qu’un morceau de cerveau et je vous répondrai : sans doute, mais pour que le cerveau soit il faut que vous puissiez le prendre en compte comme cerveau. Le prendre en compte est premier et encore ce prendre en compte là est-il dérivé, car la connaissance dans l’expérience que nous faisons du monde n’est pas première, mais la pratique la précède et avec, l’utilisation des étants disponibles. Que nous ayons remarqué à juste titre que le corps est en quelque sorte le réceptacle de mes impressions extérieures ne doit pas nous dispenser de penser plus en avant ce qu’est l’homme. L’homme est avant cette séparation entre corps et monde extérieur. Pour l’homme se donnent à la fois corps et monde extérieur, l’homme n’a pas d’intériorité il est extériorité pure. Jamais nous ne sentons le passage d’un corps extérieur vers notre corps, mais nous sommes immédiatement auprès du monde et des choses ou des étant disponibles qui nous entourent. Et c’est à partir du monde que nous revenons à notre corps. Lors de la maladie par exemple, nous revenons à notre corps douloureux et nous remarquons sa présence alors que tant que nous étions en bonne santé il ne se faisait pas remarquer. Ainsi nous sommes pure extériorité.

        L’homme est une non-chose il n’est rien d’étant dans le monde que ce soit l’étant disponible qui n’est pas non plus une chose ou de l’étant subsistant que nous appelons chose. Il est la condition de possibilité de tous les étants : son corps, les corps extérieurs, les autres êtres humains, le monde. Il est une pure possibilité d’être. Une pure ouverture de l’être. Ce rien d’étant dans le monde et ce pur possible est aussi libre, ce qui le différencie des choses qui obéissent aux lois de la causalité. Ceci est un premier indice vers la non subsistance du sujet. Mais en creusant davantage il semblerait que la vision à outrance d'un monde simplement subsistant soit une tendance forte du Dasein moderne. Tellement forte que les évidences par elle déployées semblent invincibles. Ainsi l’homme moderne continue de penser avec Platon que l’homme est un animal bipède sans plume, même si la description s’est étoffée de concepts scientifiques toujours plus précis. Mais se résoudre à ce que l’homme ne soit rien d’étant dans le monde mais être au monde, voilà la tâche la plus haute de la pensée. Clouer le bec à Platon n’est pas chose aisée.
Grégor
Grégor
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 255
Date d'inscription : 14/04/2022

Revenir en haut Aller en bas

La théorie computationnelle de l’esprit Empty Re: La théorie computationnelle de l’esprit

Message par Vanleers Sam 3 Fév 2024 - 16:36

gregorirlande@hotmail.fr a écrit:
En définitive ces explications théoriques sur la nature de l’homme et de la femme, si elles se révèlent éclairantes, ne peuvent pas servir de règles éthiques. Notre nature a été façonnée par l’évolution et nos gènes qui cherchent à se reproduire le plus possible. C’est ainsi que nous sommes fabriqués par la nature. Beaucoup de nos comportements s’expliquent par la manière dont nous sommes constitués. Pourtant nous ne sommes pas totalement déterminés et nous pouvons librement suivre une éthique qui s’écartera des seuls enjeux de nos gènes.  

Reprenant les mots de Maurice Zundel, catholique spirituel (1897-1975), la nature a donné naissance à l’homme réel, le vieil homme.
L’homme possible, l’homme nouveau, naît dans une nouvelle naissance, renaît de  l’Esprit (Jean 3, 1-3).

Vanleers
Digressi(f/ve)
Digressi(f/ve)

Nombre de messages : 3971
Date d'inscription : 15/01/2017

Revenir en haut Aller en bas

La théorie computationnelle de l’esprit Empty Re: La théorie computationnelle de l’esprit

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum